exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
ne peut �tre utilis� � des fins commerciales
ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Malgr� leur importance pour l'�tude des arts du langage et la linguistique du texte en g�n�ral, les rapports entre genre et style individuel demeurent peu �tudi�s, m�me dans des domaines aussi propices que la po�tique et la stylistique.
Les m�thodes de la linguistique de corpus assurent � pr�sent la mise en oeuvre empirique de cette probl�matique aux paliers du mot et de la phrase. Plus pr�cis�ment, comme elle refl�te la diversit� des usages oraux et �crits d'une langue historique, l'�tude des variations lexicales et morphosyntaxiques dues aux discours et aux genres1 permet d'appr�cier, par contraste, les r�gularit�s qui rel�vent en propre de l'individuel. La notion de style s'identifie alors � celle d'idiolecte, pour un empan qui va des unit�s lexicales aux ph�nom�nes transphrastiques. Au-del�, au palier du texte, les rapports entre genre et style int�ressent les conditions pos�es par les normes traditionnelles du discours sur la singularisation de l'expression individuelle. Qu'en est-il en s�mantique des textes ?
Cette �tude envisage le cas particulier du po�me en prose et analyse, sur la base de propositions m�thodologiques, les tendances de composition s�mantique qui caract�risent la pratique de ce genre chez G�rard Mac� (1946).
Genette souligne tr�s justement que toute identification et qualification d'un style (d'�poque, d'�cole ou individuel) � d�terminent un mod�le de comp�tence capable d'engendrer un nombre ind�fini de pages conformes � ce mod�le � (1991 : 136). Or cette conception du style para�t tout autant s'appliquer au genre, dans la mesure o� on y voit un � programme de prescriptions positives et n�gatives (et de licences) qui r�glent la production et l'interpr�tation d'un texte �2. � l'inverse, en revenant � la formulation de Genette, on serait tent� d'assigner cette derni�re d�finition � la notion de style individuel. Non seulement, en effet, un tel style participe des modes de production du texte mais il en oriente aussi la r�ception en rendant pr�gnants des unit�s linguistiques et des ph�nom�nes textuels qui autrement passeraient inaper�us. En ce sens, en de�� notamment de leur nature sociale/individuelle, genre et style ne se distinguent gu�re quant � leur statut de normes textuelles.
Pratiquement, la mise en �vidence des r�gularit�s qui les diff�rencient en corpus engage la description dans des t�ches d'in�gale ind�pendance. Alors que la caract�risation des genres n�cessite leur comparaison au sein d'un m�me champ g�n�rique, celle des styles pose en particulier le genre comme un principe de diff�renciation, et pr�suppose ainsi la connaissance des normes g�n�riques que met en jeu le corpus �tudi� (alors homog�ne de ce point de vue). Comme cette d�marche subordonne le social � l'individuel, elle ne se confond pas avec une � stylistique des genres � dont le statut hybride conduit � ne pas privil�gier les habitudes linguistiques de l'auteur3.
