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Alan Philip Le lobbying dans l'Union europ�enne : les int�r�ts des entreprises concordent-ils avec la politique �trang�re ? Entreprises et politique �trang�re. Le lobbying � Paris, Washington et Bruxelles IFRI www.ifri.org/files/Notes_Ifri/Note_54.pdf

ANNODIS

projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM

objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement

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GEOPO article geopolitique
french
Le lobbying dans l'Union europ�enne : les int�r�ts des entreprises concordent-ils avec la politique �trang�re ? Alan Butt Philip Ce texte, issu d'un article pr�par� pour la conf�rence de l'Ifri tenue les 14 et 15 novembre 2002 � Paris, a �t� traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Benjamin Bloch.
Introduction : le contexte institutionnel du lobbying europ�en

Le syst�me de gouvernement de l'Union europ�enne est unique. Ce simple fait exige des groupes de pression qu'ils recourent � des strat�gies vari�es tout en conservant � l'esprit les multiples contraintes qui r�sultent de la structure m�me de l'Union, de sa grande diversit� culturelle et politique, ainsi que des nombreux int�r�ts qui la traversent. Pendant longtemps, on accusa le syst�me europ�en de prise de d�cision d'�tre une sorte de " jardin secret " dont seuls les initi�s avaient la clef - malgr� les efforts affich�s de transparence des d�cisionnaires europ�ens. L'aspect herm�tique du syst�me europ�en r�sulte certes de cette absence de transparence � certains moments-clefs de la prise de d�cision, mais il d�coule aussi de la complexit� et de la sp�cificit� de ce syst�me ainsi que de son �loignement de la plupart des capitales nationales.

La premi�re caract�ristique importante du syst�me de gouvernance europ�en concerne son cadre l�gal, d�termin� par une s�rie de six (bient�t sept ?) trait�s dont l'application rel�ve des tribunaux, en particulier de la Cour de justice des Communaut�s europ�ennes (CJCE). Les trait�s d�finissent, et th�oriquement limitent, les comp�tences des institutions europ�ennes, bien qu'il faille admettre que toute initiative relevant d'une logique fond�e sur un approfondissement des principes du march� unique est susceptible d'�tre justifi�e par les articles 95 et 308 (anciennement 100a et 235 du trait� initial instituant la CEE). En pratique, il existe peu de contraintes emp�chant l'Union d'investir de nouveaux domaines politiques, � la condition expresse que tous les Etats membres y soient dispos�s et que la Commission et le Parlement europ�ens y apportent leur soutien. Il en va de m�me pour la politique �trang�re, les questions de s�curit�, les aspects judiciaires et les affaires int�rieures, si ce n'est que la Commission et le Parlement n'ont pas d'influence directe.

En second lieu, les instruments l�gislatifs utilis�s par l'Union ont des caract�ristiques dont les sp�cificit�s doivent �tre assimil�es par les organes de lobbying. La directive, adress�e par l'Union � tous les Etats membres, d�finit les objectifs d'une politique, mais en laisse les moyens � l'appr�ciation des gouvernements nationaux. Pour un groupe de pression, cela signifie qu'il peut promouvoir ses int�r�ts au moins � deux niveaux. Le r�glement s'applique � l'ensemble de l'Union et ne peut �tre modifi� par les gouvernements des Etats membres. Il est g�n�ralement assez d�taill� et pr�cis, et peut tr�s bien intervenir dans le cadre plus large d'une directive. Une d�cision de l'Union, pouvant provenir de la Commission, de la CJCE ou du Conseil des ministres avec ou sans le concours du Parlement europ�en, est obligatoire seulement pour ceux auxquels elle s'adresse - par exemple une entreprise ou un Etat membre, pris individuellement. Enfin, une recommandation de l'Union est un avis non contraignant souvent destin� � exprimer une pr�f�rence politique commune � la plupart des Etats membres, et peut �tre prise en consid�ration par la CJCE lorsque celle-ci se prononce sur une affaire.

Un troisi�me aspect qu'il faut garder � l'esprit concerne les emplacements g�ographiques. La plupart des principales institutions europ�ennes sont situ�es � Bruxelles, mais pas toutes. Le Luxembourg abrite la CJCE, la Banque europ�enne d'investissement (BEI) et le secr�tariat du Parlement europ�en. Strasbourg accueille les s�ances pl�ni�res du Parlement, qui exigent la pr�sence physique de plusieurs commissaires europ�ens, accompagn�s de leur �quipe, ainsi que de presque tous les d�put�s europ�ens, et donc de nombreux membres actifs de groupes de pression, tous contraints � un p�nible p�lerinage mensuel dans la capitale gastronomique de l'Europe ! Les agences para-�tatiques de l'Union sont �parpill�es dans tous les Etats membres, et les avant-postes de la recherche men�e en interne se trouvent en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni.

Certaines des caract�ristiques les moins plaisantes des organisations internationales se retrouvent aussi dans le cas de l'Union. On observe une tendance � rechercher en permanence une r�partition �quitable des pr�rogatives, notamment pour l'attribution des postes politico-administratifs importants au sein des institutions europ�ennes. La CJCE a cat�goriquement condamn� toute nomination ou mutation qui ne serait pas fond�e sur le m�rite, mais cela ne semble pas avoir infl�chi beaucoup une pratique qui est devenue monnaie courante.

La prise de d�cision au sein de l'Union d�pend toujours des dispositions hybrides introduites par le trait� de Maastricht en 1992. Les principales politiques �conomiques communes ainsi que beaucoup d'autres sont �labor�es dans le cadre du premier pilier, la Communaut� europ�enne, et sont soumises aux exigences institutionnelles de l'Union. La Commission a l'initiative des propositions l�gislatives, que peuvent amender le Parlement europ�en et le Conseil des ministres. La CJCE juge toute infraction � la l�gislation ainsi adopt�e et tranche lorsqu'un doute appara�t dans des affaires particuli�res ou concernant les fondements m�mes du trait�. Le second des trois piliers d�finit la politique �trang�re et de s�curit� commune (PESC), dont l'objectif est d'assurer une plus grande coordination et une meilleure entente entre les Etats membres sur une s�rie de questions �trang�res, militaires et s�curitaires. La Commission et le Parlement ont une marge d'action tr�s limit�e au regard du second pilier, et la prise de d�cision rel�ve essentiellement des Etats, qui agissent � l'abri des regards. Bien que la PESC soit aujourd'hui repr�sent�e publiquement par Javier Solana, qui est attach� au Conseil des ministres, les opportunit�s offertes aux groupes de pression pour agir au niveau europ�en restent tr�s circonscrites. Dans la mesure o�, dans ce domaine, la plupart des d�cisions ne sont prises que lorsqu'un consensus a �t� trouv� au Conseil, la meilleure strat�gie � adopter pour ceux qui cherchent � avoir une influence sur ces politiques consiste � se rapprocher de certains gouvernements dans un cadre national. Ceci suppose que les repr�sentants des lobbies sachent ce qui est en cours de discussion au Conseil, et de telles informations (jug�es g�n�ralement confidentielles) sont souvent plus accessibles � Bruxelles qu'ailleurs. Dans leurs grandes lignes, ces consid�rations sont valables pour le troisi�me pilier qui recouvre les affaires judiciaires et int�rieures (voir l'annexe ci apr�s).

Le r�le des principales institutions europ�ennes est d�crit dans le document joint � cet article, mais quelques remarques compl�mentaires devraient permettre une meilleure compr�hension. Jusqu'en 2005, la Commission continuera � �tre dirig�e par aux moins 20 commissaires nomm�s par les Etats membres, mais son pr�sident (actuellement Romano Prodi) verra son r�le renforc� avec de plus amples pouvoirs pour remanier et r�organiser son �quipe, et une responsabilit� plus affirm�e devant le Parlement. Depuis la d�mission forc�e, le 16 mars 1999, de la Commission Santer, beaucoup consid�rent que la Commission a perdu de son influence et de sa confiance en elle. Sans doute s'efforce-t-elle de moins l�gif�rer et de trouver de nouvelles fa�ons d'impliquer davantage d'acteurs dans les d�cisions collectives (voir infra), mais son r�le de moteur du syst�me europ�en au regard de l'int�gration �conomique et politique demeure inchang�. La Commission est toujours directement responsable de la conduite des affaires dans des secteurs-clefs tels que les relations ext�rieures (dont le commerce international), la gestion des march�s agricoles et la politique de concurrence de l'Union, donnant ainsi son aval aux fusions et aux aides �tatiques, tout en traitant des affaires antitrust plus classiques.

En outre, la Commission, qui d�tient toujours l'" unique droit d'initiative " dans le syst�me politique de la Communaut�, repr�sente n�cessairement la premi�re �tape pour ceux qui ont des int�r�ts � promouvoir, dans la mesure o� elle reste l'initiatrice " par excellence " de la politique europ�enne. De surcro�t, c'est � la Commission que de tels groupes d'int�r�t doivent se plaindre s'ils estiment que la l�gislation europ�enne est trop contraignante ou mal appliqu�e dans les Etats membres, ou s'ils r�clament qu'une enqu�te soit ouverte sur des cas de dumping, de subventions �tatiques ill�gales ou de comportements anti-concurrentiels. C'est � elle qu'incombe la t�che d�licate de convaincre les Etats membres r�ticents de mettre en oeuvre les engagements communautaires pris � Bruxelles et, si n�cessaire, de conduire les gouvernements nationaux r�calcitrants devant la CJCE. C'est aussi la Commission qui, sur la base de d�cisions prises en accord avec le Conseil et le Parlement europ�ens, organise la distribution des subventions provenant des fonds structurels, des programmes de recherches et autres mannes communautaires.

