exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
ne peut �tre utilis� � des fins commerciales
ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Au d�but de la campagne d'Afghanistan, le gouvernement am�ricain a achet� en exclusivit� toutes les images de la zone en guerre prise par le satellite � haute r�solution Ikonos. Cette proc�dure �tait plus facile � adopter que l'interdiction de photographier, initialement pr�vue. M�me si les agences de renseignement se sont montr�es r�ticentes � distribuer l'imagerie commerciale aupr�s des forces arm�es, l'objectif initial de contr�le de l'information a �t� atteint.
Mais cette proc�dure ne peut fonctionner avec des producteurs d'imagerie plus nombreux. Contr�ler la diffusion de l'imagerie appara�t comme une t�che de plus en plus illusoire.
Sous l'�gide d'un NSC devenu r�cemment plus actif, l'administration doit mettre en forme une nouvelle approche du probl�me. Elle doit accepter la possible diffusion de l'imagerie spatiale. Les solutions explor�es passent par la pr�paration de r�ponses � l'utilisation de l'imagerie par l'ennemi, que ce soit lors d'op�rations militaires ou en pr�vention d'attaques terroristes, et un dialogue tr�s en amont avec les producteurs priv�s am�ricains et �trangers.
Ce nouveau rapport du Centre fran�ais sur les Etats-Unis fait suite au policy paper sur " Le Contr�le de l'imagerie satellitaire, un dilemme am�ricain ", publi� en septembre 2001, puis mis � jour dans une version en anglais en mars 2002.
L'objectif initial du pr�sent rapport �tait de pr�senter les r�sultats d'une �tude men�e par le National Security Council (NSC) sur le contr�le de la diffusion de l'imagerie commerciale par le gouvernement am�ricain. Lanc�e au printemps 2001, cette �tude devait s'achever en d�but d'ann�e 2002.
Malheureusement, certaines difficult�s structurelles et conjoncturelles sont apparues et cette �tude officielle n'a pas encore vu le jour. Le groupe de r�flexion charg� de l '�tude �tait une sous-commission particuli�re du Policy Coordinating Committee sur l'espace (PCC-space) cr�� par le NSC. Dans les faits, les efforts du NSC en mati�re spatiale n'ont pas �t� suffisants. L'autorit� au sein des sous-groupes n'�tait pas clairement attribu�e au NSC. Ed Bolton, Director for Space au NSC sous l'autorit� de Frank Miller, n'�tait pas de rang suffisant pour imposer des compromis aux diff�rentes agences r�unies dans le PCC-Space. Surtout, les �v�nements du 11 septembre ont ax� les priorit�s du gouvernement sur l'action et non sur la r�flexion.
La campagne d'Afghanistan a entra�n� des innovations importantes dans les m�canismes de contr�le de la diffusion de l'imagerie. Mais aucune r�flexion d'ensemble n'est intervenue et la situation est pour l'instant confuse. Des changements de personnel � la Maison Blanche vont entra�ner un recadrage dans les mois qui viennent.
A l'automne 2001, seule la compagnie Space Imaging proposait des images � haute r�solution sur le march� commercial. Op�rationnel depuis fin 1999, son satellite Ikonos produit des images � un m�tre de r�solution en mode panchromatique et � 4 m�tres de r�solution en mode multispectral.
Au moment d'entamer l'op�ration Enduring Freedom en Afghanistan, l'administration Bush a voulu s'assurer que ces images ne pouvaient tomber entre des mains hostiles, susceptibles d'en faire un usage militaire. A ce niveau de d�tail, les images pouvaient montrer par exemple la mise en place de bases au sol am�ricaines sur le territoire afghan, le d�placement des troupes am�ricaines sur le terrain, le degr� de visibilit� des infrastructures Talibanes, etc...
Quoique moins facilement avouable car touchant � la censure, il �tait aussi important pour l'administration de contr�ler l'usage de l'imagerie par les m�dias. Fin septembre 2001, Space Imaging �tait d�j� en pourparler avec CNN pour vendre � la cha�ne d'information t�l�vis�e des images des op�rations. Le gouvernement ne pouvait courir le risque de voir sa politique comment�e ou contest�e avec des images, dont la charge �motionnelle est souvent importante.