Envisag�e sous l'angle des composantes de la textualit�4, la distinction entre style et genre appara�t essentiellement graduelle (vs cat�gorielle) :
de la m�me fa�on que l'on peut d�finir un genre comme une interaction sociolectale entre composantes [du contenu et de l'expression], on peut d�finir un style comme une interaction idiolectale entre composantes. Cette interaction est d'un rang inf�rieur par rapport au genre, car elle int�resse des corpus moins �tendus, mais en revanche ses prescriptions sont plus syst�matiques et plus fortes (Rastier 2001 : 180)
Appuy�e � ce dispositif th�orique, la diff�renciation d'un style par les normes d'un genre se complique n�anmoins de divers cas de figure, qu'on doit � l'existence de fonctionnements g�n�riques multiples, dont certains mettent � l'�preuve l'analyse en composantes. C'est notamment le cas du po�me en prose. D'ordinaire d�finit selon des crit�res tr�s g�n�riques comme un � texte po�tique court, autonome et autot�lique �5, il appara�t d�nu� de prescriptions d'ordre th�matique, narratif ou �nonciatif, et ne d�finit donc pas d'interaction sociolectale au plan du contenu. Qu'une telle ind�termination soit possible donne � imaginer, � titre heuristique, diff�rentes fa�ons pour un style de s'affirmer sous le r�gime textuel des composantes s�mantiques. Dans cette perspective, les rapports entre genre et style rencontrent quatre cas de figure :
Interaction sociolectale d�finie
2. Interaction sociolectale ind�termin�e
Les cas 2a et 2b correspondent � l'ind�termination s�mantique que nous avons illustr�e avec le po�me en prose. � l'inverse, les cas 1a et 1b pr�supposent des prescriptions au plan du contenu, vis-�-vis desquelles s'appr�cient la singularit� d'un mode de production et d'un mode d'anticipation du sens textuel (pour une r�ception familiaris�e avec les textes ainsi mis en s�rie). � cet �gard, alors que 1b localise la diff�rence de degr� entre style et genre que signalent les propositions de Rastier, 2b r�aliserait lui un investissement stylistique � cat�goriel �. Les analyses suivantes illustrent ce dernier cas de figure sur un corpus po�tique r�duit.
L'oeuvre de G�rard Mac� est r�put�e se soustraire aux cat�gories g�n�riques classiques. Cette particularit� concerne non seulement sa po�sie mais aussi d'autres usages de l'�crit. Aussi la critique use-t-elle d'habitude de guillemets lorsqu'elle consid�re Ex Libris (1980) comme un � essai � m�lant imagination personnelle et documentation �rudite, ou encore Le dernier des �gyptiens (1988) comme une � biographie � qui explore la vie de Fran�ois Champollion sur un mode th�tique.
La sp�cificit� de la po�sie mac�enne r�sulterait de m�me d'un � m�lange de genres � (r�cit, po�sie, essai)6 ; d'un � 'brouillage' des genres � (entre prose et po�sie)7 ou encore de l'invention d'une � forme � propre (Asso 2001 : 28). � la diff�rence de cette communaut� de vues, une minorit� sugg�re pourtant d'assimiler cette po�sie au genre du po�me en prose8. La critique se pr�sente ainsi comme divis�e entre le refus et l'assomption d'un � genre � unique. Toutefois ces divergences sur la cat�gorisation des textes ne sont peut-�tre qu'apparentes.
Le po�me en prose t�moigne en effet d�s son origine (1750 - 1850) des sympt�mes rencontr�s par la critique mac�enne : (i) comme le signale l'�quivoque notoire de la locution po�me en prose, il est un lieu privil�gi� de la contestation des fronti�res entre po�sie et prose ; (ii) Nathalie Vincent-Munnia note par ailleurs que, dans la premi�re moiti� du XIX si�cle, � Le po�me en prose appara�t [...] comme un genre ind�finissable, ne pouvant �tre soumis � aucune caract�risation g�n�rale et d�finitive � (Vincent-Munnia 2003 : 562) ; (iii) en outre, Sandras a soin de relever des usages vari�s du genre qui � contraint d'admettre plusieurs mod�les du po�me en prose �, � savoir un mod�le narratif, un mod�le descriptif, un mod�le musical ou euphonique, un mod�le exp�rimental, enfin un mod�le � proche du carnet ou de l'essai �9 ; (iv) enfin, � l'origine � Les auteurs eux m�mes ne semblent pas pouvoir trouver une d�nomination g�n�rique ad�quate � leurs textes [...]. La m�me absence de classification g�n�rique nette marque le discours de la critique et de la r�ception contemporaine de ces textes.�10
Sur ce fond �clairci du d�bat, nous opposerons aux th�ses du m�lange et de l'exclusion des � genres � celle d'un genre unique attest�, en montrant que Mac� n'a pas trouv� une � forme � d�li�e de la notion de genre, mais diff�rentes mani�res de pratiquer le po�me en prose. On cherchera par l� � rendre compte des tendances de composition qui exploitent l'ind�termination s�mantique de ce genre.
