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PIERRE NO�LLes Etats-Unis face � leur d�pendance p�troli�reIFRIhttp://www.ifri.org/frontDispatcher/ifri/publications/les_cahiers_du_cfe_1032456434976/publi_P_publi_cfe_pnd_pendance_1039802888611#

ANNODIS

projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM

objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement

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GEOPOarticlerapportgeopolitique
french
Les Etats-Unis face � leur d�pendance p�troli�re PIERRE NO�L Centre fran�ais sur les �tats-Unis (CFE) � l'ifri Chercheur associ� � l'IEPE (universit� Pierre-Mend�s-France, Grenoble) noel.cfe@ifri.org Juin 2002

A para�tre dans la s�rie des Policy Papers du CFE (ifri)

RESUME

Apr�s une d�cennie de grande discr�tion, les questions �nerg�tiques sont remont�es sur le haut de l'agenda politique am�ricain � l'occasion de la � crise � de 2000 - 2001. Le rapport Cheney (mai 2001) manifeste ce retour des pr�occupations li�es � l'�nergie. La r�duction de la � d�pendance � �nerg�tique des Etats-Unis y est affirm�e comme un objectif prioritaire. Les �v�nements du 11 septembre n'ont fait que renforcer la l�gitimit� de l'appel � r�duire la d�pendance p�troli�re du pays. L'essentiel des mesures pr�conis�es par le rapport Cheney en mati�re p�troli�re visent � stimuler l'offre int�rieure. Cette �tude entend montrer que les marges de manoeuvre de l'administration sont tr�s faibles. On �tudie d'abord l'�volution de la demande p�troli�re am�ricaine sur longue p�riode, soulignant la forte baisse de l'intensit� �nerg�tique du PIB et la concentration de la demande sur les usages sp�cifiques (notamment le transport), apr�s 1973. On souligne le caract�re improbable d'une politique forte de ma�trise de la demande de carburants. On �tudie ensuite le long processus de p�n�tration du p�trole import� sur le march� am�ricain, � partir de la fin des ann�es 1940. On conclut que l'�viction de la production int�rieure par les importations est d�termin�e par des facteurs �conomiques tr�s puissants (en particulier la diff�rence de co�t marginal de d�veloppement avec d'autres r�gions du monde). On s'int�resse enfin � la structure g�ographique des importations am�ricaines, en particulier � la part du Moyen-Orient et au degr� de r�gionalisation de l'approvisionnement.

Les principales conclusions de cette �tude sont (1) que le gouvernement am�ricain n'est pas en mesure d'enrayer l'augmentation des importations p�troli�res, ni en valeur absolue ni en valeur relative, et (2) qu'il n'est pas en mesure de contr�ler le taux de � d�pendance � � l'�gard du Moyen-Orient.

Le lien entre � d�pendance p�troli�re � et s�curit� �nerg�tique doit �tre relativis�. Le march� �tant int�gr� mondialement, une � crise p�troli�re � prend la forme d'une hausse de prix ressentie mondialement, et non d'une p�nurie physique. Pour la m�me raison, les effets d'une baisse de la consommation ou d'une augmentation de la production int�rieure sont dilu�s dans le march� p�trolier mondial. La variable cl� n'est pas la � d�pendance � p�troli�re mais la concentration de l'offre mondiale et l'intensit� p�troli�re de l'�conomie am�ricaine.

Des ann�es 1920 aux ann�es 1970, la politique p�troli�re des Etats-Unis a �t� marqu�e par un syst�me de contr�le et de limitation de la production int�rieure et des importations. Cette politique, parfois justifi�e (abusivement) par des consid�rations de s�curit�, �tait destin�e � soutenir un prix sup�rieur au prix de concurrence, b�n�ficiant essentiellement � l'industrie p�troli�re � ind�pendante � et � quelques Etats producteurs (dont le Texas et l'Oklahoma), mais aussi, indirectement, aux � majors � op�rant � l'international. Cette politique augmentait dans des proportions tr�s importantes le co�t de l'approvisionnement p�trolier am�ricain, et engendrait un important gaspillage �conomique. A partir du premier choc p�trolier, l'interventionnisme p�trolier fut destin� � limiter la hausse des prix plut�t qu'� pr�venir leur baisse. Les politiques de protection des consommateurs et des raffineurs, qui culmin�rent sous l'administration Carter, eurent des effets pervers de grande ampleur, stimulant les importations et g�n�rant des p�nuries.

Depuis 1981, la politique p�troli�re des Etats-Unis fait preuve d'une assez grande coh�rence autour de trois axes : lib�ralisation, s�curisation, et construction du march�. Elle consiste � cr�er, par des politiques int�rieures et ext�rieures, les conditions d'un recours massif et s�r au march� p�trolier mondial. Cette politique assure que l'approvisionnement du march� national se fait au meilleur co�t, avec un corollaire : le taux de couverture de la demande par les importations est d�termin� par les seules forces du march�.

En d�pit d'une rh�torique politique r�currente (et bi-partisane), la r�duction ou m�me la ma�trise de la � d�pendance � n'est pas un �l�ment structurant de la politique p�troli�re am�ricaine, au contraire. C'est donc bien la rationalit� �conomique qui donne sa coh�rence � cette politique, m�me si elle int�gre des �l�ments de s�curisation et de construction du march� n�cessitant une forte implication du gouvernement f�d�ral.

INTRODUCTION

En mai 2001, un groupe de hauts responsables du gouvernement f�d�ral, pr�sid� par le Vice-Pr�sident Richard Cheney, rendait public un rapport consacr� � la politique �nerg�tique des �tats-Unis. Ce document, que nous d�signerons comme le " rapport Cheney ", pr�sente un �tat des lieux de la situation �nerg�tique du pays, domin� par une tonalit� pessimiste voire alarmiste, suivi d'un certain nombre de propositions ou d'orientations pour l'action publique, susceptibles de rem�dier aux probl�mes identifi�s.

Ce rapport peut �tre vu comme une manifestation �minente du retour des affaires �nerg�tiques sur le devant de la sc�ne politique outre-Atlantique, plus pr�cis�ment des pr�occupations de s�curit� �nerg�tique, apr�s une d�cennie domin�e par les d�bats environnementaux. La chute des prix du p�trole en 1998, puis leur hausse brutale et leur maintien � un niveau �lev� en 1999, 2000 et sur la premi�re moiti� de 2001, ont constitu� le facteur d�clenchant de ce regain d'int�r�t. En 2000, l'envol�e des prix du gaz naturel sur le march� am�ricain, puis les ruptures d'approvisionnement �lectrique en Californie, ont fait du discours sur la " crise �nerg�tique " un aspect incontournable du d�bat politique am�ricain.

A la diff�rence des �pisodes pr�c�dents (1973 - 74, 1979 - 80, 1990 - 91), la situation p�troli�re ne constitue pas aujourd'hui l'unique motif d'inqui�tude et de mobilisation. Elle en est toutefois une composante importante. La forte hausse des prix des carburants fut tr�s largement interpr�t�e comme le signe d'une crise structurelle, analys�e en des termes identiques � ceux entendus dix ans plus t�t lors de la crise du Golfe : l'Am�rique est trop " d�pendante " de fournisseurs ext�rieurs, trop expos�e � un march� mondial " instable ", ce qui induit une menace permanente sur sa " s�curit� �nerg�tique ", menace dont la crise r�cente ne serait que la derni�re manifestation, en annon�ant d'autres.

Ce discours alarmiste s'est, depuis plusieurs mois, consid�rablement att�nu�, les prix des carburants et du gaz naturel �tant revenus � leurs niveaux d'avant la " crise ". Toutefois, les attentats du 11 septembre, l'action militaire en Afghanistan, l'approfondissement de la crise israelo-palestinienne et la volont� affich�e d'une action militaire contre l'Irak, ont contribu� � alimenter le d�bat sur la " d�pendance " p�troli�re et la gestion des approvisionnements, notamment au Congr�s.

Cette �tude prend pr�texte de la " crise �nerg�tique " de 2000 - 2001, du rapport Cheney et du d�bat sur la " d�pendance p�troli�re ", pour pr�senter une r�flexion critique sur la situation p�troli�re des Etats-Unis, sa perception dans les milieux politiques am�ricains, et les politiques publiques mises en oeuvre au cours des derni�res d�cennies.

La premi�re section est consacr�e � l'�tude de l'approvisionnement p�trolier des Etats-Unis : �volution de la demande, de la production int�rieure et des importations, de la structure g�ographique des approvisionnements ext�rieurs. L'approche choisie se veut didactique. On fait largement appel � des s�ries statistiques couvrant un demi si�cle (1949 - 2000), que l'on croise avec des analyses �conomiques afin de faire clairement ressortir les tendances lourdes de l'approvisionnement p�trolier des �tats-Unis, les grandes inflexions et leurs d�terminants. On �voque, lorsque c'est utile, l'�volution de la situation p�troli�re am�ricaine d'ici 2020, telle qu'elle ressort de certains exercices de prospective mod�lis�e. L'objectif g�n�ral est de fournir des �l�ments d'analyse permettant d'appr�cier les marges de manoeuvre des politiques publiques en mati�re p�troli�re. La principale conclusion de cette premi�re section est qu'elles sont beaucoup tr�s limit�es.

Dans la seconde section, on �tudie le lien entre la structure de l'approvisionnement p�trolier (part des importations dans la couverture de la demande, r�partition g�ographique des approvisionnements ext�rieurs) et la s�curit� �nerg�tique des �tats-Unis. On est amen� � relativiser ce lien. Dans l'�tude de la politique p�troli�re am�ricaine sur longue p�riode, on est amen� � mettre l'accent sur les orientations prises par l'administration Reagan au d�but des ann�es 1980. Depuis ce " tournant ", les �tats-Unis ont une politique p�troli�re assez coh�rente, centr�e sur la lib�ralisation du march� int�rieur, la s�curisation et la construction du march� mondial. L'objectif de cette politique n'est pas de r�duire la " d�pendance ", mais au contraire de cr�er les conditions d'un recours massif et in�vitablement croissant aux approvisionnements ext�rieurs.

SECTION 1. L'APPROVISIONNEMENT PETROLIER DES ETATS-UNIS
1. La demande de p�trole aux �tats-Unis
a. Croissance de la demande : deux p�riodes

Au cours de l'ann�e 2000, les �tats-Unis ont consomm� un peu plus de 7 milliards de barils de p�trole, soit 19,5 millions de barils par jour (Mb/j), un volume identique � celui de 1999. Il s'agit du plus haut niveau de demande p�troli�re de toute l'histoire am�ricaine, le pr�c�dent " pic " (19 Mb/j) ayant �t� atteint successivement en 1978 et 1998 (Figure 1, p. 43). Ce volume repr�sente plus de deux fois la production saoudienne pour cette m�me ann�e (9,1 Mb/j), et le quart de la consommation mondiale (74 Mb/j).

La demande de p�trole a plus que tripl� depuis le d�but des ann�es cinquante (Figure 2, p. 15). Mais cette progression s'est faite en deux p�riodes bien distinctes, que s�pare la " crise p�troli�re " des ann�es soixante-dix. Le rythme de croissance de la consommation est nettement plus faible au cours de la seconde p�riode. Entre 1949 et 1973, la croissance annuelle moyenne est proche de 5% ; entre 1985 et 2000, le taux de croissance annuel moyen est de 1.5% (Figure 1, p. 15). Ce taux de croissance de la demande de p�trole correspond � celui des autres pays de l'OCDE.

b. Forte baisse de l'intensit� p�troli�re du PIB

Pourtant, la croissance �conomique am�ricaine a �t� tr�s soutenue entre 1985 et 2000, le PIB progressant � un rythme moyen (3.3%) proche du taux observ� sur 1949 - 2000 (3.6%). Si la demande p�troli�re a progress� � un rythme nettement inf�rieur � la tendance historique, c'est que l'intensit� p�troli�re du PIB am�ricain a tr�s fortement chut� � partir de la fin des ann�es soixante-dix. Le " contenu en p�trole " d'un dollar de PIB r�el, qui avait augment� de 10% entre 1949 et 1976, a diminu� de pr�s de 55% entre 1977 et 2000 (Figure 3, p. 16).

