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Yves-Marie P�r�on Apr�s Enron. Wall Street et le gouvernement d'entreprise IFRI www.ifri.org/files/CFE/CFE_Pereon.pdf

ANNODIS

projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM

objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement

encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5

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GEOPO article geopolitique
french

LE CENTRE FRAN�AIS SUR LES �TATS-UNIS (CFE)

Apr�s Enron. Wall Street et le gouvernement d'entreprise Yves-Marie P�r�on Yves-Marie P�r�on, Chartered Financial Analyst, est dipl�m� de l'Ecole sup�rieure de Commerce de Paris (1989). Depuis 1995, il travaille � New York pour une banque fran�aise. Titulaire d'un DEA sur " La France vue par la presse am�ricaine entre 1936 et 1947 " (Universit� de Franche-Comt�, 2003), il pr�pare actuellement une th�se de doctorat sur le m�me sujet� l'Universit� Paris I.

Policy Paper du CFE

Octobre 2003
R�sum�

Apr�s les scandales financiers de l'ann�e 2002 - Enron, WorldCom, etc. - les pouvoirs publics am�ricains et les diff�rents acteurs des march�s financiers ont mis en ?uvre un ensemble de mesures destin�es � restaurer la confiance des investisseurs. Le Sarbanes Oxley Act introduit des r�formes majeures dans les domaines de la comptabilit� et de la gouvernance des soci�t�s cot�es. Il est accompagn� par d'autres textes r�glementaires tout aussi importants, notamment dans le domaine des normes comptables. Ces nouvelles dispositions ont de multiples cons�quences pratiques dans le quotidien des entreprises am�ricaines, qui ont d� s'y adapter au fur et � mesure de leur entr�e en vigueur au cours des derniers mois. Leur efficacit�, c'est-�-dire leur contribution � un retour durable de la confiance, devra �tre appr�ci�e sur le long terme.

Abstract

Following the financial scandals of 2002 - Enron, WorldCom, etc. - US public authorities and various interested parties associated with the financial markets took a number of measures designed to restore investor confidence. The Sarbanes-Oxley Act introduced major accounting and governance reforms for listed companies. In addition to this Act, several other regulatory texts have been introduced, particularly in the area of accounting norms. These new measures have many practical implications for the daily running of US companies, which have had to adapt to the changes as they have been introduced over the past few months. The effectiveness, that is to say the impact that they have on restoring confidence, will have to be assessed over the long term.

Introduction

L'ann�e 2002 a �t� marqu�e par une s�rie de scandales financiers qui ont �branl� la confiance de l'investisseur am�ricain - autant dire du citoyen - dans l'int�grit� et la transparence des march�s financiers. L'encha�nement des faits, tout d'abord. La faillite d'Enron �tait d�clar�e en d�cembre 2001, celle de Global Crossing en janvier 2002. Pour son r�le dans l'affaire Enron, le cabinet d'audit Arthur Andersen �tait mis en examen en mars. En juin, Enron reconnaissait avoir vers� un total de 310 millions de dollars en esp�ces � ses dirigeants au cours de l'ann�e 2001 et WorldCom corrigeait ses comptes de 3,8 milliards de dollars. Le 21 juillet, la faillite de WorldCom �tait d�clar�e. Le 24, la Securities and Exchange Commission (SEC) portait plainte contre les dirigeants d'Adelphia, accus�s d'avoir dissimul� 2,3 milliards de dollars de dettes dans des soci�t�s non consolid�es. En ao�t, l'ancien Chief Executive Officer (CEO) de ImClone �tait mis en examen pour d�lit d'initi�. En septembre, c'�tait au tour du CEO et du Chief Financial Officer (CFO) de Tyco d'�tre mis en examen pour corruption : il leur �tait reproch� d'avoir d�tourn� 600 millions de dollars, dont 170 millions de pr�ts personnels accord�s par la soci�t�. Enfin le 5 novembre 2002, Harvey L. Pitt, pr�sident de la SEC et champion du laisser-faire r�glementaire, �tait contraint de d�missionner.

Tous ces scandales se sont produits dans un contexte �conomique morose, tr�s diff�rent de l'euphorie des ann�es 1990 : la " bulle Internet " a �clat� ; les profits boursiers ne sont plus l� pour inciter les investisseurs � l'indulgence envers les dirigeants d'entreprises un peu trop d�sinvoltes avec les r�gles de l'�thique. La crise de confiance est profonde et risque de retarder le retour � la croissance. Pour tenter de la surmonter, l'Administration et le Congr�s am�ricains ne sont pas rest�s passifs : le Sarbanes-Oxley Act, sign� par le pr�sident George W. Bush le 30 juillet 2002, a introduit des r�formes majeures dans les domaines de la comptabilit� et de la gouvernance d'entreprise. Il constitue le plus important ensemble de mesures l�gislatives relatives au reporting financier et au contr�le interne depuis le Securities Act de 1933 et le Securities Exchange Act de 1934. De nombreuses dispositions ont suscit� l'int�r�t des m�dias et de l'opinion publique : � titre d'exemple, les directeurs g�n�raux (CEO) et les directeurs financiers (CFO) ont d�sormais l'obligation de certifier par �crit non seulement que l'information financi�re rendue publique par leur soci�t� est compl�te et exacte, mais encore qu'ils ont mis en oeuvre des contr�les et des proc�dures encadrant la publication de cette information.

Cependant pour important qu'il soit, le Sarbanes-Oxley Act n'est pas la seule innovation affectant la gouvernance des entreprises am�ricaines. Tout un ensemble de textes ont �t� �labor�s et mis en application au cours des derniers mois, notamment par la SEC et le Financial Accounting Standards Board (FASB). Le Sarbanes-Oxley Act s'inscrit ainsi dans un mouvement plus vaste de r�forme des pratiques comptables des soci�t�s cot�es, qui vise � un retour � la rigueur apr�s l'exub�rance des ann�es 1990.

Au-del� des multiples cons�quences pratiques de la loi dans le quotidien des entreprises, la gravit� de la crise m�rite que l'on s'attarde � �tudier le processus par lequel les m�dias, le monde politique et Corporate America y ont r�agi. Fallait-il faire confiance au jeu spontan� des m�canismes d'autor�gulation du march� ou choisir la voie du volontarisme l�gislatif et r�glementaire ? Les lignes qui suivent n'ont pas l'ambition de trancher ce d�bat th�orique ; leur objectif est plus modeste : rappeler le contexte des r�formes mises en oeuvre par le Sarbanes-Oxley Act, en d�crire le contenu ainsi que celui des autres changements intervenus au m�me moment, notamment dans le domaine des normes comptables et formuler quelques observations sur la mani�re dont les acteurs de l'�conomie am�ricaine s'adaptent � leur nouvel environnement.

Une r�elle crise de confiance des investisseurs am�ricains

Aucun des acteurs traditionnels des march�s financiers n'a �t� �pargn� par les scandales de l'ann�e 2002. H�ros d�chus de la libre entreprise, les CEO occupent le premier rang au banc d'infamie. Le 24 juillet 2002, trois membres de la famille Rigas, dont John Rigas, le patriarche qui avait fond� le groupe de t�l�communications Adelphia en 1952, ont �t� arr�t�s. Ils sont accus�s de fraude financi�re massive et surtout d'avoir " pill� " Adelphia pour leur profit personnel. Kenneth Lay, le pr�sident du courtier en �nergie Enron, Jeffrey Skilling, le CEO, et Andrew Fastow, le CFO, sont rendus responsables de la disparition des milliers d'emplois du groupe et de celle, partielle ou totale, de l'�pargne des actionnaires. La presse s'est plu � d�tailler avec une pr�cision f�roce les avantages financiers consentis, au d�triment des actionnaires de la soci�t�, � Dennis Kozlowski, le CEO de Tyco : son appartement de New York � 18 millions de dollars, les 11 millions n�cessaires � sa d�coration et jusqu'� un rideau de douche au prix extravagant.

