GEOPO_9 IFRI IFRI r�cup�ration du fichier au format texte Mai Ho-Dac cr�ation du header Mai Ho-Dac pretraitement et balisage du texte selon la TEI P5 Mai Ho-Dac 24/02/2009 CLLE-ERSS
Maison de la recherche 5 all�es Antonio Machado F 31058 TOULOUSE CEDEX

exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique

ne peut �tre utilis� � des fins commerciales

Barry R. POSEN La ma�trise des espaces, fondement de l'h�g�monie militaire des Etats-Unis IFRI www.ifri.org/files/politique_etrangere/PE_1_03_Posen.pdf

ANNODIS

projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM

objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement

encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5

http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc

GEOPO article geopolitique
french
La ma�trise des espaces, fondement de l'h�g�monie militaire des Etats-Unis Barry R. POSEN
Abstract

Les Etats-Unis disposent seuls, aujourd'hui, de la ma�trise des « espaces communs » : la mer, le ciel, l'espace. Cette ma�trise, rendue possible par une immense puissance �conomique, fonde leur h�g�monie militaire. C'est elle qui leur permet de projeter leurs capacit�s dans le monde entier et d'emp�cher tout adversaire potentiel de le faire. C'est elle aussi qui assure un haut degr� de s�curit� aux routes a�riennes et maritimes utilis�es par l'ensemble des Etats, ce qui fait que nombre d'entre eux estiment que l'h�g�monie des Etats-Unis sert leurs int�r�ts, notamment �conomiques. Mais cette domination, aussi globale soit-elle, n'est pas pour autant totale. Il existe des domaines dans lesquels elle peut �tre contest�e, et les dix derni�res ann�es montrent qu'un adversaire inf�rieur techniquement, �conomiquement et militairement peut rivaliser sur le champ de bataille avec les Etats-Unis, qu'il s'agisse du combat de rue ou de montagne, de la d�fense anti-a�rienne au-dessous de 15 000 pieds ou du terrorisme.

Depuis la fin de la guerre froide, les sp�cialistes de politique �trang�re se sont demand� quel nouvel ordre mondial succ�derait � la bipolarit� Est-Ouest, et quelle nouvelle doctrine remplacerait pour les Etats-Unis celle du containment. Ceux qui pensent que nous sommes arriv�s � un " moment unipolaire " de l'Histoire et pr�nent pour les Etats-Unis une politique de " supr�matie ", c'est-�-dire d'h�g�monie, l'ont apparemment emport� sur ceux qui pariaient sur l'�mergence d'un monde mul-tipolaire et penchaient pour une politique �trang�re plus retenue. Certains estiment peut-�tre que ce " moment unipolaire " sera court ; mais tout montre au contraire qu'il pourrait bien durer. Unipolarit� et h�g�monie vont cependant durer un certain temps, m�me si d'aucuns estiment que les Etats-Unis pourraient eux-m�mes contribuer, par indiscipline ou hyperactivit�, � en pr�cipiter la fin.

L'un des piliers de l'h�g�monie des Etats-Unis est leur immense puissance militaire. Les seules donn�es �conomiques suffiraient � leur donner une large marge de sup�riorit� : ce pays d�pense plus pour la d�fense que la quasi-totalit� des autres grandes puissances militaires, dont la plupart sont d'ailleurs ses alli�s. Certains estiment que les Etats-Unis b�n�ficient aussi d'un avantage qualitatif unique, d�cisif, concernant l'utilisation militaire des technologies de l'information - on parle � ce sujet de " r�volution dans les affaires militaires ". Ces pages proposent une analyse plus nuanc�e. D'abord, en d�finissant les domaines d'intervention dans lesquels les Etats-Unis disposent d'une r�elle ma�trise - au sens de " ma�trise des mers ". Puis en se demandant si cette " ma�trise " fonde leur h�g�monie et si elle ne pourrait pas �tre bient�t confront�e � un d�fi � sa mesure. Enfin, en rappelant qu'il existe encore des zones dans lesquelles cette ma�trise est contest�e, ou du moins contestable, par des adversaires grands ou petits.

La ma�trise des " espaces communs "

L'appareil militaire am�ricain a, aujourd'hui, la ma�trise globale des " espaces communs " : la mer, le ciel, et l'espace. Celle-ci est comparable � la " supr�matie navale " ch�re � Paul Kennedy. Ces " espaces communs " ne rel�vent de la souverainet� d'aucun pays et constituent les voies de circulation et d'acc�s de notre monde. Le ciel appartient en principe aux pays qui se trouvent en dessous, mais rares sont les Etats qui peuvent interdire le survol des avions am�ricains au-del� de 15 000 pieds. La " ma�trise " am�ricaine ne signifie pas que d'autres pays ne peuvent acc�der � ces zones en temps de paix, ni qu'ils ne peuvent y d�ployer des syst�mes d'armes si les Etats-Unis n'y font pas obstacle. Elle signifie que les Etats-Unis, plus que tout autre pays, peuvent en faire un large usage militaire ; qu'ils peuvent de fa�on cr�dible menacer d'en d�nier l'usage aux autres ; et qu'ils peuvent d�faire tout Etat qui tenterait par la force de les emp�cher d'en disposer : le challenger ne pourrait avant longtemps reconstituer ses forces, tandis que les Etats-Unis n'auraient pas de difficult� � pr�server, restaurer, ou renforcer leur emprise apr�s la bataille.

