exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
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ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
LE CENTRE FRAN�AIS SUR LES �TATS-UNIS (CFE)
Pr�par� pour le Centre fran�ais sur les Etats-Unis
L'Ifri est, en France, le principal centre ind�pendant de recherche, d'information et de d�bat sur les grandes questions internationales. Cr�� en 1979 par Thierry de Montbrial, l'Ifri est une association reconnue d'utilit� publique (loi de 1901). Il n'est soumis � aucune tutelle administrative, d�finit librement ses activit�s et publie r�guli�rement ses travaux.
Les opinions exprim�es dans ce texte sont de la seule responsabilit� de l?auteur.
Le Centre fran�ais sur les Etats-Unis (CFE), cr�� au sein de l'Ifri en septembre 1999, a pour mission d'�tudier les d�veloppements politiques, �conomiques et sociaux aux Etats-Unis, qui influencent l'image des Etats-Unis en France, ainsi que les relations europ�ennes et transatlantiques. Il organise r�guli�rement des r�unions rassemblant des d�cideurs des secteurs public et priv�, et publie articles et Policy Papers sur des sujets pertinents pour l'�tude des Etats-Unis et pour la relation franco-am�ricaine.
La Constitution des Etats-Unis r�partit habilement les pouvoirs entre l'Ex�cutif et le L�gislatif, notamment en ce qui concerne l'engagement des forces arm�es sur des th��tres ext�rieurs. Ainsi, si l'Administration propose, le Congr�s dispose et octroie ou non les pouvoirs de guerre au pr�sident. Ces pr�rogatives, limit�es pendant la guerre froide par l'existence d'une menace majeure, ont �t� r�affirm�es en 1973 avec l'adoption du War Powers Act, qui offre aux parlementaires un pouvoir de d�cision renforc� dans le d�clenchement des conflits. Lors des diff�rentes crises des ann�es 1990, le Capitole a ainsi indiqu� � la Maison-Blanche sa volont� de mettre en avant ses pr�rogatives, y compris quand les arguments justifiant l'intervention militaire �taient unanimement accept�s. La r�cente crise irakienne fut encore l'occasion de vifs d�bats institutionnels sur les pouvoirs de guerre, dans un climat politique marqu� par l'apr�s-11 septembre, et le renforcement du r�le de l'Ex�cutif. Les doutes exprim�s r�cemment quant � la v�racit� des assertions de l'Administration Bush concernant les armes de destruction massive irakiennes sont susceptibles de relancer le d�bat sur les pr�rogatives de guerre des pouvoirs ex�cutif et l�gislatif. Analysant les m�canismes des pouvoirs de guerre � Washington, cette �tude se propose, � la lecture des engagements militaires r�cents, de mieux comprendre comment se projette la puissance am�ricaine sur les th��tres ext�rieurs.
The Constitution of the United States of America allocates adroitly the powers between the Executive and Congress concerning the dispatch of armed forces to foreign theatres. Therefore, if the Administration proposes, Congress considers, then allocates, or denies, war powers to the President. These prerogatives, which were limited during the Cold War because of the major threat, were reaffirmed in 1973 by the passing of the War Powers Act, which reinforced the capacity of congressmen to act in case of an outbreak of hostilities. During the different crises of the 1990s, Congress made clear its desire to assert its prerogatives, including when arguments in favour of military intervention had bipartisan support. The recent Iraqi crisis gave rise once again to heated institutional debates on war powers and the role of the Executive in a context which was still marked by September 11. Recent doubts over the veracity of statements of the Bush administration concerning Iraqi weapons of mass destruction are likely to set the debate on the martial prerogatives of the Executive and the Legislature raging once again. By analysing the mechanisms of war powers in Washington, this study proposes, by taking into account recent military action, to cast light on how US power is projected on foreign theatres.
L'objectif de cette �tude est double. Il s'agit de mesurer le r�le du Congr�s des Etats-Unis en temps de guerre, que l'actualit� r�cente de la question irakienne �claire d'un jour nouveau, tout en dressant un tableau plus large qui s'appuie sur les crises majeures auxquelles Washington a fait face. Un tel travail devrait �galement permettre de rappeler la r�partition des pouvoirs institu�e par la Constitution, que les parlementaires ne manquent d'ailleurs jamais de rappeler. Il s'agit d'autre part, � la lumi�re des enseignements tir�s du pass� et du contexte actuel, d'�valuer les possibilit�s offertes � l'Administration Bush par les d�bats qui ont pr�c�d� la r�cente guerre en Irak, dont les parlementaires ont accept� le principe en septembre 2002, bien avant que les op�rations ne commencent, en mars 2003. Cette �tude permettra de mieux comprendre le r�le du Congr�s en mati�re de politique �trang�re, en particulier en ce qui concerne l'envoi de forces arm�es sur des th��tres ext�rieurs, qui, vu de l'�tranger, en repr�sente incontestablement l'aspect le plus significatif.
Les pouvoirs de guerre, habilement r�partis par les " p�res fondateurs ", sont clairement d�finis dans la Constitution des Etats-Unis. Par ailleurs, en 1973, dans un climat g�n�ral de d�tente, les membres du Congr�s ont d�cid�, malgr� le veto du pr�sident Richard Nixon, de voter le War Powers Act, qui donne plus de l�gitimit� aux parlementaires dans les d�cisions prises en temps de guerre, en particulier dans le d�clenchement des conflits.
Mais la Constitution a �galement pr�vu de donner davantage de pr�rogatives au chef de l'Ex�cutif, qui est aussi le chef des arm�es, lorsqu'il s'agit de r�pondre � une menace de grande ampleur. En de telles circonstances, le pr�sident est le seul d�fenseur des institutions. En fait, ce sont surtout les garants de la Constitution, c'est-�-dire les parlementaires, qui ont accept� de limiter temporairement leurs pouvoirs pour faire face � une situation exceptionnelle, en privil�giant l'unit� plut�t que le dialogue. Dans l'une de ses oeuvres majeures, Jean-Jacques Rousseau donne une d�finition du dictateur, investi de pouvoirs en cas de crise majeure : " Si le p�ril est tel que l'appareil des lois soit un obstacle � s'en garantir, alors on nomme un chef supr�me, qui fasse taire toutes les lois et suspende un moment l'autorit� souveraine. " C'est de ce mod�le que les p�res fondateurs se sont inspir�s, et sur la base duquel est assur� le bon fonctionnement des institutions des Etats-Unis depuis plus de deux si�cles.
Depuis cette �poque, toutefois, un certain nombre d'�v�nements et d'initiatives ont quelque peu modifi� les relations entre les pouvoirs ex�cutif et l�gislatif en mati�re de politique �trang�re. Du pr�sident ou du Congr�s, il est parfois difficile de savoir qui a le dernier mot dans la prise de d�cision, et leurs choix peuvent s'inverser selon les circonstances. Les cons�quences de cette double origine de la prise de d�cision ne sont pas les m�mes en temps de paix et en temps de guerre, quand les d�cisions doivent �tre prises rapidement et par un cercle restreint de dirigeants. De m�me, le processus de d�cision varie selon le niveau de la menace, ou plus exactement de la fa�on dont celle-ci est per�ue. Durant la guerre froide, quand les int�r�ts des Etats-Unis pouvaient �tre rapidement menac�s, le pr�sident avait la possibilit� de prendre certaines initiatives dans l'urgence sans demander l'avis du Congr�s, qui ne portait de jugement qu'a posteriori. Cette " pr�sidence imp�riale " avait le m�rite d'offrir une lecture simple de la politique �trang�re, qui permettait une efficacit� totale du processus d�cisionnel. C'est pourquoi " la plupart des professionnels de la politique �trang�re estimaient que la concentration des pouvoirs dans les mains de l'Ex�cutif �tait une bonne chose ". Mais, progressivement, � partir de la fin de la guerre froide et de la disparition de la menace sovi�tique, les gouverneurs des Etats - et surtout les membres du Congr�s - ont pris une place de plus en plus importante dans les d�cisions de politique �trang�re, consid�rant qu'ils devaient �tre consult�s en cas d'intervention ext�rieure.
Bien que la question des pouvoirs de guerre n'ait jamais cess� d'�tre au coeur des d�bats de politique �trang�re, elle conna�t un regain d'importance avec l'intervention militaire contre l'Irak et la " croisade " antiterroriste engag�e au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Les premi�res mesures propos�es dans ce cadre ont �t� accueillies favorablement par une �norme majorit� au Congr�s, et souvent soutenues par autant de parlementaires d�mocrates que r�publicains. Ainsi, la loi sur la lutte antiterroriste, �galement appel�e Patriot Act, a �t� adopt�e par les s�nateurs le 25 octobre 2001, en d�pit d'un contenu parfois jug� attentatoire aux libert�s civiles. Fait rare, un texte �tait adopt� � peine six semaines apr�s les attentats, dans un S�nat pourtant majoritairement d�mocrate, et sans susciter beaucoup de discussions. Les s�nateurs ont �galement su taire leurs rivalit�s politiques pour critiquer les dysfonctionnements des services de renseignement, aussi bien lors des attentats du 11 septembre que dans le cadre des enqu�tes sur le bio-terrorisme.
Ce n'est donc qu'une fois la " phase deux " de la campagne antiterroriste engag�e que les parlementaires ont r�ellement montr� un certain scepticisme quant � l'opportunit� de reconduire les pouvoirs exceptionnels accord�s au pr�sident George W. Bush par le Patriot Act. Les divergences, qui avaient commenc� � se manifester d�s la campagne militaire en Afghanistan, ont pris une tout autre dimension avec les plans de guerre contre le r�gime de Saddam Hussein. Ainsi, m�me si les parlementaires ont soutenu, pour des raisons essentiellement politiques, le principe d'une campagne militaire en Irak, en octroyant, en septembre 2002, les pouvoirs de guerre au pr�sident George W. Bush, ils n'ont pas manqu� de rappeler l'�tendue de leurs pr�rogatives institutionnelles lors de multiples d�bats. Le 11 septembre, s'il a profond�ment boulevers� la perception de la s�curit� aux Etats-Unis, n'a donc pas eu d'effet majeur sur la relation Ex�cutif/L�gislatif en ce qui concerne les pouvoirs de guerre. La position des parlementaires r�publicains en est la meilleure illustration : politiquement proches de l'Administration, ils sont favorables aux mesures de s�curit� adopt�es depuis les attentats de New York et de Washington, mais aussi particuli�rement r�actifs quand il s'agit de d�fendre leurs pr�rogatives constitutionnelles. Un tel constat permet de mieux appr�hender les crises futures auxquelles les Etats-Unis devront faire face, et surtout de mieux d�crypter les positions du Congr�s.
La question des pouvoirs de guerre n'est qu'une composante de la rivalit� opposant l'Administration au Congr�s, qui caract�rise l'ensemble de la vie politique aux Etats-Unis. D�s lors que les conditions d'une intervention militaire sur un th��tre ext�rieur se trouvent remplies, les parlementaires mettent en avant les pr�rogatives qui leur sont offertes par la Constitution. Moins pr�sents pendant la guerre froide, durant laquelle ils ont laiss� au pr�sident une plus grande libert� d'action, les membres du Congr�s sont revenus, depuis le d�but des ann�es 1990, � une lecture plus fid�le des textes r�dig�s par les p�res fondateurs, notamment � l'occasion de la guerre du Golfe (1990 - 1991). Il convient donc de s'attarder sur le principe constitutionnel de cette r�partition des pouvoirs, puis sur la lecture qui en a �t� faite en fonction des circonstances et de la perception de la menace.
La Constitution des Etats-Unis d�finit les pouvoirs du Congr�s en mati�re de relations internationales par " la d�fense des int�r�ts nationaux, la r�gulation du commerce, la d�claration de guerre, et le soutien aux forces arm�es ". Ces pr�rogatives sont souvent rappel�es par ceux qui d�fendent le r�le des parlementaires dans les affaires �trang�res, en particulier depuis la fin de la guerre froide. De son c�t�, le pr�sident ne peut d�clencher une guerre ni mener d'op�rations militaires qu'avec l'accord de deux tiers des s�nateurs, tout comme il ne peut, seul et sans l'aval du Congr�s, nommer des ambassadeurs. En outre, le Congr�s peut engager une proc�dure de destitution du pr�sident si celui-ci met en danger les int�r�ts de la nation. Ces pouvoirs sont d'autant plus d�s�quilibr�s qu'il appartient �galement au Congr�s de financer les diff�rentes op�rations, ce qui lui donne les moyens d'influencer consid�rablement la politique �trang�re, voire de l'orienter dans une direction oppos�e � celle de l'Administration.
En votant ou non le budget et les fonds accord�s � des interventions ext�rieures, les parlementaires peuvent ainsi bloquer la politique �trang�re de la Maison-Blanche chaque fois qu'ils consid�rent qu'elle ne r�pond pas � leurs aspirations ou � celles des �lecteurs. Cet �quilibre a �t� d�lib�r�ment souhait� par les p�res fondateurs. R�dig�e il y a plus de deux si�cles, la Constitution se pr�sente avant tout comme un " garde-fou " et se veut la plus repr�sentative possible des aspirations de la population.
Fait int�ressant, les pr�sidents am�ricains ont longtemps �t� sensibles � cette r�partition des pouvoirs, qu'ils jugeaient totalement justifi�e puisqu'elle permettait de servir au mieux la d�mocratie ; cela s'expliquait en grande partie � la fois par l'absence de menace ext�rieure pesant sur le pays et par la volont� de ne pas s'impliquer dans les questions internationales. Ainsi, Abraham Lincoln pouvait d�clarer que " le texte de la Constitution donnant le pouvoir de guerre au Congr�s �tait dict�, comme je l'ai compris, par l'imp�ratif suivant : les rois ont toujours entra�n� leurs peuples dans des guerres qui les ont appauvris, tout en pr�tendant g�n�ralement qu'elles �taient faites pour leur bien. Notre convention a compris qu'il s'agissait l� de l'une des plus grandes formes d'oppression, et a fait en sorte qu'il ne f�t pas dans le pouvoir d'un seul homme d'opprimer ainsi tous les autres ". Autre fait notable : c'est le Congr�s qui d�cida, � l'occasion de la guerre contre l'Espagne, en 1898, de se lancer dans une op�ration militaire, ce qui eut pour effet de modifier en profondeur la politique �trang�re du pays en mettant fin � un isolationnisme quasi continu depuis son ind�pendance. Ce fut aussi sous l'influence du Congr�s que les Etats-Unis op�r�rent un repli sur eux-m�mes apr�s le trait� de Versailles, ouvrant une �re de non-intervention qui ne prit fin qu'en 1941.
Dans ses relations avec la Maison-Blanche, l'initiative du Congr�s la plus significative pendant la guerre froide a �t� l'adoption, en 1973, du War Powers Act, dans un climat de d�tente caract�ris� par les accords bilat�raux sur le d�sarmement, mais �galement par la guerre du Vietnam et le scandale du Watergate. Certains parlementaires souhaitaient limiter les pouvoirs du pr�sident afin d'�viter une escalade, comme sous Lyndon B. Johnson. D'autres, sensibles aux d�rives du pouvoir pr�sidentiel, illustr�es par les probl�mes du pr�sident Richard Nixon, ont simplement cherch� � sanctionner l'Ex�cutif. A ce titre, il convient de noter que le consensus sur le War Powers Act, qui �manait pourtant du camp r�publicain, a largement d�pass� le traditionnel clivage partisan, preuve qu'il s'agissait bien davantage d'une question de pr�rogatives institutionnelles que de l'expression d'id�es politiques.
Cette loi a pour objet de limiter les pouvoirs du pr�sident en cas de conflit arm�, en faisant intervenir le Congr�s de fa�on syst�matique dans la d�cision. Elle pr�voit que le pr�sident, s'il veut engager le pays dans une op�ration militaire, doit au pr�alable obtenir l'accord du Congr�s, soit � la suite d'une d�claration de guerre, soit en invoquant l'urgence nationale provoqu�e par une attaque contre le territoire du pays ou contre ses forces arm�es. Dans cette seconde hypoth�se, le pr�sident doit, sous 48 heures, remettre un rapport aux pr�sidents des deux Chambres pour rendre compte de ses actes, puis un autre six mois plus tard. Ces rapports sont d�livr�s aux parlementaires, qui jugent de la l�gitimit� de l'op�ration et de sa poursuite. Les enseignements que l'on peut tirer de ce dispositif sont multiples. D'une part, dans un climat marqu� par la d�tente entre les deux blocs et la diminution de certaines menaces - la loi faisait suite � la signature des accords SALT (Strategic Arms Limitation Talks) avec l'URSS -, les parlementaires souhaitaient contr�ler les op�rations ext�rieures en allant au-del� de que ce que leur permettait la Constitution. D'autre part, ce contr�le supposait une diminution du nombre d'interventions � l'�tranger, qui seraient s�lectionn�es en fonction de leur importance. Ce dispositif concernait en priorit� les op�rations de faible intensit�, dans lesquelles les int�r�ts des Etats-Unis n'�taient, en g�n�ral, pas menac�s de fa�on substantielle.
Pendant les ann�es 1980, le retour d'une certaine tension internationale a permis de concilier l'affirmation de l'autorit� du pr�sident sur les questions strat�giques majeures avec le r�le accru du Congr�s dans les interventions plus limit�es. Celles-ci restent d'actualit� apr�s la fin de la guerre froide et offrent aux parlementaires la possibilit� de bloquer les initiatives jug�es inopportunes de la Maison-Blanche. De cette mani�re, les pouvoirs du pr�sident dans la conduite d'un conflit arm� sont encore plus limit�s, le chef de l'Ex�cutif devant faire approuver ses initiatives par le Congr�s. De nombreuses voix ont demand� la suppression de ce texte ou, au contraire, plaid� pour son maintien dans un environnement post-guerre froide.
A la suite des op�rations en Bosnie, en 1995, un certain nombre de parlementaires ont ainsi demand� que le Congr�s exerce un contr�le plus �troit sur la politique �trang�re du pays, exigeant notamment que toute op�ration ext�rieure souhait�e par le pr�sident obtienne l'accord explicite des parlementaires. Ces initiatives, approuv�es par la majorit� des parlementaires et souvent bipartisanes, illustrent une tendance au renforcement des pouvoirs du Congr�s - et en particulier de ceux de la Chambre des repr�sentants - en mati�re de d�cision de projection de forces ou d'engagement dans un conflit arm�.