Mais les " pirates de la nouvelle �conomie " ne sont pas les seuls coupables. Les complaisances du bureau d'Arthur Andersen � Houston, charg� d'auditer les comptes d'Enron, ont caus� la chute du cabinet tout entier. Ni le d�part des dirigeants compromis, ni le secours de Paul Volcker, l'ancien pr�sident de la Federal Reserve (Fed), n'ont pu sauver l'un des plus prestigieux cabinets internationaux d'audit et de conseil. C'est justement ce m�lange des genres entre deux fonctions tr�s diff�rentes, l'audit et le conseil, qui est en cause. Le cabinet est soup�onn� d'avoir continu� de certifier les comptes d'Enron pour ne pas perdre le flux de commissions g�n�r�es par les autres services rendus au groupe : en 2000, les services d'audit rendus par Arthur Andersen � Enron ont produit 25 millions de dollars de commissions, contre 27 millions pour les services " non-audit ". Cette situation est repr�sentative d'une �volution qui affecte l'ensemble de la profession : en 1988, 55 % des revenus des 5 grands cabinets provenaient des services comptables et d'audit et 22 % des services de conseil. En 1999, ces chiffres s'�levaient respectivement � 31 et 50 %.

La branche conseil des cabinets d'audit n'est pas le seul prestataire de services � avoir fait preuve d'une trop grande cr�ativit�. Les banques d'investissement sont mises en cause elles aussi pour avoir vendu aux entreprises clientes des montages financiers toujours plus inventifs et toujours plus risqu�s. La presse n'a pas manqu� de montrer du doigt les millions de dollars de commissions gagn�s par Citigroup et JPMorgan pour leurs services d'ing�nierie financi�re aupr�s d'Enron.

Une autre cat�gorie de professionnels des banques d'investissement est vivement prise � partie : les analystes. Ils conseillent les investisseurs en �mettant des recommandations - buy, sell ou neutral, par exemple - en conclusion des rapports de recherche publi�s sur les soci�t�s qu'ils suivent. Ils sont suppos�s agir en toute ind�pendance � l'�gard des soci�t�s en question. Or l'exp�rience des derniers mois a montr� que ce principe �tait loin d'�tre toujours respect�. Eliot Spitzer, Attorney General de New York, s'est illustr� dans le combat judiciaire pour revenir � des pratiques plus saines. Plusieurs banques d'affaires employant des analystes ont ainsi �t� condamn�es par les tribunaux. Le cas de Jack B. Grubman, en charge du secteur des t�l�communications chez Salomon Smith Barney, est repr�sentatif : il a maintenu sa recommandation en faveur de l'achat (buy) du titre WorldCom bien apr�s que le cours se fut effondr�. En septembre 2002, Salomon a d� payer une amende de 5 millions de dollars pour avoir publi� des rapports de recherche ayant induit en erreur les investisseurs. N�anmoins, J.B. Grubman a pu quitter Salomon dans des conditions financi�res tr�s avantageuses. Certains analystes, et parmi eux les stars de la profession, ont donc �mis des recommandations qui ont fait perdre beaucoup d'argent � leurs clients. D�s lors, leur comp�tence et leur honn�tet� sont devenues suspectes.

Quant aux agences de notation, de nombreux observateurs estiment qu'elles n'ont gu�re fait preuve d'une plus grande lucidit� : Moody's et Standard and Poor's, qui constituent un quasi-duopole, et Fitch qui, aux Etats-Unis, d�tient une part de march� plus modeste, ont �t� accus�es d'avoir r�agi avec une extr�me lenteur � la d�gradation de la situation financi�re de certaines grandes soci�t�s, tout particuli�rement de celle d'Enron qui n'a �t� class�e below investment grade que le 28 novembre 2001, quatre jours avant que la faillite ne soit d�clar�e. Or leur intime connaissance de la r�alit� financi�re des entreprises not�es aurait d� leur permettre de mieux anticiper ces �v�nements.

S'il n'est plus possible de se fier aux CEO, aux auditeurs, aux analystes, aux banquiers d'affaires, et jusqu'aux stars de la t�l�vision, alors � quel saint vouer le march� ? Jamais � cours d'imagination, l'Am�rique s'est d�couvert un nouvel intercesseur, le whistle-blower. A la fin 2002, Time Magazine a nomm� Sherron Watkins, Coleen Rowley et Cynthia Cooper " personnes de l'ann�e ". Les trois femmes ont �t� consacr�es whistle-blowers, celles qui ont " siffl� l'alarme ". Si Coleen Rowley est l'officier du bureau du Federal Bureau of Investigations (FBI) � Minneapolis qui a alert� sa hi�rarchie sur les activit�s de Zacarias Moussaoui avant les attentats du 11 septembre 2001, les deux autres se sont illustr�es dans le domaine de la libre entreprise. Sherron Watkins est cette vice-pr�sidente d'Enron qui, au cours de l'�t� 2001, a �crit au pr�sident Kenneth Lay pour l'avertir des pratiques comptables douteuses de son groupe. En juin, Cynthia Cooper a inform� le conseil d'administration de WorldCom des pertes de 3,8 milliards de dollars dissimul�es par la comptabilit� de la soci�t�. Selon Time Magazine, qui est all� jusqu'� comparer leur courage � celui des h�ro�ques pompiers de New York, S. Watkins et C. Cooper n'ont pas h�sit� � risquer leur carri�re au nom de l'int�grit� professionnelle.

La crise de confiance est donc bien r�elle. Les premi�res victimes sont les salari�s des soci�t�s d�chues, licenci�s par milliers. Ils sont doublement touch�s car leurs fonds de pension sont affect�s par l'effondrement du cours des titres de leur ex-employeur. Mais l'onde de choc est ressentie par tous les propri�taires de ces titres, au premier rang desquels les banques cr�ditrices, dont le cours en bourse a accus� l'" effet Enron ". L'impact sur les march�s financiers est donc � la fois profond et durable.

Les irr�gularit�s comptables r�v�l�es par les affaires

L'affaire Enron, dans tous ses d�veloppements, est une sorte d'anthologie des irr�gularit�s comptables que de trop nombreux acteurs des march�s financiers am�ricains ont accept�es avec complaisance au cours des derni�res ann�es. Financements non consolid�s alors qu'ils auraient d� l'�tre, conflits d'int�r�ts, profits gonfl�s artificiellement, violations des principes du code d'�thique, rien ne para�t manquer � la liste.

C'est ainsi que les Special Purpose Entities (SPE), entit�s juridiques qui ne font pas partie du p�rim�tre de consolidation des soci�t�s, ont connu leur heure de gloire dans les m�dias. Enron en a utilis� une multitude dans le cadre de plusieurs op�rations douteuses. Il s'agissait le plus souvent de partnerships domicili�s dans des paradis fiscaux comme les �les Ca�mans. Andrew Fastow, le CFO d'Enron, en �tait le General Partner et en assurait la direction, ce qui lui permettait de percevoir � titre personnel d'importantes commissions. L'un de ces SPE, �tudi� en d�tail par le Subcommittee on Oversight and Investigations du Congr�s dans sa session du 14 mars 2002, donne une assez bonne id�e de leur fonctionnement.