Restreint � 25 textes, le corpus d'�tude couvre une p�riode post�rieure aux trois premiers recueils de Mac�, Le jardin des langues (1974), Les balcons de Babel (1977) et Bois dormant (1983)11, et ne retient pas les premi�res parties de La m�moire aime chasser dans le noir (1993) qui rel�vent pour l'essentiel de l'essai bref et de l'aphorisme. Il se compose ainsi de la troisi�me partie de ce dernier recueil, du recueil complet Le singe et le miroir (1998) ainsi que de trois po�mes d'abord publi�s s�par�ment, Pierrot, valet de la mort (1986), T�te-b�che (1987) et La for�t qui se met � marcher (1991)12.
Analogues au plan de l'expression, ces po�mes marqu�es par l'hypotaxe se particularisent tous par une pr�sentation en alin�as qui segmente le texte en autant de p�riodes (pour un exemplaire cf. infra 2). Ces aspects marquent l'unit� de facture des po�mes �tudi�s. Au plan du contenu, la m�taphore continu�e trame souvent la constitution du sens. Surtout, la plupart se laissent ramener � trois types d'interaction entre composantes. Nous choisissons de les nommer par commodit� vie, songe et m�diation pour indiquer la sp�cificit� th�matique, narrative et/ou �nonciative de diff�rentes � stylisations individuelles � ou appropriations s�mantiques du po�me en prose.
Onze textes exemplifient des � m�ditations � : La chambre interdite, Suite royale, H�pital de jour, La peur des miroirs, Au dieu du voyage, H�tel de l'univers, Orph�e qui se retourne, Le vent est � la prose, Le singe et le miroir, L'espoir est une �toile filante..., Le royaume des morts.
- Aspects narratifs et th�matiques. Leur mode de production rappelle la technique m�di�vale de l'integumentum ou reprise et int�gration rh�torique de mythes. Une large part des po�mes tire en effet sa mati�re narrative de figures mythiques ou de types litt�raires. Ainsi la figure connue de Gaspard Hauser se superpose au mythe de Narcisse dans La peur des miroirs ; le personnage d�crit dans Au dieu du voyage repr�sente Herm�s ; Orph�e revient sans Eurydice dans Orph�e qui se retourne ; Ulysse et les Sir�nes voisinent avec tout un bestiaire merveilleux dans Le vent est � la prose ; le d�but de Le singe et le miroir transfigure le mythe dogon des Jumeaux puis celui de l'Enfant sauvage n� au si�cle des Id�ologues, etc. Ces transpositions de l'imaginaire collectif dans l'univers mac�en servent de support � l'expression po�tique d'une � th�se � plus souvent illustr�e qu'explicit�e (infra).
D'une fa�on constante, chacune des m�ditations pr�sente un point de vue r�flexif portant sur un � Nous-m�mes �. Cette instance de la communication repr�sent�e est lexicalis�e par un Nous g�n�ralement inclusif que les textes sugg�rent d'identifier � la soci�t� occidentale moderne (entre la fin du XIXe et l'extr�me fin du XXe si�cle). Y invitent des termes, expressions, citations et allusions fonctionnant pour le lecteur � la mani�re de chronotopes tels que � cravate �, � Kantor �, � journal �, � n�on �, � nos lumi�res celles des vitrines �, � des oreilles absolument modernes et sourdes absolument �, etc. Les d�ictiques personnels et temporels des m�ditations sont g�n�ralement interpr�t�s ainsi, m�me s'il arrive aussi que le propos th�tique, en m�me temps qu'il contribue � l'assimilation de ce Nous � l'Occident moderne, pr�cise l'identit� du foyer �nonciatif. Par exemple dans Le vent est � la prose le th�me de la po�sie a pour corr�lat un Nous, exclusif, qui renvoie aux acteurs de la modernit� po�tique.
- Des po�mes th�tiques. Le royaume des morts et surtout La chambre interdite renvoient respectivement � d'autres textes de Mac� qualifiables d'essai (bref et long) et d'aphorisme : le sixi�me paragraphe de Le royaume des morts �voque Le go�t de l'homme13 ; La chambre interdite est un centon tout entier compos� de passages de la premi�re partie de La m�moire aime chasser dans le noir. Cette intertextualit� du po�me en prose avec les genres pragmatiques cit�s est symptomatique du caract�re th�tique des m�ditations, au sens o� elles impliquent la prise en charge �nonciative d'un propos objet d'un jugement �valuatif.
