exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
ne peut �tre utilis� � des fins commerciales
ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Depuis une quarantaine d'ann�es, les r�publicains se sont fait fort de r�duire le poids de l'Etat f�d�ral. Or l'actuelle lutte contre le terrorisme, men�e par une �quipe r�publicaine qui, pourtant, adh�re totalement aux critiques contre le Big Government, remettrait en cause l'engagement conservateur en faveur de la d�centralisation. Les diff�rentes mesures annonc�es depuis septembre 2001 vont toutes dans le m�me sens, un consid�rable renforcement de la pr�sence de l'Etat f�d�ral. Comme toutes les guerres men�es par les Etats-Unis, celle entam�e contre le terrorisme risquerait, elle aussi, de renforcer la centralisation. Quels sont les aspects de ce retour de l'Etat central ? Comment s'op�re la recentralisation, et avec quelles cons�quences dans l'�quilibre f�d�ral ? Finalement, quelles sont les conclusions � tirer de cette �volution ? En particulier, comment s'articule la lutte contre le terrorisme avec 'engagement conservateur en faveur des Etats f�d�r�s ?
Selon nous, la lutte contre le terrorisme ne serait pas similaire aux �volutions entra�n�es par les autres conflits. Elle d�bouche en fait sur un activisme tous-azimut, qui concerne aussi bien l'Etat f�d�ral que les Etats f�d�r�s et les autorit�s locales (villes, comt�s). Plut�t que de parler de centralisation, il faudrait �voquer un renforcement des fonctions l�gitimes de chacun des niveaux du gouvernement : la d�fense et la protections des citoyens pour le niveau f�d�ral ; les autorit�s locales, elles, g�rent les moyens de r�ponse imm�diats aux agressions terroristes (police, pompier, sant�). L'essentiel des probl�mes suscit�s par la protection du territoire contre le terrorisme r�side dans la coordination entre les diff�rents organes. L'administration actuelle s'engage r�solument dans cette voie, et entame une r�organisation massive des administrations nationales.
Dans le mois qui a suivi l'attentat du 11 septembre, l'administration a proc�d� � un certain nombre d'initiatives spectaculaires � plus d'un titre, notamment par l'intrusion massive des autorit�s f�d�rales dans diff�rents domaines o�, jusqu'alors, l'interventionnisme f�d�ral n'�tait pas de mise. A commencer par la s�curit� a�rienne, au vu, bien s�r, du d�roulement des attentats : les attaques contre des objectifs civils semblaient alors �tre l 'objectif de pr�dilection des groupes islamistes. C'est pourquoi, sous la responsabilit� du Secr�taire aux Transports, Norman Y. Mineta, un nouveau texte a �t� adopt� par le Congr�s d�s le 19 novembre, le Aviation and Transportation Security Act (ATSA, Public Law 107 - 71). Ainsi est institu�e la Transportation Security Administration (TSA), qui prend en charge la s�curit� de l'aviation civile, auparavant de la responsabilit� de la Federal Aviation Administration (FAA). A partir de f�vrier 2002, la nouvelle instance a " f�d�ralis� " les points de contr�le des 429 a�roports commerciaux des Etats-Unis, processus, qui, en fin de compte, devrait encore prendre quelques mois. Dor�navant, les compagnies priv�es de s�curit� - jusqu'ici sous-traitantes des compagnies a�riennes - ne sont donc plus responsables du contr�le des passagers ; pr�s de 28000 fonctionnaires f�d�raux doivent maintenant prendre le relais, et leur recrutement devrait se faire avec des crit�res plus exigeants que ceux requis jusqu'alors. Pendant ce temps, les craintes d'attentats contre d'autres types de cibles civiles se multipliaient. Ainsi, un certain nombre d'�lus d�mocrates (dont le S�nateur de New York Hillary R. Clinton) ont appel� en novembre � une prise en charge f�d�rale de la s�curit� des 103 centrales nucl�aires du pays par la Nuclear Regulatory Commission. Mais l'initiative est, pour le moment, rest�e lettre morte au Congr�s : en l'�tat actuel de la situation, la protection des sites nucl�aires est toujours assur�e par les quelques 57000 r�servistes et membres de la Garde Nationale qui ont �t� mobilis�s suite aux attentats. Initialement charg�s aussi de la s�curit� dans les a�roports, ils en ont �t� rapidement relev�s lors de la cr�ation de la TSA ; ils assurent maintenant exclusivement la d�fense des centrales nucl�aires, et l'administration Bush semble s'en satisfaire.