Depuis l'adoption de la directive PPD-23 en 1994, l'administration disposait d'un m�canisme pour interdire la diffusion d'imagerie commerciale par les entreprises priv�es, en cas de crise. Selon la directive, " le secr�taire au commerce peut d�cider de limiter les op�rations d'un satellite commercial, soit lorsque le secr�taire � la d�fense estime que la s�curit� nationale est en jeu, soit lorsque le secr�taire d'Etat estime que des obligations internationales et/ou des politiques �trang�res pourraient �tre compromises ".
L'op�rateur du satellite doit alors limiter la prise de vue au-dessus du territoire concern� ou restreindre la distribution des images. Qui plus est, les communications entre le satellite et ses stations de r�ception doivent rester accessibles au gouvernement.
Cette proc�dure dite de shutter control faisait l'objet de critiques de la part des m�dias. Notamment, la formulation des conditions dans lesquelles le shutter control pouvait �tre d�clench� �tait beaucoup trop floue. Selon la jurisprudence relative au Premier amendement � la Constitution, qui garantit la libert� de la presse, il faut " un danger clair et pr�sent " ou " une menace s�rieuse et imminente pour la s�curit� nationale " pour justifier une quelconque censure. Depuis 1994, des associations de journalistes avaient signal� leur intention d'intenter un proc�s au gouvernement d�s la premi�re utilisation du shutter control, pour en obtenir la reformulation.
Les producteurs d'imagerie spatiale d�ploraient aussi le choix du m�canisme de shutter control. En cas d'application, les entreprises �trang�res resteraient libres de vendre leurs images des zones en crise et op�reraient sur un march� d'o� la concurrence am�ricaine aurait disparu.
Pour �viter toute complication, le gouvernement a donc adopt� une autre solution pour emp�cher la diffusion de l'imagerie commerciale. Un accord commercial a �t� conclu entre la compagnie Space Imaging et l'agence de renseignement responsable de l 'imagerie (la National Imagery and Mapping Agency, NIMA), accordant � cette derni�re une exclusivit� sur les images prises de l'Afghanistan.
Rendu public le 18 octobre, l'accord a �t� sign� le 5 octobre pour une dur�e de un mois. Pour 1,9 millions de dollars, Space Imaging s'engage � ne plus vendre d'images de 'Afghanistan et de la r�gion (Pakistan, Ouzb�kistan) � d'autres clients que la NIMA. Chaque kilom�tre carr� imag� est factur� 20 dollars et les commandes ne peuvent porter sur moins de 10.000 km � la fois. L'accord a �t� renouvel� le 5 novembre pour un second mois.
Apr�s le 5 d�cembre, l'accord n'a pas �t� renouvel�. La NIMA, redevenue un client comme les autres, a poursuivi ses commandes sans clause d'exclusivit�.
Pour le gouvernement, l'accord de buy-to-deny pr�sentait un certain nombre d'avantages par rapport au shutter control. Tout d'abord, l'entreprise d'imagerie concern�e ne pouvait plus se plaindre d'un manque � gagner, comme dans le cas d'un shutter control interdisant la production. Au contraire, elle a obtenu en deux mois une somme que l'on peut estimer � 13.2 millions de dollars.
L'association Reporter Sans Fronti�res et l'association am�ricaine Radio-Television News Directors Association (RTNDA) se sont plaintes pour leur part de la mesure adopt�e. Dans des lettres adress�es � Donald Rumsfeld, et aux responsables de la NIMA, elles ont compar� le buy-to-deny � de la censure. Elles n'ont toutefois pas intent� de proc�s, probablement parce que leurs chances de l'emporter �taient tr�s minces dans le contexte de l'op�ration Enduring Freedom.
D'un point de vue pratique, l'accord de buy-to-deny �tait aussi plus facile � mettre en place que le shutter control. Ce dernier implique au moins deux secr�taires : le Secr�taire au commerce prend la d�cision sur la demande du Secr�taire � la d�fense ou du Secr�taire d'Etat. C'est une d�cision politique qui implique la responsabilit� du gouvernement. La d�cision du buy-to-deny est en revanche une d�cision commerciale et les n�gociations ont �t� discr�tement men�es par la NIMA.
