R�flexions sur l'ordre des mots en fran�ais (les constituants majeurs de l'�nonc�) ILF ILF r�cup�ration du fichier au format texte Nikola Tulechki cr�ation du header Mai Ho-Dac pretraitement et balisage du texte selon la TEI P5 Nikola Tulechki 10/09/2009 CLLE-ERSS
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Claude Muller R�flexions sur l'ordre des mots en fran�ais (les constituants majeurs de l'�nonc�) ILF http://www.linguistiquefrancaise.org/content/view/217/282/lang,fr/

ANNODIS

projet financ� par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirig� par Maire-Paule P�ry-Woodley, universit� de Toulouse - UTM

objectif : cr�ation d'un corpus de fran�ais �crit annot� discursivement

encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5

http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc

cmlf article scientifique linguistique syntaxe
french
R�flexions sur l'ordre des mots en fran�ais (les constituants majeurs de l'�nonc�) Claude Muller Claude.Muller@u-bordeaux3.fr
Introduction

On fera ici le point sur une des questions majeures de la syntaxe du fran�ais : la disposition des constituants les uns par rapport aux autres. On s'int�ressera seulement aux constituants majeurs de l'�nonc�, en laissant de c�t� l'analyse interne des syntagmes, notamment des syntagmes nominaux.

L'�tude de l'ordre des mots est un des domaines majeurs de la syntaxe. Longtemps domin� par des consid�rations id�ologiques sur le rapport avec un "ordre de la pens�e" d�crit comme universel, l'ordre des mots du fran�ais a fait l'objet d'une investigation syst�matique � l'�poque moderne. Un travail pionnier qui reste une source d'inspiration pour la richesse de ses donn�es est le livre de Blinkenberg (1928). Parmi les grammaires, il faut surtout prendre en compte Damourette & Pichon (1911 - 1940), notamment les chapitres du volume IV sur la "r�trogression" (les inversions du sujet). Pour les th�ories contemporaines, Kayne 1973 est un texte fondateur, qui fixe une terminologie toujours utilis�e � l'heure actuelle. D'autres approches ont jou� un r�le majeur dans ce domaine : l'approche topologique est � l'origine du travail en diachronie de Sk�rup (1975) qui reste une r�f�rence majeure pour l'ancien fran�ais. Pour le fran�ais moderne, dans une approche contrastive, Herslund (2006), et pour une pr�sentation des analyses typologiques, Gerdes & Muller (2006). Plus r�cemment, d'autres th�ories se sont int�ress� � l'ordre des mots en fran�ais (voir entre autres Bonami & Godard 2001 pour HPSG, sur l'inversion du sujet nominal; Kampers-Mahne et alii 2004, sur le lien entre les inversions nominales et la th�orie de l'information; Abeill� & Godard 2004, sur le r�le du "poids" des constituants dans l'ordre; dans une perspective fonctionnaliste, Cornish (2001, 2005) � propos des inversions "locatives"; enfin, tout un pan de l'organisation de l'�nonc� surtout rep�rable en fran�ais parl� a �t� �tudi� par l'�cole de Blanche-Benveniste : voir C. Blanche-Benveniste (1996).

Dans le pr�sent congr�s, trois des communications en syntaxe touchent � ces questions (Tseng; Bonami & Godard; Abeill�, Godard & Sabio).

Dans de nombreuses th�ories actuelles, l'ordre des mots est distingu� de la constituance. Ce n'�tait pas le cas autrefois, notamment dans les th�ories g�n�ratives, pour lesquelles l'ordre des mots d�coulait de l'ensemble des r�gles de formation de l'�nonc�. Les modifications par rapport aux ordres conformes � la constituance �taient d�crites par des modifications post-transformationnelles telles que Scrambling (Ross, 1986 : 51).

La prise en compte de langues "non configurationnelles" comme le warlpiri a conduit � distinguer un ordre variable, soumis de fait � des facteurs pragmatiques, � la constituance ordonn�e des langues configurationnelles (par exemple pour LFG : Bresnan, 2001 : 9). Il en est r�sult� la prise en compte en syntaxe d'ordres r�gis par des facteurs communicatifs (E. Kiss, 1994).

Dans les th�ories g�n�ratives, l'ordre configurationnel est vu g�n�ralement comme le produit d'un param�tre sur la position des t�tes, initiale (anglais) ou finale (japonais). A cela s'ajoutent des modifications qui doivent �tre motiv�es (scrambling, passif, inversion "stylistique"). L'analyse de Kayne (1994) bas�e sur une relation c-commande asym�trique suppose un ordre universel de type sp�cifieur-t�te qui conduit � poser l'ordre SVO comme basique (Kayne, 1994 : 35).