Ces actions imm�diates ont �t� renforc�es par d'autres mesures, budg�taires, qui vont directement � l'encontre du lib�ralisme �conomique pr�n� par les r�publicains. Ainsi, le Pr�sident a imm�diatement d�cid� des aides d'urgence : 40 milliards de dollars r�partis entre l 'Etat de New York et le FBI, les agences de renseignement et l'arm�e ; � ce montant s'ajoute 15 milliards de dollars pour aider les compagnies a�riennes. Autant dire que le non-interventionnisme �conomique de l'Etat f�d�ral a �t� imm�diatement relegu� au second rang devant l'urgence de la situation. La restriction budg�taire a tout de suite c�d� la place � la n�cessit� de lutter contre le terrorisme.
Apr�s quatre ann�es d'exc�dents f�d�raux, le budget de 2003 - qui d�bute en octobre 2002 - renoue avec les d�ficits. Sous l'effet conjugu� du ralentissement �conomique et de la lutte contre le terrorisme (les d�mocrates rajouteraient aussi les baisses d'imp�ts parmi les facteurs explicatifs), le budget devrait afficher un d�ficit de l'ordre de 43 milliards de dollars. Les principaux postes budg�taires sont dor�navant la s�curit� du territoire (homeland security) et la d�fense. Dans le premier cas, le budget passe de 15 milliards de dollars � 38 milliards, une part non-n�gligeable (un peu moins de trois milliards) �tant consacr�e � la lutte contre le bioterrorisme. A un niveau institutionnel, et plus seulement fonctionnel, l'administration Bush a d�cid� de renforcer consid�rablement les polices locales, pompiers, et services d'urgence, qui, tous, constituent la premi�re ligne de d�fense vis-�-vis des attaques terroristes. Environ 3,5 milliards de dollars - soit une multiplication par dix des financements ant�rieurs - sont ainsi destin�s aux autorit�s locales, municipales et �tatiques, c'est-�-dire aux �chelons politiques responsables de ces diff�rents corps. En ce qui concerne la d�fense, le Secr�taire, Donald Rumsfeld, se trouve maintenant � la t�te du second poste dans le budget f�d�ral. Le Pr�sident a obtenu une rallonge budg�taire de 48 milliards de dollars, soit une enveloppe qui d�passe le montant du budget militaire annuel de n'importe quel autre pays dans le monde. L'effort ainsi consenti est comparable � celui engag� par Truman lors de la Guerre de Cor�e. Comme il y a cinquante ans, les Etats-Unis sont v�ritablement entr�s dans un budget de guerre : celui-ci devrait atteindre 396 milliards de dollars en 2003, et, si les pr�visions se concr�tisent, se chiffrer � 470 milliards en 2007.
A priori, l'administration Bush a adopt� des dispositions budg�taires qui la placent en d�calage par rapport aux discours r�publicains en faveur de la modestie budg�taire et de la n�cessaire rigueur dans les d�penses. Dans ce domaine, l'Etat f�d�ral a b�n�fici� d'une nouvelle marge de manoeuvre, inesp�r�e au vu de l'orientation politique de l'�quipe dirigeante. C'est d'autant plus vrai que ces mesures ne sont pas pr�cis�ment des d�cisions sur lesquelles l'administration se serait engag�e � revenir. Au contraire, la Pr�sidence a, dans un second temps de sa lutte contre le terrorisme, �labor� un cadre plus g�n�ral qui cherche � p�renniser les d�cisions prises � l'automne. L'accroissement des pouvoirs de l'Etat f�d�ral ne tient pas de l'accident de parcours. Il s'agit au contraire d'une priorit� des pouvoirs publics.
