exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
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ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
C'est devenu presque une tradition : chaque premier ministre en Isra�l entame sa l�gislature en relan�ant l'option " Le Liban d'abord ". D�s son �lection et la formation de son gouvernement en juin 1996, Benyamin Netanyahou a tent� de n�gocier via les Syriens un retrait isra�lien unilat�ral du Liban-sud assorti de garanties de s�curit� draconiennes, sans offrir aucune contrepartie sur le Golan, si ce n'est une vague promesse d'une r�ouverture des n�gociations syro-isra�liennes interrompues en mars 1996. Manoeuvre tactique de la part d'un gouvernement qui a annonc� haut et fort sa d�termination de ne c�der aucun pouce du Golan ou pr�lude � un revirement de strat�gie par rapport � la politique suivie par les travaillistes sous Itzhak Rabin puis Shimon P�r�s, avec l'aval � peine d�guis� des Am�ricains, et qui n'envisageait de r�glement au Liban-sud que dans le cadre d'un accord de paix global avec la Syrie ?
Un an et demi apr�s l'arriv�e de l'�quipe de Benyamin Netanyahou au pouvoir, l'option " Le Liban d'abord " semble avoir fait long feu. Cet �cran de fum�e s'est rapidement dissip� : le Liban n'est pas plus une priorit� pour le pr�sent gouvernement qu'il ne l'a �t� pour son pr�d�cesseur. Loin de marquer une rupture avec la politique libanaise suivie par l'�tat h�breu depuis l'instauration de la zone de s�curit� au sud Liban en 1985, cette initiative ressemble davantage � une manoeuvre tactique visant tout � la fois � " tester " l'acteur syrien, � montrer � l'opinion publique isra�lienne que le gouvernement tente de trouver une issue � l'inextricable probl�me libanais et � rectifier aupr�s de la communaut� internationale une image n�gative de fossoyeur politique et juridique du processus de paix en se d�clarant pr�t � se conformer " sous certaines conditions " � la l�galit� onusienne, en l'occurrence � la r�solution 4251. Ces " conditions " - un red�ploiement progressif � n�gocier contre des garanties de la part de l'�tat libanais de d�sarmer la r�sistance libanaise et l'ouverture de n�gociations de paix s�par�es avec l'�tat h�breu - reproduisent dans leur formulation g�n�rale le sch�ma du trait� isra�lo-libanais avort� du 17 mai 1983, qui, quinze ans plus tard, fait figure d'anath�me pour le couple syro-libanais qui s'est form� � l'issue des accords de Ta�f en 1989.
Fait significatif, l'option " Le Liban d'abord " omettait d�lib�r�ment de faire mention d'un retrait simultan� du Golan. Au contraire, cette " ouverture " en direction du Liban s'accompagnait d'une volont� claire de clore les n�gociations syro-isra�liennes, voire d'en annuler tous les acquis et les avanc�es, en niant formellement qu'un quelconque engagement formel ait �t� pris par Itzhak Rabin d�s 1994 concernant le principe d'un retrait du Golan. Selon Benyamin Netanyahou, il ne s'agirait l� que d'" hypoth�ses " parmi d'autres pos�es sur la table de n�gociations. Le gouvernement actuel ne s'estime donc ni politiquement, ni juridiquement li� par des promesses ou engagements qui n'ont fait l'objet de documents �crits, sign�s et ratifi�s. D�s juin 1996, le Premier ministre exprimait cette position sans ambigu�t� : " Le gouvernement consid�re le plateau du Golan comme vital � la s�curit� de l'�tat ; le principe de la souverainet� isra�lienne sur le Golan est � la base de toute forme d'accord avec la Syrie ". En m�me temps qu'il fermait la porte � toute n�gociation avec Damas, celui-ci demandait donc implicitement aux Syriens de l'aider � s'extirper du bourbier libanais.
Alors que le gouvernement pr�c�dent avait totalement avalis� le principe de la " concomitance des deux volets ", syrien et libanais, Benyamin Netanyahou lan�ait un v�ritable d�fi � la Syrie en tentant de dissocier les deux occupations du Golan et du Liban-sud. Si cette manoeuvre �tait diplomatiquement pr�visible, en revanche ce qui est plus �tonnant depuis le retour au pouvoir du Likoud, c'est la prudence certaine dont il fait preuve dans sa gestion de la politique libanaise. Cette retenue contraste avec le discours muscl� tenu tant � l'�gard de la Syrie ou de l'Iran, co-parrains du Hezbollah, qu'� l'�gard de l'�tat libanais menac� et somm� quotidiennement de se comporter en acteur souverain et d'�tendre son autorit� sur l'ensemble de son territoire faute de s'attirer les foudres de la puissante machine militaire isra�lienne.
Alors que l'on aurait pu en toute logique, dans un contexte non plus de gel mais de r�gression du processus de paix, s'attendre � une " r�activation " des options militaires isra�liennes notamment au Liban, c'est l'inverse qui pr�vaut sur le terrain. Non que le Sud meurtri par plus d'un quart de si�cle de guerre, dite de " faible intensit� ", connaisse une p�riode de r�pit. Mais le bilan plus que mitig� de la derni�re op�ration isra�lienne en territoire libanais, appel�e " Raisins de la col�re ", a contribu� avant m�me la victoire �lectorale de Benyamin Netanyahou � un r�tr�cissement des options isra�liennes au Liban. En effet, le nouveau premier ministre h�rite d'une situation ing�rable au Liban-sud que son intransigeance vis-�-vis de la Syrie ne fait qu'accro�tre.
Le triangle syro-libano-isra�lien s'est rigidifi� selon un sch�ma d�sormais bien connu o� le Liban, bien que reconnu aux termes des accords de Ta�f comme un �tat pleinement souverain, demeure le th��tre central o� s'affrontent les deux acteurs syrien et isra�lien. Si cette configuration triangulaire n'a rien de bien nouveau, en revanche, les param�tres en ont �t� substantiellement modifi�s par rapport au modus vivendi syro-isra�lien instaur� au lendemain du red�ploiement isra�lien de 1985 . Au " dialogue de la dissuasion " dont la principale vertu avait �t� de pr�venir tout risque d'escalade incontr�l� entre les deux arm�es pr�sentes sur le sol libanais, s'est substitu� un d�s�quilibre strat�gique notable au d�triment de la partie isra�lienne. Le pi�ge du Liban-sud s'est referm� sur l'�tat h�breu : aucune option militaire ne semble viable et une issue politique est plus que jamais fonction de la volont� syrienne.
Cet article se situe pr�cis�ment � ce tournant. Il vise � apporter un �clairage prospectif sur l'�volution, � moyen terme - dans les six ans � venir - de ce triangle syro-libano-isra�lien en fonction des sc�narios qui nous semblent les plus plausibles. L'analyse de la configuration actuelle, les enjeux du volet syro-isra�lien du processus de paix et l'imbrication �troite du couple syro-libanais dans les dynamiques de ce triangle serviront de canevas � ces sc�narios de crise.
L'ann�e 1994 constitue probablement un tournant dans les n�gociations syro-isra�liennes qui pi�tinaient depuis le lancement du processus de paix � Madrid en octobre 1991. Trois �v�nements majeurs vont contribuer � en relancer la dynamique : la rencontre � Gen�ve entre Hafez al-Assad et le pr�sident Clinton au cours de laquelle le pr�sident syrien exprime officiellement son engagement pour la paix ; l'acceptation en juillet 1994 par Itzhak Rabin (jamais confirm�e officiellement) du principe d'un retrait isra�lien du Golan jusqu'aux lignes du 4 juin 1967 ; et la signature de l'accord de paix jordano-isra�lien qui donne � la partie isra�lienne les coud�es plus franches pour avancer sur le volet syrien. La d�finition de la position isra�lienne, r�sum�e par la formule de Itzhak Rabin devenue c�l�bre depuis " la profondeur du retrait (du Golan) sera proportionnelle � la profondeur de la paix ", a permis de lever toute ambigu�t� sur la reconnaissance par la partie isra�lienne de la r�solution 242 des Nations unies comme la base des n�gociations de paix avec la Syrie. Itzhak Rabin a ainsi donn� satisfaction � Hafez al-Assad qui exigeait comme point de d�part des n�gociations un engagement isra�lien ferme sur un retrait total du Golan. D�s le d�part, il �tait clair que Hafez al-Assad n'accepterait pas moins que ce que Anouar al-Sadate avait obtenu. La r�trocession du Golan dans sa totalit� constitue un objectif vital pour le pr�sident syrien pour des raisons symboliques et de l�gitimit� - r�parer l'honneur perdu de la d�faite de 1967 alors qu'il �tait ministre de la D�fense. La partie isra�lienne voulait compenser la perte du Golan par des mesures de s�curit� drastiques, seul moyen d'obtenir l'adh�sion de l'opinion publique isra�lienne � un accord de paix avec la Syrie. La normalisation devait en outre �tre pleine et enti�re : ouverture des fronti�res, libre circulation des hommes et des biens, �change d'ambassades... Mais ce sont v�ritablement les pourparlers engag�s � Maryland, de d�cembre 1995 � f�vrier 1996, qui ont permis d'avancer sur les quatre dossiers litigieux : l'�tendue du retrait, les arrangements de s�curit�, la normalisation des relations, et le calendrier de mise en oeuvre. Les discussions avaient comme base un document de travail �labor� et r�dig� par les Am�ricains, intitul� " Objectifs et principes des arrangements de s�curit� " (Aims and Principles of Security Arrangements) qui r�affirme le principe selon lequel la s�curit� de l'une des deux parties ne doit pas �tre aux d�pens de la s�curit� de l'autre partie.