Le fran�ais moderne est typiquement une langue configurationnelle de type SVO, avec plusieurs fonctions affect�es � l'ordre :

-fonctions grammaticales (distinction sujet /objet direct). - fonctions �nonciatives : assez marginales en fran�ais moderne : l'interrogation totale de type VS mais avec sujet clitique; les incises; des r�sidus de type �galement VS (exclamatives, expressions fig�es). Le statut des sujets clitiques invers�s est probl�matique en syntaxe (affixes ou �l�ments libres dans la d�rivation?). - fonctions informatives communicatives : l'ordre des compl�ments entre eux, qu'il y ait ou non une structure non marqu�e basique, est li� � des facteurs communicatifs : "poids" des constituants, focalisation, sachant que la derni�re position syntagmatique li�e est focus par d�faut en fran�ais. L' inversion du sujet nominal "stylistique" (Kayne 1973) pourrait ob�ir � des facteurs pragmatiques particuliers. Ici aussi se pose le probl�me du statut morphologique ou syntaxique des inversions clitiques motiv�es par la pr�sence d'un adverbe (type : Peut-�tre Jean viendra-t-il). Le statut communicatif des termes initiaux, soit dans le cas des inversions, les d�clencheurs d'inversion clitique ou d'inversion du sujet nominal, est discut� : th�me, focus, cadratif? De m�me, dans l'ant�position de l'objet devant un sujet (communication Abeill�, Godard, Sabio), l'une des constructions �tudi�es, le type � extraction, semble li� � la focalisation accompagn�e d'une fonction de reprise discursive (voir plus loin). La dislocation, gauche ou droite, avec des fonctions discursives diff�rentes, est �galement li�e � des fonctions telles que la focalisation ou la th�matisation.

Un autre angle d'�tude est offert par la diachronie : selon les analyses admises, l'ancien fran�ais �tait une langue de type V2 dans les ind�pendantes avec probablement deux stades dans l'�volution, si on suit Rouveret 2004. Le statut du terme initial semble avoir �t� assez proche de celui des langues germaniques actuelles, soit topique soit focus, souvent aussi un adverbial "cadratif". Comment est-on pass� au type SVO qui se manifeste nettement entre le 16e et le 17e si�cle? Peut-on voir dans les "inversions" actuelles la survivance de structures de type TVS?

Avec les m�mes r�serves que ci-dessus sur l'appartenance ou non � la syntaxe, le statut des clitiques a �volu� (vers plus de cliticisation et une rigidification qui contraste plus ou moins avec le statut des autres clitiques romans). Comment le fran�ais s'est-il distingu� sur ce plan des autres langues romanes? Faut-il analyser tous les clitiques comme relevant de la morphologie (Miller 1992)?

On se limitera ici aux questions relatives au fran�ais actuel. Apr�s une br�ve pr�sentation de la structure canonique des phrases, le type SVO, on examinera les constructions � inversion (VS, le plus souvent de type VOS avec sujet nominal), puis les constructions � objet ant�pos� (OSV). Faute de place, on ne parlera pas des disloqu�es.

Ordre de base des constituants

Le type SVO du fran�ais moderne standard �crit offre les propri�t�s suivantes :

Tout SN (non adverbial) directement plac� devant le verbe fini est son sujet. Si on a la suite SV(initial)-SN, tout SN (non adverbial) directement � droite de V ou de la suite Aux-Vpp est objet direct sauf cas de construction impersonnelle avec un verbe non inaccusatif. Les constructions � V inaccusatif ont ici un sujet qui partage certaines propri�t�s de l'objet direct mais qui accorde � lui le verbe.

Les constructions orales offrent quelques possibilit�s suppl�mentaires sans qu'on y rencontre des ordres absolument absents de l'�crit (Blanche-Benveniste 1996 : 109).

Les possibilit�s d'�l�ments X intercal�s entre une structure de type SVO sont diff�rentes selon les cas :

-entre S et V, il est assez difficile sauf dislocation d'ins�rer un �l�ment non clitique :

(1) ?Paul tous les soirs prom�ne son chien

En particulier, l'insertion d'adverbes li�s entre S et V est exclue, contrairement � ce qui est observ� dans une autre langue SVO, l'anglais (Pollock 1989).

-si V est auxiliaire : entre V et Vpp, on peut ins�rer des adverbiaux :

(2) *Paul a son chien promen� (3) Paul a toujours obtenu une r�duction (4) Paul a pendant des heures jou� avec son chien

L'insertion de groupes pr�positionnels non adverbiaux semble difficile :

(5) ??Paul a de son patron obtenu une r�duction (6) *Paul avait � Marie donn� ce livre

-entre V et O, il n'y a pas de contrainte d'ordre ind�pendamment des choix pragmatiques et communicatifs :

(7) Paul donne � Marie un livre / Paul donne un livre � Marie

Sur l'ordre des compl�ments dans une langue SVO comme le fran�ais, il y a plusieurs explications possibles. Pour Hawkins (1994; 1998), l'explication des ordres observ�s en performance est � rattacher � des choix li�s � la complexit� plus ou moins grande des compl�ments, les plus simples pr�c�dant les complexes. Selon lui, les explications par des diff�rences de type communicatif d�rivent de la complexit� structurale.

Sans que cela soit une objection aux explications par des choix de performance li�s � la complexit� ou � des choix communicatifs, il semble qu'il y ait en fran�ais un ordre neutre de la s�quence des compl�ments dans le SV, si on suit les propositions de Korzen 1996 :

V SN (objet direct) SPr�p (objet indirect) SAdv sc�niques (temps /lieu) Autres SAdv

La s�quence lin�aris�e peut correspondre � deux types totalement diff�rents de structuration. Dans les analyses g�n�ratives classiques � branchement binaire, il faut supposer une expansion � droite alli�e � une d�pendance structurale. L'hypoth�se avanc�e par C. Philips 2003 supposerait une expansion par accr�tion sur des constituants syntagmatiques form�s de fa�on successive de gauche � droite : une premi�re association formerait ainsi un groupe V SN, ce groupe �tant ensuite associ� � un SPr�p, et ainsi de suite.