Enron avait investi dans une soci�t� d'Internet, Rythms, dont les titres avaient connu une progression spectaculaire, lui permettant de r�aliser une plus-value estim�e d�but 1999 � environ 300 millions de dollars. Les titres �tant reconnus en valeur de march� � l'actif du bilan d'Enron, ce profit �tait susceptible de dispara�tre si les cours de Rythms s'effondraient. En raison de restrictions r�glementaires, Enron n'�tait pas autoris� � vendre ses actions Rythms imm�diatement. Pour prot�ger ses gains, le groupe pouvait acheter une option de vente des titres (put) � un prix d'exercice �tabli pr�alablement. Or aucune contrepartie ind�pendante n'aurait �t� pr�te � garantir ainsi le cours d'actions extr�mement peu liquides, volatiles et par cons�quent extr�mement risqu�es. En juin 1999, un SPE fut donc cr�� sp�cialement � cet effet, sous le nom de LJM. LJM s'engagea � couvrir le risque des actions Rythms en vendant � Enron un put � cinq ans avec un prix d'exercice de 56 dollars par action. Pour pouvoir assumer ses engagements, LJM re�ut 3,4 millions d'actions Enron. Le montage n'�tait pas viable �conomiquement, car, si les cours de Rythms et d'Enron chutaient simultan�ment, le SPE risquait de se trouver dans l'incapacit� de faire face � ses engagements au titre du put. Cela revenait, pour Enron, � se garantir lui-m�me. Pourtant le cabinet Arthur Andersen, auditeur d'Enron, accepta le sch�ma qui lui fut pr�sent� par Fastow. Le conseil d'administration, consult� lui aussi en juin 1999, leva les dispositions du code d'�thique qui interdisaient � Fastow d'agir en tant que General Partner de LJM. Enron put ainsi gonfler artificiellement ses profits de l'ann�e 1999.

Mais l'utilisation syst�matique des SPE ne s'arr�ta pas l�. Enron s'en servit aussi pour dissimuler l'ampleur de son endettement. Comme de nombreuses soci�t�s du secteur de l'�nergie, Enron �tait autoris� � reconna�tre des revenus futurs d�riv�s de contrats " pr�pay�s " dans lesquels l'acheteur paye d'avance des marchandises - p�trole, gaz ou �lectricit� - qui lui seront livr�es � une date ult�rieure, parfois sur plusieurs ann�es. Bien que l�gale dans le cadre des contrats de fourniture d'�nergie, cette pratique fut utilis�e agressivement dans plusieurs autres domaines.

Des actifs d'Enron furent ainsi vendus � des SPE contr�l�es par Fastow, autorisant le groupe � reconna�tre un profit imm�diat. Bien entendu, l'endettement contract� par ces SPE dans le cadre de ces arrangements n'apparaissait pas dans les comptes consolid�s du groupe. Ce montage a permis � Enron de gonfler artificiellement ses profits et de dissimuler une part importante de ses dettes : pour l'ann�e 2000, les profits op�rationnels r�els �taient inf�rieurs de 50 % au montant d�clar� dans ses �tats financiers, et l'endettement total r�el, sup�rieur de 40 %.

Un tel �cart entre l'image comptable et la r�alit� �conomique ne laissait pas tout le monde indiff�rent. Dans un m�mo dat� du mois d'ao�t 2001, Sherron Watkins, vice-pr�sident au sein de la direction financi�re d'Enron, informa le pr�sident Kenneth Lay du risque d'implosion pr�sent� par l'�chafaudage de plus en plus fragile des SPE. Le cabinet d'avocats Vinson & Elkins fut charg� d'enqu�ter sur la base de ces all�gations. S. Watkins s'opposa � cette s�lection, car le cabinet avait �t� retenu comme conseil juridique dans le montage d'un certain nombre de SPE. Lay passa outre � cette objection. Le rapport pr�liminaire publi� par Vinson & Enkins le 21 septembre s'abstint de porter un jugement sur les pratiques comptables de Fastow. La lettre de S. Watkins ne produisit donc aucun r�sultat concret - sinon d'attirer sur elle l'attention de ses sup�rieurs hi�rarchiques, qui envisag�rent de la licencier et demand�rent m�me � ce sujet l'avis de... Vinson & Elkins. Elle fut finalement mut�e dans un autre service. Son t�moignage devant un comit� du Congr�s, quelques mois plus tard, lui valut l'admiration des m�dias et la satisfaction, sans doute am�re, de voir sa lucidit� et son courage reconnus par certains de ses anciens coll�gues.

Mises en lumi�re dans leurs moindres d�tails lors des auditions du Congr�s, les pratiques qui avaient cours au sein de la direction financi�re d'Enron �taient contraires � l'orthodoxie comptable � plusieurs titres. En utilisant des entit�s hors bilan, le groupe a r�alis� des profits fictifs. L'endettement et les engagements contract�s � travers ces entit�s n'ont pas �t� report�s dans les �tats financiers consolid�s. En cons�quence, les informations financi�res publi�es � destination des march�s financiers �taient loin de donner une " image fid�le " de la situation financi�re r�elle du groupe.

La chute d'Enron a suscit� une r�flexion de fond sur le danger d'�chec syst�mique des m�canismes d'autor�gulation des diff�rentes cat�gories d'intervenants, dirigeants, membres du conseil d'administration, auditeurs, comptables, juristes, banquiers. Elle a aussi mis en lumi�re les dysfonctionnements du contr�le interne, en particulier les rapports de force qui r�duisent les whistle-blowers au silence. Si les dirigeants de WorldCom ou d'Adelphia n'ont pas eu l'imagination cr�atrice de ceux d'Enron, les autres scandales de l'ann�e 2002, par leur nombre et leur ampleur, ont pu donner le sentiment que la r�putation de transparence des march�s financiers am�ricains �tait, sinon usurp�e, du moins tr�s exag�r�e.

Une loi pour restaurer la confiance

Dans ce contexte, le Congr�s a �prouv� la n�cessit� d'agir pour restaurer la confiance. La loi sign�e par le pr�sident en juillet 2002 - officiellement Corporate and Auditing Accountability, Responsibility and Transparency Act - est connue sous le nom de ses deux promoteurs au Congr�s. Paul S. Sarbanes, s�nateur d�mocrate du Maryland depuis 1977, est aujourd'hui Ranking Member - c'est-�-dire le plus Senior des membres issus de la minorit� d�mocrate - du comit� charg� des affaires bancaires, le Senate Banking, Housing and Urban Affairs Committee. Au moment de la signature de la loi qui porte son nom, avant que les �lections de novembre 2002 ne renversent la majorit�, il en �tait le pr�sident. Michael G. Oxley, repr�sentant r�publicain de l'Ohio depuis 1981, pr�side quant � lui le comit� de la Chambre des repr�sentants sur les services financiers, le House Committee on Financial Services.

La loi, pr�par�e sous le patronage de deux v�t�rans du Congr�s, un d�mocrate et un r�publicain, b�n�ficie donc en apparence d'un large support bipartisan, dans la grande tradition parlementaire am�ricaine. Son �laboration, pourtant, ne s'est pas faite dans l'unanimit�, et des consid�rations de politique conjoncturelle ne sont pas �trang�res � son adoption au cours de l'�t�.

Si Enron avait sensibilis� certains membres du Congr�s � la n�cessit� d'agir pour restaurer la confiance, ce fut sans doute WorldCom, quelques mois plus tard, qui fit pencher la balance du c�t� des partisans de la r�forme. Un premier projet de loi pr�sent� par Michael Oxley avait �t� vot� par la Chambre des repr�sentants le 24 avril 2002. Cependant le texte final reprend essentiellement les dispositions, plus restrictives, d'un document pr�sent� d�but avril par le s�nateur Sarbanes devant le Senate Banking, Housing and Urban Affairs Committee. Les d�bats du Congr�s se sont �tendus sur plusieurs semaines. Le comit� du S�nat y a consacr� une dizaine de sessions, recevant les contributions de nombreux experts : l'ancien pr�sident de la Fed, Paul Volcker, d'anciens et actuel pr�sidents de la SEC, d'universitaires, repr�sentants des cabinets d'audit et des grandes soci�t�s am�ricaines.