En dollars de 1996, un baril de p�trole g�n�rait 13 $ de PIB en 2000 contre 6,5 $ en 1973. La baisse de l'intensit� �nerg�tique et p�troli�re du PIB am�ricain ne para�t pas devoir s'essouffler ; il semble m�me qu'elle s'acc�l�re depuis la fin des ann�es 1990.

c. La place du p�trole dans le bilan �nerg�tique est stable

La part de la consommation d'�nergie primaire couverte par le p�trole est pratiquement identique en 1949 et 2000, soit un peu moins de 40% (Figure 4, p. 17). Cependant cette part avait augment� de 10 points entre 1949 et 1977, puis a chut� de pr�s de 8 points entre 1977 et 1985 ; elle est pratiquement stable depuis 1990. La structure de l'approvisionnement des �tats-Unis en �nergie primaire conna�t une remarquable stabilit� depuis la fin des ann�es quatre-vingt : le p�trole couvre 40% des besoins, le gaz et le charbon se partagent � parts �gales environ 45% de la demande, le nucl�aire et les renouvelables (y compris l'hydro�lectrique) couvrant chacun la moiti� des 15% restant. Cela signifie que la demande pour chacune de ces sources d'�nergie cro�t � peu pr�s au m�me rythme que la demande totale d'�nergie primaire.

d. La demande se concentre sur les usages captifs, notamment le transport

Si la part du p�trole dans l'approvisionnement �nerg�tique est relativement stable sur les 50 derni�res ann�es, la structure de la consommation p�troli�re s'est d�form�e au cours du temps, en particulier � partir de la fin des ann�es soixante-dix. Le secteur des transports est devenu le principal moteur de la croissance de la demande de p�trole (Figure 5, p. 18). Il est responsable de 73% de l'augmentation de la consommation entre 1949 et 2000, et de 85% de cette augmentation entre 1985 et 2000. La part du transport dans la consommation p�troli�re augmente, passant de 54% en 1978 � 67 % en 2000 (Tableau 1, p. 9).

Par contraste, la part du secteur industriel est stable sur l'ensemble de la p�riode, � environ 25%. L'industrie est responsable d'une part d�croissante de l'augmentation de la demande : 26% sur 1949 - 2000, 15% sur 1980 - 2000. Les autres secteurs (r�sidentiel, commercial, et production d'�lectricit�) ont tendance � devenir marginaux : ils repr�sentaient 22% de la demande en 1949, 21% en 1978 et 8% en 2000 ; leur consommation est stable en valeur absolue depuis 1983, apr�s avoir baiss� entre 1978 et 1982.

La part de march� des produits p�troliers dans le secteur des transports semble, dans l'�tat actuel des technologies, strictement insensible aux prix relatifs des �nergies. En d'autres termes, il s'agit d'un usage captif, o� le p�trole n'est pas substituable. Comme le montre la Figure 6 (p. 19) la part de march� du p�trole dans ce secteur tend vers 100%. Dans les autres secteurs au contraire, les produits p�troliers ont �t� largement �vinc�s : leur part dans les secteurs r�sidentiel et commercial baisse d�s les ann�es soixante ; le fuel dispara�t pratiquement de la production d'�lectricit� au cours des ann�es quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Dans l'industrie, le p�trole a perdu 7 points de part de march� depuis 1979 (cette part �tant revenue en 2000 � son niveau de 1949).

Tableau 1. Part des secteurs dans la consommation p�troli�re totale, et contribution � l'augmentation de la demande.

A l'avenir, la demande p�troli�re am�ricaine continuera d'�tre principalement tir�e par le secteur des transports et, dans une mesure moindre, certains usages industriels dont la p�trochimie. Dans les autres secteurs, en particulier la production d'�lectricit�, le p�trole est devenu une source d'�nergie marginale. Deux cons�quences importantes en d�coulent :

Premi�rement, aucune politique de stimulation de l'offre �nerg�tique non p�troli�re (relance du nucl�aire ou du charbon, d�veloppement des �nergies renouvelables, ou autres) n'est susceptible de r�duire significativement la croissance de la demande de p�trole, qui tend � �tre concentr�e sur ses usages sp�cifiques. En particulier, la croissance des besoins �nerg�tiques li�s au transport se traduira n�cessairement par une augmentation de la demande de p�trole ; Deuxi�mement, les politiques de ma�trise de la demande �nerg�tique ne peuvent avoir qu'un impact limit� sur la demande de produits p�troliers sauf � modifier la consommation du secteur des transports. Dans ses usages non sp�cifiques, le p�trole a d�j� �t� �vinc� par des technologies plus performantes.

Il existe au moins deux leviers que pourraient actionner les pouvoirs publics f�d�raux pour peser sur la demande �nerg�tique li�e au transport. Le premier est d'augmenter les taxes sur les carburants, qui se situent � un niveau six fois inf�rieur � la moyenne des autres pays de l'OCDE. Cette mesure aurait un effet direct sur la demande, via la modification des comportements - effet d'autant plus important que l'on part d'une situation o� les prix sont bas, donc o� les agents ne sont pas incit�s � rationaliser l'usage de leurs v�hicules. Elle aurait �galement un effet indirect, l'augmentation des prix des carburants introduisant une forte incitation pour les constructeurs � proposer des v�hicules plus sobres, donc � r�duire la demande pour un niveau et des modalit�s donn�s d'utilisation des v�hicules.

Le second type de mesures envisageable consiste � durcir les normes de consommation pour les v�hicules neufs, qui n'ont pas �t� modifi�es depuis 1990 pour les v�hicules de tourisme (passenger cars), et 1996 pour les light trucks. L'efficacit� �nerg�tique moyenne du parc automobile am�ricain s'�tait am�lior�e entre 1979 et 1991, mais stagne depuis cette date (Figure 7, p. 20). L'efficacit� des v�hicules neufs, tous types confondus, est aujourd'hui au m�me niveau qu'en 1982. Les Am�ricains utilisent de plus en plus, pour leurs d�placements quotidiens, des light trucks et autres Sport Utility Vehicles, dont la consommation moyenne est nettement sup�rieure aux v�hicules l�gers traditionnels, et qui sont soumis � des normes moins s�v�res. Cette modification structurelle du parc automobile a largement compens� le renforcement ponctuel des normes de consommation des v�hicules l�gers. Notons que l'effet d'un durcissement des normes est conditionn� par le rythme de renouvellement du parc, et que ce dernier serait d'autant plus rapide que l'action sur les normes s'accompagnerait d'une action sur les prix des carburants, dont la hausse augmente l'incitation �conomique � se s�parer des v�hicules les moins efficaces.

Les autres mesures possibles concernent le soutien au d�veloppement et � la commercialisation de technologies alternatives au moteur � explosion et/ou aux carburants p�troliers.

Le rapport Cheney n'envisage pas la possibilit� d'augmenter les taxes sur les carburants. Cette question est extr�mement sensible aux Etats-Unis. Il semble qu'aucun responsable politique ne soit en mesure de proposer leur rel�vement, encore moins de lui faire franchir l'obstacle du Congr�s. L'administration Clinton en fit l'exp�rience au d�but des ann�es 90, qui vit un important projet de taxe sur toutes les consommations d'�nergie (BTU tax) lamin� par le Congr�s, pour n'aboutir qu'� une modeste augmentation de la fiscalit� sur les carburants. Le rapport �voque (chapitre 4) la " r�vision " des normes de consommation impos�es aux constructeurs automobiles (Corporate Average Fuel Economy Standards, ou CAFEs) et l'objectif de les fixer de mani�re " responsable ", en sorte d'augmenter l'efficacit� �nerg�tique des v�hicules " sans affecter n�gativement l'industrie automobile ". Un r�cent rapport de l'Acad�mie des sciences a propos� une am�lioration du syst�me en vigueur consistant � attribuer aux constructeurs qui vont au-del� de la norme des " bons d'�conomie ", qu'ils peuvent soit stocker, soit revendre aux constructeurs qui sont en retard par rapport � la norme - chaque constructeur �tant tenu soit de respecter la norme, soit d'�tre en possession de bons d'�conomie pour un montant �quivalent � la diff�rence entre sa performance effective et la norme. Ce syst�me fonctionne sur le m�me principe que le march� de droits � consommer du carburant ; il s'agit en fait d'un " march� de droits � ne pas respecter les normes de consommation ".

Pour favoriser la p�n�tration des nouvelles technologies, le rapport Cheney envisage un cr�dit d'imp�t pour l'acquisition de v�hicules �conomes (hybrides, piles � combustibles). Le soutien au programme de piles � combustible pour les bus est r�affirm�. On �voque par ailleurs une gestion du trafic urbain � base d'instruments de march� (type p�age, ou permis de circulation n�gociables), qui tendent � faire supporter � l'automobiliste le vrai co�t de sa pr�sence sur la route.

Tableau 2. Quelques donn�es sur l'automobile aux �tats-Unis, 1970 - 2000

Il est �videmment tr�s difficile, vu le niveau de g�n�ralit� du rapport Cheney, d'�valuer l'impact potentiel des mesures destin�es � infl�chir la consommation de p�trole dans les transports. De mani�re g�n�rale, toute augmentation significative du co�t d'utilisation de l'automobile semble �tre politiquement impossible aux �tats-Unis. L'Administration Clinton avait d� abandonner ses projets en la mati�re, tant la taxe sur la consommation �nerg�tique que le durcissement des normes de consommation. Le recours aux services rendus par l'automobile semble rev�tir en Am�rique une dimension �minemment culturelle. La compr�hension des contraintes sp�cifiques de la politique �nerg�tique am�ricaine serait certainement am�lior�e par des travaux de nature sociologique sur la place de la voiture (et avec elle du p�trole) dans l'American way of life. Au plan �conomique, il est vrai que le rel�vement des prix des carburants porterait directement atteinte � la valeur des actifs d�tenus par les agents, notamment les v�hicules (les choix d'investissements ont �t� faits sur la base d'anticipations de prix bas). Il s'agit d'un probl�me tr�s classique en �conomie de la r�glementation (on parle de co�ts " �chou�s ") ; dans ce cas, il est rendu particuli�rement d�licat politiquement du fait du montant des actifs en jeu, et de l'importance du groupe social concern� (les propri�taires de v�hicules automobiles). Au printemps 2002, le secr�taire � l'Energie, Spencer Abraham, a lev� les incertitudes du rapport Cheney quant aux normes de consommation des v�hicules, en annon�ant officiellement � Detroit (capitale de l'industrie automobile am�ricaine) qu'elles ne seraient pas relev�es.

L'automobile semble �tre la pierre de touche de la politique p�troli�re am�ricaine. Pour le reste, ce pays n'a pas �chapp� � la rationalisation des usages du p�trole et � l'�viction massive de cette forme d'�nergie, que l'on retrouve dans tous les pays de l'OCDE.

Ma�triser la demande de p�trole dans les transports sans augmenter la fiscalit� ? Analyse d'une proposition de march� de droits � consommer de l'essence
2. L'approvisionnement du march� am�ricain : production int�rieure et importations
a. Prix et co�ts : la concurrence entre production int�rieure et p�trole import�

En 1949, les importations p�troli�res des �tats-Unis d�passaient pour la premi�re fois leurs exportations. Depuis cette date, la part du p�trole import� dans la couverture des besoins des agents am�ricains a augment� de mani�re continue, � l'exception de la p�riode 1978 - 85 (Figure 10, p. 31). Pour expliquer cette croissance, absolue et relative, des importations p�troli�res, on �voque couramment " l'�puisement " des r�serves am�ricaines. Cette analyse demande � �tre pr�cis�e. La disponibilit� relative de la production int�rieure et du p�trole import� est d'abord une question de co�ts et de prix. La progression continue de la part des importations dans la couverture de la demande refl�te la d�gradation de la comp�titivit� marginale de la production int�rieure, laquelle s'explique par la diff�rence grandissante entre les co�ts de d�veloppement aux �tats-Unis et � l'�tranger.