L'argumentation d�taill�e de Korzen sur l'ordre neutre est bas�e sur les propri�t�s d'extraction des mots Qu- avec placement non final du sujet, on y reviendra plus loin.

Dans cet ordre neutre, les adverbiaux peuvent se placer selon les facteurs de poids, de complexit� ou de focalisation, � des places diverses diff�rentes de l'ordre neutre. Leur ordre relatif peut �videmment �tre significatif s'ils ont des relations pr�dicatives de port�e l'un sur l'autre : c'est alors la pr�c�dence qui correspond � la position pr�dicative dominante :

(8) Luc n'a toujours pas r�pondu / Luc n'a pas toujours r�pondu

L'insertion d'un �l�ment entre auxiliaire et participe pass� n'est probablement pas neutre. Il faut distinguer certains �l�ments "l�gers" comme l'objet pronominal tout :

(9) Il a tout cass� vs. ?Il a cass� tout

Les propri�t�s morphophonologiques ne suffisent pas pour expliquer cette position, qui semble rendue possible par un statut cat�goriel particulier, peut-�tre semi-adverbial : on ne peut pas avoir :

(10) *Il a �a cass� vs. Il a cass� �a.

Autre cas particulier : celui d'adverbes � statut de d�terminant d�tach�, �tudi� par Obenauer 1983, avec une possible diff�rence d'interpr�tation aspectuelle entre les deux constructions :

(11) Dans cette caverne, il a beaucoup trouv� de pi�ces d'or (11') Dans cette caverne, il a trouv� beaucoup de pi�ces d'or (Obenauer 1983 : 78)

Il faut aussi distinguer l'auxiliaire � valeur de temps du pass� de l'accompli utilisable avec d'autres pr�dicats que les participes pass�s : dans cette derni�re interpr�tation, un SN sujet s�mantique du pr�dicat peut pr�c�der :

(12) J'ai cass� mon moteur (12') J'ai mon moteur (de) cass� /...qui est cass�

Dans ce dernier cas, l'accompli n'a pas de valeur pass�e : par exemple on peut opposer :

(13) J'ai cass� mon moteur mais il est r�par� (13') *J'ai mon moteur cass� mais il est r�par�

La diff�rence tient sans doute au statut assez diff�rent de avoir dans les deux constructions.

Les constructions � inversion du sujet
Les inversions clitiques

Il est souvent admis que les clitiques objets des langues romanes sont attach�s morphologiquement au support verbal (dans la plupart des langues modernes actuelles, malgr� certains cas d'attachements � d'autres supports : portugais par exemple, ou encore l'attachement secondaire en gascon aux particules initiales). L'attachement pr�verbal ou postverbal des clitiques objets encore observable dans les langues romanes du sud pour les formes non finies du verbe a disparu depuis longtemps du fran�ais, et la possibilit� de placer les clitiques objets sur un auxiliaire distinct des auxiliaires de l'accompli et du causatif en faire est totalement archa�que en fran�ais :

(14) *Il le leur veut donner

La principale question relative � l'ordre syntaxique des constituants est celle que pose le pronom faible sujet, cliticis� en fran�ais, d'abord en position postverbale (c'est d�j� fait en fran�ais m�di�val selon Sk�rup), puis en position pr�verbale � la fin de la p�riode de l'ancien fran�ais. Les analyses de ce ph�nom�ne varient : soit le clitique est d�crit comme un �l�ment morphologique sans incidence sur la syntaxe de la phrase en fran�ais moderne : sa postposition serait morphologique (Morin 1979), soit il est d�crit comme un terme occupant une position syntaxique distincte, analogue � celle du sujet nominal avec une cliticisation postsyntaxique, au niveau phonologique (Kayne 1983, Rizzi & Roberts 1989, position identique dans l'analyse diachronique de Dufresne & Dupuis 1996). L'analyse propos�e par Rizzi & Roberts alignait la syntaxe du fran�ais sur celle des langues germaniques avec une mont�e du verbe au-del� de la position du sujet occup�e par le clitique, donc en C. Cette analyse est insatisfaisante pour plusieurs raisons, notamment la difficult� de d�crire de fa�on non ad hoc les constructions � sujet nominal coexistant avec le sujet clitique (on parle dans ce cas d'inversion complexe) : le sujet nominal devrait occuper la position de sp�cifieur de C, mais se trouve alors en concurrence avec la possibilit� de trouver aussi un mot Qu- :

(15) Depuis quand Jean la conna�t-il? (Kayne 1994 : 44)

Enfin, on n'a pas en fran�ais (ou plus exactement, on ne trouve plus depuis le 13e si�cle) des constructions interrogatives de type :

(16) *Est Jean venu?

Ces deux raisons ont conduit Kayne � abandonner l'hypoth�se d'un mouvement vers C (Kayne 1994 : 44). Depuis les propositions de Rizzi, 1997, l'hypoth�se posant la pr�sence de plusieurs t�tes fonctionnelles � la p�riph�rie gauche de la proposition permet d'expliquer les ph�nom�nes d'inversion en subordonn�e ou comme en ancien fran�ais l'existence de constructions de type V2 apr�s une conjonction (Rouveret 2004 : 227).