Le projet de loi a �t� adopt� s�par�ment par les deux chambres du Congr�s en juillet. Dans un discours prononc� au S�nat le 8, Paul Sarbanes en �non�ait les objectifs : " Cette l�gislation est con�ue pour traiter les faiblesses syst�miques et structurelles qui, je pense, ont �t� mises en lumi�re au cours des derniers mois et qui montrent un �chec de l'audit et un effondrement du sens des responsabilit�s des entreprises et des banques d'affaires. " La loi fut sign�e par le pr�sident le 30 juillet. L'ex�cutif r�publicain avait d'abord regard� avec m�fiance l'initiative des parlementaires. La conversion tardive de l'administration est bien le signe qu'une action publique �tait devenue indispensable pour r�tablir la confiance dans le bon fonctionnement des march�s financiers. Le discours du pr�sident le 9 juillet � Wall Street, avec ses admonestations moralisatrices et ses menaces de prison pour les dirigeants d�linquants, avait d��u. La presse avait � nouveau �voqu� les conditions dans lesquelles, bien avant son arriv�e � la Maison-Blanche, George W. Bush avait vendu les actions de la soci�t� Harken Energy juste avant l'effondrement de leur cours. Le paraphe appos� au bas du Sarbanes-Oxley Act venait donc opportun�ment rappeler � l'investisseur-�lecteur que le pr�sident n'�tait pas indiff�rent � ses malheurs boursiers.

Dans son discours prononc� � l'occasion de la c�r�monie de signature, le pr�sident insistait sur la n�cessit� d'un retour � la morale, dans le style qui est le sien : " Faire prendre des risques � un investisseur en le trompant, cela s'appelle du vol. Les dirigeants des entreprises doivent comprendre le scepticisme �prouv� par les Am�ricains et prendre des mesures pour d�finir des crit�res clairs du bien et du mal. Ceux qui enfreignent les r�gles salissent un grand syst�me �conomique qui offre des opportunit�s � tous. " Il poursuivait en mettant l'accent sur les aspects r�pressifs de la loi : " Plus d'argent facile pour les criminels d'entreprise, mais des temps difficiles. "

Une fois la loi sign�e, certaines de ses provisions sont entr�es en application imm�diatement, d'autres � la fin du mois d'ao�t. La mise en oeuvre des derni�res a �t� confi�e � la SEC, qui a re�u mission de les traduire en une s�rie de textes r�glementaires � publier au cours des mois suivants. L'activit� l�gislative a continu� dans des domaines plus sp�cifiques. Michael Oxley a ainsi r�cemment demand� au General Accounting Office (GAO) de pr�parer un rapport sur les commissions des fonds mutuels (mutual fund fees). L'objectif est notamment d'�tudier la transparence de ces commissions, les conditions dans lesquelles les ordres de bourse sont dirig�s de mani�re pr�f�rentielle sur certains courtiers, etc. Dans un discours prononc� le 15 janvier, ce dernier pla�ait sa proposition dans la ligne trac�e par la loi qui porte son nom : " Il s'agit d'un effort de bon sens pour restaurer la confiance des investisseurs, dans l'esprit des r�formes mises en oeuvre par le Sarbanes-Oxley Act de l'ann�e derni�re. " Bien que cette proposition du repr�sentant Oxley ne soit pas d'une ampleur comparable � celle de la loi sign�e durant l'�t� 2002, elle t�moigne du souci des l�gislateurs am�ricains de poursuivre leur action dans le domaine de la r�glementation financi�re.

Mais le d�bat politique n'a pas pris fin le jour de la signature de la loi. Les d�mocrates exigeaient depuis longtemps le d�part du pr�sident de la SEC, Harvey Pitt. Le 25 octobre, la Commission annon�ait la composition du Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB), organe de surveillance des cabinets d'audit institu� par la loi. Ses cinq membres �taient pr�sent�s comme des mod�les de comp�tence et d'int�grit�. Le juge William H. Webster, Partner du cabinet d'avocats Milbank Tweed, ancien directeur du FBI et de la Central Intelligence Agency (CIA), expert souvent appel� � participer ou � diriger des missions d'enqu�te sur des sujets sensibles, devait en �tre le premier pr�sident. La presse r�v�la bient�t que Webster avait si�g� au comit� d'audit de US Technologies, une soci�t� accus�e d'avoir pr�sent� des informations financi�res incorrectes. Comment lui faire confiance pour diriger le conseil charg� de r�former et de surveiller la profession comptable ? Webster dut d�missionner. En novembre, George W. Bush saisit l'opportunit� pr�sent�e par la victoire r�publicaine aux �lections de mi-mandat pour remplacer Harvey Pitt, d�missionnaire le 5 novembre, par William H. Donaldson, dans le cadre d'un vaste mouvement de changements aux postes �conomiques et financiers les plus �lev�s de l'administration. Depuis son entr�e en fonction, le nouveau pr�sident de la SEC a proclam� � plusieurs reprises sa volont� de restaurer la confiance des investisseurs, et ses d�clarations semblent prises au s�rieux par la presse. Son premier succ�s a �t� de convaincre le tr�s respect� William J. McDonough, pr�sident de la New York Federal Reserve, d'accepter de diriger le PCAOB. Annonc�e en avril, cette nomination devait devenir effective � la mi-juin.

Les principales dispositions du Sarbanes-Oxley Act

La l�gislation am�ricaine sur les soci�t�s cot�es en bourse n'est pas r�cente. La cr�ation de la SEC en 1934 r�pondait � un souci analogue de restaurer la confiance des investisseurs, �branl�e par la crise boursi�re de 1929. Le Securities Act de 1933, le Securities Exchange Act de 1934, le Trust Indenture Act de 1939 et l'Investment Company Act de 1940 datent de l'Administration Roosevelt. Le Securities Act, en particulier, pr�cise que les informations diffus�es lors d'une �mission de titres, notamment les �tats financiers de la soci�t� �mettrice, ne doivent �tre ni frauduleuses ni trompeuses.

Le Sarbanes-Oxley Act s'inscrit donc dans une tradition ancienne. Il vise � r�former en profondeur la gouvernance des entreprises en instituant un organe de surveillance des soci�t�s d'audit, en renfor�ant l'ind�pendance des auditeurs, en les rendant plus responsables, et en am�liorant la qualit� de l'information financi�re mise � la disposition du public.

La loi �tablit tout d'abord le PCAOB, dont les cinq membres sont nomm�s par la SEC, en consultation avec le pr�sident de la Fed et le secr�taire au Tr�sor. Deux de ses membres doivent �tre des experts comptables certifi�s (Certified Public Accountants ou CPA). Pour garantir leur ind�pendance, la loi stipule qu'ils ne doivent recevoir aucune r�mun�ration en provenance d'une soci�t� d'audit. Les cinq membres du PCAOB devaient �tre nomm�s par la SEC avant le 28 octobre 2002.

Charg� de superviser les auditeurs des soci�t�s cot�es, le PCAOB exerce son autorit� dans plusieurs domaines :

il enregistre les auditeurs qui pr�parent les rapports d'audit pour les �metteurs ; il d�finit des standards d'audit, d'�thique et de contr�le de qualit� ; il inspecte les activit�s des soci�t�s d'audit ; il enqu�te sur les violations potentielles des lois sur les march�s et des standards professionnels d'audit ; il s'assure de l'application de sa propre r�glementation.

