exploitable et diffusable pour la communaut� scientifique
ne peut �tre utilis� � des fins commerciales
ANNODIS
projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM
objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Les situations p�dagogiques lors desquelles tout ou partie de la communication s'effectue � travers le r�seau Internet sont de plus en plus r�pandues, qu'il s'agisse de formation d'enseignants � distance (par exemple, les master FLE en ligne de Grenoble ou du Mans), d'�changes exolingues en ligne (Degache & Mangenot, 2007) ou encore de travail collectif en compl�ment d'une formation en pr�sentiel (dispositifs dits � hybrides �, cf. Charlier, Deschryver, Peraya, 2006). La didactique du fran�ais, qu'il s'agisse du FLM ou du FLE, n'est �videmment pas la seule � s'int�resser � ces nouvelles formes de communication p�dagogique : les sciences de l'�ducation, les sciences de l'information et de la communication (SIC), l'informatique (avec le sous domaine des Environnements interactifs pour l'apprentissage humain), voire la psychologie des apprentissages �tudient �galement, sous des angles et avec des paradigmes de recherche divers, ces situations d'apprentissage instrument�. Les sciences du langage et la didactique (du FLE, du FLM, des langues) poss�dent cependant plusieurs atouts : elles analysent depuis longtemps les interactions en classe ; elles s'int�ressent �galement aux interactions exolingues (Matthey, 2003) ; elles participent enfin, en concurrence - ou en interdisciplinarit� - avec les SIC, au champ d'�tude de la communication m�diatis�e par ordinateur (CMO), dont Jacques Anis (1998) est le pionnier en France. Ces pr�c�dents lui donnent, on le verra, un regard sp�cifique sur ce domaine. Mais on examinera tout d'abord, de mani�re plus g�n�rale, l'int�r�t de prendre la communication p�dagogique m�diatis�e par ordinateur (CPMO) pour objet d'�tude, puis quelques questions de recherche �mergentes.
L'int�r�t pour la CPMO se fonde sur un pr�suppos� fort, celui qui pose que le v�ritable apport d'Internet � la formation tient plus � sa dimension horizontale (�changes, mutualisation, r�seaux sociaux, communaut�s de pratiques, etc.) qu'� sa dimension verticale transmissive (de loin la plus r�pandue, comme le constatent Albero et Thibault, 2004). On abordera ici quatre dimensions de la CPMO qui ne s'excluent pas les unes les autres : la contribution qu'elle peut apporter � la conception de dispositifs innovants, le lien social qu'elle permet d'assurer dans le cas des formations tout � distance, la mise en relation de locuteurs de langues diff�rentes et la r�flexivit� que permet l'�crit asynchrone partag�.
La Formation ouverte et � distance (FOAD) peut �tre consid�r�e comme un secteur en voie de structuration scientifique (surtout en sciences de l'�ducation), parall�lement � son implication pratique dans le champ de la formation professionnelle. Les notions de � dispositif �, d'� approche dispositive �, d'accompagnement p�dagogique, d'autonomie et d'autoformation sont au coeur des investigations men�es par les chercheurs de ce champ.
En langues, de plus en plus de dispositifs hybrides sont propos�s aux �tudiants non sp�cialistes (Degache & Nissen, 2007) et peuvent donc faire l'objet d'�tudes empiriques. Charlier, Deschryver & Peraya (2006) d�finissent ainsi l'hybridation : � des dispositifs articulant � des degr�s divers des phases de formation en pr�sentiel et des phases de formation � distance, soutenues par un environnement technologique comme une plate-forme de formation � ; ils soulignent par ailleurs le caract�re innovant de tels dispositifs. L'innovation peut se jouer � diff�rents niveaux :
Dans le cas de formations enti�rement � distance, comme c'est le cas de plusieurs masters de FLE (Grenoble, Rouen, Le Mans), Internet permet d'une part de cr�er un lien plus interactif entre les enseignants et les �tudiants, d'autre part et surtout d'�tablir un lien social entre les �tudiants. On s'est assez rapidement rendu compte, � la fin des ann�es 1990, que la faible participation des �tudiants aux premiers forums qui accompagnaient les formations provenait plus d'un tutorat insuffisant et d'un manque d'objectifs fix�s � ces forums que d'une r�ticence � �changer via Internet. D�s que des t�ches collectives tirant parti de l'outil ont �t� propos�es, la participation s'est fortement accrue et, � c�t� d'�changes de nature socio-cognitive, on a commenc� � observer des ph�nom�nes d'ordre socio-affectif et l'�tablissement d'un lien social (Develotte & Mangenot, 2004). Engag� depuis 1999 dans la migration vers Internet d'un master de FLE auparavant d�livr� par correspondance sous forme traditionnelle, Mangenot (2002, 2003) a pu analyser les �changes �crits asynchrones qui se faisaient jour dans ce cadre et notamment mettre en relation les t�ches propos�es avec la nature des �changes entre pairs et avec le tuteur.