Le rapide panorama des mesures d'urgence que nous venons d'�tablir a pris place dans un cadre l�gal �tabli � l'automne 2001, puis compl�t� par une r�organisation institutionnelle des structures de l'Etat f�d�ral au printemps 2002. Ainsi, d'un point de vue l�gislatif cette fois, l'administration Bush a fait pr�senter une loi de lutte contre le terrorisme. Massivement adopt�e par le Congr�s et sign�e par le Pr�sident le 26 octobre, le texte (USA Patriot Act, ou Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism, PL 197 - 56) renforce consid�rablement la loi pr�c�dente, celle adopt�e sous l'�quipe Clinton apr�s l'attentat d'Oklahoma City. A l'�poque, un grand nombre de r�publicains avaient r�ussi � bloquer les principales extensions pr�vues du pouvoir f�d�ral, mettant en avant les incoh�rences des agences " gouvernementales ". Le FBI, charg� de la surveillance du territoire, �tait en effet mis en accusation pour sa mauvaise gestion des confrontations avec une secte texane et diff�rents mouvements " antigouvernementaux ". Dans ces conditions, la loi de mars 1996 avait �t� vid�e de toute extension des possibilit�s de surveillance de l'Etat f�d�ral.
Rien de tel avec la loi du 26 octobre dernier. Celle-ci repose au contraire sur une extension consid�rable des possibilit�s de surveillance, notamment �lectroniques, et des �coutes t�l�phoniques. Elle donne une d�finition du terrorisme int�rieur qui est extr�mement large. Ainsi, toute personne se d�clarant comme repr�sentant - sans forc�ment �tre membre - d'une organisation terroriste, est consid�r�e comme terroriste. Toute aide, et, a fortiori, tout soutien financier, sont des activit�s terroristes s'ils ont contribu� � faciliter une quelconque attaque. Les membres de la famille d'un terroriste peuvent eux-m�mes �tre consid�r�s comme tels si le Garde des Sceaux le pense. Concr�tement, la liste des activit�s dites terroristes regroupe : toute tentative, menace ou r�alisation d'un d�tournement ou d'un sabotage de n'importe quel moyen de transport ; toute attaque contre une personne prot�g�e par le droit international (ambassadeur, titulaire de fonctions politiques etc.) ; enfin, toute utilisation d'une arme en vu de porter atteinte � la tranquillit� publique ou de d�truire la propri�t� d'autrui, ce qui s'ajoute aux autres crimes (incendie volontaire, explosion, meurtre, tentative de meurtre, etc) d�j� inscrits dans le droit p�nal f�d�ral. L'extension de la d�finition est telle que, pour certains observateurs, n'importe quelle dispute dans un bar pourrait maintenant tomber sous le coup d'une accusation de terrorisme ! Seules les mesures les plus controvers�es - l'extension de la d�tention provisoire - ont une dur�e de validit� de quatre ans.
Bien loin de vouloir revenir sur ces mesures adopt�es dans l'urgence, l'administration r�publicaine, dans le cadre de sa nouvelle orientation budg�taire, tente de mettre en oeuvre une r�organisation des pouvoirs de l'administration f�d�rale. Un grand nombre de commentateurs y voient m�me une des tentatives les plus ambitieuses depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Le 8 octobre 2001, le Pr�sident a nomm�, par ordonnance, Tom Ridge, jusque l� Gouverneur r�publicain de Pennsylvanie, responsable de la s�curit� int�rieure. Il �tait initialement charg� de coordonner depuis la Maison Blanche les activit�s de d�fense civile de pr�s de 50 organismes f�d�raux dont la CIA et le FBI (m�me si le premier restait rattach� au Pentagone, et le second au Minist�re de la Justice). Les observateurs �taient d'abord sceptiques sur ses chances de s'imposer dans le labyrinthe administratif que constitue la machinerie f�d�rale. Et ce d'autant plus qu'il disposait d'une �quipe de 16 personnes et d'un budget symbolique !
