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ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Les changements s�mantiques sous-jacents aux ph�nom�nes de grammaticalisation ont �t� analys�s dans le pass� comme des transferts m�taphoriques, des glissements m�tonymiques ou des � conventionnalisations d'implicatures �. Dans cette br�ve contribution, nous nous demanderons, � l'instar de Nicolle (1998), quel pourrait �tre l'apport de la th�orie de la pertinence � l'analyse de ces �volutions s�mantiques. Puisque Nicolle (1998) s'est servi, entre autres, de l'�volution de la construction anglaise be going to + infinitif pour illustrer ses id�es, nous prendrons comme point de d�part de cette �tude l'analyse de la grammaticalisation de la s�quence aller + infinitif propos�e par Detges (1999). Nous expliquerons d'abord pourquoi il est n�cessaire de combiner son analyse m�tonymique avec les m�canismes pragmatiques d�crits par la th�orie de la pertinence. Ensuite, nous montrerons bri�vement qu'en plus des �l�ments d�j� mentionn�s, il faut aussi tenir compte de la fr�quence d'emploi de la s�quence aller + infinitif.
La grammaticalisation de la s�quence aller + infinitif a �t� d�crite par plusieurs auteurs ; nous partirons ici de l'analyse propos�e par Detges (1999), que nous compl�terons toutefois en nous servant d'id�es et de donn�es emprunt�es � Gougenheim (1929), Flydal (1943), Wilmet (1970) et Werner (1980). Selon Detges (1999), le m�canisme sous-jacent au changement s�mantique du verbe aller, qui s'est transform� de verbe de mouvement en marqueur du � futur p�riphrastique � (du moins lorsqu'il est suivi d'un infinitif), est de nature m�tonymique, mais la cause et la direction du processus de grammaticalisation (du concret vers l'abstrait) doivent �tre expliqu�es en faisant appel � des strat�gies et � des intentions communicatives particuli�res des locuteurs.
A l'instar de Blank (1997), Detges (1999 : 36) consid�re comme m�tonymiques des changements s�mantiques du type 'contenant > contenu', 'acte > r�sultat', etc. A son avis, ces glissements de sens s'expliquent � partir des relations (non linguistiques) existant entre les concepts qui repr�sentent les entit�s d�sign�es par les signes linguistiques. Ces concepts sont organis�s en cadres (frames), c'est-�-dire des ensembles de connaissances encyclop�diques. Ainsi, en ce qui concerne le concept t�te, nous savons (i) que la t�te est une partie du corps et, par extension, de la personne humaine, (ii) que c'est la partie sup�rieure du corps (du moins chez les �tres humains), (iii) que la t�te est le si�ge de l'intellect, etc. Lorsque le contexte met au premier plan certaines connaissances qui font partie du cadre associ� au nom t�te, et en repousse d'autres � l'arri�re-plan, ce nom acquiert diff�rentes interpr�tations. Il peut ainsi d�signer, selon le Petit Robert, les personnes humaines (ex. 1) ou l'intellect dont la t�te est cens�e �tre le si�ge (ex. 2) :
(1) Une t�te couronn�e (Petit Robert, s.v. t�te)
(2) On n'�crit pas avec son coeur, mais avec sa t�te (Flaubert, cit� par le Petit Robert, s.v. t�te)
Dans l'exemple (1), c'est l'id�e de la personne humaine, dont la t�te est une partie, qui a �t� mise au premier plan, dans l'exemple (2), par un mouvement en quelque sorte inverse, c'est l'intellect (qui est cens� �tre � dans � la t�te) qui se voit promu au premier plan. Mais dans les deux cas, la m�tonymie r�sulte de glissements � l'int�rieur du cadre associ� � t�te (Koch 1996, 1999) : t�te > personne ; t�te > intellect. De plus, elle consiste � changer les rapports premier plan / arri�re-plan existant au sein du cadre.