Enfin, le gouvernement a soulign� la grande utilit� des images Ikonos pour les forces arm�es et les agences de renseignement am�ricaines. Celles-ci peuvent les utiliser pour �tablir la cartographie du territoire, dans le cadre de missions op�rationnelles, ainsi que pour communiquer plus facilement avec les forces alli�es. Les images commerciales ne sont pas classifi�es et peuvent �tre utilis�es sans probl�me lors de briefings interalli�s.
Ce que la presse a rapidement appel� l'accord de buy-to-deny (" acheter pour emp�cher l'utilisation "), la NIMA l'appelle pour sa part l'accord de assured access, c'est-�-dire " d'acc�s assur� ".
L'accord initial semblait inclure une clause d'exclusivit� � perp�tuit� sur les images achet�es. Il semble n�anmoins que les images soient d�j� d�classifi�es et vers�es aux archives de la compagnie. Clients et chercheurs peuvent d�sormais consulter la liste des images command�es par la NIMA � l'automne dernier. Steven Livingstone, professeur � la School of Media and Public Affairs de l'Universit� George Washington a analys� les images command�es par la NIMA pendant les deux mois couverts par l'accord.
Du 5 octobre au 5 d�cembre, un total de 470 000 km carr�s d'imagerie a �t� achet� par la NIMA. Il s'av�re que les images de l'Afghanistan achet�es par la NIMA correspondent bien aux zones de front sur le territoire. Semaine apr�s semaine, elles suivent les m�mes �volutions g�ographiques que les op�rations arm�es.
Selon les conclusions de l'�tude, il est possible que la NIMA ait utilis� les images Ikonos pour dresser des cartes pr�cises et � jour des r�gions en cause. L'administration ne disposait pas de cartes de tout le territoire afghan et il fallait rapidement pallier ce manque. La situation �tait la m�me en 1990, lors des pr�paratifs de l'op�ration Desert Storm. Le Pentagone avait alors achet� des images Spot pour �tablir des cartes du sud de 'Irak. La NIMA a accompli cette mission en interne. Lors de sa cr�ation en 1996, elle a l accueilli les quelques 7000 employ�s de la Defense Mapping Agency (DMA) et l'une de ses missions est la cartographie.
Mais l'utilisation de ces images par les forces arm�es pour des missions op�rationnelles semble avoir �t� plus difficile. La presse s'est fait l'�cho de difficult�s dans l'exploitation effective des images et notamment dans leur transmission aux forces sur le terrain.
Conform�ment � l'accord conclu avec la NIMA, les images de la zone en guerre prises par le satellite Ikonos ne pouvaient �tre transmises � la station de r�ception install�e par Space Imaging dans les Emirats Arabes Unis (� Abou Dhabi). Elles devaient �tre re�ues et trait�es dans les installations de la compagnie sur le territoire am�ricain. Elles �taient donc re�ues dans le Colorado (Denver) et en Alaska (Fairbanks). Elles �taient ensuite envoy�es par e-mail et par courrier sp�cial � la base a�rienne de Bolling, � Washington, DC. Elles y �taient archiv�es par la NIMA, sans doute apr�s leur exploitation pour la cartographie.
Dans un premier temps, le personnel de l'Air Force d�sireux d'utiliser les images Space Imaging devait se rendre sur la base de Bolling, copier les images sur des CD ou des disques durs d'ordinateurs portables, puis envoyer ces donn�es par avion en Arabie Saoudite, o� elles �taient r�ceptionn�es sur la base de l'U.S. Air Force Prince Sultan. Elles pouvaient alors �tre distribu�es aux soldats de l'Air Force dans une quinzaine de sites du th��tre d'op�ration.
Les livraisons de Bolling vers la base Prince Sultan �taient effectu�es une fois par semaine au d�but du conflit. C'est � ce moment-l� qu'elles ont acquis le surnom de Pony Express, du nom des courriers re�us par les pionniers du far West, au XIX�me si�cle. Elles ont ensuite �t� envoy�es plus facilement par satellite, notamment gr�ce au Global Broadcast Service.