L'amorce du d�clin de la production int�rieure en 1970 ne modifie pas fondamentalement les donn�es du probl�me. Certes, de tr�s nombreux champs dans les 48 �tats " continentaux " sont entr�s en phase de d�clin irr�m�diable, en ce sens qu'il n'existe probablement aucun niveau de prix auquel les r�serves pourraient �tre renouvel�es. Mais il existe toujours un niveau de prix auquel la demande baisserait plus vite que la production int�rieure, donc les importations plus vite que la demande. L'interd�pendance entre les co�ts de production, le prix du p�trole, le niveau de l'offre domestique et des importations n'est pas rompue par l'entr�e de nombreux champs am�ricains dans une phase de d�clin " absolu ".

La comp�tition entre production int�rieure et p�trole import� est naturellement influenc�e par les �ventuelles barri�res protectionnistes. Le protectionnisme p�trolier est une tentation permanente aux �tats-Unis, et fut longtemps une r�alit�. La mesure la plus radicale consista � mettre en place des quotas d'importation (mandatory oil import quotas), entre 1959 et 1973 ; ces quotas faisaient suite aux (soi-disant) voluntary oil import quotas (1949 - 1958), qui avaient eux-m�mes succ�d� aux tentatives infructueuses d'administration des importations par les �tats f�d�r�s (en particulier le Texas) dans les ann�es trente. Depuis 1982, le march� p�trolier am�ricain est totalement int�gr� au march� mondial. Le prix sur le march� int�rieur est le prix mondial du p�trole brut ; la concurrence entre production int�rieure et p�troles import�s est exempte de toute distorsion.

b. Quatre p�riodes

Entre 1949 et 1970, la production p�troli�re am�ricaine (brut et " condensats ") est multipli�e par deux ; dans le m�me temps, la part de la demande couverte par le p�trole import� passe de 10% � 23%. La croissance de la production int�rieure atteste que le co�t de renouvellement du " stock ", c'est-�dire des r�serves, �tait compatible avec le prix en vigueur � l'�poque. Toutefois, sur l'ensemble de cette p�riode, la d�pense n�cessaire � l'ajout d'un baril de r�serves au Moyen-Orient repr�sente une petite fraction de celle requise aux �tats-Unis, et cette fraction diminue. Le p�trole du Moyen-Orient (mais aussi du Venezuela, et d'ailleurs) exerce donc, � partir des ann�es cinquante, une pression concurrentielle tr�s forte sur le march� am�ricain. En l'absence de barri�res protectionnistes, la croissance des importations aurait �t� nettement plus rapide, tant en valeur absolue que relative.

A partir de 1970, toutes les formes d'investissement susceptibles d'augmenter les r�serves de p�trole connaissent, aux �tats-Unis, des co�ts fortement croissants. Les �v�nements de 1973 introduisent de nouveaux param�tres, en particulier r�glementaires. L'explosion des prix du brut aurait d� favoriser un relatif redressement de la production int�rieure et une baisse de la demande, donc une d�croissance des importations. Mais les dispositions l�gislatives prises pour soulager les raffineurs face � l'augmentation de leurs co�ts d'approvisionnement (entitlements system) fonctionnent comme une subvention aux importations. Combin�e � la r�glementation des prix du brut � la production, ces mesures entravent la diffusion du signal prix et distordent les incitations : le d�veloppement p�trolier int�rieur est ralenti, la demande est artificiellement soutenue.

Entre 1978 et 1985, deux effets se conjuguent pour pr�cipiter une chute des importations (Figure 10, Figure 11) :

La comp�titivit� marginale de la production int�rieure se redresse. La forte augmentation du prix mondial d�clenche un v�ritable " boom " des investissements d'exploration et d�veloppement (dont les r�sultats sont d�cevants dans les 48 �tats " continentaux "). Elle permet en revanche une rapide et forte mont�e en puissance du champ g�ant de Prudhoe Bay en Alaska, d�couvert en 1967. Le d�veloppement de ce champ �tait rentable d�s avant le choc p�trolier, mais il fut retard� jusqu'en 1973 par la bataille politique autour de la construction du pipeline trans-Alaska. D'autre part, la lib�ralisation des prix p�troliers en 1981 supprime les aides aux puits les moins productifs et les subventions aux importations li�es au syst�me des entitlements : entre 1981 et 1985, m�me la production des lower 48 se redresse aux d�pens des importations. L'ajustement de la demande, longtemps entrav� par la r�glementation des prix, s'effectue brutalement (-2 Mb/j entre 1979 et 1983).

En cons�quence, les importations chutent sur cette p�riode, tant en valeur absolue (-3,8 Mb/j) que relative (-16 points de part de march�).

De 1985 � aujourd'hui, la part du p�trole import� dans la couverture de la demande ne cesse d'augmenter. La production am�ricaine baisse au rythme de 2% par an en moyenne. Cette baisse ralentit apr�s 1990, gr�ce notamment � la forte progression de l'offshore dans le Golfe du Mexique, stimul�e par des mesures fiscales et par les progr�s technologiques (cf. infra). Les importations ont progress� de plus de 5% par an en moyenne sur 15 ans, pour atteindre leur maximum historique en 2000. Elles s'�l�vent alors � 11 Mb/j, soit 54% des besoins de l'�conomie et de la soci�t� am�ricaines (Figure 10).

c. Le rapport Cheney et la stimulation de la production int�rieure

Le rapport Cheney pr�voit, dans son chapitre 5, plusieurs mesures de stimulation de l'offre p�troli�re int�rieure : promotion de la r�cup�ration assist�e ; d�veloppement d'un partenariat public-priv� en vue de l'am�lioration des technologies d'exploration ; extension de la politique d'octroi de licences sur les terres f�d�rales ; octroi d'incitations fiscales � l'exploration et au d�veloppement dans les zones " fronti�res ", les gisements difficiles, trop petits ou trop risqu�s pour �tre rentables aux conditions du march�. Enfin, la mesure la plus attendue et la plus controvers�e consiste � pr�coniser l'ouverture aux activit�s p�troli�res de la r�serve naturelle nationale d'Alaska (ANWR). Ces propositions, si elles �taient effectivement mises en oeuvre, sont-elle de nature � ralentir le d�clin de la production int�rieure et la hausse des importations ? La r�ponse est certainement n�gative.

Il importe de noter que toutes ces mesures, except� l'ouverture de l'ANWR, sont d�j� appliqu�es � des degr�s divers. Il ne s'agit donc au mieux que de les prolonger et les amplifier. Le partenariat public-priv� en mati�re technologique est d�j� une r�alit�, de m�me que les exemptions aux l�gislations antitrust pour certaines activit� de recherche et d�veloppement, notamment dans l'offshore. D�s 1993, le gouvernement f�d�ral a mis en place un syst�me d'incitation fiscale � l'exploration et d�veloppement dans l'offshore profond, renforc� en 1995 par le Deep Offshore Royalty Relief Act. Enfin, la politique de leasing sur terres f�d�rales n'a cess� d'�tre assouplie depuis une quinzaine d'ann�es. Les r�serves p�troli�res nationales (champs situ�s sur des terres f�d�rales et conserv�s pour servir de r�serve strat�gique " naturelle ") ont �t� partiellement ou totalement privatis�es (selon les cas), et sont donc d�velopp�es selon une logique purement commerciale par les compagnies concessionnaires.

Toutes ces mesures de stimulation de l'offre int�rieure (� laquelle il faudrait ajouter la lev�e, en 1995, de l'interdiction d'exporter le brut d'Alaska) n'ont pas �t� sans effet : elles ont contribu� au renouveau de la production offshore dans le Golfe du Mexique, au redressement des investissements d'exploration et d�veloppement en Alaska, et plus g�n�ralement au ralentissement de la baisse de la production p�troli�re am�ricaine dans les ann�es 1990. Elles ont donc amplifi� les effets positifs des progr�s technologiques sur la productivit� de l'effort d'exploration et d�veloppement. La prolongation de ces dispositions et leur approfondissement �ventuel ne peuvent avoir qu'un effet positif sur l'offre int�rieure. Mais elles ne changeront pas la tendance lourde � la croissance des importations dans la couverture de la demande, sauf dans le cas (improbable) o� celle-ci chuterait fortement dans un contexte de prix mondial tr�s �lev�.

Reste le potentiel de l'ANWR. On estime dans les milieux p�troliers que les ressources r�cup�rables s'�l�veraient � 10 milliards de barils, avec un rythme de production en pointe proche de 2 Mb/j. Ces chiffres, s'ils devaient s'av�rer exacts - ce qui est loin d'�tre acquis - sont impressionnants ; ils mettent l'ANWR au niveau du North Slope, c'est-�-dire qu'ils en font une " seconde Alaska ". Mais l'effet sur le niveau des importations est impossible � pr�voir, car il d�pend du prix mondial. Dans un contexte d'offre exc�dentaire, le brut de l'ANWR ferait baisser le prix mondial et se substituerait largement � du p�trole am�ricain moins comp�titif. Il ne remplacerait du p�trole import� que si les pays de l'OPEP limitaient leur production pour d�fendre un prix �lev�, ou si les �tats-Unis r�tablissaient des barri�res protectionnistes (taxe ou quotas) afin de maintenir le prix int�rieur au-dessus du prix mondial. Le projet de loi de la Chambre de Repr�sentants pr�voit l'ouverture de l'ANWR, mais pas celui vot� au S�nat.

d. Conclusion

La diff�rence entre les co�ts marginaux de d�veloppement aux �tats-Unis et dans de nombreuses provinces p�troli�res plus comp�titives � l'�tranger - le Moyen-Orient �tant un cas extr�me - est aujourd'hui tr�s importante, et continue d'augmenter. Dans ces conditions, le taux de contribution de l'offre int�rieure � l'approvisionnement des �tats-Unis sera principalement d�termin� par les politiques p�troli�res de l'Arabie Saoudite, du Kowe�t, de l'Iran, de l'Irak et du Venezuela, ainsi que par la capacit� de l'industrie p�troli�re internationale � renouveler ses r�serves hors de l'OPEP. Les marges de manoeuvre des autorit�s am�ricaines sont extr�mement limit�es. L'effet des mesures de stimulation de l'offre est difficile � appr�hender avec pr�cision. La plus prometteuse d'entre elles, � savoir l'acc�l�ration de l'ouverture des terres f�d�rales aux activit�s p�troli�res est soumise � une forte incertitude politique.

On peut donc affirmer avec un degr� �lev� de certitude que toute augmentation de la demande de p�trole se traduira par une augmentation plus que proportionnelle des importations. Sauf r�volution technologique dans le secteur des transports, une telle augmentation va se produire.

L'effet du progr�s technologique sur la comp�titivit� du p�trole am�ricain : quelle est la signification de la baisse du "co�t unitaire de d�couverte" ?
3. Les importations p�troli�res am�ricaines : structure et dynamique

L'importation de p�trole brut et de produits raffin�s est une activit� libre aux �tats-Unis. Les restrictions administratives sont limit�es aux pays sur lesquels p�sent des sanctions �conomiques (Iran et Libye). L'�volution de la structure g�ographique des importations am�ricaines refl�te donc les arbitrages �conomiques des agents am�ricains (raffineurs, traders, gros utilisateurs de produits p�troliers telles les compagnies a�riennes), et plus g�n�ralement des acteurs du march� p�trolier mondial. En fait, l'allocation g�ographique de l'offre p�troli�re mondiale est largement le produit d'un processus anonyme impliquant des centaines d'agents �conomiques cherchant � maximiser la valeur du p�trole qu'ils poss�dent, et/ou � minimiser le co�t de leur approvisionnement. Le march� am�ricain est une composante de ce syst�me mondial marchand. Les expressions du type " les �tats-Unis importent davantage du Canada que d'Arabie Saoudite " doivent donc �tre utilis�es avec pr�caution. Ce sont des acteurs priv�s qui importent, et leurs choix sont dict�s par des consid�rations de co�t et de convenance, en particulier quant aux caract�ristiques techniques des diff�rents bruts et produits.