Il se peut que l'�lectorat se d�sint�resse du Parlement europ�en (la participation lors des �lections de 1999 n'�tait que de 52 %), mais son pouvoir a �t� accru du fait des modifications introduites par les nouveaux trait�s. En effet, l'Acte unique europ�en de 1986 soumettait la plupart des mesures relatives au march� unique � un vote � la majorit� pond�r�e au Conseil et autorisait le Parlement, une fois exprim�es les opinions du Conseil, � exercer un droit de regard, et �ventuellement de veto. Le Parlement continue � rencontrer des probl�mes dans l'accomplissement de ses nombreuses attributions et souffre de son incapacit� � traiter convenablement toutes les questions importantes. Mais il a suffisamment de pouvoir, du fait de la nouvelle proc�dure de cod�cision o� il partage le dernier mot avec le Conseil des ministres, pour exercer, dans la plupart des cas, une influence cruciale lors de la phase finale de la prise de d�cision. Les derni�res �tapes, qui n�cessitent un processus de conciliation, offrent aussi d'importantes opportunit�s au lobbyiste astucieux et bien inform�. Quoique l'on accorde une grande attention aux s�ances pl�ni�res du Parlement, auxquelles se r�f�rent fr�quemment les commissaires et les repr�sentants du Conseil, le d�tail de ses travaux est effectu� par ses vingt comit�s permanents, dont le pr�sident et le rapporteur sont, dans chaque cas particulier, des acteurs importants.

Le r�le des partis politiques

Au Parlement europ�en, les partis politiques ressemblent plus � de vagues coalitions de gens de m�me sensibilit� ou de mouvements qui se trouvent porter le m�me nom. Sur les questions d'importance nationale, leur discipline interne est souvent mise � mal, bien qu'il existe des signes d'une coh�sion partisane croissante. Ce sont cependant les neuf groupes politiques du Parlement, notamment les deux formations les plus importantes, les chr�tiens-d�mocrates et les socialistes, qui y contr�lent la plupart des activit�s ainsi que le partage des pr�rogatives et des avantages (pr�sidences de comit�s, temps de parole lors des s�ances pl�ni�res) entre les diff�rentes sensibilit�s politiques. Dans la mesure o� il est peu probable qu'un groupe soit un jour susceptible d'�tre majoritaire au Parlement, et �tant donn� la n�cessit� impos�e par les trait�s de se prononcer � la majorit� absolue sur les principaux d�fis qui se pr�sentent aux autres institutions europ�ennes, le Parlement est le plus efficace lorsqu'il est capable d'�tablir un large consensus � travers les diff�rents groupes.

Le Conseil des ministres et le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union connu sous le nom de Conseil europ�en prennent aussi plus d'importance � mesure que le programme de l'Union s'�toffe. C'est notamment le Conseil, et non la Commission, qui pilote la PESC et les questions touchant aux affaires judiciaires et int�rieures (essentiellement la coop�ration polici�re, et la lutte contre le terrorisme et le crime organis�). Cependant le secr�tariat du Conseil ne s'accommode gu�re du lobbying dans la mesure o� il n'a pas le m�me pouvoir discr�tionnaire que la Commission. Ainsi, ceux qui ont des int�r�ts � promouvoir doivent s'efforcer de se faire entendre dans les capitales nationales ou aupr�s des d�l�gations permanentes des Etats membres � Bruxelles. Dans son travail, le Conseil est aujourd'hui subdivis� en trois sections : l'agriculture, la PESC... et le reste. Mais presque toutes les d�l�gations nationales viennent � ces r�unions avec des instructions de leur gouvernement. D'o� l'accent plac� sur les efforts de lobbying au niveau national pour faire pression sur le Conseil. Cela peut se r�v�ler particuli�rement fructueux si un Etat membre est sur le point d'en assumer la pr�sidence. En effet, chaque pr�sidence est amen�e � �laborer une s�rie d'objectifs pour la dur�e de son mandat, et elle a une influence sur l'ordre de priorit� des discussions lors des r�unions du Conseil qu'elle anime.

Le Conseil des ministres multiplie aussi les groupes de travail constitu�s de responsables nationaux qui examinent la l�gislation et d'autres questions. Il existe en permanence plus de 200 groupes de ce type en activit�. Bien qu'il ne soit pas possible d'exercer une pression directe sur ces groupes, des lobbyistes d�vou�s sont pr�sents " � leurs marges ", donnant leur avis aux �lus qui sortent de ces r�unions afin qu'ils puissent aider les responsables � mieux comprendre les implications des id�es qui ont �merg� au cours du d�bat.

La CJCE de Luxembourg n'est pas du tout r�ceptive aux formes habituelles du lobbying, mais son influence va croissant tandis que de plus en plus d'affaires sont port�es � sa connaissance (et � celle de sa cour adjointe, le Tribunal de premi�re instance). C'est le r�sultat logique de l'�largissement des comp�tences de l'Union et de l'inflation permanente qui caract�rise la l�gislation europ�enne. La CJCE peut cependant constituer une �tape importante dans les campagnes men�es par les groupes de pression, et elle a pris des d�cisions importantes au regard de la politique sociale et de celle de la concurrence, pour lesquelles la l�gislation existante reste incompl�te, obligeant ainsi � une interpr�tation des principes contenus dans les trait�s. Syndicats et entreprises ont fr�quemment port� des affaires devant elle afin d'�valuer ce que les droits et principes que renferment les trait�s et le droit jurisprudentiel signifient r�ellement dans la pratique. La d�cision rendue en 1986 dans l'affaire Nouvelles fronti�res, par exemple, a certainement acc�l�r� la d�r�gulation des services propos�s aux passagers des avions dans la Communaut� europ�enne. L'affaire Barber, en 1990, a eu pour effet de modifier radicalement les dispositions relatives aux r�gimes de retraite dans la plupart des Etats membres.

L'�quilibre institutionnel de l'Union

Ces commentaires visent � expliciter comment chacune des quatre grandes institutions europ�ennes prend part au processus de d�cision au sein de l'Union. Cependant, le lobbyiste doit aussi savoir o� r�side le pouvoir dans l'ensemble du syst�me politique. L'Union est clairement devenue un acteur politique plus important, � la fois internationalement et au regard de la politique int�rieure de chaque Etat membre. Le Conseil continue d'�tre le principal acteur politique sur la sc�ne europ�enne, mais sa marge de manoeuvre est limit�e par d'autres acteurs. Historiquement, les progr�s de la Communaut� et de l'Union europ�enne ont d�pendu du " dialogue " entre le Conseil et la Commission.

Les Commissions Delors (1985 - 1994) �taient r�put�es �nergiques, et il se peut que la rapidit� avec laquelle progressait l'int�gration ait inqui�t�, mais leurs actions se fondaient sur une �troite collaboration avec le Conseil. Depuis 1995, la Commission a perdu de sa confiance en elle, a �t� affaiblie par des scandales et est aujourd'hui absorb�e par sa propre r�forme. Cela a consid�rablement renforc� l'influence du Conseil, mais il reste que l'on ne peut envisager de v�ritables progr�s au sein de l'Union sans que la Commission soit de la partie. Dans le m�me temps, les pouvoirs du Parlement europ�en ont �t� progressivement renforc�s, notamment avec l'invention et l'extension de la proc�dure de cod�cision, mais aussi par rapport � la Commission, surtout depuis que celle-ci est affaiblie. Cela a encore accentu� le marchandage, men� dans la confidentialit�, entre les diff�rentes institutions. Ainsi, et alors que les principales institutions europ�ennes voudraient accro�tre leurs pouvoirs, la pr��minence du Conseil reste la principale caract�ristique du syst�me d�cisionnel de l'Union, et cela semble devoir durer.

Les agences de l'Union

Le r�le futur de la Commission et les diff�rentes mani�res d'�viter une centralisation excessive au sein de l'Union font l'objet d'un d�bat permanent. Une solution a consist� � s�parer un certain nombre d'agences europ�ennes ind�pendantes du noyau institutionnel de l'Union. Ces agences sont aujourd'hui une douzaine. De fait, la premi�re d'entre elles fut la Banque europ�enne d'investissement (BEI), cr�e en 1959, � Luxembourg. Elle a �t� d�lib�r�ment d�tach�e des autres institutions europ�ennes, bien qu'elle soit r�gie par des �l�ments du socle conventionnel, les Etats membres �tant directement impliqu�s dans la direction de cette banque � travers la nomination des membres de son conseil d'administration. Europol, form�e en marge de La Haye dans les ann�es 1990, comporte certaines similitudes avec la BEI, du fait de l'�troite participation des Etats membres � ses activit�s. Mais il s'agit l� d'exceptions au mod�le habituel des agences de l'Union, pour lequel la principale contribution des gouvernements nationaux se situe beaucoup plus en amont, lorsqu'il s'agit de s'assurer de l'installation d'une institution europ�enne sur le territoire national ! Apr�s cela, chaque agence travaille dans un cadre fix� par la l�gislation europ�enne, mais peut �videmment faire l'objet de pressions consid�rables de la part des entreprises - au premier rang desquelles on peut citer celles subies par l'Agence europ�enne pour l'�valuation des m�dicaments (EMEA), situ�e � Londres, qui d�livre les autorisations de commercialisation des produits m�dicaux pour l'ensemble de l'Union. Une autre agence m�rite d'�tre mentionn�e : l'Agence europ�enne pour l'environnement (AEE), situ�e � Copenhague. Son r�le consiste � surveiller l'�tat de l'environnement en Europe et � contr�ler la mise en place et l'efficacit� de la l�gislation environnementale europ�enne. Son travail repose en grande partie sur une coop�ration avec les autorit�s nationales de chaque Etat membre, une relation symbiotique se d�veloppant ainsi entre les deux niveaux. En fin de compte, si l'AEE se trouve insatisfaite des crit�res environnementaux d'un Etat membre, il est probable que ce m�contentement se r�pandra � travers le syst�me bruxellois et aura des cons�quences n�gatives pour le pays en question. Il est donc dans l'int�r�t des Etats membres de maintenir de bonnes relations avec l'agence et de chercher � dissiper rapidement tout incertitude quant � leurs �tats de service et � leurs pratiques en mati�re d'environnement.

