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Jean Klein Les chances et la signification d'une politique europ�enne de s�curit� et de d�fense dans le nouveau contexte international IFRI http://www.ifri.org/frontDispatcher/ifri/publications/publications_en_ligne_1044623469287/publi_P_publi_klein___1059642516990#

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french
Les chances et la signification d'une politique europ�enne de s�curit� et de d�fense dans le nouveau contexte international Jean Klein

La crise provoqu�e par l'intervention arm�e contre l'Irak pour le contraindre � respecter les termes de la r�solution 1441 du Conseil de s�curit� avant que la mission des inspecteurs de l'United Nations Monitoring, Verification and Inspection Commission (UNMOVIC) soit achev�e a �branl� les fondations du syst�me international et mis en �vidence les " fractures " de l'Europe. En l'occurrence, des analystes n'ont pas h�sit� � voir dans la strat�gie mise en oeuvre par les Etats-Unis une violation des normes inscrites dans la charte de San Francisco et, dans leur penchant pour l'unilat�ralisme, une contestation radicale de la responsabilit� qui incombe � l'Organisation des Nations unies (ONU) pour le maintien et le r�tablissement de la paix. L'Organisation du trait� de l'Atlantique Nord (OTAN), dont la fonction initiale �tait la d�fense collective contre la menace sovi�tique et qui est demeur�e, apr�s l'effondrement de l'ordre bipolaire, l'une des principales organisations de s�curit� dans " l'espace euro-atlantique " serait, elle aussi, vou�e au d�p�rissement, les Am�ricains pr�f�rant cr�er des alliances ad hoc pour d�fendre leurs int�r�ts et lutter contre le terrorisme (coalition of the willings) plut�t que de voir leur libert� d'action entrav�e par les contraintes d'une d�cision collective. Enfin, la construction d'une Europe de la d�fense serait compromise non seulement en raison de l'opposition de l'Administration de George W. Bush � la r�alisation de ce projet, mais �galement du fait des divisions des Europ�ens et de l'all�geance atlantique de la plupart des pays d'Europe centrale et orientale qui seront admis dans l'Union europ�enne (UE) en mai 2004.

Il ne saurait �tre question de v�rifier le bien-fond� de ces jugements, ni de nous livrer � des sp�culations sur la l�galit� de la guerre contre l'Irak ou de mesurer son impact sur la configuration du syst�me international et les �quilibres au Moyen-Orient. Notre propos est plus modeste et se bornera � l'examen des cons�quences de cette crise sur l'organisation de la s�curit� en Europe et l'avenir des relations transatlantiques. Il convient en effet de se demander si les divergences entre Europ�ens qui se sont manifest�es � cette occasion annoncent une mutation radicale de la politique europ�enne de s�curit� et de d�fense (PESD), sinon son abandon pur et simple, ou s'il ne s'agit que d'une crise passag�re qui ne met pas en question les options fondamentales prises par l'UE apr�s la guerre du Kosovo et ent�rin�es par le Conseil d'Helsinki en d�cembre 1999. On sait que ce projet a suscit� d'embl�e des r�serves de la part des Etats-Unis et que le pr�sident Bush ne lui a pas m�nag� ses critiques lors de son premier voyage en Europe, en juin 2001 ; dans ses interventions au si�ge de l'OTAN et au Conseil europ�en de G�teborg (Su�de), il reprocha notamment aux Europ�ens l'insuffisance de leur effort de d�fense et d�non�a leur pr�tention � mener une politique ind�pendante alors qu'ils n'en avaient pas les moyens. Le fait est que la plupart des Etats europ�ens n'�taient pas pr�ts � faire les sacrifices n�cessaires pour r�duire l'�cart entre leurs capacit�s militaires et celles des Etats-Unis et que la PESD restait un objectif lointain.

Quelques mois plus tard, les attentats terroristes de New York et de Washington cr�aient une situation nouvelle et donnaient lieu � l'expression d'une solidarit� sans faille des Europ�ens avec les Etats-Unis. L'article 5 du trait� de l'Atlantique Nord fut invoqu� � cette occasion et les actes terroristes perp�tr�s le 11 septembre 2001 sur le territoire am�ricain furent qualifi�s " d'attaque arm�e ". Mais, par un curieux paradoxe, la lutte contre les r�seaux Al-Qaida et le r�gime des Talibans qui leur offrait un refuge en Afghanistan a �t� men�e en dehors du cadre de l'Alliance et les Etats-Unis ont tenu pour quantit� n�gligeable le concours de leurs alli�s europ�ens, � l'exception de celui du Royaume-Uni, qui a �t� associ� d�s l'origine � l'op�ration militaire baptis�e " Libert� immuable " (Enduring Freeedom). D'aucuns ont interpr�t� cette attitude comme la confirmation de la tendance � l'unilat�ralisme am�ricain et y ont vu le signe avant-coureur du d�p�rissement de la fonction militaire de l'alliance. D'autres, au contraire, ont soulign� l'utilit� de l'OTAN comme cadre de concertation des politiques de s�curit� des Etats membres et consid�rent son �largissement comme un moyen de projeter de la stabilit� dans les r�gions o� les tensions ethniques et les contentieux h�rit�s de la guerre froide pourraient d�g�n�rer en conflits ouverts. Ces deux tendances ont �t� confirm�es par l'�volution ult�rieure de l'OTAN, qui n'a jou� aucun r�le dans la guerre contre l'Irak mais a accueilli sept nouveaux Etats qui faisaient partie de l'organisation du Pacte de Varsovie, voire de l'Union sovi�tique, comme les trois Etats baltes. La d�cision a �t� prise lors de la r�union au sommet du Conseil atlantique � Prague (20 - 21 novembre 2002) sans soulever d'objections majeures de la part de la Russie et le S�nat am�ricain l'a approuv�e � l'unanimit� le 8 mai 2003.

Enfin, s'il est entendu que la PESD doit s'inscrire dans le cadre de l'Alliance et favoriser le d�veloppement des relations transatlantiques, il ne semble pas que les Etats-Unis adh�rent sans r�serve � un projet dont la r�alisation pourrait conf�rer � l'UE des moyens de d�cision et d'action autonomes. Ce qui leur importe avant tout est l'accroissement de l'effort de d�fense des Europ�ens et une r�partition plus �quitable des charges militaires au sein de l'Alliance (burden sharing). Quant � la force de r�action rapide dont la cr�ation a �t� d�cid�e par le Conseil europ�en d'Helsinki (d�cembre 1999) et qui devrait �tre op�rationnelle � la fin de l'ann�e 2003, elle restera encore longtemps tributaire des moyens de l'OTAN et ne pourra �tre engag�e efficacement que si l'on parvient � rem�dier aux carences dont elle souffre, plus particuli�rement dans les domaines suivants : transport � longue distance, communications par satellites, observation spatiale, munitions guid�es avec pr�cision.

Or, le fl�chissement des d�penses militaires dans la plupart des Etats membres de l'UE ne laisse pas pr�sager un redressement de la situation � court et � moyen terme et, si cette tendance n'est pas invers�e, on peut craindre que l'interop�rabilit� des forces alli�es ne soit plus assur�e d�s lors qu'il s'agira de mener des actions communes pour le maintien et le r�tablissement de la paix dans le nouveau contexte international. En outre, la coop�ration europ�enne pour la production d'armements pi�tine ou subit des vicissitudes en raison de la faible int�gration des industries qui travaillent pour la d�fense, et les engagements pris en vue de pr�server les moyens de recherche et technologie (R&T) existant sur notre continent resteront lettre morte si leur financement n'est pas garanti. Enfin, les controverses sur les modalit�s d'acc�s de l'UE � des capacit�s pr�d�termin�es de l'OTAN ont mis en lumi�re les sources de conflits avec les alli�s non membres de l'UE.

