exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
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ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Dans l'histoire de la terminologie grammaticale fran�aise, nous pouvons situer pr�cis�ment l'apparition du terme de � compl�ment �. Le terme de compl�ment appara�t en 1747 dans Les vrais principes de la langue fran�oise de l'abb� Girard, dans l'expression de � compl�ment du raport � (1747, vol. 1 : 75, vol. 2 : 181). Dumarsais emploie �galement le terme dans les diff�rents articles qu'il �crit pour l'Encyclop�die ou dictionnaire raisonn� des sciences, des arts et des m�tiers de Diderot et D'Alembert, il �voque notamment le � compl�ment de la pr�position � (Dumarsais, 1729 - 1756, article � accusatif � : 177). Beauz�e, prenant la suite de Dumarsais, substitue le � compl�ment � au r�gime dans l'article � R�gime � (Encyclop�die, tome XIV : 5) puis il lui accorde une d�finition sp�cifique dans l'Encyclop�die M�thodique de Panckoucke (1782 - 1786, article � compl�ment �, tome I : 441 - 447). Il �tend l'usage du � compl�ment � dans sa Grammaire G�n�rale (1767) en cr�ant une typologie et une terminologie diff�renci�es. Mais le terme ne se g�n�ralise pas d'embl�e, et son pr�d�cesseur, le � r�gime �, perdure.
Pour autant, il n'est pas vrai que le ph�nom�ne de la compl�mentation verbale n'est pas d�crit auparavant. L'id�e d'un syntagme qui compl�te le sens du verbe et qui en d�pend syntaxiquement, est pr�sente dans le discours des grammairiens avant l'apparition du terme en 1747. En effet, la cat�gorie fonctionnelle de � compl�ment � appara�t partiellement, sous d'autres termes et d'autres concepts. Le � r�gime �, notion provenant de la tradition des grammaires latines, joue ce r�le depuis les premi�res grammaires du fran�ais jusqu'au milieu du 19e si�cle. C'est aussi le cas du � modificatif � chez Buffier (1709) reposant sur l'op�ration de � modification �, notion interf�rant avec celle de la � particularisation � r�alis�e par le � r�gime �, ou encore du � d�terminant � et de la � d�termination � chez Dumarsais (1729 - 1756). Autrement dit, l'apparition du terme ne co�ncide pas avec l'invention de la cat�gorie moderne, qui s'�labore dans la longue dur�e � partir de concepts autres.
Face � ces deux constats :
on peut se demander dans quelle mesure l'�mergence de la notion de compl�ment est une � invention �.
La notion d' � invention � est d�finie comme l'� acte de trouver quelque chose ; (la) production d'id�es ou de choses nouvelles, par combinaison nouvelle des moyens en vue d'une fin. � (Auroux, 1990, Encyclop�die philosophique universelle, II les notions philosophiques, dictionnaire, vol. 1 : 1374). Autrement dit, l'invention correspond � la production d'une connaissance nouvelle. En outre, la notion d' � invention � s'oppose � la notion de d�couverte :
Pour les r�alistes (ou platoniciens) � invention � s'oppose � � d�couverte �. Ce dernier terme se dit, dans ce cas, de ce qui pr�existait � la connaissance nouvelle. Chez les autres, les deux termes sont plut�t trait�s comme synonymes. (ibid.).
Il est n�cessaire de distinguer ici la d�couverte d'un fait (linguistique, interne � la langue) et la d�couverte d'une notion expliquant les faits (un savoir m�talinguistique, une connaissance sur la langue). La notion d'invention est aussi � opposer � celle d' � innovation �. L' � innovation � consiste � stabiliser l'invention dans un espace social et � lui conf�rer le statut de connaissance scientifique.
La diff�rence entre les deux termes (qui �changent parfois leur valeur s�mantique) provient de ce que toute invention ne se transforme pas en innovation (...). (Auroux, 1990, Encyclop�die philosophique universelle, II les notions philosophiques, dictionnaire, vol. 1 : 1313).
Notre objectif est de rechercher en quoi le � compl�ment � appara�t comme une connaissance nouvelle qui va se stabiliser dans le discours grammatical. En quoi est-il un savoir nouveau sur la langue ? Incidemment, cette question en soul�ve d'autres, dont celle du statut particulier de l'invention en sciences du langage, et de la relativisation de la notion de � progr�s � dans la science grammaticale ; peut-on dire que le � compl�ment � est mieux que le � r�gime � en tant qu'outil de l'analyse syntaxique?
Nous proposons d'examiner ici un moment charni�re dans l'histoire de la syntaxe : le passage du � r�gime � au � compl�ment �, en nous demandant dans quelle mesure l'�mergence du � compl�ment � appara�t comme une � invention �. Dans un premier temps, nous tentons d'identifier les traits de � nouveaut� � du compl�ment en comparant les deux notions. Dans un second temps, nous avan�ons comme �l�ment de r�ponse principal que la construction du concept de compl�ment ressortit en fait � l'�volution globale d'un faisceau de notions et de repr�sentations grammaticales tenant � la structure de la proposition (la transitivit� verbale, la notion de � genre verbal �, le nombre et la forme des constituants dans le mod�le propositionnel adopt�).