Questions � venir � propos de la gouvernance de l'Union

L'Union doit faire face � un futur plut�t incertain, la perspective de l'�largissement venant modifier ses priorit�s institutionnelles et l'�quilibre financier entre les contributeurs et les b�n�ficiaires nets du budget europ�en - tout cela au moment o� la l�gitimit� d�mocratique de l'Union est de plus en plus mise en question.

Du point de vue des groupes de pression, il n'est pas du tout �vident que des pays comme l'Espagne et l'Irlande, qui ont beaucoup profit� des transferts de fonds d'Etats membres plus riches, soient toujours aussi enthousiasm� par les activit�s de l'Union alors que leurs avantages � �tre membres apparaissent moins clairement. Et si le trait� de Nice (23 f�vrier 2001) ach�ve le processus de ratification, les grands Etats membres ne seront plus repr�sent�s � la Commission que par un commissaire � partir de 2005, les petits Etats - dont, d�sormais, beaucoup de nouveaux pays d'Europe centrale et orientale -accroissant toujours un peu plus leur emprise sur cet organe. L'�largissement va �videmment gonfler le nombre des d�put�s europ�ens, des juges � la CJCE, des membres du Comit� �conomique et social (ECOSOC) et du Comit� des r�gions (CDR), diluant soi-disant le pouvoir des grands Etats de l'ouest de l'Europe. Cependant, une reconfiguration complexe du syst�me de vote � la majorit� qualifi�e au Conseil des ministres doit permettre aux plus grands Etats membres de r�cup�rer une partie de leur pouvoir. Les quatre plus grands pays (l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni) ainsi que l'Espagne ou la Pologne seront en mesure de bloquer les d�cisions au Conseil des ministres, qui comprendra alors 25 Etats. Il se peut que l'axe franco-allemand soit encore un peu plus affaibli, mais les grands acteurs europ�ens auront toujours la possibilit� de diriger les affaires, quoique d'une autre mani�re. En tout cas, l'�largissement pourrait entra�ner une modification des priorit�s politiques de l'Union, qui refl�tera le nouvel �quilibre des int�r�ts au sein d'un groupe plus vaste d'Etats membres. En un mot, on doit s'attendre � un int�r�t plus faible pour l'approfondissement de la politique environnementale, et un int�r�t renouvel� pour les questions agricoles et de s�curit�.

L'�largissement de l'Union devrait centrer l'attention sur l'application du principe de subsidiarit� adopt� lors du trait� de Maastricht. Jusqu'ici, cette d�claration d'intention ne semble pas avoir entra�n� de modification tangible du travail des institutions europ�ennes, si ce n'est une diminution de la production l�gislative. Mais la diversit� des situations va s'accro�tre avec l'incorporation, dans le processus d�cisionnel, de tant de nouveaux Etats membres. On peut alors envisager un regain d'int�r�t pour les d�cisions prises au niveau national, r�put�es mieux convenir aux conditions locales. La Commission elle-m�me pourrait bien se trouver submerg�e par l'�norme t�che consistant � s'assurer du respect des 80 000 pages de l'acquis communautaire sur un territoire aussi vaste et divers. Ces deux �volutions parall�les pourraient � leur tour susciter des demandes de renationalisation des politiques actuellement men�es depuis Bruxelles, la plus souvent cit�e �tant l'agriculture. La Convention sur l'avenir de l'Europe (notamment compos�e de repr�sentants des Etats membres et des pays candidats) cherche aussi des moyens d'enraciner le principe de subsidiarit� avant la conf�rence intergouvernementale de 2004. A lui seul, cet �v�nement peut reconfigurer la structure de prise de d�cision ainsi que les comp�tences de l'Union, et ce qui d�coulera de cette situation particuli�rement ing�rable est loin d'�tre clair. Une Constitution europ�enne simplifi�e permettrait peut-�tre aux citoyens et aux gouvernements nationaux de contester devant les tribunaux certains aspects des projets politiques europ�ens qui outrepasseraient leurs comp�tences ou violeraient le principe de subsidiarit�.

Dans le m�me temps, il faut conserver � l'esprit deux autres �ventualit�s. L'une d'elles est que le r�le de la Commission elle-m�me pourrait changer devant l'ampleur du d�fi bureaucratique que constitue l'�largissement. La Commission pourrait s'orienter davantage vers une activit� de soutien ou de m�diation dans l'�volution politique, en fondant son influence et son autorit� sur sa position centrale, au carrefour de nombreux r�seaux politiques et de communaut�s " �pist�miques ". Un autre sc�nario pourrait voir la Commission, avec le concours des Etats membres et d'un large �chantillon de groupements d'int�r�ts, �laborer, dans des domaines pr�cis, un programme politique europ�en fond� sur le consensus et des mesures concert�es prises simultan�ment � plusieurs niveaux (local, national, europ�en). Cette " m�thode ouverte de coordination " a �t� amorc�e par les d�cisions prises lors de la rencontre au sommet des dirigeants de l'Union, � Lisbonne, en avril 2000, et elle est en cours d'application dans des domaines politiques aussi vari�s que l'�ducation, les retraites, l'exclusion, l'immigration ou la comp�titivit� industrielle. Dans quelle mesure cela repr�sente-t-il une perte d'influence pour la Commission ou le Parlement ? Il est trop t�t pour le savoir. Mais il para�t �vident que ce processus laisse des occasions aux gouvernements nationaux et aux groupes d'int�r�ts pour modifier l'agenda europ�en, en intervenant politique par politique.

La structure du lobbying � Bruxelles.

Le mot " lobby " est un terme vague, employ� pour caract�riser une n�buleuse d'int�r�ts cherchant � se faire repr�senter et � exercer une influence dans les centres de pouvoir o� sont prises les d�cisions. Dans le cas de Bruxelles, la pratique du lobbying est particuli�rement opaque : les r�gles r�gissant les rapports entre les groupes de pression et ceux qui la subissent sont tr�s impr�cises, et la fronti�re entre les organisations pratiquant le lobbying et les structures gouvernementales sont souvent t�nues. Le mot renvoie ici � tous les acteurs du processus d�cisionnel autres que les institutions europ�ennes elles-m�mes, ce qui comprend les int�r�ts sectoriels, les groupes d�fendant des convictions et, parfois, les gouvernements de pays tiers.

Il serait trop facile de circonscrire le ph�nom�ne du lobbying europ�en aux 800 et quelques f�d�rations paneurop�ennes d'associations et/ou d'entreprises nationales sp�cialistes des arcanes de la vie politique, qui forment une sorte de club ferm� d'interlocuteurs dialoguant avec les institutions europ�ennes. En r�alit�, des centaines d'autres entit�s sont r�guli�rement de la partie : cabinets d'avocats, agences comptables, cabinets de conseil en gestion, services de consultants en politique et/ou en affaires publiques, associations f�d�ratives nationales, associations commerciales et �lus locaux. A Bruxelles, il existe aujourd'hui environ 1 800 organisations qui s'adonnent au lobbying, employant pr�s de 10 000 personnes. Il y a vingt ans, elles �taient au nombre de 400 pour environ 3 000 employ�s. Ces organisations ne sont pas toutes pr�sentes dans tous les Etats de l'Union, certains de leurs membres ne travaillent pas sur son territoire, et une large minorit� d'entre elles n'ont pas leur si�ge � Bruxelles. Certaines associations industrielles n'acceptent pas, parmi leurs membres, les producteurs japonais install�s en Europe (comme les constructeurs automobiles), tandis que d'autres sont tr�s influenc�es par les investisseurs �trangers (les fabricants d'appareils �lectriques, par exemple). En outre, le lobbying prend de plus en plus la forme de coalitions temporaires et de structures ad hoc constitu�es en vue de r�agir � des propositions ou des �v�nements particuliers. Il y a ensuite les activit�s des gouvernements, notamment les gouvernements non europ�ens, qui, par le biais de la diplomatie ou de d�marches plus caract�ristiques du lobbying, tentent de persuader les d�cideurs europ�ens de prendre en compte leurs int�r�ts.

En r�alit�, n'importe qui peut faire du lobbying aupr�s de l'Union, mais peu de gens savent comment s'y prendre. Le lobbying n'est pas v�ritablement r�glement�, bien que la Commission tienne � jour sa propre liste d'informations sur quelque 700 organisations. Mais cette liste omet les interm�diaires r�mun�r�s par de nombreux groupes d'int�r�ts ainsi que les organisations �ph�m�res issues d'un Etat membre n'ayant pas d'affaires r�guli�res � Bruxelles.

Le Parlement europ�en essaie aussi de limiter le nombre de laissez-passer accord�s aux membres des groupes de pression (et qui constituent un avantage pour ceux qui travaillent r�guli�rement � Bruxelles) afin d'�viter aux d�put�s d'�tre contraints de consacrer trop de temps � l'examen de telle ou telle pr�occupation dans le cadre de leurs activit�s parlementaires. La Commission et le Parlement europ�ens ont aujourd'hui des r�glements stricts interdisant � leurs membres ou � leur personnel de recevoir des cadeaux importants, mais le Parlement, depuis le rapport Ford de 1996, semble rencontrer des difficult�s � s'assurer que tous les d�put�s suivent scrupuleusement ce nouveau code de conduite. Deux groupes de consultants en lobbying ont r�dig� des chartes d�ontologiques � l'intention de leurs membres, mais seule une petite douzaine d'entreprises les ont paraph�es, cette d�cision �tant totalement facultative. Tout le reste de l'activit� des lobbies n'est pas r�glement�e � Bruxelles, si ce n'est peut-�tre indirectement du fait du statut l�gal des organisations en Belgique qui les laisse libres de d�cider pour elles-m�mes.

