GEOPO_10 IFRI IFRI r�cup�ration du fichier au format texte Mai Ho-Dac cr�ation du header Mai Ho-Dac pretraitement et balisage du texte selon la TEI P5 Mai Ho-Dac 24/02/2009 CLLE-ERSS
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David BARAN L'adversaire irakien IFRI http://www.ifri.org/files/politique_etrangere/PE_1_03_BARAN.pdf

ANNODIS

projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM

objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement

encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5

http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc

GEOPO article geopolitique
french
L'adversaire irakien David BARAN
Abstract

Apr�s sa cuisante d�faite dans la guerre du Golfe de 1990 - 1991 et dix ann�es d'embargo qui ont profond�ment isol� le pays, Saddam Hussein n'en a pas moins continu� d'adapter et de perfectionner un dispositif militaire et de s�curit� qui ne repose plus que marginalement sur des capacit�s classiques. Les frappes diverses et autres incursions �trang�res lui ont appris � escamoter ses cibles les plus vitales, � savoir la personne physique des hauts responsables, les missiles sol-air de la D�fense a�rienne et d'�ventuelles armes de destruction massive, ainsi que quantit� d'autres cibles plus ordinaires. Elles lui ont �galement montr� les limites et les failles des m�thodes de surveillance occidentale. Le leader baasiste compte enfin sur la grande dispersion de son personnel militaire et la complexit� de l'organisation s�curitaire qu'il a �difi�e pour le prot�ger, maintenir la population irakienne dans l'inertie, et peut-�tre mener des op�rations de gu�rilla contre les forces, am�ricaines ou autres, qui se risqueraient � l'int�rieur du pays.

L'Irak, disaient les sp�cialistes � la fin des ann�es 1980, �tait l'un des pays les plus m�connus au monde. Avec l'embargo, les ann�es 1990 ont encore aggrav� cette situation, en isolant ce pays autrefois fr�quentable. En d�pit d'un contexte de guerre annonc�e, l'adversaire irakien de Washington reste insaisissable, si ce n'est par des analyses se focalisant sur les " capacit�s militaires " de Saddam Hussein. Or les guerres, pour reprendre l'expression d'un expert, ne tiennent jamais � des " facteurs tangibles ", c'est-�-dire chiffrables (nombre d'hommes, de chars ou de missiles dans chaque camp). Le r�gime actuel a surv�cu plus de 30 ans � d'innombrables dangers qui ont contribu� � forger un dispositif de s�curit� sophistiqu�, dont le r�le durant le conflit pourrait �tre d�terminant. Ce dispositif, initialement simple, s'est enrichi dans l'�preuve, pragmatiquement. Il est le r�sultat d'une sorte d'apprentissage, fait d'erreurs, de corrections, de perfectionnements. Par sa plasticit�, il offre � Saddam, au-del� des seules capacit�s militaires, un ensemble de ressources qui pourraient se r�v�ler utiles en temps de guerre.

La consolidation du pouvoir : 1968 - 1980

Le r�gime actuel a pris le pouvoir � l'occasion d'un coup d'Etat militaire, orchestr� par le parti Baas, qui demeure le parti unique en Irak � ce jour. Pour asseoir son autorit�, il a proc�d� au remaniement de l'appareil de s�curit� et au d�veloppement d'institutions propres. Il a h�rit� d'un dispositif de coercition classique, comprenant une arm�e de taille mod�r�e (n�e en 1921 et incluant une force a�rienne, la plus ancienne du monde arabe), un service de renseignement militaire dit Istikhbarat (charg�, depuis le d�but des ann�es 1930, � la fois d'informer l'arm�e et de garantir sa loyaut�) et une police politique connue sous le nom de Amn, ou S�ret� (remontant aux ann�es 1920). A ces v�n�rables anc�tres datant de la Monarchie s'ajoutait une innovation ult�rieure majeure, la Garde r�publicaine, form�e en 1963 � partir d'�l�ments de l'arm�e r�guli�re. Consacr� � la protection de la Pr�sidence et agissant sous son autorit� directe, ce corps d'�lite est l'a�eul des fameuses Gardes r�publicaines de Saddam Hussein.

Le d�veloppement et la subversion de l'arm�e

De ces quatre structures, l'arm�e est celle qui a connu les transformations les plus spectaculaires. Rassemblant 50 000 hommes en 1968, elle en aurait compt� pr�s de dix fois plus en 1980. Cet �largissement s'est accompagn� de la p�n�tration de l'institution militaire par le Parti. L'admission � l'Acad�mie militaire a �t� restreinte aux seuls membres du Baas. La peine de mort est venue sanctionner toute activit� politique alternative dans l'arm�e. Comme il �tait th�oriquement possible � l'ancienne g�n�ration de demeurer apolitique, les soldats ont �t� encourag�s � d�sob�ir aux ordres d'officiers non baasistes au cas o� ils les jugeraient " suspects ".

