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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juillet 2020 Cassation M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 354 F-P+B Pourvoi n° A 18-25.487 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020 1°/ M. K... Y..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Mme H... B..., 2°/ M. R... M..., domicilié [...] , ont formé le pourvoi n° A 18-25.487 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige les opposant à la société GMDP, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. Y..., ès qualités, et de M. M..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société GMDP, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 octobre 2018), M. Y..., liquidateur judiciaire de Mme B..., a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire du 7 octobre 2011, à céder le fonds de commerce de la débitrice au profit de M. M.... Cette cession a été contestée par la SCI GMDP (la SCI), société bailleresse, qui invoquait la violation de la clause d'agrément figurant dans le bail. Au terme d'un long contentieux, la cession, qui a été définitivement autorisée, a été conclue le 28 octobre 2013. 2. Parallèlement, la SCI a fait délivrer le 17 janvier 2013 au liquidateur un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour obtenir le paiement de la somme de 19 760,68 euros au titre des loyers et de la taxe foncière. Un arrêt du 28 novembre 2013 a suspendu les effets de la clause pour une durée de trois mois, reportant au prononcé de l'arrêt le point de départ du délai pour la régularisation de l'acte de cession, et dit que les fonds provenant de la vente seraient consignés entre les mains du notaire jusqu'à l'issue des procédures judiciaires en cours. 3. Sur le fondement de cette décision, la SCI a fait délivrer à M. M... un commandement de quitter les lieux, que ce dernier a contesté devant le juge de l'exécution en invoquant la compensation entre les sommes dues par le liquidateur et celles dont ce dernier était lui-même créancier à l'égard de la SCI au titre des frais de justice. Le liquidateur est intervenu à l'instance en cause d'appel. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. M. M... et le liquidateur font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à déclarer nul et de nul effet le commandement de quitter les lieux alors « que dans le cadre d'une procédure collective, la compensation légale peut être invoquée pour le paiement de créances réciproques nées postérieurement à l'ouverture de cette procédure ; qu'en l'espèce, M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme B..., et M. M..., cessionnaire du bail commercial dont cette dernière était titulaire, faisaient valoir que les causes du commandement de payer délivré à M. Y... par le bailleur, la SCI GMDP, à hauteur de 19 760,68 euros, avaient été réglées par compensation légale avec les sommes dues par la SCI, à hauteur de 20 709,99 euros, le 15 mai 2015, soit avant l'expiration du délai imparti pour régler les sommes dues à la SCI avant que la clause résolutoire ne retrouve son effet ; que la cour d'appel a considéré que la compensation légale ne pouvait pas être invoquée pour faire échec à l'expulsion de M. M..., au motif que « la compensation légale ne joue pas lorsque les créances ne sont pas exigibles avant le prononcé de la liquidation judiciaire, étant observé au surplus que sont des créances connexes celles qui sont issues de l'exécution ou de l'inexécution d'un même contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce » ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les créances en cause étaient toutes deux postérieures à l'ouverture de la liquidation judiciaire, de sorte qu'elles pouvaient faire l'objet d'une compensation légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1347 du code civil, anciennement l'article 1290 du même code, des articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce et de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 641-13 et L. 622-7 du code de commerce, ce dernier rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du même code, et l'article 1290 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 5. Il résulte de la combinaison de ces textes que des créances nées régulièrement après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et payables à leur échéance, si elles remplissent les conditions du premier des textes susvisés, peuvent faire l'objet d'une compensation légale. 6. Pour rejeter la demande, l'arrêt énonce qu'avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, le paiement par compensation est licite, sous réserve de répondre aux conditions de liquidité, d'exigibilité, de certitude et de connexité des obligations prévues par l'article 1291 ancien du code civil et qu'à l'inverse, la compensation ne joue pas lorsque les créances ne sont pas exigibles avant le prononcé de la liquidation judiciaire. Il en déduit que les créances invoquées n'étant pas issues de l'exécution ou de l'inexécution d'un même contrat, elles ne sont pas connexes et ne permettent donc pas d'invoquer la compensation ; 7. En statuant ainsi, alors qu'ayant relevé que la créance impayée de la SCI était née postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire de Mme B... et permettait à la société bailleresse, exerçant son droit individuel de poursuite, de mettre en oeuvre la clause résolutoire, de sorte que toute référence à la connexité des créances réciproques était exclue, la cour d'appel, qui devait seulement vérifier si les conditions de la compensation légale étaient réunies, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; Condamne la société GMDP aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GMDP et la condamne à payer à M. Y..., en qualité de liquidateur de Mme B..., et à M. M..., la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. Y..., en qualité de liquidateur de Mme B... et pour M. M.... PREMIER MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. M... et de M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme B..., tendant à dire nul et de nul effet le commandement de quitter les lieux signifié le 6 avril 2017, et d'avoir déclaré irrecevable la demande de compensation formée par M. M... ; AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QU' en application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; que, selon l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes ; qu'il n'est pas contesté que le requérant n'est pas créancier de la SCI GMDP ; qu'ainsi, les créances réciproques, à supposer qu'il soit démontré que M. Y... soit effectivement créancier de la SCI GMDP, existent uniquement entre cette dernière et le mandataire liquidateur ; qu'en conséquence, M. M... ne justifie pas d'un droit d'agir aux fins d'obtenir la compensation qu'il invoque ; que sa demande est donc irrecevable (jugement, p. 4 et 5) ; ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, l'existence du droit invoqué n'étant pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès ; qu'un tiers peut se prévaloir d'un acte en tant que situation de fait, lorsque celle-ci est de nature à fonder l'application d'une règle juridique lui conférant le droit qu'il invoque ; qu'en l'espèce, M. M... se prévalait de la compensation légale qu'opposait M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme B..., à la SCI GMDP, afin d'établir que les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail dont il était devenu titulaire avaient été payées en temps utile, ce qui privait d'effet le commandement de quitter les lieux que la SCI lui avait délivré ; que, pour déclarer irrecevable la demande de compensation formée par M. M..., la cour d'appel a considéré, par motifs réputés adoptés, qu'il ne justifiait pas d'un droit d'agir aux fins d'obtenir la compensation invoquée (jugt, p. 5) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que M. M... avait un intérêt à se prévaloir de la compensation invoquée par M. Y... ès qualités, puisque cette compensation était de nature à faire écarter les prétentions de la SCI GMDP à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. M... et de M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme B..., tendant à dire nul et de nul effet le commandement de quitter les lieux signifié le 6 avril 2017 ; AUX MOTIFS PROPRES QU' il est acquis aux débats que par arrêt en date du 20 décembre 2012, cette cour a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce d'Arras en date du 7 octobre 2011 autorisant Maître Y... à céder le fonds de commerce à M. M... pour un prix net vendeur de 130.000 €, avec cette précision que cette autorisation ne vise que M. M... à l'exclusion de toute autre société pouvant se substituer à lui et que l'acte de cession devait être régularisé par acte authentique dressé par le notaire du bailleur ou son successeur en présence de celui-ci, une copie exécutoire devant lui être remise sans frais ; que, selon un arrêt rendu le même jour soit le 20 décembre 2012, cette cour a confirmé l'autorisation de cession du droit au bail au profit de M. M... qui avait été accordé par un jugement du tribunal de grande instance d'Arras en date du 26 juillet 2012 ; que, par arrêt en date du 28 novembre 2013, la cour d'appel de Douai a confirmé l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance d'Arras en date du 7 mars 2013 qui a ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire incluse dans le bail reçu par Maître U..., le 31 décembre 2009, et ce jusqu'à l'expiration d'un premier délai de trois mois à compter de la présente décision, au cours duquel la cession du fonds de commerce autorisée par les deux arrêts rendus par la cour d'appel de Douai le 20 décembre 2012 devra être réalisée puis d'un second délai de trois mois qui commencera à courir à l'issue du premier délai au cours duquel les causes du commandement de payer signifié le 17 janvier 2013 à Maître Y... ès qualités de liquidateur de Mme B... devront être intégralement réglées, mais a reporté le point de départ du délai pour la régularisation de l'acte de cession au prononcé de son arrêt et précisé