Depuis le milieu des ann�es 1980, les universitaires ont fait des efforts croissants pour comprendre l'essence et le degr� d'influence des organisations pratiquant le lobbying � Bruxelles. Les th�oriciens de l'int�gration consid�rent depuis longtemps les groupes d'int�r�ts comme un indicateur fondamental du caract�re des institutions europ�ennes : soit leur influence est faible, et le cadre institutionnel europ�en peut �tre consid�r� comme intergouvernemental ; soit elle est importante, et ce cadre se rapproche alors du mod�le f�d�raliste ou fonctionnaliste. Ce d�bat, qui agite la communaut� universitaire, est loin d'�tre clos, mais il semble que les opinions s'articulent autour de deux p�les. Le premier est le p�le " intergouvernemental lib�ral ", aujourd'hui plus enclin � accepter que certaines organisations non gouvernementales (ONG) aient du pouvoir au sein du syst�me europ�en. L'autre est le p�le " n�o-institutionnel ", qui soutient que les Etats membres, les groupes d'int�r�ts et les institutions europ�ennes interagissent et s'influencent mutuellement. L'�mergence, dans les ann�es 1990, de la nouvelle �cole institutionnaliste a principalement d�coul� d'�tudes de cas sur la prise de d�cision au niveau politique et individuel. Ces �tudes montraient que des groupes d'int�r�t sectoriels ou sous-sectoriels - qu'ils soient ancr�s dans le monde de l'entreprise ou ax�s sur la promotion de convictions - pouvaient jouer, et jouaient effectivement, un r�le important dans le processus de prise de d�cision de la Communaut�/Union europ�enne. Ce n'est que lorsqu'il s'agit de questions " politiques de la plus haute importance " que les groupes d'int�r�t sont plus ou moins exclus du processus de prise de d�cision. En d'autres termes, lorsqu'il s'agit de questions techniques, non politis�es et de peu d'importance, les ONG peuvent exercer une grande influence. Mais, plus une question devient politique et met en jeu des int�r�t gouvernementaux, plus il sera difficile pour les groupes d'int�r�t de contr�ler le d�bat, sans parler d'influencer les r�sultats.

Quand la Communaut� europ�enne est devenue l'Union europ�enne et que de nouveaux trait�s ont �tendu les comp�tences de ses institutions, une autre �vidence s'est faite jour : la structure du lobbying avait chang�. Dans les ann�es 1960, ces activit�s concernaient essentiellement l'agriculture et l'alimentation ; les int�r�ts sociaux et environnementaux commenc�rent � s'organiser collectivement seulement dans les deux d�cennies suivantes ; la perspective du march� unique fit na�tre de nouvelles pr�occupations commerciales en mal de repr�sentation ; les trait�s de Maastricht et d'Amsterdam incit�rent � la promotion de nouveaux int�r�ts recouvrant le social, la sant�, l'�ducation, la justice et l'immigration. Globalement, plus l'Union est devenue un acteur international fort et coh�rent (sur les questions commerciales et environnementales, par exemple), plus le dialogue institutionnel s'est extrait des zones p�riph�riques du pouvoir � Bruxelles comme dans l'ensemble de l'Union. Ainsi, ces derni�res ann�es, le Trans-Atlantic Business Dialogue (TABD, " Dialogue transatlantique des milieux d'affaires "), n� il y a � peine dix ans, est devenu l'un des plus importants forums repr�sentant l'" opinion �trang�re " � Bruxelles. Il n'est pas non plus possible de pr�tendre que les opinions des milieux d'affaires des Etats-Unis ont �t�, par le pass�, relativement sous-repr�sent�es aupr�s des institutions europ�ennes, dans la mesure o� l'on s'accorde � dire que le comit� europ�en de la Chambre de commerce am�ricaine (AMCHAM) est l'un des lobbies les plus efficaces sur la sc�ne bruxelloise. En revanche, on peut affirmer qu'�tant donn� les int�r�ts �conomiques concurrents de l'Union et des Etats-Unis en mati�re de commerce international, ajout�s � une traditionnelle propension � se brouiller sur certaines questions, un nouveau forum �tait n�cessaire pour am�liorer la compr�hension mutuelle et insister sur les int�r�ts strat�giques que partagent les deux partenaires.

La souplesse et l'opportunisme caract�risant la pratique du lobbying � Bruxelles doivent aussi �tre analys�s. Le lobbying ne s'y d�ploie pas dans un cadre bien �tabli, et les structures dans lesquelles la repr�sentation des groupes d'int�r�t est pr�alablement d�termin�e (comme le Comit� �conomique et social ou les centaines de comit�s consultatifs officiels) ne sont souvent pas les plus efficaces. Si, dans le dispositif institutionnel actuel, l'expression de certains int�r�ts particuli�rement importants n'est pas possible, il est facile de cr�er de nouvelles structures ou de trouver de nouveaux canaux pour faire entendre ces points de vue. Le plus important est de savoir comment jouer la partie politique � Bruxelles. Les organisations qui y sont �tablies doivent savoir ce qu'il faut qu'elles fassent. Etant donn� la qualit� des syst�mes de communication modernes, les organisations et les professionnels du lobbying qui r�ussissent n'ont pas toujours besoin d'�tre pr�sents � Bruxelles. Un d�ficit de comp�tences ou de connaissances dans une campagne pr�cise de lobbying peut toujours �tre combl� par le recours � l'univers hautement concurrentiel des cabinets de conseil. Une �tude plus approfondie des styles de lobbying sera entreprise plus loin.

Au coeur du processus d�cisionnel bruxellois (qui articule �videmment un niveau national, et parfois aussi infra-national), on trouve le besoin de la Commission de recueillir des informations pour pouvoir formuler des propositions pertinentes dans tous les secteurs et suivre les �v�nements dans les domaines politiques qui l'int�ressent. Ces renseignements sont fr�quemment indisponibles et ne peuvent parfois pas �tre fournis par les gouvernements des Etats membres. La Commission se tourne donc in�vitablement vers les organes repr�sentatifs afin d'obtenir informations et opinions pouvant orienter son action. C'est l� le fondement de la relation symbiotique entre la Commission et les groupes d'int�r�ts, qui, � leur tour, se renseignent sur les opinions et les projets de la Commission afin de pouvoir y r�pondre rapidement ou m�me les anticiper. L'�tat de d�pendance mutuelle o� se trouvent ces deux groupes d'acteurs a �t� renforc�e par l'h�g�monie du Conseil des ministres dans la plupart des grandes d�cisions de l'Union. Mais un partenariat solide entre la Commission et des groupes d'int�r�ts bien organis�s au niveau europ�en peut permettre parfois de v�ritablement contourner le Conseil, ou du moins de marginaliser un Etat membre qui exprimerait de vigoureuses objections. Ainsi, l'alliance, � la fin des ann�es 1970, entre la Commission et EUROFER (Association europ�enne de la sid�rurgie) a permis de contrer les r�serves allemandes � propos d'une intervention sur le march� de l'acier, alors tr�s touch� par la crise. Et l'enthousiasme des banquiers fran�ais, � la fin des ann�es 1970, en faveur de la lib�ralisation de leur environnement �conomique int�rieur l'emporta gr�ce au concours de la Commission et des institutions europ�ennes, et malgr� les objections de Paris.

Depuis 1986, il y a eu plusieurs changements importants dans le syst�me d�cisionnel de la Communaut�/Union europ�enne, lesquels ont aussi influenc� la nature du lobbying sur beaucoup de points. Les quatre trait�s, ou amendements aux trait�s existants, conclus par les Etats membres depuis la conf�rence intergouvernementale de Luxembourg, en 1985, ont consacr� la g�n�ralisation progressive du recours au vote � la majorit� qualifi�e au Conseil des ministres, ce qui a rendu du pouvoir � la Commission et au Parlement. Le r�le de celui-ci a �t� �largi depuis l'institution du suffrage universel direct en 1979, mais le changement le plus important a �t� l'adoption de la proc�dure de cod�cision (instaur�e par le trait� de Maastricht) qui donne au Parlement des pr�rogatives d�cisionnelles communes � celles du Conseil des ministres dans un nombre croissant de domaines politiques (pour une grande partie des politiques relatives au march� unique et � l'environnement, par exemple), la Commission intervenant parfois comme m�diateur en cas de d�saccord entre le Conseil et le Parlement. Dans l'Union, toute prise de d�cision se fait dans le cadre d'un r�glement tr�s complexe qui �mane des fondements contractuels et l�gislatifs relatifs au secteur en question et au type de d�cision devant �tre pris. On dit qu'il existe au moins vingt-trois structures d�cisionnelles diff�rentes en exercice au sein de l'Union, et les strat�gies de lobbying doivent ainsi s'adapter � la fois � l'�tat du r�glement et � l'�quilibre des forces politiques en pr�sence. Selon les domaines, la Commission ou le Conseil peuvent pr�dominer, tandis que le Parlement peut bloquer les progr�s sur certaines questions et qu'un recours devant la CJCE en suivant la proc�dure l�gale peut se r�v�ler tr�s efficace. Ceux qui veulent v�ritablement promouvoir leurs int�r�ts � Bruxelles avec des chances de succ�s doivent ainsi �laborer une strat�gie sp�cifique pour chaque question politique et chaque �tape du processus d�cisionnel.

Les styles de lobbying

Le syst�me de prise de d�cision au sein de l'Union est un m�lange unique de styles de lobbying, o� coexistent des cultures politiques tr�s diverses, de sources continentales et anglo-saxonnes, combin�es aux contraintes d'une configuration institutionnelle particuli�re. Confront�es � un sujet pr�cis, la plupart des organisations de lobbying doivent d'abord d�terminer le degr� auquel elles souhaitent s'investir. Tr�s souvent, ces organisations sont r�ticentes ou inaptes � consacrer beaucoup de ressources � cette activit�, ce qui conf�re un avantage � celles qui s'en donnent la peine.

En g�n�ral, il convient de suivre quelques r�gles importantes.