Le recrutement militaire, r�pondant � des crit�res id�ologiques nouveaux, maintenait cependant d'anciens principes de s�gr�gation communautaire. Les Anglais, sous la Monarchie, avaient rapidement institu� une politique discriminatoire d'admission � l'�cole militaire, favorisant les Arabes sunnites au d�triment des Kurdes et des Arabes chiites. En outre, le d�clin �conomique amorc� � cette �poque par la bourgade de Tikrit, patrie de Saddam, avait engendr� de nombreuses vocations militaires. Pr�existait donc au coup d'Etat de 1968 une sorte de corps sur lequel les nouveaux dirigeants politiques, eux-m�mes sunnites et originaires de Tikrit, pouvaient compter. Le r�gime n'a fait qu'accentuer ces tendances sectaires au sein de l'arm�e. Lorsque Saddam Hussein a rev�tu les fonctions de pr�sident de la R�publique, en 1979, des Tikriti occupaient presque tous les postes pr��minents de commandement.

L'extension du dispositif militaire et de s�curit�

Parall�lement � ces r�formes, le r�gime a inaugur� des instruments in�dits en mati�re de s�curit�. Deux d'entre eux m�ritent mention. Il s'agit de l'Arm�e populaire et d'un autre service de renseignement, non militaire cette fois, dit Moukhabarat. Issus du Parti et formant d'embl�e des organes relativement s�rs, ils venaient concurrencer l'arm�e r�guli�re et la S�ret�, deux institutions dont la fid�lit� n'�tait pas acquise a priori.

Mise sur pied au d�but des ann�es 1970, l'Arm�e populaire est l'avatar d'une milice aussi �ph�m�re que redoutable, responsable des quelques mois de terreur post-r�volutionnaire qui ont suivi la premi�re et br�ve accession des baasistes au pouvoir en 1963. Les Moukhabarat, �tablis en tant que tels vers 1973, sont issus d'un organe de s�curit� interne �labor� par le Parti, contraint d'agir, entre 1963 et 1968, dans la clandestinit�. Saddam Hussein, r�put� �tre l'architecte de cet organe implacable, rassemblant un noyau dur de militants des plus engag�s, y a certainement �t� � bonne �cole.

En 1973, une spectaculaire tentative d'assassinat lui fournit le pr�texte n�cessaire � une v�ritable refonte : pr�par�e par le directeur g�n�ral de la S�ret�, Nadhem Gezar, elle ne visait pas moins que le pr�sident de la R�publique, Ahmed Hassan al-Bakr, et l'homme fort du moment, Saddam Hussein. Seul le ministre de la D�fense y a perdu la vie ; le r�gime, lui, gagnait une excellente occasion d'asseoir son pouvoir. Outre diverses mesures renfor�ant l'autorit� du pr�sident et des hautes instances du r�gime, l'affaire Gezar a justifi� le remaniement et l'expansion soudaine des services de s�curit�. Elle a favoris� l'�tablissement des Moukhabarat comme organe concurrent de la S�ret�. Quant � l'arm�e populaire, encadr�e par le Parti mais plac�e par pr�caution sous le contr�le op�rationnel des Moukhabarat, elle a amorc� une forte progression de fa�on � accompagner la croissance de l'arm�e. Mobilisant 50 000 hommes en 1977, elle en rassemblait 250 000 en 1980.

Pour verrouiller son emprise sur ce dispositif en pleine croissance, Saddam Hussein a eu recours � deux formes de centralisation de l'autorit�. L'une consistait � nommer des proches � des postes-clefs, tout en veillant � se pr�munir de leurs ambitions personnelles. Taha Yassin Ramadhan, camarade de lutte d'une loyaut� sans faille, commandant de l'arm�e populaire � partir de 1974, �tait ainsi flanqu� d'un second rapportant directement � Saddam. Dans un m�me esprit, celui-ci nommait son demi-fr�re, Barzan Ibrahim al-Hassan, adjoint au directeur g�n�ral des Moukhabarat d�s leur conception. L'autre forme de centralisation, plus institutionnelle, consistait � court-circuiter les hi�rarchies traditionnelles dans certains secteurs sensibles. Ainsi, les escadrons d'attaque de la Force a�rienne sont pass�s d�s 1978 sous la coupe de Saddam Hussein. Plus tard, la S�ret� et les Istikhbarat, soustraits aux minist�res de l'Int�rieur et de la D�fense, respectivement, ont de m�me �t� soumis � la tutelle d'une pr�sidence concentrant toujours plus d'autorit�.

Tout ce processus sera renforc� par le d�veloppement de l'image de l'ennemi int�rieur, relais des " imp�rialistes " et autres " sionistes ", avant que l'identification des minorit�s irakiennes " complices " soit bient�t doubl�e de celle d'un ennemi ext�rieur autrement important : l'Iran.

