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ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Les Etats-Unis sont, de tr�s loin, le plus important pays consommateur et importateur de p�trole dans le monde. Leur production est par ailleurs non n�gligeable, m�me si elle baisse maintenant de mani�re inexorable. Dans un contexte d?approfondissement de la � d�pendance � des Etats-Unis, les interventions du gouvernement se sont progressivement d�plac�es de la r�gulation du march� int�rieur � la construction et � la s�curisation du march� p�trolier mondial.
La naissance et le d�veloppement de l'industrie p�troli�re am�ricaine ne furent pas une " affaire d'Etat " ; pour l'essentiel, cette histoire est une histoire d'entrepreneurs. En cela, les Etats-Unis se distinguent de tous les autres pays, industrialis�s ou non. Nous verrons plus loin qu'il ne fallut pas attendre tr�s longtemps les premi�res interventions publiques dans le secteur, interventions multiformes et de grande ampleur. Mais on ne trouve aux Etats-Unis aucun des attributs quasi-universels de l'industrie p�troli�re, tellement r�pandus qu'ils apparaissent parfois comme naturels : ni entreprise publique ; ni monopole sur l'exploration, la production, le transport ou la distribution ; ni subordination de l'industrie � des objectifs " sup�rieurs ", de politique industrielle ou de politique �trang�re. Les Etats-Unis font m�me exception � la r�gle de la propri�t� publique sur les ressources - exception plus discr�te peut-�tre que les pr�c�dentes, mais qui porte plus loin.
Les ressources naturelles contenues dans le sous-sol sont en g�n�ral propri�t� publique. Investir en vue de l'exploitation mini�re ou p�troli�re requiert, partout dans le monde ou presque, l'obtention d'un droit aupr�s de la puissance publique, par exemple sous la forme d'une licence. Tel n'est pas le cas aux Etats-Unis, o� la propri�t� de la surface emporte la propri�t� du sous-sol, y compris les ressources qu'il rec�le. Pour forer sur une parcelle donn�e, il faut et il suffit d'obtenir un droit de son propri�taire l�gitime. Le contrat par lequel ce droit est transf�r� s'appelle un lease ; c'est un contrat de droit priv�.
On ne saurait exag�rer l'importance de cette singularit� juridique ; osons affirmer qu'elle repr�sente un des principaux d�terminants de l'histoire p�troli�re des Etats-Unis. La propri�t� sur la terre �tant tr�s peu concentr�e, m�me � l'�chelle d'une province p�troli�re, le march� des droits d'exploration est n�cessairement concurrentiel. Cette absence de contr�le sur le march� de l'exploration induit � son tour la concurrence sur le march� du p�trole lui-m�me. L'�conomie industrielle a red�couvert, ces trois derni�res d�cennies et sous l'influence de Ronald Coase, le d�terminisme juridique dans l'organisation �conomique. Dans le cas de l'industrie p�troli�re am�ricaine, la r�gle de droit semble induire m�caniquement la concurrence. Et s'il fallait chercher un fil rouge courant tout au long de l'histoire p�troli�re des Etats-Unis, on le trouverait dans l'affrontement permanent entre la dynamique concurrentielle et les forces contraires, puissances " organisatrices " publiques ou priv�es.
De tr�s nombreux entrepreneurs, souvent des aventuriers risquant leur fortune personnelle, tent�rent leur chance dans l'exploration p�troli�re � partir des ann�es 1860. Acqu�rant des droits sur de minuscules parcelles ou sur des milliers d'hectares, ils furent les acteurs de l'�re h�ro�que de l'histoire p�troli�re am�ricaine. Mais l'amont p�trolier (exploration et production) est une activit� extr�mement risqu�e et pour beaucoup de ces pionniers l'exp�rience tourna court. La plupart ne d�couvrirent rien mais ceux qui eurent la chance d'acc�der au stade de la production affront�rent la dure r�alit� d'un march� libre de mati�re premi�re. Le d�veloppement intensif des premi�res d�couvertes pr�cipita rapidement une chute du prix du p�trole, qui passa de $37 � $7 entre 1870 et 18904. S'ensuivit une vague de faillites et un mouvement de consolidation de l'industrie (s�lection et concentration).