La d�rivation des inversions clitiques dans une th�ories HPSG est esquiss�e dans la communication de J. Tseng. Cette communication se limite cependant au probl�me du sujet, alors que l'inversion clitique implique la syntaxe d'un �l�ment d�clencheur en position pr�c�dant le sujet, soit adverbe, soit pronom Qu-, soit segment en discours direct dans les incises :

(17) Peut-�tre Jean est-il arriv� vs. *Jean est-il peut-�tre arriv�. (18) O� Jean est-il all�? vs. *Jean est-il all� o�? (19) "Viens ici", me dit-il. vs. *Me dit-il : "Viens ici".

L'absence de ce d�clencheur en contextes ant�rieur et post�rieur vides impose une interpr�tation interrogative, il faut donc poser imp�rativement un �l�ment vide dans ce cas, dans le paradigme des autres d�clencheurs :

(20) Jean est-il parti *(?)

On peut donc analyser l'inversion clitique comme un ph�nom�ne de rection un peu particulier, distinct de la subordination : l'interpr�tation �nonciative de la s�quence (SN) V-il d�pend du d�clencheur, un d�clencheur vide aboutissant � une interpr�tation interrogative (Muller 1996 : 76). La pr�sence ou absence d'un SN intercal� (dans les contextes � inversion complexe) est transparente :

(21) Peut-�tre (Jean ) est-il arriv�

Les d�clencheurs sont sp�cifiques � ce type d'inversion, m�me s'il y a une interf�rence avec ceux de l'inversion du sujet nominal (voir plus loin). Pour l'inversion complexe, il s'agit : des mots Qu- interrogatifs, d'adverbes, soit de modalisation �nonciative ( peut-�tre, sans doute, assur�ment...) soit � fonction de connecteurs (aussi, ainsi,...) avec un �nonc� ant�rieur, quelques adverbes � orientation n�gative (rarement, difficilement), et des constructions � corr�lation, � interpr�tation hypoth�tique :

(22) Quand Jean est-il venu? (23) Assur�ment Jean est-il arriv� (24) ...Aussi Pierre est-il intervenu (25) Rarement trouvait-on le cur� � son logis (M. Aym�, La Table-aux-Crev�s, Pl�iade, 1, 253) (26) A peine Marie �tait-elle sortie que Jean est entr� (27) Jean sort-il que Marie entre aussit�t (28) Une discussion venait-elle � s'�lever au bureau, il ne s'en m�lait point que son avis ne f�t sollicit�...(M. Aym�, Aller-retour, Pl�iade, 1, 113).

L'inversion clitique se confond avec l'inversion du sujet nominal dans les contextes suivants :

-Des emplois au subjonctif avec auxiliaire modal : (29) Puisse-il (Puisse Jean) r�ussir! -Les incises apr�s discours direct : (30) Salut! dit-il (...dit Jean) -Apr�s que pronom interrogatif : (31) Que fait-il? (Que fait Jean?)
L'inversion du sujet clitique en subordonn�e

La plupart du temps, on trouve l'inversion clitique dans les ind�pendantes et les principales, ce qui a �t� interpr�t� comme l'obligation que le constituant C0 soit vide et non r�gi par un terme recteur (pronom relatif ou interrogatif par exemple). Il est cependant possible de trouver cette inversion clitique en subordonn�e :

(32) Il a tellement envie de venir que peut-�tre viendra-t-il quand m�me nous voir. (33) C'est que peut-�tre ne s'agissait-il pas d'une nouvelle mani�re de peindre, mais, plus fondamentalement, d'une nouvelle mani�re de faire...(J. Cassou, Panorama des arts plastiques contemporains, 1960, 171, Frantext). (34) Tant de filles honn�tes sont devenues de malhonn�tes femmes, que peut-�tre serai-je un exemple contraire (Diderot, Jacques le Fataliste, 1784, Frantext, 647). (35) Ane et cheval, ils travaillaient chacun de leur c�t�, et le soir, � l'�curie, se retrouvaient si harass�s qu'� peine, avant de s'endormir, avaient-ils le temps d'�changer quelques plaintes sur la duret� de leurs ma�tres. (M. Aym�, Contes du chat perch�, Pl�iade, 2, 1013).

Cette situation n'est que le prolongement en fran�ais moderne d'une particularit� du fran�ais : contrairement � d'autres langues V2, qui ont une structure diff�rente en principale et en subordonn�e, le fran�ais a toujours eu la possibilit� de construire ses subordonn�es sur les types syntaxiques des ind�pendantes : d�s l'ancien fran�ais (seconde moiti� du XIIe si�cle), la subordonn�e adopte le mod�le des ind�pendantes avec possibilit� (tr�s minoritaire) d'inverser le sujet (Sk�rup 1975 : 515).