Lorsqu'il est question de verbes, les cadres qu'ils d�signent se refl�tent dans leur valence (Detges 1999 : 37) ; aller d�signe ainsi un cadre qui comporte (i) deux �l�ments centraux ou actants, � savoir (a) l'agent du mouvement et (b) la destination de ce mouvement, mais aussi (ii) plusieurs circonstants, comme (a) la vitesse, (b) l'instrument et (c) l'intention avec laquelle l'agent se dirige vers sa destination. Selon Detges, la grammaticalisation li�e au verbe aller est le r�sultat de glissements m�tonymiques � l'int�rieur de ce cadre. Il distingue deux �tapes :
Nous pr�sentons ci-dessous son analyse des glissements m�tonymiques impliqu�s.
L'intention associ�e au verbe aller concerne souvent les actes que l'auteur du mouvement se propose d'ex�cuter lorsqu'il arrive � la destination du mouvement :
(3) Car incontinant le roy manda tous ses barons, cappitaines et chefz de guerre, et sans aulcun delay fit appareillier tout ce qui estoit de besoing pour aller en Espaigne commancer la guerre contre les barons du pays. (Jehan de Paris 8, cit� par Werner 1980 : 131)
Il suffit que cette intention soit plus importante en contexte que la destination � laquelle elle est associ�e pour que seule l'intention soit exprim�e. Detges (1999 : 39) cite ainsi les exemples suivants, dans lesquels seule l'intention est encore explicit�e,
(4) Nos alomes la messe o�r; Tuit alomes vers le mostier. (Roman de Renart 12582, fin 12e - d�but 13e s.; cit� par Littr� 1961/62 et Detges 1999 : 39)
(5) Il meismes ala trois serjans apeler (Li romans de Berte aus grans pies XVII, fin 13e si�cle, cit� par Littr� 1961/62 et Detges 1999 : 39)
Bref, il n'est pas toujours n�cessaire d'expliciter la destination parce que celle-ci peut �tre d�duite sans probl�mes du contexte. Partant, le verbe aller s'emploiera par la suite dans des contextes o� il n'exprime plus l'id�e d'un mouvement, mais o� il signale seulement la pr�sence d'une intention :
(4) Il est bien temps de deviser / Les personnaiges et nommer. / Je vous les veulx nommer � tous. / Je voys au Monde commencer. (Moralit� de Charit�, 1532 - 1550, passage cit� par Gougenheim 1929/1971 : 98 et Detges 1999 : 39)
Comme le fait remarquer Detges (1999 : 40), en (4) je voys n'exprime plus le mouvement, puisque le locuteur ne doit pas se d�placer pour pr�senter les personnages. Je voys correspond plut�t � � j'ai l'intention (de) ... �, ce qui est d'ailleurs �tay� par la juxtaposition de je voys avec je veulx. Le r�sultat est que l'intention est mise au premier plan, alors que la destination est repouss�e � l'arri�re-plan.
L'analyse n'est pas encore compl�te, toutefois : il faut encore expliquer ce qui d�clenche le changement s�mantique. Detges (1999 : 48) avance � ce sujet que les locuteurs font appel � des verbes d�signant un mouvement visible pour exprimer leurs intentions ou pour faire des assertions sur le futur, qui n'est pas perceptible, afin de signaler � leurs interlocuteurs que ces intentions ou ces �v�nements futurs vont effectivement �tre r�alis�s. Il est int�ressant de noter � ce propos que le changement s�mantique du verbe aller d�crit dans cette partie de notre texte se produit initialement dans des contextes o� ce verbe est conjugu� � la premi�re personne (Gougenheim 1929, Flydal 1943, Wilmet 1970 et Werner 1980). Cela s'explique en effet, selon Detges (1999 : 40), par le fait que la p�riphrase aller + infinitif y sert surtout � exprimer des actes de langage comme la promesse, des actes dans lesquels l'intention de faire quelque chose occupe le premier plan. En disant � je vais ... �, le locuteur signale qu'au moment de parler, il a d�j� entam� le mouvement qui conduira � la r�alisation de l'acte (voir �galement Flydal 1943 : 8). Le rapport m�tonymique entre mouvement et intention est ainsi ancr� dans l'exp�rience du monde du locuteur et de son interlocuteur, ce qui contribue � rendre cr�dible pour l'interlocuteur l'id�e que l'acte vis� va se r�aliser ; la m�taphore, qui est bas�e sur un rapport conceptuel cr�� par le locuteur, n'aurait pas le m�me effet.