Mais en juin 2002, le Pr�sident a d�cid� de la cr�ation d'un Minist�re de la S�curit� du Territoire (Department of Homeland Security), initiative approuv�e � plus de 70% par 'opinion publique, et relay�e au Congr�s par le Repr�sentant Marc Thornberry (r�publicain, l Texas), et les S�nateurs Joe Lieberman (d�mocrate, Connecticut) et Arlen Specter (r�publicain, Pennsylvanie). Ce tout nouveau minist�re, dont Tom Ridge est le responsable, va regrouper 22 agences et services d�pendant actuellement de 8 minist�res diff�rents (ainsi des gardes-c�tes, des douanes, et, peut-�tre, des services de l'immigration). Contrairement � la pr�c�dente structure institu�e en octobre 2001, celle-ci ne regroupe ni le FBI ni la CIA. Le nouveau minist�re serait pourtant le 3�me minist�re en nombre de fonctionnaires (selon les formules, entre 170.000 et 200.000 personnes), et, regroupant une vaste palette de comp�tences, serait dot� d'un budget d'environ 38 milliards de dollars.
Il compl�te le plan de r�organisation du FBI annonc� un mois auparavant. Secou�e par les scandales et plac�e sous pression constante par ses autorit�s de tutelle et les pouvoirs politiques, l'agence est dans une position de plus en plus d�licate. D'o� la n�cessit� pour son r�cent directeur - Robert Mueller a pris ses fonctions une semaine avant les attentats du 11 septembre ! - de reprendre la situation en main. Son plan annonce l'affectation de 600 agents, ordinairement charg�s de la lutte contre la criminalit� classique, � la lutte anti-terroriste (ce qui repr�sente une multiplication par quatre des effectifs anti-terroristes actuels). D'ici septembre 2002, le Bureau devrait au total engager 900 nouveaux agents (qui rejoignent les 7000 existants). Un nouveau bureau de renseignement devra centraliser toutes les informations sur la lutte contre le terrorisme. Il sera dirig� par un membre de la CIA ; et c'est l� d'ailleurs une des grandes nouveaut�s introduites par ce plan, l'association plus �troite de la CIA dans le fonctionnement des activit�s anti-terroristes du FBI. En effet, 25 membres de la CIA sont d'ores et d�j� d�l�gu�s au FBI, et d'autres doivent encore �tre r�partis dans les bureaux les plus importants. Enfin, concernant ses missions, le Bureau a des pouvoirs plus �tendus (d�sormais, il peut par exemple espionner des espaces traditionnels de libert� d'expression, comme les lieux de culte, les biblioth�ques et internet). Ainsi, l'extension de la mission anti-terroriste serait en train de faire profond�ment �voluer le FBI : il quitterait m�me son r�le de police pour devenir une agence de renseignement int�rieure, tout comme la CIA � l'�tranger.
Ces deux initiatives institutionnelles, comme toutes celles �voqu�es jusqu'� pr�sent, renforcent encore le poids de l'Etat f�d�ral. L'�valuation que nous venons de faire des modalit�s de la lutte contre le terrorisme ne laisse donc que peu de place au doute. Bush Jr. risque de rejoindre son p�re comme un des pr�sidents r�publicains qui a le plus contribu� � la centralisation du pays au cours des derni�res ann�es. Que ce soit pour le budget ou la justice, le poids du pouvoir central se renforce, et ce avec le soutien de l'�crasante majorit� de l 'opinion publique : les sondages font �tat d'un niveau de confiance �lev� dans l'Etat f�d�ral, de l'ordre de ce qu'il �tait au d�but des ann�es soixante. Pendant l'administration Clinton, 20% des sond�s d�claraient faire confiance � l'Etat f�d�ral ; imm�diatement apr�s les attentats, le taux a bondi � 66 %. S'il a un peu baiss� depuis, il reste n�anmoins tr�s �lev�, ce qui facilite grandement les mesures centralisatrices de l'�quipe Bush.
Ces diff�rents �l�ments plaident tous pour la m�me conclusion : le renforcement de l 'autorit� f�d�rale. Historiquement, pour faire face � des crises - �conomiques ou militaires -l 'Etat f�d�ral a toujours �t� le principal moteur de l'action. Il a �tendu, non seulement sa taille - telle que mesur�e par exemple en nombre de fonctionnaires - mais aussi son champ de comp�tences. Les �volutions du New Deal ou de la Seconde Guerre Mondiale furent, de ce point de vue, exemplaires. Il semblerait en aller de m�me actuellement.