Cette ma�trise des espaces est le facteur militaire clef de la pr��minence globale des Etats-Unis. Elle leur permet d'utiliser de fa�on plus pouss�e d'autres �l�ments de puissance, dont leurs propres forces �conomiques et militaires, et celles de leurs alli�s. Elle aide les Etats-Unis � affaiblir leurs adversaires en restreignant leurs possibilit�s d'acc�s au soutien ext�rieur, �conomique, militaire ou politique, et leur fournit de puissants atouts pour fixer les conditions d'une bataille �ventuelle dans les zones contest�es qui seront �voqu�es ci-apr�s. Elle permet aux Etats-Unis de se jeter dans la guerre sans long pr�avis, m�me dans des r�gions o� leur pr�sence militaire est r�duite, comme le montre la guerre men�e en Afghanistan contre les Talibans apr�s les attentats du 11 septembre.

La ma�trise des espaces donne aux Etats-Unis un potentiel militaire qui peut �tre mobilis� au service d'une politique �trang�re h�g�monique � un point qu'aucune puissance maritime n'a connu dans le pass�. Au XIXe si�cle, quand la Grande-Bretagne avait la ma�trise des mers, ses capacit�s de projection de forces n'allaient gu�re plus loin que la port�e des canons des navires de la Royal Navy : celle-ci pouvait transporter une arm�e un peu partout dans le monde, mais elle avait souvent devant elle, une fois d�barqu�e, un parcours long et difficile ; et sans d�barquement, les Britanniques n'avaient qu'une capacit� d'influence limit�e sur les �v�nements. Les Etats-Unis b�n�ficient d'une ma�trise des mers similaire et peuvent �galement transporter partout dans le monde des forces arm�es importantes. La ma�trise de l'espace exo-atmosph�rique leur permet de scruter en profondeur tous les territoires et de collecter sur eux plus d'informations qu'ils ne peuvent en traiter. Dans des conditions favorables, les Etats-Unis peuvent localiser et identifier d'importantes cibles militaires et transmettre rapidement ces donn�es � leurs " tireurs ". Leur puissance a�rienne, � terre ou embarqu�e, peut atteindre des cibles situ�es tr�s loin � l'int�rieur des terres, et les munitions de pr�cision leur permettent souvent de les frapper et de les d�truire. Si les forces terrestres s'aventurent � terre, elles rencontrent donc un adversaire affaibli et disposent d'informations fiables, de bonnes cartes et d'une connaissance pr�cise de leurs propres positions. Les Etats-Unis peuvent enfin recourir � des frappes a�riennes r�actives, pr�cises et destructrices qui garantissent aux troupes terrestres une grande libert� de manoeuvre, m�me si elles ne d�terminent pas toujours � elles seules l'issue de la bataille.

Quelles sont les origines de cette ma�trise des espaces ? La premi�re, �vidente, est tout simplement le poids �conomique des Etats-Unis - 23 % du produit brut mondial d'apr�s la CIA. A titre de comparaison, la Chine et le Japon, qui sont les deuxi�me et troisi�me puissances, n'en repr�sentent respectivement que 10 % et 7 %. En outre, en consacrant 3,5 % de leur budget national � la d�fense (soit 1 % du produit brut mondial), les Etats-Unis peuvent entreprendre des projets plus importants que n'importe quel autre pays dans le domaine militaire. Les armements et les plates-formes n�cessaires pour s'assurer de cette ma�trise des espaces, et en user, sont en effet co�teux : leur conception et leur fabrication reposent sur un �norme complexe scientifique et industriel. En 2001, les Etats-Unis ont engag� autant d'argent pour la recherche et d�veloppement (R&D) militaire que l'Allemagne et la France pour la totalit� de leur d�fense. L'utilisation militaire des nouvelles technologies de l'information, domaine o� les Etats-Unis excellent, joue ici un r�le-clef. Les syst�mes n�cessaires � la ma�trise des espaces requi�rent des comp�tences pointues dans l'int�gration des syst�mes et la gestion de projets industriels � grande �chelle, autres domaines d'excellence des Etats-Unis. La conception d'armements nouveaux et de nouvelles tactiques repose sur une exp�rience accumul�e sur des d�cennies et s'incarne dans la m�moire institutionnelle des centres de R&D, priv�s et publics, qui oeuvrent dans le domaine militaire. Il faut enfin, pour g�rer ces syst�mes, un personnel hautement qualifi� et tr�s bien form�. Pour toutes ces raisons, un Etat qui voudrait acqu�rir des capacit�s militaires concurren�ant celles des Etats-Unis devrait s'acquitter de " droits d'entr�e " tr�s �lev�s.