Ainsi, la Turquie, qui est particuli�rement vuln�rable aux nouveaux risques du fait de sa situation g�ographique, a manifest� l'intention d'�tre associ�e � un stade pr�coce � la pr�paration et � la mise en oeuvre des op�rations de gestion des crises et d'imposition de la paix qui seraient conduites par l'UE. Cette pr�tention a �t� jug�e exorbitante par les Etats membres, qui y voyaient une atteinte � leur libert� d'action, mais la Turquie pouvait faire valoir qu'elle b�n�ficiait nagu�re du statut de membre associ� de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) et qu'il serait convenable de lui conf�rer des droits �quivalents vis-�-vis de l'UE apr�s la d�cision de fusion de ces deux organisations. Au terme de n�gociations laborieuses, on est parvenu � s'entendre en d�cembre 2001 sur une formule de compromis gr�ce � la m�diation des Etats-Unis et du Royaume-Uni, mais la Gr�ce continuait d'�mettre des objections, ce qui rendait probl�matique l'acc�s garanti de l'UE aux moyens de l'OTAN. En d�finitive, cette hypoth�que a �t� lev�e en d�cembre 2002 et l'UE a pu prendre, en mars 2003, la rel�ve de l'OTAN pour la conduite de l'op�ration " Concordia ", dont l'objet est la surveillance de l'accord d'Ohrid qui avait mis un terme aux affrontements interethniques en Mac�doine.

Si l'obstruction turque a d�fray� la chronique de la d�fense europ�enne au cours des deux derni�res ann�es, on ne saurait faire abstraction de l'attitude tout aussi distante � l'�gard de la PESD des trois nouveaux membres de l'OTAN - la Pologne, la Hongrie et la R�publique tch�que -, qui redoutent d'�tre marginalis�s dans le processus de d�cision de l'UE et privil�gient l'organisation de la s�curit� dans le cadre atlantique. Ce penchant s'est manifest� avec �clat lors de la guerre anglo-am�ricaine contre l'Irak � laquelle ils ont apport� leur concours, et la Pologne a fait preuve, en l'occurrence, d'un exc�s de z�le qui s'est traduit par le choix d'un avion am�ricain - le F-16 - pour �quiper son arm�e de l'air et l'obtention d'une zone d'occupation en Irak dans le cadre de l'administration provisoire de ce pays apr�s la chute du r�gime de Saddam Hussein. Il convient donc de faire le point sur les acquis de la PESD en rappelant que les questions d�battues aujourd'hui correspondent � des pr�occupations anciennes et que le processus se poursuit en d�pit des vicissitudes de la politique imp�riale des Etats-Unis et des clivages qui sont apparus au sein de l'UE entre les " atlantistes " et les tenants d'une " Europe europ�enne ".

Les prodromes d'une politique europ�enne de d�fense

La d�fense europ�enne est un th�me r�current dans les relations transatlantiques depuis les ann�es 1950, et elle a �t� une source de malentendus apr�s l'inflexion de la strat�gie am�ricaine qui tendait � substituer la riposte gradu�e (flexible response) � la menace du recours imm�diat � l'arme nucl�aire (massive retaliation) pour garantir la s�curit� de l'Europe occidentale. Lorsque les Europ�ens �mettaient des doutes sur les vertus dissuasives de cette nouvelle posture et tentaient de faire valoir leurs int�r�ts de s�curit� sp�cifiques au sein de l'Alliance, ils se heurtaient g�n�ralement aux objections des dirigeants am�ricains, qui leur reprochaient d'affaiblir l'OTAN par des actions divergentes. Certes, les aspirations � une " d�fense europ�enne de l'Europe " �taient surtout le fait des Fran�ais, et le g�n�ral de Gaulle avait donn� le ton � la fois par son m�morandum de septembre 1958 relatif � la cr�ation d'un " directoire " au sein de l'Alliance et par les plans Fouchet (1960 - 1961) qui tendaient � favoriser l'affirmation d'une identit� europ�enne dans le cadre des communaut�s institu�es par les trait�s de Rome de 1957. Ces projets se heurt�rent � des oppositions tr�s vives et furent rejet�s par les partenaires de la France. Mais la question resurgit dix ans plus tard apr�s la signature du premier accord sovi�to-am�ricain sur la limitation des armements strat�giques (SALT-I), en mai 1972.

La stabilisation de l'�quilibre sur lequel reposait la dissuasion r�ciproque et les dispositions prises ult�rieurement par les deux protagonistes pour ne pas �tre entra�n�s dans un conflit suicidaire par le comportement de tierces puissances (accord sur la pr�vention de la guerre nucl�aire du 22 juin 1973) avaient fait na�tre des doutes sur la solidit� de la garantie offerte par les Etats-Unis et avaient incit� le gouvernement fran�ais � faire de l'UEO un cadre de r�flexion sur les perspectives d'une d�fense europ�enne. Le ministre de la D�fense, Michel Debr�, et le ministre des Affaires �trang�res, Michel Jobert, firent des suggestions � cet �gard dans leurs interventions devant l'Assembl�e de l'UEO, respectivement en 1972 et 1973, mais leurs appels ne furent pas entendus. Une derni�re tentative pour r�veiller la " Belle au bois dormant " du palais d'I�na fut faite dans le contexte de la crise des " euromissiles ", provoqu�e par le d�ploiement des fus�es sovi�tiques SS-20 et la d�cision de l'OTAN de relever le d�fi en modernisant ses armes nucl�aires de th��tre. En octobre 1984, le Conseil des ministres de l'UEO d�cida de r�activer cette organisation, en pr�cisant que la concertation des politiques de s�curit� des Etats membres et la d�finition �ventuelle d'une position commune en mati�re de d�fense n'auraient pas pour objet de battre en br�che l'OTAN mais de r��quilibrer les relations transatlantiques. En d�pit de ces pr�cautions rh�toriques et de l'adoption, en 1987, de la plate-forme de La Haye, qui postulait une plus grande autonomie des Europ�ens dans le domaine de la d�fense, les choses rest�rent en l'�tat. L'identit� europ�enne en mati�re de s�curit� et de d�fense n'avait pu s'affirmer en raison de la persistance de l'antagonisme Est-Ouest et du sentiment dominant en Occident que l'OTAN �tait la seule parade efficace contre une attaque arm�e venant de l'Est et le garant de l'engagement des Etats-Unis sur le continent.

Il en ira autrement apr�s l'effondrement de l'ordre bipolaire et la conclusion du trait� de Maastricht (7 f�vrier 1992) qui consacrait dans son titre V le principe d'une politique �trang�re et de s�curit� commune (PESC) et ouvrait les perspectives d'une " d�fense commune " (art. J.4.1). A cet �gard, la coop�ration franco-allemande a jou� un r�le moteur, mais il ne faut pas se dissimuler que les relations sp�ciales qui s'�taient d�velopp�es entre Paris et Bonn depuis la signature du trait� de l'Elys�e du 22 janvier 1963 ont souvent �t� per�ues comme l'expression d'une politique tendant � consacrer leur primaut� dans les conseils europ�ens. Il n'est donc pas surprenant que les initiatives prises par le chancelier Kohl et le pr�sident Mitterrand en vue de doter l'UE de capacit�s militaires propres aient �t� accueillies froidement et que l'annonce, en octobre 1991, de la cr�ation d'un corps franco-allemand susceptible de se muer en une force europ�enne autonome ait suscit� des critiques ouvertes de la part de pays comme les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. Les Etats-Unis eux-m�mes ont pris position dans cette querelle et, dans son discours d'ouverture � la r�union au sommet du Conseil atlantique de Rome, le 7 novembre 1991, le pr�sident Bush avait laiss� percer son irritation et n'avait pas h�sit� � brandir la menace d'un d�sengagement am�ricain si les Europ�ens ne voulaient en faire qu'� leur t�te. Comme nul ne songeait � rompre le lien transatlantique, on parvint � s'accorder sur une formule de compromis qui tentait de concilier les obligations d�coulant du trait� de Washington avec les exigences d'une participation accrue des Europ�ens � la d�fense commune et � des op�rations de maintien et d'imposition de la paix en dehors de la zone couverte par l'OTAN. Au demeurant, l'initiative franco-allemande tendait moins � la cr�ation d'une organisation militaire int�gr�e selon le mod�le de la Communaut� europ�enne de d�fense (CED) qu'au r��quilibrage des relations euro-am�ricaines dans le cadre d'une Alliance r�nov�e.