Une guerre ogresse : 1980 - 1990

Ayant pris officiellement les commandes du pays, s�r de ses forces, persuad� de pouvoir vaincre l'Iran en quelques op�rations d�cisives, Saddam Hussein a jet� l'Irak dans un conflit inutile et �puisant. L'armistice du 8 ao�t 1988 a arr�t� les comptes, selon les estimations les plus pessimistes, � 500 000 morts dans chaque camp. Pourtant, huit ans de combats acharn�s ont � peine alt�r� le trac� des fronti�res. A l'int�rieur du pays, en revanche, la situation a consid�rablement chang� : � bien des �gards, l'Irak s'est ruin� par son �norme effort de guerre. Mais les forces arm�es et l'appareil de s�curit� se sont �panouis, leur renforcement dans les ann�es 1970 c�dant la place � une formidable explosion.

Une arm�e aussi immense que jugul�e

L'arm�e, b�n�ficiant d'un programme d'armement massif, a connu � cette �poque une nouvelle inflation, comptant pr�s d'un million d'hommes � la fin de la d�cennie. Ce chiffre �vocateur a aid� � faire de l'Irak, apr�s l'invasion du Kowe�t, cet ennemi terrible requ�rant une coalition de 33 pays, dont les plus puissants au monde. En fait, la croissance num�rique de l'arm�e, autant que son surarmement, servait � compenser de graves d�ficiences. Elle souffrait d'abord d'un style rigide de commandement. Politique et hyper centralis�, celui-ci laissait peu d'initiative aux professionnels de la guerre. Une planification excessive des op�rations aboutissait � un manque fatal de r�activit�. Les plans d'attaque, fixant parfois des objectifs chim�riques, �taient �labor�s sous la supervision personnelle du commandant en chef des Forces arm�es, c'est-�-dire de Saddam. Les unit�s sur le front ne pouvaient ni annuler un assaut, ni frapper des cibles impromptues sans en r�f�rer aux quartiers g�n�raux.

Le succ�s du concept d'arm�e id�ologique est un second handicap � relever. L'arm�e, plac�e sous la surveillance des Istikhbarat, �tait aussi travers�e d'un maillage de structures du Parti doublant la hi�rarchie militaire et veillant au respect d'une stricte orthodoxie politique. Le " bureau militaire " du Baas et les Istikhbarat examinaient s�par�ment les candidatures aux postes d'officiers. Peu attentif aux aptitudes militaires, ils scrutaient les activit�s civiles des grad�s. Les commandants s�lectionn�s, craignant constamment les accusations de d�loyaut�, se pliaient ensuite � des ordres absurdes pour manifester leur totale soumission. Ces consid�rations politiques ont d'abord promu une norme de m�diocrit� militaire au sein de l'arm�e.

Il subsistait naturellement des commandants valeureux. Les besoins en personnel avaient d'ailleurs eu le m�rite d'ouvrir plus �quitablement le recrutement des grad�s � la population chiite, qui ne fournissait pas seulement, comme on l'a parfois pr�tendu, la " chair � canon ". Nombre d'officiers chiites comp�tents ont pris la t�te de corps d'arm�e et les h�ros acclam�s parmi eux n'�taient pas l'exception. La guerre, qu'il fallait bien gagner, obligeait le r�gime � ne pas trop s'ali�ner une hi�rarchie frustr�e de ses pr�rogatives et allant jusqu'� donner quelques signes de mutinerie. Confront� � de cuisantes d�faites et � la strat�gie iranienne de " mar�e humaine ", Saddam a d� s'en remettre, finalement, aux conseils de quelques commandants de confiance.

Ce changement ne signifiait pas la cons�cration publique du talent militaire, au contraire. A ce moment, Saddam Hussein a justement modifi� sa strat�gie m�diatique, rel�guant dans l'ombre les officiers les plus illustres pour se prot�ger de leur popularit�. Une s�rie d'accidents suspects, causant notamment la mort d'Adnan Kheirallah Tulfah, cousin et beau-fr�re du pr�sident, cumulant les postes de commandant en chef adjoint des forces arm�es, de ministre de la D�fense et de vice-Premier ministre, a incit� les h�ros ayant surv�cu au conflit � opter d'eux-m�mes pour la plus grande modestie et la plus parfaite discr�tion.

Les auxiliaires et contrepouvoirs

Conform�ment � sa vocation de contrepouvoir, l'Arm�e populaire s'est �tendue proportionnellement aux forces r�guli�res. Selon son commandant Taha Yassin Ramadhan, elle d�passait en 1984 les 500 000 conscrits et venait d'�tre dot�e d'armes lourdes. Son r�le sur le front la pla�ait surtout en soutien � l'arm�e. Palliant le vide cr�� par la concentration des forces � l'est, elle assurait aussi des campagnes d'arrestation de d�serteurs et diverses fonctions de logistique et de contr�le dans l'arri�re-pays.