La ma�trise de l'espace

Les satellites de reconnaissance, de navigation et de communication fournissent aux Etats-Unis l'infrastructure globale n�cessaire � leurs op�rations militaires. Selon le g�n�ral Michael Ryan, ancien chef d'�tat-major de l'U.S. Air Force, les Etats-Unis disposent de 100 satellites militaires et de 150 satellites commerciaux, soit plus de la moiti� de tous les satellites aujourd'hui actifs dans l'espace. Le chiffre exact de leurs d�penses spatiales militaires n'est pas disponible, mais un expert l'�value pour 1998 � un peu moins de 14 milliards de dollars - soit le budget de la NASA. Ce chiffre a s�rement progress� depuis et continuera de progresser compte tenu de l'importance accord�e � l'espace par Donald Rumsfeld. Des satellites commerciaux sont certes utilis�s � des fins militaires de reconnaissance et de communication ; mais la plupart sont contr�l�s par des entreprises am�ricaines ou alli�es, et leur exploitation peut �tre interrompue par les Etats-Unis. Il reste qu'en mati�re de projection de forces, les Etats-Unis d�pendent beaucoup de leurs satellites, et que ceux-ci repr�sentent du m�me coup une cible particuli�rement attrayante pour leurs adversaires. Tous les satellites ne sont cependant pas �galement vuln�rables. La plupart des tactiques et techniques qu'un adversaire plus faible utiliserait contre les Etats-Unis ne fonctionneraient sans doute qu'une fois : par exemple les mines spatiales ou un " micro-satellite " d'interception en orbite. En outre, les Etats-Unis poss�dent des capacit�s anti-satellites naissantes qu'ils pourraient utiliser en cas de conflit. M�me sans disposer de tout l'�ventail des techniques spatiales, leurs capacit�s de frappe de pr�cision sont cons�quentes et peuvent d�truire ou neutraliser les �l�ments terrestres des forces spatiales adverses. En cas de conflit, les capacit�s satellitaires des Etats-Unis seraient mises � mal, ce qui compliquerait pour un temps leurs op�rations militaires ; mais toute bataille spatiale aurait probablement pour effet de d�nier � l'adversaire les moyens d'acc�der de nouveau � l'espace.

La ma�trise des mers

La ma�trise des lignes de communication maritimes permet aux Etats-Unis de projeter leur puissance militaire sur de vastes distances. Elle repose � la fois sur les capacit�s de l'U.S. Navy et sur un r�seau tr�s �labor� de bases navales.

Les sous-marins nucl�aires d'attaque (SNA) sont peut-�tre l'atout essentiel en mati�re de guerre anti-sous-marine en haute mer, laquelle est elle-m�me la clef de la ma�trise durable des espaces maritimes. L'Union sovi�tique a longtemps rivalis� avec les Etats-Unis gr�ce � sa flotte de SNA, mais elle n'a pu l'emporter. A plus de 1 milliard de dollars pi�ce (et plus de 2 pour le dernier mod�le am�ricain), rares sont les pays qui peuvent s'offrir des SNA modernes : seules la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine en produisent - et cette derni�re tr�s difficilement. A la fin des ann�es 1990, de nombreux SNA en cours de fabrication sont demeur�s dans les chantiers russes : aucun SNA nouveau n'a �t� mis en service. L'U.S. Navy dispose de 55 SNA, quatre �tant en construction. Elle pr�voit d'en construire en gros deux tous les trois ans, et de convertir quatre sous-marins nucl�aires lanceurs d'engins (SNLE) Ohio en sous-marins dot�s de missiles de croisi�re non-nucl�aires en vue d'attaques terrestres. La Navy domine aussi la surface des oc�ans, avec 12 porte-avions (dont neuf � propulsion nucl�aire) emportant des avions tr�s performants. A part la France, qui en poss�de d�sormais un, aucun autre pays n'a de porte-avions nucl�aire. A 5 milliards de dollars le porte-avions de classe Nimitz, on comprend pourquoi. Par ailleurs, le Marine Corps dispose de 12 porte-a�ronefs, chacun au moins deux fois plus grand que les trois navires comparables de la Royal Navy (classe Invincible). Pour prot�ger leurs porte-avions et �quipements amphibies, les Etats-Unis se sont �quip�s, depuis 1991, de 38 destroyers multifonctions de classe Arleigh Burke, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, qui sont en mesure d'effectuer des frappes terrestres et des missions antia�riennes et anti-sous-marines en environnement dangereux. Il s'agit certainement l� du navire de surface le plus performant au monde.