Ult�rieurement, les Etats-Unis ne virent plus d'objections � l'affirmation d'une identit� europ�enne en mati�re de s�curit� et de d�fense (IESD) et admirent que l'UEO, qui avait vocation � devenir le " bras arm� " de l'UE, et l'OTAN, qui conservait ses pr�rogatives traditionnelles, �taient compl�mentaires � certains �gards. Ces convergences se refl�tent dans la d�claration des chefs d'Etat et de gouvernement adopt�e � l'issue de la r�union du Conseil atlantique de Bruxelles, le 11 janvier 1994. Tous les Etats membres apportent leur " plein appui au d�veloppement d'une identit� europ�enne de s�curit� et de d�fense ", qui pourrait conduire � terme, comme le pr�voyait le trait� de Maastricht, � " une d�fense commune compatible avec celle de l'Alliance atlantique " ; ils soutiennent " le renforcement du pilier europ�en de l'Alliance " et se f�licitent de " la coop�ration �troite et croissante entre l'OTAN et l'UEO " ; enfin, ils appuient " le d�veloppement de capacit�s s�parables mais non s�par�es " qui pourraient �tre mises � la disposition de l'UEO ou de l'OTAN pour leur permettre de " conduire avec plus d'efficacit� et de souplesse leurs missions, y compris le maintien de la paix ". C'est ainsi que s'imposa le concept de " groupes de forces interarm�es multinationales " (GFIM), groupes qui pourraient �tre mis � la disposition de l'UEO pour remplir des missions de paix auxquelles les Am�ricains ne souhaiteraient pas s'associer ou pour faciliter des " op�rations dict�es par les circonstances, y compris les op�rations auxquelles participeraient les pays ext�rieurs � l'Alliance ". D�s lors, les Etats-Unis ne virent plus d'objection de principe � l'expression d'une volont� plus affirm�e des Europ�ens de prendre en charge leur d�fense et d'assumer des responsabilit�s accrues pour le maintien et le r�tablissement de la paix et de la s�curit� internationales. A condition toutefois que ces actions fassent l'objet d'une concertation �troite entre les alli�s et se d�roulent avec l'aval de l'OTAN.

Au cours des ann�es suivantes, les progr�s sur la voie d'une politique europ�enne de s�curit� et de d�fense (PESD) ont �t� assez lents et, � la veille du sommet franco-britannique de Saint-Malo (4 d�cembre 1998), le constat auquel on pouvait proc�der ne pr�tait pas � l'optimisme : la PESC �tait en " panne ", le concept des GFIM n'avait pu �tre appliqu� et la seule structure militaire coh�rente dans l'espace euro-atlantique �tait l'OTAN. Il fallut attendre le revirement de la politique europ�enne du Royaume-Uni � l'automne 1998 et la prise de conscience par les Europ�ens de leurs carences dans le domaine des technologies de pointe pendant la " guerre du Kosovo " pour que des mesures significatives soient prises en vue de la mise en oeuvre d'une PESD.

L'amorce d'une politique europ�enne de s�curit� et de d�fense (PESD)

En application des lignes directrices du Conseil europ�en de Cologne (3 - 4 juin 1999), les Etats membres de l'UE ont manifest� la volont� de se doter d'une " capacit� d'action autonome s'appuyant sur des capacit�s militaires cr�dibles ainsi que des instances et des proc�dures de d�cision appropri�es ". Six mois plus tard, � l'issue du Conseil europ�en d'Helsinki (10 - 11 d�cembre 1999), ils se fixaient comme objectif global " d'�tre en mesure, d'ici l'an 2003, de d�ployer dans un d�lai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une ann�e des forces militaires pouvant atteindre 50 000 � 60 000 hommes, capables d'effectuer l'ensemble des missions de Petersberg " ; il �tait �galement pr�vu de cr�er de nouveaux organes et de nouvelles structures politiques pour permettre � l'UE d'assurer l'orientation politique et la direction strat�gique n�cessaires � ces op�rations ; enfin, des mesures seraient prises pour assurer " une consultation, une coop�ration et une transparence pleines et enti�res entre l'UE et l'OTAN " et pour permettre � des Etats europ�ens membres de l'OTAN qui n'appartiennent pas � l'UE et � d'autres Etats concern�s de contribuer � la gestion militaire d'une crise sous la direction de l'UE.

Lors de la conf�rence d'engagement de capacit�s militaires qui s'est tenue � Bruxelles le 20 novembre 2000, les Etats membres de l'UE ont dress� un " catalogue de forces " correspondant � l'objectif global d�fini � Helsinki, tout en relevant que certaines capacit�s ont besoin d'�tre am�lior�es, notamment dans le domaine dit " strat�gique " : renseignements, transport a�rien et naval, �tats-majors pour commander et contr�ler les forces, d�fense contre les missiles, armes de pr�cision, soutien logistique, outils de simulation, etc.. Le mois suivant, le Conseil europ�en de Nice (7 - 9 d�cembre 2000) d�cidait la cr�ation des organes permanents politiques et militaires suivants : Comit� politique et de s�curit� (COPS), Comit� militaire de l'Union europ�enne (CMUE) et Etat-major de l'Union europ�enne (EMUE) et d�finissait leur composition, leurs comp�tences et leur fonctionnement.

Par ailleurs, pour �viter des duplications inutiles, il �tait pr�vu que l'UE pourrait recourir aux moyens et aux capacit�s de l'OTAN, et le paragraphe 10 du communiqu� final du Conseil atlantique de Washington (24 avril 1999) visait notamment " la garantie d'acc�s � des capacit�s de planification de l'OTAN, la pr�somption de disponibilit� au profit de l'UE de moyens communs d�sign�s � l'avance et l'identification d'une s�rie d'options de commandement europ�en pour renforcer le r�le de l'adjoint au SACEUR " (Supreme Allied Commander Europe). Or, du fait des rivalit�s gr�co-turques, cette question n'a �t� tranch�e qu'� la fin de l'ann�e 2002, � la veille de la prise en charge par l'UE de l'op�ration " Concordia " en Mac�doine. En revanche, la planification d'une op�ration europ�enne qui ne serait pas tributaire des moyens de l'OTAN soul�ve moins de difficult�s puisqu'elle serait confi�e � un �tat-major de niveau strat�gique d'un pays membre de l'UE. A cet �gard, on laisse entendre que le niveau op�ratif pourrait �tre repr�sent� par l'�tat-major interarm�es britannique ou par le poste de commandant des forces interarm�es fran�aises. Enfin, des dispositions ont �t� prises pour organiser la participation aux missions de Petersberg des pays alli�s non membres de l'UE, �tant entendu que les relations que celle-ci entretiendrait avec les pays associ�s � ce type d'op�rations seraient plac�es sous le signe de " la consultation, de la coop�ration et de la transparence totales ".

En 2001, le processus de la PESD �tait bien engag� et certains estimaient que, si le rythme initial �tait maintenu, l'UE atteindrait le but qu'elle s'�tait fix� (headline goal) dans les d�lais pr�vus. D'autres se montraient plus circonspects et doutaient que l'�ch�ance de 2003 p�t �tre respect�e pour la constitution d'une force de r�action rapide capable de conduire l'ensemble des op�rations vis�es par la d�claration de Petersberg. C'est que tous les Etats membres de l'UE n'adh�raient pas au projet d'une " Europe puissance " et n'�taient pas dispos�s � consentir les sacrifices n�cessaires � sa r�alisation. En outre, une PESD n'a de signification que si elle repose sur des capacit�s de d�cision et d'action autonomes qui feraient de l'UE un v�ritable partenaire des Etats-Unis. Or, les dirigeants am�ricains ne l'entendaient pas de cette oreille et s'accommodaient difficilement d'une �volution qui se traduirait par une mise en question de leur primaut� au sein de l'Alliance. De nombreux Etats europ�ens leur embo�taient le pas et redoutaient que les " dissonances transatlantiques " ne renforcent les courants favorables au d�sengagement am�ricain et n'affaiblissent la communaut� de s�curit� que constitue l'OTAN.