S'il est un domaine o� les �changes en ligne ont tendance � se multiplier, c'est bien celui de l'apprentissage des langues. La tradition du � pen friend � existait depuis longtemps, mais Internet a permis de revivifier ce genre de pratiques. S'il est toujours possible de faire communiquer des apprenants en mode un � un, avec les Tandems par Internet, de nombreux projets amenant des groupes � �changer en ligne de mani�re institutionnelle se sont d�velopp�s ces derni�res ann�es : centr�s parfois sur l'intercompr�hension � l'int�rieur d'une famille de langues (Galanet), souvent sur la pratique � parit� de deux langues, visant presque toujours un �change au plan culturel, impliquant dans certains cas de futurs enseignants de langue, ces projets sont d'une grande diversit� et on se contentera ici de renvoyer � deux recueils consacr�s � cette question : Online Intercultural Exchange (O'Dowd, 2007) et Lidil 36, �changes exolingues via Internet et appropriation des langues-cultures (Degache & Mangenot, 2007). Plusieurs th�ses, qui ont obtenu la qualification en sciences du langage, ont d�j� �t� soutenues sur ce sujet.
Dans le prolongement de l'approche anthropologique de Goody, L�vy (1990) a qualifi� les TIC de � technologies intellectuelles �. Plus concr�tement, des chercheurs anglais en sciences cognitives, Sharples & Pemberton (1990), ont relev� les divers modes d'ext�riorisation de la cognition li�s aux diff�rents artefacts, du post-it aux assistants logiciels � l'�criture. Dans cette m�me optique, Lamy & Goodfellow (1998) parlent de � conversations r�flexives [...] par conf�rence asynchrone � et Mangenot (2004) souligne deux caract�ristiques particuli�rement int�ressantes [des forums] : la souplesse chronologique qu'autorise le temps diff�r� et la permanence de l'�crit qui fait du forum l'�quivalent d'un texte en perp�tuelle voie d'enrichissement. Cette permanence, li�e � l'accessibilit�, permet de parler � la fois d'ext�riorisation et de partage de la cognition.
C'est dans cet esprit qu'il est de plus en plus fr�quent d'accompagner les stages professionnels ou l'entr�e en fonction des futurs enseignants (ou enseignants d�butants) par des forums ou des blogs ayant pour objectifs :
Outre la formation d'enseignants, le r�seau permet de mener des projets d'�criture avec des �l�ves de l'�cole primaire ou du coll�ge ; dans ce cas, l'outil sert avant tout � valoriser et socialiser les �crits, dans le m�me esprit que ce qui se pratique dans les Ateliers d'�criture. Il ne semble pas encore y avoir beaucoup de recherches s'int�ressant � ce dernier cas de figure.
Ayant ainsi un peu mieux caract�ris� notre objet, les �changes en ligne, nous allons maintenant passer en revue quelques questions de recherche.
La formation � distance constituait d�j� un objet de recherche avant l'�mergence du r�seau Internet. Mais l'instrumentation de la communication a rendu plus n�cessaires les approches pluridisciplinaires. L'on peut ainsi distinguer des questions de recherche pr�existantes au r�seau Internet de celles qui abordent plus sp�cifiquement les situations p�dagogiques collectives instrument�es. Pr�cisons que cette partie ne pr�tend pas � l'exhaustivit�.
On ne fera qu'�voquer d'une part la th�orie de la distance transactionnelle, de M.G. Moore (bien d�crite et op�rationnalis�e par J�z�gou, 2007), et celle de l'industrialisation de la formation (Moeglin, 1998), ancr�e pour l'une en sciences de l'�ducation, pour l'autre en SIC. Ces deux th�ories ont le m�rite de resituer la formation � distance dans un contexte institutionnel et sociopolitique plus large que les questions de CPMO, mais elles n'offrent que peu d'accroche pour le chercheur en didactique des langues.