Le propos peut �tre explicite comme dans Suite royale (� Les rois ne sont plus rois de droit divin, ils sont les servants de nos d�sirs �), ou indiqu� comme dans Le dieu du voyage (� nous ne voyagerons plus gr�ce � Virgile dans l'enfer d'une autre vie �) ou dans La chambre interdite, un po�me qui reprend le topos du r�alisme mensonger de la photographie. Mais le plus souvent l'interpr�tation n'acc�de pas imm�diatement au propos : La peur des miroirs et H�pital de jour disent la laideur de l'�criture et du monde via la Beaut� personnifi�e14 ; Le vent est � la prose vise le modernisme en po�sie ; Le singe et le miroir regrette la parole perdue des origines, etc.
La modalisation �valuative est ici constante. De fait, si La peur des miroirs donne � re-parcourir les traits caract�ristiques de Gaspard Hauser, c'est autant pour exploiter leur valeur symbolique qu'avec l'intention d'�tablir la comparaison finale, d�pr�ciative : � c'est nous-m�mes � (164). Plus exactement, les jugements port�s reposent sur des proc�d�s m�taphoriques bien plus que sur une argumentation articul�e (en particulier par car et mais). Enfin, assum�es par un Je implicite, les �valuations n�gatives sont dirig�es vers l'acteur collectif Nous-m�mes et une situation historique - la N�tre.
- Po�mes en prose � essayistes �. L'ensemble de ces particularit�s signale la fonction pol�mique de ce foyer �nonciatif. Du point de vue des actes de langage, un tel dispositif textuel peut susciter l'identification du lecteur r�el au foyer interpr�tatif (�galement implicite au sein de la communication repr�sent�e). Plus pr�cis�ment, par leur modalisation n�gative d'un propos d�fini, ces textes semblent dessiner en creux la place d'un �nonciataire critique qui, en d'autres situations de discours, pourrait aller jusqu'� engager la controverse (parodie, lettre ouverte, etc.). Malgr� tout une telle ouverture pragmatique demeure ici virtuelle, � la diff�rence de l'essai, par exemple, dont le r�gime communicationnel appelle la r�alisation d'une r�ception active (maintenue priv�e ou rendue publique). Le type de la m�ditation op�re n�anmoins en de�� et leur dimension th�tique, source de leur coloration � essayiste �, oblige au fond � retenir une conception affaiblie de l'autot�lisme invoqu� comme crit�re de d�finition du po�me en prose.
Rel�vent du songe mac�en Un ange passe..., La m�moire aime chasser dans le noir, Sommeil levant je me r�veille... ainsi que Au-del� commence la banlieue... Au plan th�matique, ces textes ont en commun d'actualiser le champ lexical de la parent� et d'�tre domin�s par une tonalit� fun�bre. Leur disposition lin�aire est domin�e par l'�num�ration. On se concentrera ici sur d'autres aspects de la textualit�.
- Perception et souvenir. Du Bellay et Ronsard ont illustr� le Songe d'une fa�on qui renvoie directement au Canzone dei visioni15. Au d�but du songe VIII de Du Bellay
Je vis un fier Torrent, dont les flots escumeux
Rongeoient les fondements d'une vieille ruine :
Je le vy tout couvert d'une obscure bruine,
Qui s'eslevoit par l'air en tourbillons fumeux16
la construction Je + VOIR explicite un trait identificatoire de la vision, autre nom du songe17. Chez Mac� celui-ci manifeste de m�me une corr�lation privil�gi�e entre la modalit� de la perception et le foyer �nonciatif repr�sent� par Je. Ce proc�d� est utilis� sous cette forme dans Un ange passe... mais aussi selon la modalit� auditive (� j'entends un bruit de vaisselle qui brise le r�ve �) :
Un ange passe, et pendant que les conversations se taisent autour de la table, il revient accompagn� de son jumeau, les ailes coll�es par la poussi�re et la sueur. Mais personne ne saurait dire aujourd'hui lequel des deux a lev� lentement sa main bagu�e pour nous adresser un signe plein de gr�ce et de vulgarit� � la fois, un signe annonciateur et louche.