Dans le courant de la guerre, deux autres formations sont venues peser dans ce jeu de contrepoids. La Garde r�publicaine, initialement pr�torienne, s'est mu�e en une vaste force offensive, s'ajoutant aux arm�es r�guli�re et populaire. Et l'expansion de la force a�rienne a conduit au d�ploiement d'un Corps a�rien de l'arm�e, pourvu essentiellement d'h�licopt�res et ind�pendant du reste de l'aviation. Redoutant ses propres avions, le r�gime a �galement r�duit, par un entra�nement minimal, les capacit�s op�rationnelles des pilotes d'attaque. Autre signe de d�fiance, la Garde r�publicaine et l'Arm�e populaire ont �t� �quip�es d'un arsenal de D.C.A. consid�r� sup�rieur � celui de la D�fense a�rienne, qui relevait de l'arm�e.

Malgr� une organisation et une doctrine comparables, d'inspiration sovi�tique, la Garde se distinguait de l'arm�e par sa capacit� � mener des op�rations plus complexes et impliquant des blind�s. Recevant l'�quipement le plus moderne gr�ce � un syst�me d'approvisionnement sp�cifique et prioritaire, elle devait son efficacit� � un personnel de qualit�, motiv� par le prestige de ses fonctions et par les avantages qui y �taient attach�s, en terme de soldes, primes, permissions, rations, achats subventionn�s, etc. S'�bauchait ainsi un syst�me de pr�s�ances que le r�gime a syst�matis� par la suite. La Garde inaugurait en outre une forme nouvelle de recrutement, faisant appel aux contingents de quelques grandes tribus arabes et sunnites, alli�es du r�gime. Ainsi, le r�gime d�savouait ouvertement le concept d'arm�e id�ologique, fondement m�me de l'arm�e.

Les effectifs de la Garde r�publicaine ont �t� particuli�rement renforc�s au cours des deux derni�res ann�es du conflit. Elle d�passait les 100 000 hommes lors de l'armistice et atteignit sa taille maximale de 150 000 hommes � la fin de la d�cennie. Multipliant les succ�s face � un ennemi affaibli, elle a jou� un r�le concluant dans la " victoire " finale de l'Irak contre l'Iran. Performante et loyale, rompue � l'usage des gaz de combats employ�s en coordination avec le Corps a�rien pour endiguer les " mar�es humaines " iraniennes, la Garde r�publicaine s'annon�ait enfin comme une arme de choix en politique int�rieure.

Des innovations en mati�re de s�curit�

Deux formations apparues dans la premi�re moiti� des ann�es 1980 restent aujourd'hui encore aussi obscures que d�cisives. Il s'agit de la S�curit� sp�ciale, organe infiltrant et chapeautant l'ensemble de l'appareil militaire et de s�curit�, et de la Garde r�publicaine sp�ciale, force distincte de la Garde r�publicaine, bien qu'elle lui ait succ�d� dans ses fonctions de protection du Palais. Selon les avis, elle serait issue d'unit�s de la Garde stationn�es � Bagdad pendant la guerre ou d'un premier bras arm� de la S�curit� sp�ciale. Quoi qu'il en soit, elle appara�t comme une structure bien d�limit�e par une t�che unique : isoler physiquement les centres n�vralgiques du r�gime de leur environnement mena�ant. Cet objectif simple implique en fait une extr�me polyvalence, pour garder les �difices vitaux du pouvoir, tenir front � une s�dition de blind�s ou couvrir les d�placements furtifs de Saddam Hussein. La Garde r�publicaine sp�ciale a en outre re�u tr�s t�t ses propres armes de D.C.A., ce qui illustre � quel point la notion de redondance est un pr�cepte structurant du dispositif de s�curit� irakien.

Les origines de la S�curit� sp�ciale, service le plus secret et le plus sensible du r�gime, sont encore plus incertaines. Sa structure pr�cise et l'�tendue exacte de ses affectations ne sont pas accessibles � un observateur ext�rieur au monde du renseignement. Il serait d'ailleurs surprenant que m�me les agents de ce service aient une vision compl�te et d�taill�e de son organisation. N�anmoins, on peut tenter de la d�crire grossi�rement en deux points.

D'une part, la S�curit� sp�ciale s'est impos�e comme l'instrument de contr�le d'un appareil militaire et de s�curit� en pleine effervescence. La guerre contre l'Iran et le d�veloppement �conomique du pays, impliquant une importante pr�sence �trang�re en Irak, a command� une forte expansion des Istikhbarat et des Moukhabarat, s'ajoutant � celle de l'arm�e, de l'Arm�e populaire et de la Garde r�publicaine. Les effectifs de la S�ret� ont �galement progress� durant les ann�es 1980, bien qu'ils aient �t� purg�s par Ali Hassan al-Majid, cousin de Saddam, et que son importance relative au sein de l'appareil de s�curit� ait eu tendance � diminuer. Charg�e de d�celer toute dissidence, la S�curit� sp�ciale s'est appuy�e dans chacune de ces institutions sur des �l�ments recrut�s discr�tement, coopt�s pour un loyalisme absolu et pr�alablement �prouv�.