A l'inverse, deux courants importants de la didactique des langues analysent les �changes en ligne. Ainsi, les acquisitionnistes anglo-saxons (Second Language Acquisiton Research) ont-ils conduit de nombreuses �tudes autour de questions li�es aux sp�cificit�s des situations de CPMO par rapport aux situations pr�sentielles. Trois questions ressortent fr�quemment, que nous ne ferons qu'�voquer en renvoyant � une r�f�rence, celle de la prise de parole plus ais�e et mieux r�partie (Kern, 1995 ; Fitze, 2006), celle des variations entre langue orale, langue �crite et langue de la CMO (Kern, 1995), celle de la richesse lexicale (Fitze, 2006), celle de la n�gociation du sens (Vandergriff, 2006).
De m�me, la question de l'acquisition d'une comp�tence interculturelle a-t-elle fait l'objet de plusieurs recherches r�centes portant sur les �changes en ligne. Aux Etats-Unis, un courant est m�me apparu, avec la publication d'un ouvrage �ponyme, l'Internet-mediated Intercultural Foreign Language Education (Belz & Thorne, 2006). Les auteurs de cet ouvrage se penchent souvent sur des �pisodes de communication manqu�e (� missed communication �) et tentent de mod�liser les conditions d'un dialogue interculturel efficace. Dans le m�me esprit, Mangenot & Tanaka (2007), s'appuyant sur la notion d'ethos communicatif, montrent comment certains malentendus potentiels entre �tudiants japonais et fran�ais peuvent �tre d�samorc�s - voire explicit�s - par les coordonnateurs de l'�change.
Les trois principales questions de recherche nouvelles suscit�es par les �changes collectifs en ligne sont l'effet des outils de communication, le tutorat en ligne et les formes de travail collectif.
L'artefact technologique, on l'a d�j� �voqu� en citant Goody, n'est �videmment pas neutre par rapport aux pratiques langagi�res. Il est alors pertinent d'essayer de mod�liser l'interrelation (�galement appel�e � affordance �) entre les caract�ristiques technologiques, les interactions verbales et les t�ches r�alis�es par les apprenants, comme le font Lamy & Hampel (2007, p. 33) dans un tableau o� ces trois param�tres sont repr�sent�s sous forme de cercles entrecrois�s. Cette approche est forc�ment pluridisciplinaire : les sciences du langage apportent leur connaissance des interactions verbales, l'informatique et l'ergonomie leurs analyses de la technologie, les SIC l'analyse des usages, les sciences de l'�ducation ou la didactique des langues les typologies de t�ches et d'objectifs. A noter l'int�ressante notion de � culture-of-use �, d�velopp�e par Thorne (2006, p. 21), qui souligne que les outils de communication, en tant qu'artefacts culturels, prennent diff�rentes significations et font l'objet d'usages diff�rents (notamment en termes de genre) selon les communaut�s qui les utilisent ; cet auteur cite des exemples de communication rat�e du fait de l'utilisation d'un outil (le courriel) ressenti par les �tudiants am�ricains comme inadapt� aux �changes entre pairs.
Le tutorat en ligne, pour sa part, s'il partage quelques caract�ristiques avec d'autres formes d'accompagnement en face � face, pr�sente n�anmoins de fortes sp�cificit�s, notamment sur le plan temporel et sur celui du mode principal d'expression, la langue �crite. De nombreux travaux analysent ainsi le discours tutoral, que ce soit pour y rep�rer les diff�rentes fonctions qu'il remplit (Denis, 2003), pour analyser la mani�re dont chacun s'efforce de cr�er un lien social (Develotte & Mangenot, 2004), ou encore, de mani�re plus prax�ologique, pour d�terminer quel impact sur l'apprentissage ont diff�rentes modalit�s d'intervention tutorale (Quintin, 2007).
L'�tude des apprentissages collectifs en r�seau, enfin, est l'objet de tout un champ de recherche tr�s d�velopp� dans le monde anglo-saxon, le Computer-supported Collaborative Learning (CSCL). Contentons-nous ici de signaler que Dejean-Thircuir & Mangenot (2006) critiquent l'omnipr�sence, au plan de la recherche, de la question de la collaboration (tr�s exigeante pour les �tudiants comme pour les tuteurs), au d�triment de l'analyse d'autres formes d'apprentissage collectif comme la mutualisation ou la discussion.