Je revois le visage des jumeaux dans l'embrasure de la porte (celui qui tire la nappe en effa�ant nos souvenirs, et celui qui transmet la tradition comme un mot de passe), chaque fois qu'en cherchant le sommeil j'arrange des mariages o� sont invit�s les morts : des gar�ons d'honneur aux souliers vernis, les vieillards en chemises sans col, l'a�eule coiff�e de noir depuis qu'elle a faut�.
Je revois � l'oncle matinal �, les cousins pr�s de leur sous et ceux qui n'ont pas pu avoir d'enfants, je revois Roger d'Orl�ans et Melaine de la Courberie anoblis par l'usage familial, et par le temps qui leur a fait l'aum�ne d'une particule. Puis vers la fin du banquet, � l'instant o� les fian�ailles vont devenir des noces d'or, et l'a�eule une infante, j'entends un bruit de vaisselle qui brise le r�ve : � la place des deux anges qui n'ont laiss� aucun message, et qui n'appara�tront plus ensemble sur la terre, je ne vois que des plumes comme apr�s un combat de coqs, et la volaille qu'on engraisse pour le prochain mariage.
Enfin le photographe avec ses airs de faux proph�te, et sa lanterne allum�e en plein midi pour nous annoncer la nouvelle de notre mort.
Surtout, la lexicalisation � revois � se rapporte � un �v�nement pass�. C'est l'indice d'une diff�rence majeure par rapport au songe traditionnel. C'est en effet la triple corr�lation de la fonction du Souvenir (vs Imagination), de la modalit� perceptive et du Je qui identifie le songe mac�en. Chez l'auteur de La m�moire aime chasser dans le noir le songe est ainsi davantage acte de rem�moration qu'acte d'imagination productive ; cette pr�sence de l'activit� mn�sique faisant directement �cho au th�me de la M�moire, central dans cette oeuvre.
- Mode du r�cit et impression r�f�rentielle. Le songe se caract�rise par une impression r�f�rentielle de type onirique, qui peut �tre produite au moyen d'antilogies. Par exemple, dans � � l'instant o� les fian�ailles vont devenir des noces d'or, et l'a�eule une infante �, d'une part le contexte transformatif (� devenir �) accueille paradoxalement un �tat /ant�rieur/ (� infante �) en position r�sultative. D'autre part, � � l'instant o� � vient rendre saillant le trait /imminence/ dans � les fian�ailles vont devenir des noces d'or �, impliquant ainsi une transformation ponctuelle alors m�me que la relation qui lie � fian�ailles � � � noces d'or � est durative.
Relevant de cette rationalit� onirique (i.e. ni causale ni finalis�e), le r�cit fragmentaire qu'implique le songe mac�en n'appelle pas � restituer les moments manquants d'une intrigue �nigmatique. Par exemple, dans Un ange passe... le retour de l'Ange est marqu� par une transformation (ses ailes sont � coll�es par la poussi�re et la sueur �) qui demeure sans origine. Certes l'intelligence narrative peut tenter d'expliquer certaines ellipses suppos�es. Aussi n'appara�t-il pas d�raisonnable d'imaginer ici une lutte en lien avec les fonctions antith�tiques de ces Anges de la m�moire (� celui qui tire la nappe en effa�ant nos souvenirs, et celui qui transmet la tradition comme un mot de passe �). Mais g�n�ralement la succession des d'actions (� revient �, � puis vers la fin �) s'�mancipe du r�cit canonique (cl�ture, sym�trie et causalit�) et aucune organisation narrative globale ne peut �tre constitu�e.