La bonne conduite de la politique �trang�re des Etats-Unis suppose une compl�mentarit� des pouvoirs ex�cutif et l�gislatif. Le pr�sident, en vertu des pouvoirs qui lui sont conf�r�s par la Constitution, peut proposer une op�ration militaire et l'engagement des forces arm�es. De son c�t�, le Congr�s a le pouvoir de juger et de d�cider si ces orientations doivent ou non �tre suivies. Ainsi, le pr�sident propose et le Congr�s dispose. De cet �quilibre, fragilis� en temps de cohabitation, d�pend la coh�rence des orientations du pays en mati�re de relations internationales. Cependant, la Constitution elle-m�me, en donnant des pouvoirs aux diff�rents organes, ne r�pond pas totalement � la question de savoir qui d�tient la v�ritable autorit� dans la prise de d�cision. En effet, les parlementaires ont le pouvoir de bloquer les propositions du pr�sident, influen�ant de cette fa�on les choix de politique �trang�re. Dans certaines circonstances, le Congr�s peut m�me orienter positivement les choix de l'Ex�cutif en faisant pression sur des dossiers qui lui tiennent � coeur. Ce fut le cas au cours des ann�es 1980, quand les parlementaires impos�rent au pr�sident d'adopter des sanctions � l'�gard de l'Afrique du Sud, en proposant, � la suite de rapports des commissions concern�es, un certain nombre de r�solutions auxquelles la Maison-Blanche ne put se soustraire. Ce fut �galement le cas pour les relations avec Cuba lors de l'adoption de la loi Helms-Burton sur les sanctions �conomiques et commerciales, en 1996.
Dans l'ensemble, le Congr�s dispose de pr�rogatives lui permettant, quand le cas se pr�sente, de bloquer les initiatives pr�sidentielles ou, � l'inverse, de les influencer, voire m�me de les forcer. En temps de guerre, ou sous la pression d'une menace pesant sur les int�r�ts vitaux du pays, un consensus bipartisan offre en revanche au chef de l'Ex�cutif de plus larges pouvoirs en mati�re de politique �trang�re, ce qui lui permet de prendre des initiatives sans en aviser le Congr�s au pr�alable. Certains experts remarquent que le pr�sident ne respecte que rarement le War Powers Act et ne laisse au Congr�s l'appr�ciation d'une intervention qu'une fois celle-ci engag�e. Ce renforcement du pouvoir pr�sidentiel s'explique principalement par les lenteurs du processus l�gislatif et l'inefficacit� des d�bats partisans en cas de crise soudaine. C'est ainsi que le chef de la Maison-Blanche justifie le plus souvent l'engagement de forces arm�es, quand celui-ci n'a pas �t� d�cid� avec l'accord du Congr�s, qui lui est normalement indispensable, par la lecture de la Constitution.
La pr�sidence " imp�riale ", h�rit�e de la Seconde Guerre mondiale et maintenue pendant la guerre froide, a eu pour effet de neutraliser totalement les parlementaires dans le domaine des relations internationales. Ce fut le cas lors de la guerre de Cor�e. Le pr�sident Harry S. Truman n'a pas consult� les parlementaires pour engager le pays dans le conflit, et Dwight D. Eisenhower, son successeur, a habilement us� de son influence et des pouvoirs dont il disposait pour se retirer trois ans plus tard de la p�ninsule. Par la suite, la guerre froide a �t� marqu�e par une multitude d'actions initi�es par l'Administration, sans que le Congr�s ait la possibilit� de faire valoir ses droits constitutionnels, et ce, jusqu'� la fin des ann�es 1980 et l'arriv�e au pouvoir de George H.W. Bush. Une telle attitude du pr�sident �tait l�gitim�e par la menace que faisait peser l'Union sovi�tique, si bien que m�me les plus fervents d�fenseurs du War Powers Act, comme Jacob K. Javits, le s�nateur r�publicain de New York qui avait �t� � l'origine du texte, ne discut�rent pas la d�cision du pr�sident Ronald W. Reagan d'envoyer, sans consultation pr�alable, des marines au Liban, en 1983. Avec autant d'admiration que de scepticisme, Michael Beschloss explique � ce propos que " le pr�sident �tait le centre du syst�me solaire politique am�ricain, le centre de la politique �trang�re et int�rieure, et la personne la plus puissante du gouvernement ".
Certains experts estiment l�gitime de donner au pr�sident des pouvoirs plus importants en cas de crise majeure ou quand les int�r�ts du pays sont directement menac�s. Dans de telles situations, les statuts sont exceptionnellement modifi�s, et le pr�sident assume pleinement son r�le de chef des arm�es sans que le Congr�s vienne s'interposer. D'ailleurs, m�me les p�res fondateurs n'avaient pas h�sit� � offrir au pr�sident des pouvoirs renforc�s pour r�pondre de fa�on plus efficace aux menaces que repr�sentaient les deux grandes puissances de l'�poque, le Royaume-Uni et la France. Les m�mes arguments justifi�rent la " pr�sidence imp�riale " de la Seconde Guerre mondiale, puis celle de la guerre froide, les Etats-Unis �tant directement menac�s par l'Union sovi�tique, notamment par le biais des armes nucl�aires. David Calleo estime ainsi que, " depuis Franklin D. Roosevelt, les Etats-Unis ont connu un long cycle de d�s�quilibre constitutionnel au profit d'un pr�sident - un cycle qui s'est prolong� avec la guerre froide ". Ainsi, et m�me apr�s le vote du War Powers Act, chacun �tait conscient que le pr�sident pouvait agir seul en cas de crise majeure.
Ce consensus sur la l�gitimit� de la toute puissance de l'Ex�cutif a permis de clarifier la politique �trang�re pendant plusieurs d�cennies, qui sont marqu�es par les bonnes relations qui ont pr�valu entre les Administrations successives et le Congr�s. Dans le m�me temps, cela a eu pour effet d'affaiblir les commissions charg�es des affaires internationales, tant � la Chambre des repr�sentants qu'au S�nat. Un officiel de l'Administration de Ronald W. Reagan a m�me d�clar�, � propos de la perte d'importance de ces commissions, que " l'une �tait morte dans le vin, et que l'autre s'�tait fragment�e en petits empires ". Cela s'expliquait notamment par le fait que les parlementaires privil�giaient d'autres commissions, gr�ce auxquelles ils pouvaient avoir une plus grande influence, de fa�on plus nette encore � la Chambre des repr�sentants qu'au S�nat. Certes, quelques tentatives de reprise en main de la politique �trang�re par le Congr�s se sont manifest�es, notamment en 1939, quand ce dernier s'est oppos� � l'intervention militaire en Europe ; mais les parlementaires, jusqu'� la fin des ann�es 1980, n'ont pas �t� en mesure d'opposer de r�sistance significative � l'Administration, celle-ci prenant seule les d�cisions importantes en temps de crise.
En 1988, certains parlementaires, conscients que le War Powers Act pouvait �tre utilis� � des fins purement politiques, et donc menacer la s�curit� des citoyens, ont propos� de le remplacer par un Use of Force Act, qui laissait au pr�sident la possibilit� de venir en aide aux ressortissants des Etats-Unis mis en danger hors du territoire national. Cette requ�te r�pondait aussi bien aux nouvelles menaces �manant de groupes terroristes qui multipliaient les enl�vements et les prises d'otages, qu'aux conflits de faible intensit� auxquels des Am�ricains �taient directement expos�s (R�publique dominicaine, Panama, Grenade) : l'Administration, paralys�e par des contraintes constitutionnelles, n'avait pu r�gler rapidement ces questions.
Limit� pendant la guerre froide, tant par la n�cessit� de se ranger derri�re l'autorit� du pr�sident que par l'absence d'une r�elle expertise des questions ext�rieures, le Congr�s, apr�s la disparition de l'Union sovi�tique, a renou� avec une lecture plus fid�le de la Constitution. C'est ainsi que les parlementaires ont peu � peu rassembl� de v�ritables �quipes d'experts et us� de leurs pr�rogatives � chaque occasion, aussi bien du fait des clivages politiques les opposant � la Maison-Blanche (la d�cennie 1990 a �t� marqu�e par une opposition partisane quasi permanente entre l'Ex�cutif et le L�gislatif) qu'en raison de l'absence de menace ext�rieure qui, selon les textes de Jean-Jacques Rousseau et des p�res fondateurs, pouvaient justifier l'apathie du Congr�s.
La guerre du Golfe est souvent cit�e comme l'exemple d'un parfait succ�s de la machine de guerre des Etats-Unis, de leur habilet� � r�unir des coalitions ad hoc et de leur unit� dans l'�preuve. Parall�lement � ces bons r�sultats, la crise du Golfe, qui a pr�c�d� l'intervention arm�e, a vu s'opposer au Congr�s les partisans de l'intervention et les opposants � la guerre, pla�ant souvent l'Administration de George H.W. Bush dans une position d�licate, avant que les relations entre l'Ex�cutif et le L�gislatif se normalisent et que les op�rations puissent commencer. Rapidement conscient que l'argument de l'invasion du Kowe�t, s'il permettait de l�gitimer l'adoption de r�solutions au Conseil de s�curit� des Nations unies, ne pouvait justifier l'utilisation de la force, ni l'envoi de plusieurs dizaines de milliers d'hommes dans la r�gion, le pr�sident George H.W. Bush n'a eu de cesse de placer les questions relatives � la d�fense de l'Arabie Saoudite au centre des discussions. Par extension, la guerre contre l'Irak devenait peu � peu une croisade du " Bien " contre le " Mal ", dans laquelle les Etats-Unis ne d�fendaient pas uniquement des int�r�ts nationaux, mais l'�quilibre du monde libre.
Ainsi, d�s l'invasion du Kowe�t, le S�nat, suivi de peu par la Chambre des repr�sentants, s'est rang� derri�re le pr�sident, lui demandant d'agir avec tous les moyens n�cessaires pour obtenir le retrait des forces irakiennes. Comme l'expliquait � l'�poque Yves Boyer, " cette harmonie entre l'Ex�cutif et le L�gislatif ne faisait que traduire le soutien massif de l'opinion publique, approuvant � 70 % cette action ". En r�alit�, il s'agissait plut�t d'une manoeuvre de la Maison-Blanche, ex�cut�e en p�riode de cong�s parlementaires de fa�on � �viter les critiques du Capitole, une politique active de communication devant permettre de s'assurer un soutien populaire. Dick Cheney, alors secr�taire � la D�fense, reconnut d'ailleurs que " le fait que le Congr�s soit en cong� fut un avantage. Nous pouvions profiter du mois d'ao�t pour faire ce que nous avions � faire, plut�t que de s'expliquer devant lui ". L'harmonie masquait un choix d�lib�r� de l'Ex�cutif pour �viter que les d�bats institutionnels ne retardent l'adoption de r�solutions et n'emp�chent l'envoi de forces arm�es au Moyen-Orient.
Mais l'euphorie du mois d'ao�t fut de courte dur�e. Le S�nat ne tarda pas � inviter le pr�sident � venir se pr�senter devant le Congr�s pour expliquer ses plans. L'argument de la d�fense du pays �tant rapidement �cart�, les parlementaires rappel�rent au chef de l'Ex�cutif que les pouvoirs de guerre �taient reconnus par la Constitution et que toute op�ration ext�rieure devait recevoir leur aval. En effet, si des pouvoirs exceptionnels peuvent �tre attribu�s au pr�sident en cas de situation d'urgence, il n'en va pas de m�me en cas d'envoi de troupes sur un th��tre ext�rieur dans le cadre d'une grande offensive, quelle qu'en soit d'ailleurs la justification. Et le fait que les deux Chambres �taient alors majoritairement d�mocrates n'a fait que renforcer la vigueur du Congr�s face aux propositions de l'Ex�cutif r�publicain.
Le pr�sident George H.W. Bush, conscient que le soutien du Congr�s ne lui �tait pas acquis, en d�pit de l'approbation constante de l'opinion publique au principe d'une intervention en Irak, a longtemps justifi� le fait de ne pas se pr�senter devant les parlementaires en se pr�valant des r�solutions du Conseil de s�curit� des Nations unies. Harry S. Truman avait fait de m�me en 1950 dans la guerre de Cor�e : il avait envoy� des troupes sans en informer le Congr�s, en se fondant sur les r�solutions de l'ONU. Mais le War Powers Act n'existait pas � cette �poque, et le cas de la crise du Golfe est donc diff�rent de celui de la guerre de Cor�e. Toutefois, en 1990 comme en 1950, le principe de l'intervention s'appuyait essentiellement sur les r�solutions du Conseil de s�curit�, qui devaient l'emporter sur les consid�ration de politique int�rieure, du moins aux yeux de l'Administration.
Le 17 septembre 1990, interrog� sur la question des pouvoirs de guerre, Dick Cheney estimait que le War Powers Act pouvait �tre consid�r� comme inconstitutionnel, dans la mesure o� il imposait des limites aux pr�rogatives constitutionnelles du pr�sident, notamment dans son r�le de chef des arm�es. De tels propos illustrent l'option qui fut choisie par l'Administration : adopter la m�me position que sous les Administrations Reagan et �viter autant que possible de se pr�senter devant des parlementaires hostiles, sans pour autant avoir le moindre argument permettant de justifier une telle attitude. Cet �pisode met en �vidence le fait que, de fa�on g�n�rale, le War Powers Act n'a jamais �t� reconnu comme constitutionnel par l'Ex�cutif, qui a toujours consid�r� qu'il octroyait un pouvoir abusif au Congr�s. En ce sens, l'Administration de George H.W. Bush ne faisait que reprendre une rh�torique d�j� utilis�e pr�c�demment, et qui a continu� d'�tre employ�e par la suite.
Le s�nateur Sam Nunn (d�mocrate, G�orgie), alors pr�sident de la commission des Forces arm�es, fut le premier des parlementaires � s'�lever contre la d�cision d'envoyer des troupes en Irak. Parmi les initiatives les plus marquantes, il invita plusieurs personnalit�s � t�moigner et � lui apporter leur soutien contre la guerre. Ainsi se succ�d�rent au Capitole l'amiral William Crowe, le g�n�ral David Jones, l'ancien secr�taire � la D�fense James Schlesinger, l'ancien secr�taire � la Marine James Webb, et l'ancien directeur du National Security Council, William Odom. Chacun s'�leva contre la guerre, usant d'arguments aussi vari�s que l'inutilit� d'une telle campagne, la mauvaise adaptation des forces arm�es � ce type d'op�ration, les risques de pertes humaines, les cons�quences du conflit sur la stabilit� de la r�gion et du monde en g�n�ral, et la nature des objectifs � long terme (ce point �tant le plus int�ressant, puisqu'il concerne les relations entre les pouvoirs ex�cutif et l�gislatif en temps de guerre). Seul Henry A. Kissinger, �galement invit� par Sam Nunn, ne partagea pas l'opinion des autres personnalit�s, consid�rant qu'il n'y avait pas d'autre option que d'engager les forces arm�es, et que les parlementaires devaient soutenir en bloc l'Administration.
Les r�actions du pr�sident aux critiques du Congr�s montr�rent � la fois son agacement et son impuissance. Consid�rant qu'il �tait de son devoir de prendre des d�cisions rapidement, notamment du fait des otages d�tenus � Bagdad, il refusa n�anmoins toute option consistant � intervenir sans consulter le Congr�s, � d�faut d'obtenir son accord. Comme il l'�crivait dans son journal, le 28 novembre 1990 :
" Le d�bat fait rage � pr�sent, et Sam Nunn, qui, selon moi, vise la pr�sidence, essaie de voir jusqu'o� il peut aller. Richard Gephardt "rompt" avec le pr�sident en disant : "Non au recours � la force, les sanctions doivent porter leurs fruits.'' Aucun d'eux ne semble se soucier du sort des otages ; aucun ne partage mon inqui�tude pour notre ambassade... Quelle ironie de voir la droite isolationniste se ranger aux c�t�s de la (vieille) gauche incarn�e par Kingman Brewster (qui exprimait le) syndrome du Vietnam ! Bob Kerrey, un vrai h�ros de la guerre du Vietnam, et John Glenn, un autre h�ros, r�p�tent : "Pas de recours � la force, pas de recours � la force"."
" (...) Notre r�le de leader mondial sera de nouveau r�affirm�, mais, si nous acceptons des compromis et que nous �chouons, nous serons r�duits � l'impuissance totale, et il n'est pas question que cela se produise. Peu importe que le Congr�s vote ou non. Cela n'arrivera pas... et je tiens � impliquer le Congr�s. Le grand d�bat continue � propos de la d�claration de guerre, mais l'important, c'est que nous avons besoin d'eux ; et je continuerai � les consulter. "
Ce m�pris de la Constitution, m�me justifi� � certains �gards, a eu pour effet de renforcer les rangs des opposants au principe de l'intervention, en radicalisant les positions des uns et des autres. Comme l'expliquait � l'�poque Stanley Hoffmann, " la r�ticence de l'Ex�cutif � soumettre sa politique au contr�le des parlementaires, en vertu de la l�gislation sur les pouvoirs de guerre, a suscit� de fortes tensions ".
Peu � peu, des �lus r�publicains mod�r�s se sont joints aux remarques de Sam Nunn, acceptant le principe d'une intervention, mais demandant � George H.W. Bush de se pr�senter devant le Congr�s. Ainsi, William Cohen, alors s�nateur r�publicain du Maine, estimait que " le pr�sident devait �noncer sa proposition et demander au Congr�s s'il approuvait ou non, et jusqu'� quel point, ses objectifs politiques ". En d'autres termes, les parlementaires du propre camp du pr�sident souhaitaient que celui-ci respecte le War Powers Act, et ce, d'autant que le Grand Old Party (GOP, le Parti r�publicain) en avait �t� l'instigateur. D'autres �lus r�publicains, comme le tr�s influent Richard Lugar (s�nateur de l'Indiana), se sont �lev�s contre la guerre en invoquant que le fardeau serait support� essentiellement par les Etats-Unis. L'argument �tait de faire payer davantage aux alli�s le co�t de l'op�ration (notons au passage que ce sont des revendications que Richard Lugar a maintes fois r�p�t�es au cours de la d�cennie 1990, et qui ont �t� suivies par un nombre croissant de parlementaires). Ces demandes n'ont cependant pas �t� jug�es recevables en 1990, le Congr�s applaudissant au contraire la capacit� de George Bush et de James Baker � former une coalition et � r�partir le co�t des op�rations entre les alli�s.