D'autre part, elle s'est affirm�e comme une sorte de pouvoir ex�cutif propre aux int�r�ts sup�rieurs du r�gime. Les ordres �mis ou transmis par ses agents sont indiscutables. Son intervention signifie toujours que l'affaire est d'importance en haut lieu. Ainsi, la Garde r�publicaine, relevant officiellement du Commandement en chef des forces arm�es, lui a �t� fonctionnellement subrdonn�e. Mais c'est surtout dans le domaine dit de l'" industrialisation militaire " que son r�le d'ex�cutif occulte s'est r�v�l�. Hussein Kamel Hassan al-Majid, neveu et gendre de Saddam Hussein, cerveau de l'industrialisation militaire et architecte suppos� de la S�curit� sp�ciale, a mis celle-ci au service du programme ambitieux d'armement et d'approvisionnement militaire, secteur exigeant, sensible et formateur s'il en est. La S�curit� sp�ciale a notamment jou� un r�le-clef dans la mise en place d'un r�seau de fournisseurs via des soci�t�s-�crans, dans le d�tournement d'infrastructures civiles � des fins militaires, dans la coordination des acteurs divers du secteur et dans la protection de l'information, gr�ce � un cloisonnement accru de l'appareil de s�curit� et � la mise en oeuvre des techniques de dissimulation indispensables � ce programme.

Bref, les ann�es 1980, ponctu�es par une guerre ogresse, par des besoins insatiables en armement et par une terrible op�ration de r�pression (dite Anfal) au Kurdistan, ont �t� les ann�es d'une activit� intense du point de vue de l'appareil de s�curit�. Les horreurs de l'op�ration Anfal, orchestr�e par Ali Hassan al-Majid, ont laiss� comme symbole le gazage de Halabja. Du point de vue de l'appareil de s�curit�, elles ont d�montr� l'efficacit� de petites unit�s paramilitaires, compos�es d'�l�ments tribaux, de militants baasistes et d'agents de l'appareil de s�curit�, milices dont l'usage s'est aujourd'hui syst�matis�.

La d�b�cle et les sanctions : 1990 - 2002

La strat�gie adopt�e pour envahir le Kowe�t, en ao�t 1990, signalait le d�clin de l'arm�e. La ma�trise des airs, assur�e par la Force a�rienne, a permis le largage, par des h�licopt�res du Corps a�rien, de commandos de la Garde r�publicaine aux points strat�giques de l'�mirat. L'arm�e n'a servi, plus tard, que de force d'occupation. Pour la petite histoire, c'est par la radio que le ministre de la D�fense et le chef d'�tat-major de l'arm�e auraient pris connaissance de l'invasion. L'humiliation de l'institution militaire ent�rinait la perte progressive, durant les ann�es 1980, de ses fonctions de r�pression interne et de socialisation de la population dans une perspective de construction nationale, etc. Face � la coalition des Alli�s, l'arm�e a d'ailleurs c�d� � une d�bandade quasi g�n�ralis�e. La Garde r�publicaine, au contraire, s'est montr�e digne des espoirs que le r�gime avait plac�s en elle.

Une d�faite paradoxale et ambigu�

La d�faite patente de l'Irak montrait � l'�vidence la faillite d'une strat�gie d�pass�e. Statique et essentiellement d�fensive, inspir�e des tactiques sovi�tiques et de la guerre contre l'Iran, min�e par des consid�rations s�curitaires et d'incroyables erreurs de jugement, cette strat�gie ignorait surtout qu'aucune guerre classique ne pouvait �tre gagn�e contre les Etats-Unis. L'arm�e irakienne n'avait jamais r�ussi � ma�triser des op�rations coordonn�es complexes. La sup�riorit� technique acquise face aux Iraniens, pr�cis�ment pour compenser de telles d�faillances, devenait d�risoire compar�e � l'avance de l'OTAN.

Saddam Hussein a vite compris qu'il existait des r�ponses imaginatives et non technologiques � opposer aux armements de l'ennemi. Confront� � la supr�matie a�rienne am�ricaine, le r�gime a ordonn� aux servants de la D�fense a�rienne d'�vacuer leurs positions de tir en moins de trois minutes, initiant la technique des tirs furtifs. Il a diss�min� de nombreux blind�s dans les villes, notamment � Bagdad, o� sont rest�es intactes jusqu'� la fin de la guerre des unit�s enti�res de la Garde r�publicaine. Les avions rescap�s des premi�res nuits de bombardement ont �galement �t� dispers�s, gar�s dans des zones urbaines, int�gr�s � des sites arch�ologiques, abrit�s sur des routes d�tourn�es ou encore dissimul�s dans des hangars d�j� d�truits. Le Corps a�rien, riv� au sol et escamot� d'embl�e, n'a ainsi perdu en tout que six h�licopt�res.

De m�me, les employ�s de l'appareil de s�curit� ont d�sert� leurs locaux officiels. Certains dormaient dans leurs voitures ou s'invitaient dans des familles qui ne pouvaient gu�re leur refuser l'hospitalit�. D'autres disposaient d�j� de locaux banalis�s. D�s les ann�es 1970, la S�ret� avait install� des antennes locales dans les quartiers, rachetant des pavillons d'habitation � des prix impos�s. Cette politique s'est �tendue apr�s les bombardements massifs de 1991. Il est notoire que Saddam Hussein lui-m�me, pendant les frappes, a eu recours � une mobilit� constante plut�t qu'aux fortifications, quitte � passer lui aussi la nuit " chez l'habitant ", entour� de gardes du corps. Les Etats-Unis, sait-on aujourd'hui, souhaitaient pourtant le localiser pour le tuer d'un missile bien plac�.