Or le puissant mouvement de centralisation auquel nous assistons depuis le 11 septembre ne contribue que tr�s modestement � une extension des comp�tences d�volues � l 'Etat f�d�ral. Les mesures de soutien �conomique annonc�es � l'automne prennent principalement la forme d'exemptions fiscales et non pas de transfert mon�taire. De m�me, les autorit�s " gouvernementales " ont, jusqu'� pr�sent, refus� d'attribuer aux centrales nucl�aires la m�me protection f�d�rale que celle dont b�n�ficient dor�navant les a�roports. D'autres exemples sont disponibles. Ainsi, malgr� des sondages indiquant une ouverture de l 'opinion publique sur ce point, les pouvoirs publics f�d�raux se refusent toujours � �tablir une carte d'identit� nationale. Seul le cas de la s�curit� a�rienne est clairement une extension - � la fois en termes de comp�tence et de fonctionnaires - du pouvoir f�d�ral.
Comment rendre compte de cette relative modestie ? Pour nous, la guerre contre le terrorisme a une sp�cificit� en politique interne. Contrairement � une guerre " traditionnelle ", entre Etats souverains, elle contribue tout autant au renforcement des autorit�s f�d�r�es que des autorit�s f�d�rales. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la gestion du conflit a �t� du ressort de l'Etat f�d�ral, au d�triment des Etats f�d�r�s. Rien de tel dans le cas pr�sent. Le jeu des relations entre niveaux de gouvernement est � somme positive : autrement dit, la lutte contre le terrorisme renforce - un peu - l'Etat f�d�ral, certes, mais aussi les Etats f�d�r�s. Au moment de l'envoi des lettres porteuses du bacille du charbon, une douzaine d'Etats f�d�r�s ont cr�� leur propre structure de d�fense civile, alors que Tommy Thompson, Secr�taire d'Etat � la Sant�, ne semblait pas vraiment en position de mener une campagne d'envergure pour pr�venir la panique naissante.
Les experts s'entendent pour souligner que l'actuelle lutte anti-terroriste renforce l'Etat f�d�ral avant tout dans ses fonctions l�gitimes, � savoir prot�ger les citoyens, et assurer leur d�fense. En fait, plut�t qu'un renforcement unilat�ral de l'Etat f�d�ral, on assisterait aussi � une participation accrue des Etats, des collectivit�s locales, voire du secteur priv� (dans la mesure o� les usagers devront certainement payer pour des am�liorations de leur s�curit� quotidienne. Dans un territoire aussi vaste que celui des Etats-Unis, le nombre de cibles potentielles est difficilement g�rable par une seule autorit�. Dans ces conditions, la s�curit� du territoire est forc�ment une activit� d�centralis�e ; les fonctions sont dispers�es entre les niveaux de gouvernement et ne peuvent pas �tre rassembl�es sous une seule autorit� : selon l 'Office of Management and Budget, pr�s de 70 agences - nationales ou locales - ont un poste budg�taire consacr� � la lutte contre le terrorisme, et ceci ne tient pas compte des services des D�partements d'Etat et de la D�fense, ni des services secrets. De ce fait, une grande partie du succ�s de la lutte anti-terroriste est due aux autorit�s locales.
L'Etat f�d�ral, lui, se concentre dans des domaines qui ont toujours �t� les siens : l 'am�lioration des services de s�curit�, la protection des fronti�res et la lutte contre toute puissance ext�rieure qui soutiendrait d'une fa�on ou d'une autre les organisations terroristes. La r�cente r�organisation annonc�e du FBI va dans ce sens. Dor�navant, le Bureau ne devrait plus se pencher autant sur les attaques � main arm�e dans n'importe quelle banque du pays, mais concentrer ses �nergies sur une lutte nationale contre le terrorisme. Les autorit�s locales sont donc plac�es en premi�re ligne, et ressentent d'ailleurs le co�t des nouvelles attentes � leur endroit. En effet, une des cons�quences des attentats du 11 septembre a �t� une forte r�duction des services offerts par les Etats, les villes et les comt�s, � tel point que certains Etats envisageraient maintenant de supprimer toute aide aux villes, renfor�ant par l�-m�me le co�t de la s�curit� pour les gouvernements non-�tatiques. Le transfert des ressources f�d�r�es vers le poste de la protection anti-terroriste a donc �t� massif. Un article du Los Angeles Time soulignait ainsi que " Les autorit�s locales n'avaient pas eu une responsabilit� de cette envergure en mati�re de d�fense depuis l'�poque des Indiens et de la Fronti�re ". Ainsi, lorsque l'Etat f�d�ral a tent�, � l'automne, d'arr�ter pr�s de 5000 personnes pour les interroger, les polices locales ont �t� les premi�res concern�es. D�s les attentats, ce sont bien les forces de s�curit� locales, police et pompiers, qui ont �t� imm�diatement charg�es des op�rations. La suite des �v�nements a encore renforc� le poids des responsabilit�s sur les premiers secours (first responders), principalement du ressort des autorit�s locales.