Pr�sente dans l'oeuvre de Mac�, en particulier dans les � essai-fictions � des Vies ant�rieures, on retrouve la vie dans les po�mes Parade nuptiale, Femmes sans t�te, T�te-b�che, La for�t qui se met � marcher et Entre le th��tre et les bois... Certains textes � la premi�re personne (Op�r� de quelque grosseur... ; De la partie ferm�e du th��tre... ; La le�on d'anatomie), de facture autobiographique, se rapprochent naturellement de ces r�cits de vie, mais sans en relever strictement.
- Les vies et les songes. Ils contrastent � divers �gards. Les premi�res appliquent la modalit� ontique du /r�el/ aux acteurs du r�cit, alors que le mode mim�tique des seconds se traduit par une saturation du texte par l'irr�el. De plus, on n'y observe pas d'interactions entre le narrateur et les acteurs, � la diff�rence des songes (notion de narrateur-personnage). Enfin, � la narration homodi�g�tique du songe s'oppose la narration h�t�rodi�g�tique de la vie centr�e sur des �v�nements pass�s et actuels d'au moins un acteur humain.
- L'espace profond du souvenir. Cet acteur, qui appartient � la classe des D�funts, est toujours identifi� (les Parents dans Parade Nuptiale, le Nourrisson dans Femmes sans t�te) et parfois d�sign� par un nom propre (ex. Arthur Meslin et Gervaise Vidor dans La for�t qui se met � marcher, Saturnin dans T�te-b�che). La structure r�currente qui le caract�rise corr�le un IL � une modalit� sp�cifi�e par ce que nous avons appel� la fonction du Souvenir ; comme si la m�moire propre des personnages �tait donn�e responsable du r�cit (par ex. dans Femmes sans t�te � C'est dans une quinte de toux qu'il retrouve une impression d'enfance �). Il est clair toutefois que l'acc�s � l'histoire individuelle des personnages se fait par la m�diation du foyer �nonciatif (Je). De sorte que lui-m�me conna�t une actualisation de la fonction du Souvenir, qui le c�de parfois � l'Imagination18. Une sp�cificit� remarquable des vies r�side dans cette inclusion des fonctions du Souvenir : Je se souvient d'un Il qui se souvient de son pass�.
- Th�matique vitale et tonalit� fun�bre. Ce qui unit par ailleurs tous ces po�mes est une th�matique du cycle vital. On note au hasard les chronotopes � dans le ventre de sa m�re �, � nourrisson �, � enfance �, � en tremblant comme une feuille � (vieillesse), � son fant�me � (r�surrection). Mais le parcours du cycle n'a rien de lin�aire et de duratif. Par ailleurs, la narration de ces vies anecdotiques porte sur des gens de petite condition (ex. le bleu de travail et le tablier) � l'image de la M�re de Parade nuptiale, cette � h�ro�ne d'une vie br�ve qui s'�croula un soir sur le seuil de sa maison �. Ce passage marqu� par l'aspect /perfectif/ (� br�ve �, � s'�croula �, � soir �, � seuil �) exemplifie enfin le ton de ces vies hant�es par le deuil : en qualifiant globalement le th�me de la vie, l'aspect /perfectif/ contribue ainsi � produire la coloration fun�bre qui domine les po�mes.
Sur la base d'�quivalences s�mantiques globales, nous avons tent� de rapprocher des textes identifi�s par une facture typographique et syntaxique analogue et appartenant � un m�me genre. Leur description a permis de mettre en �vidence des caract�ristiques communes (th�matiques, �nonciatives et/ou narratives) qui, pour la majorit� des vingt cinq textes examin�s, constituent des sortes de sous-ensembles et l�gitiment de fait des formes textuelles stables propres � G�rard Mac�. Ainsi, alors que le songe s'oppose � en interne � � la vie comme � la m�ditation, il para�t m�me se singulariser par rapport � sa tradition po�tique (Du Bellay, Ronsard).