En l'espace de quelques mois � peine, Isra�liens et Syriens auraient accompli des progr�s fulgurants dans leur marche vers la paix. Une nouvelle �re allait s'ouvrir pour la r�gion gr�ce � la " clef " syrienne sans laquelle il n'y a pas de paix globale viable au Moyen-Orient. L'�tat h�breu allait pouvoir consolider les acquis obtenus sur les autres volets du processus de paix et se d�sengager progressivement du Liban-sud. L'un des principaux objectifs isra�liens �tait bien entendu de s'extirper de ce triangle infernal dans lequel l'�tat de guerre froide avec la Syrie l'avait enferm� au Liban-sud. Mais l'ann�e 1996 ne sera pas celle de la paix syro-isra�lienne. Nous examinerons plus loin les perceptions et les interpr�tations syriennes et isra�liennes de ce " rendez-vous manqu� " avec l'histoire. Mais ce court �pisode des n�gociations avort�es est riche d'enseignements quant � la m�canique de fonctionnement de ce triangle. En effet, alors que la Syrie g�re son couple avec le Liban sur la base de la concomitance et l'indissociabilit� des deux volets, la partie libanaise a brill� par son absence avant de dispara�tre compl�tement du paysage des n�gociations. Il est vrai qu'en s'accrochant avec ent�tement � l'application inconditionnelle de la r�solution 425, la d�l�gation libanaise s'est engag�e, d�s l'ouverture du processus � Madrid en 1991, dans un dialogue de sourds avec les repr�sentants isra�liens qui refusaient de n�gocier sur la base d'une r�solution qui n'offre, selon eux, aucune garantie de s�curit� pour l'�tat h�breu. Mais l'explication de l'inexistence des n�gociations libano-isra�liennes r�side ailleurs. Au moment o� les pourparlers syro-isra�liens d�marrent sur des bases encore incertaines, le Liban - et non sa partie sud -constitue paradoxalement le seul point non litigieux entre les deux parties. Les projets grandioses du tandem Begin/Sharon au pays du C�dre ne constituent plus aujourd'hui qu'une parenth�se am�re dans une politique qui, depuis l'entr�e des troupes syriennes au Liban en 1976, s'est appuy�e avec constance sur le " dialogue de la dissuasion " entre Damas et Tel-Aviv. Au-del� de ses aspects techniques, ce modus vivendi �tait b�ti sur une reconnaissance mutuelle par ces deux puissances d'int�r�ts de s�curit� vitaux dans ce pays. Lou� par les uns pour sa fonction stabilisatrice, d�nonc� par les autres pour son cynisme � l'�gard d'un pays r�duit � n'�tre plus qu'une zone-tampon, cet accord a �t� s�rieusement menac� par l'op�ration " Paix en Galil�e " en 1982 dont l'un des objectifs majeurs �tait d'�liminer toute pr�sence syrienne du Liban en y installant un �tat domin� par les maronites et alli� d'Isra�l. Le red�ploiement isra�lien en 1985 renouait avec la politique libanaise suivie par l'�tat h�breu dans les ann�es 70 privil�giant le maintien du statu quo dans les relations avec Damas et limitant le champ de son intervention � la zone de s�curit� qu'elle a �tablie depuis dans le sud du Liban.
La r�alit� strat�gique du couple syro-libanais n'a pas constitu� - et ne constituera pas - un obstacle dans les n�gociations syro-isra�liennes. R�sign�s et m�me soulag�s pour certains d'une prise en charge syrienne du Liban, les Isra�liens soutiennent dans leur quasi-unanimit� l'option d'un retrait conditionnel du Liban-sud qui renforcerait la s�curit� de la fronti�re nord de l'�tat h�breu. L'un des leitmotivs des responsables politiques et des repr�sentants de l'intelligentsia est qu'Isra�l n'a aucune vis�e territoriale ou revendication id�ologique au Liban et particuli�rement dans sa partie sud. L'autre r�alit� est le sentiment m�lang� de d�sillusion, d'amertume et de ressentiment � l'�gard des Libanais et plus particuli�rement des maronites. David Kimche, qui a pris une part active aux n�gociations isra�lo-libanaises et � l'�laboration du trait� avort� du 17 mai 1983, parle de terrible d�ception alors que Yossi Olmert, avec beaucoup moins de distance et de retenue, affirme qu'aucun Libanais, qu'il soit chr�tien ou musulman, ne m�rite que lui soit vers� une seule goutte de sang isra�lien.
La version syrienne la plus �labor�e et la plus d�taill�e en est fournie par le principal n�gociateur syrien, ambassadeur de Syrie � Washington, Walid al-Moualem. La responsabilit� de l'�chec des pourparlers de Wye Plantation est rejet�e sur la partie isra�lienne et plus sp�cifiquement sur Shimon P�r�s qui a d�cid�, dans la foul�e, la suspension des n�gociations, l'organisation d'�lections anticip�es et le d�clenchement d'une vaste offensive au Liban en avril 1996.
Selon l'ambassadeur syrien, Itzhak Rabin et Shimon P�r�s avaient chacun leur style et ob�issaient � un rythme de n�gociations diff�rent. Le premier �tait m�fiant, r�ticent, avan�ait prudemment et � petits pas. Devenu Premier ministre, Shimon P�r�s �tait m� par un sentiment d'urgence. Il d�sirait entrer en campagne �lectorale avec un accord syro-isra�lien clefs en main. Les deux pierres d'achoppement sur lesquelles butait l'accord final �taient li�es aux arrangements en mati�re de s�curit� et � la nature de la " normalisation ". Les exigences isra�liennes en mati�re de s�curit� �taient jug�es inacceptables pour les Syriens qui r�clamaient l'application du principe de sym�trie concernant les postes de surveillance avanc�s et les zones d�militaris�es. Sur le dossier de la normalisation, les Syriens opposaient � la vision isra�lienne d'une " paix chaude ", une normalisation graduelle, en faisant pr�valoir qu'il est encore pr�matur� pour l'opinion publique syrienne d'assimiler et d'accepter un passage brutal d'une situation de guerre � une situation de paix. Sur le volet du retrait du Golan et de sa profondeur, Walid al-Moualem et le pr�sident Assad lui-m�me ont affirm� que les Isra�liens, conform�ment � la condition pos�e par les Syriens comme pr�alable � la poursuite des n�gociations, s'�taient d�s 1994 engag�s sur le principe d'un retrait jusqu'aux lignes du 4 juin 1967.