Depuis le premier choc p�trolier, deux tendances majeures nous semblent m�riter un int�r�t particulier : d'une part l'�volution de la contribution du Golfe persique aux approvisionnements am�ricains ; d'autre part la r�gionalisation des importations am�ricaines au cours des ann�es 1990. On �voquera aussi les d�veloppements r�cents (1998 - 2000), et l'avenir des importations am�ricaines.

a. La contribution du Golfe arabo-persique

Le Golfe persique est, sur le march� p�trolier am�ricain, un fournisseur parmi d'autres. En moyenne, sur une p�riode de 25 ans, les importations en provenance de cette r�gion couvrent moins de 10% de la consommation p�troli�re des Etats-Unis (13% en 1999 et 2000), et cette part n'augmente pas (Figure 13, p. 39). Les Figure 12 et Figure 14 montrent que le Golfe occupe dans les approvisionnements ext�rieurs des �tats-Unis une place ni n�gligeable, ni pr�pond�rante. Ce qui frappe �galement dans ces graphiques, c'est le mouvement d'�viction du Golfe entre 1980 et 1985, suivi d'un retour au cours des cinq ann�es suivantes. De fait, cette r�gion (c'est-�-dire, sur le march� am�ricain, principalement l'Arabie Saoudite et l'Irak) se singularise moins par le niveau de sa contribution aux importations am�ricaines que par les fluctuations de sa part dans ces importations.

Ces fluctuations ont une explication simple. Le p�trole brut s'�change � un prix mondial unique (net des co�ts de transport et des diff�rentiels de qualit�), d�termin� sur un march� " spot ". Les pays du Golfe, qui ont � tout moment la possibilit� d'augmenter rapidement leur offre � des co�ts repr�sentant une petite fraction du prix en vigueur (soit en exploitant plus intens�ment leurs capacit�s install�es, soit en les augmentant), ont donc le pouvoir d'�vincer les autres producteurs sur les march�s (y compris le march� am�ricain), tout en exer�ant une pression � la baisse sur le prix. A l'inverse, lorsqu'ils diminuent leur production (ou simplement ne l'augmentent pas alors que la demande cro�t) pour d�fendre un niveau de prix, ils perdent des parts de march� si d'autres producteurs sont capables de couvrir la demande au prix en vigueur ; dans le cas contraire le prix augmente. Entre 1980 et 1985, l'Arabie Saoudite r�duit continuellement sa production pour soutenir le prix dans un contexte de baisse de la demande mondiale ; cela se traduit par une forte chute des exportations du Golfe persique vers les �tats-Unis. Apr�s 1985, l'Arabie Saoudite s'engage dans une strat�gie de reconqu�te de ses parts de march� : ses exportations vers les �tats-Unis passent de 0,2 Mb/j en 1985 � 1,4 Mb/j en 1989 (Figure 15, p. 41).

Dans les ann�es 1990 et ceci pour la premi�re fois, la part du Golfe a baiss� alors que les importations am�ricaines augmentaient. Pendant cette p�riode, l'offre p�troli�re mondiale (hors Golfe) est rest�e tr�s dynamique, contraignant les producteurs du Golfe � contenir leurs niveaux de production pour �viter une chute des prix (qui s'est finalement produite en 1997 - 98). La part du Golfe dans les importations am�ricaines a donc baiss� jusque 1997. Son redressement entre 1998 et 2000 est enti�rement d� au retour du p�trole irakien sur le march� am�ricain : 700 000 b/j en 1999 contre 0 en 1996.

On pourrait donc dire que les producteurs du Golfe, et notamment l'Arabie Saoudite, d�terminent largement eux-m�mes l'�volution de leur part de march� aux �tats-Unis (et sur le march� mondial en g�n�ral). Il leur suffit de produire davantage pour que cette part augmente, au prix d'une baisse, �ventuellement forte, des cours du brut. Sur l'ensemble de la p�riode couverte ici, la contribution du Golfe aux approvisionnements am�ricains se situe � un niveau tr�s nettement inf�rieur � ce qu'il serait en l'absence de restriction. Entre 1949 et 1973, le m�canisme de restriction se situait aux Etats-Unis (limitation des importations) ; depuis 1973, ce sont les �tats du Golfe qui limitent leur production. Si ces producteurs se d�sint�ressaient du prix (donc augmentaient leur production jusqu'� ce que le co�t d'une unit� suppl�mentaire et le prix mondial s'�galisent), le prix du p�trole s'�tablirait probablement en dessous de 5 $ et le Golfe couvrirait une part largement pr�pond�rante des importations am�ricaines, dont le niveau serait beaucoup plus �lev� qu'aujourd'hui.

b. La r�gionalisation des approvisionnements ext�rieurs

Les importations en provenance du Canada et des pays d'Am�rique latine ont augment� continuellement et assez r�guli�rement depuis la fin des ann�es 1970 (Figure 14, Figure 15). Le contraste avec les fluctuations du Golfe persique appara�t de mani�re saisissante. En cons�quence, on observe un mouvement de r�gionalisation des importations am�ricaines. L'h�misph�re occidental (selon l'expression consacr�e aux �tats-Unis) repr�sentait 50% des importations en 1997, contre 35% en 1990 et 20% en 1980 (Figure 16, p.42). Cette progression a permis de compenser la baisse de la production am�ricaine pour maintenir autour de 70% le taux de r�gionalisation de l'approvisionnement p�trolier des �tats-Unis (production int�rieure comprise).

c. D�veloppements r�cents

Face � la chute des prix survenue en 1997 - 98, les pays de l'OPEP ont d�cid� de retirer du march� des quantit�s tr�s importantes de p�trole (par exemple 3,5 Mb/j pour la seule ann�e 2001, et environ 5 Mb/j depuis 1999), aid�s ponctuellement par le Mexique et la Norv�ge, marginalement par le sultanat d'Oman et la Russie. Les effets sur le prix mondial ont �t� tr�s importants. Ils se sont �galement fait sentir tr�s directement sur la structure des importations am�ricaines (Figure 15). Le volume en provenance du Venezuela a chut� de plus de 300 000 b/j entre 1997 et 1999, et la progression des exportations mexicaines vers les �tats-Unis, qui avoisinait 10% par an depuis 1992, a brusquement stopp�. Seules les exportations saoudiennes vers les �tats-Unis n'ont pas diminu� (� l'inverse de ce qui s'�tait pass� dans les ann�es 80).

La compensation de ces volumes " perdus " est venue d'Europe et surtout du Canada, pays dont les exportations vers les �tats-Unis ont atteint un record historique en 2000, en hausse de 20% par rapport � 1999. Le voisin du nord est aujourd'hui le premier exportateur de p�trole vers les �tats-Unis. Mais c'est surtout le p�trole irakien qui a profit�, sur le march� am�ricain, des actions de l'OPEP (le p�trole export� sous le contr�le des Nations Unies �chappe aux quotas du cartel). L'Am�rique est le premier " client " de l'Irak dans le cadre du programme " p�trole contre nourriture ". Jamais les �tats-Unis n'avaient import� autant de p�trole irakien qu'en 1999 et 2000.

d. L'avenir des importations am�ricaines

Les projections du DOE anticipent une modification sensible de la structure des importations p�troli�res am�ricaines au cours des vingt prochaines ann�es. Les importations en provenance du Golfe persique repr�senteraient pr�s de 20% de la consommation en 2020, contre 13% aujourd'hui. Elles progresseraient donc plus rapidement que le total des importations, croissant elles-m�mes plus vite que la demande. Cette tendance refl�te la croissance de la contribution du Moyen-Orient � l'offre p�troli�re mondiale.

On ne peut discuter ici dans le d�tail ces projections. On fera simplement deux remarques. La premi�re est que la capacit� des mod�les � appr�hender correctement l'�volution de l'offre " hors Golfe ", et m�me " hors OPEP ", est incertaine. Des facteurs comme les progr�s technologiques, l'�volution de la fiscalit� et du cadre juridique des investissements, qui ont un impact tout � fait d�cisif sur les co�ts et les risques assum�s par les compagnies p�troli�res, donc sur les d�cisions d'investissement, sont tr�s difficiles � int�grer dans une approche mod�lis�e. La seconde remarque est que les mod�les traitent en g�n�ral la production du Golfe persique (et parfois de l'OPEP) comme un volume r�siduel : elle couvre la diff�rence entre la demande mondiale et la production " hors Golfe " (le cas �ch�ant " hors OPEP "). Or le paysage �nerg�tique en 2020 sera tr�s diff�rent selon que les pays du Golfe (auxquels il faut ajouter le Venezuela et la Libye) adopteront, comme ils le font depuis trente ans, une politique de limitation de leur production en vue de la d�fense d'un niveau de prix, ou que s'enclenchera une course aux parts de march� au sein de l'OPEP. Parmi les facteurs qui pourraient favoriser l'option concurrentielle, citons la lev�e des sanctions sur l'Irak ou la d�fection d'un membre important de l'OPEP, quittant l'organisation de fait ou de droit. A l'inverse, la capacit� de l'OPEP � associer durablement de nouveaux producteurs � son action (Mexique, Norv�ge, Russie), �loignerait le risque d'un �clatement du cartel.

Les incertitudes sont donc tr�s importantes. Le volume de production que les principaux mod�les attribuent au Golfe persique en 2020 correspond � un doublement des capacit�s par rapport � 2000 (on passerait en gros de 20 � 40 Mb/j). Les pr�visions de prix varient mais n'anticipent pas d'augmentation significative, en termes r�els, sur les vingt prochaines ann�es. Si les �tats du Moyen-Orient n'effectuaient pas les investissements requis (rappelons que les capacit�s de production dans le Golfe n'ont pas augment� depuis 30 ans), le prix du p�trole pourrait �tre nettement plus �lev�, la demande plus faible, et la production " hors Golfe " plus soutenue. Les importations am�ricaines seraient alors plus faibles que ne l'anticipent les mod�les et nettement moins concentr�es sur le Moyen-Orient. A l'inverse, si le processus concurrentiel s'enclenchait entre producteurs � co�ts de production tr�s bas, le prix s'effondrerait, stimulant la demande et d�primant la production " hors Golfe ". Les importations am�ricaines seraient encore plus fortes qu'escompt�, ainsi que la part du Moyen-Orient dans les approvisionnements ext�rieurs.

4. Conclusions

On a soulign� plus haut que les facteurs qui d�termineront le niveau des importations p�troli�res am�ricaines �chappent largement au gouvernement des �tats-Unis. Cette conclusion vaut �galement pour la structure g�ographique des approvisionnements. Les d�cisions les plus structurantes, qui d�termineront la contribution des provinces les plus comp�titives � la couverture de la demande mondiale, donc le niveau des prix, seront prises par les gouvernements des pays du Moyen-Orient et du Venezuela. Elles le seront soit dans le cadre coop�ratif de l'OPEP, soit individuellement, soit, et c'est le plus probable, dans un entre-deux o� les d�cisions collectives viendront consacrer les options individuelles de quelques-uns.

Face au poids des tendances lourdes, les marges de manoeuvre des politiques publiques am�ricaines sont r�duites, quoi qu'en disent certains responsables de l'administration et du Congr�s. Le rapport Cheney annonce la continuation et l'approfondissement d'une politique d'offre, donnant � l'industrie p�troli�re toutes les chances de d�couvrir, d�velopper et produire les ressources p�troli�res int�rieures. Cette politique contribuera de mani�re tr�s limit�e � l'objectif de r�duire la " d�pendance " p�troli�re ext�rieure. De ce point de vue, une action sur la demande de p�trole aurait un impact potentiel sup�rieur (en particulier l'augmentation des taxes sur les carburants et l'am�lioration de l'efficacit� �nerg�tique des v�hicules automobiles.) Le rapport Cheney reste extr�mement prudent dans ses orientations en mati�re de gestion de la demande de p�trole li�e au transport.