On peut d�finir un concept comme un complexe constitu� d'une d�finition, manipulant un contenu id�el, impliquant parfois d'autres concepts, reli� � une terminologie. On peut ajouter une s�rie de faits auxquels la d�finition s'applique, eux-m�mes repr�sent�s par des exemples. Chacun de ces �l�ments se trouve �tre soumis � l'histoire, et le concept ne forme pas une entit� de signification stable ou fixe. L'histoire du compl�ment n'est pas l'histoire d'une invention ex nihilo mais c'est celle d'une construction longue et complexe, � partir de divers termes h�rit�s ou forg�s, et � partir d'autres notions provenant de la logique ou de la grammaire. Le � compl�ment � se construit notamment en interf�rence avec le � r�gime �. C'est en relevant les points de convergence et les points de divergence que l'on observe le mieux la nouveaut� existant entre les deux notions.
Premi�rement, il faut noter qu'aucun de ces deux termes ne provient du domaine sp�cialis� et technique de la logique (� l'inverse d'� attribut �, � pr�dicat �, ou � objet �).
La notion de r�gime provient du vocabulaire de Priscien mais elle se d�veloppe au Moyen-Age :
La notion m�di�vale de rection semble avoir pour origine l'id�e d'exigence qui se trouve chez Priscien ; certains noms, par leur nature, exigent un cas oblique, comme fils demandant le g�nitif. (Rosier, 1983 : 139).
Pierre H�lie explique ainsi que le terme de r�gir est employ� pour d�signer la relation du verbe au nominatif au moyen d'une m�taphore militaire ; le verbe gouverne le nominatif comme le chef gouverne son arm�e (ibid., et Chevalier, 1968 : 55). Le r�gime est d�fini � l'aide de diff�rentes images dont le point commun est l'id�e d'un rapport de domination. Cependant, sa d�finition est variable et la notion n'est pas encore totalement stable au Moyen-Age. Alexandre de Villedieu emploie le terme de regimen dans le chapitre 8 du Doctrinale puerorum, associ� � ceux de rector, regere et gubernare (Colombat, 1999 : 428 - 429). Le terme est traduit et emprunt� directement par les premiers grammairiens du fran�ais. La d�pendance au verbe est pens�e en termes de � r�gime � et les fonctions sont d�crites � l'aide du syst�me des cas. L'id�e que le verbe � gouverne � le nom qui le suit c'est-�-dire qu'il impose un cas � sa suite, s'implante solidement dans la grammaire fran�aise. Quelques grammairiens, comme Palsgrave (1530) ou Ramus (1562, 1572), tentent de diff�rencier les types de r�gimes, ce qui est souvent visible par le traitement du pronom ou de la pr�position et de l'adverbe. Le substantif � compl�ment � n'appara�t lui qu'au milieu du 18�me si�cle, de fa�on minoritaire au sein d'un r�seau terminologique vari�, s�par� du traitement du verbe ou des fonctions, en lien avec la pr�position pour d�signer le syntagme qui la suit, qui lui est � cons�quent �. Chez Girard, le terme appara�t au sein du discours II sur les parties d'oraison (vol. 1 : 75), puis du chapitre sp�cialement consacr� aux pr�positions (Girard, 1747, vol. 2 : 181). Les pr�positions sont les manifestations du � propre g�nie de n�tre langue � qui suppl�ent aux cas (op. cit. : 180). Elles indiquent � un raport d�terminatif � en lien avec les autres � parties d'oraison � (substantifs, pronoms, adjectifs, verbes et nombres) c'est-�-dire qu'elles servent � � restraindre l'�tendue de leur acception � et leur permettent de � recevoir r�ciproquement diverses d�terminations de sens (...) � (op. cit. : 181). Le groupe qui suit la pr�position est plac� sous son r�gime � pour �tre le compl�ment du raport et en former le sens entier � (Girard, 1747 : 181) comme dans tendre sans foiblesse, coquin � pendre, homme de rien, parler avec fermet� (ibid.). Le � compl�ment du rapport � n'est pas plus amplement d�crit, mais il appara�t clairement sous trois aspects essentiels. Premi�rement, il est remarquable que la premi�re occurrence du terme, connue � ce jour, de � compl�ment � est li�e � une d�finition de la pr�position comme partie du discours incompl�te, conception qui perdurera longtemps. Deuxi�mement, elle est li�e � une conception de la pr�position comme forme rectrice. Girard explique bien que les mots qui la suivent sont sous son � r�gime � :