Si l'on a une version monolithique pr�visible en Syrie, les Isra�liens en revanche sont partag�s sur l'interpr�tation et les implications de cette opportunit� manqu�e. Le d�bat oppose ceux qui croient que la paix �tait une option strat�gique r�elle pour la Syrie � ceux qui restent convaincus que les objectifs de Hafez al-Assad, une situation de non-bellig�rance, �taient fondamentalement diff�rents de la paix telle que la con�oivent les Isra�liens. Pour les tenants de la premi�re th�se, un accord sous le forme d'une " D�claration de principes " �tait sur le point d'�tre conclu. L'opportunit� manqu�e serait due � une erreur de calcul de la part du pr�sident Assad qui n'a pas voulu comprendre et entendre qu'il �tait de sa t�che de convaincre l'opinion publique isra�lienne, tr�s r�ticente et en majorit� encore oppos�e � un retrait total du Golan, de son engagement r�el pour la paix. Une rencontre au sommet avec Shimon P�r�s aurait contribu� � cr�er une dynamique propre. En refusant d'effectuer ce geste symbolique en direction des Isra�liens, il aurait contraint celui-ci � suspendre les n�gociations et � provoquer des �lections anticip�es. Pour les tenants de l'autre th�se, le pr�sident syrien a fondamentalement peur de la paix en raison de ses implications sur la stabilit� du r�gime et sur le poids strat�gique r�gional de la Syrie. Son adh�sion au processus de Madrid et au principe de " La terre contre la paix " n'aurait �t� qu'une manoeuvre tactique pour empocher les dividendes que lui valait en soi sa posture de n�gociation. � l'inverse, la paix aurait � terme contribu� � la " banalisation " de l'acteur syrien en r�duisant consid�rablement sa valeur strat�gique.
L'un des enjeux du d�bat porte, comme de coutume en Isra�l, sur la personnalit� de Hafez al-Assad. De plus en plus de voix s'�l�vent qui consid�rent que le pr�sident syrien constitue un obstacle � la paix et qu'Isra�l devrait attendre l'apr�s-Assad avant de relancer un quelconque processus de n�gociations avec la Syrie. Certaines figures traditionnelles du Likoud, tel Yossi Olmert, mettent en cause la l�gendaire habilet� politique et man?uvri�re du pr�sident syrien en affirmant que celui-ci n'a jamais su transformer les " cartes " dont il disposait en atouts tangibles. De l'autre c�t� du spectre politique, des personnalit�s telles que Itamar Rabinovitch, principal n�gociateur et fin connaisseur des questions syriennes, ne disent pas autre chose en qualifiant Hafez al-Assad d'" homme du pass� ", fonci�rement conservateur et qui n'a jamais r�ussi � bien saisir les r�alit�s de la soci�t� et de la politique isra�liennes.
Personne n'est en mesure aujourd'hui de confirmer ou d'infirmer la th�se courante selon laquelle si Shimon P�r�s avait remport� les �lections, une " D�claration de principes " aurait �t� sign�e en l'espace de quelques mois, pr�lude � un accord de paix global. R�trospectivement, il est assez troublant de constater que l'opinion publique isra�lienne ne conserve pas le sentiment d'une opportunit� historique manqu�e avec la Syrie. Est-ce parce que Hafez al-Assad a, avec consistance, refus� de s'adresser directement � elle comme le lui demandait avec insistance la partie isra�lienne ? En outre, Itzhak Rabin s'�tait engag� � soumettre cet accord sur le Golan � r�f�rendum, prenant par l� un gros risque, la soci�t� isra�lienne n'�tant gu�re acquise � la formule " La paix en �change de la terre " appliqu�e � la Syrie. Enfin, deux visions quasi irr�conciliables de la paix continuaient � s'opposer : la paix est con�ue par Damas comme un moyen de contenir Isra�l dans ses fronti�res, alors que pour la partie adverse la paix constitue une fin en soi devant se traduire par une normalisation totale des relations tout en garantissant � l'�tat h�breu les conditions optimales de s�curit�.
Selon toute probabilit�, un arrangement �tait sur le point d'�tre conclu bien qu'il soit difficile d'en d�terminer les termes et le contenu. Les responsables isra�liens qui ont �t� tr�s impliqu�s dans les n�gociations sont tr�s �vasifs sur le sujet. Selon Itamar Rabinovitch, il n'y aurait eu aucun accord entre les deux parties sur les postes de surveillance avanc�s ou sur les zones d�militaris�es. En outre, la d�l�gation isra�lienne aurait bien demand� un red�ploiement de l'arm�e syrienne mais non une r�duction de la taille des forces arm�es, contrairement aux affirmations de la d�l�gation syrienne. Quant au retrait du Golan, il n'aurait �t� abord� que de fa�on tr�s hypoth�tique. La r�currence du terme " hypoth�tique " dans le discours officiel isra�lien, de droite comme de gauche, s'agissant du principe m�me du retrait laisse quelque peu sceptique quant � l'imminence de cette paix manqu�e. Il est �vident que la grande prudence strat�gique de Hafez al-Assad et ses r�serves id�ologiques concernant le processus de normalisation avec l'�tat h�breu ne sont pas seules en cause. Les perceptions isra�liennes de la Syrie restent fondamentalement n�gatives et il n'est pas s�re qu'une poign�e de main entre Shimon P�r�s et Hafez al-Assad aurait suffi � calmer les craintes des Isra�liens, nourries par trente ans de campagne selon laquelle renoncer au Golan, c'est renoncer � la s�curit� de la Galil�e. Enfin, on semble d�celer quelques notes discordantes entre Shimon P�r�s et Uri Savir d'un c�t�, et Itamar Rabinovitch -qui avait �t� nomm� par Itzhak Rabin - de l'autre. Bien qu'il n'en ait jamais fait �tat publiquement, Itamar Rabinovitch ne semblait partager ni l'empressement de Shimon P�r�s � vouloir conclure un accord, ni son enthousiasme pour donner un contenu nouveau plus �conomique et culturel aux n�gociations dans le cadre de sa vision du " Nouveau Moyen-Orient ".
L'anecdote qui illustre bien la distance " psychologique " qui s�parait les deux parties, syrienne et isra�lienne, est celle relative � la volont� de Shimon P�r�s, en pilote averti, de " voler haut et vite " (to fly high and fast). Il usait de cette m�taphore pour convaincre ses interlocuteurs syriens qu'il �tait dans leur int�r�t et leur s�curit� r�ciproques d'acc�l�rer le rythme des n�gociations et d'en changer les modalit�s, en provoquant une rencontre au sommet avec Hafez al-Assad et en �levant les n�gociations directes au niveau des chefs d'�tat et de gouvernement. � cela, les Syriens r�torquaient qu'il �tait certes important de " voler " mais qu'il �tait tout aussi important de ne pas se tromper sur le lieu et le moment de l'atterrissage.
Les deux sc�narios identifi�s et analys�s ici sont ceux qui d�terminent une configuration sp�cifique du triangle syro-libano-isra�lien, avec ses prolongements sur les situations internes, et ses implications r�gionales et internationales propres : le sc�nario du statu quo et l'option d'un retrait isra�lien du Liban-sud. Ces deux cas de figure comportent des variantes interm�diaires que sont les risques d'escalade militaire et m�me de guerre ouverte ou les perc�es et les progr�s sur le front diplomatique. N�anmoins, l'effondrement de la dynamique et de l'architecture du processus de paix isra�lo-arabe a r�duit l'�ventail des options. Le triangle syro-libano-isra�lien se situe aujourd'hui dans cette zone grise, interm�diaire, entre l'option de la paix et celle de la guerre, mais qui reste une zone de crise et de turbulences.
Le sc�nario de " ni guerre, ni paix " est sans aucun doute le plus plausible aujourd'hui concernant l'�volution � moyen terme du triangle syro-libano-isra�lien. La perspective d'une reprise des n�gociations s'�loigne au fur et � mesure que la confusion politique s'accro�t en Isra�l. Contrairement � ce qui se passe sur le front int�rieur, en Palestine, il n'y a pas ici de sentiment d'urgence pour Isra�l, sauf au Liban-sud. Mais le gouvernement de Benyamin Netanyahou semble bien d�termin� � ne c�der sous aucun pr�texte aux pressions qu'exerce Damas via le Hezbollah pour ramener la partie isra�lienne � la table des n�gociations, sur la base de la paix en �change du double retrait du Golan et du Liban-sud. D'ailleurs, le Premier ministre estime que le Golan ne constitue pas une priorit� pour le pr�sident Assad. La stabilit� interne, le r�le de la Syrie au Liban, ses relations avec les �tats-Unis et son poids r�gional sont, selon lui, des enjeux autrement plus vitaux.
Parall�lement, les deux puissances isra�lienne et syrienne redoublent de vigilance pour �viter l'escalade et la confrontation militaire directe. Le retour de part et d'autre au discours belliqueux et radical qui caract�risait les relations entre les deux �tats avant Madrid, les rumeurs de surarmement et de mouvements de troupes, ne sauraient faire oublier que, depuis la guerre d'octobre de 1973 et les accords de d�sengagement sur le Golan, la fronti�re syro-isra�lienne est, compar�e au foyer de tension permanent du Liban-sud, un �lot de paix.