Il y a une douzaine d'ann�es, des chercheurs en technologies �ducatives relevant du champ du CSCL (cf. supra) avaient sugg�r� d'aborder les apprentissages collectifs m�diatis�s � partir d'une analyse qualitative des interactions verbales :
A promising possibility for collaborative learning research therefore is to exploit selective branches of linguistics research on models of conversation, discourse or dialogue to provide a more principled theoretical framework for analysis. [Dillenbourg et al., 1996, p. 203]
Leur hypoth�se �tait que l'analyse des interactions pouvait permettre de caract�riser les situations lors desquelles la collaboration se r�v�lait efficace, plus s�rement qu'une approche exp�rimentale cherchant � contr�ler le maximum de variables et � �tablir des rapports de cause � effet entre d'autres variables d�finies a priori. Cependant, la grande majorit� des �tudes qui ont emprunt� cette voie (par exemple, Quintin, 2007) se sont appuy�es sur l'analyse de contenu quantitative (ACQ), m�thodologie impliquant � deux op�rations fondamentales, la pr�cat�gorisation th�matique des donn�es textuelles, et leur traitement quantitatif, g�n�ralement informatis� � (Charaudeau & Maingueneau (2002, p.39) ; on notera que ces auteurs opposent cette m�thodologie � l'analyse du discours. De Wever et al. (2006) se livrent � une revue critique de quinze recherches consacr�es � l'�tude des forums p�dagogiques et utilisant la m�thodologie de l'ACQ ; en r�action � cette �tude, Mangenot (2007) remarque que la plupart des cadres th�oriques pass�s en revue rel�vent de la dimension cognitive ou socio-cognitive et �met l'hypoth�se que l'ACQ se pr�te moins bien que des approches plus linguistiques � l'examen de ph�nom�nes complexes li�s � la dimension socio-affective ou au contexte socio-culturel, dans la mesure o� elle se contente de coder et compter des �nonc�s au lieu de les analyser de mani�re plus fine.
L'on peut ainsi avancer que l'apport des sciences du langage se situerait plut�t du c�t� du qualitatif et de d�marches ethnom�thodologiques, l'id�e �tant d'observer, de d�crire et de chercher � comprendre les logiques (les � m�thodes �) des acteurs, �ventuellement de parvenir � certaines mod�lisations, plut�t qu'� essayer de prouver l'efficacit� de telle ou telle situation de collaboration � distance. Par manque d'espace, on se contentera ici de trois rapides illustrations, qui ne pr�tendent pas �puiser l'apport des sciences du langage � l'analyse des interactions en ligne.
L'approche � interactionniste cognitiviste � en didactique des langues, telle que propos�e par Matthey (2003), peut assez ais�ment �tre reprise, plus ou moins fid�lement, pour l'analyse des interactions en ligne (Lamy & Goodfellow, 1998), notamment dans le cas d'�changes plurilingues (Degache & Tea, 2003). Rappelons que Matthey d�veloppe � une th�orie de l'acquisition des langues secondes bas�e sur l'analyse d'interactions concr�tes et dans lesquelles on cherche � observer des transmissions et des constructions de savoirs. � (p.136).
Anis (1998) a sans doute �t� le premier linguiste fran�ais � appliquer � des �changes �lectroniques, en l'occurrence des conversations par Minitel, un certain nombre de notions apport�es par l'analyse conversationnelle ; il compl�tait cet apport par une approche s�miolinguistique, portant une grande attention aux nouveaux � usages grapho-linguistiques �. Dans le domaine �ducatif, il est tout � fait possible de s'appuyer sur une telle approche, pour observer par exemple la mani�re dont se structurent les interactions (Celik, 2007), dont se positionnent et se mettent en sc�ne les acteurs les uns par rapport aux autres (Blandin, 2004), dont se jouent les questions de faces (Mangenot, 2004), notamment en situation interculturelle.
Concernant l'analyse du discours, celle-ci peut �tre appel�e � la rescousse pour caract�riser les marques �nonciatives permettant de rep�rer l'�tablissement d'une communaut� d'apprentissage ou plus largement les marques caract�risant le lien socio-affectif (Develotte & Mangenot, 2004) ; ou encore pour relever une source possible de malentendu dans les �changes interculturels li�e � la question des genres de discours en ligne (Ware & Kramsch, 2005, Thorne, 2006). Elle est �galement bien outill�e pour rep�rer les ethos communicatifs (Kerbrat-Orecchioni, 2005) selon l'appartenance culturelle, voire la � dimension idioculturelle des micro-communaut�s d'apprentissage en ligne � (Dolci & Spinelli (2007).