Les pr�positions doivent �tre toujours � la t�te des mots qu'elles r�gissent, c'est-�-dire de ceux qui forment le compl�ment du raport qu'elles indiquent. C'est m�me de cette place qu'elles ont tir� le nom qu'elles portent ; pr�position signifiant dans l'�tymologie un mot qui se place avant d'autres. (op. cit. : 234)
Cependant, le � compl�ment du rapport � ne pr�tend � aucune fonction logico-syntaxique, il est plut�t assimil� � une sous-division s�mantique � l'int�rieur de la fonction quelle qu'elle soit. En effet, sur le plan s�mantique, on comprend que c'est la pr�position, selon le � raport � qu'elle exprime, qui oriente le sens du compl�ment. En somme, le � compl�ment du raport � d�signe la s�quence post-pr�positionnelle dont la forme et le sens sont dirig�s par la pr�position. Sous la plume de Dumarsais, l'expression de �compl�ment de la pr�position � appara�t � plusieurs reprises, dans diff�rents articles de l'Encyclop�die (� Accusatif �, � Article �, � Adverbe �, � Construction �). La pr�position est consid�r�e comme une partie du discours incompl�te qui cr�e l'attente d'un autre terme � sa suite, comme chez Girard :
Il est all� �, � n'�nonce pas tout le sens particulier ; et je me demande o� ? on r�pond, � la chasse, � Versailles, selon le sens particulier qu'on a � d�signer. Alors le mot qui ach�ve le sens, dont la pr�position n'a �nonc� qu'une partie, est le compl�ment de la pr�position, c'est-�-dire que la pr�position et le mot qui la d�termine, font ensemble un sens partiel, qui est ensuite adapt� aux autres mots de la phrase en sorte que la pr�position est, pour ainsi dire, un mot d'esp�ce ou de sorte, qui doit ensuite �tre d�termin� individuellement : par exemple, cela est dans ; dans marque une sorte de mani�re d'�tre par rapport au lieu : et si j'ajoute dans la maison, je d�termine, j'individualise, pour ainsi dire, cette mani�re sp�cifique d'�tre dans. (op. cit. : 458).
La pr�position impliqu�e par le verbe n�cessite d'�tre compl�t�e, mais elle n'est pas pr�sent�e comme soud�e au verbe et c'est avec le mot qui la suit qu'elle forme un syntagme analysable en soi et par rapport aux autres groupes constituant la phrase. Ce syntagme pr�positionnel se rapporte ensuite au verbe dont il restreint la signification. La compl�mentation du verbe s'effectue donc en deux temps. Elle prend forme tout d'abord par la pr�position qui a un statut central ; nous voyons bien que c'est elle qui dirige le compl�ment du point de vue syntaxique et s�mantique. Ensuite, le groupe pr�positionnel est mis en relation avec le verbe qui la pr�c�de. Ainsi, c'est le groupe entier, form� de la pr�position suivie de son compl�ment, qui joue un r�le logico-syntaxique dans la proposition. Dans l'exemple � Celui, qui me suit, dit J. -C., ne marche point dans les t�n�bres�, le groupe ne marche point dans les t�n�bres est analys� comme l'attribut, comprenant le verbe avec une n�gation, suivi d'une modification du verbe marcher : dans les t�n�bres, compos� de la pr�position dans et du � compl�ment de la pr�position � (1729 - 1756 : 451 - 452). Cet emploi du � compl�ment � en lien avec la pr�position est repris par Beauz�e, et perdurera longtemps (Loneux 1799, L�vizac 1809, Bescherelle 1834, Burggraff 1863).
En outre, le � r�gime � et le � compl�ment � ont en commun de construire leur signification sur les concepts de � d�termination �, � modification � ou � particularisation �. Chez Buffier (1709) le � r�gime � est d�fini comme op�rant une � particularisation � dans trois cas. Dans � le pasteur conno�t ses brebis � ; � ses brebis � est le r�gime du verbe � parce que c'est l'objet qui particularise la signification du verbe conno�t, marquant en particulier ce que le pasteur conno�t � (ibid), dans � vous �tes savant �, l'adjectif � savant sera le r�gime parce que savant particularise ici le verbe �tre � (ibid.), et dans � un ami de plaisir (...) la signification d'un ami est particularis�e par le mot de plaisir � (op. cit. : 62). Le point commun de ces � r�gimes � est bien de � particulariser � la signification du mot auquel ils se rapportent :
Tous les noms ou m�me tous les mots qui servent ainsi � particulariser la signification d'un autre mot sont le r�gime de ce mot (op. cit. : 61)