Le changement de sens d�crit implique donc deux niveaux : (i) un niveau cognitif, o� l'on trouve les rapports conceptuels (konzeptuelle Br�cken, Blank 1997 : 295) sous-jacents � l'�volution s�mantique, et (ii) un niveau pragmatique, qui comporte le besoin communicatif, ressenti par le locuteur, de rendre cr�dible l'id�e que ses actes intersubjectifs, comme la promesse, vont se r�aliser et qui explique ainsi (i) le recours initial au concept concret d'aller et, du coup, (ii) la direction du changement (du concret vers l'abstrait) (Detges 1999 : 41).
Si l'analyse de Detges nous semble tout � fait convaincante, l'on peut y ajouter un �l�ment, qui pourrait fournir une r�ponse suppl�mentaire � la question pos�e ci-dessus, concernant l'�l�ment qui d�clenche le processus de grammaticalisation. Selon Koch (2004 : 12), en effet, l'�l�ment d�clencheur des glissements m�tonymiques serait fourni par le principe de pertinence. Rappelons que selon ce principe, nos �nonc�s cr�ent des attentes de pertinence optimale :
(...) le destinataire d'un �nonc� est en droit d'attendre, d'une part, que cet �nonc� soit au moins assez pertinent pour valoir la peine d'�tre trait� (...) et d'autre part, qu'il soit l'�nonc� le plus pertinent compte tenu des capacit�s et des pr�f�rences du locuteur. (Wilson 2006 : 42)
La pertinence est d�finie en termes d'efforts de traitement et d'effets cognitifs (comme les implications contextuelles vraies, les renforcements ou les r�visions d'hypoth�ses existantes, etc.) :
Toutes choses �tant �gales par ailleurs, plus un stimulus produit d'effets cognitifs, plus il sera pertinent pour l'individu qui l'a trait� ;
(...) toutes choses �tant �gales par ailleurs, moins un �nonc� demande d'effort de traitement, plus il est pertinent. (Wilson 2006 : 44)
Notons que ces principes permettent entre autres d'expliquer pourquoi le locuteur n'exprime plus la destination dans les exemples (4) et (5) : puisque cette information peut �tre d�duite du contexte, le locuteur rend son �nonc� plus pertinent s'il ne la reprend pas, r�duisant ainsi l'effort de traitement pour son interlocuteur. La pr�sence des �l�ments contextuels d�crits par Detges (la premi�re personne, etc.) permet en outre � l'interlocuteur d'identifier � peu de � frais � de traitement l'intention communicative du locuteur. La combinaison du sens avec les �l�ments contextuels cr�e donc des effets contextuels suppl�mentaires. Ces analyses doivent peut-�tre encore �tre affin�es, mais elles confirment � notre avis l'hypoth�se que la recherche de la pertinence optimale pourrait expliquer pourquoi s'op�rent les glissements m�tonymiques d�crits par Detges.
Apr�s le premier glissement m�tonymique, la s�quence aller + infinitif n'est pas encore transform�e en marqueur grammatical ; la g�n�ralisation qui en r�sulte et qu'on retrouve dans l'�volution de la structure be going to + infinitif en anglais, concerne selon Nicolle (1998) deux sens lexicaux. Le deuxi�me glissement m�tonymique, qui transforme la s�quence aller + infinitif en marqueur grammatical, est bas� sur l'id�e g�n�ralement accept�e selon laquelle la r�alisation de nos intentions est normalement situ�e dans le futur : si les actes d�sign�s par l'infinitif apr�s le verbe aller renvoient aux intentions du sujet du verbe et que le locuteur essaie en outre de rendre cr�dible l'id�e que ces intentions vont �tre r�alis�es, on comprend que la s�quence aller + infinitif puisse s'employer par la suite pour exprimer l'id�e de futur. Cette transition peut s'observer dans des passages comme (7), o� aller + infinitif exprime selon Detges (1999 : 43) soit l'intention, soit le futur :
(7) Je lui voys mander un cartel (Rabelais, Pantagruel IV, 32, 1532, cit� par Gougenheim 1929 : 99 et Detges 1999 : 43)
L'interpr�tation finale de cet �nonc� d�pend de ce qu'on met � l'avant-plan : l'intention ou le futur ; on assiste donc de nouveau � un glissement m�tonymique. Le d�veloppement qui permettra finalement � aller + infinitif de n'exprimer que l'id�e de futur est accompagn� d'un mouvement de g�n�ralisation, lors duquel le verbe commence � �tre employ� avec des infinitifs d�signant des �v�nements qui ne d�pendent plus de l'intention du sujet. Cette �volution est illustr�e par les exemples suivants :
(8) Par deffaulte de patience, / Tu vas perdre ta conscience. (Moralit� de Charit�, 1532 - 1550, cit� par Gougenheim 1929 / 1971 : 98 et Detges 1999 : 42)
(9) La paix va refleurir, les beaux jours vont rena�tre. (Racine, Andromaque, II, 4, 1667, cit� par Littr� 1961/62 et Detges 1999 : 42).