Ces exemples d'esquive convergent vers une doctrine nouvelle et tacite de pr�servation. Trois facteurs majeurs ont contribu� � la survie du r�gime. Tout d'abord, la pr�servation de Bagdad comme sanctuaire, malgr� de nombreux sacrifices, a fait para�tre Saddam Hussein comme difficilement " d�logeable ", � moins d'une invasion hasardeuse de la capitale. Ensuite, la pr�servation au sein des forces arm�es des forces dites " frappantes " (quwat dhareba) a autoris� de surprenantes contre-attaques face � un adversaire enorgueilli par la faible r�sistance de l'arm�e. Plus fid�les et plus motiv�es que les unit�s r�guli�res, ces unit�s d'�lite sp�cialis�es dans les op�rations ponctuelles s'�taient justement �clips�es durant la premi�re phase du conflit, s'abritant dans le tissu urbain de Bagdad. Enfin, la pr�servation de l'appareil de s�curit�, dans ses dimensions pr�emptive et r�pressive, assurait au r�gime, affaibli, de rester ma�tre de sa population.

Avec les encouragements de Georges Bush, des r�voltes ont �clat� lors du retrait alli� dans presque tout le pays, d'abord dans le sud chiite, puis au Kurdistan. Les soul�vements ont touch� jusqu'� certains secteurs de la capitale. Ce qu'on a appel� une " Intifada " ressemblait beaucoup, � vrai dire, � des �meutes d�sordonn�es. Pillages et carnages y �taient la norme en l'absence de direction politique. Le pouvoir en place a �touff� sans mal ce feu de paille attis� puis d�laiss� par Washington. Les villes, les campagnes et surtout les m�moires portent aujourd'hui encore les marques d'une r�pression dont la Garde r�publicaine et, dans une moindre mesure, le Corps a�rien ont �t� les instruments de pr�dilection. Les Irakiens, dont beaucoup avaient d'abord cru au r�gime, voire adul� Saddam Hussein, n'en �taient certes pas � leurs premiers d�senchantements. N�anmoins, la guerre et l'Intifada ont sign� un divorce plus formel entre le pouvoir et la population. Cette fois, chacun avait irr�m�diablement failli � l'autre. L'embargo a facilit� cette rupture en devenant le responsable d�sign� de la souffrance du peuple et du retard du pays. Dispens� de prodiguer un quelconque bien-�tre social, conscient de l'inanit� de toute relance id�ologique, le r�gime s'est d�s lors consacr� � la seule d�fense de ses int�r�ts vitaux.

Un resserrement du dispositif militaire et de s�curit�

Les transformations de son dispositif militaire apr�s la guerre r�sument bien la r�vision de ses ambitions. Saddam a pris acte de l'ampleur de la d�b�cle et des limitations impos�es par la tutelle internationale � la fabrication et � l'importation d'armements nouveaux. L'arm�e r�guli�re aurait �t� r�duite � 350 000 hommes environ. Au-del� des chiffres, elle souffre surtout de la d�moralisation des soldats, de la d�fiance du r�gime et d'une grave p�nurie de pi�ces de rechanges pour un armement extr�mement diversifi�. Lui a �t� retir� le commandement de la D�fense a�rienne, formation qui s'est distingu�e par sa vaillance et son utilit� durant le conflit. Contrepartie douteuse, un d�partement des Istikhbarat, la S�curit� militaire, en a �t� d�tach� en 1992 pour former un troisi�me organe de surveillance impos� � l'arm�e. S�curit� militaire et D�fense a�rienne sont pass�s sous le contr�le direct de la Pr�sidence, conform�ment � une logique de centralisation toujours renforc�e.

La Force a�rienne et l'Arm�e populaire ont �galement p�ti des restructurations d'apr�s-guerre. Apr�s une prestation lamentable face aux Alli�s, l'aviation s'est vu couper les ailes par la mise en place d'immenses zones d'exclusion a�rienne, limitant ses capacit�s d'intervention et d'entra�nement. L'Arm�e populaire, r�form�e en tant que telle, s'est r�incarn�e sous diverses formes d�g�n�r�es, dont l'Arm�e de lib�ration de J�rusalem (jeish tahrir al-quds) n'est que la derni�re en date. N� en 1998, ce monstre de 7 millions de soi-disant " volontaires ", burlesques et d�motiv�s, sert des fonctions de propagande et de domination qui n'ont rien de militaire.