Il semble probable que la NIMA a eu des difficult�s � distribuer ce type de renseignement. Il n'y avait pas de proc�dure en place pour organiser la distribution ; les agents, qui manquent encore d'habitude face � ces produits diff�rents, entretiennent une certaine m�fiance envers une source d'approvisionnement qu'ils ne contr�lent pas totalement.
Au-del� de ces difficult�s, certains responsables de l'Air Force et de Space Imaging ont �voqu� � mots couverts la mauvaise volont� de la NIMA. L'agence de renseignement est avant tout soucieuse de maintenir des programmes d'observation " nationaux " importants dans les d�cennies � venir. Or, plus les besoins servis par les entreprises commerciales seront importants, plus les futurs programmes de satellites du NRO pourront �tre r�duits. La NIMA a donc int�r�t � restreindre l'acc�s des forces arm�es � 'imagerie commerciale, afin qu'elles ne prennent pas l'habitude d'utiliser ces nouveaux l produits. Elle veut �viter que les cr�dits destin�s � l'acquisition de syst�mes militaires soient consacr�s � l'achat de produits commerciaux.
Le rapport Rumsfeld de janvier 2001 �value � 50% les besoins en renseignement de la NIMA qui pourraient �tre couverts par de l'imagerie � 50 cm de r�solution. Le satellite QuickBird de l'entreprise DigitalGlobe, op�rationnel au printemps 2002, annonce une r�solution de 61 cm en mode panchromatique. La firme Space Imaging a re�u en d�cembre 2000 une licence pour construire son prochain satellite avec une r�solution de 50 cm. L'offre croissante d'imagerie � haute r�solution forcera sans doute la NIMA � s'adapter.
Au-del� de la communaut� du renseignement et des forces arm�es am�ricaines, les agences f�d�rales civiles font �galement usage d'imagerie spatiale pour mener � bien leur mission. Dans le cadre d'une �tude r�alis�e en 2001 pour le S�nat, le Congressional Research Service a tent� d'�valuer l'ampleur de leur recours � l'imagerie.
Sur un total de 19 agences ou minist�res interrog�s, quinze font usage de donn�es issues de l'observation de la Terre, avec un usage tr�s important pour onze d'entre elles. Parmi les sources d'approvisionnement cit�es figurent les syst�mes gouvernementaux civils (Nasa, NOAA, USGS), les syst�mes commerciaux am�ricains (Space Imaging, OrbView), et les syst�mes �trangers institutionnels et commerciaux (Spot, IRS, ERS, Radarsat). Les syst�mes militaires am�ricains sont plus rarement utilis�s, pour des raisons de classification. Les agences f�d�rales civiles sont des utilisatrices potentiellement importantes de l'imagerie commerciale.
Les budgets qu'elles consacrent � l'achat d'imagerie commerciale sont difficiles � appr�hender. Pour certaines agences comme USAID, ou le D�partement d'Etat, les budgets n'ont pu �tre reconstitu�s, car les fonds sont �parpill�s entre les diff�rents utilisateurs et les types de d�pense (software, personnel, images). D'autres agences, comme le D�partement de l'�nergie, ont un acc�s gratuit aux images de la Nasa et de la NOAA. Ces deux derni�res agences pr�sentent � l'inverse des budgets surdimensionn�s, qui recouvrent la maintenance des syst�mes de donn�es, des infrastructures et des stations-sol et certaines missions op�rationnelles.
Certains autres budgets semblent plus prometteurs : le D�partement de l'agriculture, par exemple, a d�pens� 38.3 millions en imagerie en 2000 et le D�partement des transports (incluant les Coast Guard) en a achet� pour 8 millions en 2001. Mais d'autres chiffres sont trompeurs. Au sein du D�partement de la justice, l'Immigration and Naturalisation Service (INS) a acquis pour 35 millions de dollars d'imagerie en 2001 et a requis 55 millions pour 2002, mais il semble que ces sommes soient consacr�es � l'achat d'imagerie a�rienne (voir d�tail page suivante).
