exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
ne peut �tre utilis� � des fins commerciales
ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
La mondialisation est souvent per�ue comme une force anonyme qui impose de l'ext�rieur des changements aux diff�rents pays. L'ouverture croissante au commerce et aux flux de capitaux r�sulte pourtant de choix des gouvernements, des pays riches, mais aussi plus r�cemment des pays pauvres, qui ont cherch� � b�n�ficier des opportunit�s de l'int�gration au sein de plus vastes espaces �conomiques. La mondialisation appartient � la dynamique des �conomies modernes, o� l'innovation et les besoins en mati�re de gestion des risques incitent les gouvernements � promouvoir l'extension du recours aux solutions de march�. Le bilan de deux d�cennies de mondialisation montre que ses effets sont filtr�s par le contexte national, qui refl�te lui-m�me les pr�f�rences collectives. Les politiques nationales conservent donc un r�le fondamental pour catalyser les effets positifs de la mondialisation, comme pour anticiper et corriger ses effets n�gatifs. C'est ce que montrent notamment l'analyse de la r�duction de la pauvret� dans le monde et l'�volution des in�galit�s dans les pays industrialis�s.
D�s les ann�es 1970, les multinationales ont cherch� � mieux int�grer leurs activit�s � l'�chelle mondiale. Elles sont ainsi devenues des partisans et des acteurs centraux de la mondialisation, cette intensification des �changes de biens, de services, de capitaux, de personnes et d'id�es qui caract�rise les deux derni�res d�cennies. Les opposants � la "mondialisation lib�rale " partagent avec certains de ses partisans la perception d'un monde en voie d'int�gration rapide au sein d'un vaste march� o� les gouvernements ne pourraient plus mener de politiques nationales souveraines, notamment en mati�re de protection sociale. L'attitude des gouvernements eux-m�mes a vari� selon les pays, mais certains ont utilis� la mondialisation comme un bouc �missaire face aux difficult�s �conomiques, ce qui a renforc� l'id�e selon laquelle ils seraient devenus impuissants.
La d�signation de la mondialisation comme bouc �missaire est une attitude qui s'est particuli�rement d�velopp�e en France, o� les dirigeants ont favoris� l'ouverture de l'�conomie sans expliquer ce choix, voire en le cachant. Ils ont promu la poursuite de l'int�gration europ�enne et d�plor� les orientations lib�rales de Bruxelles dans divers domaines, ouvert plus largement l'�conomie aux �changes internationaux et invoqu� la concurrence �trang�re pour expliquer la persistance d'un ch�mage �lev�. La place prise par la taxe Tobin dans le d�bat public au cours des ann�es 1990 illustre bien cette schizophr�nie fran�aise. Certains dirigeants ont consid�r� qu'une telle taxe contribuerait � " ma�triser la globalisation financi�re ", tout en la jugeant irr�aliste.
La perception d'un r�le passif des gouvernements, qui subiraient l'ouverture aux �changes et ne pourraient plus mener des politiques �conomiques, sociales et culturelles nationales, ne r�siste pas � l'analyse de la dynamique de la mondialisation et de ses effets. Cet article montre que l'ouverture aux �changes internationaux peut au contraire �tre interpr�t�e comme un �largissement des possibilit�s offertes aux �conomies nationales et comme une r�ponse aux difficult�s rencontr�es par de nombreux pays dans les ann�es 1970 et 1980. C'est d'ailleurs pourquoi les gouvernements des pays industrialis�s et des pays en d�veloppement ont, progressivement et � des degr�s variables, opt� pour davantage d'ouverture.
Le bilan de deux d�cennies de mondialisation, � travers l'�volution de la pauvret� dans le monde et la question des in�galit�s dans les pays riches, montre que les contextes nationaux filtrent les effets de la mondialisation. L'article souligne ainsi que les politiques publiques sont essentielles pour catalyser les effets positifs de la mondialisation, comme pour anticiper et corriger ses effets n�gatifs. Et la question de la gouvernance globale, certes fondamentale pour promouvoir une mondialisation de meilleure qualit�, ne doit pas masquer le r�le des politiques nationales.
La mondialisation est trop souvent per�ue comme une force anonyme qui impose de l'ext�rieur des changements aux diff�rents pays. L'ouverture croissante aux �changes r�sulte pourtant de choix de la part des gouvernements, qui ont cherch� � b�n�ficier des opportunit�s de l'int�gration au sein de plus vastes espaces �conomiques. L'ouverture aux �changes a progress� en fonction des politiques nationales, ce qui explique l'h�t�rog�n�it� des degr�s d'ouverture des pays et des secteurs d'activit�.