Trouvez un Euro-groupe (association commerciale, corps professionnel ou un �quivalent) refl�tant vos pr�occupations. S'il n'en existe aucun, formez-en un qui rassemble des entreprises et des organisations provenant (de pr�f�rence) de plusieurs Etats membres, ce qui apportera beaucoup de cr�dit � votre cause aupr�s de la Commission. Les d�cideurs europ�ens veulent savoir si vos points de vue repr�sentent un v�ritable courant d'opinion plut�t que les int�r�ts commerciaux d'une entreprise particuli�re. Exprimez vos vues � temps. La Commission, dans la mesure o� elle d�termine le calendrier des �v�nements, est certainement l'endroit par o� commencer. Il est pr�f�rable de l'approcher avant que la Direction g�n�rale (DG) concern�e ne se forge ses propres id�es. A cette fin, les organisations doivent avoir � la fois une bonne connaissance de l'�volution de la sc�ne politique bruxelloise et des contacts bien plac�s. Cela n�cessite une certaine forme de repr�sentation � Bruxelles (directement ou par procuration) et le d�veloppement r�gulier d'un r�seau de relations. Rep�rez les acteurs-clefs et faites pression sur eux. La Commission, par exemple, n'est pas un monolithe mais une bureaucratie c�l�bre pour son morcellement. Ainsi, si la personne responsable d'une DG constitue une cible �videmment importante, d'autres voies peuvent se r�v�ler fructueuses pour le lobbying. Le Commissaire et son cabinet rattach�s � la DG en question doivent �tre approch�s, ainsi que toute autre DG concern�e par le sujet (parfois, plusieurs le sont). De cette fa�on, tout l'environnement politique dans lequel travaille le responsable de la DG devrait se trouver sous influence. Il existe encore d'autres personnes dignes d'attention, comme les membres du comit� appropri� du Parlement europ�en, ceux de l'ECOSOC et ceux du Comit� des r�gions. Il faut identifier pr�cis�ment la cha�ne d�cisionnelle pour le sujet qui vous int�resse, et chaque maillon doit faire l'objet d'un travail de lobbying appropri�. Cherchez des alli�s l� o� c'est possible. A Bruxelles, l'univers du lobbying est tr�s actif et regroupe beaucoup de gens. Si les positions d'une organisation semblent assez faibles, ses membres doivent trouver d'autres alli�s dans la n�buleuse du lobbying. Il est clair qu'avoir dans son camp des acteurs de premier plan, comme la " Table ronde des industriels europ�ens " (ERTI, Europe Round Table of Industrialists) ou le comit� europ�en de l'AMCHAM, peut se r�v�ler fort utile. C'est pourquoi il faut aussi les approcher et tenter de les influencer, de m�me que toute association f�d�rative, telle l'Union des conf�d�rations de l'industrie et des employeurs d'Europe (UNICE). Par ailleurs, il peut se r�v�ler n�cessaire de former un groupe d�di� � un objectif unique ou bien de rassembler une coalition aux pr�occupations plus vastes qui donnera davantage de poids aux positions d�fendues par votre organisation. Mais il se peut que cette option exige l'abandon de certaines de vos revendications dans le cadre de concessions politiques. La profusion excessive de groupes de pression est un vrai probl�me � Bruxelles. D�s lors, les lobbyistes s�rieux doivent souvent s'associer pour �tre s�rs de se faire entendre. Exercez des pressions � diff�rents niveaux. L'Union est un parfait exemple de syst�me de gouvernance � plusieurs strates dans lequel les institutions politiques d'un niveau interagissent avec et influent sur les �chelons sup�rieurs et inf�rieurs. Etant donn� la pr��minence du Conseil des ministres, il est souvent essentiel d'influencer les positions des gouvernements nationaux. Le plus efficace est de le faire dans les capitales des pays membres, par le biais d'entreprises ou d'organisations locales. De plus en plus, cela doit �tre fait en m�me temps qu'aupr�s des acteurs pr�sents � Bruxelles et Strasbourg dont on doit s'assurer le soutien. Tout cela n�cessite du temps, de l'argent et la mise en place d'un r�seau de relations. Etant donn� les pouvoirs d�cisionnaires accrus du Parlement europ�en, il n'est pas judicieux de vouloir influencer les d�put�s europ�ens trop tardivement, bien que cela puisse se r�v�ler une bonne manoeuvre dilatoire destin�e � faire ressortir un aspect non encore consid�r� ou identifi� d'une proposition. Souvent, la synchronisation est un facteur essentiel, notamment lorsqu'il s'agit de s'orienter � travers la complexit� des calendriers �lectoraux des Etats membres, ce qui signifie que le laps de temps dont dispose le Conseil pour prendre une d�cision d�licate est assez court. La cr�dibilit� est un facteur essentiel de succ�s. Elle peut s'acqu�rir de plusieurs fa�ons : en d�montrant la repr�sentativit� de votre cause, en fournissant un service de qualit� en tant que lobbyiste (en proposant des informations et des analyses pertinentes, en comprenant les r�gles du jeu politique, les contraintes et les potentialit�s des trait�s fondamentaux, et en arrivant avec des id�es solides qui pourront aider les d�cideurs europ�ens � trouver un compromis). Cette cr�dibilit� peut encore �tre renforc�e si vous trouvez des alli�s improbables parmi les groupes d'int�r�t " adverses " (comme dans le cas du dialogue de Shell avec Greenpeace).
Le lobbying et la politique �trang�re

Au niveau de l'Union, les efforts de lobbying se sont traditionnellement et principalement concentr�s sur des questions politiques int�rieures, notamment celles touchant au march� unique et au d�veloppement du commerce. Le commerce a cependant des dimensions � la fois int�rieures et ext�rieures, et dans la mesure o� les institutions europ�ennes cherchent � r�glementer ou autoriser les relations commerciales entre des pays tiers et le march� int�rieur europ�en, ces relations comportent une dimension de politique �trang�re. L'Union se rend parfois coupable de ne pas reconna�tre pleinement les implications ext�rieures de ses d�cisions politiques int�rieures, l'exemple r�cent le plus �vident en �tant le fameux Livre blanc de 1985 sur l'ach�vement du march� int�rieur qui omit totalement de les aborder. Cet aspect quelque peu introverti d'une grande partie de la politique de l'Union rend d'autant plus important pour les acteurs ext�rieurs (gouvernements et entreprises ayant des int�r�ts sur le march� europ�en) le fait d'�tre repr�sent�s � Bruxelles et d'exercer des pressions sur les d�cideurs de l'Union au niveau national, en plus du niveau europ�en. Il n'est pas exag�r� d'affirmer que les gouvernements des pays tiers sont devenus partie int�grante de l'infrastructure du lobbying europ�en.

Ce type de lobbying exc�de d�sormais les questions li�es au commerce depuis que les second et troisi�me piliers des comp�tences de l'Union, sp�cifi�s dans le trait� de Maastricht et approfondis dans le trait� d'Amsterdam, sont d'actualit�. Il se peut que le syst�me d�cisionnel intergouvernemental soit quelque peu diff�rent, mais l'int�r�t des pays tiers pour les domaines politiques couvert par la PESC et la coop�ration en mati�re de justice et d'affaires int�rieures (JAI) est �vident. Cet int�r�t des pays tiers peut se manifester dans un cadre strictement bilat�ral, lorsque le gouvernement ou son territoire sont directement concern�s ; ou bien, dans un cadre plus collectif, lorsque, par exemple, un accord international est en cours de n�gociation sur des sujets tels que le terrorisme, le blanchiment d'argent, le trafic de stup�fiants ou la cr�ation d'une Cour p�nale internationale.

Il est peut-�tre utile d'insister d�s maintenant sur le fait que la politique �trang�re est un concept plut�t large et mal d�limit�. Le terme est employ� ici pour caract�riser toute politique men�e par un gouvernement national en relation avec d'autres pays ou des organisations internationales. Les forces de la mondialisation ont �tendu le champ d'action de la politique �trang�re au commerce des services et des biens, aux march�s financiers, � la criminalit� internationale, au terrorisme, etc. Du fait de la croissance rapide du commerce mondial depuis 1945, les pr�occupations de la politique �trang�re sont devenues plus �conomiques et commerciales. D'o� l'int�r�t de beaucoup de gouvernements de pays tiers pour les d�cisions de la Communaut� europ�enne bien avant que les ann�es 1990 ne donnent jour aux trait�s de Maastricht et d'Amsterdam. L'Union est la plus grande entit� commerciale du monde, et ses d�cisions sont d'une grande importance pour la plupart des pays impliqu�s dans le commerce international.

La Communaut� europ�enne n'a pas craint non plus d'�tablir des liens entre la politique commerciale et la politique �trang�re. Ce fut clairement le cas en 1982, lorsqu'elle d�cida d'un embargo � l'encontre de tous les biens provenant d'Argentine, apr�s l'invasion, par ce pays, des �les Malouines. En 1986, elle mena�a aussi de suspendre son accord commercial avec la Syrie en r�ponse aux �l�ments, dans l'affaire Hindawi, attestant que la Syrie avait h�berg� en connaissance de cause une organisation terroriste ainsi que les v�ritables auteurs d'une tentative d'attentat contre un avion de ligne isra�lien � l'a�roport de Heathrow.

On trouve un autre exemple important dans la longue liste des conflits commerciaux entre les Etats-Unis et la Communaut�/Union europ�enne. En 1982, l'Administration Reagan se soucia des implications strat�giques qui d�coulaient, pour l'Europe occidentale, de la construction d'un pipeline destin� � l'importation de ressources �nerg�tiques russes sur le march� europ�en. La Maison-Blanche craignait qu'une d�pendance �nerg�tique si importante � l'�gard de l'Union sovi�tique entame la capacit� de l'Europe � r�pondre vigoureusement � une menace s�curitaire �manant du bloc communiste. Les Etats-Unis menac�rent donc de mettre sur liste noire toute entreprise am�ricaine ou �trang�re fournissant des pi�ces (voire des services) pour la construction de ce pipeline, les entreprises ainsi mises � l'index �tant exclues des appels d'offre de la Maison-Blanche et ne pouvant obtenir de contrat priv� avec les entreprises am�ricaines. La Communaut� europ�enne annon�a des mesures de repr�sailles commerciales au cas o� la menace serait suivie d'effets, et une entreprise au moins, British Aerospace, se trouva au banc des accus�s pour avoir ignor� l'embargo. La position des Etats-Unis suscita des critiques tr�s virulentes dans le monde entier et fut d'ailleurs rapidement abandonn�e.