La valeur future de aller + infinitif se distingue toujours de celle du futur simple, puisque l'indicatif pr�sent du verbe aller + infinitif rattache le proc�s d�sign� au pr�sent : le futur est appr�hend� � partir du pr�sent, � comme le d�veloppement naturel de l'actualit� � (Wilmet 1970 : 195). La motivation pragmatique d�crite par Detges reste donc pr�sente, m�me lorsque le sujet du verbe ne renvoie plus au locuteur. Ainsi Leeman-Bouix (1994 : 163) note que, m�me si le futur p�riphrastique ne correspond pas � un proc�s imm�diat, comme dans Max et L�a vont se marier, il pr�sente ce proc�s comme tel � pour en garantir la r�alisation �, � l'oppos� du futur simple.
L'article de Nicolle (1998) permet d'analyser aussi cette deuxi�me �tape de l'�volution de aller + infinitif en des termes emprunt�s � la th�orie de la pertinence. Nicolle note d'abord que si la grammaticalisation est d�finie comme un processus qui change un �l�ment lexical en un �l�ment grammatical, elle peut �tre d�finie dans le cadre de la th�orie de la pertinence comme une �volution qui change des termes exprimant des informations conceptuelles en des termes exprimant des informations proc�durales (voir Traugott et Dasher (2002 : 10, 40) pour des id�es comparables). En effet, dans la th�orie de la pertinence, l'information conceptuelle permet d'�laborer une repr�sentation de la sc�ne d�crite par l'�nonc�, alors que l'information proc�durale donne des instructions sur la fa�on dont il faut organiser et manipuler cette information conceptuelle ; le premier type d'information correspond donc (en gros) au sens lexical et le second au sens grammatical. Cette distinction permet � Nicolle (1998 : 10) d'expliquer pourquoi une expression qui (comme aller + infinitif) a d�velopp� un sens proc�dural en plus de son sens conceptuel, se transforme en marqueur grammatical. Lorsqu'un interlocuteur doit interpr�ter un �nonc� comportant une telle forme (comme aller + infinitif) dans un �nonc� (comme (7)), o� des �l�ments contextuels favorisent l'activation du nouveau sens proc�dural (dans le cas de aller + infinitif, le sens temporel), cette forme pourra recevoir deux interpr�tations, puisque son sens lexical - ou conceptuel - sera �galement activ�. Or le nouveau sens proc�dural apporte des informations sur la fa�on dont l'�nonc� doit �tre interpr�t� et contribue ainsi � r�duire l'effort de traitement - le sens temporel permet, en gros, de situer la situation d�not�e sur l'axe du temps. Si l'activation du sens proc�dural permet � l'interlocuteur de r�cup�rer suffisamment d'effets contextuels, le processus interpr�tatif s'arr�tera, conform�ment au principe de pertinence, et seul le sens proc�dural sera retenu - donc, en ce qui concerne aller + infinitif, le sens temporel. En effet, le traitement suppl�mentaire de l'information conceptuelle (uniquement celle exprim�e par la structure aller + infinitif dans notre cas) implique un effort suppl�mentaire qui ne sera pas r�compens� par des effets cognitifs suppl�mentaires (Nicolle 1998 : 10).