Sch�matiquement, l'int�gration des march�s de biens, de services et de capitaux r�sulte d'une dynamique de r�duction de la distance �conomique, qui s'exprime par le co�t de l'�change ou de l'organisation d'activit�s productives � l'�chelle internationale. Celui-ci se compose de co�ts " techniques ", de transport et de communication d'une part, et de co�ts d'acc�s au march�, d'autre part, qui varient en fonction des r�glementations. La r�duction de la distance �conomique r�sulte donc � la fois des �volutions techniques et des �volutions r�glementaires qui d�terminent le degr� d'ouverture des �conomies.
Le processus de lib�ralisation commerciale multilat�ral mis en place apr�s la Seconde Guerre mondiale sous l'�gide du GATT s'est d'abord concentr� sur les barri�res aux �changes internationaux, telles que les droits de douane ou les quotas d'importations. A mesure que ces barri�res ont �t� r�duites, la poursuite du processus d'int�gration a rencontr� les obstacles que repr�sentaient les r�glementations nationales des march�s (normes, r�gles prudentielles...). La question des r�glementations nationales de l'exercice d'une activit� est centrale dans les services, dont l'ouverture � la concurrence internationale n'a �t� abord�e qu'� partir des ann�es 1980.
L'exp�rience de l'int�gration europ�enne illustre clairement l'importance des r�glementations nationales et souligne la vari�t� des barri�res � l'int�gration "profonde" des �conomies. Dans les ann�es 1980, l'Europe a ainsi con�u le projet du March� unique pour achever l'int�gration en �liminant les barri�res � la circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes qui persistaient au sein du March� commun. Apr�s l'adoption de quelque 200 textes permettant l'harmonisation ou la reconnaissance mutuelle des r�gles des Etats membres, le March� unique a �t� proclam� le 1er janvier 1993; dix ans plus tard, certaines de ses composantes restent pourtant � mettre en oeuvre.
Le projet du March� unique illustre aussi l'interaction entre l'ouverture aux �changes et la d�r�glementation interne, poursuivie par de nombreux gouvernements depuis la fin des ann�es 1970. Dans diff�rents pays, la d�r�glementation a �t� engag�e pour faire �voluer le cadre dans lequel les entreprises exer�aient leur activit� dans les secteurs o� les progr�s technologiques bouleversaient les conditions de production et offraient de nouvelles opportunit�s. Le processus a ainsi touch�, avec des calendriers divers selon les pays, les transports, les t�l�communications et le secteur financier. Le projet de March� unique, qui a combin� d�r�glementation et int�gration � l'�chelle europ�enne, a �t� suscit� par les difficult�s �conomiques que rencontraient les pays europ�ens au d�but des ann�es 1980. Ses promoteurs y voyaient un moyen d'accro�tre l'efficacit� des �conomies europ�ennes et de relancer une croissance languissante en stimulant la concurrence et l'innovation au sein d'un espace �conomique mieux int�gr�.
L'histoire de l'int�gration des march�s financiers souligne �galement le r�le des d�cisions des pouvoirs publics et les interactions entre politiques nationales et d�cisions d'ouverture. L'accroissement des flux internationaux de capitaux � la fin du XIXe si�cle a co�ncid� avec l'�re de l'�talon-or, et donc de changes fixes, qui impliquait le renoncement, pour de nombreux pays, � mettre la politique mon�taire au service d'objectifs internes. A l'inverse, la sortie du syst�me de Bretton Woods dans les ann�es 1970 et l'abandon des changes fixes par de nombreux pays s'expliquent par leur volont� de retrouver une plus grande flexibilit�, � travers le recours aux march�s financiers internationaux, et de maintenir leur capacit� de mener des politiques mon�taires actives, notamment pour combattre l'inflation. Dans les ann�es 1980, certains gouvernements ont cherch� � avoir un acc�s aux march�s financiers pour financer leur dette dans de meilleures conditions, ce qui a pes� en faveur de la lib�ralisation. Par la suite, les innovations financi�res et le d�veloppement de nouveaux types de titres ont �t� de puissants facteurs d'expansion des march�s financiers, de plus en plus utilis�s par les entreprises et les particuliers. Dans la p�riode actuelle, les besoins d'�pargne de la population vieillissante des soci�t�s industrialis�es justifient en partie le recours accru aux march�s financiers. Enfin, les crises bancaires, notamment au Japon, ont soulign� l'importance des risques syst�miques dans les pays o� le financement des entreprises d�pend trop fortement de l'endettement bancaire.