Le total des budgets consacr�s par les agences civiles � l'achat d'imagerie spatiale commerciale semble donc peu �lev� pour l'instant. Le rapport du S�nat mentionne quelques moyens d'augmenter le recours � ce type de produit dans l'avenir. Il recommande par exemple la mise en place de centres de commande d'imagerie uniques au sein de chaque l'administration, afin d'obtenir des prix et des services meilleurs de la part des fournisseurs ; des investissements communs dans le software et dans la formation � l'interpr�tation des images ; la possibilit� d'acqu�rir une licence d'exploitation des images valable pour l'administration enti�re, afin que les agences f�d�rales puissent se communiquer les images entre elles.
Plus l'usage de l'imagerie commerciale se r�pandra dans l'administration, plus il sera difficile pour la NIMA et le NRO de justifier la non-utilisation de ces donn�es.
L'accord d'octobre 2001 est une innovation judicieuse. Il n'est pas s�r qu'il pourra �tre renouvel� dans le futur. Le nombre de fournisseurs am�ricains et �trangers d'imagerie doit s'accro�tre dans les prochaines ann�es. La NIMA ne peut adopter comme m�canisme de s�curit� l'achat toutes les images dangereuses.
Pendant la campagne d'Afghanistan, seul le satellite Ikonos 2 produisait des images � haute r�solution, avec des images optiques � 1 m�tre et des images multispectrales � 4 m�tres. Lors d'une prochaine crise internationale, la NIMA pourrait avoir � acheter la production du satellite QuickBird 2 de DigitalGlobe, (op�rationnel au printemps 2002, r�solutions de 61 cm en mode panchromatique et 2,44 m�tres en mode multispectral), du satellite OrbView 3 d'Orbimage (lancement pr�vu en 2003, r�solutions de un m�tre en mode panchromatique et 4 m�tres en mode multispectral) et d' Ikonos 3 (lancement pr�vu en 2004, 50 cm de r�solution en mode panchromatique). L'achat de toutes les images produites serait sans doute co�teux et al�atoire.
Quant aux entreprises �trang�res, quel que soient leur nombre et la r�solution de leurs images, il est peu probable qu'elles acceptent les propositions d'achat exclusif d'une agence de renseignement am�ricaine comme la NIMA.
Le buy-to-deny a �t� une solution de court terme. De l'aveu des responsables de 'actuelle administration, il n'est pas non plus pensable de revenir au shutter control. L'administration doit donc maintenant s'attacher � trouver un nouveau m�canisme de contr�le.
Les premiers mois de l'administration Bush ont vu un d�sengagement de la Maison Blanche sur les questions spatiales, attribu�es au Pentagone. Le National Security Council (NSC) a nomm� une seule personne en charge de ces questions. Edward Bolton, lieutenant-g�n�ral de l'arm�e de l'Air, r�sumait sa mission en soulignant que l'espace n'�tait pas la priorit� du gouvernement Bush, que ce soit avant ou apr�s le 11 septembre. Les groupes de travail d�pendants du PCC-Space n'ont pas �t� tr�s dynamiques. Certains n'ont pas �t� r�unis une seule fois.
En avril 2002, Gil Klinger a remplac� Ed Bolton au poste de Director for Space. Gil Klinger est un responsable de niveau plus �lev�. Il a �t� Deputy Under Secretary of Defense for Space lors de la cr�ation de cette fonction en 1994. Ce poste a �t� supprim� en 1998 et remplac� par un Assistant Secretary of Defense for Space (qui chapeaute un " Directorat pour l'espace "). Gil Klinger a alors �t� nomm� Director for Policy au National Reconnaissance Office, poste qu'il a conserv� jusqu'en 2002.
Gil Klinger est dot� d'une forte personnalit�. Il a �t� appel� � la Maison Blanche par le Senior Director for Defense and Arms Control Frank Miller, pour reprendre en main le dossier espace. Parmi les th�mes dont il doit s'occuper en premier figurent le contr�le de l 'imagerie, mais aussi le march� des lanceurs, le contr�le des exportations et le dialogue avec les pays �trangers.
Il compte r�affirmer l'autorit� de la Maison Blanche face aux autres entit�s administratives. L'OSTP, la NOAA, le bureau des exportations (BXA) et les autres agences qui participent aux groupes de travail du PCC-Space devront sans doute � nouveau accepter l'autorit� du NSC. Sous la conduite plus �nergique de Gil Klinger, les groupes de r�flexion pourront s'attaquer au probl�me des risques li�s � la diffusion d'imagerie commerciale � haute r�solution.