que les fonds provenant de la vente seront consignés entre les mains du notaire jusqu'à l'issue des procédures en cours ; que force est de constater que le premier délai a été respecté puisque le 28 octobre 2013, il a été dressé par Maître O... U..., notaire associé à [...] , un acte de cession de fonds de commerce au profit de M. M..., étant observé que dans cet acte, il est bien fait mention de l'ensemble des procédures judiciaires qui ont pu être intentées dans le cadre de cette cession et qu'il est également précisé que la cession est consentie sous la condition résolutoire d'une décision rendue en force jugée autorisant l'application de la clause résolutoire résultant du bail reçu par Maître O... U..., notaire à Saint-Pol-sur-Ternoise le 31 décembre 2009 ; que les pourvois formés contre les deux arrêts de cette cour en date du 20 décembre 2012 ont été rejetés les 29 avril 2014 et 19 mai 2015 ; que c'est à bon droit que le juge de première instance a considéré que les arriérés de loyers auraient dû être versés à compter du 19 août 2015, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, le versement des fonds étant intervenu le 25 janvier 2018 ; que pour justifier de ce retard, l'appelant et Maître Y... ne sauraient arguer de l'indisponibilité des fonds au regard de la procédure de purge qui comme l'avance l'intimée aurait dû être initiée sans délai par Maître Y... et ce conformément aux dispositions contenues dans l'acte de cession au chapitre concernant le paiement du prix et des dispositions de l'article L. 143-12 du code de commerce ; le fait que le notaire mandaté par Maître Y..., qui a décidé de ne pas exécuter le mandat de séquestre qui lui était confié, ait pris du retard dans les opérations de purge est inopposable à la SCI GMDP et ce d'autant que Maître Y... n'a jamais sollicité de nouvelle suspension des effets de la clause résolutoire jusqu'à la purge des inscriptions au regard d'éventuelles difficultés qui pouvaient être rencontrées dans ce cadre ; que par ailleurs, il convient de rappeler qu'avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, le paiement par compensation est licite, sous réserve de répondre aux conditions de liquidité, d'exigibilité, de certitude et de connexité des obligations prévues à l'ancien article 1291 du code civil ; qu'à l'inverse, la compensation légale ne joue pas lorsque les créances ne sont pas exigibles avant le prononcé de la liquidation judiciaire, étant observé au surplus que sont des créances connexes, celles qui sont issues de l'exécution ou de l'inexécution d'un même contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que dès lors et au regard de ces éléments, l'argument visant à déclarer la dette de loyers et de taxes d'habitation de Maître Y... ès qualités éteinte au 19 mai 2015 par les effets de la compensation légale n'est pas valable ; que c'est donc à bon droit que le juge de première instance a considéré que le commandement de quitter les lieux délivré le 6 avril 2017 à M. M... était valide au regard des décisions de justice rendues antérieurement et visées par ledit commandement ; qu'en effet, ces décisions ont eu pour conséquence de faire reprendre son plein effet à la clause résolutoire, faute de paiement de la dette de loyers et des taxes d'habitation dans les délais impartis, étant observé au surplus que ledit commandement vise bien Maître Y... et tout occupant de son chef à savoir M. M... et qu'il n'est pas contesté que ce commandement avait lui-même été précédé d'un commandement de payer délivré à Maître Y... ès qualités le 17 janvier 2013 ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté tant la demande d'annulation du commandement de quitter les lieux que celle tendant à la compensation des créances (arrêt, p. 6 et 7) ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QU' il sera relevé que le demandeur ne critique pas la forme du commandement de quitter les lieux ; que ledit commandement, délivré à M. M... le 06 avril 2017, est fondé sur l'ordonnance de référé rendue le 07 mars 2013 par le Président du tribunal de grande instance d'Arras et sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Douai le 28 novembre 2013 et motivé tel que suit : " L'acte de cession a ainsi été signé le 28 octobre 2013, avec condition résolutoire de non-application de la clause résolutoire résultant du bail reçu par Maître U.... Cet acte n'était pas à la connaissance de la société GMDP qui en prend connaissance à l'occasion d'une sommation de communiquer, faite à Maître Y.... La somme visée au commandement, de 19.760,68 €, n'a pas été payée dans le délai de trois mois suivant la signature de l'acte de cession lequel délai expirait le 29 janvier 2014. En conséquence et par application des décisions de justice susvisées, la clause résolutoire a repris plein effet et Maître Y... ou tout occupant de son chef sont tenus à quitter les lieux " ; qu'il ressort de la lecture combinée de l'ordonnance rendue en première instance et de l'arrêt rendu par la Cour d'appel que le premier délai de trois mois a couru à compter du 28 octobre 2013 et devait expirer le 28 décembre 2013. Dans ce délai, force est de constater que la cession a été régularisée au bénéfice de M. M.... Un délai supplémentaire de trois mois, expirant le 28 mars 2014 a été octroyé par le juge des référés au mandataire liquidateur pour payer les loyers impayés. Or, à cette date, l'arriéré n'a pas été payé ; que, certes, la cour d'appel de Douai a conditionné la libération des fonds entre les mains de Maître Y... à "l'issue des procédures judiciaires en cours " ; que toutefois, seules sont concernées à ce titre, tel que cela figure explicitement au dispositif de la décision page 5, 3ème paragraphe " les procédures judiciaires frappées de pourvoi ", à savoir les recours formés à l'encontre des deux arrêts de la Cour d'appel de Douai rendus le 20 décembre 2012, rejetés les 29 avril 2014 et 19 mai 2015 ; qu'au demeurant, l'instance engagée par Maître Y... devant le tribunal de grande instance d'Arras à l'encontre de la SCI GMDP tendant à obtenir des dommages et intérêts d'un montant de 70.000 euros, correspondant à la différence entre le prix payé par M. M... et l'engagement initial, ne peut pas correspondre à l'une des procédures en cours visée par la cour d'appel de Douai, ayant été engagée postérieurement à la date de l'arrêt ; que, dès lors, l'arriéré de loyers aurait dû être payé à compter du 19 mai 2015 ; que, dans ces conditions, les motifs repris à l'appui du commandement de quitter les lieux sont valides en ce qu'ils conduisent à constater que la clause résolutoire a valablement repris son effet ; que la demande tendant à son annulation sera rejetée (jugement, p. 4) ; ALORS QUE dans le cadre d'une procédure collective, la compensation légale peut être invoquée pour le paiement de créances réciproques nées postérieurement à l'ouverture de cette procédure ; qu'en l'espèce, M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme B..., et M. M..., cessionnaire du bail commercial dont cette dernière était titulaire, faisaient valoir que les causes du commandement de payer délivré à M. Y... par le bailleur, la SCI GMDP, à hauteur de 19.760,68 €, avaient été réglées par compensation légale avec les sommes dues par la SCI, à hauteur de 20.709,99 €, le 15 mai 2015, soit avant l'expiration du délai imparti pour régler les sommes dues à la SCI avant que la clause résolutoire ne retrouve son effet (concl., p. 10) ; que la cour d'appel a considéré que la compensation légale ne pouvait pas être invoquée pour faire échec à l'expulsion de M. M..., au motif que « la compensation légale ne joue pas lorsque les créances ne sont pas exigibles avant le prononcé de la liquidation judiciaire, étant observé au surplus que sont des créances connexes celles qui sont issues de l'exécution ou de l'inexécution d'un même contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce » (arrêt, p. 6 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les créances en cause étaient toutes deux postérieures à l'ouverture de la liquidation judiciaire, de sorte qu'elles pouvaient faire l'objet d'une compensation légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1347 du code civil, anciennement l'article 1290 du même code, des articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce et de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Il résulte de la combinaison des articles L. 641-3 et L 622-7 du code de commerce, et de l'article 1290 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 que des créances nées régulièrement après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et payables à leur échéance, si elles remplissent les conditions du premier des textes susvisés, peuvent faire l'objet d'une compensation légale