Le choix de l'ouverture, au commerce comme aux flux de capitaux, s'explique ainsi dans le contexte du d�veloppement des �conomies modernes, o� l'innovation et les besoins en mati�re de gestion des risques incitent les gouvernements � promouvoir l'extension du recours aux solutions de march�. Mondialisation et d�r�glementation appartiennent � une m�me dynamique, qui voit �merger l'�conomie du savoir. Il s'agit notamment d'exploiter les avanc�es spectaculaires en mati�re de co�t de communication et de traitement de l'information, non seulement dans les industries manufacturi�res, mais aussi dans les services, qui repr�sentent une part croissante de l'activit� des �conomies modernes.
Apr�s la Seconde Guerre mondiale, le processus d'ouverture avait d'abord concern� les march�s des pays industrialis�s, les pays en d�veloppement (PED) qui participaient aux n�gociations multilat�rales �tant autoris�s � conserver des niveaux de protection plus �lev�s. Par ailleurs, de nombreux PED appliqu�rent longtemps, diverses restrictions aux investissements directs �trangers. Apr�s des d�cennies de scepticisme, voire d'hostilit�, vis-�-vis des multinationales, les PED ont largement modifi� leur attitude dans le cadre de la r�orientation des politiques de d�veloppement engag�e par de nombreux pays depuis les ann�es 1980. Les multinationales sont d�sormais consid�r�es comme des �l�ments des strat�gies d'ouverture, qui doivent notamment favoriser les transferts de technologie.
La figure 1 souligne que les pays riches ont �t� plus ouverts au commerce que les pays pauvres jusque dans les ann�es 1980, mais que les seconds sont devenus plus ouverts dans les ann�es 1990. L'ouverture des pays industrialis�s a progress� dans la d�cennie des chocs p�troliers, durant laquelle la valeur des importations de mati�res premi�res a fortement augment�. Le degr� d'ouverture a ensuite r�gress�, avant d'atteindre un nouveau point haut au d�but des ann�es 2000, notamment du fait de la croissance des �changes avec la Chine, les pays de la transition (pour l'Union europ�enne) et le Mexique (pour les Etats-Unis). L'ouverture des grands pays industrialis�s reste cependant mod�r�e, notamment si l'on exclut les �changes intrar�gionaux pour l'Union europ�enne.
Le processus de mondialisation s'est amplifi� dans les ann�es 1990 avec l'ouverture aux �changes des pays en transition et la r�vision des politiques des PED � l'�gard des investissements �trangers. Ces politiques ont permis d'attirer des investissements �trangers et ont renforc� l'int�gration de certains PED dans les r�seaux internationaux de production et de distribution. Le cas de la Chine est embl�matique de ces �volutions, mais d'autres pays ont aussi accru leur insertion dans les courants d'investissement et d'�changes.
Le dynamisme des flux d'investissements directs � l'�tranger (IDE) et le d�veloppement des multinationales caract�risent la p�riode actuelle de mondialisation. Le tableau 1 souligne qu'il existe n�anmoins une diff�rence sensible entre la d�cennie 1980 et la d�cennie 1990 durant laquelle l'ouverture des PED aux investissements �trangers a augment� plus fortement que celle des pays industrialis�s. Il indique aussi que le degr� d'ouverture aux investissements �trangers varie sensiblement d'un pays � l'autre. L'IDE vers les PED est concentr� sur un petit nombre d'entre eux, au premier rang desquels la Chine, qui est devenue la premi�re destination des flux d'IDE mondiaux en 2002, devant les Etats-Unis. Cette concentration refl�te cependant en partie la taille �conomique relative de ces pays, comme le montre l'indicateur de performance (tableau 1).
Au d�but du XXIe si�cle, si les pays riches sont toujours les principaux acteurs des �changes internationaux, de nombreux pays pauvres ont d�cid� de s'ouvrir aux �changes commerciaux et aux investissements directs. Globalement, ceux-ci restent tr�s prot�g�s, m�me s'ils ont accru leur participation au processus multilat�ral de lib�ralisation et divis� par deux leur protection tarifaire moyenne depuis les ann�es 1980. Mais certains pays tr�s pauvres, notamment en Afrique, restent encore � l'�cart des �changes internationaux.