Dans cet univers de concurrence " sauvage ", la premi�re manifestation des forces organisatrices (ou plus exactement : planificatrices) ne vint pas de l'ext�rieur - de la puissance publique - mais de l'industrie elle-m�me. Un jeune homme de 25 ans, John D. Rockefeller, apr�s avoir bri�vement tent� sa chance dans l'amont, d�laissa ce jeu " o� s'�puisent les pauvres gens " pour se concentrer sur le raffinage, � la t�te de la Standard Oil. Tr�s t�t Rockefeller comprit l'int�r�t de l'int�gration horizontale, c'est-�-dire l'absorption ou les alliances avec les concurrents, et verticale, d'abord dans le transport (en amont et en aval des raffineries), plus tard dans la production. Son ascension fut fulgurante. En 1873, la Standard Oil d�tenait d�j� entre 30 et 40% des capacit�s de raffinage du pays, et jusqu'� 90% en 1878. Au tournant du si�cle, la S.O. exportait 50% de sa production ; les Etats-Unis �taient, de tr�s loin, le premier exportateur de p�trole au monde, et l'huile �tait au second rang des produits d'exportations am�ricains, apr�s le coton.
L'accession de la Standard Oil a une situation de quasi-monopole sur l'aval p�trolier - et, par l�, au statut de " r�gulateur " de l'industrie dans son ensemble - devait donner lieu au premier grand proc�s antitrust de l'histoire �conomique des Etats-Unis. En cela, l'aventure de Rockefeller rev�t une importance qui d�passe la sph�re p�troli�re. La principale loi antitrust am�ricaine, le Sherman Act de 1890, fut largement r�dig�e en r�f�rence au cas S.O. En 1909, au terme de plusieurs ann�es d'une proc�dure initi�e par le d�partement de la Justice, une cour f�d�rale �tablissait l'existence de pratiques anti-concurrentielles dans les activit�s de la S.O. - en particulier ses " accords " pr�f�rentiels avec les transporteurs ferroviaires - et d�cidait de dissoudre le trust en 35 entit�s ind�pendantes, sur la base du Sherman Act (d�cision confirm�e par la Cour Supr�me en 1911). Plusieurs des grandes compagnies p�troli�res am�ricaines sont issues de ce d�membrement. Cet �v�nement marque un tournant dans l'histoire p�troli�re du pays et symbolise l'entr�e dans l'�re des interventions publiques.
A partir des ann�es 1920 et jusqu'au d�but des ann�es 1980, le march� p�trolier am�ricain a v�cu sous un r�gime de tr�s forte intervention publique. On distinguera les mesures dites de proration, le contr�le des importations, et le contr�le des prix.
La mise en place de la politique de proration, entre le d�but des ann�es 1920 et le milieu des ann�es 1930, correspond � un immense effort de la puissance publique - d'abord au niveau des Etats, puis du gouvernement f�d�ral - pour soustraire la coordination des producteurs de p�trole au processus concurrentiel et la soumettre � un tr�s haut degr� de planification centrale. La proration est n�e d'une volont� de limiter le " gaspillage " et la " surproduction " que le r�gime concurrentiel �tait sens� entra�ner. Concr�tement, les grands Etats producteurs (Oklahoma, Texas, Louisiane - � l'exception notable de la Californie, qui ne fut jamais " prorationniste ") d�cid�rent de limiter leur production p�troli�re en attribuant des quotas � chaque champs, puis � chaque puits en activit�, afin de maintenir un prix largement sup�rieur au prix concurrentiel. Ces efforts locaux �taient coordonn�s au sein d'une instance inter-�tatique, l'interstate compact. Plus tard, dans le cadre du New Deal, la puissance f�d�rale pris en charge la coordination et une partie de la mise en oeuvre du r�gime de proration.
La crise des ann�es 1930, survenant juste apr�s les d�couvertes g�antes de Seminole et de l'East Texas, pr�cipita une chute des prix qui renfor�a la perception du caract�re destructeur de la libre concurrence. En fait, le principal probl�me �tait de nature juridique - le droit, encore. La r�gle dite de " capture ", qu'impos�rent les tribunaux de common law � la fin du XIXe si�cle, autorisait un producteur � forer dans un r�servoir d�j� exploit� par un autre producteur op�rant depuis un terrain voisin. Cette r�gle introduisait des incitations �conomiques perverses et g�n�rait, effectivement, une importante surproduction en m�me temps que nombre de puits inutiles. Mais la proration ne r�glait pas ce probl�me, au contraire : parce que les puits les moins productifs �taient exempt�s de quotas, le syst�me g�n�ra un �norme gaspillage de ressources. Le r�gime de proration, qui surv�cut jusqu'au d�but des ann�es 1970, servait essentiellement les int�r�ts des milliers de petits producteurs les moins performants, et des hommes politiques qui contr�laient un syst�me profond�ment corrompu. L'industrie p�troli�re, qui est certainement un des symboles du capitalisme am�ricain, fut pendant plus d'un demi-si�cle soumise � un r�gime - certes incomplet - de planification centralis�e.