La tendance la plus probable est que les importations p�troli�res am�ricaines vont continuer d'augmenter au cours des vingt prochaines ann�es, vont couvrir une part croissante de la demande int�rieure, et seront plus concentr�es sur les pays du Moyen-Orient. L'intensit� de ces �volutions est soumise � forte incertitude.

Reste � �tudier l'impact d'un approfondissement de la " d�pendance " sur la s�curit� �nerg�tique des Etats-Unis, question trait�e dans le second volet de ce travail.

SECTION 2. POLITIQUE PETROLIERE AMERICAINE ET SECURITE ENERGETIQUE
1. Le lien entre d�pendance p�troli�re et s�curit� �nerg�tique : analyse critique

La croissance des importations dans la couverture de la demande p�troli�re, qui va se poursuivre au cours des ann�es et d�cennies � venir, est tr�s souvent d�crite comme mena�ant la " s�curit� �nerg�tique " des Etats-Unis. M�me s'ils ne proposent pas d'atteindre l'autosuffisance �nerg�tique ou p�troli�re, le rapport Cheney comme les propositions de loi vot�es � la Chambre et au S�nat en 2001 et 2002 reprennent � leur compte cette analyse, et �tablissent explicitement une corr�lation entre objectif de s�curit� et objectif de limitation (ou de r�duction) de la d�pendance. Une appr�ciation rigoureuse du fonctionnement du march� p�trolier montre au contraire que la s�curit� �nerg�tique, quel que soit le contenu pr�cis qu'on lui donne (disponibilit� physique des approvisionnements, niveau et stabilit� des prix, exposition aux crises), est quasi indiff�rente au niveau des importations p�troli�res, au taux de d�pendance ext�rieure, et � la provenance g�ographique du p�trole.

a. Une donn�e fondamentale : le march� p�trolier est int�gr�

Toute discussion sur la s�curit� �nerg�tique et les approvisionnements p�troliers doit partir de cette r�alit� : le p�trole est une mati�re premi�re " fongible " �chang�e sur un march� mondial techniquement et �conomiquement int�gr�. L'�quilibre entre offre et demande est un �quilibre mondial, qui d�termine un prix mondial r�v�l� par des march�s " spot ".

Le march� est techniquement unifi� car le p�trole se transporte sur longues distances � des co�ts relativement faibles : environ 10$ par tonne par exemple entre le Golfe persique et les grands march�s de consommation, soit environ 1,4$/baril. La plupart des bruts n'ont pas de march�s r�gionaux strictement captifs et peuvent �tre raffin�s en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie (m�me si certaines caract�ristiques physico-chimiques limitent les possibilit�s de substituer rapidement un brut � un autre dans certaines raffineries). La " substituabilit� " des diff�rents bruts dans les raffineries am�ricaines a augment� ces derni�res ann�es � la faveur de travaux de modernisation de l'appareil de raffinage. Ainsi, les op�rateurs de march� (les traders) peuvent effectuer des arbitrages afin de profiter des diff�rences de prix entre les march�s locaux, diff�rences qui ne peuvent donc se prolonger dans le temps : l'unit� technique du march� induit son unit� �conomique. Une fois d�duits les co�ts de transport et les diff�rentiels de qualit� (teneur en soufre, gravit�), il existe un seul prix mondial du p�trole brut.

L'allocation de l'offre de p�trole entre les demandeurs se fait par un processus purement marchand, anonyme, proche de celui que d�crivent les manuels de micro�conomie. Ce sont les acheteurs individuels (traders, raffineurs) qui sont en concurrence pour s'approvisionner, et non les Etats ou les �conomies nationales. Le m�canisme des prix, qui r�partit le p�trole entre les milliers de consommateurs effectifs et potentiels, transcende les fronti�res : les agents am�ricains sont en concurrence entre eux comme avec les agents europ�ens, sud-am�ricains, asiatiques et autres.

Une autre mani�re d'exprimer l'id�e d'un march� mondial int�gr� consiste � parler de " one great pool ". L'image est due � M. Adelman, qui voit le march� p�trolier comme une " grande bassine ", dans laquelle se d�versent toutes les productions - quelle que soit leur localisation g�ographique, qu'elles donnent lieu � �change international ou non - et dans laquelle puisent tous les consommateurs. Si cette repr�sentation correspond au fonctionnement r�el du march�, alors les prix doivent �voluer de mani�re identique sur tous les march�s locaux, et tendre vers un prix unique (net des co�ts de transport). Les tests �conom�triques effectu�s ont largement confirm� l'hypoth�se du one great pool, ou du march� int�gr�. Ils montrent en outre que l'int�gration a fortement progress� � la faveur du d�veloppement de nouveaux modes de commercialisation, en particulier de la multiplication des instruments financiers d�riv�s (futures, swaps, options) permettant d'optimiser les strat�gies d'approvisionnement en facilitant les arbitrages dans le temps et dans l'espace. Le march� p�trolier est devenu un march� de " commodit� " comme un autre : entre l'amont et l'aval de l'industrie, forc�ment localis�s, s'interpose un " midstream " autonome et mondialis�, qui assure par des m�canismes purement marchands l'optimisation des flux physiques et la r�v�lation en temps r�el de prix spot et � terme, sur la base desquels les agents effectuent leurs d�cisions.

b. Qu'est-ce qu'une crise p�troli�re ?

Les m�canismes qui viennent d'�tre d�crits impliquent qu'il ne peut exister de rupture physique dans les approvisionnements p�troliers d'une r�gion ou d'un pays quelconque. Une crise p�troli�re, m�me lorsqu'elle a pour cause la d�fection (accidentelle ou volontaire) d'un producteur, se manifeste toujours par une hausse des prix, ressentie par tous les consommateurs de p�trole o� qu'ils soient dans le monde. Si on laisse fonctionner le m�canisme des prix, c'est-�-dire qu'on laisse monter les cours, les arbitrages - ou, plus pr�cis�ment, les anticipations sur les arbitrages - diffusent instantan�ment l'augmentation sur tous les march�s. Les m�canismes marchands fonctionnent donc comme une machine � transformer une rupture physique d'approvisionnement (qui est un ph�nom�ne local) en une hausse du prix (qui est un ph�nom�ne mondial).

Signalons que la hausse des prix, qui est le sympt�me de la p�nurie, est aussi le principal rem�de � la p�nurie. Elle " signale " aux consommateurs qui le peuvent qu'ils ont int�r�t � s'effacer, partiellement ou enti�rement ; elle " signale " en outre aux producteurs qui le peuvent qu'ils ont int�r�t � produire plus. La hausse des prix est donc le moyen par lequel le march� diffuse � tous les agents concern�s l'information sur la raret� relative du p�trole, et engendre les incitations � adopter des comportements individuels contribuant � r�tablir l'�quilibre entre offre et demande mondiales. Pour toutes ces raisons, la libert� des prix du p�trole, surtout en temps de " crise ", est un �l�ment central de toute politique p�troli�re rationnelle.

c. Un embargo p�trolier est-il possible ?

Un autre corollaire de ce constat fondamental sur l'int�gration du march� p�trolier mondial est que les embargos s�lectifs ne constituent pas une menace cr�dible. Par exemple, il n'est pas possible pour l'Arabie Saoudite, ou pour tout autre producteur ou groupe de producteurs, de restreindre ou de stopper ses exportations vers les Etats-Unis. Admettons, par hypoth�se, qu'il soit possible d'interdire aux cargos ayant charg� du p�trole saoudien de le livrer aux Etats-Unis (ce qui suppose un accompagnement maritime de tous les p�troliers qui chargent en Arabie Saoudite). Les raffineurs am�ricains touch�s par l'embargo - ceux qui raffinent habituellement du brut saoudien - se retourneraient vers le march� spot pour compenser les approvisionnements manquants. Ils obtiendraient tout le p�trole pour lequel ils sont pr�ts � payer, sachant que le prix spot augmenterait brutalement du fait de leur comportement : le march� transformerait une p�nurie physique concernant quelques dizaines d'agents en une hausse de prix ressentie par des milliers.

Sur cette base, deux sc�narios sont possibles. Soit l'Arabie Saoudite maintient son niveau global d'exportations et se contente " d'interdire " toute livraison aux Etats-Unis ; dans ce cas la hausse des prix serait limit�e au temps n�cessaire � la r�organisation des circuits de commercialisation vers l'Am�rique du Nord. Soit l'Arabie Saoudite r�duit ses exportations totales du montant habituellement livr� aux Etats-Unis ; l'embargo s'apparente alors � une r�duction de l'offre mondiale et la dur�e de la hausse des prix d�pend du temps n�cessaire aux autres producteurs pour prendre la part de march� abandonn�e par l'Arabie Saoudite. Dans les deux cas les cons�quences ressenties sp�cifiquement par les agents am�ricains, par exemple sous forme de p�nuries physiques, seraient faibles ou nulles (� condition qu'il n'y ait pas d'entrave au libre fonctionnement du march� : ni r�glementation du prix, ni allocation administrative du p�trole). De mani�re g�n�rale, si un Etat exportateur souhaite " punir " un Etat importateur ou faire pression sur lui, il ne peut le faire que de mani�re non s�lective, en faisant supporter � tous les consommateurs une hausse du prix mondial.

Historiquement, l'embargo p�trolier s�lectif n'a �t� tent� qu'une seule fois, en 1973, par les producteurs arabes de l'OPAEP, � l'encontre des Etats-Unis et des Pays-Bas. Cet embargo, contrairement � une l�gende tenace, n'a eu aucun effet direct notable - m�me s'il a contribu� � engendrer des comportements de panique, aggrav�s par le contr�le des prix sur le march� am�ricain. Il n'obtint d'ailleurs aucun r�sultat politique. Depuis les ann�es quatre-vingt, le ph�nom�ne des embargos fonctionne en sens inverse : les Etats-Unis interdisent l'importation de p�trole libyen (depuis 1982) et iranien (depuis 1980), et l'ONU administre les exportations irakiennes dans le cadre d'un programme dit " p�trole contre nourriture " (depuis 1991). Pour l'Iran et la Libye, l'embargo est tout aussi inefficace dans ce sens que dans l'autre : son effet m�canique est d'augmenter les importations am�ricaines en provenance d'autres pays et les exportations libyennes vers l'Europe, iraniennes vers l'Asie. Pour ces deux pays (et surtout pour l'Irak), la prohibition des investissements d'exploration et production est un probl�me plus s�rieux, mais ext�rieur � notre sujet.

d. De la d�pendance ext�rieure � la concentration de l'offre

Une fois acquise l'id�e que le march� p�trolier est int�gr� mondialement, on comprend que le lien entre d�pendance ext�rieure et s�curit� �nerg�tique doit �tre nettement relativis�. Les cons�quences pour les Etats-Unis d'une rupture dans l'offre p�troli�re quelque part dans le monde ne sont pas li�es au niveau des importations en provenance de la r�gion concern�e, ni � la part des importations dans l'approvisionnement du march� am�ricain. Une crise p�troli�re se manifeste par une hausse du prix mondial, et le prix sur le march� am�ricain est le prix mondial du p�trole. La v�ritable " d�pendance " est donc celle de l'�conomie am�ricaine � l'�gard du p�trole, plus exactement du march� p�trolier mondial, et non des importations, du Moyen Orient ou de l'Arabie Saoudite.

La sensibilit� de l'�conomie am�ricaine � une crise p�troli�re n'est pas li�e au taux de d�pendance ext�rieure ; en revanche, le degr� de concentration de l'offre p�troli�re mondiale est une variable importante de la s�curit� �nerg�tique. La gravit� d'une crise p�troli�re est d�termin�e par le rapport entre le volume d'offre qui vient � manquer et le total de l'offre mondiale. La s�curit� �nerg�tique des consommateurs de p�trole (o� qu'ils se trouvent) est donc renforc�e par la diversification g�ographique de la production p�troli�re mondiale et, r�ciproquement, un mouvement de relative concentration augmente les risques. Le risque est d'autant plus �lev� que l'offre est concentr�e sur des pays ou r�gions o� la probabilit� d'une rupture de la production est �lev�e.