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juillet 2020 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 355 F-P+B Pourvoi n° X 19-10.331 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020 La société Crédit coopératif, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 19-10.331 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre A), dans le litige l'opposant à la société BRMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur judiciaire de l'association la Principauté, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Crédit coopératif, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société BRMJ, en qualité de liquidateur judiciaire de l'association la Principauté, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 décembre 2017, pourvoi n° 16-21.265), l'association la Principauté (l'association) a été mise en redressement judiciaire le 1er septembre 2009, M. R... étant désigné mandataire judiciaire. La société Crédit coopératif (la banque) a déclaré plusieurs créances à titre hypothécaire, relatives à des prêts, pour des sommes globales représentant le capital restant dû et les intérêts contractuels, le taux de l'intérêt ainsi que la durée de chacun des prêts étant précisés. Par ordonnance du 31 août 2010, le juge-commissaire a admis les créances de la banque à titre privilégié pour les montants déclarés. 2. L'association ayant été mise en liquidation judiciaire après adoption d'un plan de cession par un jugement du 15 octobre 2010, le liquidateur a, le 21 juillet 2011, procédé au paiement des créances privilégiées et a demandé à la banque d'actualiser ses créances en ce qui concerne les intérêts. 3. Par lettre du 16 octobre 2013, la banque a communiqué au liquidateur le détail de ses créances en distinguant les intérêts ayant couru depuis le jugement d'ouverture du redressement judiciaire jusqu'au jour du paiement du principal intervenu le 21 juillet 2011. Faisant valoir que ce décompte mettait en évidence l'existence d'un trop-perçu par la banque, le liquidateur a, par un acte du 21 juillet 2014, assigné celle-ci en remboursement de la somme de 373 616,85 euros. Examen du moyen unique Sur le moyen Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt confirmant le jugement, de faire droit à la demande du liquidateur alors « que le paiement effectué en exécution d'une décision de justice irrévocable, telle l'ordonnance d'un juge commissaire admettant définitivement les créances déclarées par un créancier, tant en ce qui concerne le principal que les intérêts, ne peut donner lieu à répétition ; qu'en considérant que M. R..., ès qualités, aurait été bien fondé à demander le remboursement du trop-perçu d'intérêts contractuels, après avoir constaté que le mandataire avait réglé le montant des créances déclarées par l'exposante telles qu'elles avaient été admises par une ordonnance irrévocable du juge commissaire, c'est-à-dire en exécution d'une décision de justice revêtue de l'autorité de chose irrévocablement jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce et l'article 1376 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 5. Le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de l'ouverture de la procédure collective. C'est donc à cette date que le juge-commissaire qui admet une créance d'intérêts dont le cours n'est pas arrêté doit se placer pour déterminer, soit les modalités de calcul des intérêts, soit leur montant, si celui-ci peut être calculé, sans qu'il ait, au moment de l'admission, à tenir compte d'événements postérieurs pouvant influer sur le cours des intérêts à échoir. 6. Mais c'est à bon droit que l'arrêt retient que, l'admission de la créance déclarée étant distincte de son règlement, le paiement du capital de la créance, qui s'opérera ensuite en fonction des fonds dont disposera le mandataire judiciaire ou le liquidateur, aura pour effet d'arrêter le cours des intérêts non encore échus à la date de ce paiement. 7. Ayant relevé que le cours des intérêts à échoir avait été arrêté par suite du paiement intervenu le 21 juillet 2011, la cour d'appel en a exactement déduit que seul le montant des intérêts ayant couru jusqu'à cette date devait être réglé par le liquidateur et que le trop versé, représentant les intérêts courus jusqu'au terme des prêts, devait lui être restitué. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Crédit coopératif aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Crédit coopératif et la condamne à payer à la société BRMJ, en qualité de liquidateur de l'association la Principauté, la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit coopératif. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société coopérative anonyme de banque populaire à capital variable Crédit Coopératif à payer à M. I... R... ès qualités de mandataire liquidateur de l'association La Principauté la somme de 373.616,85 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2013 ; aux motifs propres que «le Crédit Coopératif a déclaré le 29 octobre 2009 les créances suivantes au passif de l'association la Principauté : à titre chirographaire une somme de 383.357,12 € au titre de soldes débiteurs de trois comptes courants (241.028,36 € + 69.436,86 € + 72.891,90 €) ; à titre privilégié hypothécaire et gagiste, à échoir, au titre d'un concours de 300.000 € en deux tranches, la tranche au taux fixe de 5 % l'an (tranche 2 crédit confirmé par billets de 100.000 €). * 21.428,75 € au titre du capital restant dû au 1er septembre 2009, * 446,43 € intérêts contractuels au taux de 5 % du 20 septembre 2009 au 20 mai 2010, sous réserve de l'application de l'article 12 du contrat de prêt en cas de déchéance du terme, intérêts au taux de 8 % l'an et indemnité de résiliation de 5 %, soit : 21.875,18 € ; à titre privilégié hypothécaire et gagiste, à échoir, au titre d'un prêt à long terme n° [...]20 de 304.898,03 € en date du 11 octobre 2001 modifié par avenants, au taux fixe de 6,10 % l'an, * 150.642,03 € au titre du capital restant dû au 1er septembre 2009, * 67.004,22 € au titre des intérêts contractuels au taux de 6,10 % du 29 septembre 2009 au 29 février 2024, * sous réserve de l'application de l'article 12 du contrat de prêt en cas de déchéance du terme, intérêts au taux de 9,10 % l'an et indemnité de résiliation de 5 %, * soit : 217.646,25 €, à titre privilégié hypothécaire et gagiste, à échoir, au titre d'un concours de 250.000 € en deux tranches, la tranche 1 prêt à moyen terme n° [...]30 de 125.000 € en date du 11 février 2005, du 18 mars 2005 au 18 février 2012, au taux fixe de 4,30 % l'an, * 49.008,24 € : capital restant dû au 1er septembre 2009, * 2.769,36 € : intérêts contractuels au taux de 4,30 % du 18/09/09 au 18/02/2012, * sous réserve de l'application de l'article 12 du contrat de prêt en cas de déchéance du terme, intérêts au taux de 7,30 % l'an et indemnité de résiliation de 5 %, soit : 51.777,60 €, à titre privilégié hypothécaire et gagiste, à échoir, au titre d'un prêt à moyen terme n° [...]40 de 700.000 € en date du 26/01/2007, du 28/02/2007 au 31/01/2010, au taux fixe de 4,32 % l'an, * 700.000 € : capital restant dû au 1er septembre 2009, * 12.600 € : intérêts contractuels au taux de 4,32 % du 31/09/09 au 31/01/2010, * sous réserve de l'application de l'article 12 du contrat de prêt en cas de déchéance du terme, intérêts au taux de 7,32 % l'an et indemnité de résiliation de 5 %, soit 712.600 €, à titre privilégié hypothécaire et gagiste, à échoir, au titre d'un prêt à long terme 7 sur 17 n° [...]60 de 2.683.102,70 € en date du 19/03/1998 modifié par avenant au taux fixe de 5,95 % l'an, * 959.100,13 € : capital restant dû au 1er septembre 2009, * 474.731,21 € : intérêts contractuels au taux de 5,95 % l'an du 6/09/09 au 6/03/18, * sous réserve de l'application de l'article 12 du contrat de prêt en cas de déchéance du terme, intérêts au taux de 8,95 % l'an et indemnité de résiliation de 5 %, soit 1.433.831,34 % ; ces créances ont été déclarées conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 622-25 du code de commerce selon lesquelles « la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie » ; par ordonnance du 31 août 2010, le juge-commissaire a admis définitivement au passif du redressement judiciaire de l'association La Principauté les créances précitées, non contestées, outre intérêts ; le 15 octobre 2010 l'association a été placée en liquidation judiciaire ; le Crédit Coopératif, suite à la vente des immeubles sur lesquels il avait pris des inscriptions hypothécaires, a été colloqué pour les montants des différentes créances déclarées et admises au passif de la procédure collective, ces sommes lui étant réglées par le mandataire judiciaire le 21 juillet 2011 ; sur demande de Me R... ès qualités, le créancier par courrier du 16 octobre 2013 a décompté les intérêts courus du jour du jugement d'ouverture jusqu'au paiement intervenu le 21 juillet 2011 concernant les prêts accordés à l'association comme suit : - prêt n° [...]90 1.963,81 €, - prêt n° [...]30 3.972,22 €, - prêt n° [...]40 54.597,70 €, - prêt n° [...]20 16.616,02 €, - prêt n° [...]06 106.784,63 € ; en réponse Me R... ès qualités a précisé avoir réglé au Crédit Coopératif : - pour le prêt n° [...]90 la somme de 21.875,18 € (21.428,75 € capital + 446,43 € intérêts), soit au regard de l'actualisation opérée des intérêts au 21 juillet 2011, une différence en faveur de la banque de 1.517,38 €, - pour le prêt n° [...]30, la somme de 51.777,60 € (49.008,24 € capital + 2.769,36 intérêts contractuels), soit au regard de l'actualisation opérée des intérêts au 21 juillet 2011, une différence en faveur de la banque de 1.202,86 €, - pour le prêt n° [...]40, la somme de 712.600 € (700.000 € capital + 12.600 € intérêts contractuels), soit au regard de l'actualisation opérée des intérêts au 21 juillet 2011, une différence en faveur de la banque de 41.997,70 €, - pour le prêt n° [...]20, la somme de 217.646,25 € (150.642,03 € capital + 67.004,22 € intérêts contractuels), soit au regard de l'actualisation opérée des intérêts au 21 juillet 2011 un trop-perçu par la banque de 50.388,20 € au titre des intérêts (67.004,22 € - 16.616,02 €), - pour le prêt n° [...]06, la somme de 1.433.831,34 € (959.100,13 € capital + 474.731,21 € intérêts contractuels) soit au regard de l'actualisation opérée des intérêts au 21 juillet 2011 un trop-perçu d'intérêts par la banque de 367.946,58 € (474.731,21 € - 106.784,63 €) ; le mandataire judiciaire a réclamé au Crédit Coopératif le remboursement du trop-perçu ressortant à 373.616,85 € (367.946,58 € + 50.388,20 € - 41.997,70 € - 1.202,86 € - 1.517,38 €) ; les créances déclarées à titre privilégié hypothécaire, à échoir, ont été définitivement admises pour les montants déclarés, soit le capital restant dû à la date du jugement d'ouverture, augmenté des intérêts conventionnels dus à compter de cette date jusqu'au terme contractuel de chacun des prêts ; le périmètre maximum des créances existantes au jour de l'ouverture de la procédure collective a ainsi été fixé, sans que cette admission ne fasse obstacle à la prise en compte d'un événement survenant postérieurement entraînant en tout ou partie leur extinction ; par ailleurs leur admission définitive pour les montants déclarés n'a pas pour autant rendu exigibles les créances à échoir ; la déchéance du terme résultant du prononcé de la liquidation judiciaire de l'association n'a pu rendre exigibles les créances éventuelles d'intérêts contractuels courant de la date du paiement effectif