La question centrale est donc celle de la fonction qui incombe � l'Alliance dans le nouveau contexte international et de sa compatibilit� avec la mise en oeuvre d'une PESD. A cet �gard, les opinions sont partag�es, les uns consid�rant que l'Europe de la d�fense ne peut s'affirmer que si elle s'�mancipe de la tutelle am�ricaine, alors que d'autres ne con�oivent pas qu'elle puisse se r�aliser contre les Etats-Unis ni sans leur concours. La France est en faveur de l'inscription de la politique de d�fense europ�enne dans le cadre de l'Alliance, mais d'une Alliance r�nov�e o� le partage du fardeau se traduirait �galement par un partage des responsabilit�s. Pour dissiper toute �quivoque � cet �gard, le pr�sident de la R�publique avait soulign� dans son discours du 8 juin 2001, devant l'Institut des hautes �tudes de d�fense nationale (IHEDN), que " l'Europe de la d�fense renforce l'OTAN par l'affirmation d'un partenariat d'autant plus solide qu'il sera mieux �quilibr� " et le ministre des Affaires �trang�res, Hubert V�drine, s'�tait exprim� en termes similaires dans un entretien avec le quotidien Le Monde (13 juin 2001) en laissant entendre que " la d�fense europ�enne n'est pas seulement bonne pour l'Europe, mais aussi pour l'Alliance ".

Depuis lors, les incertitudes sur l'avenir de la PESD n'ont pas �t� dissip�es et la crise provoqu�e par la politique am�ricaine vis-�-vis de l'Irak n'a fait qu'exacerber les contradictions au sein de l'UE. Dans un article publi� dans la revue Policy Review, et dont de larges extraits ont �t� reproduits dans la presse europ�enne, un ancien haut fonctionnaire du d�partement d'Etat, Robert Kagan a exalt� la puissance militaire am�ricaine, mise au service d'une " civilisation de libert� et d'un ordre du monde lib�ral " et d�nonc� l'incapacit� des Europ�ens � parer les menaces des " Etats voyous ", du terrorisme et de la prolif�ration des armes de destruction massive autrement que par des moyens diplomatiques. La cause la plus importante des divergences entre l'Europe et les Etats-Unis r�siderait dans la vision ir�nique des relations internationales de celle-l� et dans la volont� de ceux-ci d'user de la force pour garantir l'ordre dans le monde anarchique d�crit par Hobbes. On peut discuter cette th�se, mais elle contient une part de v�rit�, comme l'a soulign� Hubert V�drine dans un entretien avec la revue Enjeux (novembre 2002). A ses yeux, " les Fran�ais sont les seuls � vouloir une Europe puissance alors que nos partenaires imaginent plut�t une grande Suisse ". Mais il n'exclut pas que les pr�tentions de l'hyperpuissance am�ricaine provoquent un choc salutaire et que les Europ�ens " piqu�s au vif d�cident qu'ils ont eux aussi une responsabilit� pour l'�quilibre, l'�quit� et la s�curit� du monde ". Jusqu'� pr�sent, les ambitions affich�es par les Etats membres de l'UE sont modestes puisqu'ils ne visent que l'acquisition des moyens civils et militaires n�cessaires pour l'accomplissement des missions de Petersberg, et il est entendu que la d�fense collective incombera en toute hypoth�se � l'OTAN. Il n'en reste pas moins que la question de l'assistance mutuelle vis�e par l'article V du trait� de Bruxelles, modifi� en 1954, reste pos�e et qu'il faut r�fl�chir � la fonction qui serait assign�e � l'arme nucl�aire dans la perspective d'une d�fense europ�enne digne de ce nom. Par ailleurs, les forces de r�action rapide en voie de constitution n'ont de signification que si elles sont au service d'une politique coh�rente. Or, on peut craindre qu'� la minute de v�rit� les Etats membres fassent �clater leurs divergences et que l'outil militaire auquel ils ont consacr� tous leurs soins ne remplisse pas son office faute d'un consensus sur le but politique poursuivi. Enfin, on ne peut faire abstraction de l'impact des attentats du 11 septembre 2001 sur la configuration de la future politique europ�enne en mati�re de s�curit�, puisque de nouvelles menaces ont surgi et que la participation � la lutte contre le terrorisme exigera sans doute une r�orientation des choix ant�rieurs, l'�largissement du champ d'action des forces de projection et l'affectation de ressources suppl�mentaires � la recherche et au d�veloppement d'armes de haute technologie.

Dissonances euro-atlantiques � propos de la lutte contre le terrorisme

Depuis l'effondrement de l'ordre bipolaire, l'OTAN a �largi le champ de ses comp�tences et pr�te son concours aux organisations internationales pour leur permettre de remplir leurs missions de paix. De son c�t�, l'UE a manifest� la volont� d'apporter sa contribution propre � des actions collectives men�es sous l'�gide des Nations unies en prenant appui �ventuellement sur les capacit�s de l'OTAN (NATO assets) dans les domaines o� ses carences sont manifestes. Or, l'insertion de la PESD dans le cadre de l'Alliance soul�ve des probl�mes �pineux, et l'insuffisance de l'effort de d�fense des Europ�ens risque de compromettre la r�alisation de l'objectif global d�fini � Helsinki en d�cembre 1999. Ainsi, la fonction traditionnelle de l'OTAN - la d�fense collective contre une attaque arm�e - a �t� maintenue, mais on s'est �galement souci� de trouver des parades aux " d�fis du changement ", et le concept strat�gique adopt� par les chefs d'Etat et de gouvernement des 16 Etats membres r�unis � Rome les 7 et 8 novembre 1991 rappelle que les int�r�ts de s�curit� de l'Alliance peuvent �tre mis en cause par d'autres risques qu'une attaque arm�e de type classique. Sont notamment vis�s " la prolif�ration des armes de destruction massive, la rupture des approvisionnements en ressources vitales ou des actes de terrorisme et de sabotage " (� 13). Huit ans plus tard, ce concept a �t� affin� lors de la conf�rence au sommet de Washington (23 - 24 avril 1999), et les " actes relevant du terrorisme, du sabotage et du crime organis� " (� 24) figurent au premier rang des nouveaux risques. Apr�s les attentats du 11 septembre, cette pr�occupation est devenue dominante et on ne saurait exclure que l'Alliance assume � l'avenir des responsabilit�s accrues dans la lutte contre le terrorisme. Toutefois, les alli�s n'ont pas en la mati�re des vues concordantes et, depuis plus d'un an, les controverses vont bon train, les Europ�ens �tant indispos�s par le ton manich�en du pr�sident des Etats-Unis et le " simplisme " des m�thodes pr�conis�es pour briser " l'axe du Mal ", tandis que les Am�ricains leur reprochent une m�connaissance de la gravit� du p�ril et l'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour le combattre.

Sans vouloir prendre parti dans cette querelle, il convient de rappeler que les Europ�ens ne sont pas rest�s passifs dans la gestion des crises de l'apr�s-guerre froide et dans la lutte contre le terrorisme. Le 8 octobre 2001, cinq avions AWACS de l'OTAN et leurs �quipages, comprenant des personnels d'une dizaine de pays europ�ens, ont �t� envoy�s aux Etats-Unis, et des avions AWACS fran�ais ont pris la rel�ve, notamment pour assurer la surveillance de l'espace a�rien de Bosnie-Herz�govine. En outre, la force navale permanente en M�diterran�e qui compte huit fr�gates et un b�timent de soutien logistique a appareill� pour la M�diterran�e orientale le 9 octobre. Ces unit�s ont �t� rejointes par la force navale permanente de l'Atlantique. Enfin, les op�rations militaires am�ricaines contre le r�seau Al-Qaida et le r�gime des Talibans ont �t� appuy�es par tous les membres de l'Alliance, soit par l'envoi d'unit�s sp�ciales pour briser les derni�res poches de r�sistance, soit par la fourniture d'une aide humanitaire au peuple afghan. Par ailleurs, l'Alliance a consid�rablement intensifi� son action contre les dangers du terrorisme li�s � l'emploi d'armes de destruction massive (ADM), et la dimension proprement europ�enne n'a pas �t� absente de cette d�marche puisque des rencontres au niveau des ambassadeurs et des ministres des Affaires �trang�res ont permis de renforcer les consultations et la coop�ration entre le Conseil de l'Atlantique Nord et le Comit� politique et de s�curit� de l'UE.