L'inversion du clitique sujet pose la question de la nature du sujet (Tseng, dans sa communication). Il ne semble pas, malgr� quelques vues discordantes qu'il y ait � discuter de la fonction du SN accord� au clitique : m�me si � l'origine c'�tait indiscutablement un nom en extraposition, s�par� par une pause du sujet, ou m�me ant�pos� parfois au d�clencheur, son int�gration comme sujet d�coule de la possibilit� de voir les ind�finis dans cette position avec accord au clitique :

(36) Peut-�tre quelqu'un est-il arriv� alors que les ind�finis de ce type ne sont pas th�matisables librement : (37) *Quelqu'un, est-il arriv�? Autre argument : l'accord avec un pronom neutre non humain, exclu en fran�ais moderne en cas de th�matisation : (38) Cela est-il vrai? (39) *cela, est-il vrai? vs. Cela, est-ce vrai?

Il faut donc voir dans ce SN un sujet, et d'autre part aucun argument ne permet de lui fixer une position syntaxique distincte de celle des sujets nominaux des �nonc�s sans clitique.

La nature du sujet tient � l'accord. Il semble qu'on puisse admettre les possibilit�s suivantes :

-il et son paradigme sont impos�s par l'utilisation d'un temps fini. cette particule est donc � interpr�ter comme une marque de temps. Sans argument � construire (verbes impersonnels), on a l'interpr�tation impersonnelle, avec ant�position ou postposition selon les m�mes crit�res que dans les constructions avec accord.

-L'accord est ind�pendant de toute consid�ration s�mantique : il s'adapte �videmment � la pluralit� obtenue par coordination :

(40) Pierre et Marie sont-ils venus?

-Les emplois en pronom personnel sont dus � l'absence de r�alisation du pronom fort apr�s accord : il ne reste que le clitique avec la s�mantique des pronoms personnels cette fois. Ce ph�nom�ne doit �tre �tendu � ce qui rend inutile la r�alisation phonologique d'un cela, �a, ou a on qui correspond � un SN humain ind�termin�.

La structure des constructions � inversion clitique pourrait suivre le mod�le suivant, bas� sur l'hypoth�se d'une position distincte du sujet clitique basique (il impersonnel) :

D�clencheur (Sujet nominal) V-il [(e)]V ...

Cela suppose, pour les phrases sans clitique, un m�canisme d'�lagage du clitique lorsque le sujet nominal est r�alis� sans inversion clitique, et donc la possible r�alisation non standard de phrases � double sujet � gauche, actuellement bien attest�e en fran�ais familier (Zribi-Hertz 1994) et dans les corpus de fran�ais parl�. Par exemple, Auger 1996 :

(41) mon fr�re le plus vieux il jouait du violon (42) en campagne, quand quelqu'un il dansait...(Auger 1996 : 25)

Il n'en d�coule pas n�cessairement que le fran�ais standard soit analysable de m�me (Auger 1996 : 39). Position identique dans Zribi-Hertz 1994.

L'inversion du sujet nominal

Il s'agit de diverses constructions � sujet nominal (non clitique) accord� au verbe qui le pr�c�de. Cette inversion a �t� nomm�e "inversion stylistique" (Kayne 1973). Il existe de nombreuses �tudes depuis une trentaine d'ann�es sur ce sujet. L'article de Kampers-Mahne, Marandin, Drijkoningen, Doetjes & Hulk (2004) distingue plusieurs types :

1. L'inversion dans les contextes d'extraction (questions partielles, relatives, cliv�es) :

(43) O� est all�e Marie? Je me demande o� est all�e Marie. (44) La personne qu'a rencontr�e Pierre est ma cousine. (45) C'est dans cette maison qu'est n� Victor Hugo.

2. L'inversion inaccusative (Marandin 2003), li�e � des verbes sp�cifiques (verbes de mouvement, verbes avec auxiliaire �tre, passifs); elle est observable dans deux classes distinctes de contextes :

-compl�tives :

(46) Je voudrais que soient distribu�s ces prospectus (Kampers-Mahne et al., 2004 : 557). (47) On e�t dit que tra�nait dans la pi�ce quelque chose de cette atmosph�re lourde...(Gracq, Le rivage des syrtes, 32, Frantext).

-ind�pendantes avec ou sans adverbe introducteur :

(48) A ce moment-l� se fit entendre un bruit strident. (49) Entre alors notre gardien avec de la nourriture.

Elle pourrait �tre li�e � un statut particulier du sujet invers�, attach� � une position "profonde" d'objet direct distincte de la position standard du sujet dans les analyses g�n�ratives, comme sp�cifieur et non comme compl�ment du verbe. En t�moigne la propri�t� de ce type de sujet invers� de pouvoir lier un en au sujet postpos� quantifieur :

(50) (des examens) Il faudrait qu'en soient report�s plusieurs. (51) (des hommes) Alors en entr�rent trois / En entr�rent trois. (exemples (17) de Bonami-Godard (2001 : 123)).

3. L'inversion "elaborative" (Kampers-Mahne et al.) ou "� focalisation forte" (Kayne & Pollock 2001) : il s'agit d'inversions � sujet focalis�, souvent lourd, incluant les listes, et sans contrainte d'utilisation de la premi�re place :

(52� Ont obtenu leur licence les �tudiants suivants : Pierre Dupont, Marie Dubois...

Le sujet pluriel cataphorique n'est pas obligatoire : la liste peut suivre imm�diatement le verbe, constituant ainsi le seul cas connu de sujet syntaxique disloqu� :

(53) Ont obtenu leur licence : Pierre Dupont, Marie Dubois...