C�t� d�mocrate, l'opposition �tait encore plus radicale, certains s�nateurs, comme Edward Kennedy (d�mocrate, Massachusetts), voulant � la fois emp�cher George H.W. Bush d'agir seul et prendre part aux d�cisions politico-militaires. La presse lib�rale s'en est m�l�e, le New York Times citant m�me � titre d'exemple Edouard Chevarnadze, alors ministre des Affaires �trang�res de l'Union sovi�tique, qui jugeait que " toute utilisation des troupes sovi�tiques hors des fronti�res suppose une d�cision du parlement sovi�tique ". Fait �tonnant, ce fut George Mitchell, alors leader de la majorit� d�mocrate au S�nat, qui vint au secours de l'Administration de George H.W. Bush, expliquant que le moment �tait mal choisi pour demander au pr�sident de s'expliquer devant les parlementaires, avant d'inciter le S�nat, avec Robert Dole (r�publicain, Kansas), � adopter une r�solution soutenant l'action du pr�sident (finalement adopt�e le 2 octobre 1990, avec seulement 3 voix contre). Cela ne l'emp�chera pas toutefois de remarquer quelques semaines plus tard, � quelques heures du d�but de la campagne, que " le pr�sident n'a pas consult� le Congr�s sur cette d�cision ; il n'a pas cherch� le soutien du peuple am�ricain. Il l'a simplement fait ". Ce qui prouvait que, m�me en temps de crise, l'unit� du pays restait fragile, et que la politique partisane demeurait au centre des discussions.
Au fur et � mesure que l'�ch�ance du 15 janvier 1991 approchait, les positions des uns et des autres se firent de plus en plus nettes, certains n'h�sitant pas � �voquer l'impeachment si le pr�sident choisissait de ne pas se pr�senter au Capitole. George H.W. Bush s'inqui�ta de la volont� du r�gime irakien de se doter d'armes de destruction massive, ce � quoi Al Gore, alors s�nateur (d�mocrate, Tennessee), r�pliqua qu'il s'agissait d'une manoeuvre maladroite destin�e � gagner le soutien du Congr�s. Se sentant dans une situation de plus en plus d�licate, le pr�sident comprit que la guerre �tait in�vitable, et que son issue d�terminerait son propre avenir politique. Il estimait en effet que la mauvaise conduite des op�rations pouvait lui co�ter cher, tandis qu'une victoire facile ne renforcerait pas n�cessairement sa position face au Congr�s et � ses adversaires politiques. Ainsi, comme il l'�crivait dans son journal, le 20 d�cembre 1990 :
" Si la guerre est rapide, avec le moins de pertes possible, quoi que cela veuille dire, et que Saddam essuie une d�faite fulgurante, je devrai en partager le m�rite avec le Congr�s et le monde entier. En revanche, si cela s'�ternise, non seulement on va m'en tenir responsable, mais on va probablement entamer une proc�dure de destitution contre moi, comme l'a dit Dan Inouye. "
Dernier acte avant le d�clenchement des op�rations militaires, et pas des moindres, James Baker rencontra Tareq Aziz, alors ministre des Affaires �trang�res de l'Irak, � Gen�ve, le 9 janvier 1991. Il lui remit une lettre de George H.W. Bush adress�e � Saddam Hussein, enjoignant le dirigeant irakien de retirer ses troupes de Bagdad pour �viter une intervention arm�e. Cette lettre contenait �galement les phrases suivantes : " Les Etats-Unis ne tol�reront pas l'usage d'armes chimiques ou biologiques, ni la destruction des sites p�troliers du Kowe�t. Le peuple am�ricain r�clamerait � ce moment-l� la riposte la plus violente possible ", sous-entendu l'utilisation d'armes nucl�aires contre le r�gime de Bagdad. En d'autres termes, le pr�sident brandissait la menace nucl�aire - celle-ci, � l'inverse des pouvoirs de guerre, �tant plac�e sous sa seule autorit� - en justifiant sa fermet� par le soutien de l'opinion publique. De tels propos sont � replacer dans leur contexte, dans la mesure o� George H.W. Bush n'avait pas encore obtenu le soutien officiel du Congr�s, qui n'interviendra que trois jours plus tard.
Le 12 janvier 1991, la Chambre des repr�sentants devait s'exprimer au sujet de la r�solution Michel-Solarz, qui approuvait le recours � la force pour atteindre les objectifs fix�s par les Nations unies ; sa jumelle au S�nat �tait la r�solution Dole-Warner. La premi�re fut adopt�e � 250 voix contre 183, et la seconde � 52 contre 47, soit la plus petite majorit� jamais constat�e lors d'une d�claration de guerre de toute l'histoire des Etats-Unis. Deux autres r�solutions concurrentes avaient �t� propos�es � la Chambre : la r�solution Durbin-Bennett, qui rappelait que le Congr�s pouvait seul prendre l'initiative de d�clarer la guerre, et la r�solution Gephardt-Hamilton, qui encourageait la poursuite des sanctions �conomiques et refusait la guerre. Toutes deux furent rejet�es. Ainsi, il a fallu attendre la date butoir du 15 janvier 1991 pour que les opposants � la guerre voient leurs initiatives repouss�es et que le Congr�s apporte son soutien � l'Administration. Ces votes indiquent sans aucun doute que les parlementaires �taient conscients de la situation de blocage qu'aurait entra�n�e un refus � l'avant-veille des op�rations, et du risque encouru pour la coalition dans son ensemble. Une fois les troupes pr�tes � l'assaut, ce refus aurait en effet �t� mal ressenti, tant par l'opinion publique aux Etats-Unis que par la communaut� internationale. George H.W. Bush a reconnu plus tard avoir alors compris que " la plupart des s�nateurs et des parlementaires seraient oblig�s de nous soutenir si nous d�clarions la guerre sans eux, mais qu'ils se trouveraient en mauvaise posture si je r�clamais officiellement une d�claration de guerre ou bien une r�solution de soutien au recours � la force ". Mais, finalement, comme l'expliquent Lawrence Freedman et Efraim Karsh, " la d�cision critique (de lancer l'offensive), comme tant d'autres pendant la crise, fut prise par un nombre relativement limit� de personnes ".
Certains experts consid�raient, apr�s la fin des hostilit�s, que le S�nat serait, � l'avenir, moins hostile � l'envoi de troupes � l'�tranger que lors du vote du 12 janvier, et pr�disaient un avenir radieux pour les futures Administrations, qui disposeraient d'un " mandat " offert par les parlementaires en mati�re de pouvoirs de guerre. Ce ne fut pas le cas. En fait, les d�bats d�crits ici, s'ils n'ont pas eu pour effet de bloquer la d�cision de George H.W. Bush de s'engager dans une guerre contre l'Irak, ont eu des cons�quences � plus long terme. C'est en effet � partir de la crise du Golfe que le Congr�s a retrouv� une certaine l�gitimit� en mati�re de pouvoirs de guerre, les parlementaires n'h�sitant plus � faire valoir leurs pr�rogatives face � l'Ex�cutif. L'absence de menace, l'opposition politique quasi constante et l'h�ritage de l'expertise acquise alors (c'est pendant cette p�riode que de v�ritables groupes d'experts vont se constituer au Congr�s, ceux-ci se g�n�ralisant par la suite avec l'apport dans le camp r�publicain d'anciens membres des Administrations Reagan et Bush) en furent la cause. L'argument, pr�sent� par Anthony Lake quelques ann�es plus t�t, �tant �galement que " le d�bat d�mocratique produit plus facilement que la doctrine des d�cisions importantes en mati�re de politique �trang�re ".
Pendant les huit ann�es de pr�sidence de Bill Clinton, et de fa�on encore plus nette apr�s le double succ�s des R�publicains aux �lections de la mi-mandat en novembre 1995, le Congr�s exprima son d�saccord sur les questions relatives aux affaires �trang�res, notamment en ce qui concerne l'envoi de forces arm�es sur des th��tres ext�rieurs. Mais le pr�sident et l'Administration furent confront�s � une opposition qui se montra bien plus sensible � la question de la r�partition des pouvoirs qu'aux clivages politiques traditionnels. Ces d�bats, renouvel�s � l'occasion des diff�rentes crises auxquelles l'Administration Clinton fit face, nous permettent de mieux comprendre dans quelle mesure la fin de la guerre froide a boulevers� la relation Ex�cutif/L�gislatif dans le domaine des pouvoirs de guerre. Pour la premi�re fois, en effet, le Congr�s a �t� en mesure de bloquer les initiatives pr�sidentielles, ne se contentant pas d'exprimer des r�serves, mais faisant pleinement usage de ses pr�rogatives. C'est �galement pendant cette p�riode que les r�seaux d'influence du Congr�s se sont consid�rablement renforc�s, notamment par la mont�e en puissance des commissions charg�es des questions internationales, ce qui marqua de fa�on durable le retour des parlementaires dans le processus d'�laboration de la politique �trang�re.
Depuis que les Etats-Unis sont devenus la seule superpuissance, les d�bats portant sur les relations internationales et les interventions � l'�tranger se sont d�plac�s vers des consid�rations de politique int�rieure, o� le Congr�s, et plus particuli�rement la Chambre des repr�sentants, se fait directement l'�cho de " la voix de l'Am�rique ". Pour conserver toute sa cr�dibilit� et s'assurer une cote de popularit� acceptable, le pr�sident doit se montrer sensible aux revendications de ses concitoyens, m�me si celles-ci vont parfois � l'encontre des engagements internationaux du pays ; mais il doit aussi prendre en consid�ration les d�bats au Congr�s, pour que les deux pouvoirs ne soient pas en opposition. Cela est d'autant plus perceptible en temps de gridlock (litt�ralement " gros embouteillage ", mais il s'agit plut�t ici d'une forme de cohabitation politique), quand le pr�sident et l'une des deux (voire les deux) Chambres ne d�fendent pas les m�mes options. Cependant, l'opposition entre le Capitole et la Maison-Blanche a largement d�pass�, sous Bill Clinton, le simple clivage politique, r�pondant surtout � une diff�rence d'appr�ciation de la Constitution.
En prenant le contr�le de la Chambre des repr�sentants � l'occasion des �lections de 1994 (230 si�ges sur 434), les R�publicains retrouvaient la majorit� pour la premi�re fois depuis 1954, mettant ainsi fin � 40 ans de domination d�mocrate. Au S�nat, si le GOP a parfois gagn� des �lections l�gislatives, les R�publicains n'ont �t� majoritaires qu'� dix reprises depuis 1945. Au total, ils n'ont contr�l� simultan�ment les deux Chambres que six fois : entre 1947 et 1949, entre 1953 et 1955, et entre 1995 et juin 2001, soit seulement durant 10 ann�es, contre 40 ans pour les D�mocrates, et six ans de partage des pouvoirs. Enfin, jusqu'� l'�lection de George H.W. Bush, les R�publicains n'ont �t� qu'une seule fois � la t�te des trois pouvoirs (Maison-Blanche, S�nat, Chambre des repr�sentants) : c'�tait entre 1953 et 1955, sous la pr�sidence de Dwight D. Eisenhower. Quant aux D�mocrates, ils ont connu cette situation � dix reprises, soit durant 20 ans ; mais le pr�sident Bill Clinton n'en a b�n�fici� que pendant les deux premi�res ann�es de son premier mandat, entre 1993 et 1995.
En 1994, Louis Fisher signalait le souhait exprim� par Bill Clinton de poursuivre la politique de son pr�d�cesseur de ne pas consulter syst�matiquement le Congr�s en cas d'op�rations militaires ext�rieures. Fortement contest� par ceux qui d�fendaient les initiatives de l'Ex�cutif, le War Powers Act a m�me �t� pr�sent� comme un texte d�pass� et devant �tre red�fini, non seulement � la lumi�re des difficult�s rencontr�es par George H.W. Bush en 1990, mais �galement en raison de la g�n�ralisation des crises de faible intensit�. En effet, Washington a �t� confront� � un nombre croissant de conflits limit�s n'engageant que de loin ses int�r�ts, et pour lesquels la consultation du Congr�s n'�tait pas forc�ment jug�e n�cessaire, les parlementaires se montrant assez peu sensibles au d�roulement d'op�rations engageant des forces limit�es. Pourtant, c'est pendant cette p�riode qu'ils ont mis en avant les pr�rogatives que leur offre la Constitution et qu'ils n'ont pas h�sit� � se prononcer sur toutes les initiatives de l'Administration en mati�re d'engagement des forces arm�es. Ainsi, � l'occasion de toutes les op�rations ext�rieures auxquelles l'Administration Clinton a pris part, de nombreuses voix se sont �lev�es au Congr�s pour contrer la position de l'Ex�cutif.
Entre 1992 et 2000, l'Irak fut au centre des pr�occupations des parlementaires, qui se sont int�ress�s aux diff�rentes options recherch�es par l'Administration et n'ont pas manqu� de rappeler l'importance de la Constitution. Ce fut notamment le cas en 1996. John McCain estimait alors que " notre capacit� � entreprendre des actions disproportionn�es et efficaces, n�cessaires en de telles circonstances, ne doit pas �tre mise en cause par les cons�quences de notre �chec � pr�server l'unit� de la coalition ". Ces d�bats se sont encore poursuivis, les parlementaires n'h�sitant pas � proposer une r�solution sur l'avenir du r�gime irakien, se donnant ainsi le premier r�le dans l'�laboration de la politique �trang�re. D�fendant cette r�solution, Thomas Lantos (d�mocrate, Californie) pr�cisait que son " objectif (...) �tait de montrer clairement et sans �quivoque � Saddam Hussein et � son gouvernement que le Congr�s soutient l'usage de la force militaire en cas de n�cessit�. Il ne doit y avoir aucun doute ni sur l'importance de la poursuite des inspections, comme le stipulent les d�cisions du Conseil de s�curit� des Nations unies, ni sur la volont� du gouvernement des Etats-Unis, ni sur le soutien du peuple am�ricain si une action militaire �tait n�cessaire ".
Cette mont�e en puissance du Congr�s allait de pair avec de vives critiques � l'�gard de l'Administration Clinton, certains parlementaires allant jusqu'� juger que sa politique vis-�-vis de l'Irak n'�tait pas clairement d�finie. Ainsi, le s�nateur conservateur Charles Hagel (r�publicain, Nebraska) estimait que " notre d�fense nationale est garante de notre politique �trang�re. Je ne sais pas si nous avons une politique de long terme en Irak, � part celle de maintenir les sanctions d�cid�es par les Nations unies et d'imposer leurs r�solutions, mais ceci ne constitue pas une politique �trang�re. Si nous devons un jour conduire les Etats-Unis � la guerre, ce doit �tre pour imposer notre politique �trang�re - faire seulement la guerre n'est pas suffisant. Nous devons imposer une politique d'ensemble et de long terme. Les raisons d'une entr�e en guerre doivent reposer sur bien autre chose que la seule mise en oeuvre de sanctions � court terme ".
C'est donc sous la pr�sidence de Bill Clinton que le Congr�s a retrouv� ses pr�rogatives en mati�re de politique �trang�re, non seulement du fait de l'opposition partisane entre les pouvoirs ex�cutif et l�gislatif et de l'absence de menace ext�rieure pesant sur le pays, mais �galement en raison de la mont�e en puissance de certaines institutions-clefs du Congr�s - les commissions - et de ceux qui les pr�sident.
Fil conducteur de la politique �trang�re des Etats-Unis au m�me titre que la relation avec l'Irak, l'engagement dans les Balkans a r�v�l� des divergences de vue entre les pouvoirs ex�cutif et l�gislatif. Mais, plus qu'une opposition li�e � des particularismes politiques, les crises successives en Bosnie et au Kosovo ont surtout soulign� la volont� des parlementaires d'�tre consult�s pr�alablement � toute intervention ext�rieure.
En 1993, les d�bats sur la possibilit� d'un engagement militaire en Bosnie se sont accompagn�s de nombreuses critiques sur le co�t des op�rations, la n�cessit� d'engager les forces arm�es et la participation des alli�s europ�ens. Les parlementaires se sont interrog�s sur les pouvoirs de guerre accord�s au pr�sident Bill Clinton et sur la n�cessit� d'engager des forces arm�es sur un th��tre d'op�rations n'impliquant pas directement les int�r�ts vitaux des Etats-Unis. Certains membres du Congr�s se sont montr�s sceptiques quant aux pr�tentions de la Maison-Blanche � jouer les " gendarmes du monde ". Ils estimaient que le pays, en intervenant de fa�on excessive � l'ext�rieur, risquait de gaspiller ses ressources et de d�voiler trop ais�ment ses forces � ses adversaires. Le s�nateur John McCain (r�publicain, Arizona) pensait ainsi que, " si nous usons de nos forces et de notre prestige de fa�on inconsid�r�e, nous gaspillerons des ressources que nous n'avons pas ".
Des remarques du m�me type ont �t� exprim�es en 1995, notamment de la part d'�lus d�mocrates, qui jugeaient que l'Administration avait pr�t� une trop grande attention aux aspirations de l'aile conservatrice du Congr�s en d�cidant d'envoyer des troupes dans les Balkans. Le s�nateur Byron Dorgan (d�mocrate, Dakota-du-Nord) estimait ainsi que " l'envoi de forces pose un �norme risque pour nos troupes et notre pays, pour un gain potentiellement tr�s faible pour la Bosnie ". Pour sa part, et conscient de l'importance de la participation financi�re que supposait une intervention arm�e, le repr�sentant Jerry F. Costello (d�mocrate, Illinois) consid�rait que la Bosnie concernait les Europ�ens au premier chef et que ceux-ci devaient en assumer la principale responsabilit�, �cartant ainsi le principe d'un envoi de troupes am�ricaines sur le terrain.