Mais le Sarbanes-Oxley Act ne se contente pas d'instituer un organe de surveillance � l'�chelle de la profession. Il s'attache aussi � r�former le fonctionnement interne des soci�t�s cot�es en bourse, en modifiant la composition et le fonctionnement de leurs comit�s d'audit. Ces comit�s doivent �tre compos�s de Directors ne recevant aucune r�mun�ration en provenance de soci�t�s d'audit ; trois au moins de ces Directors doivent �tre ind�pendants ; un au moins doit �tre un Financial Expert, notion que la SEC �tait charg�e de d�finir.

Le r�le des comit�s consiste d�sormais � superviser le travail effectu� par les cabinets d'audit, � �tablir des proc�dures pour instruire les plaintes relatives au contr�le interne de la soci�t� et � r�soudre les conflits �ventuels entre les auditeurs et le management de la soci�t�.

La loi interdit aux cabinets qui auditent les comptes d'un �metteur de fournir, en m�me temps, des services d'une autre nature. Ces services prohib�s incluent notamment la tenue des comptes de la soci�t�, le management ou la gestion de ses ressources humaines, les services de courtage, de conseil en investissement ou d'investment banking, les services d'�valuation, le conseil en syst�mes d'information. Les autres types de services, s'ils ne sont pas prohib�s a priori, doivent n�anmoins �tre approuv�s par le comit�.

Innovation qui a eu un grand �cho m�diatique, le CEO et le CFO des soci�t�s cot�es doivent d�sormais certifier par �crit, en y apposant leur signature, les rapports annuels et trimestriels. Plus pr�cis�ment, ils doivent certifier non seulement l'exactitude des �tats financiers et de l'information financi�re publi�s par leur soci�t�, mais encore que les proc�dures de reporting et les contr�les internes ont �t� d�finis et sont mis en place, et que toute information financi�re mat�rielle est bien port�e � leur connaissance. Enfin ils doivent identifier, le cas �ch�ant, les faiblesses mat�rielles de ce reporting. En cas de violation de ces obligations, les peines pr�vues par la loi sont lourdes : 1 million de dollars et 10 ans d'emprisonnement en cas de violation consciente (knowingly) de ces obligations, 5 millions de dollars et 20 ans en cas de violation volontaire (willfully). Ces dispositions sont entr�es en vigueur imm�diatement.

Elle aussi d'application imm�diate, une des dispositions de la loi stipule que les proc�dures d'instruction des plaintes relatives au contr�le interne doivent garantir l'anonymat des salari�s qui portent � la connaissance du comit� d'audit d'�ventuelles irr�gularit�s comptables. Par ailleurs, elle institue des peines tr�s lourdes pour quiconque exercerait volontairement des repr�sailles, un licenciement par exemple, � l'encontre d'un salari� ayant communiqu� des informations � la justice. Ces dispositions visent � prot�ger les whistle-blowers dont le r�le s'est av�r� si important dans les affaires Enron et WorldCom.

L'activit� boursi�re des membres du conseil d'administration et des dirigeants des soci�t�s cot�es est strictement encadr�e. Ceux-ci voient leur capacit� d'�mettre des ordres en bourse restreinte lors des p�riodes de blackout pour les fonds de pension et doivent d�clarer, dans leurs rapports annuels et trimestriels, s'ils ont adopt� un code d'�thique pour certaines cat�gories d'employ�s, notamment les principaux cadres de leur direction financi�re, et, le cas �ch�ant, expliquer pourquoi ils ne l'ont pas fait. Si une soci�t� �mettrice est amen�e � corriger ses �tats financiers � la suite d'une violation mat�rielle, le CEO et le CFO doivent rembourser personnellement les r�mun�rations et profits per�us au cours de la p�riode de 12 mois qui suit l'�mission ou la publication du document non conforme.

Dans le domaine de la comptabilit�, les rapports annuels des soci�t�s doivent d�clarer toutes les op�rations hors bilan d'importance significative, ainsi que les relations avec des entit�s non consolid�es qui pourraient � l'avenir avoir un impact financier mat�riel. Ils doivent aussi inclure un rapport sur le contr�le interne.

La loi inclut d'autres dispositions, notamment dans les domaines suivants :

rotation des Partners des soci�t�s d'audit tous les cinq ans ; interdiction des pr�ts personnels aux dirigeants de l'entreprise ; d�claration des transactions de bourse effectu�es par les membres du conseil d'administration, les cadres et les propri�taires de plus de 10 % des actions de la soci�t� ; aggravation des peines associ�es aux violations de la loi.

Avec quelques adaptations mineures, la loi s'applique bien s�r aux soci�t�s �trang�res dont les titres sont cot�s sur les march�s am�ricains.

Les textes d'application de la Securities and Exchange Commission et les nouvelles normes comptables �dict�es par le Financial Accounting Standards Board

De nombreuses dispositions de la loi donnaient instruction � la SEC d'�mettre de nouvelles r�glementations. Ces instructions �taient assorties de dates limites. La SEC avait ainsi quelques mois pour adopter des r�gles d�finitives au sujet des comit�s d'audit (avant le 26 avril 2003), au sujet des autorisations relatives aux services de conseil rendus par les soci�t�s d'audit (avant le 26 janvier 2003), et pour d�finir la notion d'" expert financier " au sein des comit�s d'audit (avant le 26 janvier 2003). Dans l'ensemble, ce calendrier a �t� respect�. A la fin du premier trimestre de l'ann�e 2003, la plupart des dispositions du Sarbanes-Oxley Act sont entr�es en vigueur, � cette r�serve pr�s que certaines nouvelles obligations d�claratives, notamment celles qui portent sur les entit�s hors bilan, concernent l'exercice se terminant le 15 juin et ne seront donc " visibles " dans les �tats financiers des entreprises qu'apr�s cette date.

La notion d'" expert financier " au sein des comit�s d'audit avait suscit� beaucoup de commentaires lors du vote de la loi. Sa d�finition a �t� formul�e dans un texte adopt� par la SEC le 15 janvier 2003 : l'" expert financier " doit �tre capable de comprendre le r�le des comit�s d'audit, les proc�dures du contr�le interne et de reporting, les �tats financiers et les principes comptables ; il doit pouvoir porter un jugement sur l'application de ces derniers et avoir une exp�rience pr�alable dans le domaine de la pr�paration, de l'audit ou de l'analyse des �tats financiers. La SEC va jusqu'� pr�ciser les conditions dans lesquelles cette exp�rience doit avoir �t� acquise - le fait d'avoir si�g� dans un comit� d'audit par le pass� ne constitue pas n�cessairement une exp�rience suffisante pour y demeurer en tant qu'" expert ".

Alors que la SEC d�clinait les dispositions g�n�rales du Sarbanes-Oxley Act dans une s�rie de textes d'application, un domaine laiss� de c�t� par la loi faisait l'objet d'une r�forme profonde dont l'origine peut �tre attribu�e � l'" effet Enron " : les normes comptables. La comptabilit� des soci�t�s am�ricaines est r�gie par un ensemble de normes connues sous le nom de US GAAP, les United States Generally Accepted Accounting Principles. Les US GAAP sont du ressort exclusif du FASB, un organisme rattach� � la SEC depuis sa cr�ation en 1973. Sa mission est de d�finir des standards de comptabilit� et de reporting financier dans l'int�r�t de l'ensemble des utilisateurs de l'information financi�re, investisseurs et cr�diteurs. Le FASB est en principe ind�pendant, mais il est parfois accus� de ne pas �tre insensible aux pressions politiques, ainsi lorsqu'il s'est abstenu, dans les ann�es 1990, d'�dicter de nouvelles r�gles, plus contraignantes, au sujet des stock-options. La critique la plus fr�quemment adress�e au FASB est d'�tre trop lent � s'adapter au changement et de publier des normes beaucoup trop complexes.