Les analyses qui viennent d'�tre pr�sent�es, gagneraient certainement � �tre pr�cis�es davantage et � �tre illustr�es par d'autres exemples. Il faudrait encore expliquer, entre autres,
Cela permettrait entre autres de d�crire de fa�on plus d�taill�e le r�le du contexte dans l'�volution de la s�quence aller + infinitif. Nous devrons aussi justifier de fa�on plus explicite pourquoi nous consid�rons que c'est l'ensemble de la s�quence et pas le verbe aller seul qui est grammaticalis� et qui exprime le futur p�riphrastique. Cette hypoth�se semble �tre �tay�e par le fait que la s�quence ne s'emploie qu'au pr�sent et � l'imparfait, ce qui n'est �videmment pas le cas pour le verbe aller seul. En outre, les inf�rences d�crites par Detges prennent comme point de d�part l'ensemble de la s�quence (y compris la personne grammaticale) et non le verbe aller seul.
Nous croyons toutefois que ces pr�cisions ne remettraient pas en cause l'intervention du principe de pertinence comme �l�ment d�clencheur du processus de grammaticalisation. On notera d'ailleurs � ce propos que le fait m�me que la s�quence aller + infinitif se transforme en marqueur de temps contribue � augmenter la pertinence de l'�nonc�, dans la mesure o� les informations proc�durales qu'elle exprime r�duisent le co�t de traitement.
Pr�cisons toutefois que, de toute �vidence, la th�orie de la pertinence ne suffit pas � elle seule pour d�crire les changements observ�s : ainsi que l'ont not� Ruiz de Mendoza Ib��ez et Hern�ndez (2003 : 29), la recherche de la pertinence optimale d�clenche les changements s�mantiques, elle explique pourquoi les interlocuteurs pr�f�rent certaines interpr�tations des �nonc�s produits � d'autres, mais elle n'explique pas, par exemple, pourquoi on passe de l'expression de la destination � celle de l'intention ; pour cela, on a besoin de repr�sentations cognitives comme les cadres d�crits par Detges (1999), leurs composantes et les relations (associatives et autres) qui existent entre ces composantes et qui rendent possibles les glissements m�tonymiques (voir �galement Koch 2004).
Enfin, il faut noter, avec Koch (2004), que la th�orie de la pertinence permet d'analyser la phase initiale du changement de sens, lors de laquelle les formes sont interpr�t�es d'une fa�on nouvelle, mais que l'�volution s�mantique n'est vraiment compl�te que si l'innovation s�mantique entre dans la langue, c'est-�-dire si elle fait partie du sens conventionnel des termes linguistiques. Or il n'est pas �vident de d�crire cette conventionnalisation dans le cadre de la th�orie de la pertinence, puisque celle-ci consid�re que toutes les implicatures sont li�es au contexte et qu'elle tend � rejeter pour cette raison l'id�e qu'il existe des implicatures conversationnelles g�n�ralis�es. Cependant, si le glissement m�tonymique que d�clenche la recherche de la pertinence optimale consiste � mettre le sens temporel au premier plan et � repousser le sens intentionnel � l'arri�re-plan, il ne serait pas surprenant que ce sens temporel plus saillant soit finalement associ� comme sens cod� � la s�quence aller + infinitif, plut�t que le sens intentionnel moins saillant. Il faut toutefois, pour que le nouveau sens soit associ� � la s�quence, que l'inf�rence du sens intentionnel au sens temporel se r�p�te fr�quemment (Traugott et Dasher 2002). Il ne faut donc pas oublier le r�le essentiel jou� par la fr�quence dans la conventionnalisation, m�me si le r�sultat final de l'�volution satisfait au principe de pertinence (en effet, lorsque l'information proc�durale temporelle est conventionnalis�e, elle est plus accessible � l'interlocuteur que si celui-ci doit l'identifier par des inf�rences). Cette observation soul�ve la question de savoir si la th�orie de la pertinence est compatible avec toutes les cons�quences d'une approche de la grammaticalisation bas�e sur la notion de fr�quence telle que d�crite, entre autres, par Bybee (2006). Partant, ce texte ne saurait �tre qu'un point de d�part pour des recherches futures, lors desquelles nous aimerions �galement reprendre les questions formul�es au d�but de ce paragraphe. A suivre, donc.