Le d�bat sur les pouvoirs de guerre s'est encore �largi avec l'intervention des Etats-Unis en Bosnie, car celle-ci s'effectuait dans le cadre de l'OTAN. En effet, afin de soutenir des op�rations men�es sous l'�gide des Nations unies ou de l'Alliance atlantique, Bill Clinton autorisa de multiples actions en Bosnie sans disposer de l'autorisation expresse du Congr�s, et ce, en d�pit des disputes permanentes entre le Capitole et le pr�sident sur les op�rations � mener. La question se posait alors de savoir si une action entreprise au sein de l'OTAN pouvait �tre conduite ind�pendamment des exigences de la Constitution et du War Powers Act.
L'article 11 du trait� de l'Atlantique Nord r�pond � cette interrogation en consacrant le droit national des Etats : l'application du trait� doit �tre conforme aux " r�gles constitutionnelles " des Etats parties, ce qui, de fait, conf�re un pouvoir au Congr�s dans l'�ventualit� d'une guerre men�e au nom de l'OTAN. Le War Powers Act pr�cise �galement les conditions d'engagement des forces arm�es des Etats-Unis par rapport aux trait�s internationaux ou conventions. Ainsi, destin�e � emp�cher le recours � un trait� (ou � une loi Military Appropriations Act ou m�me � une r�solution des Nations unies) pour autoriser l'engagement de troupes, la section 8-a pr�voit qu'aucune intervention militaire ne peut �tre fond�e sur la base d'un trait� - ant�rieur ou post�rieur � 1973 - � moins qu'une clause sp�cifique ne l'y autorise express�ment. N�anmoins, la section 8-b pr�cise que les Etats-Unis peuvent participer - sans autorisation sp�cifique -, conjointement � un ou plusieurs alli�s, aux op�rations militaires de haut niveau d�cid�es par les �tats-majors (" in the headquarters operations of high-level military commands ") �tablis avant 1973, comme celles de l'OTAN.
Le 11 ao�t 1992, soit encore sous l'Administration Bush, le S�nat vota la r�solution S.Res.330, incitant le pr�sident � travailler � une r�solution du Conseil de s�curit� pour faciliter l'aide humanitaire � Sarajevo, mais pr�cisant qu'aucune force militaire ne saurait �tre introduite sans objectif clair et pr�cis. De son c�t�, la Chambre des repr�sentants votait la r�solution H.Res.554, qui incitait le Conseil de s�curit� � prendre des mesures pour permettre l'assistance humanitaire, y compris le recours � la force. Le lendemain, le Conseil de s�curit� votait la r�solution 770, appelant les Etats membres � prendre " toutes les mesures n�cessaires " pour faciliter l'acheminement de l'aide � Sarajevo.
Le 28 f�vrier 1993, les Etats-Unis commenc�rent � d�livrer de l'aide humanitaire par avion, et, � partir du 12 avril, en application de la r�solution du 31 mars (autorisant les Etats membres � prendre toutes les mesures n�cessaires pour imposer l'interdiction de survol militaire de la Bosnie), ils effectu�rent des actions a�riennes dans le cadre de l'OTAN. Celles-ci �taient destin�es � imposer � la fois les sanctions et le respect de la zone de non-vol (no-fly zone) au dessus de la Bosnie. Au lieu de l'annoncer avant les op�rations, ce n'est que le lendemain que le pr�sident rendit compte de la conformit� au War Powers Act de la participation des Etats-Unis. De m�me, alors que le secr�taire d'Etat Waren Christopher annon�ait, le 10 juin, l'envoi d'un effectif de 300 soldats en renfort d'une mission de maintien de la paix en Mac�doine, en application de la r�solution 795 du Conseil de s�curit� (vot�e en 1992 et destin�e � �viter l'extension de la crise bosniaque aux pays voisins), ce n'est qu'un mois plus tard (le 9 juillet) que le pr�sident d�clara cette action conforme au War Powers Act.
Dans la perspective d'un accord de paix, la Maison-Blanche envisagea de fournir la moiti� des forces de l'OTAN (25 000 hommes sur 50 000). Certains parlementaires comme le s�nateur Robert Dole (leader de l'opposition) ont alors exig� l'approbation du Congr�s avant tout autre d�ploiement en Bosnie, ce qui poussa l'assistant du secr�taire d'Etat, Stephen Oxman, � garantir que l'Administration n'agirait pas sans le soutien des parlementaires en cas de mise en oeuvre de l'�ventuel accord de paix. Afin de formaliser cet engagement, le Congr�s vota une disposition introduite par les s�nateurs Dole et Mitchell, qui stipulait que les fonds destin�s � financer la participation de troupes am�ricaines pour assurer l'accord de paix ne seraient pas allou�s sans autorisation pr�alable du Capitole.
Alors que le conflit bosniaque perdurait et que le pr�sident continuait de rendre compte des op�rations seulement apr�s que celles-ci avaient �t� engag�es, la contestation parlementaire r�clamant une plus grande implication du Congr�s s'intensifia, en particulier au S�nat. Ainsi, le 12 mai, les s�nateurs accept�rent � une voix de majorit� les amendements propos�s respectivement par Robert Dole (approuvant la mission de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU)) et George Mitchell (stipulant, entre autres, que les Etats-Unis ne pouvaient envoyer de soldats au sol sans l'accord du Congr�s). Mais la Chambre des repr�sentants ne suivit pas ce vote, qui resta donc sans effet. La section 8 100 du Defense Appropriations Act for FY 1995 (P.L. 103 - 335, sign� le 30 septembre 1994) stipulait que les fonds octroy�s par la pr�sente loi ne devaient pas financer le d�ploiement des troupes charg�es de mettre en oeuvre un accord de paix en Bosnie, � moins que le Congr�s ne l'autoris�t.
Fin 1995, le d�bat sur les pouvoirs de guerre fit un retour sur le devant de la sc�ne, apr�s la d�cision pr�sidentielle d'envoyer 20 000 hommes en Bosnie dans le cadre d'une mission de maintien de la paix de l'OTAN. Le Congr�s vota nombre de projets de loi et de r�solutions, notamment trois dans chaque Chambre pour le seul mois de d�cembre, mais ni le S�nat ni la Chambre ne parvinrent � se mettre d'accord sur les mesures � prendre. Cette absence de consensus permit au pr�sident de fournir l'ann�e suivante (d�cembre 1996) des troupes au sol (8 500 hommes) pour participer � la Force de stabilisation (Stabilization Force, SFOR. A nouveau, ce manque de clart� s'expliquait en grande partie par l'opposition de certains �lus d�mocrates (dont Joseph Lieberman et Joseph Biden) aux propositions de l'Administration, tandis que les R�publicains y �taient plut�t favorables. En fait, les �lus conservateurs pouvaient difficilement reprocher au pr�sident sa d�termination apr�s avoir longuement critiqu� ses prises de position trop h�sitantes. Ce fut le cas de Robert Dole, futur candidat r�publicain � l'�lection pr�sidentielle de 1996, qui ne put que rester silencieux sur cette question, sous peine de se contredire. Devant cette absence de d�bat partisan au S�nat, ce furent des �lus r�publicains r�put�s plus mod�r�s qui �mirent des r�serves, notamment John McCain, John Warner et William Cohen.
Le dernier acte se joua le 18 mars 1998, quand le Congr�s rejeta � une majorit� de 225 voix contre 193 la contre-r�solution (H.Con.Res 227, introduite par le r�publicain Tom Campbell) visant � retirer les troupes am�ricaines de Bosnie. Ce vote serr� illustrait nettement la gronde des parlementaires, peu dispos�s � voir le conflit s'intensifier et qui �taient pr�ts � contraindre Bill Clinton � aller � l'encontre de ses engagements. Cette situation marqua incontestablement un tournant dans la relation entre le L�gislatif et l'Ex�cutif en mati�re de pouvoirs de guerre, la Maison-Blanche se trouvant prise entre des engagements internationaux et des contraintes de politique int�rieure.
Avec l'intervention des Etats-Unis au Kosovo, le d�bat sur les pouvoirs de guerre franchit une nouvelle �tape, certains parlementaires allant m�me jusqu'� recourir � la justice pour mettre le pr�sident en accusation. Est-il n�cessaire de rappeler ici que cette nouvelle crise dans les Balkans prit place au moment de l'affaire Monica Lewinski, � l'occasion de laquelle le pr�sident Clinton fut la cible des parlementaires conservateurs, y compris dans le camp d�mocrate ? Cette affaire intervenait donc au plus mauvais moment pour un pr�sident d�j� soumis � de fortes pressions internes. Cela n'emp�cha pas certains parlementaires de lui reprocher d'utiliser des consid�rations de politique �trang�re pour d�tourner l'attention des questions de politique int�rieure auxquelles il �tait confront�.
La controverse sur l'action au Kosovo s'amplifia le 26 mars 1999, lorsque Bill Clinton annon�a que des frappes a�riennes men�es avec les alli�s contre le gouvernement yougoslave avaient commenc� deux jours plus t�t. Les parlementaires se montr�rent tr�s partag�s, refusant de d�sapprouver comme de soutenir la politique du pr�sident, ce qui eut pour effet d'affaiblir leur action. Ainsi, le 28 avril, si la Chambre des repr�sentants se mit d'accord pour refuser de financer l'envoi de troupes au sol � moins d'obtenir une autorisation sp�cifique (H.R 1569), elle ne trouva pas de consensus sur les propositions de loi proposant le retrait des troupes des op�rations engag�es (H.Con.Res.82) ou une d�claration de guerre contre l'Etat yougoslave (H.J.Res.44). Le m�me jour, la Chambre des repr�sentants rejeta - lors d'un vote exceptionnellement partag� (213 voix contre 213) - la r�solution introduite par le S�nat, le 23 mars (S.con.Res.21), qui soutenait les frappes militaires a�riennes contre la Yougoslavie.
Deux jours plus tard, une petite fraction du Congr�s entreprit d'intenter une action en justice contre le pr�sident. Sous la f�rule de Tom Campbell (r�publicain, Californie), 17 parlementaires saisirent ainsi la Cour f�d�rale du district de Columbia pour r�clamer que Bill Clinton obtienne l'accord du Congr�s avant de continuer la guerre a�rienne ou d'entreprendre d'autres op�rations militaires en Yougoslavie. Devant l'incapacit� de s'accorder sur le principe de mesures bilat�rales bloquant les op�rations, ces parlementaires avaient d�cid� de porter devant la justice du pays la d�cision du pr�sident et de l'Administration.
Le seul point sur lequel les parlementaires �taient clairs concernait le soutien aux forces arm�es et le 20 mai, date � laquelle le Congr�s soumit � la signature pr�sidentielle le projet de loi de finances suppl�mentaires d'urgence (H.R.1141) accordant des milliards pour financer l'op�ration au Kosovo, on s'attendit � une accalmie. Mais, le 25, comme cela faisait 60 jours que le pr�sident avait rendu compte au Congr�s des op�rations militaires men�es au Kosovo, les parlementaires qui contestaient l'action pr�sidentielle (le groupe des 18) signal�rent � la Cour que son comportement constituait une violation patente de l'esprit du War Powers Act. En effet, celui-ci autorise le retrait des forces du champ de bataille au bout de 60 jours si le Congr�s, dans ce laps de temps, n'a pas autoris� la poursuite des actions ou si le pr�sident n'a pas r�clam� un d�lai suppl�mentaire de 30 jours. Or le pr�sident n'avait pas cherch� � obtenir ce d�lai suppl�mentaire, faisant valoir que le War Powers Act �tait constitutionnellement d�faillant (defective). Cependant, le 8 juin 1999, arguant du manque de fondement l�gal de la plainte, le juge du district f�d�ral Paul L. Friedman rejeta l'accusation selon laquelle le pr�sident avait viol� le War Powers Act ou la Constitution dans la conduite des op�rations militaires en Yougoslavie. Loin de s'arr�ter l�, l'affaire prit une ampleur consid�rable. Apr�s avoir fait appel devant la Cour comp�tente (celle du district de Columbia), qui accepta de recevoir l'appel mais confirma, le 18 f�vrier 2000, la d�cision de la cour pr�c�dente, Tom Campbell et 30 autres parlementaires saisirent la Cour supr�me des Etats-Unis, le 18 mai. Celle-ci mit d�finitivement fin � l'affaire en refusant, le 2 octobre, de s'en saisir.
L'autre dossier important concernant les forces engag�es en 1993 est la Somalie. L� encore, plusieurs parlementaires se sont demand�s s'il �tait dans l'int�r�t du pays d'envoyer des troupes sur place, et surtout de maintenir une pr�sence militaire dans la r�gion, notamment apr�s le cuisant �chec de l'op�ration commando lanc�e sur Mogadiscio, qui entra�na la mort de 18 soldats am�ricains. Le repr�sentant Benjamin Gilman (r�publicain, New York) estimait que les " forces arm�es (des Etats-Unis) devaient rentrer � la maison le plus rapidement possible et �tre remplac�es par des troupes des Nations unies provenant d'autres pays, afin de remplir la mission pr�vue initialement : nourrir ceux qui ont faim ". Pour sa part, le s�nateur Clairborne Pell (d�mocrate, Rhode Island), qui souhaitait collaborer davantage avec l'Administration, mena�ait celle-ci de mettre en avant les pr�rogatives d�finies par la Constitution si elle se refusait � consulter le Congr�s : " Laissez-nous travailler main dans la main avec l'Administration afin de trouver une alternative viable � cette politique malmen�e de toutes parts. "
Le cas somalien a conduit les parlementaires � d�battre d'une autre question relative aux pouvoirs de guerre : celle de savoir � partir de quand l'assistance humanitaire devait �tre soumise � une autorisation du Congr�s. D�s la fin novembre 1992, le pr�sident avait propos� l'envoi de troupes pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire en Somalie ; le 3 d�cembre, cette proposition fut accueillie avec joie par le Conseil de s�curit�, qui vota la r�solution 794 autorisant le recours � tous les moyens n�cessaires pour y r�tablir une situation propice � l'assistance humanitaire. Mais, c'est avec la mont�e des violences dans ce pays (assassinats de soldats de l'ONU, incluant des Am�ricains), et surtout apr�s le fiasco de l'op�ration commando lanc�e contre le g�n�ral Aidid, que les interrogations au Congr�s prirent de l'ampleur. Ainsi, en septembre 1993, le Congr�s adoptait plusieurs amendements au Defense Authorization Act for FY 1994. Ils r�clamaient que le pr�sident, avant le 15 octobre 1993, consulte le Congr�s sur sa politique en Somalie, notamment sur les objectifs de la mission confi�e aux Etats-Unis, et pr�cisaient qu'il devait obtenir son autorisation pour la poursuite du d�ploiement des forces. Le pr�sident se conforma � ces d�cisions en consultant, le 7 octobre, les repr�sentants des deux parties sur la question somalienne pendant pr�s de deux heures et en envoyant la semaine suivante (le 13 octobre) un rapport de 33 pages au Congr�s sur les objectifs de la mission en Somalie. Le m�me jour, Bill Clinton d�clara le retrait de la plupart des troupes avant le 31 mars 1994 ; le Defense Appropriations Act for FY 1994 y apporta une garantie en mettant fin au financement des op�rations � compter de cette date, sous r�serve que le pr�sident n'obt�nt pas de nouvelle autorisation du Congr�s.
Le Congr�s approuva l'emploi de forces militaires en Somalie dans un souci d'aide humanitaire et surtout afin d'assurer la protection du personnel et des bases am�ricaines. Aussi cette autorisation fut-elle assortie de la condition sine qua non que les forces de combat des Etats-Unis restent sous le contr�le du commandement am�ricain, sous la stricte autorit� du pr�sident. Auparavant, quelques parlementaires avaient estim� que, si le Congr�s ne permettait pas aux troupes de rester, elles devraient se retirer dans un d�lai de 60 � 90 jours. Mais le d�partement d'Etat affirma que l'autorisation du Congr�s, si elle �tait bienvenue, n'�tait pas n�cessaire dans ce cas pr�cis. Le 21 juillet 1993, le secr�taire adjoint Wendy Sherman r�pondit � une lettre envoy�e conjointement par Benjamin Gilman et Jesse Helmes (membres des commissions des Affaires �trang�res respectivement de la Chambre des repr�sentants et du S�nat) qu'aucune Administration n'avait jamais consid�r� que des engagements militaires intermittents pussent �tre interrompus au motif de la section 5-b et que, selon l'Administration, le War Powers Act ne s'appliquait qu'aux engagements prolong�s. Le 4 ao�t 1993, Benjamin Gilman d�clarait que l'on devrait se souvenir de cette date comme de celle de la mort du War Powers Act, car les troupes n'avaient pas �t� retir�es alors que des combats avaient �clat� le 5 juin et que le Congr�s avait d�cid� de se d�tourner de l'affaire.
Le 22 octobre 1993, le m�me Benjamin Gilman pr�senta la r�solution H.Con.Res.170 ordonnant au pr�sident, conform�ment � la section 5-c du War Powers Act, de retirer les troupes de Somalie avant le 31 janvier 1994, proposition qui fut adopt�e par la Chambre des repr�sentants, laquelle repoussa la date butoir au 31 mars 1994 ; mais le S�nat s'abstint de se prononcer sur cette mesure, qui resta, de fait, non contraignante. Toutefois, le Defense Appropriations Act for FY 1995 (P.L.103 - 335, sign� le 30 septembre 1994) interdisait le financement d'une pr�sence militaire en Somalie au-del� du 30 septembre 1994, sauf pour prot�ger le personnel am�ricain. En cons�quence, le 4 novembre 1994, le Conseil de s�curit� d�cida de mettre fin � la mission des Nations unies en Somalie avant le 31 mars 1995, et les forces am�ricaines achev�rent leur mission d'�vacuation des troupes de l'ONU le 3 mars. Une fois de plus, ce fut donc l'arme du budget qui vint � bout de la d�termination du pr�sident Bill Clinton et l'obligea � se plier aux exigences du Congr�s.