Au fur et � mesure que les m�canismes de la " comptabilit� cr�ative " d'Enron �taient d�voil�s dans la presse et port�s � la connaissance du public, le FASB a d� prendre conscience de la n�cessit� de r�former les normes s'appliquant aux financements hors bilan et aux SPE. Aux Etats-Unis, le r�gime g�n�ral de consolidation est d�fini par un texte datant de 1959, ARB 51. Ce texte applique le principe selon lequel le contr�le d'une entit� est exerc� par le d�tenteur d'une majorit� des actions assorties d'un droit de vote : si une filiale est d�tenue � plus de 50 % par sa maison-m�re, elle doit donc �tre consolid�e sur le bilan de cette derni�re. Des textes plus r�cents �taient venus pr�ciser cette r�gle g�n�rale. Ils instauraient une exception pour une cat�gorie sp�cifique, les Qualifying Special Purpose Entities (QSPE). Ces QSPE �taient d�finies comme des entit�s dont le contr�le n'�tait pas assur� par un vote de la majorit� des propri�taires des fonds propres. Le contr�le de la QSPE pouvait �tre exerc� par un ou plusieurs sponsors lui apportant un support financier. C'�tait � l'apporteur du plus grand support, principal b�n�ficiaire de la QSPE, de consolider ce dernier sur son bilan. A contrario, pour que le sponsor ne consolide pas la QSPE, il lui fallait d�montrer qu'il n'en �tait pas le principal b�n�ficiaire et n'en exer�ait pas le contr�le. Concr�tement, au-dessus d'un seuil minimum de 3 % de fonds propres, les QSPE ne devaient pas �tre consolid�es sur le bilan du sponsor. Le minimum de 3 % �tait suppos� suffisant pour assurer l'ind�pendance financi�re, pr�sente et future, de l'entit�. Or ces normes comptables se sont av�r�es inefficaces pour emp�cher Enron de recourir massivement aux SPE et dissimuler ainsi, dans des entit�s hors bilan, une part importante de son endettement. Une r�forme de leur statut a donc paru n�cessaire.

Mais, en s'attaquant au statut des QSPE, le FASB risquait de faire plusieurs victimes collat�rales. De nombreuses entit�s sont en effet structur�es comme des QSPE de mani�re parfaitement l�gitime. C'est en particulier le cas des v�hicules de titrisation qui, aux Etats-Unis, jouent un r�le essentiel dans le financement des entreprises industrielles et des institutions financi�res. Une entreprise peut ainsi vendre � un conduit de papier commercial (Asset Backed Commercial Paper Conduit, ABCP Conduit) cr�� sp�cialement � cet effet tout ou partie de son poste de cr�ances commerciales existantes et futures. Ce conduit se finance � court terme sur le march� du papier commercial, � un co�t beaucoup moins �lev� que celui d'un cr�dit bancaire classique. Dans la plupart des cas, une banque assure la gestion de ces conduits, qui ne sont pas autonomes dans leurs d�cisions. L'entreprise c�dante r�duit ainsi la taille de son bilan et s'assure d'une source de financement � bon march�. La banque sponsor conserve son r�le d'analyse et de d�cision dans le processus de cr�dit, mais le financement n'appara�t pas sur son bilan.

Les conduits ne sont pas les seuls v�hicules de titrisation qui ont pu se d�velopper en s'accommodant des contraintes du r�gime des QSPE. La plupart des Collateralized Debt Obligations (CDO), qui sont des v�hicules d'investissement ind�pendants jouant un r�le majeur sur le march� des pr�ts bancaires, ont des fonds propres sup�rieurs � 3 %. Leur sponsor d�tient souvent moins de 50 % de ces fonds propres et la gestion en est assur�e par une soci�t� de services sp�cialis�e, filiale du sponsor, dont les droits sont strictement limit�s d�s lors qu'il s'agit de prendre des d�cisions d�terminantes pour la vie de la CDO.

L'impact de normes comptables trop restrictives risque donc d'�tre s�v�re sur des march�s organis�s pr�cis�ment pour assurer un financement d�consolid� � leurs intervenants. Les premi�res propositions, �mises par le FASB fin juin 2002, ont suscit� un vif d�bat dans les milieux professionnels concern�s, qui avaient jusqu'au 30 ao�t pour formuler leur r�ponse. De nombreux acteurs, juristes, banquiers, analystes des agences de notation notamment, �voquant le risque d'une disparition pure et simple de pans entiers du march� de la titrisation, ont accus� le FASB de r�agir maladroitement aux pressions du Congr�s soucieux de rassurer � tout prix les investisseurs.

Le texte final, publi� le 17 janvier 2003, est connu sous le nom de FIN 46 (FASB Interpretation Number 46). Il tient compte, en partie, des d�bats qui ont suivi la publication du projet initial. FIN 46 abandonne la notion de QSPE. Il d�finit un nouveau type d'entit�, les Variable Interest Entities (VIE) et pr�cise dans quelles conditions ils doivent �tre consolid�s. Il s'agit tout d'abord de savoir si une entit� est bien une VIE, et ensuite d'identifier son principal b�n�ficiaire, qui devra le consolider sur son bilan.

Si une entit� pr�sente l'un des crit�res suivants, alors elle entre dans la cat�gorie des VIE :

les fonds propres de l'entit� ne sont pas suffisants pour financer ses activit�s sans recourir � une injection de fonds propres suppl�mentaires. Concr�tement, ce crit�re est mesur� par un seuil minimum de 10 % de fonds propres, nettement sup�rieur au minimum de 3 % retenu par les anciennes normes comptables ; collectivement, les propri�taires des fonds propres ne d�tiennent pas de droits de vote leur permettant de prendre des d�cisions au sujet des activit�s de l'entit�, n'ont pas l'obligation d'absorber une perte �ventuelle de l'entit� et ne re�oivent pas les profits r�siduels �ventuels de l'entit�.

Une fois qu'il a �t� �tabli qu'une entit� est une VIE, par opposition � une Voting Interest Entity toujours r�gie par la r�gle des 50 %, son b�n�ficiaire principal doit �tre identifi�. Il s'agit de l'entit� qui absorbe la majorit� des pertes anticip�es et re�oit une majorit� des profits r�siduels. C'est � elle de consolider la VIE sur son bilan.

Le texte �num�re un certain nombre d'exceptions aux r�gles g�n�rales, et surtout assortit le seuil minimum de 10 % de fonds propres d'une pr�cision tr�s importante : s'il est d�montr�, au moyen d'un mod�le quantitatif, que le pourcentage de fonds propres est sup�rieur au montant anticip� des pertes futures (expected loss), l'entit� n'est pas une VIE mais une Voting Interest Entity qui sera consolid�e sur le bilan du d�tenteur de la majorit� de ces fonds propres. Cette exception tient compte des arguments avanc�s par les professionnels de la titrisation lors de la phase de consultation qui a suivi la publication du projet initial du FASB. Le passif du bilan de certains v�hicules de titrisation, notamment celui de la plupart des CDO, est en effet structur� de mani�re � ce que le pourcentage de fonds propres, g�n�ralement inf�rieur � 10 %, soit n�anmoins sup�rieur � la perte anticip�e, calcul�e sur la base des caract�ristiques de l'actif en termes de risque de cr�dit, de maturit�, de rentabilit� et de diversification. Il est donc raisonnable de penser que beaucoup de CDO ne seront pas qualifi�es de VIE et n'auront pas � �tre consolid�es.