La � particularisation � peut s'entendre comme la s�lection d'un �l�ment pr�cis qui entra�ne une restriction de l'ensemble des individus auxquels le sens du nom ou du verbe pourrait s'appliquer. Mais diff�rentes unit�s ou syntagmes appel�s � modificatifs � sont reconnus aussi comme r�alisant une � modification � (en particulier adverbe, pr�position, conjonction) Le modificatif indique une circonstance ou une � modification � du nom-sujet ou du verbe-attribut, et du point de vue de l'analyse syntagmatique, il constitue une expansion interne de chacun des groupes sujet et attribut (Buffier, 1709 : 9 : 49) comme dans � le z�le sans prudence agit t�m�rairement � (op. cit. : 49). Dumarsais utilise lui la notion de � d�termination � pour penser et d�crire la compl�mentation. La notion de � d�termination � est red�finie et le rapport de d�termination (vs le rapport d'identit�) remplace la syntaxe de r�gime de Port-Royal, devenant alors le fondement des relations de d�pendance (Dumarsais, 1729 - 1756 : 456 - 458). Lorsque le verbe est transitif direct, Du Marsais parle de � d�terminant � du verbe :
Il en est de m�me des verbes actifs : quelqu'un me dit que le roi a donn� ; ces mots a donn� ne font qu'une partie du sens particulier, l'esprit n'est pas satisfait, il n'est qu'�mu, on attend, ou l'on demande, 1� ce que le roi a donn�, 2� � qui il a donn�. On r�pond, par exemple, � la premi�re question, que le roi a donn� un r�giment : voil� l'esprit satisfait par rapport � la chose donn�e, r�giment est donc � cet �gard, le d�terminant de a donn�, il d�termine a donn�. (op. cit. : 458)
Cependant, Dumarsais mentionne aussi le terme de � d�terminatif � (op. cit. : 515 - 516). Tous les compl�ments essentiels sont ainsi consid�r�s comme des � d�terminants � ou � d�terminatifs � du verbe car il y a autant de d�terminations que de questions que nous pouvons poser � propos de l'action :
Un verbe doit �tre suivi d'autant de noms d�terminans, qu'il y a de sortes d'�motions que le verbe excite n�cessairement dans l'esprit. J'ai donn� : quoi? et � qui? (Dumarsais, 1729 - 1756 : 460)
On retrouve ici le verbe donner traditionnellement pris comme exemple pour diff�rencier les deux types de r�gimes, direct et indirect, ainsi que les questions traditionnelles de rep�rage.
La premi�re d�finition du � compl�ment � par Beauz�e repose sur la notion de d�termination :
On doit regarder comme compl�ment d'un mot ce qu'on ajoute � ce mot pour en d�terminer la signification de quelque mani�re que ce puisse �tre. (Beauz�e, 1782 - 1786, Encyclop�die M�thodique, Article � Compl�ment �, tome I : 441)
Mais il lui accorde ensuite une signification g�n�rique ; le � compl�ment � appara�t alors comme un concept englobant, s'�tendant � de multiples faits de d�pendance grammaticale :
Le compl�ment d'un mot est une addition faite � ce mot, afin d'en changer ou d'en compl�ter la signification. (Beauz�e, 1767, Grammaire G�n�rale, tome 2, � Du compl�ment � : 44)
On doit regarder comme compl�ment d'un mot, ce qu'on ajoute � ce mot pour en d�terminer la signification, de quelque mani�re que ce puisse �tre. (E.M., � compl�ment � : 441).
En somme, � R�gime � et � compl�ment � participent d'une m�me invention ; celle de l'�laboration de la cat�gorie fonctionnelle de compl�ment, et d'une m�me description linguistique : celle du proc�d� de compl�mentation. De ce point de vue, le passage du � r�gime � au � compl�ment � consiste en un simple remplacement d'une notion par une autre, sans caract�re de nouveaut� (hormis la cr�ation terminologique), sans v�ritable modification conceptuelle :
Entre la premi�re apparition de la notion de compl�ment et l'utilisation de la notion de r�gime, il n'y a qu'une diff�rence de nomination : le nom de compl�ment est une invention des Lumi�res mais il n'y a pas d'article Compl�ment dans l'Encyclop�die, B.E.R.M. s'explique sur cette absence dans l'article Gouverner (...) (Autrement dit) l'invention de la notion de compl�ment appara�t comme une simple innovation terminologique : (...) (Auroux, 1973 : 64 - 65)
Mais Beauz�e invite � ne pas confondre les deux termes de � r�gime � et de � compl�ment � (article � r�gime �). En effet, la naissance du � compl�ment � marque un changement de perspective dans l'analyse, la notion se construisant �galement en opposition avec le � r�gime �, issu de la tradition latine.