Autoriser la distribution de l'imagerie � un m�tre de r�solution sur le march� est un risque que l'administration a pris consciemment en 1994. Les concurrents �trangers semblaient se diriger de toute mani�re vers la production de ce type d'imagerie et les Etats-Unis souhaitaient prendre les devants. Il faut maintenant g�rer les risques associ�s � 'ouverture de cette " bo�te de Pandore ".
Kevin O'Connell, senior analyst sur les questions d'imagerie spatiale � la Rand Corporation, a une opinion tranch�e sur la question. Selon lui, il est inutile de s'acharner � contr�ler la diffusion de l'imagerie commerciale en cas de crise, car 'apparition de fournisseurs �trangers rendra ces tentatives de plus en plus illusoires. Tout en pr�cisant qu'il faut conserver les possibilit�s juridiques de restrictions, Kevin O'Connell propose de faire porter les efforts sur la s�curisation en aval.
La Maison Blanche rejoint Kevin O'Connell dans l'id�e que le contr�le par l 'administration am�ricaine ne restera plus �tanche tr�s longtemps. Elle souhaite concentrer ses efforts sur la r�ponse � apporter aux situations o� l'ennemi dispose d'imagerie m�trique. Elle n'abandonne pas totalement l'id�e du contr�le, mais le situe dans une perspective en amont plus globale.
A un stade tr�s peu abouti de la r�flexion des responsables, quelques �l�ments concrets sont mentionn�s pour une nouvelle approche du probl�me.
Acceptant l'id�e que l'ennemi ou la presse disposeront d'imagerie � haute r�solution lors de futures op�rations, le gouvernement doit mettre au point des r�ponses appropri�es.
Pour pr�parer la d�fense des troupes lors d'op�rations ext�rieures, le D�partement de la D�fense devra organiser des exercices militaires sp�cifiques. Des sc�narios dans lesquels l'ennemi disposera, lui aussi, d'imagerie � un m�tre de r�solution, montreront � quels dangers suppl�mentaires les troupes sont expos�es et quelles solutions peuvent �tre apport�es.
L'id�e de prendre de vitesse les forces ennemies dans l'obtention et l'exploitation de l'imagerie figurera sans aucun doute dans les enseignements tir�s de ces exercices. L'imagerie doit parvenir plus vite aux forces am�ricaines qu'aux forces ennemies. Elle doit aussi �tre mieux interpr�t�e. Lors d'une op�ration de type Enduring Freedom, il faudrait par exemple que le satellite Ikonos transmette directement les donn�es � la station de r�ception SpaceImaging situ�e dans les Emirats Arabes Unis, que les meilleurs logiciels et photo-interpr�tes l'interpr�tent rapidement, et que les informations soient aussit�t envoy�es aux troupes sur le terrain. Le d�lai total ne devrait pas exc�der 24 heures.
Il est probable que les forces ennemies ne pourraient obtenir l'imagerie aussi rapidement et ne sauraient pas l'exploiter aussi bien. La diffusion d'imagerie aupr�s d'elles serait moins dangereuse dans ces conditions.
L'Office of Homeland Security, � la Maison Blanche doit coordonner la r�flexion en ce qui concerne la s�curit� int�rieure. La pr�paration consistera � voir quelle information op�rationnelle l'imagerie m�trique peut apporter pour pr�parer une action hostile sur le territoire am�ricain. Il faudra par exemple recenser les cibles potentielles aux Etats-Unis : a�roports, centrales nucl�aires, bases militaires, r�servoirs d'eau potable... Leur s�curisation passe par le camouflage et/ou le renforcement des structures, la r�vision des droits d'acc�s aux installations, la restriction des droits de survol et une mise en alerte des forces a�riennes.