du créancier jusqu'au terme des contrats de prêts initiaux, alors que les paiements effectués par le liquidateur judiciaire le 21 juillet 2011 ont eu 8 sur 17 pour effet d'éteindre la dette du Crédit Coopératif ; les premiers juges ont dès lors considéré à bon droit que les intérêts des prêts avaient cessé de courir à compter de cette date, ce que la banque a d'ailleurs admis dans son décompte du 16 octobre 2013 en arrêtant le cours des intérêts pour tous ces prêts au 21 juillet 2011 ; au jour du paiement un décompte devait être établi par les parties des sommes effectivement dues par l'association La Principauté au Crédit Coopératif en exécution des ordonnances d'admission ; le Crédit Coopératif ne pouvait prétendre qu'aux seuls intérêts contractuels échus, conservés par l'admission des créances déclarées, courus de l'ouverture de la procédure collective jusqu'à la date du paiement ; Me R... ès qualités de liquidateur judiciaire de l'association La Principauté est recevable et bien-fondé à demander le remboursement du trop-perçu d'intérêts contractuels en application de l'article 1376 ancien du code civil ; le décompte du liquidateur judiciaire chiffrant son montant à 373.616,85 € n'est pas contesté et résulte des décomptes produits » ; et aux motifs présumés adoptés que «sur le bien-fondé de la demande en remboursement aux termes de l'article 1376 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. Il est soutenu par la défenderesse que le paiement fait par erreur n'ouvre pas droit à répétition dès lors que le créancier n'a reçu que ce que lui devait son débiteur et qu'en l'occurrence le paiement intervenu était incontestablement causé suite à l'admission définitive de ses créances. Ce moyen nécessite d'examiner le contenu des déclarations de créances versées aux débats. Il ressort de ces pièces que le Crédit Coopératif a notamment déclaré : - au titre du prêt n° [...]20 d'un montant de 304.898,03 € une créance comprenant le capital restant dû, soit 150.642,03 € et les intérêts contractuels au taux de 6,10 % du 29 septembre 2009 au 29 février 2024, soit 67.004,22 €, - pour le prêt n° [...]60 d'un montant de 2.683.102,70 €, le capital restant dû soit 959.100,13 € et les intérêts contractuels au taux de 5,95 % du 6 septembre 2009 au 6 mars 2018, soit 474.731,21 €. Il est constant en l'état de l'ordonnance d'admission définitive du 31 août 2010 et de la notification du 10 septembre 2010 que la créance du Crédit Coopératif a été admise : - à titre hypothécaire pour les montants de 712.600 € dont gage pour 7.015 € outre intérêts, 217.646,25 € dont gage pour 3.048,98 € outre intérêts, 1.433.831,34 € dont gage pour 26.831,03 € outre intérêts, 21.875,18 € dont gage pour 3.019,50 € outre intérêts, 636.872,69 € dont gage pour 7.015 € outre intérêts, 51.777,60 € dont gage pour 1.250,50 € outre intérêts, - à titre chirographaire pour les montants de 231.402,13 €, 69.436,86 €, 72.891,90 €. Le mandataire a réglé le 21 juillet 2011 à la banque ce qui n'est pas discuté par la défenderesse, au titre des créances hypothécaires les sommes de : - 712.600 € au titre du prêt n° [...]40, - 217.646,25 € au titre du prêt [...]20, - 1.433.831,34 € + 21.875,18 € + 51.777,60 € au titre des prêts n° [...]60, [...]30. Il a été demandé au créancier de bien vouloir procéder à l'actualisation des créances. Par courrier du 16 octobre 2013, le Crédit Coopératif a communiqué le décompte des sommes dues qui fait apparaître : - pour le prêt numéro [...]20, un capital restant dû de 150.642,03 € et les intérêts du 29 septembre 2009 au 21 juillet 2011 soit 16.616,02 € au lieu des 67.004,22 € déclarés initialement, alors que le mandataire a réglé pour ce prêt la somme de 217.146,25 € en principal de sorte qu'il existe un trop-perçu de 50.388,20 €, - au titre du prêt numéro [...]60, le capital restant dû au 1er septembre 2009 soit 959.100,13 € avec intérêts du 6 septembre 2009 au 21 juillet 2011, soit 106.784,63 €. Dès lors qu'il a été adressé la somme de 1.433.831,34 €, il existe un trop-perçu de 367.946,58 €. Il ressort de cette analyse que le créancier ne peut contester la nécessité d'actualiser sa créance au niveau des intérêts qui ne peuvent être réclamés pour la période 9 sur 17 postérieure au règlement de sa créance. Les intérêts ne peuvent être dus en effet que jusqu'à l'extinction de la dette. Le paiement intervenu le 21 juillet 2011 a pour effet d'éteindre la dette de sorte que les intérêts du prêt cessent de courir à compter de cette date ce que le Crédit Coopératif a d'ailleurs admis à l'examen de son propre décompte du 16 octobre 2013. L'admission de la déclaration de créance doit être distinguée du règlement qui s'opère en fonction des fonds dont dispose le mandataire. La défenderesse invoque dès lors vainement le caractère définitif des états de collocation en opérant une confusion entre l'admission et le règlement, étant souligné à nouveau qu'elle a elle-même procédé selon son propre décompte au calcul parfaitement exact des sommes qui lui étaient réellement dues pour l'ensemble des prêts. La circonstance qu'elle ait pu recevoir en toute bonne foi le règlement des créances telles qu'elles avaient été admises est inopérante pour apprécier le bien-fondé de l'action en remboursement de l'indu. Elle ne peut pas davantage prétendre qu'elle a reçu ce que lui devait son débiteur au regard des motifs retenus ci-avant, étant relevé que pour les prêts n° [...]40, n° [...]30 et n° [...]90 elle a reçu respectivement les sommes de 712.600 € alors qu'il lui était dû 754.597,70 €, 51.777,60 € alors qu'il lui était dû 52.980,46 € et 21.875,18 € alors qu'il lui était dû 23.392,56 €. Il est démontré que le Crédit Coopératif a bien reçu des sommes indues dès lors qu'il ne peut prétendre au règlement des intérêts des prêts pour la période postérieure au règlement de sa créance. Il s'ensuit qu'il sera fait droit à la demande, le montant exactement réclamé au vu de la mise en demeure adressée par le mandataire le 23 octobre 2013 tendant compte de l'actualisation des autres prêts. La Sa Crédit Coopératif sera donc condamnée à payer à Me R... ès qualités de mandataire liquidateur de l'association La Principauté la somme de 373.616,85 €. Les intérêts peuvent être réclamés au taux légal à compter de la mise en demeure soit le 23 octobre 2013» ; alors que le paiement effectué en exécution d'une décision de justice irrévocable, telle l'ordonnance d'un juge commissaire admettant définitivement les créances déclarées par un créancier, tant en ce qui concerne le principal que les intérêts, ne peut donner lieu à répétition ; qu'en considérant que M. R..., ès qualités, aurait été bien fondé à demander le remboursement du trop-perçu d'intérêts contractuels, après avoir constaté que le mandataire avait réglé le montant des créances déclarées par l'exposante telles qu'elles avaient été admises par une ordonnance irrévocable du juge commissaire, c'est-à-dire en exécution d'une décision de justice revêtue de l'autorité de chose irrévocablement jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce et l'article 1376 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de l'ouverture de la procédure collective. C'est donc à cette date que le juge-commissaire qui admet une créance d'intérêts dont le cours n'est pas arrêté doit se placer pour déterminer, soit les modalités de calcul des intérêts, soit leur montant, si celui-ci peut être calculé, sans qu'il ait, au moment de l'admission, à tenir compte d'événements postérieurs pouvant influer sur le cours des intérêts à échoir. Mais l'admission de la créance déclarée étant distincte de son règlement, le paiement du capital de la créance, qui s'opérera ensuite en fonction des fonds dont disposera le mandataire judiciaire ou le liquidateur, aura pour effet d'arrêter le cours des intérêts non encore échus à la date de ce paiement. Ayant relevé que le cours des intérêts à échoir avait été arrêté par suite d'un paiement, la cour d'appel en a exactement déduit que seul le montant des intérêts ayant couru jusqu'à la date de ce paiement devait être réglé par le liquidateur et que le trop versé, représentant les intérêts courus jusqu'au terme des prêts, devait lui être restitué
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juillet 2020 Cassation partielle M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 362 F-P+B Pourvoi n° V 19-11.134 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020 La société Le Mobilum, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-11.134 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme H... J..., domiciliée [...] , prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Mobilum, 2°/ à la société Martinique automobiles, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , 3°/ à la société Sperone 2006 B, société en nom collectif, dont le siège est [...] , 4°/ à la société BNP Paribas Antilles-Guyane, dont le siège est [...] , anciennement dénommée BNP Paribas Martinique, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Mobilum, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Martinique automobiles, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société BNP Paribas Antilles-Guyane, de la SCP Richard, avocat de la société Sperone 2006 B, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 11 septembre 2018), la société Le Mobilum a passé commande, le 21 décembre 2006, d'un camion à la société Martinique Automobile SN. Le camion a été acheté par la SNC Sperone 2006 B (la société Sperone) qui a souscrit à cet effet un prêt professionnel auprès de la société BNP Paribas Martinique (la banque). Le véhicule a été livré, le 28 décembre 2006, à la société Le Mobilum qui avait, le 26 décembre précédent, conclu avec la société Sperone un contrat de location d'une durée de cinq ans, assorti d'une promesse d'achat irrévocable au terme de la location. 