Certains strat�ges isra�liens, minoritaires, ont pourtant �labor� des sc�narios de conflit entre Damas et Tel-Aviv, qui se fondent sur l'hypoth�se centrale que la situation de statu quo n'est viable ni pour l'une ni pour l'autre des deux parties soumises � des �ch�ances internes et � des pressions internationales croissantes. Il ne fait pas de doute que la Syrie maintiendra au Liban-sud une pression militaire indirecte aussi forte que le lui permettent les lignes rouges fix�es par l'accord de cessez-le-feu d'avril 1996 - sans impliquer ses 35 000 soldats stationn�s au Liban - et aussi longtemps que le gouvernement isra�lien en place refusera de reprendre les n�gociations l� o� elles se sont arr�t�es. D�limit�e g�ographiquement � la zone de s�curit�, la guerre d'usure que se livrent le Hezbollah (1 500 hommes) et l'arm�e isra�lienne �paul�e par l'ALS (Arm�e du Liban-sud qui compte 2 500 hommes), comporte certes des risques de d�rapage, comme en 1993 et 1996, lors des deux op�rations " Justice rendue " et " Raisins de la col�re ". N�anmoins, les r�gles du jeu scrupuleusement respect�es par Isra�l et la Syrie depuis l'entr�e des troupes de Damas en 1976 - r�gles que la cr�ation du Comit� de surveillance du cessez-le-feu n'a d'ailleurs fait que formaliser vingt ans plus tard - ont instaur� des m�canismes efficaces d'endiguement de ces risques. Une escalade militaire g�n�ralis�e dont le Liban-sud serait le d�tonateur ne pourrait, dans le contexte actuel, que venir d'une d�cision strat�gique isra�lienne visant � en d�coudre par la force avec le Hezbollah, pacifier sa fronti�re nord sans avoir � payer un quelconque prix � la Syrie. Mais le syndrome libanais en Isra�l p�se de tout son poids, psychologique certes mais �galement politique. La succession de revers que continue � subir Tsahal � l'int�rieur m�me de sa zone de s�curit� ne fait que raviver ce sentiment d'�chec et d'impuissance, relan�ant le d�bat public interne sur le maintien de la zone de s�curit�, sur lequel nous reviendrons plus loin. Outre les fortes r�sistances de l'opinion publique � toute nouvelle exp�dition chez le petit voisin au nord, le gouvernement isra�lien doit �galement compter avec les oppositions et les divisions qui se sont d�velopp�es au sein de son propre �tat-major sur l'opportunit� d'une nouvelle action militaire pour " casser " le statu quo actuel et y imposer un nouvel ordre garantissant la s�curit� " absolue " � la fois des populations du nord mais �galement celle des soldats de Tsahal. Que ce soit une op�ration punitive massive prenant en otage la population civile libanaise (� l'instar des " Raisins de la col�re ") ou l'extension de la zone de s�curit� vers le nord ou encore une attaque cibl�e contre les positions de l'arm�e syrienne au Liban : aucune de ces trois variantes de l'option militaire n'appara�t dans le contexte actuel comme une strat�gie gagnante. Aucune ne semble susceptible d'�chapper � la logique de l'enlisement qui, depuis 1982 - 1985, est per�ue comme une " mal�diction " proprement libanaise o� l'arme militaire finit par se retourner politiquement contre son utilisateur.
En outre, il va sans dire que le contexte r�gional et international actuel ne se pr�te gu�re � une nouvelle action militaire isra�lienne au Liban. Le d�sengagement et la passivit� relatives de l'Administration am�ricaine au Proche-Orient sont incontestablement l'un des �l�ments du statu quo actuel. Dans le m�me temps, les cons�quences diplomatiques du blocage du processus de paix et les r�alignements g�ostrat�giques qui se dessinent au Moyen-Orient, en m�me temps que la vague croissante d'anti-am�ricanisme dans le monde arabe, n'augurent rien de bien rassurant � terme pour les int�r�ts et la position des �tats-Unis dans la r�gion. L'activisme diplomatique tous azimuts que d�ploie la Syrie pour parer aux risques d'isolement que l'�lection de Benyamin Netanyahou avait � un moment fait craindre, notamment par le biais de la consolidation des liens strat�giques avec la Turquie, a port� ses fruits. Le soutien r�it�r� apport� par l'�gypte et l'Arabie Saoudite � Damas, leur d�nonciation quotidienne de la politique isra�lienne et de la complaisance am�ricaine, leur refus de participer au sommet �conomique de Doha de novembre 1997, puis leur participation au sommet de la Conf�rence islamique � T�h�ran un mois plus tard, constituent autant de signaux d'urgence lanc�s � Washington par ses deux alli�s les plus fiables dans la r�gion. Il est peu probable qu'� un moment o� la capacit� de m�diateur de l'Administration am�ricaine est s�rieusement mise en cause par ses partenaires arabes, celle-ci avalise une action militaire isra�lienne au Liban. �chaud� par le coup de poker �lectoral qui a pr�cipit� Shimon P�r�s dans la d�sastreuse op�ration " Raisins de la col�re ", Washington ne voudrait en outre surtout pas prendre le risque de condamner ainsi le volet syrien des n�gociations, ce qui signerait l'arr�t de mort du processus. Tant que la partie syrienne continuera � se montrer dispos�e � reprendre les n�gociations avec Isra�l sur la base de " ce qui a �t� conclu � Wye Plantation ", les responsables am�ricains veilleront � �viter toute escalade militaire dont l'objectif premier serait pour le gouvernement isra�lien d'imposer par la force l'option " Le Liban d'abord ". Le maintien du statu quo est un pis-aller aujourd'hui pour Washington qui a tant investi dans le processus de paix et qui peut se targuer d'avoir r�alis� de remarquables perc�es sur le dossier syro-isra�lien en un laps de temps assez court, compte tenu de l'antagonisme profond qui opposait les deux parties. Il n'est pas question de revenir sur les acquis de Wye Plantation, qu'il faut geler en attendant que le verrou isra�lien se d�bloque, soit par un bouleversement de la donne interne, soit par un changement de l'�tat d'esprit de la communaut� juive am�ricaine et de ses puissants groupes de pression dans le sens d'une plus grande fermet� � l'�gard du gouvernement actuel afin qu'il r�active le processus de paix.
� ce jour, il n'y a donc pas eu ce dangereux glissement que beaucoup redoutaient, entre le retour � un �tat de guerre froide entre Isra�l et la Syrie et une d�t�rioration incontr�lable de la situation au Liban-sud. L'autre front, celui du Golan, pourrait-il se rallumer dans ce contexte de regain de tension ? Le gouvernement isra�lien pourrait-il �tre tent� de porter le conflit en territoire syrien pour r�soudre le dilemme dans lequel il se retrouve pris aujourd'hui au Liban-sud du fait de sa propre intransigeance sur le Golan et de l'absence d'une alternative militaire cr�dible pour sortir du bourbier libanais ? Cette option ne recueille pratiquement pas d'�chos en Isra�l m�me parmi les milieux les plus " syrophobes " au sein de la coalition gouvernementale qui, redoutant l'ouverture d'un nouveau front sur le Golan, pr�conisent d'infliger enfin un coup fatal � la pr�sence syrienne au Liban. Toutes les op�rations isra�liennes dans ce pays n'ont effectivement jamais pris pour cible les positions de l'arm�e syrienne dans la B�kaa (� l'exception des frappes pr�ventives de 1982), alors m�me que c'�tait Damas et non Beyrouth qui �tait politiquement vis�e. Il est peu probable que l'option militaire contre la Syrie, avec toutes ses cons�quences incontr�lables en termes de s�curit� pour l'�tat h�breu, fasse plus d'�mules au sein de l'opinion publique comme de l'establishment militaire et politique, et ce, tant que Hafez al-Assad continuera, comme il l'a toujours fait, de se conformer aux fameuses lignes rouges au-del� desquelles il exposerait son pays � la sup�riorit� militaire �crasante de Tsahal.