Depuis plus de 25 ans, l'offre p�troli�re mondiale s'est profond�ment diversifi�e ; elle l'est aujourd'hui beaucoup plus qu'� aucune autre �poque de l'histoire p�troli�re. Entre 1945 et 1973, la production du Moyen-Orient augmentait beaucoup plus vite que la production mondiale : la part de cette r�gion est pass�e de 7% en 1945 � 40% en 1973. Apr�s avoir nettement baiss� dans les ann�es 1980, cette part est revenue aujourd'hui � 40% et semble se stabiliser depuis le d�but des ann�es 1990. Depuis 1985, les pr�visions d'un fort mouvement de re-concentration de l'offre p�troli�re sur le Moyen-Orient ont �t� d�menties. Toutefois, les principales projections disponibles aujourd'hui (par exemple l'International Energy Outlook de l'Energy Information Administration, le World Energy Outlook de l'Agence Internationale de l'Energie) montrent encore une forte progression de la part du Golfe persique dans l'offre p�troli�re d'ici � 202049. La variable cl�, en dehors de l'�volution de la demande, est la capacit� de l'industrie p�troli�re internationale � maintenir le rythme de d�veloppement de la production dans le segment concurrentiel du march� mondial. Cette capacit� d�pend de plusieurs facteurs parmi lesquels :

Les �volutions technologiques en exploration et production, qui font reculer la fronti�re des p�troles " non conventionnels " en baissant les co�ts dans l'offshore ultra profond, les bruts extra lourds, les sables asphaltiques et les schistes bitumineux ; La qualit� des institutions politico-juridiques dans les pays en d�veloppement les plus actifs sur le march� des permis, en Afrique subsaharienne, Am�rique latine, en Russie ou Asie centrale ; L'�volution du climat g�n�ral des relations internationales, qui influera positivement ou n�gativement sur le d�veloppement d'un r�gime juridique international favorable aux investissements �nerg�tiques, et sur la construction d'infrastructures de transport transfrontali�res importantes en Am�rique, en Asie centrale et orientale, en Europe ou encore en Afrique. Enfin, naturellement, le d�placement �ventuel de la " fronti�re " du secteur concurrentiel, notamment l'ouverture plus large de pays comme le Venezuela, la Libye, la Chine ou m�me les pays du Golfe persique.
e. Conclusion

Il ressort de cette analyse que la r�duction de la d�pendance p�troli�re, � supposer qu'elle soit possible, ne constitue pas un objectif raisonnable. Les Etats-Unis se priveraient des gains � l'�change avec les producteurs les plus comp�titifs, sans compensation notable en mati�re de s�curit� �nerg�tique ; ils n'obtiendraient en particulier aucune r�duction notable de la sensibilit� de l'�conomie am�ricaine aux crises p�troli�res. Dans un contexte o� le march� p�trolier est int�gr� mondialement, les politiques de s�curit� efficaces sont des politiques de construction et de s�curisation du march�, et non des politiques de limitation du recours au march� (r�duction de la demande ou des importations). C'est sur la base de ces conclusions que nous allons �tudier l'�volution de la politique p�troli�re am�ricaine depuis les ann�es 1920.

2. La politique p�troli�re des Etats-Unis avant 1980
a. 1920 - 1973 : cinquante ans d'interventionnisme pour prot�ger les producteurs
Contr�le de la production int�rieure : la proration

L'Am�rique est sortie de la premi�re guerre mondiale avec le souci aigu d'une possible " d�pendance p�troli�re ". C'est alors que furent cr��es les Naval Petroleum Reserves, champs p�troliers f�d�raux maintenus en " r�serve " pour assurer, en cas de guerre, l'approvisionnement de la marine. C'est aussi � cette �poque que la diplomatie am�ricaine entreprit d'obtenir des Britanniques et des Fran�ais l'entr�e des compagnies am�ricaines dans les zones les plus prometteuses, notamment en M�sopotamie - politique de l'Open Door qui devait aboutir � l'entr�e de Jersey Standard (Exxon) et Socony (Mobil) dans la Turkish Petroleum Company, avant que ce consortium ne referme la porte du Moyen-Orient par le c�l�bre accord de la " ligne rouge ", en 1928.

Mais l'anticipation de la p�nurie fit rapidement place � la difficile gestion de l'abondance avec l'entr�e en production, apr�s 1925, des d�couvertes g�antes effectu�es en Oklahoma (champ de Seminole) et, surtout, au Texas (champ de l'East Texas). Ces d�couvertes g�antes se conjugu�rent � la crise de 1929 pour pr�cipiter un effondrement des prix qui heurta tr�s durement l'industrie p�troli�re, en particulier les milliers de petits producteurs qui op�raient les puits les moins productifs. Les autorit�s de ces deux �tats r�agirent en �dictant des l�gislations destin�es � limiter la " surproduction " et le " gaspillage ". Ce fut le d�but d'un vaste effort politico-juridique, relay� par les pouvoirs f�d�raux dans les ann�es 1930, qui mit fin � l'�re concurrentielle de l'histoire p�troli�re am�ricaine. Du milieu des ann�es 1920 au d�but des ann�es 1970, l'industrie p�troli�re v�cut sous le r�gime de la " proration " ; tous les puits, � l'exception des moins productifs, se voyaient octroyer des quotas de production d�finis au niveau des �tats ; le commerce inter-�tatique �tait strictement contr�l� et limit�.

Pour justifier le maintien de ce r�gime n� dans des circonstances historiques tr�s particuli�res, on continua d'invoquer pendant pr�s de cinquante ans la lutte contre la " surproduction " que g�n�rerait n�cessairement la libre concurrence dans l'industrie p�troli�re. Les meilleurs �conomistes du p�trole (P. Bradley et M. Adelman, entre autres) ont montr� que la libre concurrence eut �t� tout � fait praticable, en particulier si on avait modifi� le r�gime juridique de propri�t� sur les ressources et/ou impos� des r�gles d'unification des r�servoirs. Le syst�me de proration fut maintenu car un �quilibre politique durable s'�tait form� en sa faveur : les petits producteurs �taient les grands gagnants ; pour les majors le manque � gagner local (aux Etats-Unis) �tait largement compens� par le soutien qu'apportait le contr�le du march� am�ricain (et les quotas d'importations, cf. infra) � leurs accords anti-concurrentiels au plan mondial ; et les milieux politiques, tant f�d�raux qu'�tatiques et m�me locaux, se partageaient les pr�rogatives li�es � l'administration d'un syst�me tr�s complexe - et, pour certains responsables politiques en particulier texans, les sommes d'argent g�n�r�es par la corruption du syst�me.

Au plan �conomique, la proration g�n�ra une augmentation du volume global de rentes par rapport � une situation concurrentielle, et une redistribution de ces rentes vers les petits producteurs d'une part, l'administration d'autre part. Par ailleurs, les quotas entra�naient l'apparition de capacit�s de production inutilis�es (exactement comme, plus tard, les quotas de l'OPEP), qui sont un facteur d'instabilit� du march�. Enfin, les puits les moins productifs �tant exempts de quotas, les petits producteurs avaient int�r�t � forer toujours plus afin de gagner artificiellement des parts de march� aux d�pens des puits plus productifs. Motiv� par la lutte contre un " gaspillage " conjoncturel, le syst�me de proration en g�n�ra un beaucoup plus structurel, et de grande ampleur, tout en augmentant le co�t de l'approvisionnement p�trolier am�ricain.

Contr�le des importations

Le contr�le des importations p�troli�res repr�sente l'autre face de l'interventionnisme p�trolier am�ricain. D�s les ann�es 1930, et plus encore apr�s 1945, le p�trole du Venezuela et du Mexique, puis du Moyen-Orient, exer�ait une forte pression sur le march� int�rieur am�ricain. La mise en place de barri�res protectionnistes s'imposait comme une n�cessit� sous peine de ruiner le syst�me de proration : les deux faces de l'interventionnisme p�trolier sont donc �troitement li�es. Concr�tement, la protection prit la forme de quotas et de taxes. Les quotas furent d'abord " volontaires " (1949 - 1958), puis obligatoires dans le cadre du Mandatory Oil Import Program (1959 - 1973). En 1932, le Revenue Act imposa, pour la premi�re fois, des taxes sur les importations p�troli�res (p�trole brut et certains produits raffin�s) ; elles furent progressivement r�duites � la faveur d'accords avec le Venezuela et le Mexique, et de la signature du GATT en 1947. Cette forte r�duction des taxes fut � l'origine de la r�glementation par les quantit�s (quotas) � partir de 1949. Les taxes ne furent pas pour autant abolies, et furent r�organis�es en 1962 dans le cadre du Trade Expansion Act. La p�n�tration du p�trole import� fut n�anmoins tr�s importante sur cette p�riode (cf. Figure 10, p. 31) ; elle eut �t� nettement sup�rieure en situation de libre-�change.

Conclusion

Les cinquante ann�es qui pr�c�dent les chocs p�troliers repr�sentent une p�riode de forte intervention publique dans le fonctionnement du march� am�ricain. La r�glementation de la production int�rieure et le contr�le des importations sont les deux faces, ins�parables, d'une m�me politique consistant � contraindre le processus concurrentiel pour prot�ger les int�r�ts des producteurs " ind�pendants ", en particulier les moins efficaces d'entre eux, mais aussi, indirectement, les int�r�ts des grandes compagnies engag�es par ailleurs dans des accords de contr�le du march� mondial. Il s'agit d'une politique destin�e � renforcer la " s�curit� �conomique " de l'industrie p�troli�re am�ricaine plus que la s�curit� �nerg�tique du pays, bien que les mesures protectionnistes aient �t�, d�s les ann�es trente, formellement justifi�es � l'aune de consid�rations de " s�curit� nationale " - alors m�me que les Etats-Unis exportaient, en 1932, plus de p�trole qu'ils n'en importaient et que les importations repr�sentaient, en 1962, moins de 20% de la consommation totale.

b. 1973 - 1980 : effets pervers de la r�glementation destin�e � prot�ger les raffineurs et les consommateurs

Les ann�es 1970 furent un prolongement des cinquante ans d'interventionnisme, dans une conjoncture radicalement diff�rente : il s'agissait d�sormais de lutter contre la hausse des prix et non plus de pr�venir leur baisse. D�s avant 1973, les prix du p�trole �taient affect�s par les mesures g�n�rales de lutte contre l'inflation, dans le cadre du Economic Stabilization Act (1970). La p�riode ouverte par la crise p�troli�re de 1973 - 1974 fut marqu�e par une forte activit� en mati�re de politique �nerg�tique, mais aussi par beaucoup d'erreurs et une certaine confusion. Apr�s le premier choc p�trolier, le pr�sident des Etats-Unis affirmait solennellement que son pays atteindrait l'ind�pendance �nerg�tique en 1980, et que cette qu�te repr�sentait " l'�quivalent moral de la guerre ". Cet objectif hautement improbable ne fut pas atteint, loin de l� : les distorsions introduites par le contr�le des prix devaient conduire � une explosion des importations, qui augment�rent de pr�s de 50% entre 1974 et 1978. C�t� l�gislatif, le nombre de textes est impressionnant : Emergency Petroleum Allocation Act (1973), Energy Policy and Conservation Act (1975), Energy Conservation and Production Act (1976), National Energy Act (1978).

A la fin de la p�riode, les dispositifs de contr�le des prix, d'allocation physique du p�trole et de subventions crois�es entre raffineurs avaient atteint un tr�s haut degr� de complexit�. Leur objectif �tait de prot�ger les raffineurs et les consommateurs contre la hausse des prix mondiaux. Ils engendr�rent des effets pervers massifs (sous-production, stimulation de la demande, subvention des importations, p�nuries locales...) et furent largement � l'origine des " files d'attente " qui symbolis�rent, aux Etats-Unis, les crises p�troli�res des ann�es 1970. En 1978 et face aux cons�quences tr�s d�stabilisatrices de la r�glementation en vigueur, l'administration Carter r�ussit � faire voter une loi pr�voyant la lib�ralisation progressive des prix du p�trole. L'�lection de R. Reagan devait acc�l�rer brutalement le calendrier, mais aussi l'approfondir.