Ces formes, qui n'ont le statut de type textuel qu'au sein de cette po�sie, se d�finissent par des interactions sp�cifiques entre composantes. Ce sont elles qui, dans le cadre d'un genre d�nu� de prescriptions au plan du contenu, fondent l'existence de variations stylistiques. La m�ditation est de loin le type le plus exemplifi� (onze po�mes), viennent ensuite la vie (cinq exemplaires) et le songe (quatre exemplaires). Les cat�gorisations hybrides de la critique mac�enne se pr�cisent alors : de m�me que la dimension th�tique des m�diations rapproche ces po�mes de l'essai, de m�me la dimension narrative du songe et de la vie conduit naturellement � employer l'�tiquette � r�cit �. � vrai dire, ces formes t�moignent ensemble d'une pratique plurielle (i.e. ni uniforme ni disparate) du po�me en prose, cette pluralit� de mani�res d�clinant un style de composition qui se positionne entre la contingence de la cr�ation po�tique et l'emploi de proc�d�s syst�matiques.
Exploitant les cat�gories rh�toriques du portrait ou du tableau, cinq textes sont toutefois r�tifs aux regroupements effectu�s. � l'exception de Pierrot valet de la mort, ils appartiennent au dernier recueil de Mac�, Le singe et le miroir. Certes Le roman des jumeaux et Le porteur de lanterne, o� un Je confie son pass� et m�dite sur l'origine, tiennent un peu de la vie et de la m�ditation. De m�me Assis sous un auvent..., Pierrot valet de la mort et � l'int�rieur du navire... mettent en sc�ne un acteur unique (l'�migrant, le Souffleur, le Capitaine, respectivement) qu'un sort dramatique rapproche des vies. Mais ces po�mes ne sont pas en toute rigueur assimilables aux formes textuelles d�gag�es. Ce genre de difficult� appelle � prolonger l'�tude et la recherche en compl�tant la diff�renciation du style par le genre au moyen d'autres formes de caract�risation s�mantique des particularit�s individuelles.
Nous avons fait ailleurs des propositions en ce sens qui s'appliquent aux fa�ons r�guli�res de constituer le sens au sein d'un corpus attribu� � un �nonciateur unique. En effet, une oeuvre peut se singulariser � diff�rents paliers et donc se caract�riser sous diff�rents angles : 1/ le palier du texte situe les interactions idiolectales entre composantes ; 2 / celui de la p�riode int�resse des structurations remarquables entre signifi�s, envisag�s dans leur lin�arit� (rythmes s�mantiques, etc.) ; 3/ au palier du mot l'oeuvre constitue les significations propres � l'auteur ; 4/ enfin, � ces diff�rents paliers, la constitution du sens peut �pouser un m�me sch�me. Ainsi chez Mac� un contraste fort unifie les paliers du mot (ex. cercueil de verre), de la p�riode (ex. un rat qui voulait devenir une �toile) et du texte (figure mac�enne des Jumeaux antagonistes ; opposition th�matique entre culture savante et culture populaire, etc.).
Au-del�, l'analyse s�mantique sert une caract�risation textuelle qui doit rendre compte de l'interaction entre le plan de l'expression et celui du contenu. Cela int�resse en particulier les trois recueils qui pr�c�dent Bois dormant (Le jardin des langues, Les balcons de Babel et Bois dormant). Mac� y voit une trilogie dont le mode d'�criture n'est pas sans �voquer les productions dites automatiques des Surr�alistes. � la diff�rence des recueils suivants, ils soumettent la lecture � un tempo soutenu par la suppression des points, des virgules et l'usage de l'�num�ration, notamment. Cette diff�rence de facture soul�ve le probl�me des lign�es stylistiques qui alternent dans la chronologie des parutions et dont la reconnaissance repose sur des indices de p�riodisation (typographiques, phoniques et morphosyntaxiques). Dans le cas pr�sent, il s'agirait d'�tablir si la trilogie rel�ve d'une lign�e unifi�e (pour une suite de textes, correspondance d'une m�me facture et d'un m�me style s�mantique) ou non (un style s�mantique commun a des factures distinctes).
R�pondre � cette alternative permettrait d'appr�cier l'�volution d'un style en terme de continuit�/discontinuit�. Il reviendrait � une linguistique des styles unifi�e aux deux plans du texte d'investir ce domaine de la variation stylistique.