Certains strat�ges isra�liens, minoritaires, n'�cartent pourtant plus l'�ventualit� d'une guerre limit�e que d�clencherait le pr�sident syrien pour sortir de l'impasse politique devenue intenable. Les tenants de ce sc�nario reprennent � contre-pied une th�se commun�ment partag�e - par des hommes politiques aussi diff�rents que Itamar Rabinovitch et Benyamin Netanyahou - selon laquelle Hafez al-Assad n'aurait jamais �t� press� de signer un accord de paix sur le Golan. Au contraire r�torquent ceux-l�, le pr�sident syrien se trouve aujourd'hui dans la m�me situation d'urgence que Yasser Arafat ou que Shimon P�r�s � la veille des �lections qui allaient sceller politiquement son sort. Il partagerait �galement ce m�me sentiment d'amertume et de frustration d'avoir laiss� la " victoire " lui �chapper alors qu'il �tait si proche du but : le retour du Golan sous souverainet� syrienne. Priv� d'options diplomatiques pour lib�rer le Golan et face � l'inertie de la communaut� internationale, Hafez al-Assad pourrait �tre tent� par une op�ration militaire sur le mod�le de la guerre d'octobre 1973, sous la forme d'une incursion limit�e au Golan dans la zone du mont Hermon, for�ant ainsi Am�ricains et Europ�ens � intervenir rapidement pour pr�venir les risques d'escalade et relancer les n�gociations. Ce sc�nario reste peu convaincant, ne serait-ce que par la place centrale qu'il accorde � la psychologie du pr�sident syrien qui, arrivant au seuil de son existence et � l'heure terrible des bilans, opterait brutalement pour un revirement de la strat�gie qui a �t� la sienne depuis 1973 et qui a �t� globalement gagnante en termes de poids r�gional, pour se pr�cipiter t�te baiss�e dans une confrontation militaire avec Isra�l, dans une ultime tentative de jouer quitte ou double : c'est-�-dire r�cup�rer le Golan ou perdre tous les acquis engrang�s jusque-l�, dont la mainmise sur le Liban. En outre et sans �tre un fin strat�ge, on voit mal selon quelle logique Isra�l c�derait � une pression militaire syrienne sur le Golan, en acceptant de reprendre les n�gociations selon les conditions pos�es par Damas, alors que la guerre d'usure au Liban-sud n'a pas � ce jour entam� l'intransigeance du gouvernement isra�lien. Le pr�sident Assad - qui a toujours dans ses calculs accord� une place centrale aux �quilibres strat�giques - sait qu'une tentative syrienne pour occuper par la force une partie du Golan entra�nera une riposte isra�lienne d�vastatrice. Les conditions qui pr�valent aujourd'hui sont en outre radicalement diff�rentes du contexte r�gional et international qui a permis � Anouar al-Sadate de r�colter les fruits politiques d'une op�ration militaire limit�e dans ses objectifs. Le pr�sident �gyptien disposait alors d'atouts strat�giques majeurs qui font d�faut � Hafez al-Assad - et qui expliquent d'ailleurs le choix historique de la Syrie de renoncer � la parit� strat�gique avec l'�tat h�breu et d'accepter l'option de la paix : l'effondrement de l'Union sovi�tique, le d�couplage des divers volets �gyptien, jordanien et palestinien, la disparition d'un " front " arabe commun, etc. Enfin, une d�faite militaire de cette taille inflig�e � l'arm�e syrienne risquerait fort de provoquer un cataclysme interne. La derni�re chose que souhaiterait le pr�sident syrien est de se retrouver pi�g� dans une confrontation militaire avec Isra�l.
Hafez al-Assad continuera � privil�gier l'option actuelle de " ni guerre, ni paix " que la Syrie a connue de 1974 � 1991 avant qu'elle ne se rallie au processus de Madrid. La suspension des n�gociations a �videmment consid�rablement r�duit ses options. N�anmoins, le pr�sident Assad a une longue exp�rience de ces situations de statu quo et il sait comment en exploiter les failles et tourner � son profit le processus de " pourrissement " actuel, pour pr�parer les conditions de nouvelles n�gociations de paix. Loin de le r�duire � l'impuissance ou � la passivit�, la perp�tuation de ce sc�nario le poussera de plus en plus � jouer de sa capacit� de nuisance en agissant sur quatre leviers : faire payer Isra�l un prix de plus en plus lourd au Liban-sud ; geler tout processus de normalisation entre Arabes et Isra�liens et renforcer son soutien aux mouvements d'opposition aux accords d'Oslo ; jouer sur les tensions entre Tel-Aviv et Washington ; et enfin rentabiliser au mieux les deux cartes, iranienne et irakienne.
Le sc�nario du statu quo r�duit donc plut�t qu'il ne favorise les risques d'escalade militaire. En revanche, il n'est pas immuable en ce sens que l'on est entr�, non pas dans une situation de gel du processus de paix, comme l'auraient souhait� ses architectes am�ricains, mais dans une phase de r�gression. En effet, si certains acquis semblent aujourd'hui irr�versibles, tels les deux accords de paix �gypto-isra�lien et jordano-isra�lien, la paix des peuples r�gresse de fa�on assez inqui�tante. Pour certains, cela rel�ve d'une vision romantique et ang�lique de la r�conciliation historique des soci�t�s arabes et isra�lienne, bien �loign�e des v�ritables imp�ratifs et int�r�ts politiques, �conomiques et strat�giques cens�s guider le processus de paix. Mais, si les �tats arabes peuvent d�cider de faire la paix dans un premier temps sans leurs peuples, ils ne peuvent la faire contre eux. Le raidissement et m�me la radicalisation des opinions publiques arabes vis-�-vis d'Isra�l ont aujourd'hui des r�miniscences d'une �poque que l'on croyait r�volue depuis une dizaine d'ann�e : celle du refus du fait accompli isra�lien. Un tel �tat de chose, s'il se prolongeait, aurait des incidences politiques et strat�giques dans la mesure o� la marge de manoeuvre des �tats arabes se retrouverait progressivement r�duite vis-�-vis d'Isra�l mais aussi de Washington. D�j� affaiblis sur le plan interne, ils seront de plus en plus contraints � r�pondre de leurs choix face � des soci�t�s qui ne voient gu�re se mat�rialiser les dividendes de la paix et face � une contestation politique interne, majoritairement islamiste, oppos�e � la normalisation avec l'�tat h�breu. Autant que l'�volution politique interne en Isra�l ou la question de l'apr�s-Assad, cette donn�e est essentielle dans l'�valuation des diff�rents sc�narios et de leur probabilit�.
La principale clef du statu quo actuel r�side sans aucun doute en Isra�l. En d�pit de l'opposition virulente de l'ensemble des �lites - hommes politiques, intellectuels, arm�e, services de s�curit� et de renseignements - et d'une position de plus en plus inconfortable au sein de son propre parti, le Premier ministre semble �tre pass� ma�tre dans l'art de la survie politique. Si le maintien de Benyamin Netanyahou au pouvoir et sa r��lection en l'an 2000 semblent constituer une garantie contre la reprise des n�gociations syro-isra�liennes, rien ne permet d'affirmer aujourd'hui qu'un changement de la donne politique isra�lienne, � moyen terme, d�bloquera l'impasse actuelle. Dans tous les cas de figure envisag�s, motion de censure contre le gouvernement (qui requiert 61 voix au sein de la Knesseth) ou contre le Premier ministre (80 voix), provoquant des �lections anticip�es dans le premier cas, et la nomination d'un nouveau chef de gouvernement dans l'autre, il est probable que le Golan et la paix avec la Syrie ne constitueront pas des enjeux prioritaires tant au niveau de l'opinion publique que de la classe politique. Ce d�sint�r�t s'explique par le fait que ces enjeux ne sont pas pour l'heure vitaux pour la s�curit� d'Isra�l. Il est vrai que la fronti�re syro-isra�lienne est la plus s�re, � telle enseigne que le Golan et le lac de Tib�riade sont aujourd'hui les lieux de vill�giature privil�gi�s des Isra�liens, les colons eux-m�mes se reconvertissant massivement dans le secteur touristique.