Le contr�le des importations repr�sentait un compl�ment naturel et indispensable du r�gime de proration. La trop forte p�n�tration du p�trole v�n�zuelien et moyen-oriental e�t r�duit � n�ant les efforts des Etats " prorationnistes " pour d�fendre un prix sup�rieur au prix de concurrence. Plus g�n�ralement, la concurrence du p�trole import� repr�sente une menace permanente pour l'industrie p�troli�re am�ricaine, et ce d�s l'entre-deux-guerres. En cons�quence, la tentation protectionniste traverse toute l'histoire p�troli�re am�ricaine. Les mesures les plus c�l�bres, parmi de nombreuses autres, sont les voluntary oil import quotas de 1949 et les mandatory oil import quotas de 1959.
Au d�but des ann�es 1970, les objectifs de l'intervention publique sur le march� p�trolier chang�rent brutalement. Du soutien des prix int�rieurs par la r�glementation de l'offre et des importations, on passa � la lutte contre les effets de la hausse des prix. On pourrait dire : de la protection des producteurs � la protection des raffineurs et des consommateurs. Un syst�me complexe de contr�le des prix et de r�glementation de la commercialisation fut mis en place, par strates successives, avec des effets pervers tr�s importants. On citera en particulier les entraves � l'allocation marchande du brut et des produits p�troliers, qui jou�rent un r�le d�cisif dans les p�nuries cons�cutives � l'embargo p�trolier arabe de 1974 et � la r�volution iranienne de 1979 - les fameuses gasoline lines qui traumatis�rent l'Am�rique ; mais aussi, plus structurellement, les " subventions aux importations " introduites par le syst�me des entitlements, par lequel les raffineurs s'approvisionnant en p�trole " domestique " subventionnaient ceux qui recouraient aux importations. A la fin des ann�es 1970, l'administration Carter souhaitait lib�raliser le march� p�trolier mais se heurtait � de fortes r�sistances au Congr�s. Une loi vot�e en 1978 pr�voyait un decontrol progressif �tal� sur 10 ans ; l'administration Reagan le r�alisa en un mois.
Le premier mandat de Ronald Reagan � la Maison Blanche, et m�me les premiers mois de ce mandat, apparaissent r�trospectivement comme une p�riode charni�re dans l'histoire p�troli�re am�ricaine, o� furent prises des orientations rompant avec le pass� et engageant l'avenir. La politique conduite par l'administration Reagan �tait inspir�e par l'id�e que l'efficacit� et la s�curit� �nerg�tiques ne s'obtiennent pas contre les forces du march�, mais en s'appuyant sur elles.
Le pr�sident Reagan pronon�a son discours inaugural le 20 janvier 1981 ; le 28 janvier, il signait l'Executive Order n� 12287 (le premier de son mandat) qui lib�ralisait compl�tement le march� du p�trole et prenait effet le jour m�me. Le Congr�s, beaucoup plus interventionniste que l'administration, ne d�sarma pas et en mars 1982 le S�nat vota le Standby Petroleum Allocation Act, qui octroyait au Pr�sident le pouvoir d'instaurer, en cas de crise, un contr�le des prix et des mesures d'allocation administrative du p�trole et des produits. R. Reagan opposa son veto � cette loi le 20 mars 1982, arguant du fait que, face � une rupture d'approvisionnement, c'est au contraire le libre fonctionnement du march� qui est le plus � m�me de r�duire le co�t support� par l'�conomie am�ricaine.
La d�r�glementation du march� p�trolier am�ricain correspond aussi � une r�int�gration compl�te dans le march� mondial. A partir de 1982, le prix int�rieur est � nouveau strictement align� sur le prix mondial. Au cours des deux mandats de R. Reagan la faible taxe sur les importations n'a pas �t� supprim�e, mais l'administration r�sista, � plusieurs reprises et notamment apr�s le " contre-choc " p�trolier de 1985 - 1986, � de fortes pressions du Congr�s pour l'augmenter de mani�re significative.