M�me si les Etats-Unis ont r�duit depuis 1990 leurs forces bas�es � l'�tranger et ont abandonn� certaines installations, par exemple aux Philippines, le syst�me de bases h�rit� de la guerre froide est rest� pour l'essentiel intact, et l'expansion de l'OTAN a m�me fourni des bases suppl�mentaires dans l'est et le sud de l'Europe. Depuis la guerre du Golfe, l'acc�s aux r�gions-clefs a �t� am�lior�, les Etats-Unis ayant d�velopp� un r�seau de bases a�riennes, d'installations portuaires et de centres de commandement dans tout le golfe Persique o� troupes et avions se relaient en permanence. Ils ont install� des stocks de munitions et des �quipements de soutien et de combat tout autour du monde, sur terre et sur mer, qui repr�sentent l'�quivalent de trois divisions et demie. Depuis 1991, les Etats-Unis ont �galement am�lior� de fa�on significative leurs capacit�s de transport a�rien et maritime sur longue distance.

La ma�trise des airs

Une panoplie d'engins volants sp�cialis�s dans l'attaque, le brouillage et l'acquisition �lectronique du renseignement donne aux Etats-Unis une capacit� de " suppression " (destruction ou neutralisation) des d�fenses a�riennes ennemies (SEAD). Elle limite l'efficacit� des missiles sol-air ennemis et d'�ventuels chasseurs, et permet aux Etats-Unis d'user, sans trop de risques, du ciel de l'adversaire au-dessus de 15 000 pieds. A cette altitude, leurs avions sont hors de port�e des moyens de d�fense " rustiques ", comme les canons automatiques. Les Etats-Unis poss�dent d'importants stocks de munitions a�riennes de pr�cision : leurs pilotes peuvent donc, m�me � cette altitude, d�truire de fa�on fiable des cibles aussi r�duites que des chars ou des bunkers. Tout un �ventail d'engins tels que les satellites, les avions de reconnaissance et les drones leur fournit aussi des informations, importantes m�me si imparfaites, sur la localisation et l'identification des cibles majeures. Ces capacit�s sont apparues durant l'op�ration Rolling Thunder, au Vietnam (1965 - 1968) ; les r�sultats pr�sents sont donc le fruit de plus de trois d�cennies d'effort. Aucun autre Etat dans le monde, � l'exception possible d'Isra�l, ne dispose de moyens aussi sophistiqu�s en mati�re de SEAD ou de frappes de pr�cision.

La ma�trise des espaces communs est au c?ur de la puissance des Etats-Unis, au point qu'elle est rarement explicitement reconnue... Sa pleine exploitation est rendue n�cessaire par les difficult�s qui attendent leurs forces au contact de l'adversaire. En dessous de 15 000 pieds, � quelques centaines de kilom�tres des c�tes ennemies et au sol, les Etats-Unis entrent en effet dans une zone o� leur domination est contest�e. Les militaires am�ricains esp�rent atteindre dans ces zones la m�me marge de sup�riorit� que celle dont ils disposent dans les " espaces communs ". Mais cela n'est pas le cas, et ne le sera sans doute jamais.

Les zones contest�es de la domination des Etats-Unis

Les adversaires rencontr�s par les Etats-Unis depuis 1990 se sont rarement montr�s coop�ratifs. Ils savent quels sont les points forts de ce pays et s'emploient � les neutraliser. Les militaires am�ricains utilisent le terme de " menace asym�trique " pour d�signer le recours par un adversaire aux armes de destruction massive, au terrorisme ou � n'importe quelle autre m�thode classique prenant en compte les atouts des Etats-Unis. En inventant un terme sp�cifique, on tombe cependant dans une sorte de pi�ge logique : les adversaires intelligents sont d�sign�s par un terme sp�cial, ce qui signifie implicitement que les autres sont cens�s �tre stupides. Or, il est peu probable qu'il en aille ainsi, et il est de toute fa�on dangereux de raisonner de la sorte en mati�re militaire. En r�alit�, plus les Etats-Unis s'approcheront du territoire tenu par l'ennemi, plus celui-ci se montrera efficace, sous l'effet de facteurs politiques, physiques et technologiques combin�s. Les cas de l'Irak, de la Serbie, de la Somalie, de l'Iran, les embuscades rencontr�es en Afghanistan au cours de l'op�ration Anaconda montrent qu'il est possible de lutter militairement avec les Etats-Unis. Seuls les Somaliens peuvent revendiquer quelque chose qui ressemble � une victoire ; mais les autres ont impos� aux Etats-Unis des co�ts inattendus, pr�serv� leurs forces, et souvent surv�cu � l'affrontement jusqu'� pouvoir h�las colporter entre eux leurs recettes. Ces pays ou entit�s �taient petits, pauvres, et souvent tr�s en retard militairement. Ces exemples appellent � la prudence.