En d�pit de ses professions de foi pr��lectorales que le Golan restera isra�lien et qu'il s'y emploiera pour cela, la position de Benyamin Netanyahou sur la paix avec la Syrie est plus ambivalente qu'il n'y para�t. Ainsi, � la veille de la premi�re tourn�e dans la r�gion du secr�taire d'�tat am�ricain, Madeleine Albright, au mois de septembre 1997, des rumeurs persistantes ont circul� dans les m�dias isra�liens sur des messages secrets que le Premier ministre aurait fait parvenir � Hafez al-Assad, via Dennis Ross et/ou Uzi Arad, son conseiller politique, pour examiner les possibilit�s d'une reprise des n�gociations avec la Syrie. Le Premier ministre aurait propos� une version �dulcor�e de la formule lanc�e par Itzhak Rabin et reprise par Shimon P�r�s, selon laquelle la profondeur du retrait n'est plus proportionnelle � la profondeur de la paix, mais aux garanties de s�curit� que Damas est pr�te � conc�der � l'�tat h�breu sur le Golan. Bien que le cabinet du Premier ministre ait confirm� la nouvelle, il a refus� d'en divulguer la teneur. Benyamin Netanyahou est prisonnier non seulement de son approche id�ologique - que l'on peut r�sumer concernant la Syrie par " la paix avec le Golan " - mais �galement de ses imp�ratifs de survie politique au quotidien. Toute concession sur le Golan risque en effet de provoquer l'effondrement de sa propre coalition. Avigdor Kahalani, ministre de la S�curit� int�rieure et leader du parti de la " Troisi�me voie ", l'un des officiers ayant combattu sur le Golan, est formellement oppos� � toute forme de restitution du plateau vital, selon lui, pour la s�curit� de l'�tat h�breu.
Impensable � la veille de l'op�ration " Raisins de la col�re ", ce sc�nario avec toutes ses variantes fait d�sormais partie du domaine du " politiquement " envisageable. Il a �t� retenu ici en raison de l'�volution du d�bat en Isra�l sur le Liban qui, en moins de deux ans, a acquis une acuit� sans pr�c�dent. Le tabou qui, depuis 1982, inhibait la libert� de d�battre de la politique libanaise de l'�tat h�breu a �t� lev�. L'audience que recueille l'option du retrait unilat�ral du Liban-sud s'est �largie de fa�on spectaculaire en l'espace de deux ans � peine. Les causes sont li�es � la prise de conscience, d�j� latente mais acc�l�r�e par le bilan n�gatif des " Raisins de la col�re ", du fait qu'Isra�l n'a pas les moyens de gagner cette guerre d'usure au Liban-sud et que la zone de " s�curit� " est devenue en soi une source d'ins�curit� o� de jeunes soldats isra�liens continuent de payer de leur vie une politique que certains jugent " archa�que " et d�pass�e. Une autre raison fondamentale � cette remise en question de la l�gitimit� m�me des arguments s�curitaires, qui justifient le maintien de la zone de s�curit�, est li�e � l'arr�t net et brutal du processus de paix avec la Syrie. Tant que les n�gociations syro-isra�liennes semblaient en bonne voie et sur le point d'aboutir � un accord global, incluant le r�glement du probl�me libanais, les victoires de la gu�rilla remport�es par le Hezbollah avaient moins d'importance. L'impasse au Liban-sud �tait v�cue comme un mal n�cessaire mais provisoire. Alors qu'aujourd'hui l'option de la paix avec la Syrie semble durablement enterr�e, des voix de plus en plus nombreuses s'�l�vent en Isra�l pour r�clamer une r�vision de la politique libanaise et une red�finition de ses objectifs � la lumi�re de la situation actuelle. Ce sentiment d'urgence au Liban-sud est exacerb� aussi par le nouveau cadre impos� par l'accord de cessez-le-feu qui a mis un terme � l'op�ration " Raisins de la col�re " d'avril 1996 et a contribu� � r�tr�cir consid�rablement le champ des options isra�liennes. Cet arrangement impose des conditions restrictives � l'arm�e isra�lienne rendant � terme sa position intenable. Le syst�me dans le cadre duquel op�re l'arm�e isra�lienne au Liban-sud est devenu de plus en plus rigide, ne serait-ce qu'en raison de l'existence du Comit� de surveillance du cessez-le-feu qui bride l'action de l'arm�e isra�lienne et neutralise en grande partie sa puissance de feu en lui interdisant de s'en prendre aux civils. En outre, la pr�sence d'Am�ricains et de Fran�ais au sein de ce comit� a de facto contribu� � une forme d'internationalisation du conflit. Sur le plan militaire et en d�pit des r�centes d�clarations du ministre de la D�fense sur les " bons r�sultats " obtenus par l'arm�e isra�lienne gr�ce � la mise en oeuvre de tactiques de combat plus performantes, Tsahal reste astreint � une position d�fensive face au Hezbollah dont les m�thodes de gu�rilla se sont consid�rablement affin�es au cours de ces dix derni�res ann�es et qui semble contr�ler parfaitement le terrain. Pour la premi�re fois depuis l'instauration de la zone de s�curit�, le nombre de tu�s isra�liens a d�pass� en 1997 celui des Libanais, civils et combattants du Hezbollah confondus.
La question du maintien de la zone de s�curit� est devenue un facteur de division aussi bien parmi la classe politique qu'au sein de l'�tat-major de l'arm�e qui se garde pourtant d'�taler au grand jour ses discordances internes. L'option du retrait unilat�ral, total ou partiel, provoque un d�bat public particuli�rement vif entre partisans et opposants. Les prises de position sur cette question transcendent les lignes de clivages traditionnels Likoud/Parti travailliste et finissent par brouiller encore davantage un �chiquier politique d�j� confus. Ainsi, si la " colombe " travailliste, Yossi Beilin, et le " faucon " du Likoud et ministre des Infrastructures nationales, Ariel Sharon, soutiennent tous deux l'option du retrait unilat�ral, leurs motivations sont loin d'�tre les m�mes. L'architecte de l'op�ration de 1982 " Paix en Galil�e ", qui rejoint par l� les positions du parti de la " Troisi�me voie ", est favorable � un retrait unilat�ral, � la seule condition qu'il ne soit pas n�goci� avec les Syriens. L'objectif est non seulement de priver la Syrie de son atout-ma�tre, mais �galement de dissocier les deux volets libanais et syrien. Il ne s'agit plus de l'option " Le Liban d'abord ", mais de l'option " Le Liban seulement ". Le retrait se transforme alors en une carte contre la Syrie. Mais l'un des arguments majeurs de Ariel Sharon reste qu'Isra�l doit pouvoir d�cider en toute libert� du moment, des modalit�s et des conditions d'un retrait. Yossi Beilin et d'autres, dont l'" Association des 4 m�res " de soldats isra�liens servant au Liban-sud, s'appuient davantage sur des arguments de type humanitaire pour d�monter le raisonnement strat�gique et s�curitaire qui sous-tend le maintien de cette zone-tampon. Le nombre de soldats isra�liens tu�s au Liban (1 200 environ depuis 1982) et le bilan chaque ann�e un peu plus �lev� devraient, selon eux, inciter les responsables isra�liens � changer de politique. Ils soutiennent que Tsahal serait bien plus en mesure de d�fendre la s�curit� de l'�tat d'Isra�l � partir du territoire isra�lien. � l'extr�me gauche de l'�chiquier politique, on retrouve des opposants au retrait tels que le d�put� Yossi Sarid (Meretz) - l'un des plus virulents critiques de l'op�ration " Paix en Galil�e " - qui redoute dans ce cas de figure un d�luge de katioushas sur le nord d'Isra�l, contraignant l'arm�e isra�lienne � revenir en force au Liban en y lan�ant une invasion massive, terrestre et a�rienne.
Le consensus apparent au sein des forces arm�es sur la n�cessit� de maintenir cette zone-tampon aussi longtemps qu'Isra�l et la Syrie ne sont pas parvenus � un accord politique semble s�rieusement �branl�. Le doute commence � gagner un nombre croissant d'officiers sup�rieurs du Commandement de la r�gion nord quant � l'efficacit� d'une politique dont le but d�clar� est de prot�ger la s�curit� de la fronti�re nord d'Isra�l sans pour autant exposer la vie des soldats isra�liens. Bien que ces responsables militaires ne fassent aucune d�claration publique sur une n�cessaire r�vision de la strat�gie isra�lienne au Liban, certaines " fuites " laissent � penser que l'option d'un retrait unilat�ral fait de plus en plus d'�mules jusqu'aux plus hauts �chelons de la hi�rarchie militaire. De l'avis de ces militaires, l'enlisement de Tsahal au Liban-sud commence � affecter s�rieusement le moral des troupes alors que l'assurance et la combativit� du Hezbollah ne font que se renforcer sur le terrain. � l'inverse, l'ALS cens�e au d�part �tre la cheville ouvri�re de tout le dispositif isra�lien au sud est devenue au fil du temps et plus pr�cis�ment depuis deux ans un alli� de moins en moins fiable et de plus en plus difficile � g�rer et � contenir. Plusieurs sources, isra�liennes et autres, font �tat de d�fections de plus en plus nombreuses en son sein de jeunes combattants qui vont grossir les rangs du Hezbollah et/ou se transforment en agents doubles transmettant au Hezbollah des renseignements sur les mouvements et les op�rations tactiques des troupes isra�liennes.