Le r�gime est issu d'une conception de la d�pendance syntaxique selon la � nature �, le � pouvoir � des mots. Cette force se traduit par une modification morphologique. Le r�gime, dans la grammaire latine implique un cas, c'est-�-dire la modification morphologique, visible, du terme qui suit. � R�gir � signifie alors impliquer un cas. Ce concept sert de support � la distinction entre deux types de syntaxe, distinction formul�e et th�oris�e par Despaut�re, entre � la syntaxe de r�gime � et � la syntaxe de concordance �. La � Syntaxe de r�gime � d�finit l'emploi et la valeur des cas, et la � syntaxe de concordance � r�gle les questions d'accord. Ces deux p�les du domaine syntaxique demeurent dans la Grammaire G�n�rale et Raisonn�e de Port-Royal (1664 : 157 - 158), la � syntaxe de r�gime � recense les cas qui suivent les pr�positions ou les verbes. A l'inverse, le � compl�ment � n'est attach� � aucune consid�ration sur le � pouvoir � des mots et ne renvoie � aucune modification morphologique impos�e. Sous la plume de Beauz�e, les d�finitions du � compl�ment � �voluent et se d�tachent de la tradition latine pour prendre un sens grammatical g�n�rique. Le � compl�ment � d�signe ce qu'il �voque ; l'ajout d'un terme ou d'une s�quence linguistique � la suite d'un autre, les deux unit�s entretenant une relation de d�pendance ne correspondant pas � une op�ration logique pr�cise ni � une modification morphologique casuelle. Inventer le compl�ment revient en fait � refuser l'existence de cas pour les noms fran�ais (jusqu'aux Encyclop�distes les grammairiens du fran�ais d�crivent une d�clinaison des articles, noms et pronoms) et � fonder les bases d'une nouvelle syntaxe fran�aise, non plus sur la latine, mais sur les sp�cificit�s de la langue fran�aise. L'opposition entre syntaxe de r�gime et syntaxe de concordance est remplac�e par la distinction �nonc�e par Dumarsais entre deux rapports syntaxiques entre les mots : le rapport de d�termination et le rapport d'identit�. Le rapport de d�termination est marqu� par l'ordre : mot d�termin�/mot d�terminant, et par les pr�positions. Ce changement de perspective syntaxique entra�ne, dans le discours des Encyclop�distes, la sp�cialisation du r�gime pour les langues casuelles et le d�laissement des cas comme cat�gories de fonction, notions jug�es inappropri�es pour l'analyse du fran�ais.
Par ailleurs, une autre diff�rence observable entre le compl�ment et le r�gime, est que la d�finition du compl�ment par Beauz�e s'accompagne d'une typologie sp�cifique nouvelle. Alors que le r�gime ne s'associait qu'� deux caract�risations (forme directe ou indirecte) r�gime absolu/respectif chez Buffier (1709 : 62 - 63), r�gime indirect ou relatif/direct ou absolu chez Restaut (1732 : 253, 256), le � compl�ment � est le support d'une caract�risation multi-crit�res donnant lieu � des productions terminologiques foisonnantes au 19e si�cle. L'�volution du r�seau terminologique de la compl�mentation suit diff�rentes �tapes que nous ne pouvons d�tailler ici mais dont nous rappelons le m�canisme g�n�ral. On note tout d'abord un transfert des caract�risations du r�gime vers le compl�ment, ensuite les grammairiens inventent des qualificatifs sp�cifiques au compl�ment (selon son s�mantisme comme c'est le cas pour les circonstanciels de Beauz�e, selon son caract�re n�cessaire ou non chez Domergue qui distingue les compl�ments �loign�s et prochains), la terminologie du r�gime peut coexister avec celle du compl�ment (engendrant des syst�mes de d�signation doubles ou plus complexes), avant que le compl�ment ne devienne le principal nom de la cat�gorie au milieu du 19e si�cle. Ceci s'explique par le fait que le � compl�ment � re�oit un sens plus large que le � r�gime �. Entendu comme hyperonyme, le compl�ment d�signe des r�alit�s plus larges que le r�gime, et recouvre tous les cas sauf le nominatif (accusatif, datif, g�nitif, ablatif). Aux yeux de certains grammairiens, comme Domergue, la notion de � compl�ment � peut appara�tre plus � pratique � pour cette raison. L'�cueil de l'application de cette conception du � compl�ment � est que le terme peut servir � d�signer tout mot ou groupe de mots, attach� � l'unit� qui le pr�c�de, comme chez Bescherelle.
En somme, on distingue quatre stades, qui peuvent se chevaucher, dans le processus d'�mergence de la notion de � compl�ment �. Tout d'abord, la construction des notions pr�liminaires de � modification �, � d�termination �, � particularisation �, ensuite l'apparition du terme en lien avec une d�finition positionnelle sp�cifique li�e � la pr�position, cette phase est suivie de la d�finition du � compl�ment � comme substitut du r�gime, puis de l'�largissement de sa signification vers un sens grammatical g�n�rique.
Pour autant, la notion de compl�ment est-elle plus utile, plus avantageuse, que celle de r�gime ? On peut apporter un �l�ment de r�ponse � cette question en observant les modalit�s de r�ception de la notion de � compl�ment � par les grammairiens de la fin du 18e si�cle et du d�but du 19e si�cle : quel succ�s re�oit-elle ? comment est-elle jug�e par les grammairiens de cette �poque ? Certains, lecteurs de l'Encyclop�die, l'adoptent rapidement et reconnaissent une importance � ce qu'ils jugent �tre une invention, mais ils sont isol�s (P�re Fran�ois Xavier 1776, Thurot 1796, Domergue 1798, Silvestre de Sacy 1799). Chez Condillac et les Id�ologues, la nouvelle cat�gorie n'est quasiment pas utilis�e. Les auteurs de grammaires g�n�rales, connaissant les articles de l'Encyclop�die, ont tendance � l'int�grer, tout en conservant le r�gime pour certains, comme Thiebault (1802). Dans les ann�es 1830 - 40 le compl�ment tend � se g�n�raliser dans les grammaires d'usage (Bescherelle, 1834, Boniface, 1843).