Les facteurs essentiels sont ici les suivants. En premier lieu, la guerre a en g�n�ral pour les acteurs locaux un int�r�t politique de premier ordre, souvent bien plus important que celui des Etats-Unis. Leur tol�rance � la souffrance est donc plus grande. En deuxi�me lieu, en d�pit de leur taille r�duite, ces acteurs supplantent d'ordinaire les Etats-Unis dans une ressource pr�cise : le nombre d'hommes en �ge de combattre. M�me s'il n'est plus l'�l�ment d�terminant de la guerre terrestre, il reste un facteur critique, notamment en ville, dans la jungle ou en montagne. Troisi�mement, les " locaux " disposent en g�n�ral d'un avantage : ils jouent � domicile. Si les Etats-Unis ont constitu� au fil des d�cennies la m�moire institutionnelle qui leur permet de maintenir leur ma�trise des espaces, les acteurs locaux ont fait un travail similaire sur leur propre pays. Ils connaissent intimement le terrain et la m�t�o, et ont mis au point, sur des d�cennies, voire des si�cles, des tactiques et des strat�gies adapt�es � leurs milieux. Quatri�mement, nombre des chefs militaires de ces Etats ou entit�s ont �t� form�s dans le monde d�velopp� - pendant la guerre froide, la formation militaire fut souvent utilis�e comme instrument d'influence politique. Ils ont appris les tactiques en vigueur en Occident, comme l'usage des armes occidentales, et les meilleurs d'entre eux peuvent tourner ces connaissances contre les Etats-Unis. Certains rapports montrent d'ailleurs que les adversaires des Etats-Unis ont �chang� leurs exp�riences. Cinqui�mement, l'arsenal n�cessaire au combat rapproch�, � terre, dans les airs � basse altitude ou dans les eaux territoriales est beaucoup moins co�teux que les armements n�cessaires � la guerre dans les " espaces communs ". En outre, la diffusion des capacit�s �conomiques et technologiques civiles trouve son parall�le dans le domaine militaire : de nouveaux fabricants apparaissent, cherchant des d�bouch�s � l'export, et l'arsenal pour le combat rapproch� conna�t un perfectionnement constant. Tous ces facteurs se renforcent et contribuent � cr�er une " zone contest�e ". Dans une telle zone, les interactions entre les Etats-Unis et les forces locales vont souvent prendre la forme d'un v�ritable affrontement. Tout ceci n'annonce pas forc�ment une d�faite am�ricaine, mais nombre de difficult�s.

Le combat littoral

Depuis la fin de la guerre froide, l'U.S. Navy a voulu montrer qu'elle offrait des r�ponses adapt�es aux r�alit�s contemporaines. Au d�but des ann�es 1990, n'ayant plus d'adversaire en mer, elle a commenc� � se r�orienter afin d'influer sur le combat terrestre. Les premiers documents en ce sens s'intitulent, de fa�on r�v�latrice, From the Sea et Forward from the Sea. Le chef des op�rations navales a r�cemment mis l'accent sur les missions de la Navy � proximit� du littoral adverse, dans un document de doctrine : Sea Power 219. La Navy admet que le " combat littoral " est une mission diff�rente de celles pour lesquelles elle s'�tait sp�cialis�e, exigeant comp�tences et moyens particuliers ; mais elle n'a r�alis� que peu de progr�s depuis dix ans.

Nombreux sont les pays experts en combat littoral. La Su�de, l'Allemagne et Isra�l, probablement la Cor�e du Sud, sont sans doute les meilleurs pour combiner les arsenaux et les technologies les plus modernes, ainsi qu'un entra�nement et des tactiques appropri�s. La Chine, Taiwan, la Cor�e du Nord et l'Iran ont d�velopp� des forces militaires consid�rables dans ce domaine, m�me si tous souffrent de quelques lacunes. Une force structur�e pour le combat littoral combine plusieurs �l�ments : mines, missiles anti-navires, sous-marins diesels, vedettes d'attaque rapides, radars et moyens �lectroniques, batteries mobiles de missiles sol-air (SAM) � longue port�e, avions et h�licopt�res. Ces syst�mes sont relativement peu co�teux. Ces derni�res ann�es, aucune grande puissance n'a eu � combattre une marine c�ti�re de bon niveau, mais les mines et les missiles anti-navires ont touch� ou coul� plusieurs navires britanniques et am�ricains depuis 1980, des �les Malouines au golfe Persique.

Prises s�par�ment, ces armes sont un obstacle et un danger potentiel mortel. Ensemble, elles cr�ent des synergies difficiles � briser, surtout si la nature du " terrain " est favorable � la d�fense, par exemple dans des eaux closes comme celles du golfe Persique. L'U.S. Navy pourrait sans doute d�manteler une d�fense littorale performante, mais avec du temps et de lourdes pertes en hommes et en mat�riel.