En revanche, le r�gime a patronn� trois formations importantes. Bien qu'il ait r�duit de moiti� les effectifs de la Garde r�publicaine, pass�e de 150 000 � 70 000 hommes, il a veill� � en reconstituer les pr�cieuses unit�s m�canis�es et blind�es. Pour ce faire il a eu recours, outre quelques importations ill�gales, � la cannibalisation des mat�riels rescap�s du pilonnage, souvent au d�triment de l'arm�e. Le r�gime s'est aussi d�tourn� de son aviation au profit d'un Corps a�rien plus op�rationnel. Il en a consolid� les escadrons habitu�s � op�rer en coordination �troite avec la Garde r�publicaine. L'importation de pi�ces de rechange s'est d'ailleurs r�v�l�e plus facile pour les h�licopt�res, qui b�n�ficient d'un double statut civil et militaire. Enfin, les incursions quasi quotidiennes des avions anglo-saxons dans les zones d'exclusion a�rienne et les " frappes " r�guli�res de missiles de croisi�re ont stimul� l'int�r�t port� par Saddam Hussein � la D�fense a�rienne, r�nov�e et amadou�e par des privil�ges semblables � ceux dont b�n�ficie la Garde r�publicaine. On ne saurait souligner assez que c'est l� la principale disposition militaire classique prise par l'Irak contre un adversaire �tranger.

En somme, le r�gime a remodel� et r�orient� ses forces arm�es pour aller vers un syst�me plus s�r et plus compact, au caract�re r�pressif et d�fensif. Dans cette configuration, il ne repr�sente plus gu�re, en d�pit des accusations des Etats-Unis, une menace pour ses voisins. Saddam Hussein per�oit plut�t l'arm�e, la Garde r�publicaine et le Corps a�rien comme une menace � son encontre, bien qu'ils garantissent son h�g�monie gr�ce au monopole de l'artillerie lourde et des blind�s. Depuis 1988, la Garde r�publicaine est cantonn�e � la p�riph�rie de la capitale, o� elle d�limite � son tour un p�rim�tre d'acc�s interdit � l'arm�e r�guli�re. Dans tout le pays, un r�seau de checkpoints d�tecte le moindre mouvement de troupes. A chacun de ces checkpoints, au moins dix plantons relevant de hi�rarchies diff�rentes incarnent la m�fiance ambiante. Reste � dire que chaque unit� comprend un agent de renseignement officiel, disposant de plus d'autorit� que son commandant effectif, et d'autres rapporteurs plus officieux, pour mesurer � quel point les consid�rations s�curitaires priment sur toutes les autres formes d'efficience, notamment militaire.

Quant � l'armement non conventionnel du r�gime, qu'il existe ou non, il ne peut avoir d'utilit� sans l'appui de forces conventionnelles, sauf en cas d'agression. Il para�t de toute fa�on exag�r� par les Etats les plus va-t-en-guerre. La r�activation des programmes des ann�es 1980 exigerait l'importation ill�gale mais facilement d�celable de toutes sortes d'�quipements, �tant donn�e l'ampleur du d�mant�lement des infrastructures r�alis� par l'ancienne commission en d�sarmement des Nations unies (UNSCOM). Elle offrirait donc, en toute logique, des pi�ces � conviction abondantes.

En temps normal, la survie de Saddam Hussein d�coule d'une savante mainmise sur le pays. En politique int�rieure, ses principales sources de contrari�t� ont trouv� des solutions durables au cours des ann�es 1990. Le r�gime a malmen� la communaut� chiite et d�capit� sa hi�rarchie religieuse. Il a men� � bien l'ass�chement des marais, au sud, ancien sanctuaire de d�serteurs et d'opposants. L'autonomie octroy�e aux trois " gouvernorats " du Nord a r�gl� le probl�me que posait l'asile inexpugnable des montagnes du Kurdistan. Dernier refuge naturel, de luxuriantes palmeraies ont �t� d�truites sur des surfaces consid�rables. Quant au tissu urbain, il reste quadrill� par un maillage d'informateurs renseignant efficacement Moukhabarat et S�ret�. Pour parfaire son contr�le du territoire, le r�gime a �largi son dispositif s�curitaire en y int�grant les tribus, jug�es responsables de leurs membres et des r�gions qu'elles occupent.

Lorsque des troubles localis�s surgissent, le r�gime applique un principe de responsabilit� collective et intervient brutalement. Une technique usuelle consiste � encercler, voire bombarder, le village ou le quartier concern� avant d'y mener des rafles. La S�curit� Sp�ciale, les Moukhabarat, la S�ret� et le Parti disposent tous de leurs bras arm�s paramilitaires, qui op�rent souvent en collaboration avec la Garde r�publicaine et les troupes r�guli�res. L'usage simultan� de plusieurs de ces formations illustre une fois encore la notion de redondance. Pour compliquer ce jeu de contrepoids, le fils a�n� de Saddam Hussein, Oudei, y a ajout� en 1995 sa propre milice, probablement pour contrer l'emprise de son fr�re cadet Qousei sur l'appareil de s�curit�. Form�s de jeunes d�sh�rit�s, tri�s sur le volet, endoctrin�s et soumis � un entra�nement s�v�re, ces " Fedayin de Saddam " n'apportent pourtant rien de nouveau � un appareil amplement suffisant pour ma�triser une population essentiellement inerte.