Aux questions suivantes : qu'est-ce qui est nouveau entre le r�gime et le compl�ment ? qu'est-ce qui change dans le passage du r�gime au compl�ment ? Nous pouvons r�pondre que c'est la conception de la syntaxe (identit�/d�termination, abandon des cas), ce qu'a montr� Chevalier (1968). Mais on peut avancer aujourd'hui une nouvelle hypoth�se : c'est toute la repr�sentation de la proposition dans la grammaire qui est en mouvement. En r�alit�, l'�mergence du � compl�ment � n'est pas un ph�nom�ne isol�, c'est le versant visible de l'�volution de la conception de la structure propositionnelle et de la prise en compte par les grammairiens du fran�ais de la probl�matique de la transitivit� verbale.
La question de la d�finition du compl�ment versus celle de r�gime, est en relation avec celle de la repr�sentation de la proposition dans la grammaire et avec celle du statut du verbe dans la structure propositionnelle.
En effet, le verbe, dans le mod�le propositionnel de la grammaire g�n�rale et raisonn�e de Port-Royal, prend n�cessairement la forme du verbe �tre � la troisi�me personne et au pr�sent de l'indicatif, c'est le � verbe substantif � (GGR, 1845 [1664] : 47 - 48), il est suivi du participe pr�sent (analys� comme � attribut �) (GGR, 1845 [1664] : 47). Cette structure pose diff�rents probl�mes dans l'analyse grammaticale. Premi�rement, ce sch�ma propositionnel impose la r��criture de chaque verbe au moyen du verbe substantif. Dans les pratiques grammaticales, ceci se traduit par une r�duction de tous les �nonc�s au mod�le initial tripartite : sujet-est-adjectif/participe, et par une lecture attributive de la proposition. Deuxi�me point, corr�l� au premier, ce mod�le �carte l'analyse du verbe comme noyau de transitivit�. On peut alors consid�rer le mod�le tripartite comme un frein � l'�mergence de la cat�gorie de verbe transitif, cette histoire �tant inscrite de fa�on plus large dans celle du classement des �genres du verbe � h�rit�s de la tradition latine. Celle-ci distingue les verbes actif, passif, neutre, commun et d�ponent, en se fondant sur la morphologie latine (l'opposition -o/-or) mais aussi sur le s�mantisme lexical (action/passion) du verbe ou sa construction (le cas, la possibilit� de transformation passive). Durant tout l'�ge classique cette typologie des verbes se transmet de fa�on stable, les grammairiens reproduisant les principales cat�gories de verbe actif, passif, ou neutre, notamment la Grammaire G�n�rale et raisonn�e de Port-Royal, mais ce calque du mod�le latin se r�alise avec des transformations. En effet, l'opposition formelle �tant absente en fran�ais, les d�finitions des cat�gories se centrent sur le crit�re s�mantique, tandis que l'absence de cas conduit � identifier les classes � partir de la notion de r�gime puis de compl�ment. L'�volution du mod�le de classement des verbes s'articule clairement � l'�mergence de la fonction de compl�ment et � l'�volution de la structure propositionnelle. Ainsi, Beauz�e (1767) inaugure la p�riode de remise en question du syst�me traditionnel des genres du verbe, en distinguant le verbe absolu (intransitif) du verbe relatif (transitif) en contrepoint de la diff�rence entre compl�ments imm�diat (direct) et m�diat (indirect), et objectif, primitif ou relatif, secondaire. Cet �branlement se poursuivra jusqu'� la fin du 19e si�cle, moment o� l'on distinguera la � voix � du verbe ou forme du verbe, de son s�mantisme et de sa construction (Jullien, B., 1832, 1852 - 1854). Cette �volution est parall�le au processus de d�construction de la structure propositionnelle tripartite �rig�e comme mod�le par Port-Royal. Les grammairiens adoptent plusieurs positions allant de l'adoption pure et simple � la d�construction totale. On propose ici une �chelle th�orique des r�actions observ�es face au mod�le propositionnel initial, sachant que ces positions ne se succ�dent pas ; elles n'ob�issent pas � une �volution lin�aire mais illustrent diff�rentes tendances dans le processus de d�construction.
Dans ce premier cas, le mod�le propositionnel de la GGR est adopt� sans modification, ce qui est particuli�rement observable chez les Id�ologues et les enseignants des Ecoles Centrales, l'institutionnalisation d'un programme d'Id�ologie concourant � la stabilit� et � la diffusion de la doctrine. Le verbe est identifi� au verbe substantif, la typologie des � genres � du verbe est r�duite � l'opposition de l'expression de l'action ou de l'�tat, comme chez Condillac. Condillac cite d'embl�e les Messieurs de Port-Royal ainsi que Dumarsais (1775, Grammaire : 1) et conserve le mod�le tripartite comprenant la d�composition du verbe. Ainsi, l'exemple qui suit � Corneille est po�te � (ibid.) correspond � l'association d'un sujet et d'un attribut, qui sont � les signes des deux id�es que vous comparez � (Condillac, 1775, Grammaire : 102), au moyen du verbe �tre qui demeure le � signe de l'op�ration de votre esprit qui juge du rapport entre Corneille et po�te � (op.cit. : 103). Ce qu'il r�sume ainsi :
Toute proposition est donc compos�e d'un sujet, d'un verbe et d'un attribut. (ibid.)