Ainsi, la mondialisation a port� l'int�gration des diff�rents march�s � des niveaux historiquement �lev�s, mais le processus est fragment�, incomplet et discontinu. Une conception monolithique de la mondialisation risque ainsi de masquer son ampleur et sa signification r�elles.
Non seulement l'ampleur de la mondialisation d�pend en partie des d�cisions des gouvernements, mais ses effets sont " filtr�s " par le contexte national, et en particulier par les institutions et les politiques �conomiques. En cons�quence, les politiques nationales jouent un r�le fondamental dans l'influence, positive ou n�gative, que la mondialisation peut exercer sur une �conomie. Cette seconde partie illustre le r�le central des institutions et des politiques nationales � travers deux th�mes fondamentaux dans les d�bats sur la mondialisation : l'extr�me pauvret� dans les PED, et les in�galit�s dans les pays riches.
Depuis les d�buts de l'industrialisation, la part de la population mondiale qui vit dans la pauvret� absolue diminue. A mesure que certains pays ont connu un processus de d�veloppement, cette part s'est r�duite, mais l'�cart s'est creus� entre les pays qui s'industrialisaient et les autres. L'accroissement de l'in�galit� de revenu entre individus vivant dans des pays diff�rents a ainsi �t� particuli�rement rapide au cours du XIXe si�cle et s'est poursuivi jusqu'aux ann�es 1970. Depuis les ann�es 1980, l'�cart de revenu entre le groupe des pays industrialis�s et les PED tend au contraire � se r�duire. Le tableau 2 distingue plusieurs groupes de fa�on � expliquer l'assertion souvent r�p�t�e selon laquelle l'�cart de revenus " entre les riches et les pauvres " s'accro�trait. L'�cart de revenu s'accro�t entre deux groupes limit�s, les pays les plus riches et les pays les plus pauvres. En revanche, la croissance d'un certain nombre de pays pauvres depuis les ann�es 1980 leur permet de r�duire l'�cart de revenu avec les pays industrialis�s. Le cas de la Chine est particuli�rement remarquable de ce point de vue, mais d'autres pays tr�s peupl�s, comme l'Indon�sie ou l'Inde, enregistrent aussi une r�duction de l'�cart avec les pays riches. Le tableau distingue en outre le cas des Etats-Unis, pays riche qui a connu une p�riode de croissance forte dans les ann�es 1990 - et a accru l'�cart avec de tr�s nombreux pays, y compris europ�ens.
Depuis les ann�es 1980, la r�duction de l'in�galit� internationale s'explique notamment par la diminution de la part de la population mondiale vivant dans l'extr�me pauvret�. Si cette tendance fait consensus, l'�valuation du niveau de la pauvret� absolue varie selon les �tudes. Selon la Banque mondiale, 25% de la population mondiale vivait avec moins de 1 dollar par jour � la fin des ann�es 1990, alors que d'autres �tudes estiment que la pauvret� absolue ne touchait que 10% � 15% de la population. L'objectif de d�veloppement du mill�naire d'un taux de pauvret� inf�rieur � 15% serait ainsi d�j� atteint, alors que, selon la Banque mondiale, il ne le sera qu'un peu avant 2015, date �tablie par l'Organisation des Nations unies. Malgr� ces incertitudes statistiques, les diff�rentes estimations indiquent que nous connaissons une r�duction historique de la pauvret� dans le monde. A la fin du XXe si�cle, cette r�duction s'est accompagn�e d'une am�lioration des indicateurs de d�veloppement humain dans les pays pauvres, et notamment d'un accroissement de l'esp�rance de vie. Cette tendance est cependant menac�e dans les pays d'Afrique les plus touch�s par le sida.
La p�riode de mondialisation co�ncide donc avec une r�duction de la pauvret� absolue et de l'�cart de revenu entre pays riches et certains pays en d�veloppement. Cette �volution favorable, souvent mal per�ue, doit �tre soulign�e, car elle signifie que de nouveaux pays s'engagent sur des trajectoires de d�veloppement et qu'il est possible de sortir de la pauvret�. La question centrale devient alors celle des politiques qui favorisent l'engagement d'un processus de croissance durable. De nombreuses analyses sugg�rent que la participation aux �changes internationaux contribue � la croissance et � la r�duction de la pauvret�. Certains pays africains pourraient ainsi souffrir de leur insertion insuffisante dans la mondialisation. L'analyse des interactions entre d�veloppement et croissance ne permet cependant pas de pr�coniser des solutions simples, comme un accroissement de l'ouverture, sans politiques d'accompagnement. En effet, seuls les pays qui remplissent certaines conditions en mati�re de formation ou de structures institutionnelles sont en mesure de tirer parti de l'ouverture au commerce et aux IDE. Par ailleurs, les multinationales tendent � investir dans des pays qui disposent d�j� de certaines infrastructures et dont les institutions garantissent un bon fonctionnement des op�-rations productives. Leur souci de disposer d'une main-d'oeuvre certes bon march�, mais aussi productive, explique notamment qu'elles ne cherchent pas � �viter les pays qui respectent les droits fondamentaux des travailleurs.