Les propositions d'intervention en Ha�ti, fin 1993 et surtout en 1994, furent � nouveau accueillies avec scepticisme par les parlementaires r�publicains, qui se montrent souvent r�ticents � l'envoi de troupes sur des th��tres ext�rieurs quand les int�r�ts vitaux des Etats-Unis ne sont pas directement menac�s. Pour le repr�sentant Douglas Bereuter (r�publicain, Nebraska), " une invasion mal d�finie, impopulaire et unilat�rale ferait de la politique �trang�re de Clinton non plus un simple mal de t�te, mais une v�ritable migraine ". Le s�nateur Strom Thurmond (r�publicain, Caroline-du-Sud) estimait pour sa part que, " m�me si la situation en Ha�ti int�resse les Etats-Unis, elle ne pr�sente aucune n�cessit� strat�gique, aucune urgence nationale, aucune menace militaire ou �conomique pour Washington ou pour le monde. Nos int�r�ts se portent sur le traitement humanitaire du peuple ha�tien et la promotion de la d�mocratie dans cette partie du globe. Aussi pourquoi la plus puissante nation de la plan�te irait-elle envahir cette petite nation insulaire ? "
Bill Clinton entreprit l'op�ration en Ha�ti (qui pr�voyait au d�part l'envoi d'une mission de n�gociation pour assurer le d�part de la junte militaire, tout en ordonnant aux troupes de se pr�parer � une invasion si n�cessaire) sans l'aval du Congr�s, ce qui lui valut de nombreuses critiques. Celles-ci conduisirent, en octobre 1994, au vote de la r�solution S.J.Res.229 (P.L.1032 - 423), stipulant que le pr�sident aurait d� demander l'autorisation du Congr�s avant le d�ploiement et ordonnant le retrait des troupes le plus rapidement possible.
Le 20 octobre 1993, la d�cision d'appliquer l'embargo, d�cr�t� le 3 juillet par le Conseil de s�curit� conform�ment au War Powers Act, entra�na le m�contentement de membres du Congr�s qui se plaignaient de ne pas avoir �t� consult�s au pr�alable. Cette affaire intervenait deux jours apr�s la proposition du s�nateur Robert Dole d'amender le Defense Appropriation Bill (H.R.3116) de fa�on � requ�rir l'autorisation du Congr�s pour tout d�ploiement militaire, naval ou a�rien, en Ha�ti, � moins que le pr�sident n'ait au pr�alable �mis des garanties (certifications). Apr�s des n�gociations entre membres de l'Administration et du Congr�s, l'amendement concr�tis� par la section 8 147 (de la P.L.103 - 139) mentionna que le Congr�s ne financerait pas d'op�rations militaires en Ha�ti � moins que celles-ci ne soient (1) approuv�es pr�alablement par le Congr�s, (2) n�cessaires � la protection ou � l'�vacuation de citoyens am�ricains, (3) la r�ponse � un cas d'urgence nationale, ou (4) que le pr�sident fixe auparavant certains crit�res au d�ploiement.
Alors que l'embargo se durcissait (notamment avec la r�solution 917 du Conseil de s�curit�), que les pressions sur Ha�ti augmentaient et que la situation dans le pays se d�gradait, Bill Clinton d�clara ne pas exclure faire usage de la force. Beaucoup de parlementaires continuaient � affirmer que l'autorisation du Congr�s �tait n�cessaire en cas d'invasion. Le 24 mai 1994, la Chambre des repr�sentants adopta un amendement au Defense Authorization Bill (H.R. 4301), selon lequel toute action militaire contre Ha�ti devrait �tre justifi�e, dans une d�claration du pr�sident au Congr�s, par la n�cessit� de prot�ger les citoyens ou int�r�ts am�ricain. Mais, le 9 juin, cet amendement fut renvers� par un nouveau vote de la Chambre des repr�sentants (226 contre 195), et le S�nat rejeta � deux reprises une mesure exigeant l'autorisation du Congr�s pr�alablement � toute action militaire des Etats-Unis. Par la r�solution 940, souhait�e par Bill Clinton, le Conseil de s�curit� de l'ONU autorisa alors qu'une force multinationale p�t utiliser tous les moyens n�cessaires pour r�tablir l'ordre en Ha�ti, ce qui permettait l'intervention. Le pr�sident, conscient que le soutien des parlementaires ne lui �tait pas acquis, pr�f�rait s'en remettre aux Nations unies.
Le 3 ao�t, le S�nat adopta, � l'unanimit�, un amendement au Department of Veterans Appropriation (H.R. 4624), selon lequel la r�solution du Conseil de s�curit� ne constituait pas une autorisation pour le d�ploiement de forces militaires en Ha�ti en vertu de la Constitution ou du War Powers Act. Mais cet amendement ne fut finalement pas retenu en commission. Le m�me jour, le pr�sident Bill Clinton d�clara qu'il serait heureux d'avoir le soutien du Congr�s, mais que celui-ci n'�tait pas n�cessaire d�s lors qu'il agissait sous couvert d'un mandat international.
Le 19 septembre, la Chambre des repr�sentants accepta la r�solution H.Con.Res.290, qu pr�nait le retrait des forces am�ricaines d'Ha�ti le plus t�t possible, tandis que le S�nat votait une mesure similaire (S.Res.259). Le 3 octobre, la commission des Affaires �trang�res de la Chambre rendait compte de la r�solution H.J.Res.416 autorisant l'emploi des forces en Ha�ti jusqu'au 1er mars 1995. Cette r�solution - qui reconnaissait que le pr�sident aurait d� avertir le Congr�s avant l'envoi de troupes, soutenait le retrait rapide des forces et exigeait un rapport mensuel sur la situation en Ha�ti - trouva un �cho favorable au S�nat (avec la r�solution S.J.Res.229 du 6 octobre). Elle fut vot�e par la Chambre des repr�sentants le 7 octobre (S.J.Res.229) et sign�e par le pr�sident le 25 (P.L.103 - 423). Ainsi, d�s le retour du pr�sident Aristide, le 15 octobre 1994, les Etats-Unis commenc�rent � rapatrier leurs troupes, si bien qu'� la mi-avril 1996, il n'en restait qu'une partie (une unit� de soutien de 300 � 500 hommes) pour mener � bien des op�rations de reconstruction. Le 17 d�cembre 1997, le pr�sident Clinton ordonna au d�partement de la D�fense de maintenir des centaines de soldats pour un temps ind�fini en Ha�ti. Mais, deux ans plus tard (en septembre 1999), le Congr�s vota le FY 2000 DOD Authorization Bill (P.L. 106 - 65), qui ne permettait plus au Pentagone d'y maintenir une pr�sence militaire au-del� du 31 mai 2000. Aussi les troupes furent-elles retir�es, cette fois de fa�on d�finitive.
L'approche commune des deux Chambres du Congr�s � propos de Ha�ti se r�duisit finalement � demander au pr�sident des rapports d�taill�s sur la mission des forces envoy�es sur place. Cette attitude frustra longtemps les d�fenseurs des pr�rogatives du Congr�s en mati�re de politique �trang�re, qui consid�raient que son action �tait devenue insignifiante et sans mesure avec son r�le r�el.
Au-del� des consid�rations politiques que nous avons �tudi�es, la mont�e en puissance du Congr�s au cours de ces derni�res ann�es s'explique par la g�n�ralisation des travaux d'experts �manant des deux Chambres : auditions de sp�cialistes, rapports de grande qualit�, d�bats sur tous les th�mes de la politique du pays. Comme l'explique Justin Va�sse, au Capitole " une bureaucratie de 35 000 fonctionnaires travaille pour les parlementaires, lui apportant l'expertise et l'information n�cessaire � sa remont�e en puissance ". Ces sp�cialistes officient pour les commissions, chacune ayant une t�che clairement d�finie, et apportent � leurs membres tous les informations leur permettant de prendre des initiatives, en �tant souvent mieux renseign�s que les membres de l'Administration.
En effet, la sp�cialisation des commissions leur apporte une grande cr�dibilit�, surtout si on la compare avec celle des minist�res, qui doivent se pencher sur plusieurs questions et demeurent des " g�n�ralistes ". En participant � ces commissions, les membres du Congr�s deviennent ainsi de v�ritables experts dans certains domaines, en particulier lorsqu'ils restent plusieurs ann�es � leur t�te, comme c'est le cas au S�nat. En ce qui concerne la politique �trang�re, certains observateurs faisaient remarquer, il y a quelques ann�es, que les membres du Congr�s n'avaient pas les comp�tences n�cessaires et prenaient des initiatives qui n'�taient pas de leur ressort. C'est au cours des ann�es 1990 que cette tendance s'est invers�e ; et si, pendant longtemps, l'Administration a fait autorit� en la mati�re, les commissions ont maintenant gagn� en respectabilit�, illustrant le retour du Congr�s sur le devant de la sc�ne.
Aujourd'hui, en politique �trang�re comme dans d'autres domaines, les commissions sont au coeur du Congr�s, l� o�, autour d'un groupe restreint d'experts, toutes les options sont discut�es et les d�cisions prises. Plac�es au centre de la vie politique des Etats-Unis, elles se d�gagent remarquablement des querelles partisanes qui divisent le Capitole et s'imposent comme un forum d'id�es diverses. En instaurant un dialogue bipartisan, elles apportent un nouveau souffle au pouvoir l�gislatif, qui en sort renforc�. Par contraste, les deux Chambres sont rest�es des assembl�es inefficaces, d�chir�es par les luttes de partis, et souvent incapables d'apporter des solutions concr�tes.
La cr�ation des commissions remonte aux origines de la d�mocratie aux Etats-Unis ; mais leur composition, leur fonctionnement et leur importance ont consid�rablement �volu�. A l'origine, le nombre de parlementaires �tait limit� ; leur implication dans les commissions n'�tait que temporaire et variait selon les besoins et les circonstances. Instruments du pouvoir l�gislatif, les commissions servaient alors � renforcer l'autorit� des membres du Congr�s. La Chambre des repr�sentants, qui compte un nombre plus important de parlementaires, a d�velopp� des commissions plus t�t que le S�nat, si bien qu'en 1810, dix commissions aidaient d�j� les repr�sentants dans leur travail. En 1816, le S�nat a rattrap� son retard, �liminant les commissions ad hoc au profit de structures permanentes.
D�s lors, l'importance des commissions s'est accrue, et elles se sont peu � peu impos�es comme une composante indispensable du Congr�s. Pendant tout le XIXe si�cle, leur nombre �tait relativement important, puis il s'est r�duit de fa�on sensible pour en faciliter le fonctionnement. Aujourd'hui, la Chambre compte 19 commissions, et le S�nat, 17. Celles-ci sont directement rattach�es � d'autres commissions, avec lesquelles elles partagent une partie des membres, qui divisent les t�ches pour mieux traiter les diff�rentes questions.
Les commissions d�volues � la politique �trang�re sont, dans les deux Chambres, celles des Forces arm�es, des Affaires internationales et, accessoirement, pour le vote du budget, celle des Finances. Tous les experts �s relations internationales s'y trouvent r�unis, assurent le relais avec les m�dias, r�digent des rapports d'information, s'entourent de sp�cialistes ind�pendants et auditionnent les autorit�s militaires et les repr�sentants de l'Ex�cutif sur ces questions. Plus encore au S�nat qu'� la Chambre, ces commissions sont devenues un examen de passage obligatoire pour toutes les initiatives de la Maison-Blanche.
La pr�sidence de chaque commission est assur�e par le doyen du parti majoritaire, qui s'affirme comme le personnage principal, usant de son influence pour contester les initiatives pr�sidentielles et orienter les d�bats de sa commission. Si les autres membres, par la pertinence de leurs travaux, leur expertise sur certaines questions ou les nouvelles id�es qu'ils apportent, g�n�ralement par le biais des sous-commissions, peuvent s'imposer, c'est en g�n�ral le pr�sident qui occupe le devant de la sc�ne et devient l'interm�diaire incontournable entre la commission et le reste de la vie parlementaire. Le parti minoritaire dispose d'un repr�sentant qui se fait l'�cho des membres de son parti. Dans un syst�me partisan, ce repr�sentant ne peut qu'exprimer des opinions contraires � celles du pr�sident, qui ne sont g�n�ralement pas retenues. Cependant, avec l'accroissement du nombre d'initiatives bipartisanes, il est devenu, en quelque sorte, le bras droit du pr�sident et soutient parfois les initiatives de l'Ex�cutif en leur apportant l'approbation de la minorit�. Ce personnage a donc pris, au fil des ann�es, un r�le de plus en plus important dans le fonctionnement des commissions.
Parmi les principaux probl�mes pos�s par le syst�me des commissions, l'�ge des pr�sidents est sans doute l'un des plus sensibles. En effet, la pr�sidence de chaque commission est assur�e par le doyen de la majorit� parlementaire � la Chambre (nous verrons dans quelle mesure ce syst�me a �volu� � la Chambre des repr�sentants), ce qui a l'avantage de placer des experts aguerris � la t�te des commissions mais le d�sagr�ment de les y installer pour de nombreuses ann�es. L'autre cons�quence de ce syst�me est l'in�quit� de la r�partition g�ographique des pr�sidents de commission. Si la Chambre est � peu pr�s �quitable, le S�nat offre quant � lui deux postes pour chaque Etat, ce qui n'est repr�sentatif ni de la population, ni de l'importance de l'Etat. Jusqu'� 2001, les deux s�nateurs du Delaware, un Etat pourtant minuscule, �taient William Roth et Joseph Biden. L'un �tait pr�sident de la commission des Finances (aujourd'hui � la retraite), l'autre le chef de file des D�mocrates � la commission des Affaires internationales (dont il fut pr�sident de juin 2001 � janvier 2003).
L'�ge des pr�sidents des commissions peut �galement s'av�rer n�faste pour le parti dont ils sont issus. En effet, apr�s un grand nombre d'ann�es pass�es � la t�te de commissions o� ils ont r�ussi � s'imposer comme de v�ritables piliers du Congr�s, les pr�sidents des commissions les plus importantes n�gligent volontiers le jeu des partis. Cela a pour effet de r�duire encore davantage l'importance des querelles partisanes, mais aussi de cr�er des p�les autour de ces hommes d'influence, qui imposent leurs id�es sans que leur parti puisse les contr�ler. C'est ainsi que des initiatives, en totale contradiction avec les recommandations des partis, sont parfois prises au sein des commissions sous l'impulsion de leur pr�sident, ce qui peut bouleverser les orientations du Congr�s. Le d�bat politique aux Etats-Unis s'en trouve plus difficilement pr�visible.
Le syst�me actuel du Congr�s met en avant � la fois certaines personnalit�s et les commissions concern�es par les d�bats de politique �trang�re. La repr�sentativit� des parlementaires fait leur force, mais elle ne profite malheureusement pas toujours aux int�r�ts de la nation. En effet, les revendications de l'�lectorat ne sont pas du tout les m�mes selon les Etats et les membres du Congr�s, en reprenant ces opinions de fa�on trop syst�matique, s'�loignent souvent consid�rablement des consid�rations nationales, les abandonnant � l'Administration. Selon Stanley Sloan, Mary Locke et Casimir Yost, plut�t que de juger le pr�sident sur ses ambitions de f�d�rer l'ensemble des id�es exprim�es par le pays, les parlementaires devraient s'efforcer, eux aussi, de respecter des standards sur les questions ext�rieures, afin de ne pas prendre de directions trop oppos�es. En effet, une trop grande disparit� des opinions au Congr�s diminue l'influence du pouvoir l�gislatif en mati�re de politique �trang�re et r�duit le cr�dit des �lus, experts en relations internationales mais insensibles aux vrais enjeux et qui se contentent trop souvent de ne r�pondre qu'aux consid�rations purement �lectorales. Sans pour autant s'�loigner de leurs fiefs �lectoraux, les membres du Congr�s devraient donc pr�ter plus d'attention aux affaires �trang�res avant de juger les options choisies par la Maison-Blanche.
La g�n�ralisation des initiatives bipartisanes a eu comme effet imm�diat de bloquer les initiatives pr�sidentielles plus facilement encore que par le pass�. Le poids des r�solutions propos�es � la fois par des R�publicains et des D�mocrates leur permet de b�n�ficier d'une certaine cr�dibilit� et de s'imposer. Cependant, avec des groupes d'observation compos�s de parlementaires de diff�rentes tendances et faisant appel � des experts ind�pendants, les commissions peuvent proposer des solutions en toute objectivit�, qui ne heurtent pas syst�matiquement la Maison-Blanche, mais viennent au contraire apporter des �claircissements ou des critiques constructives sur les options de l'Administration. En outre, il est manifeste que les plus grands succ�s du Congr�s au cours de ces derni�res ann�es ont �t� le fait d'initiatives bipartisanes, qui sont devenues un instrument essentiel du pouvoir l�gislatif. En se rapprochant des minist�res, et donc de l'Administration, les opinions exprim�es par les initiatives bipartisanes consolident la politique �trang�re du pays, en proposant une meilleure communication entre les deux pouvoirs, essentielle pour mieux r�pondre aux imp�ratifs ext�rieurs. Il semble ainsi av�r� que le rapprochement avec le d�partement d'Etat, le secr�tariat � la D�fense et le National Security Council, sous forme d'un partenariat entre parlementaires de diverses tendances, sont les conditions par lesquelles le Congr�s retrouvera sa cr�dibilit� en mati�re de politique �trang�re. Mais une telle perspective demande des efforts aussi bien de la part du Congr�s que de l'Administration.
La g�n�ralisation des initiatives bipartisanes a pour effet b�n�fique de faire �voluer le d�bat entre le Capitole et la Maison-Blanche vers un plus grand partenariat, qui d�fend en priorit� les int�r�ts du pays. Il s'agit, pour le pr�sident, d'un moyen de s'assurer dans certains cas le support des membres du Congr�s, comme ce fut le cas lors de la crise du Kosovo. En effet, malgr� la majorit� r�publicaine dans les deux Chambres, le S�nat et la Chambre des repr�sentants ont vot� en faveur de l'intervention, laissant de c�t� les querelles de parti. Cependant, il peut �galement s'agir d'une arme � double tranchant pour le chef de l'Ex�cutif, car les r�solutions partisanes, du fait de leur autorit� et de la repr�sentativit� qu'elles assurent aux opinions du Congr�s, sont difficilement discutables et doivent �tre prises en compte pour d�finir les orientations de la politique �trang�re.