L'analyse est identique au d�but du chapitre suivant :
Consid�rons actuellement les trois termes d'une proposition. Le sujet et la chose sont on parle, l'attribut est ce qu'on juge lui convenir et le verbe prononce le rapport de l'attribut au sujet. Telles sont les id�es qu'on se fait de ces trois sortes de mots. (op. cit. : 107)
Le verbe est toujours d�compos� en est suivi du participe pr�sent, la proposition � s'exprime par cons�quent avec trois mots ou avec deux �quivalents � trois. Je parle par exemple est pour je suis parlant. � (op. cit. :03). Par ailleurs, Condillac ne propose pas de classement des verbes et simplifie le syst�me � l'opposition entre verbe d'action et verbe d'�tat. Dans le chapitre VI � Du verbe � parmi les � El�ments du discours � (Condillac, Grammaire, 1775, p.160) on ne trouve aucune r�f�rence � la notion de transitivit�. Les points pr�sent�s concernent les personnes, le temps, les modes, la conjugaison, et les formes compos�es. Le verbe �tre est � proprement le seul � (ibid.). Enfin, il ne parle pas de compl�ment mais utilise la notion d'� accessoire � (op. cit. : 115) pour d�crire les d�pendances du verbe, ainsi que celle de � modification � (tome 2, Art d'�crire et de raisonner : 31).
Dans ce second cas, le verbe substantif est conserv� mais le compl�ment est �voqu�, comme un constituant suppl�mentaire dont les caract�ristiques sont absconses. Deux cas de figure se pr�sentent.
i) le compl�ment est mentionn� et appartient � l'attribut, comme chez Serreau et Boussi (1824). Le mod�le propositionnel prend la forme suivante : sujet-�tre-attribut-objet-adjoints : � Une proposition se compose n�cessairement d'un sujet et d'un attribut li� au sujet par le verbe pur (...) ainsi dans cette proposition j'aime l'�tude, je est le sujet, aime est l'attribut compos� de suis aimant, l'�tude est l'objet direct, c'est-�-dire le signe de l'objet sur lequel se porte directement l'action, ce que quelques grammairiens appellent compl�ment (...) �. Or les grammairiens r�servent le terme de compl�ment au syntagme pr�positionnel (compl�ment du nom ou compl�ment indirect du verbe) ou � la proposition compl�ment d'une autre : � .. mais je ne veux appliquer cette d�nomination dans ce sens qu'� une proposition qui devient l'objet direct d'une autre proposition logique. Hors de l� j'appelle compl�ment un mot pr�c�d� d'une pr�position qui a pour ant�c�dent le sujet ou l'objet direct ou indirect d'une proposition comme dans ces exemples une �tincelle de feu a br�l� le pan de mon habit, ob�issez aux ordres de vos chefs. � (op. cit., p. 358 - 359).
ii) le compl�ment est ext�rieur � l'attribut et se greffe au noyau tripartite, comme chez Domergue (1798). Domergue conserve en effet l'analyse tripartite de la proposition : sujet-verbe-attribut, il d�signe ses trois composantes � l'aide d'une nouvelle terminologie form�e sur le verbe juger en latin � judicare � : judicande - judicateur - judicat. Il ajoute ensuite � ce sch�ma une quatri�me partie qui est le � compl�ment � mais celui-ci ne s'applique pas au judicateur. Le compl�ment appara�t comme un quatri�me constituant, faisant suite aux trois autres. Cependant il semble parfois inclus dans le judicat, Domergue expliquant que c'est � le judicat qui contient le compl�ment et le compl�ment du participe � (op. cit., p. 17), le compl�ment participant aussi de la � chose jug�e �.
Le fait est que le compl�ment re�oit la plupart du temps une place ambigu� dans ces grammaires. Souvent, il n'est pas possible d'identifier sa place, les deux descriptions pouvant �tre disjointes (analyse de la proposition du point de vue grammatical/ du point de vue logique). Cette coexistence (indiff�renci�e) d'une structure propositionnelle attributive et d'une structure transitive, cr�e de nombreux probl�mes dans l'analyse tels que celui de la d�termination de la port�e des compl�ments suivant le verbe : sont-ils compl�ments du verbe substantif, ou du participe (appel� aussi adjectif, modificatif ou modatif) tir� du verbe adjectif ? Soit les grammairiens s�parent les compl�ments du verbe �tre et ceux du participe (sur le mod�le de Condillac distinguant les accessoires du verbe et ceux de l'attribut) soit ils affirment que le verbe �tre se suffit � lui-m�me (comme Domergue), donc tous les compl�ments sont des compl�ments du participe.