L'adaptation des entreprises am�ricaines � leur nouvel environnement

Paradoxalement, l'impact des nouvelles normes comptables, dont les ambitions sont plus modestes que celles de la grande r�forme de la gouvernance d'entreprise vot�e par le Congr�s, se r�v�le beaucoup plus direct. L'application de FIN 46 a �t� imm�diate pour les VIE cr��es apr�s le 31 janvier 2003. Pour celles dont la cr�ation est ant�rieure, les nouvelles r�gles sont entr�es en vigueur � partir du 15 juin 2003. Les diff�rentes parties concern�es en sont donc encore au stade de l'analyse et de l'interpr�tation. A court terme, les conduits de papier commercial sont les plus touch�s. La reconsolidation de leurs encours aurait un impact consid�rable sur la taille du bilan et les ratios financiers des banques am�ricaines sponsors de ces conduits. Les montants en jeu sont en effet �normes : le march� des conduits de papier commercial approche 700 milliards de dollars d'encours totaux, et les premi�res banques am�ricaines actives dans ce domaine (Citigroup, Bank of America, Bank One) pourraient avoir � reconsolider chacune plusieurs dizaines de milliards de dollars d'encours de papier commercial. A ce stade, les banques n'ont pas encore arr�t� une position d�finitive et poursuivent leurs discussions avec le FASB et les cabinets d'audit. Mais ce climat d'incertitude s'est d�j� traduit par un ralentissement significatif de l'activit�. Comme ces conduits sont de gros acheteurs de titres obligataires �mis par les CDO, la demande pour ce type de papier en est affect�e � son tour. Les banques �trang�res, europ�ennes notamment, qui ne sont pas soumises � FIN 46, b�n�ficient ainsi d'un avantage comparatif non n�gligeable. Il y a l�, du point de vue des institutions financi�res am�ricaines, un effet pervers dont les cons�quences � moyen terme restent � mesurer.

L'effet du Sarbanes-Oxley Act est sans doute � la fois plus profond et moins visible � court terme. Certes les entreprises am�ricaines ont d� imm�diatement se mettre en conformit� avec leurs nouvelles obligations. Elles ont r�agi en cr�ant rapidement des comit�s d'audit qualifi�s et ind�pendants, en instituant un reporting imm�diat des ordres de bourse pass�s par les membres de leur conseil d'administration et par certaines cat�gories de salari�s, en �tablissant et en documentant des proc�dures de contr�le interne, et en permettant l'audit des ces proc�dures. Dans un article paru le 17 mars 2003, BusinessWeek a tent� de faire le point sur les cons�quences du nouvel environnement juridique pour les directeurs financiers des grandes entreprises am�ricaines. Le magazine insiste sur la consid�rable charge de travail suppl�mentaire repr�sent�e par leurs nouvelles obligations d�claratives et sur les cons�quences financi�res s�v�res auxquelles ils sont d�sormais expos�s � titre personnel. Selon une enqu�te d'opinion commandit�e par le magazine et r�alis�e aupr�s de 214 CFO et de 75 CEO choisis parmi les dirigeants des 1 500 soci�t�s cot�es suivies par Standard & Poor's, " 91 % des CFO pensent que leur travail est en train de devenir plus difficile et 62 % d�clarent travailler plus longtemps. Cependant, ils sont peu nombreux � vouloir d�missionner, peut-�tre parce que leur position dans l'entreprise s'am�liore. Plus d'un tiers, 36 %, disent qu'ils sont d�sormais davantage sur un pied d'�galit� avec le CEO, tandis que seulement 28 % disent qu'ils en sont encore loin. " Le fait que les CFO aient � s'engager par �crit renforce leur poids politique dans l'entreprise ; l'argument " c'est moi qui signe Sarbanes-Oxley " leur permet de surmonter bien des objections dans les discussions strat�giques. Leurs relations avec le comit� d'audit devraient devenir plus �troites et leurs �changes plus rigoureux que par le pass�. Pour les CFO qui parviendront � passer le test, la r�forme pourrait bien finir par appara�tre comme une �tape d�terminante dans la progression de leur carri�re. De leur point de vue, le tableau est donc loin d'�tre enti�rement n�gatif, m�me si " pr�s d'un tiers des CFO ne pensent pas que les nouvelles r�gles �tablies par le Sarbanes-Oxley Act ou impos�es par la SEC rendent un autre Enron moins probable ".

Mais CFO et membres des directions financi�res ne sont pas les seules cat�gories d'employ�s des soci�t�s cot�es auxquelles la loi a impos� des responsabilit�s suppl�mentaires. Les juristes eux aussi sont concern�s, en particulier par les dispositions relatives � la protection des whistle-blowers. Dans son �dition de mars 2003, le Journal of the American Corporate Counsel Association (ACCA) illustre par une petite histoire les nouvelles obligations du juriste d'entreprise : " Vous vous asseyez pour siroter votre caf� du matin, et le t�l�phone sonne. A l'autre bout de la ligne, un employ� vous informe qu'il croit que la soci�t� a surestim� ses profits et que ses rapports � la SEC �taient incorrects. Vous enqu�tez sur ces all�gations et d�couvrez qu'elles sont peut-�tre vraies. Le lendemain matin, le manager de l'employ� vous appelle en demandant l'autorisation de le licencier pour des "probl�mes de performance". On dirait que vous n'�tes pas le seul � qui il a parl�. Et maintenant, que faire ? " L'ACCA recommande � ses lecteurs de sensibiliser leur entreprise � l'importance d'un bon programme de compliance interne, d'adapter le code d'�thique et les d�finitions de fonction des managers, d'�tablir des proc�dures d'investigation, de mettre en place un programme de formation au sujet des nouvelles dispositions de la loi et enfin de documenter par �crit les " probl�mes de performance " invoqu�s par un manager pour licencier l'un de ses collaborateurs, afin que ce dernier ne puisse pas se pr�valoir ind�ment de la protection accord�e aux whistle-blowers. Quant � ces derniers, ils se plaignent souvent de ne pas b�n�ficier d'une protection suffisante, m�me depuis l'entr�e en vigueur du Sarbanes-Oxley Act, et d'�tre toujours soumis � l'arbitraire de leur hi�rarchie.

L'exemple des CFO et des juristes montre que les entreprises am�ricaines ne font que commencer � s'adapter � leur nouvel environnement juridique et r�glementaire. Il faudra du temps pour que le comportement quotidien de Corporate America soit modifi� de mani�re perceptible. Aux yeux de nombreux observateurs, les r�ticences sont bien r�elles. S'ils reconnaissent les progr�s accomplis au cours des derniers mois, ils demeurent sceptiques sur la volont� des entreprises am�ricaines de jouer le jeu de la transparence. Pourtant des associations professionnelles ont pris des initiatives qui vont dans la direction souhait�e par les partisans de la r�forme. Ainsi l'Association of Investment Management Research (AIMR), qui rassemble de nombreux analystes financiers, travaille depuis longtemps sur ces sujets, en concertation avec la SEC notamment. Dans le domaine de la formation universitaire des futurs acteurs de la vie �conomique, un " cas Enron " figure au programme de plusieurs dipl�mes " MBA ", qui comportent d'ailleurs souvent des cours d'�thique.