Le probl�me des 15 000 pieds

En dessous de 15 000 pieds, les avions de combat tactiques sophistiqu�s et co�teux restent vuln�rables � l'action de moyens pl�thoriques et peu co�teux comme l'artillerie anti-a�rienne automatique (AAA) l�g�re de tout calibre, les SAM, et surtout les syst�mes portables � guidage infrarouge comme les missiles am�ricains Stinger. En d�pit d'un taux de pertes tr�s bas, 71 % de celles subies par les forces a�riennes alli�es pendant la guerre du Golfe furent provoqu�es par l'AAA et des SAM infrarouges � courte port�e. Les forces a�riennes occidentales volent donc au-dessus de 15 000 pieds afin d'�viter ce type d'armement. Ce qui r�duit sensiblement les pertes mais compromet la localisation des forces ennemies au sol, surtout quand elles op�rent en terrain favorable et ont recours au camouflage et aux leurres. Des moyens de d�fense anti-a�rienne simples, peu co�teux, permettent donc de prot�ger les forces au sol, m�me s'ils n'abattent que peu d'avions adverses.

Les moyens de d�fense anti-a�rienne sont encore plus efficaces s'ils sont structur�s dans un syst�me de d�fense anti-a�rienne int�gr� (SDAI), qui relie les syst�mes � courte port�e, intercepteurs de combat et autres SAM � moyenne et longue port�e � des radars, des moyens de renseignement �lectronique et un syst�me de communication. Dans ce cas, pour que les forces a�riennes occidentales puissent op�rer sans risque, les radars, les communications et les SAM de l'adversaire doivent �tre neutralis�s ou d�truits. Il faut pour cela disposer de toute une panoplie d'instruments, et l'espace a�rien adverse ne pourra �tre p�n�tr� sans risque que si ces moyens sont r�unis. Les militaires charg�s de la d�fense anti-a�rienne ont appris qu'il leur suffit de survivre pour accomplir une partie de leur mission, � savoir la protection des forces au sol. Aussi ne s'exposent-ils que lorsqu'ils le souhaitent, ce qui n'en contraint pas moins les Etats-Unis � rassembler � chaque fois l'ensemble de leurs moyens SEAD, pourtant rares et co�teux. Les op�rations de " suppression " sont d�tectables par le renseignement �lectronique et les moyens d'alerte avanc�e ennemis. La d�fense peut ainsi " rationner " les attaques et �tre alert�e � l'avance. Si les d�fenseurs sont suffisamment patients, ils se trouveront de temps � autre dans une situation tactique qui leur permettra d'abattre un avion.

En 1999, l'arm�e serbe a montr� qu'une AAA de basse altitude et un SDAI bien structur� - quoique obsol�te - pour les altitudes moyenne et haute, constituaient un soutien puissant pour des forces au sol tentant de survivre aux attaques de l'U.S. Air Force. Ces forces terrestres pr�sentaient un large �ventail de cibles petites et mobiles ; les Serbes surent camoufler leurs tanks, v�hicules et canons. Ils us�rent d'une grande vari�t� de leurres pour tromper les pilotes am�ricains, et la plupart des SAM mobiles serbes �chapp�rent aux attaques. Les Etats-Unis durent donc entreprendre chaque jour des op�rations de " suppresion " (SEAD), alertant ainsi les Serbes � l'avance. Certes, le succ�s de ces derniers ne pouvait �tre que limit�. Qu'il s'agisse de r�seaux de transport ou d'infrastructures �conomiques, les objectifs fixes de grande taille comme les ponts et les centrales �lectriques ne pouvaient �tre d�plac�es ou camoufl�es, et ils furent donc d�truits. S'il fut sans doute d�courageant pour les forces serbes d'abattre aussi peu d'avions ennemis, l'OTAN infligea finalement assez peu de dommages aux forces terrestres serbes d�ploy�es au Kosovo.

Le probl�me de l'infanterie l�g�re

L'op�ration Temp�te du d�sert sugg�re qu'il est peu de forces terrestres au monde qui puissent rivaliser avec l'arm�e am�ricaine, en terrain ouvert et dans le cadre d'une bataille m�canis�e. Mais il est d'autres configurations de combat terrestre : en ville ou en montagne, dans la jungle ou dans les marais. Et les Etats-Unis doivent avoir conscience des difficult�s qui peuvent les y attendre. La premi�re est une simple question d'effectifs. Les trois pays d�sign�s comme appartenant � l'" axe du Mal " - la Cor�e du Nord, l'Irak et l'Iran - ont des arm�es de conscription. Elles repr�sentent en tout 16 millions d'hommes �g�s de 18 � 32 ans. Sans doute ces hommes sont-ils entra�n�s tr�s in�galement. Mais ce nombre donne tout de m�me une id�e du potentiel dont disposent ces pays : les hommes constituent une importante ressource militaire, ici et ailleurs. La population de la plan�te devrait passer d'environ 6 milliards en 2003 � 8 milliards en 2025, l'essentiel de cette augmentation touchant les pays en d�veloppement. Les futurs fantassins devraient n'avoir aucun mal � s'�quiper. Il y aurait dans le monde quelque 250 millions d'armes l�g�res � usage militaire ou policier, y compris les mortiers et les armes antichars portables.