Au plan interne, les menaces les plus s�rieuses viendraient donc de l'appareil de s�curit� lui-m�me... s'il n'avait �t� soigneusement verrouill�. A vrai dire, il est impossible de rendre compte de la pl�thore de pr�cautions prises en r�ponse aux tentatives d'assassinat, aux coups d'Etat manqu�s, aux complots ourdis jusqu'au sein de la Garde sp�ciale, aux trahisons de proches tels que Hussein Kamel, ainsi qu'aux moyens dispens�s � l'�tranger pour subvertir le syst�me. Se m�lent recouvrements de comp�tences, concurrence entre services, contr�les crois�s, d�doublement des m�canismes de commandement, redistribution permanente du personnel, fabrication de " conspirations-hame�ons ", etc. Cette complexit� ne doit pas, d'ailleurs, faire illusion. L'appareil de s�curit� n'est pas une machinerie parfaite, rationalis�e. La S�ret� et les Moukhabarat, par exemple, sont min�s par une corruption notoire, non seulement tol�r�e mais int�gr�e et instrumentalis�e par le r�gime. C'est l� le point important : cette architecture est perp�tuellement en mouvement. Or le mouvement est une ressource de ce r�gime qui est tout sauf conservateur.

Un sc�nario possible pour une guerre annonc�e

La plasticit� du r�gime est un facteur ignor� dans toutes les anticipations de la guerre. Constatant que les " options militaires " de l'Irak sont limit�es, les analystes n'envisagent comme alternative � ces options classiques que le sc�nario catastrophe des " armes de destruction massive ". Ils n'entrevoient rien, semble-t-il, entre une d�bandade assur�e des forces arm�es irakiennes et une sorte d'apocalypse, renvoyant � l'imaginaire du dictateur fou. En Irak, pourtant, on craint moins la possibilit� d'un suicide d�vastateur que celle d'un usage strat�gique et retors de gaz de combat, qui serait �ventuellement attribu� � l'arm�e des Etats-Unis pour galvaniser l'opposition populaire contre " l'agresseur ".

Saddam Hussein, pragmatique, s'est assur�ment aguerri face aux menaces ext�rieures. Les " frappes " et autres ing�rences �trang�res l'ont pr�par� � cette confrontation ultime. Elles lui ont appris � escamoter ses cibles les plus vitales, � savoir la personne physique des hauts responsables, les missiles sol-air de la D�fense a�rienne et d'�ventuelles armes de destruction massive. Les inspecteurs eux-m�mes lui ont montr� les limites et les failles des m�thodes de surveillance occidentale. Il oblige ainsi ses ennemis � se rabattre sur des cibles offertes, coquilles vides des �difices officiels ou centres de commandements de la D�fense a�rienne, centres dont l'importance au sein du syst�me de d�fense n'est plus n�cessairement cruciale. Le r�gime escamote parfois jusqu'aux cibles les plus ordinaires. Lors des bombardements de 1998, des �coles, ainsi que des installations industrielles et des hangars alimentaires, ont accueilli des d�p�ts de munitions. Ces �coles abritent actuellement les membres du Parti charg�s de maintenir l'ordre dans chaque quartier. Ceux-ci ont quitt� leurs locaux officiels, imitant l'ensemble de l'appareil de s�curit�.

Le r�gime compte sur la dispersion de son personnel pour maintenir la population dans l'inertie, peut-�tre m�me pour mener des op�rations de gu�rilla contre des forces am�ricaines oblig�es de s'engager dans le pays profond. Toutes les formations paramilitaires cit�es plus haut sont rompues aux combats de rue. Extr�mement mobiles, elles op�rent au besoin en civil et b�n�ficient d'une connaissance intime du terrain. Resterons-elles loyales ? On peut supposer que l'immense majorit� des Irakiens ne combattra volontiers ni pour d�fendre le pouvoir, ni pour le d�fier. Tous redoutent la capacit� de survie fabuleuse de Saddam Hussein, conjugu�e � sa capacit� - non moins fantastique - de r�pression. Ils pourraient ob�ir longtemps, mais sans z�le, aux consignes du r�gime, en attendant la certitude de sa chute. Il suffirait alors que la guerre tra�ne, qu'elle engendre des p�nuries et de nombreuses victimes, pour que Saddam galvanise ses troupes les plus fid�les, maintiennent les plus d�loyales dans l'irr�solution et gagne ainsi du temps. Ceci n'est qu'un des sc�narios possibles, �videmment, aux c�t�s d'une guerre �clair, propre et sans surprise.

Ce qui est s�r, c'est que les dispositions prises par le r�gime trahissent une sorte de d�saffection pour la guerre classique. Saddam Hussein ne se soucie gu�re, semble-t-il, d'opposer une arm�e cr�dible contre les Etats-Unis. Alors, o� est donc l'adversaire irakien ? Dans l'impr�vu, justement.