2. Invoquant des désordres du châssis ayant entraîné l'immobilisation du camion, la société Le Mobilum a assigné la société Martinique Automobile SN, la société Sperone et la banque aux fins d'annulation ou de résolution du contrat de vente et des contrats liés à celui-ci. Par un jugement du 15 décembre 2015, le tribunal a, notamment, rejeté les demandes de résolution du contrat de vente et des contrats subséquents, rejeté les demandes de restitution et d'indemnisations subséquentes à la demande de résolution, et condamné la société Le Mobilum à payer à la banque la somme de 26 130,15 euros avec intérêts au taux légal, au titre d'un acte de délégation imparfaite du 12 avril 2007 par lequel la société Le Mobilum s'était engagée à rembourser le prêt, à la société Sperone la somme de 4 053,56 euros représentant la TVA et les frais bancaires relatifs au prêt. La société Le Mobilum a fait appel du jugement et les sociétés Sperone et Martinique Automobiles SN en ont relevé appel incident. 3. Au cours de l'instance d'appel, par un jugement du 8 novembre 2016, la société Le Mobilum a été mise en liquidation judiciaire, la SCP BR & Associés, en la personne de Mme J..., étant désignée liquidateur. Cette société, assignée en reprise d'instance, n'a pas comparu. Examen de la recevabilité du pourvoi 4. La société Sperone soulève l'irrecevabilité du pourvoi formé par la société Le Mobilum aux motifs qu'elle est dessaisie de l'administration de ses biens et qu'elle n'est pas recevable à se pourvoir en cassation sans l'assistance de son liquidateur. 5. Mais un débiteur peut toujours exercer seul, pourvu qu'il le fasse contre le liquidateur ou en sa présence, les voies de recours contre une décision qui l'a déclaré irrecevable à agir s'il prétend que la nature ou la portée des règles relatives au dessaisissement ont été violées. De même, il peut toujours contester seul les conditions dans lesquelles un appel, qu'il a formé, a été déclaré non soutenu s'il prétend avoir été victime de la violation des mêmes règles. 6. Le pourvoi formé par la société Le Mobilum, seule, est donc recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société Le Mobilum fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant rejeté ses demandes de résolution du contrat de vente et des contrats subséquents et de rejeter ses demandes de restitution et d'indemnisations subséquentes alors : « 1°/ que l'instance est interrompue par l'effet d'une procédure de liquidation judiciaire et qu'elle reprend son cours après citation du liquidateur ; que si le liquidateur cité en reprise d'instance ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; que la cour d'appel est tenue d'examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'était déterminé ; que la cour d'appel a constaté qu'après que la société Le Mobilum a fait appel et les parties déposé leurs conclusions, la société Mobilum a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'elle a constaté que l'instance avait été interrompue puis reprise par l'assignation délivrée au liquidateur le 5 octobre 2017, en l'état où elle se trouvait à la date de son interruption ; qu'elle a relevé que le liquidateur n'avait pas comparu ; qu'en énonçant cependant, pour dire qu'il y avait lieu de faire droit à la demande de confirmation des intimés, qu'à défaut de conclusions émanant du liquidateur, l'appel n'était pas soutenu et qu'elle n'était saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par l'appelante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 375 et 472 du code de procédure civile ; 2°/ que l'instance est interrompue par l'effet d'une procédure de liquidation judiciaire et qu'elle reprend son cours après citation du liquidateur ; que si le liquidateur cité en reprise d'instance ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; que la cour d'appel est tenue d'examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé ; qu'en se bornant à dire qu'il y avait lieu de faire droit, par adoption des motifs pertinents des premiers juges, à la demande de confirmation du jugement faite par les intimés, sans examiner au vu des moyens d'appel la pertinence des motifs par lesquels les juges avaient débouté la société Le Mobilum de ses demande de résolution du contrat de vente et des contrats subséquents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 375 et 472 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel, après avoir énoncé qu'en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce posant le principe du dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, seul le liquidateur était habilité à poursuivre l'instance introduite par le débiteur avant le jugement prononçant sa liquidation judiciaire, et constaté que le liquidateur, cité en reprise d'instance, n'avait pas comparu, a exactement retenu, sans avoir en prendre en considération les écritures de la société Le Mobilum, qu'à défaut de conclusions du liquidateur, l'appel n'était plus soutenu, qu'elle n'était plus saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par la société Le Mobilum relatifs à la résolution des contrats et qu'il y avait lieu de faire droit, par adoption des motifs pertinents des premiers juges, aux demandes de confirmation des chefs du jugement critiqués par le moyen présentées par les intimés. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. La société Le Mobilum fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement l'ayant condamnée à payer à la banque la somme de 26 130,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et à la société Sperone la somme de 4 053,56 euros alors « que lorsqu'une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation ; que la cour d'appel a constaté que la société Le Mobilum a relevé appel, le 18 février 2016 du jugement la condamnant au paiement des sommes de 26 130,15 euros et de 4 053,56 euros, avant d'être mise en liquidation judiciaire le 8 novembre 2016, tandis que son liquidateur, assigné aux fins de reprise d'instance le 5 octobre 2017 en cause d'appel, n'avait pas comparu ; qu'il se déduisait de ces constatations que la société Le Mobilum avait un droit propre à demander l'infirmation des chefs du jugement portant condamnation à paiement, peu important l'absence de constitution de son liquidateur appelé en la cause ; qu'en énonçant, pour dire qu'il y avait lieu de faire droit à la demande de confirmation des intimés, qu'à défaut de conclusions émanant du liquidateur, l'appel n'était pas soutenu et qu'elle n'était saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par l'appelante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 375 et 472 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 641-9 du code de commerce : 11. Après avoir constaté que l'appel n'était plus soutenu, la cour d'appel a confirmé par adoption des motifs pertinents du jugement la condamnation de la société Le Mobilum à payer à la banque la somme de 26 130,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et retenu qu'en vertu des articles 375 et 472 du code de procédure civile, l'appel incident de la société Sperone développé dans des conclusions régulièrement déposées et communiquées avant l'interruption de l'instance puis contradictoirement signifiées au liquidateur restait recevable et devait être examiné au fond et que c'était à juste titre que les premiers juges avaient considéré que le surplus de la demande de la société Sperone n'était pas justifié. 12. En statuant ainsi, alors que le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur, conserve le droit propre d'exercer un recours contre les décisions fixant, après reprise d'une instance en cours lors du jugement d'ouverture, une créance à son passif ou le condamnant à payer un créancier, la cour d'appel, qui était saisie des moyens d'infirmation du jugement opposés par la société Le Mobilum à la société Sperone et à la banque qu'elle devait examiner, a violé, par fausse application, le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société Le Mobilum à payer à la société BNP Paribas Martinique la somme de 26 130,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et à la société Sperone 2006 B la somme de 4 053,56 euros, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ; Met hors de cause, à sa demande, la société Martinique Automobiles SN dont la présence devant la cour de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ; Condamne la société Sperone 2006 B et la société BNP Paribas Antilles-Guyane aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société BNP Paribas Antilles-Guyane, la société Martinique Automobiles SN et la société Sperone 2006 B ; condamne la société BNP Paribas Antilles-Guyane et la société Sperone 2006 B à payer à la société Le Mobilum la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Le Mobilum. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Le Mobilum de ses demandes visant à la résolution du contrat de vente du camion immatriculé [...] de marque Renault de type Kerax 420.26 signé entre la société Martinique Automobiles SN et la société Sperone 2006 B, ainsi que de ses demandes de résolution des contrats subséquents et d'AVOIR rejeté les demandes de restitution et d'indemnisations subséquentes à la demande de résolution ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'instance a été interrompue de plein droit par l'effet du jugement de liquidation judiciaire de la Sarl Le Mobilum en date du 8 novembre 2016 par application de l'article 369 du code de procédure civile ; qu'elle a repris son cours par l'assignation délivrée au liquidateur le 5 octobre 2017, en l'état, selon l'article 374, où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue ; que valablement cité en reprise d'instance, le liquidateur de la Sarl Le Mobilum n'a pas comparu ; qu'il est pourtant, en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce posant le principe du dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, seul habilité à poursuivre l'instance introduite par celui-ci avant le jugement de liquidation ; qu'il en résulte, à défaut de conclusions émanant du liquidateur, que l'appel n'est plus soutenu et que la cour n'est plus saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par l'appelant principal ; qu'il y a donc lieu de faire droit, par adoption des motifs pertinents des premiers juges, à la demande de confirmation des intimés ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort du rapport de M. A... que la transformation du véhicule en cause (modification du châssis et adaptation des installations) a été réalisée par la société [...], qui a procédé à un raccourcissement du châssis dans l'empattement de 5000 mm à 3850 mm ; que l'expert estime que cette transformation a fragilisé le châssis et conduit aux désordres ; qu'il ajoute que les documents précontractuels destinés à la société Mobilum ne faisait pas état de cette transformation, ce qui n'a pas laissé la possibilité à l'acheteur de refuser l'achat ou d'en négocier le prix ; de son côté, M. A..., n'a noté aucune anomalie sur la commande et la livraison à la société demanderesse du camion ; qu'en premier lieu, les pièces produites viennent contredire l'affirmation de la société Mobilum selon laquelle, elle n'aurait pas été informée de l'existence de la transformation du véhicule au moment de la signature du contrat ; qu'en effet et alors qu'elle n'a pas elle-même signé de contrat de vente avec la société Martinique Automobiles SN, elle a en revanche bien réceptionné ledit véhicule le 28 décembre 2006 et a été destinataire à cette occasion de l'attestation de transformation du châssis, la société demanderesse ne justifiant de l'émission d'aucune réserve ; qu'en outre, il est également admis que la société Mobilum a sollicité de la direction régionale de l'industrie de la recherche et de l'environnement la délivrance d'un procès-verbal de réception à titre isolé (délivré le 9 mai 2007), ce qui implique qu'elle était parfaitement au fait de la situation du véhicule et des démarches à effectuer avant d'obtenir un certificat d'immatriculation ; que dans ces conditions et alors que dans tous les cas, la défaillance du vendeur dans son obligation de renseignement ne constitue pas en soi un dol, il apparaît que le demandeur ne justifie pas du non-respect de ses obligations de renseignement et de sécurité par la société Martinique Automobile SN ; que pour le reste, la société demanderesse, qui procède uniquement par affirmation, ne rapporte pas la preuve de l'existence de quelconques manoeuvres de la part de la société Martinique Automobiles SN qui pourraient par ailleurs témoigner de la réalité d'un comportement dolosif de celle-ci ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande d'annulation de la vente pour dol sera rejetée ; qu'aux termes de l'article 1641, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'il est admis qu'il appartient à l'acquéreur d'établir que le bien acheté souffrait d'un défaut caché inhérent à la chose au moment de la vente ; qu'il convient d'abord de rappeler que la transformation du châssis a été réalisée par la société [...] qui précise dans une attestation jointe au rapport de Monsieur que "ces travaux ont été exécutés par coupe du châssis dans l'empattement et par soudure. Le renforcement de l'empattement a été fait par adjonction de goussets droits des soudures. De même, cette société a pu indiquer que les parties du camion ainsi modifiée pouvait supporter un poids de 26000 kg ; qu'il n'est pas contesté que la transformation et la modification de poids lourds et notamment des châssis sont des interventions courantes pour répondre aux besoins de clients professionnels ; que M. A... estime pourtant que cette modification du châssis constitue l'origine causale des désordres dénoncées par la société Mobilum, la transformation ayant fragilisé le châssis du véhicule, alors que les conditions d'utilisation de celui-ci en Martinique aurait seulement constitué un facteur aggravant ; qu'il indique notamment que la cassure du longeron droit du châssis se situe au niveau de la partie avant de la plaque de renfort posée par la société [...] et qu'une amorce de cassure est aussi visible au niveau de la partie avant de la plaque de renfort ; que dans son rapport, M. E... pointe au contraire exclusivement la responsabilité de l'utilisateur du véhicule en cause ; qu'il précise que "l'entretien comme l'utilisation du véhicule présente des manquements néfastes pour la durée de vie du camion (..) la responsabilité de l'utilisateur est fortement engagée dans la survenance des désordres présents sur le matériel" ; qu'il fait état d'interventions de tiers qui auraient réalisées sur le véhicule, évoquant notamment l'assemblage châssis/faux châssis défaillant en raison du remplacement de plusieurs vis et écrous, ce que n'a pas contesté la société Mobilum lors d'une des réunions d'expertise ; qu'en définitive, aucun des rapports communiqués par les parties n'établit une démonstration technique imparable des causes des désordres évoqués, chacun se contentant d'une explication unique dans un sens favorable au client qui l'a mandaté ; que dans tous les cas et sans qu'il y ait besoin de recourir à une expertise judiciaire, l'ensemble de ces éléments ne sont pas suffisants pour permettre la remise en cause de la vente sur le fondement précité ; qu'il faut en effet relever que la société Mobilum a circulé avec son véhicule plus de 50.000 kilomètres sur une période de trois ans et demi, sans justifier du respect des préconisations en termes de visites de contrôle, de sorte que l'acquéreur ne fait pas la preuve d'un vice ayant rendu le véhicule impropre à son usage, ou en ayant diminué l'usage ; qu'en conséquence, la société demanderesse sera déboutée de sa demande d'annulation de la vente pour vices cachés ; que par voie de conséquence, les demandes de restitution du prix et d'indemnisations présentées par suite des demandes de résolution de la vente n'ont pas lieu d'être retenues, tout comme la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 1/ ALORS QUE l'instance est interrompue par l'effet d'une procédure de liquidation judiciaire et qu'elle reprend son cours après citation du liquidateur ; que si le liquidateur cité en reprise d'instance ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; que la cour d'appel est tenue d'examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'était déterminé ; que la cour d'appel a constaté qu'après que la société Le Mobilum a fait appel et les parties déposées leurs conclusions, la société Mobilum a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'elle a constaté que l'instance avait été interrompue puis reprise par l'assignation délivrée au liquidateur le 5 octobre 2017, en l'état où elle se trouvait à la date de son interruption ; qu'elle a relevé que le liquidateur n'avait pas comparu ; qu'en énonçant cependant, pour dire qu'il y avait lieu de faire droit à la demande de confirmation des intimés, qu'à défaut de conclusions émanant du liquidateur, l'appel n'était pas soutenu et qu'elle n'était saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par l'appelante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 375 et 472 du code de procédure civile ; 2/ ALORS subsidiairement QUE l'instance est interrompue par l'effet d'une procédure de liquidation judiciaire et qu'elle reprend son cours après citation du liquidateur ; que si le liquidateur cité en reprise d'instance ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; que la cour d'appel est tenue d'examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé ; qu'en se bornant à dire qu'il y avait lieu de faire droit, par adoption des motifs pertinents des premiers juges, à la demande de confirmation du jugement faite par les intimés, sans examiner au vu des moyens d'appel la pertinence des motifs par lesquels les juges avaient débouté la société Le Mobilum de ses demande de résolution du contrat de vente et des contrats subséquents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 375 et 472 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Le Mobilum à régler à BNP Paribas Martinique la somme de 26.130,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et d'AVOIR condamné la société Le Mobilum à régler à la société Sperone 2006 B la somme de 4.053,56 euros ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'instance a été interrompue de plein droit par l'effet du jugement de liquidation judiciaire de la Sarl Le Mobilum en date du 8 novembre 2016 par application de l'article 369 du code de procédure civile ; qu'elle a repris son cours par l'assignation délivrée au liquidateur le 5 octobre 2017, en l'état, selon l'article 374, où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue ; que valablement cité en reprise d'instance, le liquidateur de la Sarl Le Mobilum n'a pas comparu ; qu'il est pourtant, en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce posant le principe du dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, seul habilité à poursuivre l'instance introduite par celui-ci avant le jugement de liquidation ; qu'il en résulte, à défaut de conclusions émanant du liquidateur, que l'appel n'est plus soutenu et que la cour n'est plus saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par l'appelant principal ; qu'il y a donc lieu de faire droit, par adoption des motifs pertinents des premiers juges, à la demande de confirmation des intimés ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort du rapport de M. A... que la transformation du véhicule en cause (modification du châssis et adaptation des installations) a été réalisée par la société [...], qui a procédé à un raccourcissement du châssis dans l'empattement de 5000 mm à 3850 mm ; que l'expert estime que cette transformation a fragilisé le châssis et conduit aux désordres ; qu'il ajoute que les documents précontractuels destinés à la société Mobilum ne faisait pas état de cette transformation, ce qui n'a pas laissé la possibilité à l'acheteur de refuser l'achat ou d'en négocier le prix ; de son côté, M. A..., n'a noté aucune anomalie sur la commande et la livraison à la société demanderesse du camion ; qu'en premier lieu, les pièces produites viennent contredire l'affirmation de la société Mobilum selon laquelle, elle n'aurait pas été informée de l'existence de la transformation du véhicule au moment de la signature du contrat ; qu'en effet et alors qu'elle n'a pas elle-même signé de contrat de vente avec la société Martinique Automobiles SN, elle a en revanche bien réceptionné