Un objet est possible comme on le voit ci-dessus, il est alors toujours plac� avant le sujet (plus g�n�ralement, le sujet est final dans ce type) :

(54) Rendront un devoir suppl�mentaire tous les �l�ves qui ont �chou� (Kampers-Mahne et al. 2004 : 559).

4. Il faut ajouter � ces inversions �tudi�es par Kampers-Mahne et al. les inversions � topique adverbial ou adjectival initial parmi lesquelles les inversions locatives �tudi�es par F. Cornish (2001), A. Borillo (2006), C. Fuchs (2006) : un adverbial de lieu, parfois de temps, introduit une construction � sujet le plus souvent, mais pas obligatoirement, final :

(55) Sur la place se dresse la cath�drale. (56) A midi sera organis� un ap�ritif dans la salle des f�tes. (57) Il y a trois si�cles, ici naissait Blaise Pascal (Borillo 2006 : 25) Sans doute n'est-ce qu'un sous-type fr�quent d'inversions � adverbial initial focalis� : (58) Ainsi se termina le spectacle. (59) Avec Autun se distingue Al�sia par le nombre d'ateliers d�couverts. (Dossiers d'arch�ologie, n�316, sept. 2006, 52).

ou de constructions � adjectif initial :

(60) Nombreux sont les gens qui se plaignent. (61) Frugal est leur quotidien : du th� au beurre, une poign�e de farine d'orge grill�e...(Tibet, dans le Monde Voyages, Mars 1992, 16).

Cet ensemble de constructions ressemble par le type de verbe aux constructions inaccusatives mais a une sp�cificit� dans l'analyse informationnelle du verbe : celui-ci est soit faiblement informatif, soit de signification r�duite dans la construction � inversion locative (cf. plus loin).

5. Il faut ajouter aussi les constructions � incise. Bonami & Godard (communication � cmlf) distingue deux types, dont l'un avec inversion est obligatoire, qu'elle soit nominale ou clitique, lorsque l'incise est un "ajout" � une citation consid�r�e comme une "t�te" :

(62) Je ne vous crois pas, s'emporta enfin la femme. (Dorgel�s, dans Grevisse, �1352).

Selon ces auteurs, ce type d'incise ob�it aux crit�res des structures � extraction, le crit�re essentiel �tant la possibilit� de r�gir la citation par un verbe ench�ss� :

(63) "Je n'en peux plus" semblait croire pouvoir dire Paul. (op. cit. ex. 33d).

Enfin, contrairement � d'autres langues romanes comme l'italien, le fran�ais ne conna�t pas d'inversion du sujet nominal en r�ponse, avec focalisation (Marandin 2003) ou sans (Lambrecht, 1994) :

(64) Ha telefonato Gianni (Lambrecht 1994) (65) *A t�l�phon� Jean.

Le statut du sujet invers� est discut� par divers auteurs. Selon Bonami-Godard 2001, sept propri�t�s caract�risent le sujet invers� (en laissant de c�t� les sujets des inversions inaccusatives, plus proche de l'objet direct)

a. Le lien cataphorique r�fl�chi - sujet : A qui s'est pr�sent� Paul? b. Pas de lien entre en et un quantifieur sujet : *Celui qu'en ont d�j� lu plusieurs. c. Pas de construction � distance Q de N : *C'est un livre qu'ont beaucoup lu de gens. d. L'extraction de combien est possible : Combien pensez-vous que viendront de ministres? vs.* Combien pensez-vous que de ministres viendront? e. Le sujet peut �tre construit avec de n�gatif : Une maison o� ne viennent plus jamais d'enfants. f. Les quantifieurs nus sont exclus, sauf s'ils sont possibles comme objets directs : *Une hypoth�se � laquelle s'int�ressent tous / plusieurs/ beaucoup vs. Une hypoth�se � laquelle tous/ plusieurs/ beaucoup s'int�ressent. g. L'accord ne se fait qu'en nombre : *L'appartement qu'habitiez Claire et toi � l'�poque vs. L'appartement que Claire et toi habitiez � l'�poque. (Exemples de Bonami & Godard 2001).

Dans le d�tail, les inversions ont un fonctionnement assez diff�rent selon les types. Sur l'inversion locative, A. Borillo 2006 : 33, note que le pr�dicat est "l�ger" d'un point de vue informationnel, au point de perdre du sens, comme le montrent les exemples suivants :

(66) Dans l'armoire �taient rang�es les chaussures. (66') Dans l'armoire, les chaussures �taient rang�es. (Cit� par N�lke 1995, ex; (33), l'exemple originel �tant d'A. Borillo; repris dans Cornish 2001 : 110)

Le sens est diff�rent : dans la structure � sujet final, le verbe localise simplement les chaussures; dans la phrase � sujet pr�verbal, le verbe focalis� prend son sens plein et "rang�" a un sens qualitatif. Cela peut conduire � un inacceptabilit� si le verbe final n'est pas susceptible de focalisation, comme dans :

(67) *Dans l'armoire, les chaussures se trouvaient (N�lke 1995, ex. (36))

D'autres effets peuvent appara�tre, par exemple (dans Cornish 2001 : 106) :

(68) Dans ce bureau travaillent quatre personnes. (68') Dans ce bureau quatre personnes travaillent.