Or, l'importance de la contribution des Europ�ens aux missions de paix qui se sont multipli�es depuis la fin de la " guerre froide " est souvent m�connue aux Etats-Unis et Javier Solana, le Haut Repr�sentant pour la PESC, a �prouv� le besoin de faire une mise au point la veille de la conf�rence au sommet de l'UE et des Etats-Unis du 3 mai 2002. Tout en rendant hommage au partenariat euro-am�ricain, il a soulign� la part prise par l'UE dans la promotion de " la stabilit�, de la prosp�rit� et de la d�mocratie " chez ses voisins et dans le monde. En Afghanistan, les Europ�ens contribuent en liaison �troite avec les Etats-Unis � cr�er les conditions d'un avenir meilleur ; dans les Balkans ils assument des responsabilit�s majeures dans la gestion des crises en Mac�doine, en Serbie-Mont�negro et au Kosovo. Sur les 58 000 hommes d�ploy�s dans cette r�gion, 38 000 sont des Europ�ens, et l'UE est le principal donateur des pays de l'Europe du Sud-Est avec une contribution de 23 milliards d'euros au cours des dix derni�res ann�es.

De son c�t�, William Wallace, professeur � la London School of Economics, a rappel� aux d�cideurs am�ricains que, loin de pratiquer l'appeasement, les Europ�ens ont apport� au cours des dix derni�res ann�es une contribution significative � l'imposition de la paix dans des zones instables et au rel�vement de pays ravag�s par des guerres civiles. Au printemps 2002, ils avaient d�ploy� 7 000 hommes en Afghanistan, soit des effectifs sup�rieurs � ceux des troupes am�ricaines (5 500) ; ils assument l'essentiel des charges relatives � la consolidation de la paix en Bosnie et au Kosovo ; enfin, ils contribuent � hauteur de 40 % aux fonds d'aide des Nations unies et � hauteur de 45 % au financement des op�rations de maintien de la paix.

Ce constat permet de corriger les outrances des jugements port�s outre-Atlantique sur la passivit� des Europ�ens face aux nouveaux risques, mais il ne permet pas d'accr�diter la th�se de progr�s significatifs sur la voie d'une PESD, ni de pr�juger de la conversion de l'OTAN en une alliance globale contre le terrorisme. C'est que les Etats-Unis pr�f�rent agir seuls ou dans le cadre de coalitions ad hoc pour riposter aux agressions dont ils sont l'objet, et l'OTAN aurait surtout pour vocation de favoriser par des �largissements successifs l'�mergence d'une Europe " une et libre " (whole and free) et de fournir aux Am�ricains un r�servoir de forces o� ils puiseraient en fonction de leurs besoins et des affinit�s qu'ils entretiendraient avec certains alli�s. Cependant, on est conscient de la n�cessit� d'adapter l'OTAN aux nouvelles t�ches qui lui incombent et, au printemps 2002, des discussions se sont engag�es � Bruxelles au niveau des experts sur les trois composantes principales de la strat�gie de s�curit� de l'OTAN, � savoir la dissuasion, la d�fense et l'intervention ext�rieure. A s'en tenir aux informations parues dans la presse, l'accent serait mis sur la pr�vention de toute attaque men�e avec des armes de destruction massive et le renforcement des capacit�s d�fensives pour s'en pr�munir en cas d'�chec de la dissuasion. Par ailleurs, le centre de gravit� de la strat�gie de l'Alliance se d�placerait en direction de la M�diterran�e et du Moyen-Orient, o� se situent les principaux foyers de crise et o� certains Etats nourrissent l'ambition de se doter d'armes nucl�aires, biologiques et chimiques, s'ils n'en sont pas d�j� pourvus. Dans ce contexte, il serait n�cessaire d'apurer le contentieux entre la Gr�ce et la Turquie, d'autant que ces deux pays seraient pr�ts � compenser le retrait partiel des troupes am�ricaines stationn�es dans les Balkans si celles-ci �taient requises ailleurs ; en outre, ils auraient engag� une n�gociation avec l'Iran en vue de l'int�grer dans cette nouvelle constellation strat�gique et d'en faire un facteur de stabilisation de la r�gion du Golfe. D'autres observateurs font �tat de projets concernant la formation d'unit�s sp�cialis�es susceptibles d'�tre engag�es contre des camps d'entra�nement de terroristes, la cr�ation de centres pour l'�valuation des menaces et l'�change de donn�es sur les moyens disponibles pour se prot�ger contre le bio-terrorisme.

Les Etats-Unis souhaiteraient rallier les Europ�ens � cette conception extensive des t�ches de l'Alliance, mais ceux-ci se montrent r�ticents non seulement parce qu'ils ne partagent pas les vues de Washington sur le choix des moyens pour lutter contre le terrorisme, mais encore en raison de leurs d�ficiences dans le domaine de la projection des forces et du combat de grande intensit�. Ce sont ces facteurs objectifs qui ont emp�ch� les Europ�ens de participer � la premi�re phase de l'op�ration " Libert� immuable " en Afghanistan et, en l'absence d'un effort de d�fense accru, leur contribution � la lutte militaire contre le terrorisme ne pourra qu'�tre limit�e.

Budgets militaires et industries de la d�fense

L'insuffisance de l'effort de d�fense des Europ�ens est un th�me rebattu, et l'on ne cesse de souligner l'�cart entre les d�penses militaires des Etats-Unis et celles de leurs alli�s du Vieux Continent. Ainsi, les d�penses des Europ�ens repr�sentent environ 60 % des d�penses am�ricaines, mais le produit final de ces investissements est tr�s inf�rieur aux r�sultats obtenus outre-Atlantique. Par ailleurs, le budget militaire am�ricain cro�t d'une mani�re exponentielle et repr�sente plus de 3 % du PIB, alors que les budgets europ�ens sont en d�croissance r�elle de 22 % depuis 1990. A l'exception du Royaume-Uni et de la France qui s'efforcent de tenir le cap, les autres pays europ�ens ont des taux inf�rieurs � 2 % et les " lanternes rouges " sont l'Allemagne (1,4 %) et l'Espagne (1,2 %). Ces d�rives ne sont pas de bon augure pour l'avenir de la PESD, et la plupart des observateurs estiment que la force de r�action rapide en voie de constitution a peu de chances d'�tre op�rationnelle en 2003. Pendant la conf�rence sur l'am�lioration des capacit�s militaires de l'UE, qui s'est tenue � Bruxelles le 19 novembre 2001, on a relev� que, sur les 54 lacunes identifi�es l'ann�e pr�c�dente, dix seulement avaient �t� combl�es et il ne semble pas que des progr�s significatifs aient �t� accomplis sur cette voie depuis lors.

La contraction des budgets de la d�fense interdit la participation de l'UE � des actions communes de l'envergure de celle qui a �t� men�e en Afghanistan et compromet l'interop�rabilit� des forces am�ricaines et europ�ennes ; on comprend donc les remontrances des dirigeants am�ricains qui ne souhaitent pas voir se creuser l'�cart entre eux et leurs alli�s et assister passivement au d�p�rissement de l'une des " meilleures alliances de l'histoire ". En tout cas, l'Europe ne peut plus " jouer dans la cour des Grands " si elle ne modifie pas radicalement sa politique de d�fense. Les chiffres publi�s dans des revues sp�cialis�es, ou mis en avant par des professionnels de l'armement, permettent de prendre la mesure du d�fi am�ricain, qui ne pourra �tre relev� que si les Europ�ens d�finissent au pr�alable leurs besoins sp�cifiques et prennent les mesures appropri�es pour les satisfaire sans vouloir imiter les Etats-Unis en tous points. En 2000, les budgets cumul�s de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie ont repr�sent� un montant de 67 milliards d'euros contre 285 milliards d'euros aux Etats-Unis. Ce constat n'est pas nouveau puisque les Etats-Unis, pendant la derni�re d�cennie, ont investi dans la d�fense 2000 milliards d'euros de plus que l'Europe. Ces �carts r�sultent de priorit�s diff�rentes : en Europe, les mesures sociales absorbent une partie importante des cr�dits publics et ne laissent qu'une place marginale � la d�fense alors que les attentats du 11 septembre 2001 ont incit� le gouvernement am�ricain � accro�tre son budget militaire de 50 milliards de dollars, ce qui repr�sente une augmentation de 15 % par rapport � l'exercice en cours.