La r�glementation du r�gime d'importation des bananes de l'Union

Peu d'aspects de la politique de l'Union auront suscit� de d�bats plus douloureux et d'activit�s de lobbying plus intenses que la question de la r�glementation du r�gime europ�en d'importation des bananes. Des gouvernements du monde entier ainsi que des groupements d'int�r�t �conomique et des ONG ont pass� plus d'une d�cennie � faire pression sur l'Union et � porter leurs revendications devant la CJCE, l'Accord g�n�ral sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Trade and Tariffs, GATT) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les r�sultats et cons�quences des d�cisions de l'Union ont �t� �voqu�s de fa�on dramatique : le libre-�change contre le commerce �quitable ; la survie �conomique de quelques micro-Etats des Cara�bes; l'obligation morale des ex-puissances coloniales europ�ennes de soutenir leurs anciennes colonies ; l'incitation � la culture de drogues illicites comme seule alternative viable � la culture de bananes ; la capacit� des multinationales am�ricaines � adapter les r�gles commerciales � leur avantage sans consid�ration pour les autres, notamment avec l'aide de Washington.

Le probl�me du r�gime d'importation des bananes date des d�buts de la CEE : la signature du trait� de Rome fut retard�e de plusieurs jours pendant qu'un protocole final �tait adopt� qui autorisait l'Allemagne � importer des bananes sans taxes (et donc peu ch�res), tandis que la France et les autres pays pouvaient garantir l'acc�s � leur march� � leur anciennes colonies et aux DOM-TOM, � des prix plus �lev�s. Cet accord constituait une d�n�gation du principe de march� unique. Et lorsque d'autres Etats, comme la Grande-Bretagne, rejoignirent la Communaut�/Union europ�enne, l'accord fut �tendu, puis inclus dans la Convention de Lom� par laquelle l'Union accordait un acc�s pr�f�rentiel au march� unique europ�en pour de nombreux produits des pays d'Afrique, des Cara�bes et du Pacifique (ACP, aujourd'hui au nombre de 77), ainsi qu'une aide financi�re et alimentaire, un partage de comp�tences et des syst�mes de stabilisation des recettes d'exportation. Le fondement de ces dispositions complexes fut remis en question par le Livre blanc sur l'ach�vement du march� int�rieur, publi� par la Commission en 1985, et en particulier par la promesse d'abolir tous les contr�les aux fronti�res au sein de la Communaut�. Les quotas et les taxes d'importation diff�renci�es, qui avaient permis aux march�s nationaux voisins de d�finir les conditions du commerce de la banane compl�tement diff�remment les uns des autres, commenc�rent � devenir inutiles et inop�rantes. Il fallait soit mettre en place un march� libre de la banane au sein de l'Union (avec pour effet l'�viction des producteurs europ�ens locaux et de beaucoup de producteurs antillais), soit concevoir un r�gime d'importation nouveau permettant de concilier de nombreux int�r�ts contradictoires. Plusieurs grands Etats europ�ens s'�tant publiquement prononc�s en faveur de la seconde option dans le but de prot�ger leurs int�r�ts locaux et ceux de leurs ex-colonies, il �tait �vident, d�s 1986, que la solution du march� libre ne serait pas retenue et qu'un nouveau r�gime d'importation devait �tre �labor�. Cela ne fut r�alis� qu'en 1993, six mois apr�s l'entr�e en vigueur du nouveau march� unique, tellement il fut difficile de trouver un accord entre les parties. Mais ce nouveau r�gime ne devait pas durer longtemps.

Les int�r�ts impliqu�s dans le processus de lobbying sur cette question �taient � la fois puissants et divers. De toute �vidence, les producteurs europ�ens locaux des A�ores, des Canaries, de Cr�te et de Laconie avaient trouv� une oreille attentive aupr�s de leurs gouvernements respectifs (le Portugal, l'Espagne et la Gr�ce), tous repr�sent�s au Conseil des ministres, lequel devait donner son aval � la nouvelle r�glementation sur la banane. Les producteurs martiniquais et guadeloup�ens, ainsi que ceux de beaucoup d'anciennes colonies, pouvaient compter sur la bienveillance du gouvernement fran�ais, soucieux de les aider. Les producteurs des anciennes colonies et d�pendances britanniques des Cara�bes et du Pacifique trouv�rent un gouvernement britannique tout aussi dispos� � les assister. Les Italiens ne tenaient pas � d�laisser les int�r�ts des producteurs somaliens, autre ancienne colonie. Par ailleurs, les gouvernements carib�ens constitu�rent, avec les principales entreprises cultivant la banane sur leur territoire, une association, la CBEA (Caribbean Banana Exporters Association). Parall�lement, les producteurs d'Am�rique latine adopt�rent une attitude discr�te mais comptaient sur leurs gouvernements (la plupart des Etats d'Am�rique centrale, la Colombie et l'Equateur) pour d�fendre leur point de vue. Ils se d�claraient en faveur d'un respect rigoureux des principes du libre-�change - ce que l'Union est normalement dispos�e � accepter - afin de pouvoir tirer pleinement b�n�fice de leurs faibles co�ts de production, avantage qu'ils avaient sur les autres pays ACP, notamment carib�ens. La Maison-Blanche entra aussi dans la partie � la demande des multinationales am�ricaines (notamment Chiquita/United Brands) une fois qu'il fut �vident que l'Union avait d�cid� de soutenir un r�gime d'importation de bananes qui pouvait �tre en d�saccord avec les r�gles du GATT (et plus tard de l'OMC). Chiquita et son directeur g�n�ral de l'�poque, Carl Lindner, ont ouvertement admis avoir octroy� d'importantes donations aux Partis d�mocrate et r�publicain afin de s'assurer que leur voix serait entendue tout au long du d�bat sur le r�gime europ�en d'importation des bananes dans les ann�es 1990.

Voil� pour les acteurs gouvernementaux. Les acteurs industriels adopt�rent plusieurs approches diff�rentes tandis que les probl�mes �mergeaient. Parmi les entreprises productrices, certaines choisirent de se battre ouvertement en association �troite avec leur gouvernement (Chiquita et l'Administration des Etats-Unis, Noboa et le gouvernement �quatorien) ; d'autres d�cid�rent de se pr�munir et de d�velopper des strat�gies commerciales leur permettant de r�sister aux cons�quences les plus pr�visibles (Dole, Del Monte et l'anglo-irlandais Fyffes) ; tandis que d'autres encore furent tent�es de laisser les gouvernements des pays dans lesquels elles cultivaient la banane se charger de l'effort politique (� nouveau Dole et Fyffes). A l'autre bout de la cha�ne, les entreprises commercialisant les bananes dans l'Union �taient repr�sent�es par leur association commerciale (l'European Community Banana Trade Association, ECBTA), mais ne semblent pas avoir influenc� d'importantes d�cisions sur la question. En effet, la nature de leur association changea durant la p�riode du fait du rachat des plus importantes fili�res de distribution de fruits par les principaux producteurs et convoyeurs de bananes - une cons�quence �vidente de l'int�gration verticale du march� du secteur, rendue n�cessaire par l'intensification de la concurrence.

Des ONG ont �galement manifest� un vif int�r�t pour ce d�bat, pour l'essentiel des organisations humanitaires et caritatives, comme Oxfam (Oxford Committee for Famine Relief), des groupes impliqu�s dans le d�veloppement des pays du Tiers-Monde, et beaucoup d'organisations confessionnelles. Leurs efforts conjoints ont permis de mobiliser des centaines de milliers de gens qui ont protest� aupr�s de leurs gouvernements � propos de la situation critique dans laquelle se trouvaient les producteurs de bananes des pays ACP, attirant l'attention des m�dias sur la question du commerce des bananes : de nombreux documentaires t�l�vis�s et campagnes p�titionnaires s'ensuivirent !

L'histoire r�sum�e du r�gime d'importation des bananes de l'Union

Arriv�s � ce point, il nous faut r�sumer l'histoire et l'�volution du conflit commercial autour de l'importation des bananes dans l'Union. Cette histoire est longue et complexe.

Les origines du conflit commercial sur la banane remontent � la cr�ation de la CEE. La signature du trait� de Rome, en mars 1957, fut retard�e de quatre jours tandis qu'un accord �tait recherch� sur le protocole tr�s contest� concernant la banane. Celui-ci accorda � la R�publique f�d�rale d'Allemagne (RFA) une exemption du tarif ext�rieur commun pour les bananes que tous les autres Etats membres �taient tenus d'appliquer. Le consommateur allemand a jou� un r�le important tout au long de ce d�bat en persuadant son gouvernement de recourir � tous les moyens possibles pour maintenir l'approvisionnement du march� allemand en bananes � bas prix. Comme on peut s'y attendre, les Allemands d�tiennent le record de consommation de banane par habitant pour toute l'Union. Et l'Union dans son ensemble repr�sente 30 % en volume du commerce mondial de la banane (45 % en valeur).

Quand fut lanc�, en 1985, le programme destin� � achever le march� unique, il devint tout � fait clair que la fragmentation d�lib�r�e du march� de la CEE r�sultant de l'organisation du commerce de la banane ne pouvait plus durer, du fait de l'�limination des contr�les aux fronti�res � l'int�rieur de la Communaut�. Un nouveau r�gime d'importation des bananes commun � l'ensemble de la Communaut� devait �tre �labor�, comme dans le cas des voitures neuves.