Les strat�ges am�ricains doivent aussi prendre conscience du probl�me de police qui risque de se poser si les Etats-Unis tentent de conqu�rir et de r�organiser politiquement des pays peupl�s. Occuper par exemple l'Irak, pays de 22 millions d'habitants, et y maintenir l'ordre exigerait la pr�sence sur place de 50 000 hommes, � condition qu'apr�s la victoire, comme le pr�voient de fa�on optimiste les responsables militaires, le ratio policiers/population des Etats-Unis convienne �galement en Irak (2,3 pour 1 000). Ces 50 000 hommes repr�sentent 10 % des effectifs actifs de l'arm�e des Etats-Unis, et sans doute un cinqui�me des troupes de combat. Or le personnel militaire est devenu presque trop cher � recruter aux Etats-Unis. Pour faire des �conomies, une r�cente �tude du Pentagone sugg�rait d'ailleurs de r�duire les effectifs de 90 000 hommes, soit une division active sur dix : mais cette recommandation n'a pas �t� retenue.

Il est tentant de croire que les gros bataillons de l'infanterie l�g�re adverse seront ais�ment battus par des forces terrestres lourdes et " high-tech ". Les cas de la Somalie et de l'Afghanistan montrent que ce n'est pas si simple. Les forces d'�lite envoy�es � Mogadiscio en 1993 ont souffert de lourdes pertes, en partie du fait de leurs propres erreurs. Les combattants somaliens se sont battus avec courage et habilet�, aid�s par l'environnement urbain. Il existe d'ailleurs des " fantassins urbains " encore mieux arm�s et pr�par�s, comme les Russes l'ont d�couvert � Grozny. Et les informations trouv�es dans les camps d'entra�nement d'Al-Qaida en Afghanistan montrent qu'une infanterie peut �tre form�e de fa�on efficace avec des m�thodes relativement simples et " low-tech ".

L'op�ration Anaconda, en terrain montagneux, t�moigne du succ�s de cet entra�nement. L'adversaire, camoufl�, s'y est montr� extr�mement habile : une colonne d'alli�s afghans a �t� prise en embuscade de tr�s pr�s. Et tous les moyens de reconnaissance et de renseignement am�ricains n'ont probablement pu localiser que la moiti� des positions pr�par�es par l'ennemi dans la vall�e de Shah y Kot. Tous les h�licopt�res d'attaque envoy�s en appui ont �t� cribl�s de balles, et l'infanterie a souvent d� se d�ployer sous des tirs pr�cis de mortier, ce qui explique la plus grande part des deux douzaines de bless�s inflig�es aux Etats-Unis le premier jour. Au bout de plusieurs jours de combat, de nombreux �l�ments d'Al-Qaida ont pu s'�chapper � la faveur du mauvais temps. Durant cette op�ration, Al-Qaida s'est battue avec des armes simples et tr�s r�pandues de type sovi�tique : fusils d'assaut, lance-grenades, mortiers et mitrailleuses. Mais de nouvelles g�n�rations d'armes d'infanterie, peu co�teuses, seront bient�t accessibles aux adversaires potentiels des Etats-Unis. En bref, un grand nombre d'hommes en �ge de combattre, un terrain favorable, un bon entra�nement, et de grandes quantit�s d'armes peu co�teuses peuvent constituer un d�fi significatif pour les forces militaires am�ricaines.

Les Etats-Unis ont jusqu'ici eu la chance de ne combattre que des ennemis disposant seulement d'une des trois capacit�s de base - a�rienne, terrestre ou maritime. Et quand l'adversaire se sp�cialisait dans l'une d'elles, il n'�tait pas toujours du meilleur niveau. Les Serbes �taient tr�s efficaces, mais leurs meilleures armes avaient une g�n�ration de retard, voire plus. En outre, bien qu'ils se soient battus rudement, la guerre n'avait pour eux qu'un objectif limit�. Les Somaliens se sont battus avec t�nacit� et ont tout simplement chass� les Etats-Unis. Mais ils n'�taient ni aussi bien arm�s, ni aussi bien entra�n�s que les combattants d'Al-Qaida dans la vall�e de Shah Y Kot. Ces derniers n'�tant pas aussi bien arm�s que le seront certains des adversaires futurs que les Etats-Unis pourraient affronter - ils n'�taient d'ailleurs que quelques centaines sur le champ de bataille. Enfin, les actions men�es le long des littoraux par l'U.S. Navy pendant la guerre du Golfe ont b�n�fici� de conditions tout � fait fortuites, l'Irak ne s'�tant pas pr�par� s�rieusement au combat naval.