Le decontrol am�ricain eut �galement un effet non anticip� sur les structures du march� p�trolier international : il acc�l�ra la substitution de transactions de court terme aux contrats de long terme et la g�n�ralisation de la r�f�rence au prix " spot ". Pleinement expos�s aux al�as du march� mondial (jusque-l� att�nu�s par le contr�le des prix et les m�canismes de redistribution physique), les raffineurs am�ricains modifi�rent leurs pratiques commerciales ; les activit�s de trading ont explos� aux Etats-Unis au d�but des ann�es quatre-vingt, et le NYMEX a lanc� son march� de contrats � terme sur le p�trole brut en 1983.
Les gouvernements successifs, r�publicains et d�mocrates, ne sont pas revenus sur la r�forme fondamentale initi�e par l'administration Reagan. Dans les ann�es 1990, la politique p�troli�re de l'administration Clinton (largement " encadr�e ", il est vrai, par un Congr�s r�publicain) fut une politique lib�rale non seulement " passive " - absence de remise en cause de la d�r�glementation -mais active. Parmi les mesures d'inspiration lib�rale prises au cours de cette p�riode, on peut citer la lev�e de l'interdiction d'exporter le brut d'Alaska, l'acc�l�ration du leasing dans l'offshore f�d�ral, les exemptions de royalty sur l'offshore profond (Deep Offshore Royalty Relief Act), ou encore la privatisation partielle des Naval Petroleum Reserves.
L'option lib�rale prise sous Reagan, et qui structure depuis la politique p�troli�re am�ricaine, ne se limite pas � la d�r�glementation du march� int�rieur ; elle a d'importantes implications internationales. Le primat �conomique dans la formulation de la politique �nerg�tique - plus pr�cis�ment, l'id�e que l'approvisionnement �nerg�tique doit reposer sur le fonctionnement de march�s libres et concurrentiels - a, en mati�re p�troli�re, un corollaire : l'acceptation du recours massif aux importations. Recourir au march�, c'est recourir au march� mondial. Le taux de couverture de la demande par les importations d�pend, sur longue p�riode, de l'�volution relative des co�ts de d�veloppement aux Etats-Unis et dans le reste du monde. L'option fondamentale d'une politique �nerg�tique lib�rale impliquait donc n�cessairement, pour les Etats-Unis, un approfondissement de la " d�pendance " p�troli�re. De fait, le moment Reagan correspond � l'entr�e des Etats-Unis dans une �re de d�pendance accept�e et assum�e.
C'est en 1949 que les Etats-Unis sont devenus importateurs net, c'est-�-dire que leurs importations ont d�pass� leurs exportations. Entre 1949 et 1970, la part de la demande couverte par le p�trole import� est pass�e de 10% � 23%. Entre 1978 et 1985, les importations ont fortement baiss�, tant en valeur absolue (-3,8 Mb/j) que relative (-16 points de part de march�). Deux facteurs expliquent ce ph�nom�ne : le d�veloppement du champ g�ant de Prudhoe Bay en Alaska, et la chute de la demande p�troli�re li�e au second " choc p�trolier " de 1979 et � la r�cession �conomique. A partir de 1985, la part du p�trole import� dans la couverture de la demande n'a cess� d'augmenter, jusqu'� aujourd'hui.
Les provinces p�troli�res am�ricaines historiques sont en phase de d�clin certainement irr�versible, partiellement compens� par des provinces o� les compagnies parviennent encore � renouveler les r�serves (en particulier le Golfe du Mexique). Au total, la production des Etats-Unis baisse au rythme de 2 % par an en moyenne ? un peu moins depuis 1990. Les importations ont progress� de plus de 5 % par an en moyenne sur 15 ans, pour atteindre leur maximum historique en 2000. Elles s?�levaient alors � 11 Mb/j, soit 54 % de la consommation totale. En 2020, ces chiffres pourraient passer � 19 Mb/j et 66 %
D�pendance croissante, donc. Mais d�pendance accept�e et assum�e, disions-nous. L'option lib�rale prise au d�but des ann�es 1980 n'�quivaut pas � une politique de laisser-faire ; elle s'accompagne de politiques publiques ambitieuses relevant de la s�curisation et de la construction du march� p�trolier mondial.