L'article 115 du trait� de la CEE fournissait � chaque Etat membre la possibilit� d'adopter un r�gime d'importation des bananes sp�cifique puis de le faire valider et appliquer par la Communaut�. Les s�ries de conventions de Yaound� et de Lom� promettaient, d�s 1991, qu'aucun pays ACP ne serait " plac�, en ce qui concerne ses march�s traditionnels et ses avantages sur ces march�s, dans une position moins favorable que par le pass� ou qu'aujourd'hui ".

Ainsi, tout �tait pr�t pour de longues et classiques n�gociations au sein de la Communaut�, lesquelles d�bouch�rent sur la d�cision, prise en 1993, d'introduire un r�gime d'importation de bananes commun, se caract�risant par un syst�me de quota pour l'importation des " bananes dollars " (initialement �tabli � 2 millions de tonnes) et un tarif ext�rieur commun de 20 %. Douze Etats ACP continuaient � b�n�ficier d'un acc�s d�tax� au march� � hauteur de 620 000 tonnes de bananes par an. La Commission devait conserver un quota discr�tionnaire qu'elle pouvait r�partir librement tandis que le march� de la banane continuait son expansion. Les importations de bananes dollars �taient cependant contr�l�es par un syst�me de licences uniquement accord�es aux importateurs promettant de vendre des bananes provenant des pays ACP ou d'Europe. On pr�voyait que le nouveau syst�me accorderait 30 % des licences d'importation (en volume de ventes) aux n�gociants ayant commercialis� des bananes en provenance des pays ACP traditionnels, 60 % aux n�gociants ayant commercialis� des bananes dollars et 10 % aux nouveaux venus sur le march� et aux n�gociants en bananes cultiv�es en Europe. Le syst�me est administr� par le Comit� de gestion de la banane de l'Union et par la Commission.

Le nouvel accord fut ent�rin� avec beaucoup de difficult� par un vote � la majorit� qualifi�e, le changement d'avis du Danemark se r�v�lant d�cisif. Cet accord fut violemment attaqu� par l'Allemagne qui le contesta, sans succ�s, devant la CJCE, l'accusant d'�tre contraire aux principes �conomiques garantis par le trait� de Rome. Une autre attaque fut lanc�e dans le cadre du GATT par les Etats-Unis et plusieurs producteurs de bananes dollars d'Am�rique latine. La d�cision du GATT sur le nouveau r�gime d'importation conduisit � une augmentation du quota de bananes dollars � 2,1 millions de tonnes. Cela signifiait qu'avec la fin du GATT, en 1994, la proc�dure de r�solution du litige sous l'�gide de l'OMC devait repartir de z�ro, cette fois � l'instigation de l'Equateur et des Etats-Unis. En 1997, l'OMC se pronon�a contre le r�gime europ�en d'importation de bananes, le d�clarant discriminatoire � l'encontre des producteurs d'Am�rique latine. L'Union introduisit des modifications dans son r�gime d'importation qui entr�rent en vigueur en janvier 1999, mais un panel de l'OMC d�cida en avril 1999 que, m�me modifi�, ce r�gime perp�tuait cette discrimination. Avant que l'Union ait propos� une r�ponse � cette derni�re d�cision, le gouvernement des Etats-Unis introduisait un syst�me de sanctions commerciales r�visables (" carrousel approach ") d'un montant de 200 millions de dollars contre les Etats europ�ens, notamment ceux favorables au r�gime europ�en d'importation des bananes. L'Union d�clara que les Etats-Unis enfreignaient les r�gles de l'OMC en agissant de la sorte, mais il �tait �vident que la Maison-Blanche �tait alors exasp�r�e par les retards europ�ens. En janvier 2001, Chiquita, l'un des principaux producteurs et n�gociants de bananes dollars, intenta un proc�s pour dommages et int�r�ts � hauteur de 525 millions de dollars (soit, � l'�poque, 564 millions d'euros), invoquant les pertes subies depuis que le nouveau r�gime avait �t� mis en place en janvier 1999. En avril 2001, cependant, l'Union semblait avoir trouv� un compromis avec les Etats-Unis, se fondant sur une r�vision du syst�me de licences afin de favoriser les fournisseurs traditionnels du march� europ�en, au grand dam d'un autre producteur et n�gociant am�ricain, Dole, et du gouvernement �quatorien.

La question du commerce de la banane illustre bien les forces et faiblesses institutionnelles de l'Union. Les divisions au sein du Conseil des ministres furent profondes, et le r�glement du conflit par l'application du vote � la majorit� qualifi�e obligea simplement la minorit� dissidente � rechercher, sans succ�s, un secours du c�t� de la CJCE. Dans cette affaire, la Commission eut la malchance d'�tre emmen�e par la DG VI (celle de l'agriculture) qui prend toujours fait et cause pour les producteurs plut�t que pour les consommateurs. Mais faire �voluer la position adopt�e par la DG VI fut un v�ritable casse-t�te " acronymique " de directions g�n�rales, chacune avec son lot d'organisations de lobbying - la DG I (relations ext�rieures), la DG III (affaires industrielles), la DG VIII (d�veloppement et coop�ration), la DG XV (march� int�rieur), la DG XVI (affaires r�gionales) - auxquelles il faut ajouter le Comit� europ�en d'administration de la banane.

C'est donc toute une superposition de probl�matiques qu'il fallut d�m�ler. Les pays en d�veloppement (PED) �taient profond�ment divis�s en deux camps : les pays ACP et les pays non ACP. Les principes du march� unique �taient en jeu, favorisant la consolidation du r�gime d'importation de la banane au niveau de l'Union ; mais la lib�ralisation de l'acc�s � ce march� nouvellement int�gr� devait �tre mis en balance avec les politiques protectionnistes destin�es � pr�server le niveau de vie de gens comptant parmi les plus pauvres du monde. Sur cette question, les lignes de clivage traditionnelles entre les Etats pratiquant le libre-�change et ceux plus enclins au protectionnisme se d�sagr�g�rent, le Royaume-Uni adoptant un point de vue plus protectionniste (soutenu par la France, l'Italie et les Pays-Bas) en raison des int�r�ts des PED. Finalement, et c'est peut-�tre le plus important, l'ensemble des relations de l'Union avec les Am�riques furent menac�es par ce conflit commercial : entre l'Union et les Etats-Unis (relations qui se d�graderont encore sur d'autres questions), entre les Etats carib�ens et ceux d'Am�rique centrale, entre ces derniers et les Etats d'Am�rique du Sud (notamment l'Equateur), enfin entre les Etats radicaux d'Am�rique centrale, comme le Honduras, et des Etats plus mod�r�s, comme le Costa Rica.

Le programme Auto-Oil

L'acceptation par l'Union, en 1997, des propositions du protocole de Kyoto sur la r�duction des �missions de gaz � effets de serre a eu des r�percussions pour les constructeurs automobiles et les compagnies p�troli�res pr�sents sur le march� europ�en. L'Union a accept� de r�duire ses �missions de 8 % d'ici � 2010 par rapport au niveau de 1990. Mais ces r�ductions devront �tre plus importantes dans certains pays (12 % pour le Royaume-Uni), tandis que d'autres (l'Irlande) seront autoris�s � accro�tre leur niveau d'�missions (jusqu'� 13 %). Le protocole de Kyoto affecte les int�r�ts des entreprises en Europe, alors qu'elles doivent d�j� faire face � d'intenses pressions r�glementaires de Bruxelles pour parvenir � une allocation plus efficace des ressources, une pollution automobile plus faible et un meilleur recyclage. Ces pressions refl�tent les pr�occupations �cologiques d'un grand nombre d'Etats membres (six d'entre eux sont consid�r�s comme constituant l'avant-garde de la politique environnementale) et du Parlement europ�en. Les deux principaux groupements d'int�r�t concern�s et menac�s (les constructeurs automobiles et les compagnies p�troli�res, repr�sent�s par des f�d�rations paneurop�ennes telles que l'Association des constructeurs europ�ens d'automobile (ACEA) et l'Association de l'industrie p�troli�re europ�enne (EUROPIA)) ne se sont pas laiss� imposer s�par�ment un agenda d�termin� par les institutions europ�ennes selon des crit�res politiques plus qu'industriels. Ils ont au contraire annonc�, en 1996, qu'ils feraient des propositions communes pour aider � r�aliser les objectifs environnementaux de l'Union, puis ceux d�finis � Kyoto en mati�re d'�missions de gaz automobile d'ici � 2008 - 2012, le tout en concertation avec la Commission et sous r�serve de l'approbation finale du Conseil des ministres et du Parlement. D'autres accords ont aussi �t� conclus avec les constructeurs automobiles japonais et cor�ens. Malgr� les appr�hensions de beaucoup de d�put�s europ�ens, cette approche a �t� accept�e et le premier programme Auto-Oil vot� - et ce, en d�pit de d�saccords ouverts entre les deux industries concern�es sur la fa�on de r�partir le fardeau de la r�duction des �missions de gaz d'origine automobile. Des ONG �cologistes pr�tendent aussi que ces deux industries ont �dulcor� les exigences politiques de l'Union. Un second programme Auto-Oil est actuellement en cours de n�gociations, avec une plus grande harmonie entre les deux secteurs et une plus grande implication des ONG.

Ce processus soul�ve d'importantes questions touchant la l�gitimit� d�mocratique et la nature de l'autorit� habilit�e � �laborer, appliquer et �valuer une politique publique. Il permet aussi aux int�r�ts industriels d'exercer un plus grand contr�le sur l'agenda politique, et d'�tre hostiles au protocole de Kyoto d'un c�t� de l'Atlantique tout en se montrant apparemment dispos�s � aider � la r�alisation des objectifs de Kyoto sur l'autre rive de l'oc�an.