On observe une troisi�me attitude qui consiste � conserver la structure attributive originelle en parall�le de l'�bauche d'une structure transitive. Cette position est notable lors de la p�riode de transition qui pr�c�de l'abandon du mod�le initial, c'est-�-dire dans les grammaires g�n�rales tardives. Les grammaires g�n�rales du milieu du 19e si�cle prolongent la grammaire g�n�rale de l'�ge classique. Elles adoptent donc un mod�le propositionnel majoritairement tripartite (ou augment�) o� la d�composition du verbe est acquise comme une �vidence, elles reprennent aussi pour la plupart une division des mots inspir�e de la GGR ou de Harris en un syst�me binaire ou ternaire des classes de mots. L'int�gration du compl�ment est tr�s nette chez certains (Caillot, Poitevin, Jullien, Lavielle, Leterrier) mais d'autres conservent le r�gime comme seule fonction (Jonain) ou comme synonyme du compl�ment (Mont�mont, Poitevin), ou bien ne comportent pas de syntaxe (Montlivault, Barthe) ou quasiment pas (Jonain). Ceci s'accompagne d'une conservation de la distinction syntaxe de concordance, d'accord ou d'identit�, face � la syntaxe de r�gime parfois renomm�e syntaxe de compl�ment (Bel), de d�pendance (Burggraff) ou de d�termination (Leterrier). Les textes t�moignent aussi de la connaissance des �crits de Dumarsais, Condillac, Court de G�belin et Destutt de Tracy, mais surtout de Beauz�e, dont la distinction des verbes peut �tre reprise (Burggraff).
Dans ce dernier cas de figure, le mod�le de la GGR n'est absolument pas repris et la description de la structure propositionnelle se r�alise � partir de l'adjonction de constituants aux deux groupes essentiels que sont le sujet et le verbe. On l'observe chez Buffier qui inaugure une v�ritable tendance en inventant le � modificatif �, ou chez Girard qui pousse � cinq le nombre de fonctions suppl�mentaires et fournit un mod�le muti-fonctions aux noms nouveaux qui inspirera les derniers auteurs de grammaires g�n�rales comme Jullien, ou Mont�mont. Cette repr�sentation de la proposition s'articule � une remise en question du verbe substantif (Girard, Jullien), ou s'accompagne d'une d�finition autre. Ces mod�les fonctionnels, en rupture avec le mod�le propositionnel, d'origine logique, de la GGR, n'int�grent pas la d�composition du verbe et s'accompagnent d'une remise en question de la d�finition du verbe de Port-Royal. Ceci dit, la remise en question du verbe substantif n'implique pas pour autant une red�finition des cat�gories de fonction, comme cela est observable chez les membres de la Soci�t� Grammaticale (1818), dont le probl�me central est la d�limitation des classes de mots.
Des liens �vidents existent entre l'�mergence du compl�ment, la d�construction du mod�le propositionnel de la grammaire g�n�rale et la construction des classes de verbes transitif et intransitif, sur crit�re s�mantico-syntaxique. Les tentatives de d�signation d'un nouveau constituant repr�sentent en effet des am�nagements du mod�le propositionnel et s'accompagnent d'une red�finition du verbe. En cons�quence, l'�mergence de la fonction de compl�ment ne peut �tre envisag�e isol�ment. Son invention n'est pas un ph�nom�ne isol�. Elle s'inscrit dans le mouvement global d'�volution de la structure propositionnelle et elle ne prend sens qu'en relation avec la conception du verbe et des constituants de la proposition.
En guise de conclusion, nous pouvons reconsid�rer les questions que nous posions en introduction : en quoi l'�mergence du compl�ment est-elle une � invention � ? le � compl�ment � est-il un meilleur outil grammatical que le � r�gime � ? et tenter d'y apporter quelques �l�ments de r�ponse.
Premi�rement, ce qui est saillant dans le processus de g�n�ralisation et de stabilisation du compl�ment dans le discours grammatical, c'est l'abandon d'un mod�le de la proposition. L'histoire du compl�ment est l'histoire de l'invention d'une certaine description de la d�pendance syntaxique, � l'aide de notions diverses, notamment emprunt�es � la logique, et de termes nombreux forg�s par les grammairiens. Cette histoire est parall�le � la d�construction du mod�le propositionnel tripartite attributif de la grammaire g�n�rale.
Deuxi�mement, l'historien des sciences du langage n'a pas de r�ponse � la question de savoir si le compl�ment permet de mieux d�crire, penser, appr�hender, repr�senter, formaliser, ou enseigner la syntaxe du fran�ais. L'int�r�t d'une �tude historique est pr�cis�ment de montrer qu'il n'existe pas de r�ponse � cette question. En revanche, ce que l'on observe, dans la perspective d'une histoire s�rielle, c'est que les grammairiens adoptent le compl�ment, pas imm�diatement ni de fa�on unanime, et pour des raisons diff�rentes.