La phrase � inversion prend un sens habituel, alors que la phrase � sujet pr�verbal a un sens actualis�.

On peut ajouter � ces exemples la paire suivante, avec un verbe d'action :

(69) Dans l'armoire, les chaussures sont cir�es. (69') Dans l'armoire sont cir�es les chaussures.

La seconde montre comment l'inversion s'associe au sens habituel pour localiser l'action, donnant � la phrase le sens bizarre du lieu o� se fait l'action. La phrase � verbe final est interpr�t�e comme un accompli descriptif avec le sens qualitatif d�j� vu plus haut.

L'inversion � extraction pose d'autres probl�mes. Le sujet peut plus facilement n'�tre pas final, et sa position semble �tre pr�f�rentiellement � l'endroit o� le terme extrait avait sa position in situ (Korzen, 1992; 1996). L'analyse de Korzen propose une explication � la position du sujet : celui-ci doit se placer, sauf facteurs suppl�mentaires comme la lourdeur particuli�re de certains syntagmes, juste apr�s la position d'un terme Qu- in situ, et l'ensemble du verbe et des compl�ments allant jusque l� constitue une unit� pragmatique distincte de la constituance syntagmatique, qu'elle nomme unit� pr�dicative minimale. Ainsi, sachant que les adverbiaux de temps pr�c�dent par d�faut les adverbiaux de lieu, on expliquera le contraste suivant :

(70) A quelle heure ferment les magasins en France?

unit� pr�dicative : ferment � quelle heure.

(71) *Dans quel pays ferment les magasins � huit heures? (Korzen 1996 : 61)

unit� pr�dicative : ferment � huit heures dans quel pays.

On dira, conform�ment � cette analyse :

(71') Dans quel pays ferment � huit heures les magasins?

La valeur empirique de l'analyse de Korzen est admise par Kayne & Pollock 2001 et incorpor�e aux transformations multiples produisant dans leur cadre la structure � inversion par une s�rie de mouvements � gauche.

La concurrence, � droite du verbe, de l'objet direct et du sujet pose des probl�mes sp�cifiques. L'objet direct pr�c�de en principe le sujet :

(72) Le dieu (Hugo) est entour� d'�tres f�minins. Il y en a tout un canap�, parmi lesquels fait les honneurs du salon une vieille femme aux cheveux d'argent... (Goncourt, Journal, 10 - 12_1870).

Certains cas o� le sujet pr�c�de l'objet s'expliquent bien par les propositions de Korzen :

(73) (il les disperse) ainsi que fait un vent d'orage les �pis. (Genevoix, Ceux de 14, Frantext, 42)

L'extraction implique un adverbial de mani�re qui pr�c�de l'objet : un vent d'orage disperse ainsi les �pis. L'ordre inverse serait impossible ici :

(74) * ainsi que fait les �pis un vent d'orage

Autre cas, l'extraction d'un locatif circonstanciel qui peut �tre naturellement interpr�t� comme pr�c�dant l'objet :

(75) C'est chez eux que trouvent leurs invalides la fameuse "loi de l'offre et de la demande" (L. Febvre, Combats pour l'histoire, Frantext, 173)

= leurs invalides trouvent [l�] la fameuse loi de l'offre et de la demande.

Il existe pourtant de nombreux cas d'inacceptabilit� qui ne s'expliquent pas par la th�orie de Korzen. Par exemple :

(76) *A qui a donn� ce livre Jean? (Kayne et Pollock 2001, ex. (167))

compar� � l'exemple suivant, plus acceptable :

(77) ?Qu'a donn� � Marie Jean? (ex. (166))

Sur un exemple presque identique :

(78) *L'enfant auquel donnera ce livre Paul (Bonami & Godard, ex (1b) et (71b))

Il n'y a pas d'exclusion de la fonction objet direct, puisque les objets clitiques sont toujours possibles :

(79) J'�prouve un peu du tressaillement qui saisit M. de Portebize quand les lui d�crit M. d'Oriocourt (M. Proust, dans Damourette & Pichon, �1590).

Bonami & Godard posent une contrainte de domaine excluant la succession de deux GN non pr�dicatifs non locatifs non lourds. De fait, les GN lourds sont admis dans ce cas en position finale apr�s un objet direct :

(80) C'est finalement � Marie qu'a pr�sent� son projet l'�tudiant que Paul avait refus� de recevoir. (B & G, op. cit.)

Exemple r�el :

(81) O� puisait donc sa sagesse improvis�e cette catalane mercenaire, qui n'�tait jamais qu'un mercanti de la litt�rature? (J. Donoso, Le jardin d'�-c�t�, Frantext).

Cette analyse ne me semble pas enti�rement satisfaisante, puisqu'il me semble qu'on peut dire facilement :

(82) O� donc cueillent des fleurs les parisiens? (83) A qui donc offrent des fleurs les maris, � la Saint-Valentin?
Les inversions � longue distance

Il s'agit de constructions dans lesquelles le sujet suit des termes r�gis par le verbe principal dans une autre proposition, sans �tre n�cessairement final. On trouve en effet des sujets invers�s entre compl�ments r�gis, sans limite, que ce soit des compl�ments infinitifs ou des verbes finis :

(84) Quel genre de cadeau veut offrir Marie � Jean-Jacques? (Kayne & Pollock 2001 ex. (159)). (85) Quelle maison veut que j'ach�te Jean-Jacques? (idem ex. (157)). (86) Une chance que trouvent toujours plus ou moins qu'on a les femmes dont on devient l'amant... (P. L�autaud, Le petit ouvrage inachev�, 30, Frantext; dans MUller 2002).