Depuis les ann�es 1980, les in�galit�s internes ont augment� dans certains PED et dans de nombreux pays industrialis�s. Dans ces derniers, le progr�s technique a �t� la cause principale de l'accroissement des �carts de revenus ; mais l'intensification de la concurrence que la mondialisation entra�ne sur la plupart des march�s a amplifi� le ph�nom�ne. Les deux tendances ont notamment incit� les entreprises � renforcer leur capacit� d'innovation, ce qui a accru la demande pour le travail qualifi� au d�triment du travail non qualifi�.
Les cons�quences pour les travailleurs non qualifi�s ont vari� en fonction des caract�ristiques du march� du travail d'une part, et des politiques de redistribution de l'autre. Aux Etats-Unis, les travailleurs les moins qualifi�s ont subi une pression � la baisse de leurs r�mun�rations, alors qu'en Europe les r�glementations du march� du travail ont prot�g� les salaires. Les travailleurs peu qualifi�s et les jeunes sont, en revanche, particuli�rement touch�s par l'accroissement du ch�mage. A travers des m�canismes diff�rents, la dynamique des �conomies contemporaines a engendr� un accroissement des in�galit�s de march� entre les travailleurs. Cette tendance a �t� particuli�rement marqu�e dans certains cas, comme aux Etats-Unis dans les ann�es 1980, quand les entreprises connaissaient une p�riode de restructuration drastique, notamment pour faire face � la concurrence japonaise.
Les politiques de redistribution ont permis de contrecarrer la tendance � l'accroissement des in�galit�s de march�. Les comparaisons internationales soulignent le caract�re plus ou moins redistributif des politiques nationales et la diversit� des choix en mati�re d'instruments de redistribution (minima sociaux, fiscalit�...). Dans certains pays europ�ens et au Canada, les m�canismes de redistribution ont permis de compenser tr�s largement l'accroissement des in�galit�s de march�. L'�volution des in�galit�s dans les pays industrialis�s depuis une vingtaine d'ann�es illustre donc la persistance des sp�cificit�s nationales � la fois en mati�re de fonctionnement des march�s du travail et de redistribution. Ces diff�rences de politiques publiques r�pondent en partie � des pr�f�rences collectives nationales. Ainsi, de nombreux sondages montrent que les Am�ricains, y compris les pauvres, sont moins sensibles aux in�galit�s que les Europ�ens.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le " capitalisme de la protection sociale " a facilit� l'�volution des structures industrielles et l'approfondissement de la sp�cialisation internationale. A un niveau tr�s g�n�ral, il existe d'ailleurs une relation positive entre le degr� d'ouverture des pays et l'importance des d�penses publiques. Dans la p�riode r�cente, la redistribution a jou� un r�le important pour am�liorer le sort des " perdants " de la mondialisation que sont les personnels les moins qualifi�s. Si cette strat�gie semble ne plus fonctionner, ce n'est pas d'abord � cause des contraintes impos�es par la mondialisation, mais, plus fondamentalement, parce que les risques que doit couvrir la protection sociale ont chang�. L'�conomie du savoir dans laquelle le monde est entr� demande plus de personnels qualifi�s, mais g�n�re aussi des emplois de service peu qualifi�s et peu r�mun�r�s. La rapidit� des �volutions technologiques dans un contexte de concurrence accrue impose aussi un rythme de changement �lev� aux entreprises et aux salari�s. Par ailleurs, les �volutions sociologiques accroissent les risques de dislocation des familles, et l'on sait que les enfants pauvres vivent souvent dans des familles monoparentales dont le revenu repose sur la r�mun�ration d'un seul adulte.