L'autorit� du Congr�s, sa cr�dibilit� et son influence sur la Maison-Blanche sont sensiblement renforc�es par les initiatives bipartisanes, qui illustrent parfaitement la mont�e en puissance du pouvoir l�gislatif ainsi que la n�cessit� de trouver un dialogue entre les deux pouvoirs, en vue de d�finir une politique �trang�re coh�rente et repr�sentative de l'opinion publique, comme ce doit aussi �tre le cas pour les questions de politique int�rieure. Bill Clinton a �prouv� quelques difficult�s � �tablir ce dialogue avec ses opposants politiques, et ce, malgr� son habilet� politique et la pr�sence, lors de son second mandat, d'un R�publicain � la t�te du Pentagone (William Cohen). Plus encore qu'� une querelle opposant R�publicains et D�mocrates, les divergences de vues r�pondent donc davantage � des logiques institutionnelles.
Fortement critiqu� pendant les premiers mois de son mandat pour son manque d'int�r�t pour les questions internationales, George W. Bush se retrouve, depuis le 11 septembre 2001, dans une situation qui semble totalement � l'oppos� de ce profil tant d�cri�. C'est m�me lui qui se montre favorable aujourd'hui � un renforcement de l'interventionnisme des Etats-Unis dans ce qu'il a appel� la " croisade " antiterroriste, celle-ci s'�tant accompagn�e d'un certain nombre de r�formes et de mesures, toutes accept�es par le Congr�s.
Il convient de distinguer ici les mesures qui ont �t� adopt�es pour renforcer la s�curit� du territoire et les d�bats concernant l'engagement des Etats-Unis sur des th��tres ext�rieurs. Dans les deux cas, si l'on en croit les sondages, ces d�cisions ont �t� largement soutenues par l'opinion publique et le Congr�s s'est montr� � la fois bienveillant et incapable de contrer les initiatives de l'Administration. Toutefois, certains parlementaires n'ont pas manqu� de rappeler les limites, � la fois dans la dur�e et dans l'importance, des mesures propos�es, affirmant qu'ils ne soutiendraient pas de fa�on aveugle des r�formes en profondeur au nom d'une " pr�sidence imp�riale " retrouv�e.
Les premi�res mesures qui ont �t� adopt�es apr�s les attentats de New York et de Washington concernaient le renforcement de la s�curit� dans les a�roports et le traitement des �trangers sur le territoire. Elles ont marqu� le d�but d'une campagne de plus grande ampleur dont les orientations ne sont pas toutes connues, mais qui ont pour objectif de renforcer la s�curit� int�rieure.
Les d�bats sur le recrutement d'agents f�d�raux charg�s d'assurer la s�curit� dans les a�roports, tel qu'il a �t� propos� � la fin du mois d'octobre 2001, a rapidement divis� R�publicains et D�mocrates � la Chambre des repr�sentants, chacun profitant de l'occasion pour d�fendre des valeurs partisanes. Ainsi, ce sont surtout les R�publicains, et parmi eux la branche conservatrice, qui se sont montr�s les plus hostiles au fait que la " bureaucratie f�d�rale " (c'est ainsi qu'ils la nomment) �tait appel�e � se substituer aux entreprises priv�es charg�es de la s�curit� des compagnies a�riennes. Ils estimaient que cette proposition accroissait le r�le des pouvoirs publics, comme le souhaitaient les D�mocrates, mais reconnaissaient la n�cessit� de renforcer la s�curit�. John Warner (r�publicain, Virginie) a not� � ce propos que cette mesure pourrait �tre effective pendant trois ans, mais qu'ensuite les compagnies a�riennes devraient pouvoir de nouveau faire appel � des agences de s�curit� priv�es.
Les D�mocrates se sont montr�s favorables � cette mesure, tout en d�plorant qu'elle s'accompagne de certaines restrictions en mati�re de droit du travail, puisque les employ�s n'ont pas le droit de gr�ve et peuvent �tre licenci�s s'ils n'accomplissent pas efficacement leur travail. En accord sur le principe du renforcement de la s�curit� a�rienne, D�mocrates et R�publicains se sont oppos�s sur la fa�on de le mettre en place, les uns voulant faire appel � des agents f�d�raux, les autres demandant un accroissement de l'aide aux compagnies priv�es.
Les propositions de l'Administration en mati�re de s�curit� dans les a�roports ont ainsi eu pour effet de diviser les membres du Congr�s, et les deux Chambres n'ont pu s'opposer de fa�on efficace (car bipartisane) au pouvoir ex�cutif, quand bien m�me elles l'auraient souhait�. En cons�quence, nous assistons aujourd'hui � une remont�e en puissance du pouvoir f�d�ral sur les questions int�rieures, comparable � ce qui s'�tait produit entre 1917 et 1980, avant deux d�cennies de stagnation. Certains consid�rent m�me que le 11 septembre marque le d�but d'une nouvelle �re de l'Etat f�d�ral dont les pr�rogatives continueront n�cessairement de s'accro�tre dans les prochaines ann�es.
Depuis le 11 septembre, les probl�mes de s�curit� int�rieure sont �troitement li�s aux questions de politique �trang�re. Le 26 novembre 2001, � l'occasion d'une r�ception donn�e � la Maison-Blanche en l'honneur de la lib�ration des deux Am�ricaines d�tenues � Kaboul, George W. Bush a soulign� la volont� des Etats-Unis de lutter contre le terrorisme dans le monde entier : " L'Afghanistan ne constitue que le d�but. Quiconque abrite un terroriste est lui-m�me un terroriste. Quiconque aide financi�rement un terroriste est un terroriste. Quiconque met au point des armes de destruction massive destin�es � terroriser des Etats devra rendre des comptes. "
Le 3 octobre 2001, dans le cadre de la coordination des moyens de lutte antiterroriste, le s�nateur r�publicain du Maine, Olympia Snowe, a propos� un texte relatif � la participation de toutes les ambassades des Etats-Unis � la d�tection des groupes terroristes, par le biais de commissions sp�cialis�es dans chaque ambassade. Jesse Helmes (r�publicain, Caroline-du-Nord), ancien pr�sident de la commission des Affaires internationales du S�nat, a apport� son soutien � ce texte une semaine plus tard et il est � pr�sent plac� sous l'autorit� de ladite commission, pr�sid�e par Joseph Biden.
Par ailleurs, un projet de loi sur les visas accord�s aux �tudiants �trangers a �t� propos� au S�nat, par des �lus tant r�publicains que d�mocrates, et appara�t � bien des �gards comme moins restrictif que ne le craignaient certains responsables universitaires. Il pr�voit entre autres choses que :
A contrario, ce texte n'est ni restrictif en ce qui concerne le nombre d'�tudiants pouvant obtenir des visas, ni s�lectif en ce qui concerne leur origine. Sur ces deux points, les parlementaires ont �t� sensibles au fait que les �tudiants �trangers constituent un atout pour les universit�s du pays, r�pondant ainsi aux attentes des universitaires. En effet, selon un rapport communiqu� le 13 novembre 2001 par l'Institute of International Education, 547 867 �tudiants �trangers �taient inscrits dans une universit� aux Etats-Unis en 2000 - 2001, 13 % d'entre eux �tant issus de pays � forte majorit� musulmane.
Depuis le 11 septembre 2001, fid�le � sa d�claration de " guerre " contre le terrorisme, George W. Bush a entrepris de renforcer les pouvoirs pr�sidentiels en mati�re de politique �trang�re, � un niveau nettement plus important que ses pr�d�cesseurs, y compris Franklin D. Roosevelt. Ces pouvoirs renforc�s se justifient en temps de guerre, comme le rappelait r�cemment Ari Fleischer. Ainsi, les pr�rogatives du Congr�s, �largies sous les trois Administrations pr�c�dentes pour des raisons li�es � l'environnement international et au cadre institutionnel, semblent s'�tre fortement affaiblies. Assumant pleinement son r�le de chef des arm�es, le pr�sident s'est lanc� dans une guerre contre un adversaire � sa mesure (Al-Qaida), mais aussi dans une bataille politique contre ceux qui n'h�sitent pas, au nom de la Constitution, � contester son autorit�. Concernant les questions de surveillance et de renseignement, par exemple, l'Administration Bush a �t� critiqu�e par les parlementaires, qui refusent de laisser l'Ex�cutif prendre des d�cisions sans concertation de fa�on syst�matique, comme l'Attorney General John Ashcroft le demandait, renfor�ant ainsi le pouvoir de la Maison-Blanche.
Paradoxalement, c'est dans l'aile conservatrice des R�publicains que les critiques de la conduite des op�rations en Afghanistan se sont fait entendre, notamment en ce qui concerne les buts et le financement de la campagne militaire. Ce sont d'ailleurs souvent les R�publicains qui manifestent leur d�saccord quand des pouvoirs de guerre trop importants sont octroy�s au chef de l'Ex�cutif. A l'inverse, les D�mocrates ont largement soutenu la riposte arm�e contre le r�gime des Talibans, soup�onn� d'apporter une aide importante � Al-Qaida. De m�me, les D�mocrates ont accueilli favorablement les initiatives diplomatiques de l'Administration. De ce fait, la majorit� s�natoriale voit d'un bon oeil le rapprochement avec Moscou (sur lequel les R�publicains se montrent beaucoup plus m�fiants), le dialogue avec P�kin et la concertation avec les alli�s, sans oublier les partenaires du monde arabo-musulman. Ce renversement des r�les traduit le profond consensus sur la n�cessit� de mener une lutte sur tous les fronts contre Al-Qaida.
Les parlementaires du camp d�mocrate n'ont pas manqu� de rappeler que le pr�sident Bush, plut�t que de pr�cipiter la riposte contre des installations terroristes connues, a pu rassembler une coalition internationale jetant les bases de la lutte antiterroriste, gr�ce notamment aux initiatives de Colin Powell. Les craintes de voir les Etats-Unis se lancer dans des op�rations � la h�te et sans concertation se sont r�v�l�es infond�es d�s lors que la Maison-Blanche s'est engag�e dans la lutte contre Al-Qaida en faisant appel aux services de renseignement de plusieurs Etats. Walter Russell Mead remarque sur ce point que le multilat�ralisme propos� par l'Administration Bush dans la riposte militaire en Afghanistan et la lutte antiterroriste ne peut en aucun cas �tre assimil� au wilsonisme. Il s'agit plut�t d'un unilat�ralisme suivi par des Etats qui partagent les m�mes convictions (Europe), qui n'ont pas de raison de critiquer l'attitude des Etats-Unis, ou qui pourraient en tirer profit (Russie et Chine). Il est vrai qu'apr�s le 11 septembre, la communaut� internationale a approuv� de fa�on g�n�rale les initiatives de Washington, mais sans �tre invit�e pour autant � en discuter la forme.
Au fur et � mesure que la campagne militaire en Afghanistan a progress�, certains intellectuels d�mocrates ont cependant d�nonc� l'influence des " faucons " qui, au sein de l'Administration, d�fendent les op�rations militaires, particuli�rement au Congr�s, et le r�le jou� par les lobbies �conomiques dans la d�finition de la politique �trang�re. M�me en temps de guerre, selon eux, les int�r�ts prennent le dessus sur le sentiment patriotique originel et l'argent continue d'influencer les d�cisions politiques.
Par ailleurs, certains D�mocrates, relay�s en cela par la presse, n'ont pas manqu� de faire un rapprochement entre la riposte en Afghanistan et la gestion de la crise du Kosovo par le pr�sident Clinton, en 1999. A cette �poque, le gouverneur George W. Bush reprochait � l'Administration de ne pas utiliser tous les moyens possibles pour atteindre les objectifs fix�s. Or, Ivo Daalder et Michael O'Hanlon remarquent que le nombre de sorties a�riennes en Afghanistan est de tr�s loin inf�rieur � celui constat� au Kosovo. De m�me, les objectifs politiques n'ont pas �t� clairement d�finis, en dehors de ce que l'Administration a appel� la " croisade " antiterroriste. Dans une lettre adress�e au pr�sident Bush, le 6 d�cembre 2001, le repr�sentant Tammy Baldwin (d�mocrate, Wisconsin) estimait qu'il se sentait concern�, avec ses confr�res, " par ceux qui cherchaient, dans l'Administration et au Congr�s, � �tendre la campagne militaire au-del� de l'Afghanistan ", consid�rant que " sans une pr�sentation claire et sans �quivoque de la responsabilit� d'autres nations dans les attentats du 11 septembre, il �tait inappropri� d'�tendre le conflit ". C'est pourquoi le soutien apport� � Bush par les D�mocrates a commenc� � diminuer quand l'Administration a d�cid� d'aller au-del� de la campagne antiterroriste en visant le r�gime irakien. A l'inverse, les R�publicains les plus conservateurs ont revu leur jugement critique, consid�rant que la question irakienne, en suspens depuis plus de 10 ans, pouvait enfin trouver une issue.
Apr�s une restructuration en profondeur des mesures de s�curit� int�rieure, l'Administration s'est lanc�e dans une campagne militaire en Afghanistan et a annonc� tr�s rapidement, apr�s la fin des op�rations en Asie centrale, que la cible suivante de ce que le pr�sident Bush a appel� la " lutte sans fin " serait l'Irak. L'objectif, qui ralliait un large consensus dans les camps tant r�publicain que d�mocrate, consistait � renverser le r�gime de Saddam Hussein, m�me si d'autres arguments ont �t� mis en avant pour justifier un d�ploiement militaire. Malgr� une vive opposition internationale, la guerre a �t� d�clench�e en mars 2003, sans l'aval des Nations unies, les Etats-Unis assumant la quasi-int�gralit� des op�rations militaires, soutenus par le Royaume-Uni et l'Australie sur le terrain et par un total de 48 Etats favorables � la cause d�fendue par la Maison-Blanche.
Au Congr�s, la perspective d'une campagne militaire � grande �chelle a d�finitivement tourn� la page de l'" union sacr�e ", perceptible apr�s le 11 septembre 2001, et qui avait permis � la campagne afghane de se d�rouler sans encombre. Une fois termin�e cette p�riode d'absence totale de d�bat politique, les parlementaires ont repris leur r�le de contrepouvoir de l'Ex�cutif, annon�ant clairement qu'aucune campagne militaire en Irak ne pouvait �tre d�cid�e sans leur accord. Ainsi, avant de convaincre la communaut� internationale, l'effort de l'Administration Bush a consist� � plaider le bien-fond� d'un d�ploiement militaire devant les membres du Congr�s.
Dans les semaines qui ont suivi les attentats du 11 septembre, tandis que se pr�parait l'offensive militaire contre le r�gime des Talibans, l'Irak a �t� d�sign� comme la prochaine cible possible de la " croisade " contre le terrorisme lanc�e par George W. Bush. Le 20 septembre, celui-ci recevait une lettre ouverte sign�e par plusieurs dizaines d'officiels, mettant l'accent sur la n�cessit� de " ch�tier " Saddam Hussein afin d'�radiquer les sources du terrorisme international. Les autorit�s se sont depuis lors efforc�es de rassembler des �l�ments permettant d'�tablir un lien entre le r�gime de Saddam Hussein et le terrorisme. Ces �l�ments sont :
Ces �l�ments se sont renforc�s dans la mesure o� Bagdad refusait, depuis 1998, d'ouvrir son territoire aux inspecteurs des Nations unies. Par ailleurs, les soup�ons selon lesquels le r�gime cherchait � se procurer des armes de destruction massive constituaient un argument avanc� par les conservateurs aux Etats-Unis et repris par les membres de l'Administration Bush. Depuis quelques ann�es, les th�ses des conservateurs sur la capacit� de l'Irak � reconstituer un arsenal d'armes de destruction massive ont �t� aliment�es par plusieurs ouvrages " grand public ", dont ceux de Khidhir Hamza, chef des services de recherches nucl�aires irakiennes jusqu'en 1995, de Richard Butler, ancien chef de la Commission sp�ciale des Nations unies (UNSCOM) aujourd'hui au Council on Foreign Relations � New York, et de Scott Ritter, ancien inspecteur de l'UNSCOM. Ce dernier, oppos� toutefois � une campagne militaire en Irak, proposait une description minutieuse de l'arsenal irakien d'armes de destruction massive et de missiles balistiques. Enfin, l'abondante litt�rature sur le terrorisme et la prolif�ration des armes de destruction massive, mise en avant depuis le 11 septembre, et surtout les attaques � l'anthrax, plac�rent g�n�ralement l'Irak au centre de la menace. Plus r�cemment, trois personnalit�s importantes dans l'entourage du pr�sident Bush, Donald Rumsfeld, Dick Cheney et Condoleezza Rice, n'ont pas manqu� d'accuser l'Iran, l'Irak et la Syrie d'�tre � l'origine des multiples attentats commis en Isra�l, invoquant le lien pr�sum� entre le r�gime de Bagdad et les r�seaux du terrorisme international. L'ensemble de ces consid�rations ont fait de l'Irak la cible suivante de la campagne antiterroriste men�e par l'Administration. Enfin, en publiant un rapport accablant sur la volont� de Bagdad de reconstituer un arsenal d'armes de destruction massive et de l'utiliser dans un avenir proche, les autorit�s britanniques ont apport� leur contribution aux accusations, revenant largement sur la mauvaise volont� affich�e par Saddam Hussein depuis plus de 10 ans.
La plupart des experts europ�ens consid�r�rent rapidement que les frappes des Etats-Unis contre l'Irak �taient in�vitables, � moins que le r�gime ne c�de et que Saddam Hussein ne quitte le pouvoir, ce qui semblait �videmment peu envisageable. L'un des premiers efforts consista � s'assurer le soutien de l'opinion publique. Selon un sondage publi� par le Washington Post fin 2002, 64 % des personnes interrog�es �taient ainsi favorables � des frappes contre l'Irak.
Par ailleurs, plusieurs membres de l'Administration - dont le secr�taire adjoint � la D�fense, Paul Wolfowitz -, plaid�rent en faveur d'une extension des op�rations militaires en Irak. Une intervention sur le sol irakien n�cessitait des moyens nettement plus importants que la guerre en Afghanistan, et les alli�s de Washington, tant dans la r�gion qu'ailleurs, semblaient peu r�ceptifs � la perspective de reconstituer la coalition de 1991. En effet, les alli�s ne partageaient plus, pour la grande majorit� d'entre eux, la position des Etats-Unis vis-�-vis des sanctions impos�es � l'Irak depuis 10 ans. Ils furent relay�s en cela par certains think tanks et centres d'expertise am�ricains.