Contre les tenants de cette th�se, un noyau dur d'officiers continue � d�fendre fermement le maintien de la zone de s�curit� comme un moindre mal. Un retrait sans garantie de s�curit�, m�me avec menaces de repr�sailles massives en cas d'attaques du Hezbollah sur le nord d'Isra�l, serait un coup de poker aux risques incontr�lables, qui exposerait directement les populations civiles. Les combattants du Hezbollah s'�tendraient tout au long de la fronti�re et tenteraient des op�rations d'infiltration en territoire isra�lien. Le retrait porterait �galement un coup fatal au prestige de Tsahal vis-�-vis de l'opinion publique isra�lienne mais �galement arabe, contrainte pour la premi�re fois de se replier sous la pression d'une gu�rilla de quelques milliers d'hommes. Ainsi, selon Uri Lubrani, coordinateur des op�rations isra�liennes au Liban-sud, ce serait pure folie que d'envisager un retrait dans les conditions actuelles, m�me assorti de mesures s�curitaires et logistiques, impliquant une tierce partie, la France par exemple, qui en garantirait la bonne application. Il est convaincu que le maintien de la zone de s�curit� est la situation la moins co�teuse pour Isra�l en termes de s�curit�. Il consid�re l'option " Le Liban d'abord ", dans toutes ses formulations et d�clinaisons, comme mort-n�e, mais n'est pas partisan pour autant de la r��dition d'une attaque de type " Raisins de la col�re ".
La pression croissante de l'opinion publique relay�e par le malaise dans les rangs de l'arm�e face aux succ�s militaires remport�s par le Hezbollah - notamment contre le fameux char d'assaut Merkava, fleuron de l'industrie de l'armement isra�lienne - inqui�te le gouvernement qui a pourtant r�it�r� par la bouche de son ministre de la D�fense, Itzhak Mordecha�, son engagement � respecter les termes du cessez-le-feu d'avril 1996. N�anmoins, la radicalisation de ce d�bat ne peut manquer � terme de faire �clater les contradictions - et peut-�tre bien les divisions internes - du gouvernement qui marche, par conservatisme ou absence de consensus interne, dans les pas de son pr�d�cesseur mais sans avoir de direction pr�cise. S'agit-il de ne rien entreprendre au Liban qui puisse y miner l'influence et la pr�dominance de la Syrie, seule puissance en mesure de garantir une pacification de la fronti�re nord d'Isra�l permettant aux troupes de Tsahal de se retirer en toute s�curit� ? Mais alors comment r�soudre cette contradiction inh�rente � la position isra�lienne qui reconna�t � la Syrie les pleins droits sur le Liban mais ne lui en conc�de aucun sur le Golan ?
Les probabilit�s d'un tel sc�nario de retrait unilat�ral restent minces. En d�pit de l'acuit� du d�bat, l'opinion publique ne semble pas dans sa majorit� gagn�e par l'id�e du retrait. L'une des raisons � cela est li�e � la perception n�gative de la notion d'" unilat�ral " qui �quivaudrait � " inconditionnel ", donc � une forme de reddition de l'arm�e isra�lienne. En r�alit�, aucun des acteurs principaux ne souhaite qu'Isra�l le mette en pratique, surtout dans sa version inconditionnelle et non concert�e : ni les Syriens qui se retrouveraient priv�s de leur principal levier de pression sur Isra�l, ni l'�tat libanais qui redoute l'installation d'un vide strat�gique au Liban-sud favorisant les tensions et les r�glements de compte intra-libanais, ni Washington et ses alli�s arabes - notamment l'�gypte et l'Arabie Saoudite qui ont officiellement avalis� et soutenu la strat�gie syrienne sur la " concomitance des deux volets " - convaincus que toute solution politique au Liban-sud doit n�cessairement passer par Damas.
Un tel cas de figure pr�sente pourtant bien des avantages du point de vue isra�lien, l'isolement du couple syro-libanais n'en est pas des moindres. Non point que l'�tat h�breu cherche � d�faire ce couple ; comme il a �t� soulign� plus haut, aucun dirigeant isra�lien de droite ou de gauche ne souhaite aujourd'hui s'immiscer dans les relations bilat�rales entre la Syrie et le Liban. Mais, en renon�ant � sa zone de s�curit�, Isra�l aurait r�ussi � s'extirper de ce triangle hors duquel le couple syro-libanais perd l'un de ses �l�ments essentiels de coh�sion et de l�gitimation. Le red�ploiement des troupes syriennes, pr�vu par les accords de Ta�f, serait de nouveau � l'ordre du jour. Par ailleurs, il n'est pas du tout s�r, contrairement aux craintes exprim�es par les opposants � un retrait unilat�ral, que le Hezbollah " poursuive " l'arm�e isra�lienne en Isra�l pour deux raisons majeures. La premi�re est qu'il est tr�s d�licat pour la Syrie d'apporter sa caution implicite � des op�rations militaires men�es en territoire isra�lien, par crainte � la fois de l'ampleur pr�visible de la riposte isra�lienne et de la r�probation internationale que cela ne manquera pas de susciter, de la part aussi bien des �tats-Unis et de l'Union europ�enne que des alli�s �gyptien et saoudien de la Syrie. La deuxi�me raison tient � la strat�gie proprement interne du Hezbollah qui prime sur toute autre consid�ration d'ordre r�gional. La direction actuelle du mouvement ne voudrait en aucun cas mettre en p�ril les b�n�fices politiques de plus d'une douzaine d'ann�es de r�sistance � l'occupation isra�lienne en " ouvrant ", en cas de retrait des troupes de Tsahal, un nouveau front sur la fronti�re libano-isra�lienne. Le capital de sympathie et de soutien dont il b�n�ficie sur le plan national et l'audience croissante qu'il s'est taill� au sein de la communaut� chiite face au mouvement Amal pourraient en �tre durablement affect�s et menacer la survie m�me du mouvement sur la sc�ne politique libanaise.
Malgr� les avantages qu'elle pr�sente, une telle initiative isra�lienne constituerait un coup de poker, tant les risques restent grands et impr�visibles. Un bien timide ballon d'essai a �t� lanc� avec l'�vacuation par l'ALS d'une douzaine de villages de la r�gion de Jezzine. Cette manoeuvre visait � tester la capacit� de l'�tat libanais � reprendre le contr�le des zones " lib�r�es ", dans l'hypoth�se d'un retrait par �tapes (autre variante du retrait unilat�ral). Face � l'absence de r�action de la part tant du Hezbollah que de l'arm�e libanaise, le gouvernement isra�lien semble pour l'heure avoir renonc� � la carte " Jezzine d'abord ". Mais cette option comme celle d'un retrait total restent ouvertes. Beaucoup d�pendra de la configuration future des rapports de forces internes en Isra�l dont il est difficile de saisir les contours, et de l'�volution de la relation avec Washington. Une impasse prolong�e sur le dossier palestinien peut �galement pousser le gouvernement isra�lien � cette forme de fuite en avant en �vacuant ses troupes de la zone de s�curit�. Il n'est pas exclu que Benyamin Netanyahou ait, en son for int�rieur, d�j� pris cette d�cision et qu'il attende le moment opportun pour abattre une carte qu'il estime gagnante. L'ALS prend tr�s au s�rieux la possibilit� d'un retrait subit et non concert� de Tsahal, comme le prouvent les d�clarations de son commandant, Antoine Lahad, qui, pour la premi�re fois, a publiquement menac� Isra�l de repr�sailles en cas de retrait unilat�ral.