La contribution des universit�s et des centres de recherche ne se limite pas � sensibiliser les futurs CEO et CFO � leurs nouvelles responsabilit�s. Les acteurs du monde acad�mique jouent un r�le important dans l'�volution d'un paysage juridique, r�glementaire et comptable qui demeure extr�mement mouvant. Certains se d�clarent satisfaits de la nouvelle loi et font confiance aux m�canismes d'autor�gulation des march�s pour s'ajuster spontan�ment et restaurer la confiance des investisseurs. D'autres la trouvent trop timide et r�clament des mesures plus contraignantes, comme par exemple une prohibition absolue, pour un cabinet, d'exercer les fonctions d'audit et de conseil aupr�s d'une m�me entreprise, ou la rotation syst�matique des cabinets d'audit. Sur ces deux derniers points, Robert Litan, responsable des �tudes �conomiques de la Brookings Institution, souligne que c'est avant tout l'ind�pendance des cabinets d'audit � l'�gard du management de la soci�t� qui est en jeu. Cette ind�pendance est d�sormais mieux prot�g�e par leur rattachement au comit� d'audit, qui est une �manation du conseil d'administration. Quant � la rotation syst�matique des cabinets, Robert Litan rappelle que la profession est d�j� tr�s concentr�e - apr�s la disparition d'Arthur Andersen, les cinq grands ne sont plus que quatre - et que rien ne permet d'exclure, dans le processus de s�lection p�riodique, un accord entre le cabinet s�lectionn� et le management. Dans son jugement global sur le Sarbanes-Oxley Act, Litan reste prudent. Avant que la loi ne soit vot�e, le march� avait, selon lui, commenc� � faire fonctionner les m�canismes d'autor�gulation. Les proc�s ne font que commencer et les peines, vraisemblablement tr�s lourdes, qui seront prononc�es devraient avoir un effet dissuasif sur l'ensemble des acteurs. Mais, si la loi ne r�sout pas tous les probl�mes et occasionne des d�penses suppl�mentaires pour les entreprises, elle devrait contribuer � restaurer la confiance.

Conclusion

Plus que d'un mandat donn� par les �lecteurs am�ricains � leurs repr�sentants au terme d'un d�bat de fond sur la gouvernance d'entreprise, l'ensemble des r�formes adopt�es au cours des derniers mois r�sultent de la conjonction de la pression des m�dias, des convictions anciennes mais isol�es de quelques l�gislateurs, de l'opportunisme politique de la plus grande partie de leurs coll�gues et des membres de l'Administration et du souci de certains organes de r�gulation, notamment le FASB, de se d�fendre des critiques dont ils �taient l'objet. L'objectif proclam� de ces r�formes est de " rendre impossibles de nouveaux Enron " et de restaurer ainsi la confiance des investisseurs. Il est encore trop t�t pour tenter un bilan d�finitif et l'appuyer sur un comptage statistique du nombre des " affaires ". Bien des aspects, abord�s tr�s bri�vement ou ignor�s dans le cadre de cette �tude, m�riteraient d'ailleurs d'�tre analys�s de mani�re beaucoup plus approfondie - notamment les cons�quences de ces nouvelles r�gles pour les entreprises �trang�res. Les effets � moyen terme de la r�forme, lorsqu'ils pourront �tre mesur�s, alimenteront le d�bat th�orique entre les partisans du jeu spontan� des m�canismes d'autor�gulation et ceux du volontarisme l�gislatif. Quelle que soit l'issue de ce d�bat, il ne faut pas perdre de vue que ces scandales ont fait surface � un moment de l'histoire r�cente -la fin de l'ann�e 2001 et le d�but de l'ann�e 2002 - qui est aussi celui o� l'on observe un sommet dans la courbe des d�fauts parmi les entreprises am�ricaines. De " nouveaux Enron " sont toujours susceptibles d'appara�tre, ainsi lorsqu'au d�but du mois de juin le pr�sident de Freddie Mac a �t� remerci� pour avoir refus� de coop�rer avec une mission d'audit interne sur les pratiques comptables de la soci�t�. Le march� est devenu beaucoup plus sensible aux questions d'�thique : Richard Grasso, le pr�sident du New York Stock Exchange (NYSE), a d� d�missionner le 17 septembre � la suite de la r�v�lation de son salaire par la presse : le montant, tr�s �lev�, en �tait d�termin� par un Board constitu� de repr�sentants de soci�t�s dont le NYSE �tait charg� d'assurer la surveillance. Et dans le domaine judiciaire, Eliot Spitzer poursuit son combat contre les pratiques de trading frauduleuses sur les titres de certains mutual funds. Mais la fr�quence des scandales est aussi, et sans doute avant tout, fonction de la conjoncture �conomique. C'est le retour de la croissance qui permettra de tourner la page, de revenir au bull market et de restaurer durablement la confiance des investisseurs. Il y faudra bien plus que des textes de loi et des normes comptables.

Yves-Marie P�r�on, Chartered Financial Analyst, est dipl�m� de l'Ecole sup�rieure de Commerce de Paris (1989). Depuis 1995, il travaille � New York pour une banque fran�aise. Titulaire d'un DEA sur � La France vue par la presse am�ricaine entre 1936 et 1947 � (Universit� de Franche-Comt�, 2003), il pr�pare actuellement une th�se de doctorat sur le m�me sujet � l'Universit� Paris I.
Glossaire Buy, sell ou neutral : acheter, vendre, ou neutre. Recommandations des analystes sp�cialis�s des banques d'investissement au sujet des titres �mis par les soci�t�s sur lesquelles ils publient des rapports destin�s aux investisseurs. La recommandation synth�tise l'opinion de l'analyste au sujet de la soci�t� �mettrice. Elle guide l'action de l'investisseur. Below investment grade : les agences de notation (Standard & Poor's, Moody's, Fitch) attribuent des notes aux soci�t�s �mettrices de titres (actions, obligations) sur les march�s financiers. Ces notes, repr�sentatives du risque de cr�dit, vont de AAA/Aaa (risque le plus faible) � D (risque le plus �lev�). De AAA/Aaa � BBB-/Baa3, le niveau de risque est dit � investment grade �, c'est- �-dire compatible avec les restrictions qui s'appliquent � certaines cat�gories d'investisseurs. En-dessous de ce niveau (de BB+/Ba1 � D), le risque est qualifi� de � below-investment grade � ou de � sp�culatif �. Chinese wall : litt�ralement � muraille de Chine �. Cette expression d�signe la s�paration �tanche qui doit exister entre les activit�s d'une m�me soci�t�, une banque d'investissement par exemple, afin de pr�venir les situations de conflits d'int�r�ts. Ainsi � titre d'exemple, les banquiers travaillant sur une �mission de titres d'une soci�t� cot�e ont acc�s � des informations privil�gi�es dont la connaissance est susceptible d'influer sur le cours des titres existants. Ils ne doivent donc pas parler � leurs coll�gues analystes qui publient des recommandations destin�es aux investisseurs. Compliance : d�signe la conformit� avec l'ensemble des r�gles encadrant l'activit� des soci�t�s �mettrices de titres cot�s sur les march�s financiers. Au sein d'une telle soci�t�, le respect des ces r�gles est souvent assur� par un employ� appel� compliance officer. Put : option de vente (par opposition � call : option d'achat). Ranking member : membre de rang le plus �lev�, apr�s le pr�sident, dans une commission du Congr�s am�ricain. Reporting : ensemble des informations, principalement financi�res, produites par les soci�t�s. Le reporting peut �tre qualifi� d'externe (par exemple les �tats financiers certifi�s par les commissaires aux comptes et destin�s � �tre publi�s) ou d'interne (�tats de gestion produits par la direction financi�re � l'usage du management de la soci�t�). Whistle-blower : litt�ralement, � celui ou celle qui a donn� le coup de sifflet �, c'est-�-dire qui a donn� l'alarme. Dans le cas d'une soci�t� �mettrice de titres cot�s, se dit d'un employ� qui avertirait les autorit�s de surveillance du march� pour leur signaler des pratiques contraires aux lois ou � la r�glementation.