Par ailleurs, une guerre contre l'Irak pouvait se faire selon trois sc�narios. Le premier consistait � renouveler l'exp�rience de 1991 (sans doute avec une coalition amoindrie) ; il n�cessitait des mois de pr�paration et posait de r�els probl�mes de politique int�rieure aux Etats-Unis. Le deuxi�me sc�nario consistait � r�p�ter l'exp�rience de d�cembre 1998, � savoir des frappes contre des cibles pr�cises en Irak. Une telle option �tait plus facile � mettre en oeuvre et ne posait pas trop de probl�mes en termes d'aval du Congr�s. Mais les r�sultats n'avaient pas �t� tr�s concluants en 1998 et n'avaient pas permis, en tout �tat de cause, d'atteindre les objectifs affich�s, � savoir le renversement du r�gime de Saddam Hussein.
Le troisi�me sc�nario consistait � envoyer sur place plusieurs commandos de services sp�ciaux charg�s de liquider le dictateur irakien. L� encore, il n'y avait gu�re de difficult� pour obtenir l'accord du Congr�s, mais le succ�s d'une telle mission �tait plus que discutable, notamment au vu des r�sultats m�diocres obtenus par les forces sp�ciales en Somalie ou, plus r�cemment, en Afghanistan. De fait, la premi�re option semblait �tre la seule permettant de poursuivre l'effort de 1991, en poussant cette fois les arm�es jusqu'� Bagdad pour liquider Saddam Hussein, comme le souhaitait l'Administration. Ce fut l'option retenue. Mais l'objectif principal �tait d'assurer un succ�s rapide et � moindre co�t, � la fois pour profiter du large soutien de l'opinion publique aux Etats-Unis et pour �viter de laisser le temps au r�gime irakien de s'organiser. Kenneth Pollack, ancien directeur des affaires du Golfe au National Security Council, remarquait � ce propos que, les capacit�s de r�sistance de l'Irak �tant nettement sup�rieures � celles des Talibans, la pr�paration de l'intervention ne devait pas prendre de retard, m�me s'il se montrait par ailleurs sceptique quant � sa pertinence et aux r�sultats pouvant �tre obtenus.
Les limites d'une telle option �taient avant tout d'ordre externe. En effet, il fut tr�s difficile, et m�me impossible, de reconstituer une coalition du type de celle de 1990. La tourn�e de Dick Cheney dans les pays arabes, en mars 2002, r�pondait nettement � l'objectif de rassembler un tel soutien, mais celui-ci �tait difficilement justifiable. En 1990, le r�gime de Saddam Hussein s'�tait rendu coupable de l'invasion du Kowe�t et il avait �t� unanimement condamn� par les autres Etats de la r�gion. Depuis, les voisins de l'Irak se montraient sceptiques quant � la poursuite des sanctions, qui avaient �t� plus nuisibles � la population qu'au r�gime et avaient refus� de soutenir les frappes de d�cembre 1998. Par ailleurs, si les alli�s des Etats-Unis souhaitaient condamner et combattre l'Irak il y a 10 ans, ils n'avaient jamais affich� la volont� de d�truire le r�gime de Saddam Hussein. Ainsi, la Turquie, l'un des plus fid�les soutiens � Washington dans la r�gion, voyait d'un mauvais oeil la dislocation de l'Etat irakien, qui pouvait entra�ner la cr�ation d'un Kurdistan ind�pendant. De fa�on g�n�rale, les alli�s de 1991 dans la r�gion n'acceptaient de participer � une campagne militaire que si celle-ci �tait mandat�e par l'ONU.
Au Conseil de s�curit�, le consensus a �clat� apr�s le renvoi des inspecteurs de l'UNSCOM par Bagdad, en 1998, et la d�cision conjointe des Etats-Unis et du Royaume-Uni de frapper l'Irak en repr�sailles. De fait, les objectifs de Washington ne furent pas compris, et encore moins partag�s, par les autres membres du Conseil de s�curit�. Comme le demandait, en mars 2002, Philippe Droz Vincent, " s'agit-il de faire appliquer les r�solutions de l'ONU, de renverser Saddam Hussein ou de mettre sous tutelle un Irak potentiellement h�g�monique dans la r�gion ? " Les m�mes critiques se sont fait entendre de la part des alli�s europ�ens des Etats-Unis, qui estim�rent pour certains d'entre eux, malgr� leurs divisions, que la campagne propos�e contre l'Irak ne r�pondait qu'� une volont� de vengeance de l'Administration Bush et d'h�g�monie dans la r�gion.
Toutefois, les proches de George W. Bush ont d�menti les soup�ons selon lesquels la Maison-Blanche accepterait de se plier au calendrier du Conseil de s�curit� des Nations unies. Tr�s vite, ils n'�cart�rent pas la possibilit� de frapper quand ils le jugeraient n�cessaire, que ce soit avant ou apr�s la d�cision de l'ONU concernant les sanctions et les missions d'inspection sur le sol irakien. " Le pr�sident a dit que nous ne pouvions attendre d'avoir la preuve que quelqu'un utilise des armes de destruction massive contre les Etats-Unis pour faire quelque chose afin de l'en emp�cher ", d�clarait ainsi Paul Wolfowitz dans une interview sur CNN, le 21 mars 2002. D�s lors, et malgr� les efforts diplomatiques en vue de convaincre Paris, Moscou et P�kin, Washington annon�ait pouvoir se passer d'un mandat de l'ONU.
Maintes fois critiqu�e depuis quelques mois pour son unilat�ralisme, notamment en Europe, l'Administration Bush a envisag� d'intervenir sans l'appui de ses alli�s - ou de la majorit� d'entre eux -, prenant exemple sur l'op�ration men�e conjointement avec les Britanniques en 1998 contre l'Irak et sur la campagne en Afghanistan. La puissance logistique, organisationnelle et destructrice de l'arm�e des Etats-Unis le leur permet en effet. Au cours des 10 derni�res ann�es, l'�volution du mat�riel leur a permis de fournir des r�sultats plus rapides et plus significatifs. L'op�ration " Temp�te du d�sert " de 1991 avait exig� 110 000 sorties a�riennes, contre seulement 6 500 en Afghanistan, le diff�rentiel, m�me notable, des capacit�s de r�sistance des adversaires ne pouvant expliquer � lui seul un tel d�calage. De m�me, la campagne du Kosovo a �t� faite exclusivement depuis les airs, gr�ce notamment � un mat�riel hautement sophistiqu�. Cette �volution sensible de son arsenal militaire offre � Washington un avantage nettement plus d�cisif qu'en 1991, d'autant que les forces arm�es irakiennes n'ont pu, en seulement 10 ans, reconstituer un arsenal cons�quent, et ne disposaient, � la veille du conflit, que de capacit�s assez limit�es. D�s lors, une campagne rapide �tait envisageable et Washington pouvait faire l'�conomie d'une coalition � la fois difficile � organiser et fort contraignante � bien des �gards, en comparaison de son faible apport. De nombreux experts aux Etats-Unis, consid�rant qu'une coalition briderait les capacit�s militaires du pays, trouv�rent l� des arguments pour justifier une intervention unilat�rale.
L'exemple de l'Afghanistan joua un r�le important dans le soutien apport� � une attaque de grande ampleur contre l'Irak. En effet, alors que les r�sultats obtenus dans ce pays �taient pr�sent�s comme significatifs par l'Administration (� savoir un r�gime stable et une prosp�rit� plus notable qu'au temps des Talibans), celle-ci plaida rapidement en faveur d'une intervention contre Bagdad, avec comme argument qu'une telle campagne apporterait la stabilit� dans la r�gion. A l'inverse, comme l'expliquait Thomas Friedman, si le nouveau r�gime afghan ne parvenait pas � s'imposer sur l'ensemble du territoire et � faire l'unit� du pays, il serait d'autant plus difficile � Washington de " proposer " une poursuite de la campagne contre l'Irak. Invit� � l'Institut fran�ais des relations internationales, le 28 mars 2002, Steve Szabo, de la Johns Hopkins University (Washington, D.C.), a not� que la Maison-Blanche ne pr�voyait pas une intervention aussi longue et importante que celle de 1991, notamment du fait de l'affaiblissement des forces irakiennes (n'oublions pas qu'en 1990, l'Administration Bush qualifiait l'arm�e de Saddam Hussein de " quatri�me arm�e au monde "). Il s'agissait donc d'une quick war, c'est-�-dire d'une intervention rapide engageant moins de forces. S'il convenait, comme Steve Szabo, de rester mesur� quant � ces perspectives, force est de constater que ces arguments r�pondaient �galement � la volont� de ne pas se pr�senter devant le Congr�s pour d�clencher des hostilit�s, en consid�rant que celles-ci n'engageraient que des moyens relativement limit�s et ne d�passeraient pas 60 jours. Mais, � prendre de tels risques, l'Administration s'exposait, en cas de r�sultats peu probants, � des critiques qu'il lui aurait fallu assumer seule, car les parlementaires n'auraient pas manqu� l'occasion de rappeler qu'ils n'avaient pas �t� consult�s.
C'est en effet au niveau de la politique int�rieure que les contraintes les plus vives, mais aussi les plus neutralisantes, se sont manifest�es. Comme nous l'avons vu, le Congr�s a le pouvoir de limiter, voire d'interdire, des op�rations militaires ext�rieures. Par ailleurs, si le principe de l'engagement militaire a �t� discut� depuis le 11 septembre, la perspective d'une intervention en Irak a fait appara�tre de v�ritables fractures au sein du Congr�s. D�plorant l'absence de bonne volont� de la part de ses membres, Paul Reynolds notait que " le Congr�s avait refus� d'�tre contraint d'�tendre les pouvoirs des agences d'investigation, comme John Ashcroft l'avait demand�. Les parlementaires ont approuv� les mesures d'urgence, comme celle �tendant le droit de surveillance d'un t�l�phone � tous ceux appartenant � la m�me personne. Ils se sont cependant interrog�s sur les mesures de fond, comme le droit de garder quelqu'un � vue ind�finiment, bien que le FBI ait d�j� adopt� de telles m�thodes, � travers le service de l'immigration, pour interroger des personnes. Le Congr�s �tait encore une fois aveugl� par la Constitution ".
Unie jusqu'alors dans la lutte contre le terrorisme, la classe politique aux Etats-Unis a commenc� � se diviser � la suite du discours sur l'�tat de l'Union du 29 janvier 2002, dans lequel le pr�sident George W. Bush a avanc� sa th�se d'un " axe du Mal ", inaugurant ce qu'il convient d'appeler la " phase 2 " de la campagne antiterroriste. Le 11 mars 2002, � l'occasion de la c�l�bration des six mois des attentats, il annon�ait, de fa�on encore plus nette, que la seconde �tape de la guerre antiterroriste avait d�but� : " Nous n'enverrons pas de soldats am�ricains sur tous les champs de bataille, mais les Etats-Unis pr�pareront activement les autres pays � d'�ventuelles batailles. " Vivement critiqu� � l'�tranger, un tel discours a re�u un �cho favorable aux Etats-Unis, Pascal Rich� estimant que " l'unilat�ralisme de l'Administration Bush s'accordait parfaitement avec l'isolationnisme, qui s�duit traditionnellement l'�lectorat r�publicain ".
Prenant la place tenue par George Mitchell en 1990, le leader du camp d�mocrate � la Chambre des repr�sentants, Richard Gephardt, souvent cit� comme candidat potentiel aux primaires d�mocrates de 2004, a expos� la " r�ponse " officielle de son parti au discours sur l'�tat de l'Union. Mettant l'accent sur la n�cessit� de rester unis dans la lutte contre le terrorisme, il a rappel� que les D�mocrates ne soutiendraient pas de fa�on aveugle toutes les initiatives de l'Administration, notamment dans le domaine des r�formes sociales, cherchant ainsi d'autres terrains que la s�curit� ext�rieure pour affirmer leurs diff�rences. Thomas Daschle, leader de la majorit� d�mocrate au S�nat, a lui aussi rappel� le besoin d'unit� nationale, sans omettre cependant les points de divergence. Ainsi, comme l'expliquait Eric Lesser, tous deux " se sont livr�s � l'exercice impossible consistant � mettre de c�t� l'esprit partisan en �tant � 100 % avec le pr�sident dans la guerre contre le terrorisme et � tenter, dans le m�me temps, des critiques sur sa politique �conomique et sociale ".
C�t� r�publicain, Trent Lott, leader du GOP au S�nat, et Dennis Hastert, leader de la majorit� � la Chambre, ont tous deux rappel� que les �lecteurs s'attendaient � une coop�ration parfaite entre les deux partis au Congr�s, r�duisant indiscutablement la marge de manoeuvre des D�mocrates. Par ailleurs, Bob Stump, pr�sident de la commission des Forces arm�es � la Chambre, a mis l'accent sur la n�cessit� de d�bloquer les fonds n�cessaires pour renforcer le budget de la D�fense, lan�ant ainsi un appel aux D�mocrates. Ce soutien massif et sans �quivoque est � mettre en parall�le avec la r�solution H.J.RES.27, propos�e par la Chambre le 6 mars 2001, et dans laquelle Ronald Paul (r�publicain, Texas), John Doolittle (r�publicain, Californie), Pete Stark (d�mocrate, Californie), Roscoe Bartlett (r�publicain, Maryland), Virgil Goode (d�mocrate, Virginie), Barbara Lee (d�mocrate, Californie) et Barbara Cubin (r�publicain, Wyoming) rappelaient le r�le du Congr�s dans le d�clenchement des conflits. Un an plus tard, seul Pete Stark se montrait encore sceptique quant aux propositions de l'Administration Bush, mais il est rest� fort isol� � la Chambre.
C'est donc une fois de plus le S�nat qui s'est montr� le plus actif dans ses r�actions aux projets de guerre de l'Administration. D�s le 29 janvier 2002, Joseph Biden (d�mocrate, Delaware), alors pr�sident de la commission des Affaires �trang�res, calmait ses coll�gues en pr�cisant que les propositions de l'Ex�cutif restaient vagues et qu'il fallait attendre un r�el plan budg�taire pour en discuter. Dans les semaines qui ont suivi, plusieurs �lus se sont exprim�s pour rappeler que le Congr�s pouvait seul d�cider d'envoyer des troupes sur des th��tres ext�rieurs.
Le 11 f�vrier, Russel Feingold (d�mocrate, Wisconsin) �crivait dans le Washington Times que " le pr�sident devait �galement respecter les termes de la r�solution sur les pouvoirs de guerre ". En effet, " en vertu de notre Constitution et de la r�solution sur les pouvoirs de guerre, le pr�sident et le Congr�s doivent d'abord se mettre d'accord sur une telle extension de nos engagements militaires ". Le s�nateur n'a pas h�sit� � rappeler que la r�partition des pouvoirs avait �t� souhait�e d�s les origines de la d�mocratie aux Etats-Unis, et qu'il serait par cons�quent dommageable de la remettre en question (les arguments �taient sensiblement proches de ceux �nonc�s en 1990) :
" En divisant le pouvoir de faire la guerre, les r�dacteurs de la Constitution ont signifi� que l'unit� nationale �tait essentielle � tout effort de guerre, et que cette unit� pouvait se trouver renforc�e en r�partissant l'autorit� entre les deux pouvoirs d�mocratiques du gouvernement. Cette division du pouvoir de d�clarer la guerre nous force � rechercher un consensus national avant de mettre des Am�ricains en danger. "
Le s�nateur Patrick Leahy (d�mocrate, Vermont), qui pr�sidait la sous-commission des Op�rations � l'�tranger au sein de la commission des Attributions budg�taires, a pouss� plus loin cette id�e dans le domaine budg�taire. Il affirma qu'il appartenait aux parlementaires de chercher � concentrer les efforts sur les " zones grises ", afin d'�viter les d�s�quilibres, offrant une lecture totalement oppos�e � celle de l'Administration Bush. Ainsi, selon lui, " le Congr�s, qui tient les cordons de la bourse, devrait s'assurer qu'une part de l'augmentation budg�taire propos�e est consacr�e � la lutte contre la pauvret� ".
Mais c'est surtout depuis le mois de mars 2002 que les oppositions les plus vives � la perspective d'une intervention en Irak se font entendre. Le s�nateur Robert Byrd (d�mocrate, Virginie occidentale) a mis en avant les pr�rogatives des parlementaires en temps de guerre, notamment celle consistant � exiger que le chef de l'Ex�cutif vienne expliquer sa strat�gie au Capitole. Selon lui, " le Congr�s a non seulement le droit, mais aussi le devoir d'examiner d'un oeil critique la politique du pr�sident. Demander des explications, ce n'est pas accuser ou condamner. Demander des explications, c'est rechercher la v�rit� ". Il s'agissait ici d'une critique qui concernait davantage les pouvoirs de guerre que la strat�gie de l'Administration elle-m�me. Thomas Daschle a repris les m�mes th�mes dans un article publi� dans le Washington Post, en mettant l'accent sur le budget n�cessaire � une intervention : " Le Congr�s a l'obligation constitutionnelle de demander o� et comment ces fonds vont �tre utilis�s. " Si les remarques �nonc�es par les deux s�nateurs sortaient du cadre partisan, les r�actions qui ont suivi ont �t�, en revanche, nettement plus politis�es, soulignant le besoin d'unit� du pays dans une guerre qui n'est pas comme les autres. L'�ditorialiste du Washington Post, Charles Krauthammer, a ainsi pu �crire : " La guerre contre l'islam radical est une n�cessit�. Les guerres n�cessaires n'ont pas de strat�gie de sortie. Elles doivent �tre gagn�es. "
Les prises de position contre une guerre en Irak ont �galement eu pour effet de diviser le camp d�mocrate au S�nat, certains consid�rant, � l'instar de Mitchell en 1990, que le moment �tait mal choisi pour s'opposer au pr�sident, et plaidant donc en faveur de l'unit� nationale. Joseph Lieberman (d�mocrate, Connecticut), colistier malheureux d'Al Gore lors de l'�lection de 2000, a adopt� une position �loign�e de ses confr�res d�mocrates, plaidant au contraire, comme il l'avait d�j� fait lors de la crise du Golfe en 1990, pour un soutien aux initiatives pr�sidentielles.