Avec un verbe fini r�gi, la possibilit� de trouver un sujet non final semble plus r�duite :

(87) *Quelle maison veut que j'ach�te Jean-Jacques � Marie?

Ces constructions, comme on le voit, ne respectent pas la constituance en syntagmes. Pour Bonami & Godard (2001 : 133) "toutes les structures propos�es pour l'inversion simple sont inad�quates pour l'inversion longue". Leur d�monstration se base sur une analyse par extraposition droite du sujet, elle m�me suivie d'une extraposition droite plus haut plac�e du terme final. Cette extraposition doit �tre non born�e, ce qui contrevient � la r�gle �tablie par Ross (1967/ 1986) selon laquelle les extrapositions droites sont des d�pendances born�es. Par cons�quent, ces auteurs proposent de distinguer l'ordre et la constituance.

Pour Kayne & Pollock, les d�placements multiples � gauche supposent un d�placement particulier du terme qui appara�tra en position finale; deux solutions alternatives sont pr�sent�es : soit ce terme est d�plac� par pied-piping avec le mot Qu-, soit il est d�plac� ult�rieurement et s�par� de son recteur par 'topicalisation' (section 16). Il faut en outre une transformation particuli�re, IP movement, pour d�placer le verbe et les verbes d�pendants, tens�s ou non.

Les constructions avec r�gis � l'infinitif pr�sentent des possibilit�s contrast�es. Les cas les plus simples sont ceux d'infinitifs contr�l�s par le m�me sujet, avec une s�rie non limit�e de verbes r�gis :

(88) Qu'a oubli� de raconter Luc � Marie?

Du point de vue de l'ordre, et probablement aussi pour les propri�t�s phonologiques et prosodiques, "a oubli� de raconter" est trait� comme une unit�, qui peut ici correspondre � une extension de la notion pragmatique d'unit� pr�dicative minimale de Korzen 1983. Lorsque le contr�le de l'infinitif est exerc� par un autre actant, des contraintes suppl�mentaires apparaissent qui peuvent contraindre le sujet invers� � �tre final. Bonami & Godard 2001 opposent :

(89) *La personne que m'a convaincu de pr�senter le patron du labo � Marie. (89') La personne que m'a convaincu de pr�senter � Marie le patron du labo.

Il fait sans doute poser que l'unit� pr�dicative minimale incluant un sujet s�mantique de verbe � l'infinitif (son contr�leur) doit aussi incorporer tous les compl�ments rattach�s � ce verbe (Muller 2002).

D'autres constructions de ce type sont � prendre en compte, en particulier :

-les coordonn�es � sujet � droite commun :

(90) Peu importe d�s lors ce que valent et ce que deviennent les fruits de la terre. (Teilhard de Chardin, Le milieu divin 38, Frantext)

-les d�pendantes � sujet commun, qui semblent acceptables dans certains cas :

(91) C'est ce que dit que fait Mimi quand elle a des visites. (Damourette & Pichon, �1589) (92) Ce qu'a dit que ferait Luc � Marie est inqui�tant
Les compl�ments ant�pos�s

Le fran�ais, surtout oral, conna�t une structure marqu�e de type OSV. Elle a �t� analys�e � partir des corpus de fran�ais parl� (cf. par exemple Blanche-Benveniste 1996 : 112), mais elle avait d�j� �t� signal�e par Blinkenberg (1928 : 164). Elle fait l'objet d'un traitement macro-syntaxique, avec la distinction de deux constructions, dans Sabio 2006. C'est aussi l'objet de la communication d'Abeill�, Godard & Sabio au congr�s, avec une argumentation qui conduit ces auteurs � distinguer deux constructions, l'une d'un type disloqu� � compl�ment nul anaphorique, dans lesquelles le "compl�ment" initial est un th�me :

(93) Les conjugaisons j'aimais bien (auteurs cit�s, ex. (1)) l'autre � extraction, avec un compl�ment non th�me : (94) et l�, tu sais ce qui lui est arriv� -une antenne ils lui ont jet� � la t�te...(ex. (15a)) (95) Trois heures il avait de retard, le train. (ex. (7b))

La propri�t� principale permettant dans ce dernier cas de parler d'extraction est l'impossibilit� de supprimer le compl�ment ant�pos�, � la diff�rence de la premi�re construction.

La seconde construction ob�it � des contraintes particuli�res contextuelles, qui conduit les auteurs � parler d'extraction dialogique. M�me avec un ind�fini, une reprise est possible :

(96) Mon p�re il va m'acheter un petit mouton + un petit mouton il va m'acheter. (Ex. (15c)).
Conclusion

Tr�s sommairement, faute de place, je me contenterai de souligner quelques points saillants parmi les principales �volutions de ces recherches : la distinction faite de plus en plus souvent entre ordre et constituance; la prise en compte croissante de la structure de l'information dans les structures non canoniques; le d�veloppement des investigations syntaxiques sur le fran�ais parl�.

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