La s�curisation du march� regroupe des mesures aussi diff�rentes que la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve (SPR) d'une part, la cr�ation d'un dispositif militaire d'intervention rapide au Moyen-Orient d'autre part. La SPR fut cr��e dans le cadre de l'Energy Production and Conservation Act � la fin de 1975 mais resta " virtuelle " pendant cinq ans, en raison de dysfonctionnements administratifs et surtout d'un manque de volont� politique. L'administration Reagan fit du remplissage de la SPR une priorit� de sa politique p�troli�re. A la fin du premier mandat de R. Reagan le volume stock� �tait de 450 millions de barils (Mb), et 560 Mb fin 1988 - niveau auquel on est encore aujourd'hui. 80% du p�trole stock� dans la SPR l'a �t� sous Reagan, dont plus de 60% entre 1981 et 1984. La r�serve p�troli�re strat�gique, enti�rement d�tenue et op�r�e par le gouvernement f�d�ral, a une capacit� de " rel�chement " de 4 Mb/j - soit la moiti� de la production saoudienne moyenne en 2002 - pendant 130 jours. Ou encore, la SPR peut suppl�er int�gralement un producteur comme le Kowe�t pendant pr�s de neuf mois.
La " sanctuarisation " militaire du Moyen-Orient n'est certes pas r�ductible � une politique �nerg�tique. Toutefois, cette dimension �tait certainement pr�sente. La logique, du point de vue p�trolier, est la m�me que pour la SPR, m�me si l'instrument est tr�s diff�rent. Accepter que l'approvisionnement am�ricain repose sur un march� mondialis� domin� par les transactions de court terme, supposait la mise en place d'une s�curisation en amont, ou " par le haut ", dont le co�t s'apparente � la souscription d'une assurance. Lib�ralisation et s�curisation ne s'opposent pas, mais constituent deux faces d'une m�me politique. Tout comme la lib�ralisation, les mesures de s�curisation du march� initi�es sous R. Reagan ont �t� assum�es par tous les gouvernements depuis lors, et demeurent un �l�ment essentiel de la politique p�troli�re am�ricaine.
L'effort de construction du march� consiste � am�liorer l'accessibilit� des ressources p�troli�res mondiales aux capitaux priv�s d'exploration et production. Il s'agit, pour les Etats-Unis, d'une pr�occupation tr�s ancienne, qui prit notamment la forme, dans l'entre-deux-guerres, de la politique de l'Open Door (porte ouverte) au Moyen-Orient. A partir des ann�es 1980, cette politique fut relanc�e et renouvel�e dans ses objectifs comme dans ses moyens. L'objectif �tait de favoriser la diversification durable de l'offre p�troli�re mondiale, donc d'affaiblir le pouvoir de march� de l'OPEP. L'administration Reagan lan�a, d�s 1981, une politique juridique internationale tr�s ambitieuse, destin�e � r�former le droit applicable aux investissements p�troliers. Cette politique fut relay�e par la Banque Mondiale, dans les ann�es 1980, aupr�s des pays en d�veloppement. Dans les ann�es 1990, les Etats-Unis investirent d'importantes ressources dans les n�gociations sur les instruments multilat�raux sur les investissements (ALENA chap. 11, Trait� sur la Charte de l'Energie, AMI), et dans la signature de trait�s bilat�raux sur les investissements avec les pays riverains de la mer Caspienne.
En d�pit d'un discours politique r�curent sur la n�cessit� de contenir, voir de r�duire, la d�pendance p�troli�re du pays - discours qui jouit d'une tr�s forte l�gitimit� depuis les attentats du 11 septembre 2001 - l'option lib�rale prise il y a plus de vingt ans n'est pas remise en question, au contraire. Dans ces conditions, l'approfondissement de la d�pendance p�troli�re des Etats-Unis au cours des d�cennies � venir est une quasi-certitude. Apr�s la " crise " de 2000 - 2002 comme apr�s celle de 1990 - 1991, le grand d�bat de politique �nerg�tique initi� par l'administration accouche essentiellement de non-mesures.
On pourrait invoquer les lourdeurs du processus l�gislatif am�ricain, qui permet aux groupes de pression d'entraver toute action r�formatrice. On pr�f�rera souligner qu'il n'existe pas, aujourd'hui, d'alternative raisonnable aux importations p�troli�res massives. Les �tudes �conomiques montrent que le co�t d'une r�duction significative de la " d�pendance ", tant par la stimulation de l'offre int�rieure que par la ma�trise de la demande, seraient largement sup�rieurs aux b�n�fices attendus en mati�re de s�curit� �nerg�tique. En d'autres termes, il n'existe qu'un potentiel tr�s limit� de r�duction profitable du recours aux importations p�troli�res. Les Etats-Unis devraient donc continuer, dans l'avenir pr�visible et en attendant une r�volution technologique dans les transports, d'investir massivement dans la s�curisation et la construction du march� p�trolier mondial.