On ne peut pr�dire avec certitude si les Etats-Unis auront un jour � affronter un adversaire dot� de l'�ventail complet des capacit�s cr�ant la " zone contest�e ". Et s'il venait � se pr�senter, ils pourraient refuser le d�fi. A horizon de dix ans, pourtant, il est plausible que l'Iran et la Chine auront acquis la ma�trise de certaines capacit�s a�riennes, terrestres et maritimes. La Cor�e du Nord est sans doute assez performante dans le domaine du combat rapproch� au sol, mais plus m�diocre en mati�re de d�fense antia�rienne et de combat littoral. Les capacit�s actuelles de l'Irak sont difficiles � �valuer pr�cis�ment. La Russie sera probablement la principale source des meilleurs syst�mes de d�fense anti-a�rienne vendus dans le monde, mais la Chine ne tardera pas � entrer sur le march�. La Russie vend �galement des syst�mes d'armes tr�s performants pour la d�fense c�ti�re. Il est d'ailleurs probable qu'elle conservera sa comp�tence en mati�re de d�fense anti-a�rienne et qu'elle r�investira le domaine du combat littoral. Mais elle rencontrera plus de difficult�s en mati�re de forces terrestres, et en particulier d'infanterie.

Les cons�quences de la ma�trise globale

Nul ne doute que les Etats-Unis soient aujourd'hui la plus grande puissance militaire du monde, et la plus grande puissance globale depuis l'av�nement de la voile. Leur supr�matie militaire est � la fois une cons�quence et une cause de l'in�gale distribution de la puissance aujourd'hui. Si les Etats-Unis n'�taient pas dominants �conomiquement et technologiquement, ils ne seraient pas la premi�re puissance militaire. Cette domination militaire est aussi la cons�quence de certains choix, comme celui d'avoir de vastes budgets d'armement, ou de certains types de d�penses. Les Etats-Unis jouissent d'une sup�riorit� dans les capacit�s militaires qui leur permet une projection globale de puissance. La ma�trise des espaces communs - air, mer, espace -, leur offre toute une gamme d'options strat�giques dont les autres pays sont priv�s, bien qu'ils profitent, eux aussi, de ce " bien collectif ". Aussi longtemps que les Etats-Unis feront bon usage de cette ma�trise, nombre d'Etats jugeront que leur pr��minence sert leurs int�r�ts. Il sera donc difficile, pour d'autres, de la remettre en cause avant longtemps.

Pour autant, il est essentiel que les Etats-Unis ne concluent pas que les capacit�s qui leur assurent la ma�trise des espaces, ainsi que la possibilit� d'acc�der � tous les champs d'op�rations, leur promettent un m�me niveau de sup�riorit� dans toutes les circonstances. Pour des raisons d�mographiques, politiques et technologiques, le " combat rapproch� " restera tr�s probablement difficile. Les responsables civils et militaires du Pentagone partent souvent du principe selon lequel la sup�riorit� technologique des Etats-Unis dans les zones " ma�tris�es " peut �tre reproduite dans les zones contest�es, pour peu qu'on investisse suffisamment dans la technologie. C'est sans doute une chim�re. Les Etats-Unis devraient r�fl�chir � une strat�gie raisonnable, qui leur permette d'exploiter concr�tement la sup�riorit� que leur conf�re la ma�trise des espaces pour cr�er les conditions les plus favorables aux affrontements dans les zones contest�es.

Une strat�gie militaire exploitant pleinement cette ma�trise des espaces n'est pas compliqu�e dans son principe. La ma�trise des mers permet aux Etats-Unis de rassembler leurs propres forces, et celles de leurs alli�s, pour disposer localement d'une sup�riorit� mat�rielle massive et couper l'adversaire de ses soutiens politiques et militaires. La ma�trise de l'espace exo-atmosph�rique permet d'�tudier attentivement l'ennemi et d'adapter en cons�quence les forces � employer contre lui. La ma�trise de l'air permet d'�puiser prudemment les forces restantes de l'adversaire. Au bon moment, les Etats-Unis et leurs alli�s peuvent frontalement d�fier un adversaire tr�s affaibli dans la zone contest�e. Ces �l�ments, on�reux et durables, de la sup�riorit� des Etats-Unis leur donnent de telles capacit�s - m�me si leur mobilisation peut s'av�rer lente - que bien peu d'Etats seront tent�s de s'y mesurer. Si tel �tait pourtant le cas, il suffirait aux Etats-Unis de mettre en oeuvre une strat�gie exploitant patiemment leur ma�trise des espaces communs : peu d'adversaires pourraient la supporter, ou y r�sister.