L'acc�s des m�dias aux images est un autre probl�me. La presse ou les ONG v�rificatrices (comme par exemple GlobalSecurity.com, dirig�e par John Pike) peuvent questionner la politique du gouvernement sur la base d'images accusatrices. La pr�vention de ce risque tr�s sp�cifique est d�licate. Le gouvernement am�ricain peut soit engager un dialogue avec les m�dias am�ricains, soit exercer un droit de censure et de saisie. Mais cette seconde d�fense est illusoire. La transmission de l'information est devenue aujourd'hui trop rapide pour que les autorit�s f�d�rales puissent agir � temps ; l 'internet et les m�dias �trangers restent quant � eux difficilement contr�lables.
Pour l'instant, le manque de fournisseurs d'imagerie m�trique et la loyaut� des m�dias am�ricains fournissent un garde-fou. Mais il n'y a pas de solution claire au probl�me qui risque de se poser dans l'avenir.
L'administration doit �tudier une nouvelle m�thode de contr�le de la diffusion de l 'imagerie. Celle-ci ne passera plus par l'interdiction de produire ou l'acquisition de droits d'exclusivit�. Il lui faut sans doute exercer une influence tr�s en amont sur la production.
Les entreprises survivent � l'heure actuelle gr�ce aux achats institutionnels. Mais ceux-ci sont trop limit�s pour permettre aux entreprises de d�coller. Compte-tenu des besoins en imagerie qui peuvent �tre couverts par ces entreprises et leurs syst�mes, le gouvernement semble envisager d'accro�tre sensiblement le volume de ses achats, afin de mener ces entreprises � une sorte de prosp�rit�.
La direction de la NIMA a mentionn� une nouvelle Commercial Imagery Strategy (dite CIS 2001), qui remplacerait la CIS de 1998. Elle mettrait en place une " nouvelle alliance strat�gique " fond�e sur plusieurs �l�ments : la planification � l'avance des achats d'imagerie commerciale par la NIMA, pour permettre aux entreprises d'investir dans leurs syst�mes futurs ; le transfert d'exigences de plus en plus raffin�es, notamment le traitement de l'information, vers le secteur priv�. Le NRO serait soulag� d'une partie de ses missions en r�solution m�trique et basse.
Il faut pour cela que la NIMA obtienne des fonds tr�s importants du Congr�s. L'application des CIS pr�c�dentes a montr� que les parlementaires am�ricains ne votaient toujours les budgets demand�s pour l'achat d'imagerie commerciale par les agences de renseignement. Pour que la nouvelle architecture fonctionne, il faut aussi que le personnel de la NIMA accepte d'utiliser et de diffuser effectivement l'imagerie commerciale aupr�s de l'ensemble des forces. L'exp�rience de l'op�ration Enduring Freedom a montr� que certains officiers de renseignement pr�f�rent conserver les financements pour leurs propres syst�mes et r�sistent � l'�volution en cours.
A terme, l'application de la CIS 2001 signifierait que les entreprises d'imagerie commerciale am�ricaines seraient tr�s fortement int�gr�es dans l'architecture de renseignement f�d�rale. Il leur deviendrait difficile de d�sob�ir aux souhaits du gouvernement en cas de crise. Le gouvernement b�n�ficierait d'un droit d'exclusivit� implicite.
S'il parvient � se mettre en place, un tel syst�me serait l'objet de critiques : l 'exclusivit� gouvernementale irait � l'encontre des principes de l'ONU de 1986, selon lesquels un pays observ� par un syst�me commercial doit pouvoir acheter les images en question. Ce serait aussi la fin durable des efforts des entreprises pour se d�velopper sur un march� civil et priv�. Les entreprises am�ricaines n'auraient plus de commercial que le nom et constitueraient en r�alit� un syst�me para-public.
Le D�partement d'Etat aura la responsabilit� d'entamer des discussions avec les pays qui poss�dent des syst�mes commerciaux. Selon la Maison Blanche, l'harmonisation des m�thodes de contr�le semble un objectif tr�s ambitieux � ce stade : la plupart des pays producteurs n'ont pas encore de syst�me de contr�le particulier.
Les images vendues par les entreprises non-am�ricaines restent de r�solution plus grossi�re et pr�sentent pour l'instant moins de danger en termes de s�curit�. Lors de la campagne d'Afghanistan, par exemple, Spot Image a re�u peu de commandes de la presse, car les images disponibles (Spot 1, 2 et 4, r�solution de 10 m�tres en mode panchromatique) n'�taient finalement pas assez parlantes pour le public.