3. La politique p�troli�re des Etats-Unis depuis R. Reagan

A partir de l'�lection de R. Reagan � la pr�sidence, la politique p�troli�re des Etats-Unis allait rompre avec 60 ans d'interventionnisme motiv� par des objectifs divers, ayant g�n�r� des mesures contradictoires et, pour beaucoup d'entre elles, d�sastreuses au plan de l'efficacit� �conomique et/ou de la s�curit� �nerg�tique. La politique conduite par l'administration Reagan �tait inspir�e par l'id�e que l'efficacit� et la s�curit� �nerg�tiques ne s'obtiennent pas contre les forces du march�, mais en s'appuyant sur elles. Cette id�e-force prenait � contre-pied l'opinion dominante dans les milieux politiques � l'�poque, non seulement aux Etats-Unis mais dans tous les grands pays industrialis�s et au sein des organisations internationales. On classera ici en trois grandes cat�gories les actions accomplies ou initi�es par l'administration Reagan : lib�ralisation du march�, s�curisation du march�, construction du march�.

a. Lib�ralisation du march� p�trolier int�rieur

R. Reagan pronon�a son discours inaugural le 20 janvier 1981 ; le 28 janvier, il signait l'Executive Order n� 12287 (le premier de son mandat), dont la premi�re section dispose : " All crude oil and refined petroleum products are exempted from the price and allocation controls adopted pursuant to the Emergency Petroleum Allocation Act of 1973, as amended. The Secretary of Energy shall promptly take such action as is necessary to revoke the price and allocation regulations made unnecessary by this Order. " L'Executive Order prenait effet le jour m�me.

Le Congr�s ne d�sarma pas et en mars 1982 le S�nat vota le Standby Petroleum Allocation Act, qui octroyait au Pr�sident le pouvoir d'instaurer, en cas de crise, un contr�le des prix et des mesures d'allocation administrative du p�trole et des produits. R. Reagan opposa son veto � cette loi le 20 mars 1982. Le pr�sident �crit, dans sa lettre de " retour sans approbation " transmise au S�nat : " this legislation grew from an assumption, which has been demonstrated to be invalid, that giving the Federal Government the power to allocate and set prices will result in an equitable and orderly response to a supply interruption. We can all still recall that sincere efforts to allow bureaucratic allocation of fuel supplies actually harmed our citizens and economy, adding to inequity and turmoil. " Face � une rupture d'approvisionnement, c'est au contraire le libre fonctionnement du march� (" free trade among our citizens ") qui, pr�cise le pr�sident, est le plus � m�me de r�duire le co�t support� par l'�conomie am�ricaine. Sur ce point, R. Reagan semble avoir �t� fermement convaincu par les d�monstrations des �conomistes selon lesquelles le march� libre est toujours sup�rieur � l'allocation administrative, m�me (et surtout) en temps de crise.

La d�r�glementation du march� p�trolier am�ricain correspond aussi � une r�int�gration compl�te dans le march� mondial. A partir de 1982, le prix int�rieur est � nouveau strictement align� sur le prix mondial (voir Figure 1, p. 57). Au cours des deux mandats de R. Reagan la faible taxe sur les importations n'a pas �t� supprim�e, mais l'administration a r�sist�, � plusieurs reprises, � de fortes pressions du Congr�s pour l'augmenter de mani�re significative. Le decontrol am�ricain a �galement eu un effet non anticip�, sur les structures du march� p�trolier international : elle a acc�l�r� la substitution de transactions de court terme aux contrats de long terme et la g�n�ralisation de la r�f�rence au prix spot. Pleinement expos�s aux al�as du march� mondial (jusque-l� att�nu�s par le contr�le des prix et les m�canismes de redistribution physique), les raffineurs am�ricains ont modifi� leurs pratiques commerciales ; les activit�s de trading ont explos� aux Etats-Unis au d�but des ann�es quatre-vingt, et le NYMEX a lanc� son contrat � terme de p�trole brut en 1983 (apr�s avoir lanc�, en 1978, les contrats � terme de heating oil) (voir Figure 18, p. 57).

Les gouvernements successifs, r�publicains et d�mocrates, ne sont pas revenus sur la r�forme fondamentale initi�e par l'administration Reagan. Dans les ann�es 1990, la politique p�troli�re de l'administration Clinton (largement " encadr�e ", il est vrai, par un Congr�s r�publicain) fut une politique lib�rale. Il n'y eut aucun retour sur la d�r�glementation du march� p�trolier. Parmi les mesures d'inspiration lib�rale prises au cours de cette p�riode, on peut citer la lev�e de l'interdiction d'exporter le brut d'Alaska, l'acc�l�ration du leasing dans l'offshore f�d�ral, les exemptions de royalty sur l'offshore profond (Deep Offshore Royalty Relief Act), ou encore la privatisation (partielle) des Naval Petroleum Reserves.

b. S�curisation du march� p�trolier

La lib�ralisation du march� int�rieur s'est accompagn�e de la mise en place d'un important dispositif public de s�curisation du march�. Il s'agit du second pilier de la politique p�troli�re am�ricaine mise en place sous l'administration Reagan. On peut regrouper dans cette cat�gorie des mesures aussi diff�rentes que la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve d'une part, la cr�ation d'une force d'intervention rapide au Moyen-Orient (la Rapid Deployment Force) d'autre part.

La Strategic Petroleum Reserve (SPR) fut cr�e dans le cadre de l'EPCA � la fin de 1975 mais resta " virtuelle " pendant cinq ans, en raison de dysfonctionnements administratifs et surtout d'un manque de volont� politique. Les pays exportateurs, et notamment l'Arabie Saoudite, ont d�nonc� la SPR d�s sa cr�ation, et menac� les Etats-Unis de restreindre leur production si elle �tait mise en place. En 1978, un accord secret entre le pr�sident Carter et les Saoudiens avait " �chang� " le non-remplissage de la SPR contre le maintien d'un " haut " niveau de production. A la fin de 1980, la SPR ne contenait que 107 millions de barils de p�trole. L'administration Reagan allait faire du remplissage une priorit� de sa politique p�troli�re, compl�mentaire de la lib�ralisation du march� int�rieur. A la fin du premier mandat de R. Reagan le volume stock� �tait de 450 Mb, et 560 Mb fin 1988 - niveau auquel on est encore aujourd'hui (voir Figure 19, p. 59). Le rythme moyen de remplissage �tait de 77 000 b/j entre 1976 et 1980 ; il est pass� � 290 000 b/j en 1981 (ann�e fiscale) et 215 000 b/j en 1982. 80% du p�trole stock� dans la SPR l'a �t� sous Reagan, dont plus de 60% entre 1981 et 1984.

Le renforcement de la pr�sence militaire am�ricaine dans le Golfe Persique r�pondait certainement � des consid�rations strat�giques plus larges que la seule pr�vention d'une rupture de l'approvisionnement p�trolier mondial. La cr�ation de la RDF venait apr�s l'invasion sovi�tique en Afghanistan et s'inscrivait dans le cadre de la " doctrine Carter " (sanctuarisation du Moyen-Orient), qui n'est pas r�ductible � une politique �nerg�tique. Toutefois, cette dimension �tait certainement pr�sente. La logique est alors la m�me que pour la SPR, m�me si l'instrument est tr�s diff�rent. Accepter que l'approvisionnement p�trolier repose sur un march� mondialis�, concurrentiel et domin� par les transactions de court terme, supposait la mise en place d'une s�curisation en amont, ou " par le haut ", dont le co�t s'apparente � une assurance contre les cons�quences �conomiques d'une d�faillance de l'offre mondiale. Lib�ralisation et s�curisation ne s'opposent pas, mais constituent deux faces d'une m�me politique.

Tout comme la lib�ralisation, les mesures de s�curisation du march� initi�e sous R. Reagan ont �t� assum�es par tous les gouvernements depuis 1988, et demeurent un �l�ment essentiel de la politique p�troli�re am�ricaine. Au cours des ann�es 1990, la SPR a connu plusieurs am�liorations techniques au niveau du stockage et des modalit�s d'utilisation ; quant � la pr�sence militaire au Moyen-Orient, elle est aujourd'hui beaucoup plus forte qu'elle n'�tait en 1990 (avant la guerre du Golfe).

c. Construction du march� international des permis d'exploration

La troisi�me orientation de la politique p�troli�re am�ricaine est moins connue que les deux premi�res. Il s'agit de l'effort de construction (ou de reconstruction) du march� international des permis d'exploration et production, apr�s les bouleversements juridiques et politiques des ann�es 1970. Dans le sillage de la " r�volution OPEP ", de nombreux pays ont nationalis� leur industrie p�troli�re et ferm� leur sous-sol aux compagnies �trang�res, ou durci consid�rablement les conditions juridiques et fiscales offertes aux investisseurs. En cons�quence, l'industrie p�troli�re internationale a recentr� ses investissements d'exploration et d�veloppement sur les pays de l'OCDE, essentiellement les Etats-Unis (dont l'Alaska et le Golfe du Mexique) et la Mer du Nord.

Les zones les plus prometteuses en dehors de l'OPEP se trouvaient donc marginalis�es dans les strat�gies des compagnies p�troli�res. Pour corriger cette situation tr�s d�favorable � la diversification de l'offre p�troli�re � long terme, il avait �t� d�cid� dans le cadre du G7 de cr�er, au sein de la Banque mondiale, une " filiale �nergie " destin�e � aider les Etats exclus du march� des capitaux p�troliers priv�s � entreprendre la prospection et l'exploitation de leurs ressources �nerg�tiques. Ce projet s'est vu opposer un veto am�ricain en 1981. L'administration Reagan a impos� l'id�e selon laquelle les institutions internationales devaient encourager les pays en d�veloppement � adapter leurs l�gislations et leurs fiscalit�s, et non les soustraire au march� en apportant des financements publics. Cette id�e d'une n�cessaire adaptation des termes l�gislatifs et contractuels dans les pays en d�veloppement �tait d�fendue par les compagnies p�troli�res internationales, qui y voyaient la condition d'un retour de l'industrie dans ces pays. L'action de la Banque mondiale a �t� r�orient�e en ce sens ; entre 1985 et 1995, plusieurs dizaines d'Etats ont b�n�fici� des conseils �conomiques et juridiques de la Banque pour r�former leurs l�gislations et rendre leurs sous-sols plus attractifs sur le march� des contrats p�troliers.

Parall�lement, l'administration Reagan a lanc�, d�s 1981, une politique juridique internationale tr�s ambitieuse, destin�e � r�former le r�gime juridique international des investissements. Les objectifs poursuivis �taient : l'octroi d'un haut niveau de protection des investisseurs �trangers (application du principe du " traitement national ") ; le respect des contrats entre investisseurs et Etats ; la libert� de rapatriement des profits ; l'internationalisation du droit s'appliquant � la relation contractuelle ; enfin - point capital - le r�glement des diff�rends relatifs aux investissements devant des tribunaux arbitraux dont les sentences sont garanties par le droit international public. La r�gulation juridique des contrats p�troliers, pour lesquels ces principes rev�tent une importance capitale, repr�sentait une motivation essentielle de cette initiative. Ces principes �taient initialement promus � travers un programme de trait�s bilat�raux sur les investissements (TBI), qui a ouvert la voie � une nouvelle g�n�ration de TBI port�e par tous les grands pays de l'OCDE, qui ont repris, dans les ann�es 1990, les principales dispositions des TBI am�ricains. Ensuite, l'influence am�ricaine s'est fait sentir dans les n�gociations sur les instruments multilat�raux r�gionaux (ALENA chap. 11), sectoriels (Trait� sur la Charte de l'Energie), ou mondiaux (AMI). Vingt ans apr�s le lancement de l'initiative am�ricaine, les principes que l'administration Reagan avait commenc� de promouvoir dans l'hostilit� g�n�rale - et notamment de la part des pays en d�veloppement propri�taires de ressources naturelles - sont aujourd'hui au fondement du nouveau r�gime juridique international des investissements, auquel ont adh�r� la plupart des pays en d�veloppement actifs sur le march� des permis p�troliers, ou souhaitant entrer sur ce march�. Cette r�forme juridique a jou� un r�le important dans le red�ploiement des investissements priv�s d'exploration et d�veloppement vers les pays d'Afrique, d'Am�rique latine et d'Asie - et aujourd'hui vers les pays de l'ex-URSS.

d. Conclusion

La politique p�troli�re initi�e sous la premi�re administration Reagan est motiv�e par l'id�e qu'il n'existe pas de " co�t externe " de s�curit� li� � la consommation de p�trole, m�me si cela implique un recours croissant au p�trole import�. Plus exactement, m�me s'il existe une " externalit� ", aucune mesure de politique �nerg�tique ne peut la corriger � un co�t inf�rieur � son b�n�fice social. Dans ces conditions, la politique �nerg�tique doit consister � laisser fonctionner les m�canismes marchands, qui garantissent la minimisation du co�t d'approvisionnement, � s�curiser le march� contre les perturbations exog�nes, et � rechercher l'extension g�ographique maximale du march�, qui am�liore son efficacit�.