Les autorit�s f�d�rales, outre leurs comp�tences propres, doivent en fait coordonner les diff�rents acteurs sub�tatiques � l'oeuvre. C'est l� le r�le essentiel du tout nouveau Secr�tariat � la Protection du Territoire. Le th�me est loin d'�tre neuf : le trafic de drogue ou le crime international avaient d�j� suscit� ce genre de d�bat. Les �changes d'agents entre la CIA et le FBI ont �t� pratiqu�s depuis des ann�es. Mais la lutte contre le terrorisme devrait entra�ner une coordination � un niveau sup�rieur, par exemple celui des Secr�tariats d'Etat. En ce sens, la cr�ation du nouveau minist�re en juin dernier est une �tape essentielle. Elle est compl�t�e par la cr�ation, en avril 2002, d'un Commandement militaire sp�cifique et national (Northern Command) par Donald Rumsfeld. Ce nouvel outil est charg� des r�actions d'urgence en cas d'attaque terroriste, et peut mobiliser � la fois les moyens terrestres, navals, et a�riens des forces arm�es nationales. Il peut aussi, bien entendu, assister les autorit�s locales le cas �ch�ant.
Ces deux nouvelles structures ne sont pas assimilables � une tentative de centralisation impos�e aux autorit�s subnationales. Au contraire, elles reposent toutes deux sur une pleine et enti�re reconnaissance des comp�tences des Etats et des gouvernements locaux. Les rapports entre les nouvelles institutions nationales et les autres niveaux de gouvernement se d�roulent donc sous le signe de la collaboration intergouvernementale.
Sur la sc�ne politique am�ricaine, la guerre contre le terrorisme ne remet pas fondamentalement en cause les �quilibres f�d�raux. L'activisme des pouvoirs publics - et aussi du priv� - est certain, mais ne s'effectue pas au d�triment des autorit�s �tatiques et locales. Les probl�mes potentiels r�sident en fait dans le fonctionnement de cette collaboration : le d�bat en cours autour de la formation du D�partement de la S�curit� du Territoire en est la meilleure illustration. Un certain nombre d'experts soulignent que ce futur minist�re est charg� de trop de fonctions et devrait en fait se concentrer sur des objectifs plus pr�cis. L'inclusion de la Federal Emergency Management Agency (FEMA), par exemple, dans les comp�tences de ce nouveau Secr�tariat obligerait ce dernier � intervenir dans des situations bien �loign�es du terrorisme, comme les feux de for�ts ou les inondations.
N�anmoins, au-del� de ces dispositions techniques, l'�volution en cours reste tout simplement dans le droit fil d'un f�d�ralisme dit " politique ", fait de collaboration entre les niveaux de gouvernement, et que la Cour Supr�me avait reconnu comme le fonctionnement r�gulier des institutions dans l'arr�t Garcia (1985). Si les mesures actuelles de l'�quipe Bush sont certainement en porte-�-faux par rapport � la jurisprudence plus r�cente de la Cour, elles sont par contre en plein accord avec la pratique politique des r�publicains au pouvoir. L'�quipe Bush Jr, comme les pr�c�dentes, n'h�site pas � utiliser les potentialit�s de l'administration f�d�rale lorsque cela est rendu n�cessaire par les circonstances. Ni Reagan, ni Bush Sr, ni Gingrich n'ont fait exception � cette r�gle. Bush Jr renoue, sans h�siter, avec cette pratique.