Parall�lement aux propositions de frappes contre l'Irak, d'autres voix se sont �lev�es pour r�clamer un r�glement du cas irakien devant la justice internationale, prenant exemple sur le cas de Slobodan Milosevic, jug� � La Haye. En accusant Saddam Hussein de crimes contre l'humanit�, les autorit�s am�ricaines renforc�rent la l�gitimit� de l'opposition interne (comme ce fut le cas en Yougoslavie) et esp�r�rent m�me qu'un r�glement se ferait sans recours � la force, ce qui semblait pour le moins peu �vident.
De fa�on g�n�rale, c'est la doctrine Bush concernant la croisade contre le terrorisme et l'utilisation de la force pour dissuader les adversaires qui fit l'objet de critiques de plus en plus franches. Dans l'entourage du pr�sident, les arguments en faveur du renforcement des pr�rogatives de l'Ex�cutif n'�taient pas jug�es essentielles dans la seule perspective du r�glement d'une crise ; elles s'imposaient �galement dans le bon fonctionnement d'une politique �trang�re. Dans un entretien en date du 21 f�vrier 1997, Colin Powell, pourtant consid�r� comme l'un des mod�r�s de l'Administration, estimait ainsi que " la menace militaire fonctionne uniquement quand les dirigeants am�ricains ont r�ellement d�cid� de se pr�parer � utiliser la force ". Pour le secr�taire d'Etat, il convenait de faire en sorte que les adversaires des Etats-Unis se sentent perp�tuellement menac�s, et il fallait pour cela concentrer les pouvoirs de guerre entre les mains d'un nombre limit� de personnes, ce qui est loin de conforter les pr�rogatives des membres du Congr�s.
Le 19 septembre 2002, apr�s avoir pr�sent� � l'Assembl�e g�n�rale des Nations unies sa position sur la situation en Irak, George W. Bush s'est adress� au Congr�s pour lui demander un vote l'autorisant � faire usage de la force, afin de " faire appliquer les r�solutions susmentionn�es du Conseil de s�curit� des Nations unies, de d�fendre les int�r�ts de s�curit� nationale des Etats-Unis contre les menaces �manant de l'Irak, et de restaurer la paix internationale et la s�curit� dans la r�gion ". Second� par Donald Rumsfeld et Colin Powell, le pr�sident a justifi� la n�cessit� de ce vote, dans un souci d'unit�, pour faire face de fa�on plus cr�dible � la " menace que fait planer le r�gime de Saddam Hussein ". Cette initiative a �t� salu�e par les parlementaires, qui y ont vu une volont� d'ouverture en direction du pouvoir l�gislatif, et une reconnaissance de leurs pr�rogatives.
Plusieurs parlementaires d�mocrates se sont cependant �lev�s contre cette proposition de la Maison-Blanche. Constatant un d�calage de plus en plus perceptible entre les orientations politiques et l'opinion publique du pays, Dennis Kucinich (d�mocrate, Ohio), meneur du groupe oppos� � la proposition, a soulign� que " (ses) administr�s (�taient) choqu�s de voir la direction que (prenait) l'Am�rique ". De son c�t�, Russel Feingold estimait que " l'Administration (demandait) la lune sans nous donner d'informations s�rieuses ". De m�me, plusieurs �lus d�mocrates se m�fiaient d'un amendement qui donnait au pr�sident tout pouvoir pour g�rer la s�curit� et la paix de la r�gion. Pourtant, la plupart des �lus d�mocrates, � commencer par les dirigeants du Parti, estimaient �tre capables de travailler de concert avec l'Administration pour mettre au point une r�solution sur l'Irak soutenue par le plus grand nombre. L'objectif �tait d'atteindre rapidement un compromis sur les termes du texte et un vote � la Chambre et au S�nat. Nancy Pelosi (d�mocrate, Californie) esp�rait que les deux camps pourraient travailler ensemble en ce sens. Mais elle avertit l'Administration qu'elle-m�me et les autres parlementaires d�mocrates souhaitaient des r�ponses concr�tes sur le co�t d'une offensive en Irak en termes d'op�ration militaire, d'occupation, d'�conomie et de guerre totale contre le terrorisme. Le repr�sentant John Spratt (d�mocrate, Caroline-du-Sud), de la commission des Finances au Congr�s, estima ce co�t � 93 milliards de dollars, sans compter les op�rations de maintien de paix et les efforts de reconstruction qui pourraient suivre.
Cependant, le camp d�mocrate restait divis� entre ceux qui estimaient qu'une campagne �tait n�cessaire et qu'il convenait de soutenir l'Ex�cutif (Joseph Lieberman et John Edwards au S�nat), et ceux qui pr�f�raient se concentrer sur les dossiers de politique int�rieure pour attaquer l'Administration. Ce fut le cas de Thomas Daschle, qui exprima son soutien � l'id�e d'une campagne militaire en Irak, ce qui lui laissait le champ libre pour critiquer l'Administration sur d'autres dossiers. Dans une intervention remarqu�e au S�nat, le 25 septembre 2002, le leader de la majorit� d�mocrate apporta ainsi son soutien � la campagne militaire, tout en accusant la Maison-Blanche d'utiliser la menace irakienne � des fins �lectorales. En soutenant l'initiative de l'Ex�cutif, il se mettait � l'abri de critiques politiciennes, ce qui lui permit de condamner l'instrumentalisation qui, selon lui, �tait faite de la crise. Ainsi, si les parlementaires furent g�n�ralement en accord avec l'Administration sur la n�cessit� de r�gler le cas irakien, les critiques reposaient sur l'absence de d�bat sur les autres points sensibles, la Maison-Blanche �tant accus�e de faire la distinction entre les R�publicains, soucieux des questions de s�curit�, et les D�mocrates, suppos�s s'en d�sint�resser.
Le 23 septembre 2002, le repr�sentant Alcee Hastings (d�mocrate, Floride) introduisit au Congr�s un projet de r�solution (H.J. RES. 110) autorisant le pr�sident � faire usage de la force en Irak. Mais ce texte comprenait un certain nombre de conditions que l'Ex�cutif devait remplir, et sans lesquelles les parlementaires pouvaient �mettre des r�serves. Parmi ces conditions figuraient alors :
Barbara Lee, seule membre du Congr�s qui vota, apr�s les attentats du 11 septembre, contre une r�solution autorisant l'usage de la force contre les terroristes, a reconnu que cette r�solution serait probablement adopt�e par une grande majorit� parlementaire. Ce qui ne l'emp�cha pas de proposer sa propre r�solution : les Etats-Unis devaient, selon elle, s'atteler � r�soudre le probl�me irakien � travers les Nations unies, gr�ce � des inspections, des n�gociations et autres moyens pacifiques. Elle rejoignait en cela les propositions avanc�es par certains partenaires europ�ens des Etats-Unis, en particulier la France.
Enfin, Robert Byrd, qui b�n�ficiait alors de sa position de pr�sident pro-tempore du S�nat (en l'absence du pr�sident, il �tait charg� d'assurer l'int�rim), rappela que les engagements de l'Administration n'�taient pas recevables, la preuve que l'Irak posait une r�elle menace n'ayant pas �t� encore apport�e. De m�me, il condamna vivement l'id�e selon laquelle les critiques adress�es � l'Ex�cutif �taient un acte d'antipatriotisme. En cela, il resta fid�le � la position qu'il avait affich�e tout au long de l'ann�e 2002. Selon lui, la Maison-Blanche cherchait � obtenir des pouvoirs de guerre d�passant de loin ceux dont elle disposait, ce qui pouvait lui permettre de se lancer dans d'autres op�rations futures sans consultation pr�alable du Congr�s. Il se positionna ainsi indiscutablement comme le chef de file de ceux qui se montraient m�fiants au S�nat.
De leur c�t�, plusieurs r�publicains, dont le chef de la majorit� � la Chambre des repr�sentants, Dick Armey (Texas), mirent en garde l'Administration contre les dangers d'entra�ner le pays dans une guerre en Irak. Mais les parlementaires du GOP devaient apporter leur soutien de fa�on quasi unanime � la r�solution finale, au nom de valeurs d'unit� en temps de crise, ralliant derri�re eux de nombreux d�mocrates.
C'est finalement le 10 octobre 2002 que les deux Chambres ont autoris� le pr�sident Bush � d�clencher des op�rations militaires contre l'Irak, par 296 voix contre 133 � la Chambre des repr�sentants, et 77 voix contre 23 au S�nat. Le succ�s de ce vote s'explique par la prise de position des leaders d�mocrates en faveur de la r�solution, notamment Richard Gephardt (� la Chambre) qui en �tait l'auteur ; mais il convient de relativiser ce pl�biscite, car plus de la moiti� des repr�sentants d�mocrates vot�rent contre. Au vu des �l�ments �voqu�s plus haut, ce vote n'�tait pas une surprise, et, s'il est venu conforter l'Administration dans ses positions � l'�gard de l'Irak, il n'illustre pas pour autant un regain d'influence de l'Ex�cutif sur les questions de politique �trang�re, et appara�t plus conjoncturel qu'autre chose. En tout �tat de cause, le soutien des parlementaires a eu pour effet de clarifier la position des Etats-Unis, la Maison-Blanche disposant d'un v�ritable mandat interne dans sa lutte contre le r�gime de Saddam Hussein.
Dans sa version finale, la r�solution donnait au pr�sident Bush tous les pouvoirs qu'il avait r�clam�s. Cependant, si elle l'autorisait � agir ind�pendamment des Nations unies, elle tenait compte des inqui�tudes de certains parlementaires en encourageant le pr�sident � �puiser d'abord tous les recours diplomatiques, et exigeait de lui qu'il remette au Congr�s, tous les 60 jours, un rapport au sujet de toute action unilat�rale qui aurait �t� entreprise.
L'issue des d�bats est devenue �vidente lorsqu'une version modifi�e de la r�solution, soutenue par la plupart des d�mocrates, a �t� battue par un vote de 270 voix contre 155 en d�but de journ�e. Cette version exigeait que le pr�sident Bush demande au Congr�s de se prononcer une seconde fois sur le recours � la force lorsqu'il aurait conclu que les d�marches diplomatiques par le biais de l'ONU n'avaient pas abouti. Le repr�sentant John Spratt (r�publicain, Caroline du sud), qui avait parrain� la version modifi�e, d�clara : " En l'absence d'une action multilat�rale, ce sera les Etats-Unis contre l'Irak et, pour certains, les Etats-Unis contre le monde arabe et musulman. " Et Jay Inslee (d�mocrate, Washington) de rench�rir : " A mon avis, frapper un tyran et cr�er 10 000 terroristes ne constitue pas une victoire. " En d'autres termes, de nombreux parlementaires attendaient l'Administration Bush au tournant et �taient pr�ts � multiplier leurs critiques si l'intervention militaire en Irak n'�tait pas un succ�s. En fait, il a fallu attendre la fin des op�rations en Irak, et surtout le triple attentat suicide de Riyad, pour que l'unit� nationale, g�n�ralement perceptible en temps de guerre, recommence � se diluer, et que les critiques les plus vives concernant la lutte antiterroriste men�e par l'Administration se fassent � nouveau entendre au Congr�s.
En s'attardant sur quelques exemples pr�cis, en particulier depuis la fin de la guerre froide, cette �tude permet de mieux comprendre le r�le du Congr�s en mati�re de pouvoirs de guerre, et dans quelle mesure les engagements ext�rieurs des Etats-Unis font syst�matiquement l'objet de d�bats institutionnels opposant le L�gislatif � l'Ex�cutif. Ces divergences sont d'autant plus marqu�es quand le Capitole est politiquement oppos� � la Maison-Blanche, comme ce fut souvent le cas depuis 1994. Mais la domination de toutes les institutions par un seul parti n'emp�che pas les parlementaires de d�fendre des pr�rogatives qu'ils placent � un niveau sup�rieur aux traditionnelles querelles politiques. Ainsi, ce n'est pas parce que le pr�sident b�n�ficie d'une majorit� dans les deux Chambres du Congr�s qu'il se retrouve dans une situation plus favorable.
Un tel constat est indispensable dans le contexte actuel. A l'occasion des �lections de la mi-mandat organis�es le 5 novembre 2002, en effet, les Am�ricains ont vot� pour d�signer l'ensemble des 435 repr�sentants (mandat de deux ans), 34 s�nateurs sur 100 (mandat de six ans) et 38 gouverneurs d'Etat sur 50 (mandat de quatre ans). Apr�s la d�fection de Jim Jeffords en juin 2001, les D�mocrates �taient majoritaires au S�nat, ce qui leur permettait d'y contr�ler les commissions et de faire pression sur certains dossiers pr�sent�s par l'Administration Bush, comme la ratification du protocole de Kyoto et le bouclier antimissile. Par ailleurs, cette opposition partisane �tait souvent per�ue, de l'ext�rieur, comme une certaine forme de cohabitation. Or, si cela est exact sur les dossiers de politique int�rieure, il n'en est rien en ce qui concerne les questions internationales.
Pour la premi�re fois depuis les �lections de 1934, � la suite desquelles le cr�dit de Franklin D. Roosevelt en tant que pr�sident avait �t� renforc�, aucun pr�sident des Etats-Unis n'avait vu son parti politique progresser au cours des �lections de la mi-mandat cons�cutives � son �lection. En ce sens, le succ�s du Parti r�publicain est une victoire historique : comme entre janvier et juin 2001, le parti de George W. Bush contr�le d�sormais l'Ex�cutif, les deux Chambres du Congr�s et la majorit� des Etats.
Cette victoire est-elle due au soutien de l'opinion publique � son pr�sident ? George W. Bush �tait encore cr�dit�, 14 mois apr�s les attentats de New York et de Washington, de plus de 60 % d'opinions favorables, ce qui constitue un record au bout de deux ans de pr�sence � la Maison-Blanche. Mais la victoire des candidats r�publicains s'explique bien davantage par des campagnes de terrain que par une strat�gie d'ensemble � la t�te de laquelle se serait port� le pr�sident. Enfin, la campagne �lectorale a �t� marqu�e par l'importance des financements, ceux-ci ayant �t� majoritairement le fait d'initiatives locales. Mais le seul point sur lequel cette �lection appara�t comme une victoire personnelle de George W. Bush est qu'il a lui-m�me choisi la plupart des nouveaux candidats, et que ceux-ci ont connu des r�sultats largement positifs. Ainsi, parler d'un vote de soutien au pr�sident semble caricatural, mais il s'agit indiscutablement d'une victoire personnelle du chef de l'Ex�cutif, et Thomas Daschle n'h�site pas � expliquer la d�faite de son camp par la campagne men�e par George W. Bush, justifiant ainsi les mauvais r�sultats des D�mocrates.
De m�me, il est difficile de voir dans cette �lection une r�elle victoire du camp r�publicain, la campagne ayant peu port� sur des questions partisanes, mais plut�t une d�faite des D�mocrates, qui n'ont pas �t� en mesure de proposer une alternative, ni de mettre en avant leurs diff�rences de vues, sur les questions tant internes qu'externes. En tout �tat de cause, le r�sultat de ces �lections a renforc� la position de l'Administration et mis entre parenth�ses la constante opposition partisane qui existait entre le S�nat et la Maison-Blanche depuis 1994 (� l'exception de la p�riode de janvier � juin 2001, quand les R�publicains �taient majoritaires dans les deux Chambres). Jusqu'aux �lections de novembre 2002, l'Administration Bush pourrait �tre exempte de toute critique dans sa gestion des affaires internationales, notamment au Moyen-Orient, m�me si la plupart de ces questions font l'objet d'un fort consensus entre les diff�rentes composantes politiques du Congr�s. Par ailleurs, dans le contexte actuel, les D�mocrates ont tout int�r�t � privil�gier les questions int�rieures dans leurs critiques adress�es � l'Administration, laissant ainsi de c�t� les probl�mes internationaux, � l'instar de Bill Clinton qui, en 1992, s'�tait concentr� sur l'�conomie et les probl�mes sociaux et avait totalement d�laiss� les affaires �trang�res. Dans ces conditions, les r�sultats des �lections de novembre 2002 devraient avoir pour effet de laisser le champ libre aux R�publicains sur les questions internationales dans les deux prochaines ann�es.
C'est donc � l'int�rieur du Parti r�publicain que les tendances lourdes en mati�re de politique �trang�re vont se d�gager. Il convient donc d'analyser � la fois les diff�rents mouvements au sein du GOP et les relations de ce parti avec l'Administration, et aussi dans quelle mesure certaines conceptions recevront un �cho plus ou moins favorable, et seront ainsi susceptibles, ou non, de participer pleinement � la formulation de la politique �trang�re du pays. Parmi les personnalit�s les plus influentes se trouvent les nouveaux pr�sidents des commissions des Relations internationales et des Forces arm�es au S�nat, Richard Lugar (r�publicain, Indiana) et John Warner (r�publicain, Virginie), tous deux r�put�s pour leurs prises de positions conservatrices. Plus que des divergences opposant R�publicains et D�mocrates, les futurs d�bats sur les questions internationales mettront en �vidence les d�saccords existant au sein du GOP entre des parlementaires conservateurs et d'autres plus " centristes ", � l'instar de ceux opposant les " faucons " et les " colombes " au sein de l'Administration. Ils permettront aussi de mesurer clairement l'importance des pr�rogatives constitutionnelles, que les parlementaires r�publicains ne manqueront pas de mettre en avant � l'occasion des futurs engagements de l'Administration Bush sur la sc�ne internationale.
Si la victoire des R�publicains a ainsi des effets importants sur les questions int�rieures, le Congr�s se rangeant derri�re les propositions de lois de l'Administration, il n'en sera pas forc�ment de m�me en ce qui concerne les affaires internationales, et l'�quipe de George W. Bush devra faire face, sur ce point, � la fois � l'aile droite du Parti r�publicain et aux initiatives bipartisanes derri�re lesquelles pourraient se ranger des parlementaires plus " centristes ", susceptibles de s'associer aux D�mocrates en certaines circonstances. Il sera indispensable pour l'Ex�cutif de savoir compter habilement sur ces diff�rentes tendances.