Cette politique p�troli�re n'a pas �t� remise en cause dans ses principes ; m�me si le discours politique met souvent l'accent sur les risques associ�s � la " d�pendance " et sur la n�cessit� de la contenir, la r�alit� est que R. Reagan a fait entrer les Etats-Unis dans l'�re de la d�pendance p�troli�re accept�e et assum�e. Reste � �tudier les chances d'une r�orientation sensible de cette politique apr�s quinze ans d'augmentation continue de la part des importations dans la couverture de la demande, et face � la perspective d'une " d�pendance " pouvant atteindre 70% en 2020.

4. Face � la d�pendance croissante : une nouvelle politique p�troli�re ?

La politique p�troli�re de l'administration Bush, telle qu'elle est envisag�e dans le plan Cheney, traduit-elle une �volution dans la mani�re d'appr�hender la " d�pendance p�troli�re ", ou augure-t-elle d'une continuation de la politique conduite depuis vingt ans ? L'analyse des propositions contenues dans le rapport montre, de mani�re tr�s nette, qu'il s'inscrit dans la continuit� beaucoup plus que dans la rupture. Au-del� de l'association rh�torique entre ma�trise de la " d�pendance " et renforcement de la s�curit�, c'est bien la lib�ralisation, la s�curisation et la construction du march� qui dominent tr�s largement les propositions concr�tes. Le fonctionnement des m�canismes marchands est au centre de la vision de l'approvisionnement p�trolier d�velopp�e par le rapport Cheney, ce qui implique l'acceptation d'un recours croissant aux importations.

Les mesures visant � ma�triser la demande p�troli�re sont tr�s timides ; en l'absence de durcissement des normes de consommation (CAFE standards), il s'agit essentiellement de cr�dits d'imp�ts pour l'acquisition de v�hicules efficaces (hybrides ou piles � combustible).

Le rapport pr�voit neuf mesures destin�es � stimuler la production int�rieure, parmi lesquelles la continuation du soutien public � la R&D en mati�re de technologie d'exploration et production, l'acc�l�ration du leasing sur les terres f�d�rales et l'ouverture de certaines zones jusque l� ferm�es aux activit�s de forage, en particulier l'ANWR en Alaska. Il importe de noter que, en l'absence de barri�res aux importations et aux exportations, l'�volution de l'offre int�rieure se " dissout " dans l'�volution de l'offre mondiale. L'ouverture des terres f�d�rales peut donc s'apparenter � une mesure d'extension du march� mondial des permis d'exploration et production.

Le chapitre 8 du rapport Cheney, consacr� � la " s�curit� �nerg�tique nationale et aux rapports internationaux ", concentre l'essentiel des mesures pertinentes du point de vue la gestion de la d�pendance p�troli�re. Sur les 35 recommandations du chapitre, 18 (soit 50%) constituent des mesures de construction du march�, qui peuvent �tre regroup�es en trois sous-cat�gories :

Soutien � l'ouverture et � l'am�lioration du climat d'investissement dans les pays en d�veloppement et en transition. L'Am�rique latine, les pays de la Caspienne, la Russie, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, l'Afrique subsaharienne et enfin l'Asie sont mentionn�s ; Constitution et/ou renforcement de march�s �nerg�tiques transnationaux, en particulier en Am�rique du Nord, mais aussi en Europe ; Cr�ation de conditions politiques et juridiques favorables au d�veloppement des grandes infrastructures transnationales, en particulier les pipelines.

Pour la premi�re fois dans un document officiel, la politique juridique ext�rieure des Etats-Unis en mati�re de r�gulation des investissements transnationaux est reconnue comme un instrument de politique �nerg�tique. Le rapport fait explicitement r�f�rence � la signature d'un trait� bilat�ral sur les investissements avec le Venezuela, et de " consultations formelles " avec le Br�sil en vue d'am�liorer le climat des investissements �nerg�tiques.

L'importance des mesures de construction des march�s �nerg�tiques internationaux dans le rapport Cheney est remarquable. Elle t�moigne d'une r�elle prise en compte de l'interd�pendance des syst�mes �nerg�tiques, donc du fait que la s�curit�, pour l'essentiel, se construit globalement et non localement. De ce point de vue, on peut noter une v�ritable diff�rence avec le Livre Vert publi� fin 2000 par la Commission europ�enne, qui semble n'accorder qu'une importance tr�s relative aux dispositifs de construction du march�. Il s'agit cependant, rappelons-le, du maintien d'une pr�occupation constante des Etats-Unis depuis le d�but des ann�es 1980, et non d'une innovation de la pr�sente administration. On doit aussi inclure dans les mesures de construction du march� la r�solution des probl�mes de " balkanisation r�glementaire " du march� am�ricain des carburants automobiles, propos�e au chapitre 7 du rapport.

Le chapitre 8 du rapport contient en outre six recommandations relevant de la s�curisation du march�. L'importance de la SPR est r�affirm�e, et l'augmentation de son volume est envisag�e, en des termes tr�s prudents. En revanche, rien n'est dit sur la r�forme des r�gles et modalit�s d'utilisation de la SPR ; au contraire, le rapport pr�cise que la SPR n'a pas vocation � �tre un instrument de gestion du prix, et reste destin�e � " r�pondre � une rupture imminente ou r�elle des approvisionnement p�troliers " - faisant l'impasse sur la question cruciale de la d�finition et de l'identification d'une rupture d'approvisionnements, qui passe forc�ment par une r�f�rence au prix du p�trole. Le rapport �voque la possibilit� de louer � d'autres pays les capacit�s inutilis�es de la SPR, de mani�re � permettre � des Etats qui n'ont pas de r�serve strat�gique d'en d�velopper une � co�t r�duit. Enfin, la question des stocks strat�giques dans les pays d'Asie non membres de l'OCDE, qui n'en poss�dent pas, est �voqu�e.

Entre lib�ralisation, construction et s�curisation du march�, le rapport Cheney marque, sur les questions p�troli�res, une forte continuit� avec la politique initi�e sous R. Reagan et poursuivie depuis avec constance. Apr�s le d�bat l�gislatif, il n'est m�me pas certain que les mesures les plus fortes, c�t� offre comme c�t� demande, soient pr�serv�es. La proposition de loi vot�e par la Chambre octroie de fortes aides fiscales � l'exploration et autorise l'ouverture de l'ANWR ; le S�nat (domin� par les d�mocrates) a r�duit les d�ductions fiscales et supprim� l'ouverture de la r�serve �cologique d'Alaska, troqu�e contre des subventions aux bio-carburants. Le texte de compromis qui �mergera - � supposer qu'il y en ait un - sera en retrait par rapport au rapport Cheney et ne comportera aucune mesure significative.

Alors que la " d�pendance " ext�rieure a atteint son maximum historique, et que son approfondissement est une quasi certitude pour les deux d�cennies � venir, les Etats-Unis ne semblent pas devoir modifier radicalement leur politique p�troli�re. Au contraire, les grandes orientations d�finies il y a vingt ans sont confirm�es, m�mes si c'est par d�faut : apr�s la " crise " de 2000 - 2002 comme apr�s celle de 1990 - 1991, le grand d�bat de politique �nerg�tique initi� par l'administration accouche essentiellement de non-mesures, c'est-�-dire qu'il confirme l'approche lib�rale qui structure la politique �nerg�tique am�ricaine depuis le tournant des ann�es 1980.

Pour l'�conomiste, cette politique reste raisonnable m�me si elle implique une croissance r�guli�re de la " d�pendance p�troli�re ". La plupart des �tudes sur les co�ts de r�duction des importations am�ricaines co�ts (ou du taux de croissance des importations), tant par la stimulation de l'offre int�rieure que par la ma�trise de la demande, concluent � la faiblesse des marges de manoeuvre en la mati�re. Le seuil au-del� duquel les co�ts de la r�duction sont sup�rieurs aux b�n�fices en termes de s�curit� �nerg�tique est tr�s vite atteint ; il n'existe qu'un potentiel tr�s limit� de r�duction profitable de la " d�pendance " p�troli�re. Si cette analyse co�ts / avantages semble effectivement inspirer la politique p�troli�re am�ricaine dans la dur�e, elle para�t toujours aussi difficile � soutenir explicitement dans le d�bat public. Les r�f�rences � la r�duction de la d�pendance �nerg�tique comme source de s�curit� sont omnipr�sentes dans le rapport Cheney, comme dans le d�bat qui a eu lieu depuis au Congr�s, et servent � justifier les mesures les plus diverses (de la relance du nucl�aire � l'assouplissement des normes environnementales sur le charbon, en passant par les subventions � la culture du colza et aux �nergies renouvelables), y compris celles dont l'impact sur le niveau des importations p�troli�res ou sur la s�curit� �nerg�tique est plus que douteux. Plus g�n�ralement, on observe depuis plus de vingt ans une diff�rence saisissante entre la tonalit� tr�s interventionniste du d�bat public sur l'�nergie aux Etats-Unis, et la reconduction - voire l'approfondissement - d'une politique essentiellement lib�rale.

D'aucun voudront expliquer ce d�calage par les dysfonctionnements du processus l�gislatif am�ricain, sa perm�abilit� � l'action des groupes d'int�r�t, sa pente naturelle au compromis (bipartisan d'une part, entre l�gislatif et ex�cutif d'autre part), toutes caract�ristiques propres � laminer les ambitieux projets de r�forme, et notamment les comprehensive energy policy plans �labor�s � intervalles r�guliers par l'administration ou les majorit�s parlementaires. Cette analyse doit �tre compl�t�e par la prise en compte du fait que les d�bats de politique �nerg�tique ont toujours lieu, aux Etats-Unis, dans le sillage de " crises ", c'est-�-dire d'�pisodes de forte hausse - �ventuellement de fortes baisses - des prix de l'�nergie : 1973 - 74, 1979 - 80, 1985 - 86, 1990 - 91, 2000 - 2001. Dans ces contextes marqu�s par un sentiment d'urgence plus ou moins justifi�, le d�bat politique est n�cessairement domin� par une " prime � l'intervention " : � situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Ceci n'est �videmment pas propice � l'�valuation froide et rationnelle des orientations propos�es. En temps de crise plus encore qu'en temps normal, les affaires �nerg�tiques et notamment p�troli�res sont entour�es, selon le mot de M. Adelman, d'une " aura romantique " susceptible de " rendre plausible n'importe quel non-sens ". Le sentiment d'urgence s'effa�ant comme il �tait venu avec le retour � une situation normale sur les march�s de l'�nergie, il devient impossible au moment d�cisif de r�unir une majorit� parlementaire sur des mesures dont la rationalit� est plus que douteuse - d'o� le sentiment, a posteriori, que la montagne a accouch� d'une souris. A bien y regarder, les " lourdeurs " du processus l�gislatif am�ricain constituent peut-�tre un garde-fou, au moins autant qu'une entrave � l'action r�formatrice.

R�f�rences bibliographiques Index des noms propres et organisations