L'�cart est encore plus grand dans le secteur de la recherche et du d�veloppement militaire o� les Etats-Unis d�pensent aujourd'hui l'�quivalent du budget national de la France. Si l'on tient compte des programmes occultes (black programs), les d�penses r�elles pour la recherche militaire sont de 15 � 20 fois sup�rieures aux montants europ�ens cumul�s. Les Europ�ens ne pourront combler cet �cart que s'ils d�pensent davantage car la recherche dans l'a�ronautique et dans les communications requiert des moyens importants pour les �tudes en amont, la fabrication de prototypes et les essais en condition op�rationnelle. Ce n'est qu'� ce prix qu'ils pourront mettre en oeuvre un syst�me informatis� pour la gestion du champ de bataille comparable � celui dont dispose l'�tat-major am�ricain. Contrairement � une id�e re�ue, on ne se r�jouit pas � Washington de la faiblesse des alli�s europ�ens et l'on souhaiterait qu'ils puissent se doter des �quipements n�cessaires pour participer � des op�rations communes destin�es � frapper l'ennemi � l'int�rieur de ses fronti�res, l� o� il est le plus vuln�rable. Certes cet objectif peut �tre atteint par le biais d'une coop�ration transatlantique, mais celle-ci se heurte � des limites en raison des pr�cautions prises outre-Atlantique pour contenir les risques de prolif�ration des technologies sensibles et des contraintes impos�es par le tuteur am�ricain sur les exportations d'armements. Seul un financement suffisant de la recherche en Europe permettrait de contourner ces obstacles et de mettre en oeuvre une force militaire capable de participer � des op�rations de guerre.

Deux �conomistes proches du pr�sident de la Commission europ�enne ont abouti � des conclusions analogues apr�s avoir fait observer que les critiques formul�es � l'encontre de l'unilat�ralisme am�ricain resteront vaines aussi longtemps que l'Europe ne disposera pas d'une r�elle capacit� militaire et d'une technologie de pointe. Or l'Europe manque des deux, faute d'investissements. Ils rappellent que les Etats-Unis � eux seuls d�pensent plus pour la d�fense que l'ensemble de leurs alli�s europ�ens et il est probable que cette tendance ne fera que s'accentuer dans les ann�es � venir. Les d�penses militaires ne contribuent pas seulement � l'�quipement des forces arm�es en mat�riels performants : une fraction non n�gligeable (10 % � 15 %) est affect�e au financement de la recherche et du d�veloppement (R&D) dans les secteurs de pointe. L'Europe a du retard dans ce domaine et sa retenue en mati�re de d�fense ne fait que creuser l'�cart avec les Etats-Unis, comme l'atteste la r�partition des brevets dans le monde : � la fin des ann�es 1990, 56 % �taient accord�s � des demandeurs am�ricains contre 11 % aux Europ�ens. Par ailleurs, ils estiment que la stagnation des �conomies europ�ennes r�sulte directement du retard en mati�re d'innovation et indirectement du faible taux d'investissement dans la R&D militaire.

A cet �gard, les incertitudes quant � l'avenir de l'avion de transport militaire europ�en sont r�v�latrices des probl�mes auxquels sont confront�es les industries d'armement europ�ennes. Face � la concurrence d'un appareil propos� par les firmes Boeing et Lockheed Martin, les pays de l'UE sont divis�s : certains, comme l'Italie, sont tent�s par l'option am�ricaine alors que d'autres, dont la France et l'Allemagne, penchent pour l'avion construit par Airbus. L'enjeu est de taille et il est essentiel que les Europ�ens fassent l'effort n�cessaire pour financer ce projet et s'assurer qu'une part importante du budget soit affect�e � la R&D afin de consolider la base technologique d'une industrie qui s'est signal�e dans le pass� par des " r�ussites de pointe europ�ennes ". C'est pour faciliter la r�alisation de cet investissement que les ministres de la D�fense des Quinze ont sugg�r� que les augmentations des d�penses militaires soient exclues des contraintes impos�es par le pacte de stabilit� et de croissance de l'euro. Il n'en reste pas moins que l'accroissement de l'effort de d�fense impliquerait une diminution des autres postes budg�taires et sans doute une mise en question de l'Etat-providence, ce � quoi la plupart des Etats europ�ens ne consentiront pas de ga�t� de coeur.

Toutefois, des progr�s ont �t� enregistr�s sur la voie de l'Europe de l'armement et les premi�res r�alisations ont �t� le fait des industriels du secteur de la d�fense, soucieux de mettre en place des groupes d'une taille suffisante pour affronter la concurrence mondiale. A cet �gard, la cr�ation de deux groupes europ�ens dans le domaine de l'industrie a�rospatiale - BAE Systems et EADS - est une novation, et il convient de souligner la singularit� des industries d'armement o� les int�r�ts nationaux demeurent tr�s puissants et o� se combinent la concurrence et le partenariat. Ainsi, les coop�rations europ�ennes, voire une certaine forme d'int�gration avec le projet d'avion de transport militaire A 400 M, se sont inscrites dans le cadre d'une politique d'int�gration transatlantique croissante. Cette tendance se renforcera sans doute � la faveur de l'augmentation du budget de la d�fense des Etats-Unis car le march� am�ricain, qui repr�sente 55 % du march� a�rospatial mondial, est incontournable pour les groupes europ�ens.

La cr�ation, le 17 janvier 2002, de l'Organisation conjointe pour la coop�ration en mati�re d'armement (OCCAR) peut �tre consid�r�e comme l'amorce d'un processus tendant � cr�er un march� europ�en de l'armement, � rationaliser la pratique de la coop�ration et � r�duire les co�ts des programmes. Les quatre membres fondateurs - Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni - repr�sentent � eux seuls 90 % de la production europ�enne d'armements et l'OCCAR g�re d�j� sept programmes d'un montant de 800 millions d'euros, auquel pourrait s'ajouter la commande de l'avion de transport militaire Airbus repr�sentant quelque 18 milliards d'euros. Par ailleurs, la France a propos� d'inscrire des projets de R&T dans le cadre d'une strat�gie europ�enne coh�rente dans le domaine des avions de combat futurs. Cette initiative faisait suite � l'adoption, en juillet 2000, par six pays europ�ens - Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Su�de -, d'un accord-cadre en vue de favoriser les progr�s de l'Europe de l'armement. Elle a abouti � la signature, le 19 novembre 2001, d'une d�claration qui autorise le lancement d'une �tude conjointe visant � d�terminer les capacit�s militaires requises � l'horizon 2020 et � identifier les syst�mes et les technologies correspondant � ces besoins. Elle invite �galement � un regroupement des forces financi�res et industrielles concern�es par ces projets. Ce programme de R&T ambitieux, baptis� European Technology Acquisition Program (ETAP), a �t� ent�rin� par les autorit�s comp�tentes des six Etats participants.

Enfin, des suggestions ont �t� faites pour rem�dier aux d�ficits technologiques de l'UE, l'objectif �tant le maintien d'une base technologique sur l'ensemble des domaines-clefs de la d�fense ; il ne s'agirait pas de pratiquer le mim�tisme avec les Etats-Unis mais de d�terminer des secteurs prioritaires en fonction des besoins requis par des missions sp�cifiques. La France s'est engag�e dans cette voie et sa d�marche prospective pourrait servir de mod�le � l'Europe, � condition que l'on parvienne � s'entendre sur une politique commune en mati�re de R&T et qu'on soit dispos� � y affecter des ressources minimales. Ce point de vue est partag� par certains experts allemands qui sont, eux aussi, convaincus que l'Europe est capable de relever le d�fi technologique par une harmonisation des politiques europ�ennes d'acquisition des armements dans le cadre de l'initiative des capacit�s de d�fense adopt�e par le Conseil atlantique de Washington en avril 1999. L'adoption � Prague, en novembre 2002, d'un programme de d�veloppement des capacit�s militaires (Prague Capabilities Commitment) et la cr�ation d'une force de r�action de l'OTAN (NATO Response Force), susceptible de mener d�s le 1er octobre 2004 des combats de haute intensit� sur des th��tres lointains, pourraient acc�l�rer le processus de modernisation des forces de r�action europ�ennes et am�liorer leur interop�rabilit� avec les forces am�ricaines. En tout cas, c'est en empruntant cette voie que le nouveau commandant des forces alli�es en Europe, le g�n�ral James Jones, esp�re r�tablir le cr�dit de l'Alliance et cr�er les conditions d'un rapprochement entre la France et les Etats-Unis.