C'est pour cette raison que l'entreprise fran�aise se contente actuellement de respecter les d�cisions de l'ONU. Il peut s'agir d'embargos, comme celui qui s'applique � l'Irak, mais surtout des r�solutions plus sp�cifiques de 1986 sur l'imagerie. En accord avec ces r�solutions, Spot Image garantit l'acc�s des pays observ�s aux photographies prises, dans des d�lais et pour un prix raisonnable. Le gouvernement fran�ais n'a pas adopt� pour l'instant de m�canisme de contr�le plus strict.
Mais les satellites commerciaux non-am�ricains progressent eux aussi vers des r�solutions plus fines, aux alentours de deux m�tres. Le satellite isra�lien Eros s'approche de la r�solution m�trique avec une r�solution de 1,8 m�tres. Spot 5, qui vient d'�tre lanc�, pr�sente une r�solution de 2,5 m�tres. Rocsat pour la Cor�e et Alos pour le Japon, dont les lancements sont pr�vus pour 2003 et 2004 respectivement, auront tous les deux une r�solution proche de 2 m�tres en mode panchromatique. La compagnie russe SovinformSpoutnik semble poss�der actuellement un syst�me op�rationnel d'une r�solution de 2 m�tres. L'Inde pr�voit le lancement du satellite de cartographie IRS-P5 pour 2002 - 2003. L'int�r�t de l'imagerie � deux m�tres reste plus limit�e pour des utilisateurs hostiles ou pour les m�dias.
Si son syst�me de satellites � r�solution m�trique Pl�iades est d�ploy� dans la seconde partie de la d�cennie, Spot Image proposera alors des images potentiellement plus dangereuses. Les d�bats interminist�riels d�j� entam�s en France devront alors aboutir � l'adoption d'une politique de contr�le plus stricte.
La coordination de ces futurs m�canismes de contr�le avec ceux qui existeront aux Etats-Unis reste � inventer. Dans les situations de crise internationale post-guerre froide, la France, de m�me que la Russie et Isra�l, sont le plus souvent dans le m�me camp que les Etats-Unis. Un dialogue informatif et pr�paratoire doit �tre d�s � pr�sent entam�. Le D�partement d'Etat fera conna�tre ses positions et ses vuln�rabilit�s, puis appr�hendera la mani�re dont les administrations �trang�res envisagent d'�ventuels contr�les.
Une partie de ce dialogue portera sur la r�forme possible des proc�dures de contr�le des exportations de mat�riel sensible am�ricain. Les restrictions ne doivent plus �tre simplement fond�es sur la r�solution des images, mais pourraient prendre en compte les alli�s destinataires des exportations et la nature des technologies consid�r�es.
Il devrait �tre possible de n�gocier une harmonisation des attitudes des pays alli�s en cas de crise. Ceci ne sera pas forc�ment vrai pour des pays comme la Chine ou l'Inde. Le contr�le des syst�mes commerciaux �trangers doit donc aussi pouvoir reposer, en fin de compte, et selon la gravit� du danger ressenti par les Etats-Unis, sur des syst�mes militaires.
En conclusion, l'�volution qui se dessine semble constituer une certaine reformulation du concept d' information dominance. Ce concept �labor� dans les ann�es 1990 a �t� largement adopt� par le Pentagone sous l'administration Clinton. Il pr�voit la ma�trise de l'information, notamment spatiale et commerciale, dans un but de domination militaire :
" Information dominance may be defined as superiority in the generation, manipulation, and use of information sufficient to afford its possessors military dominance. "
Un �l�ment important de l'information dominance est la possibilit� d'entraver l'acc�s de l'ennemi � l'information.
Au lendemain de l'op�ration Enduring Freedom, l'administration Bush repense son approche. Elle doit accepter la possible diffusion de l'imagerie spatiale. Les solutions explor�es passent par un dialogue tr�s en amont avec les producteurs am�ricains et �trangers, une utilisation de l'imagerie meilleure et plus rapide que l'ennemi pendant les crises, la pr�paration d�s � pr�sent des ripostes � la diffusion de l'imagerie.