Dans ce contexte, la lutte contre le ch�mage passe notamment par la promotion de la mobilit� des personnels, y compris les moins qualifi�s. Au-del�, il s'agit de promouvoir l'�gal acc�s � diverses opportunit�s et l'assurance - pour ceux qui se retrouvent dans des emplois faiblement r�mun�r�s - de pouvoir �voluer, plut�t que de poursuivre des efforts de redistribution des revenus au sens traditionnel. Ces �volutions impliquent des r�formes dans le domaine de la formation, mais aussi en ce qui concerne le march� du travail ou les services publics, notamment pour am�liorer l'accueil des jeunes enfants et l'acc�s � l'emploi des femmes.
La mondialisation est un processus h�t�rog�ne, in�gal selon les secteurs, et dont certains pays restent largement exclus. Il peut �tre mis au service de la croissance et du d�veloppement �conomique, � condition d'�tre encadr� par des principes et des institutions de gouvernance globale, et aussi d'�tre promu par les gouvernements nationaux.
Les r�actions contre la mondialisation � la fin des ann�es 1990 ont soulign� le caract�re incomplet des institutions de gouvernance globale (notamment en mati�re d'environnement), et le manque de transparence et d'ouverture des institutions �conomiques internationales. L'une des voies d'�volution consiste � accro�tre la transparence de ces institutions et la possibilit� pour certains repr�sentants de la soci�t� civile d'exprimer leurs pr�occupations au cours des processus de d�cision. Cette �volution est d�sormais amorc�e et doit �tre poursuivie. Au-del�, la gouvernance globale suppose � la fois de nouvelles institutions et une meilleure articulation entre certaines institutions existantes. Mais les politiques nationales sont tout aussi fondamentales pour soutenir le mouvement d'ouverture et promouvoir ses cons�quences positives. La r�flexion sur la gouvernance globale risquerait d'�tre une fuite en avant si elle se substituait � la r�flexion sur les politiques nationales.
L'un des enjeux de l'actuel cycle de n�gociations commerciales multilat�rales est de mieux int�grer les PED dans les �changes en leur assurant un meilleur acc�s aux march�s des pays industrialis�s, notamment pour les produits agricoles et textiles. L'ouverture des march�s des pays du Sud est aussi un enjeu important pour les �changes Nord-Sud et Sud-Sud. Or, les �volutions souhaitables ne se produiront pas si les politiques nationales rendent l'ouverture trop co�teuse pour certaines cat�gories, notamment les travailleurs les moins qualifi�s dans les pays riches. Comme tout choix de politique �conomique, l'engagement dans la mondialisation a ses contraintes. Pour les pays industrialis�s aujourd'hui, le d�fi est celui de l'acc�l�ration des r�formes �conomiques et sociales. Ces r�formes sont un moyen de tirer parti � la fois de la mondialisation et du progr�s technologique, et de mieux r�pondre � l'�volution des aspirations individuelles dans les soci�t�s modernes. Le rythme et le d�tail des r�formes souhaitables, qu'elles concernent le march� du travail, le syst�me d'enseignement, la capacit� d'innovation ou le gouvernement d'entreprise, d�pendent des contextes nationaux. Les comparaisons nationales des institutions et des politiques publiques sont certes devenues syst�matiques dans le contexte de la mondialisation, mais elles n'am�nent pas � recommander l'adoption des institutions et des pratiques am�ricaines. La diversit� des contextes nationaux et la richesse des enseignements des comparaisons internationales sugg�rent ainsi qu'il est possible de r�former et de conserver une certaine diversit� des syst�mes capitalistes.
La mondialisation rend certains facteurs de production, et notamment le capital, plus mobiles. Cette plus grande mobilit� du capital, comme celle des cadres, n'a pas lanc� une "course au moins-disant social ". Elle a en revanche accru la capacit� de choix de certains acteurs �conomiques, qui comparent non seulement les taux d'imposition, mais aussi les offres nationales en mati�re de services publics, d'infrastructures ou de formation des personnels locaux. Dans cette mesure, la mondialisation tend � accro�tre l'�cart entre les pays qui ont une bonne gestion publique et ceux qui souffrent de probl�mes majeurs en la mati�re, quel que soit leur niveau de richesse. La mondialisation n'emp�che pas les pays d'exprimer des pr�f�rences collectives, que ce soit en mati�re de protection sociale, de promotion de la cr�ation culturelle nationale ou de maintien des agriculteurs � la terre. Elle impose en revanche, comme le montrent les d�bats sur les politiques agricoles ou la diversit� culturelle, une plus grande transparence et une plus grande rigueur dans l'�laboration des mesures qui visent � mettre en oeuvre ces choix.