Aspects positifs et n�gatifs du lobbying
Les aspects positifs

Au premier abord, le lobbying peut �tre consid�r� comme un �l�ment in�vitable du processus d�mocratique. Les lobbyistes sont en droit de faire conna�tre directement leurs points de vue aux d�cideurs europ�ens ainsi qu'aux membres du Parlement. Chose rare, ce dernier n'est pas le seul organe l�gislatif au sein du dispositif d�cisionnel europ�en (il partage ce r�le avec le Conseil des ministres) et il n'a pas non plus l'initiative des propositions l�gislatives (qui rel�ve de la Commission). Ainsi, on peut consid�rer de fa�on simpliste que le lobbying est une manifestation de la d�mocratie � l'oeuvre, et qu'il est susceptible de garantir une certaine responsabilit� des institutions europ�ennes au moins devant ceux qui sont le plus concern�s par les d�cisions de l'Union.

Le lobbying se r�v�le aussi tr�s utile � la Commission, qui cherche � sonder l'opinion des entreprises et des ONG avant de prendre des initiatives politiques radicalement nouvelles. Elle compte alors souvent, avant de se d�terminer, sur des associations commerciales et professionnelles pour obtenir des donn�es et des analyses sur les secteurs concern�s. Compte tenu de la dimension relativement r�duite de la Commission et de l'impossibilit� o� sont ses fonctionnaires de conna�tre par eux-m�mes toutes les sp�cificit�s sectorielles de chaque Etat membre, l'�change d'informations entre la Commission et les groupes de pression est souvent essentiel pour les deux parties. Une Commission bien inform�e a plus de chances de faire des propositions politiques l�gitimes et susceptibles d'�tre mises en oeuvre. Le raisonnement consiste � dire que le lobbying peut conduire � un processus politique plus efficace, dans lequel les d�cideurs sont finalement conduits � adopter les mesures ayant le plus de chances d'aboutir aux r�sultats politiques escompt�s, en prenant pleinement en compte les r�alit�s et les aspects pratiques tels qu'ils sont per�us sur le terrain par les int�r�ts imm�diatement concern�s. Les m�mes groupes d'int�r�t peuvent donner leurs impressions sur la mise en oeuvre de la politique de l'Union en recourant � des m�thodes identiques vis-�vis de la Commission.

Le processus de lobbying est aussi de plus en plus interactif dans la mesure o� les diff�rents int�r�ts sont en concurrence pour obtenir gain de cause et o� les lobbyistes, pour se faire vraiment �couter, doivent essayer de d�velopper une vision europ�enne globale qui aborde les questions-clefs de leur domaine politique � l'�chelle de l'Union. Deux cons�quences pourraient en r�sulter. La premi�re serait l'�laboration de consensus au niveau europ�en dans la mesure o� un ensemble d'int�r�ts se cherchant des alli�s est contraint de se pr�occuper des autres, qui n'ont pas n�cessairement des int�r�ts compatibles. L'autre cons�quence, qui pourrait �merger parall�lement au d�veloppement du consensus, serait que le contact direct avec les institutions europ�ennes favorise le processus d'int�gration sur le long terme au travers d'une influence progressive sur ceux qui fa�onnent les opinions, une dialectique que les universitaires ont appel� " engrenage ".

Les aspects n�gatifs

Le lobbying au niveau europ�en est tr�s critiqu� pour des raisons relevant de consid�rations d�mocratiques. Il y a d'abord le relatif secret qui entoure � la fois le processus de prise de d�cision et la pratique du lobbying. Ce secret nourrit les soup�ons selon lesquels les accords sont conclu, � l'abri des regards, entre les entreprises et les d�cideurs europ�ens, sans grands �gards pour l'int�r�t g�n�ral ou le bien public. Ainsi les structures d�mocratiques se trouvent-elles en un sens contourn�es et la responsabilit� devant les citoyens marginalis�e au profit d'une responsabilit� prise par rapport � quelques int�r�ts particuliers. Une multinationale �trang�re pourrait obtenir une plus grande attention de Bruxelles � ses points de vue qu'un groupe inexp�riment� de citoyens europ�ens.

Ces soup�ons sont renforc�s par le fait qu'il est fort co�teux de faire pression avec succ�s sur les institutions europ�ennes, tout comme cela exige du temps et des comp�tences. D'une fa�on g�n�rale, l'univers du lobbying � Bruxelles est domin� par des groupes de pression commerciaux qui d�fendent des int�r�ts �conomiques pour lesquels ils sont souvent en mesure - et dispos�s -� payer le prix fort. Une telle d�marche n'est pas envisageable pour des groupes poursuivant des objectifs plus g�n�raux ou altruistes, comme ceux repr�sentant les int�r�ts des r�fugi�s, des travailleurs immigr�s, des personnes handicap�es ou des ch�meurs. Le raisonnement est donc que l'�quilibre atteint au sein de l'Union entre les diff�rents int�r�ts penche nettement en faveur de ceux pouvant consacrer beaucoup d'argent � la promotion de leur cause (d'une fa�on g�n�rale, il s'agit des int�r�ts des entreprises et des gouvernements). La Commission reconna�t le bien-fond� de cet argument en subventionnant quelque soixante ONG actives � l'�chelle europ�enne, mais cette r�ponse comporte aussi le risque de compromettre l'ind�pendance des organisations mises en places pour repr�senter de tels int�r�ts.

Une autre inqui�tude concerne la repr�sentativit� des organisations cens�es incarner l'opinion europ�enne sur tel ou tel sujet. La Commission pr�te attention � la structure et au nombre de membres des organisations qui pr�tendent repr�senter des groupes sociaux, �conomiques ou professionnels particuliers. Une question tout aussi importante consiste � savoir dans quelle mesure les positions adopt�es par une organisation au niveau europ�en prennent r�ellement en compte les pr�occupations et les exigences des associations nationales, et si elles ont �t� valid�es d�mocratiquement au sein de l'organisation. L'arriv�e d'Internet et de la messagerie �lectronique a certainement modifi� les moyens, pour une ONG bas�e � Bruxelles, de rester en contact �troit avec ses membres au niveau national. Mais il est encore difficile de savoir dans quelle mesure ces pratiques ont permis une d�centralisation et une plus large contribution � la prise de d�cision, auparavant d�volue aux initi�s qui dirigent les groupes d'int�r�ts � Bruxelles.

En fin de compte, les fonctionnaires de la Commission et les d�put�s europ�ens font souvent r�f�rence � l'exc�s de lobbying, alors m�me que la structure fragment�e du processus de d�cision europ�en en est une des causes. On peut ainsi affirmer que les intenses efforts de lobbying, impliquant parfois des centaines d'organisations, emp�chent une prise de d�cision rapide et coh�rente dans le cadre de l'Union.

Conclusions : questions � venir

Malgr� l'�largissement � 25 pr�vu pour 2004, la structure et les �volutions futures de l'Union sont plut�t incertaines. Pour les organisations de lobbying, l'�largissement signifie que tout un ensemble d'int�r�ts enti�rement nouveaux (et parfois contradictoires) devront �tre int�gr�s au sein d'organisations particuli�res, et assimil�s par les institutions europ�ennes. L'�largissement devrait aussi �loigner le Conseil des ministres des pr�occupations �cologiques et le r�orienter vers les questions de s�curit�.

L'�largissement accentuera certainement la tension existant entre ceux qui recherchent une plus grande standardisation europ�enne et ceux qui donnent la priorit� au principe de subsidiarit�. Beaucoup d'entreprises aimeraient une plus grande centralisation du pouvoir de d�cision. Leur vie serait simplifi�e, et leur co�ts r�duits, si les d�cisions prises � Bruxelles s'appliquaient partout sur le territoire de l'Union. C'est la raison pour laquelle les grands groupes d'int�r�t repr�sentant les entreprises firent cause commune avec les �cologistes, en 1992, contre la proposition de Jacques Delors en faveur de r�gles environnementales d�cid�es et administr�es au niveau national. En ouvrant la voie � davantage de variations nationales et r�gionales dans la d�finition et l'application des r�gles, les partisans de la subsidiarit� courent in�vitablement le risque de s'�loigner de la notion de concurrence " sur un pied d'�galit� " entre les entreprises, notion constitutive du march� unique. Mais cela ne sera-t-il pas la cons�quence in�vitable du prochain �largissement, m�me sans aucun renforcement du principe de subsidiarit� ?

Une autre question est celle du processus d�cisionnel alternatif annonc� au sommet de Lisbonne, en 2000 : la " m�thode ouverte de coordination ", mentionn�e plus haut. Bien qu'elle envisage un partenariat interactif entre les institutions europ�ennes, les gouvernements nationaux et les principaux groupes d'int�r�ts pour d�velopper des r�ponses politiques dans des domaines pour lesquels plusieurs niveaux de gouvernement, dont celui de l'Union, sont comp�tents, les inqui�tudes sont d�j� l�gion quant au risque d'exclure les �lus du processus et de n'y inclure que les groupes d'int�r�ts d�j� bien connus des autorit�s ou ceux qui ne sont pas susceptibles de " jouer les trouble-f�te ". Dans la mesure o� les sujets d�j� concern�s par la m�thode ouverte de coordination sont plut�t d�cisifs, plus ce processus prendra de l'importance, plus cette question deviendra s�rieuse.

Finalement, l'int�gration du processus d�cisionnel bruxellois est rendu plus difficile par des activit�s de lobbying ad hoc et prot�iforme aupr�s d'une Commission fragment�e et des autres institutions europ�ennes. Il pourrait bien y avoir des arguments en faveur de forums consultatifs plus formalis�s auxquels seraient invit�s � participer toutes les parties int�ress�es, et � travers lesquels devrait passer toute repr�sentation aupr�s de l'Union, ainsi qu'en faveur de la publication de tous les documents, Position Papers et autres d�bats que pourront susciter de tels forums. Non seulement cela favoriserait la transparence aupr�s du public dans son ensemble, mais cela contribuerait aussi � am�liorer la transparence au sein de la Commission et des autres institutions europ�ennes, et entre les diff�rents groupes de pression.