Mais, si un tel retrait s'effectuait dans le contexte actuel de blocage diplomatique, m�me sous la banni�re de la r�solution 425, il ne contribuerait certainement pas � d�samorcer le climat de tension. L'�tat libanais serait bien en peine de reprendre le contr�le du Liban-sud, bien que, techniquement, l'arm�e soit aujourd'hui tout � fait en mesure de remplir le r�le pr�vu par les accords de Ta�f. Il devra faire face � un grave dilemme en cas de retrait : soit laisser le champ libre au Hezbollah - sur instructions syriennes -, soit d�ployer l'arm�e libanaise dans une r�gion qui �chappe totalement depuis 1978 � l'autorit� du pouvoir central et remplir le r�le de garde-fronti�res au b�n�fice d'Isra�l. La Syrie, quant � elle, c�l�brera � grands renforts de m�dias et de d�clarations triomphalistes la " lib�ration " du Liban-sud comme la victoire de la r�sistance libano-syrienne. Mais le temps des festivit�s pass�, le pr�sident Assad devra relever ce d�fi qui met � plat sa strat�gie de n�gociation face � Isra�l. Il pourrait opter pour l'escalade mais encore faudrait-il qu'il puisse justifier au regard de la communaut� internationale la poursuite d'actions de " r�sistance " en territoire isra�lien. Des substituts au Hezbollah - trop identifi� aujourd'hui � la r�sistance libanaise contre l'occupation isra�lienne -devront �tre trouv�s qui agiront alors sous le slogan " Lib�rer la Palestine ". Le pr�sident Assad pourrait se servir des principaux mouvements d'opposition palestiniens qu'il abrite pour recr�er un nouveau " fathland " au Liban-sud, comme aux heures de gloire de la r�sistance palestinienne au Liban.
L'autre alternative - qui semble la plus probable - est qu'il prendra sagement le temps de la r�flexion, en �vitant surtout de se lancer dans une action pr�cipit�e qui risquerait de menacer son emprise sur le Liban. Son r�flexe premier sera plut�t de chercher � prot�ger la solidit� du couple syro-libanais m�me s'il doit dans le m�me temps mettre entre parenth�ses son " combat " pour lib�rer le Golan. Il sait qu'il dispose d'atouts non n�gligeables en cas de retrait unilat�ral isra�lien. Le premier d'entre eux et le plus important est que personne - ni la tro�ka libanaise, ni les pays arabes, ni Isra�l, ni l'Iran, ni les �tats-Unis, ni m�me la France ou l'Union europ�enne - n'exigera de la Syrie qu'elle se conforme enfin aux dispositions des accords de Ta�f qui pr�voient le red�ploiement puis le retrait des troupes syriennes, selon un �ch�ancier bien pr�cis mais sans cesse repouss� en raison des " conditions exceptionnelles " que traverse le Liban, autrement dit l'occupation isra�lienne et la n�cessit� vitale d'y mettre un terme. La crainte r�elle d'un basculement du Liban dans la guerre civile agit comme un repoussoir pour tous les acteurs r�gionaux ou internationaux impliqu�s directement ou indirectement sur la sc�ne libanaise. M�me l'Iran - qui figure en t�te de la liste des " rogue states " �tablie par l'Administration Clinton - ne serait pas favorable � une rupture du statu quo intercommunautaire libanais issu de Ta�f qui a consid�rablement am�lior� la position et le poids de la communaut� chiite. Il est important de souligner � cet �gard, contrairement � la perception largement partag�e en Isra�l, que T�h�ran reste un acteur ext�rieur au triangle syro-libano-isra�lien et que son influence sur le Hezbollah a �t� d�mesur�ment exag�r�e. Il ne s'agit pas de nier la r�alit� des faits, � savoir que ce mouvement est n� en 1985 de l'alliance syro-iranienne au Liban, � un moment o� il y avait une v�ritable prolif�ration de milices au Liban. Mais ce mouvement a r�ussi � se hisser au rang de parti politique et � s'affirmer, � travers sa participation au jeu �lectoral et sa forte repr�sentation parlementaire, comme un acteur � part enti�re sur la sc�ne politique libanaise - pour autant bien s�r que l'on puisse qualifier de vie politique, l'immobilisme et la paralysie qui frappent les institutions de la IIe R�publique libanaise. En tout �tat de cause, le jeu de T�h�ran au Liban a toujours soigneusement �vit� de heurter de front ou de court-circuiter le " ma�tre et seigneur des lieux " syrien. Les �tats-Unis s'abstiendront �galement d'exercer des pressions dans ce sens pour les raisons qui ont �t� �voqu�es plus haut - m�nager la Syrie dans l'espoir d'un d�blocage du processus de paix - et parce qu'ils ne font gu�re confiance � la capacit� de l'�tat libanais � assurer la paix civile et � imposer son autorit� sur l'ensemble du territoire. Quant aux Isra�liens, ils seront plus que sensibles aux arguments que la Syrie ne manquera d'agiter comme autant d'�pouvantails contre d'�ventuelles pressions pour qu'elle retire ses troupes du Liban. Le premier de ses arguments concerne la " porosit� " de la fronti�re libano-isra�lienne : seule Damas est aujourd'hui en mesure de contr�ler les groupes potentiels qui voudront se lancer dans de nouvelles op�rations de gu�rilla en territoire isra�lien. Le deuxi�me argument, tout aussi porteur, est li� � la question des 300 000 r�fugi�s palestiniens au Liban dont le sort est de plus en plus incertain, compte tenu � la fois du refus de l'�tat libanais d'envisager une quelconque solution d'" int�gration " et du d�raillement du processus d'Oslo. L� encore, le r�le de la Syrie peut s'av�rer vital. Enfin, la position commune de la France, de l'Union europ�enne et de la majorit� des pays arabes est que la Syrie doit demeurer une partie centrale de tout accord ou " d�saccord " dans le cas d'un retrait unilat�ral isra�lien...
Le triangle syro-libano-isra�lien est aujourd'hui compl�tement verrouill� par l'impasse du processus de paix. Des trois parties prenantes � ce jeu triangulaire, c'est sans conteste l'acteur isra�lien qui d�tient la clef d'un " d�blocage ". Au terme de cette �tude, il semble probable que l'option du statu quo l'emportera c�t� isra�lien, tout au moins jusqu'aux prochaines �lections l�gislatives. Mais la sc�ne politique isra�lienne reste confuse et son �volution, m�me � court terme, demeure impr�visible ; ce qui n'est pas sans d�concerter les amateurs de sc�narios que nous sommes et qui avons appris qu'une d�mocratie offrait plus de transparence et de lisibilit� au niveau de sa politique ext�rieure et de sa s�curit� qu'une autocratie, et qu'elle �tait naturellement plus encline � opter pour la paix. Il n'est pas de notre propos ici d'analyser les mutations sociopolitiques diverses que conna�t l'�tat d'Isra�l. Mais le processus de paix et son acc�l�ration en l'espace de trois ans � peine ont eu l'effet d'un s�isme sur une soci�t� contrainte de se red�finir dans son double rapport � son environnement rest� �tranger et � son identit� propre. Le refus de l'assimilation que pr�ne Benyamin Netanyahou n'est que l'une des expressions de ce choc historique. Il n'est d�s lors pas acquis que son d�part suffise � remettre sur les rails le processus de paix. Ehoud Barak, secr�taire g�n�ral du Parti travailliste, lui-m�me, se garde bien de s'engager clairement sur le sujet. Homme secret, il fait tr�s peu de discours et se pr�sente toujours comme le successeur de Itzhak Rabin. On suppose qu'une fois au pouvoir et disposant d'une majorit� confortable, il donnerait la priorit� au volet palestinien. Concernant les n�gociations avec le couple syro-libanais, il adoptera � n'en pas douter la m�me approche que Itzhak Rabin et Shimon P�r�s, � savoir que la Syrie reste le passage oblig� de tout r�glement global. Au mois d'ao�t 1997, il avait envoy� par l'interm�diaire de la d�l�gation d'Arabes isra�liens, en visite � Damas, une lettre au pr�sident syrien dans laquelle il s'engageait � suivre la voie de la paix trac�e par Itzhak Rabin.
Hafez al-Assad qui, � cette occasion, a lou� les vertus d'homme de paix du pr�sident du Parti travailliste, continuera � observer avec beaucoup d'attention les �volutions politiques internes en Isra�l. � mi-parcours entre la suspension des n�gociations d�but mars 1996 et la fin du mandat de Benyamin Netanyahou en l'an 2000, le pr�sident syrien n'a de meilleur choix que celui d'attendre en tablant sur le fait que le temps joue contre le premier ministre isra�lien et discr�dite les options qu'il d�fend, en d�montrant qu'il n'y aura pas de s�curit� pour l'�tat h�breu sans paix r�elle. Et cette paix doit passer par la restitution du Golan et l'�vacuation du Liban-sud tout en pr�servant l'une des victoires les plus �clatantes de Hafez al-Assad : la consolidation de son h�g�monie au Liban.