La politique europ�enne de s�curit� et de d�fense � l'�preuve

Avant m�me que n'�clate la crise de l'Irak et que les Europ�ens ne se divisent sur la mani�re dont les Etats-Unis envisageaient de la r�gler, des doutes avaient surgi sur leur capacit� de mettre en oeuvre une politique de s�curit� et de d�fense coh�rente. Certes, les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze avaient affirm�, � l'issue du Conseil europ�en de Laeken (15 d�cembre 2001), que " l'UE est d�sormais capable de conduire des op�rations de gestion de crise " et que le d�veloppement de ses capacit�s lui " permettra d'assumer progressivement des op�rations de plus en plus complexes ". Mais, dans le rapport de la pr�sidence, la formulation �tait plus prudente. On y laissait entendre que " l'Union devra �tre capable de conduire, d'ici 2003, l'ensemble des t�ches de Petersberg " tout en reconnaissant que des efforts suppl�mentaires devront �tre faits pour " conduire de fa�on optimale les op�rations les plus complexes ". Au plan des capacit�s civiles, la situation �tait plus satisfaisante dans la mesure o� les Etats avaient confirm� leurs engagements de fournir jusqu'� 5 000 policiers pour la mise en oeuvre du plan d'action de police adopt� � G�teborg en juin 2001. En tout cas, au d�but de l'ann�e 2002, le ton n'�tait pas � l'optimisme et le g�n�ral finlandais Gustav H�gglund, pr�sident du CMUE, a �mis des doutes sur l'op�rationnalit� de la PESD lors d'une d�position devant la commission des Affaires �trang�res et de la D�fense du Parlement europ�en. Selon lui, l'UE disposait � cette date de 90 % des capacit�s correspondant � l'objectif global (headline goal) ; mais il lui serait difficile de mener des op�rations de type militaire dans le cadre des missions de Petersberg. En d�pit des progr�s accomplis, dix ans s'�couleraient avant que certaines lacunes soient combl�es, notamment dans le transport des troupes puisque l'Airbus A400 M ne sera disponible qu'entre 2008 et 2011, dans la meilleure des hypoth�ses. Il est �galement convenu que des d�ficits importants se situaient au plan du renseignement et qu'on ne pouvait envoyer des soldats dans un environnement hostile si l'on ne disposait pas d'informations fiables. Enfin, il a abond� dans le sens de la vice-pr�sidente du Parlement, Catherine Lalumi�re, qui avait d�plor� une certaine confusion dans la r�partition des t�ches entre le CMUE, le COPS et le secr�taire g�n�ral et mis en cause le " flottement " de la cha�ne de commandement.

Ce jugement s�v�re a �t� corrobor� par les ministres de la D�fense des Quinze lors d'une r�union informelle qui s'est tenue � Saragosse, les 22 et 23 mars 2002. Au terme d'un examen sans complaisance de la situation existante, ils ont constat� que le plan d'action europ�en pour le renforcement des capacit�s militaires (ECAP) n'avait pas �t� appliqu� avec rigueur et que les lacunes identifi�es l'ann�e pr�c�dente restaient b�antes. A moins d'une augmentation des budgets militaires, l'objectif global ne serait pas atteint � la date convenue et la PESD ne serait pleinement op�rationnelle qu'en 2012. Certes, un accord est intervenu � Saragosse sur le financement du futur Airbus militaire, mais toutes les incertitudes relatives � ce projet ne sont pas lev�es et un rapport interne du Conseil constate qu'on ne progresse gu�re sur la voie d'une v�ritable politique de l'armement, qui rel�ve largement du domaine de la rh�torique ou de l'utopie. Dans ce contexte, la proposition du ministre espagnol Federico Trillo d'�tendre la comp�tence de la PESD � la lutte contre le terrorisme pratiqu� avec des armes de destruction massive ne pouvait avoir qu'une valeur symbolique. Au demeurant, les ministres se sont born�s � renvoyer la question � un groupe d'�tudes et � recommander une coop�ration plus �troite entre les services de renseignements et d'observation a�rienne. Quant au secr�taire g�n�ral de l'OTAN et au Haut Repr�sentant de l'UE pour la PESC, ils ont particip� � cette r�union et renouvel� leurs admonestations sur l'insuffisance des cr�dits militaires par rapport aux ambitions affich�es par l'UE.

C'est pour faire sortir le d�bat de l'impasse et d�montrer la capacit� de l'UE d'agir dans des cas concrets que Javier Solana a propos� de lui confier la gestion de la force de police internationale (International Police Task Force ou IPTF), d�ploy�e en Bosnie sous l'�gide des Nations unies, et dont le mandat expire � la fin de l'ann�e 2002. Parmi les missions de l'UE li�es � la gestion des crises figure notamment la formation et l'appui des forces charg�es du maintien de l'ordre dans les zones en cours de pacification et le Haut Repr�sentant pour la PESC a jug� que les circonstances �taient propices pour mettre � l'�preuve la PESD qui, jusqu'alors, se bornait � cr�er des institutions et se complaisait dans des d�bats th�oriques ou des exercices d'�tat-major. D�sormais, on enverrait sur le terrain pr�s de 500 policiers pour consolider les acquis de Dayton et accompagner les r�formes de la police et de la justice en Bosnie. L'entreprise n'�tait pas sans risques car des tensions, voire des affrontements, pouvaient surgir � l'occasion des �lections d'octobre 2002, de la d�gradation de la situation �conomique et de la lutte contre la criminalit� organis�e. Apr�s l'examen du dossier par les ministres des Affaires �trang�res, cette mission a obtenu en mars 2002 l'aval du " Conseil pour l'imposition de la paix " (Peace Implementation Council ou PIC) en Bosnie et du Conseil de s�curit� des Nations unies. Il s'agira essentiellement d'une mission de conseil, de surveillance et d'inspection des cadres sup�rieurs et moyens des forces de police locales ; les fonctions ex�cutives exerc�es partiellement par l'International Police Task Force (IPTF) n'incomberont pas � l'UE, et pas davantage la cr�ation d'unit�s arm�es pour le maintien de l'ordre qui rel�vera toujours de la Stabilization Force in Bosnia and Herzegovina (SFOR). On �value � pr�s de 14 millions d'euros le co�t de la mise en place de cette mission de police et, � partir du 1er janvier 2003, ses d�penses de fonctionnement s'�l�veront annuellement � 38 millions d'euros. Le 15 janvier 2003, la mission de police europ�enne est entr�e en fonction pour une dur�e de trois ans ; elle est plac�e sous l'autorit� du Haut Repr�sentant de l'ONU pour la Bosnie-Herz�govine, Paddy Ashdown, et sous la direction op�rationnelle du commissaire de police danois, M. Frederiksen. L'UE d�montrait ainsi pour la premi�re fois qu'elle �tait pr�te � s'engager activement sur le terrain et � associer � sa d�marche non seulement des pays candidats mais encore des Etats ext�rieurs comme la Russie, le Canada et la Suisse.

Javier Solana avait �galement envisag� que l'UE prenne en charge l'op�ration conduite par l'OTAN en Mac�doine et baptis�e " Renard roux " (Amber Fox). Il s'agissait d'une mission temporaire qui avait �t� d�cid�e en septembre 2001 � la suite du d�sarmement des milices albanaises (Essential Harvest) et qui avait pour objet de garantir la s�curit� des observateurs de l'UE et de l'OSCE charg�s de superviser la paix d'Ohrid et de veiller au retour de l'ordre public dans les localit�s � majorit� albanophone. Le mandat de cette mission qui mobilisait 700 hommes, pour la plupart europ�ens - les principaux contingents �taient fournis par l'Italie, la France et l'Allemagne -, avait �t� reconduit � plusieurs reprises � la demande des autorit�s de Skopje. Le Conseil europ�en de Barcelone (15 - 16 mars 2002) avait approuv� la rel�ve de l'OTAN par l'UE mais, comme l'op�ration Amber Fox s'articulait aux activit�s de la Kosovo Force (KFOR), il fut entendu qu'elle serait conduite en liaison �troite avec l'Alliance et sous le commandement de l'adjoint du SACEUR, qui �tait alternativement un g�n�ral allemand ou britannique. L'op�ration de maintien de la paix en Mac�doine, rebaptis�e " Concordia ", a �t� prise en charge par l'UE le 31 mars 2003 ; elle est de dimension modeste puisqu'elle ne mobilise que 345 hommes, plac�s sous le commandement supr�me de l'adjoint au SACEUR et sous le commandement op�ratif d'un g�n�ral fran�ais ; enfin, la continuit� l'emporte sur le changement puisque l'OTAN et l'UE agissent en partenaires et que leur coop�ration �troite est consid�r�e comme la condition du succ�s d'une politique de stabilisation dans les Balkans. Le m�me mod�le pourrait s'appliquer � la rel�ve de la SFOR et la France et le Royaume-Uni ont d'ores et d�j� fait des propositions � cet effet. Si cette initiative se concr�tisait, elle constituerait la premi�re manifestation militairement significative de la PESD puisqu'il ne s'agirait plus seulement de d�ployer quelques centaines d'hommes mais de prendre en charge une force de 12 000 hommes, et le succ�s de cette mission " renforcerait la cr�dibilit� de l'Union dans la r�gion et au-del� ".

La mutation du syst�me international provoqu�e par l'effondrement de l'ordre bipolaire a fait prendre conscience aux Europ�ens de la n�cessit� de s'impliquer davantage dans l'organisation de leur s�curit�. Mais elle a �galement mis en �vidence la difficult� qu'ils �prouvent � s'affirmer comme une puissance politique et militaire sur la sc�ne mondiale. Les obstacles qui emp�chent la mise en oeuvre d'une authentique PESD n'ont pas �t� surmont�s et, de l'aveu m�me des porte-parole autoris�s de l'UE, le bilan de ce qui avait �t� accompli au d�but de l'ann�e 2002 a �t� jug� d�cevant. On a privil�gi� une approche institutionnelle pour masquer l'absence d'une volont� politique ferme et les ressources financi�res affect�es � la r�alisation du headline goal restent manifestement insuffisantes. Les attentats du 11 septembre 2001 auraient pu provoquer un sursaut mais les ministres de la D�fense n'en ont pas tir� les cons�quences lors de la conf�rence sur l'am�lioration des capacit�s militaires qui s'est tenue � Bruxelles deux mois plus tard. Cette n�gligence est d'autant plus f�cheuse que le Conseil europ�en de Laeken a pris acte de la dimension mondiale du terrorisme et assign� � l'UE le r�le d'une " puissance qui part r�solument en guerre contre toute violence, toute terreur, tout fanatisme, mais qui ne ferme pas les yeux sur les injustices criantes qui existent dans le monde et (...) veut ancrer la mondialisation dans la solidarit� et le d�veloppement durable ". Certes, l'Europe a d'ores et d�j� apport� sa contribution sp�cifique � la lutte contre le terrorisme gr�ce � la vari�t� des instruments dont elle dispose au plan de l'infiltration des r�seaux et du tarissement de leurs sources de financement. Toutefois, elle ne pourra soutenir l'ambition qu'elle affiche dans ce domaine que si elle est pr�te � en payer le prix et � se doter des capacit�s civiles et militaires lui permettant de s'affirmer comme un acteur strat�gique � part enti�re.

A cet �gard, la crise provoqu�e par la guerre contre l'Irak pourrait avoir des effets b�n�fiques et servir d'aiguillon au d�veloppement de la PESD. Ainsi, le processus de la coop�ration entre Europ�ens en mati�re de d�fense n'a pas �t� interrompu et le dialogue s'est poursuivi entre le Royaume-Uni et la France en d�pit de leurs divergences sur l'interpr�tation de la r�solution 1441 du Conseil de s�curit� et sur le bien-fond� d'une action arm�e pour renverser le r�gime de Saddam Hussein. Le 4 f�vrier 2003 s'est tenu au Touquet le 25e sommet franco-britannique et, � l'issue de cette rencontre, les deux parties ont annonc� qu'elles prendraient des mesures pour accro�tre l'interop�rabilit� de leurs groupes a�ronavals et favoriser la cr�ation d'une Agence intergouvernementale de d�veloppement et d'acquisition des " capacit�s n�cessaires pour les missions actuelles et futures de la PESD ". Les autres membres de l'UE �taient invit�s � se joindre � eux pour am�liorer les capacit�s de r�action rapide et promouvoir le " principe de solidarit� et d'assistance mutuelle face aux risques de toute nature et notamment du terrorisme ". Ult�rieurement, les dirigeants fran�ais et anglais ont multipli� les d�clarations conciliantes et soulign� les convergences de leurs politiques en ce qui concerne le r�le des Nations unies dans l'administration de l'Irak, la relance des n�gociations en vue d'un r�glement de paix isra�lo-palestinien et la construction d'une Europe de la d�fense. De part et d'autre, on souhaitait surmonter les difficult�s actuelles et retrouver la voie de l'unit� europ�enne et de la r�affirmation de la solidarit� atlantique.

Depuis la victoire des forces de la coalition en Irak, l'UE tente de d�finir une position commune sur le r�le qui incomberait aux organisations internationales dans l'administration et la reconstruction du pays, mais la d�claration adopt�e au sommet d'Ath�nes (16 - 17 avril 2003) se borne � �noncer des principes et il s'agit de la compl�ter par un document plus substantiel. La pr�sidence et la Commission ont fait des propositions � cet effet aux ministres des Affaires �trang�res lors de leur r�union informelle � Rhodes et Castellorizo (2 - 3 mai 2003), et il appartiendra au Conseil europ�en de Salonique (25 juin) de se prononcer en la mati�re. Par ailleurs, le Haut Repr�sentant pour la PESC, Javier Solana, a �t� charg� de r�diger un document sur la " doctrine strat�gique " de l'Union, qui serait fond� sur une analyse compr�hensive des menaces et pr�voirait des actions communes avec les Etats-Unis pour lutter contre la faim, la pauvret� et le sous-d�veloppement, mais aussi pour conjurer les risques li�s � la diss�mination des armes de destruction massive. Enfin, les quatre Etats hostiles � l'intervention arm�e contre l'Irak - l'Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg - ont pr�sent� les conclusions de la conf�rence de Bruxelles du 29 avril, qui avait pour objet la relance de la d�fense europ�enne. Ils ont soulign� le caract�re ouvert de leur d�marche et rappel� qu'elle visait la cr�ation d'un " pilier europ�en au sein de l'OTAN ". La plupart des mesures pr�conis�es tendaient � favoriser la " coop�ration renforc�e entre les Etats qui sont pr�ts � aller plus rapidement et plus loin en direction d'une Union europ�enne de s�curit� et de d�fense ". Sept initiatives concr�tes seraient mises en oeuvre pour renforcer " l'efficacit� des capacit�s militaires et �viter les duplications inutiles par le rapprochement des outils de d�fense nationaux ". L'objectif poursuivi �tait de garantir l'interop�rabilit� des forces qui pouvaient �tre engag�es aussi bien pour des op�rations europ�ennes et des op�rations de l'OTAN que pour des op�rations conduites par l'UE pour le compte de l'ONU. Aux yeux des quatre, " le partenariat atlantique demeurait une priorit� strat�gique fondamentale pour l'Europe " et les divergences de vues apparues pendant la guerre contre l'Irak ne devraient pas affecter durablement la qualit� des relations transatlantiques. Il reste � se demander si les Etats-Unis partagent ces vues et consentiront � une r�partition des t�ches entre partenaires �gaux au sein d'une Alliance r�nov�e et capable de relever collectivement les d�fis du XXIe si�cle.

Jean Klein, professeur � l'Universit� Paris I Sorbonne, chercheur associ� � l'Institut fran�ais des relations internationales (Ifri)