ledit véhicule le 28 décembre 2006 et a été destinataire à cette occasion de l'attestation de transformation du châssis, la société demanderesse ne justifiant de l'émission d'aucune réserve ; qu'en outre, il est également admis que la société Mobilum a sollicité de la direction régionale de l'industrie de la recherche et de l'environnement la délivrance d'un procès-verbal de réception à titre isolé (délivré le 9 mai 2007), ce qui implique qu'elle était parfaitement au fait de la situation du véhicule et des démarches à effectuer avant d'obtenir un certificat d'immatriculation ; que dans ces conditions et alors que dans tous les cas, la défaillance du vendeur dans son obligation de renseignement ne constitue pas en soi un dol, il apparaît que le demandeur ne justifie pas du non-respect de ses obligations de renseignement et de sécurité par la société Martinique Automobile SN ; que pour le reste, la société demanderesse, qui procède uniquement par affirmation, ne rapporte pas la preuve de l'existence de quelconques manoeuvres de la part de la société Martinique Automobiles SN qui pourraient par ailleurs témoigner de la réalité d'un comportement dolosif de celle-ci ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande d'annulation de la vente pour dol sera rejetée ; qu'aux termes de l'article 1641, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'il est admis qu'il appartient à l'acquéreur d'établir que le bien acheté souffrait d'un défaut caché inhérent à la chose au moment de la vente ; qu'il convient d'abord de rappeler que la transformation du châssis a été réalisée par la société [...] qui précise dans une attestation jointe au rapport de Monsieur que "ces travaux ont été exécutés par coupe du châssis dans l'empattement et par soudure. Le renforcement de l'empattement a été fait par adjonction de goussets droits des soudures. De même, cette société a pu indiquer que les parties du camion ainsi modifiée pouvait supporter un poids de 26000 kg ; qu'il n'est pas contesté que la transformation et la modification de poids lourds et notamment des châssis sont des interventions courantes pour répondre aux besoins de clients professionnels ; que M. A... estime pourtant que cette modification du châssis constitue l'origine causale des désordres dénoncées par la société Mobilum, la transformation ayant fragilisé le châssis du véhicule, alors que les conditions d'utilisation de celui-ci en Martinique aurait seulement constitué un facteur aggravant ; qu'il indique notamment que la cassure du longeron droit du châssis se situe au niveau de la partie avant de la plaque de renfort posée par la société [...] et qu'une amorce de cassure est aussi visible au niveau de la partie avant de la plaque de renfort ; que dans son rapport, M. E... pointe au contraire exclusivement la responsabilité de l'utilisateur du véhicule en cause ; qu'il précise que "l'entretien comme l'utilisation du véhicule présente des manquements néfastes pour la durée de vie du camion (..) la responsabilité de l'utilisateur est fortement engagée dans la survenance des désordres présents sur le matériel" ; qu'il fait état d'interventions de tiers qui auraient réalisées sur le véhicule, évoquant notamment l'assemblage châssis/faux châssis défaillant en raison du remplacement de plusieurs vis et écrous, ce que n'a pas contesté la société Mobilum lors d'une des réunions d'expertise ; qu'en définitive, aucun des rapports communiqués par les parties n'établit une démonstration technique imparable des causes des désordres évoqués, chacun se contentant d'une explication unique dans un sens favorable au client qui l'a mandaté ; que dans tous les cas et sans qu'il y ait besoin de recourir à une expertise judiciaire, l'ensemble de ces éléments ne sont pas suffisants pour permettre la remise en cause de la vente sur le fondement précité ; qu'il faut en effet relever que la société Mobilum a circulé avec son véhicule plus de 50.000 kilomètres sur une période de trois ans et demi, sans justifier du respect des préconisations en termes de visites de contrôle, de sorte que l'acquéreur ne fait pas la preuve d'un vice ayant rendu le véhicule impropre à son usage, ou en ayant diminué l'usage ; qu'en conséquence, la société demanderesse sera déboutée de sa demande d'annulation de la vente pour vices cachés ; que par voie de conséquence, les demandes de restitution du prix et d'indemnisations présentées par suite des demandes de résolution de la vente n'ont pas lieu d'être retenues, tout comme la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; qu'il résulte de l'article 1134 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en l'espèce, les pièces suivantes ont été produites aux débats : - le contrat de location conclu entre la SNC Sperone 2006 B et la société Mobilum le 26 décembre 2006 d'une durée 60 mois pour un loyer mensuel hors taxe de 1.742,01 euros, - le contrat de prêt conclu entre BNP Paribas Martinique et la SNC Sperone 2006 B pour la somme de 89.443,26 euros le 12 avril 2007, d'une durée de 60 mois au taux de 5,50%, l'acte de délégation imparfaite en date du 12 avril 2007 selon lequel la société Mobilum s'est engagé à effectuer les paiements dus au titre du crédit de 89.443,26 euros à BNP Paribas Martinique ; qu'en premier lieu et en considération du décompte produit, il y a lieu de condamner la société demanderesse à lui régler la somme de 26.130,15 euros ; que faute de justifier que le taux d'intérêt conventionnel ait été porté à la connaissance du débiteur, cette somme portera intérêt au taux légal à compter du présent jugement ; que s'agissant des demandes en paiement formées par la SNC Sperone 2006 B, il convient de limiter les sommes à celles réclamées au titre de la TVA et des frais bancaires puisque la société Mobilum a précédemment été condamnée à payer le prêt au lieu et place de la SNC Sperone 2006 B en vertu de l'acte de délégation ; que pour le surplus et notamment les sommes réclamées au titre des avantages fiscaux, la SNC Sperone 2006 B sera déboutée de ses demandes faute de justifier du montant réclamer à ce titre ; qu'en conséquence, la société Mobilum sera condamnée à lui régler la somme de 4.053,56 euros ; 1/ ALORS QUE lorsqu'une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation ; que la cour d'appel a constaté que la société Le Mobilum a relevé appel, le 18 février 2016 du jugement la condamnant au paiement des sommes de 26.130,15 € et de 4.053,56 €, avant d'être mise en liquidation judiciaire le 8 novembre 2016, tandis que son liquidateur, assigné aux fins de reprise d'instance le 5 octobre 2017 en cause d'appel, n'avait pas comparu ; qu'il se déduisait de ces constatations que la société Le Mobilum avait un droit propre à demander l'infirmation des chefs du jugement portant condamnation à paiement, peu important l'absence de constitution de son liquidateur appelé en la cause ; qu'en énonçant, pour dire qu'il y avait lieu de faire droit à la demande de confirmation des intimés, qu'à défaut de conclusions émanant du liquidateur, l'appel n'était pas soutenu et qu'elle n'était saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par l'appelante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 375 et 472 du code de procédure civile ; 2/ ALORS subsidiairement QUE l'instance est interrompue par l'effet d'une procédure de liquidation judiciaire et qu'elle reprend son cours après citation du liquidateur ; que si le liquidateur cité en reprise d'instance ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; que la cour d'appel est tenue d'examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé ; qu'en se bornant à dire qu'il y avait lieu de faire droit, par adoption des motifs pertinents des premiers juges, à la demande de confirmation des intimés, sans examiner au vu des moyens d'appel la pertinence des motifs par lesquels le premier juge avait condamné la société Le Mobilum au paiement des sommes de 26.130,15 € et de 4.053,56 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 375 et 472 du code de procédure civile.
Un débiteur peut toujours exercer seul, pourvu qu'il le fasse contre le liquidateur ou en sa présence, les voies de recours contre une décision qui l'a déclaré irrecevable à agir s'il prétend que la nature ou la portée des règles relatives au dessaisissement ont été violées. De même, il peut toujours contester seul les conditions dans lesquelles un appel, qu'il a formé, a été déclaré non soutenu s'il prétend avoir été victime de la violation des mêmes règles
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SOC. CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juillet 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 530 F-P+B sur premier moyen Pourvoi n° E 18-24.180 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020 Mme F... A..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° E 18-24.180 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Air Austral, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller doyen, les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme A..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Air Austral, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Leprieur, conseiller doyen rapporteur, Mme Duvallet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 16 octobre 2018), Mme A... a été engagée par la société Air Austral le 28 octobre 2009 en qualité d'assistante du responsable de formation équipage. 2 . Elle a saisi la juridiction prud'homale le 25 septembre 2015 de demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, s'estimant victime de faits de discrimination et de harcèlement moral. 3. Elle a été licenciée le 10 octobre 2016. 4. Elle a interjeté appel le 11 mai 2017 du jugement l'ayant déboutée de toutes ses demandes et a présenté en appel des demandes nouvelles au titre de la rupture de son contrat de travail. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes nouvelles tendant à voir dire son licenciement nul, à voir ordonner sa réintégration et le paiement des salaires non perçus depuis la date du licenciement, subsidiairement à voir condamner l'employeur au paiement d'une somme en application de l'article L. 1134-4 du code du travail outre une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi au titre de la procédure vexatoire, plus subsidiairement à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à obtenir des dommages-intérêts à ce titre ainsi qu'au titre du préjudice moral subi en raison de la procédure vexatoire alors « que la règle de l'unicité de l'instance, en application de laquelle toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, s'oppose à l'introduction d'une seconde instance devant le conseil de prud'hommes lorsque les causes du second litige relatif au contrat de travail sont connues avant la clôture des débats devant la cour d'appel saisie de la première instance et oblige les parties à présenter leurs demandes au titre de ce second litige devant la cour d'appel saisie du premier ; que l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, qui porte suppression de cette règle d'unicité, n'est applicable qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016 ; que pour dire la salariée non fondée à invoquer le principe d'unicité de l'instance, même s'il était applicable devant les premiers juges en raison d'une requête introductive déposée le 25 septembre 2015, la cour d'appel a retenu que l'appel ayant été interjeté le 11 mai 2017, l'abrogation de l'article R. 1452-7 du code du travail énonçant le principe d'unicité de l'instance était alors effective ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail ensemble les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail alors en vigueur. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 1452-7 du code du travail alors applicable, les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 : 7. Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016. 8. Pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée au titre de la rupture de son contrat de travail, l'arrêt retient que ces demandes n'ont pas été présentées devant les premiers juges et sont donc nouvelles en cause d'appel. Il ajoute que l'article R. 1452-7 du code du travail a été abrogé par le décret du 20 mai 2016 mettant fin au principe de l'unicité de l'instance et que, s'agissant d'une règle de procédure, elle est d'application immédiate pour les instances postérieures à son entrée en vigueur. Dès lors, il en déduit que la salariée, ayant interjeté appel le 11 mai 2017, n'est pas fondée à invoquer ce principe, même s'il était applicable devant les premiers juges. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de la salariée en nullité de son licenciement, en réintégration et en paiement des salaires non perçus depuis la date du licenciement, subsidiairement en condamnation de l'employeur au paiement d'une somme en application de l'article L. 1134-4 du code du travail outre d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi au titre de la procédure vexatoire, plus subsidiairement ses demandes tendant à voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages et intérêts à ce titre ainsi qu'au titre du préjudice moral subi en raison de la procédure vexatoire, l'arrêt rendu le 16 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ; Condamne la société Air Austral aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air Austral et la condamne à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme A... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes nouvelles de la salariée tendant à voir dire son licenciement nul, à voir ordonner sa réintégration et le paiement des salaires non perçus depuis la date du licenciement, subsidiairement à voir condamner l'employeur au paiement d'une somme en application de l'article L.1134-4 du code du travail, outre une indemnité de licenciement, et des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi au titre de la procédure vexatoire, plus subsidiairement à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à obtenir des dommages-intérêts à ce titre ainsi qu'au titre du préjudice moral subi en raison de la procédure vexatoire. AUX MOTIFS QUE ces demandes n'ont pas été présentées, au fond, devant les premiers juges et sont donc nouvelles en cause d'appel ; qu'il convient de rappeler que Mme A... a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes le 22 décembre 2016 aux fins d'annulation du licenciement (en cours de délibéré de la décision au fond), et qu'elle s'est désistée de ses demandes par un courrier du 05 mai 2017, son désistement ayant été constaté par une ordonnance du 04 juillet suivant ; qu'elle invoque l'article R. 1452-7 du code du travail aux termes duquel : "Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel. L'absence de tentative de conciliation ne peut être opposée. Même si elles sont formées en cause d'appel, les juridictions statuant en matière prud'homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence" ; que ce texte a été abrogé le 1er août 2016 (décret n° 2016-660 du 20 mai 2016) mettant fin au principe de l'unicité de l'instance, exception processuelle spécifique au procès prud'homal ; que s'agissant d'une règle de procédure, elle est d'application immédiate pour les instances postérieures à son entrée en vigueur ; que Mme A... ayant interjeté appel le 11 mai 2017, elle n'est pas fondée à invoquer ce principe, même s'il était applicable devant les premiers juges en raison d'une requête introductive déposée le 25 septembre 2015 (article 45 du décret du 20 mai 2016 n° 2016-660, lequel ne concerne que les instances devant les CPH malgré les termes contraires de la circulaire du 27 mai 2016 dépourvue de tout effet juridique) ; que le licenciement est intervenu le 10 octobre 2016 alors que le dossier était en délibéré. Il convient de préciser que l'audience des plaidoiries devant les premiers juges a eu lieu le 30 septembre 2016 alors que la salariée s'était vue remettre en main propre la convocation préalable à un éventuel licenciement le 21 septembre et l'entretien ayant eu lieu le 28 suivant ; que le fait que la requête introductive d'instance ait été déposée avant le 1er août 2016 permettait à la salariée de conserver le bénéfice du principe de l'unicité de l'instance jusqu'à la fin de celle-ci devant le conseil de prud'hommes ; qu'il en aurait été de même si l'instance d'appel avait été introduite avant le 1er août 2016 ; que l'appel ayant été interjeté le 11 mai 2017, l'abrogation de l'article R. 1452-7 précité était alors effective ; que par ailleurs, le licenciement survenu avant l'extinction de l'instance devant le conseil de prud'hommes ne s'apparente pas à la survenance ou à la révélation d'un fait nouveau au sens de l'article 564 du code de procédure civile. ALORS QUE la règle de l'unicité de l'instance, en application de laquelle toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, s'oppose à l'introduction d'une seconde instance devant le conseil de prud'hommes lorsque les causes du second litige relatif au contrat de travail sont connues avant la clôture des débats devant la cour d'appel saisie de la première instance et oblige les parties à présenter leurs demandes au titre de ce second litige devant la cour d'appel saisie du premier ; que l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, qui porte suppression de cette règle d'unicité, n'est applicable qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016 ; que pour dire la salariée non fondée à invoquer le principe d'unicité de l'instance, même s'il était applicable devant les premiers juges en raison d'une requête introductive déposée le 25 septembre 2015, la cour d'appel a retenu que l'appel ayant été interjeté le 11 mai 2017, l'abrogation de l'article R. 1452-7 du code du travail énonçant le principe d'unicité de l'instance était alors effective ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail ensemble les articles R.1452-6 et R.1452-7 du code du travail alors en vigueur. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral. AUX MOTIFS propres QUE quant à la dégradation de son état de santé, Mme A... justifie d'un suivi par un médecin psychiatre à compter de juin 2015 pour un état anxio dépressif réactionnel à une souffrance au travail (pièce 134) ; que son allégation quant au fait que son poste aurait été "vidé de ses fonctions substantielles transmises à M. X..., laissant à l'appelante l'archivage et les impressions de documents" n'est pas corroborée par les éléments qu'elle produit ; qu'il doit être souligné que la pièce 107 qu'elle cite dans ses conclusions et censée établir qu'elle "a demandé à plusieurs reprises à son responsable hiérarchique d'y remédier, lui rappelant à plusieurs reprises qu'elle n'était pas cantonnée à l'archivage et aux impressions, du seul fait qu'elle était une femme" est notamment contredite par la prise en compte de sa remarque de l'existence d'un service de reprographie à l'accueil (courriel du 17 mars) ; que quant à la justification tenant à sa féminité, elle ne résulte que de sa propre conviction. Si elle fait état d'une nouvelle fiche de poste (septembre 2015) la cantonnant aux tâches de secrétariat, elle ne fait nullement référence à l'une de ses pièces produites à ce propos ; que la privation des "fonctions substantielles" relève alors d'un ressenti mais nullement des pièces du dossier, étant précisé que le détail des attributions de M. X... n'est pas significatif en l'absence d'éléments de comparaison avec les missions de la salariée avant et après l'embauche de celui-ci ; qu'il convient de préciser que le retrait de la fonction de formatrice sûreté n'est pas invoqué de ce chef ; que quant aux nombreuses convocations du DRH dont la salariée fait état au titre d'une déstabilisation, elle s'inscrit dans la gestion de ses insatisfactions et revendications exprimées à de multiples reprises, la société Air Austral ayant été jusqu'à lui proposer une promotion sur un poste d'agent de maîtrise (pièce 121), dans le cadre d'une recherche de transaction, qui n'a pas abouti en raison des atermoiements de Mme A... ; que le dénigrement systématique par son supérieur hiérarchique auprès de la direction ne repose sur aucun fait précis établi. ; que Mme A... n'a pas obtenu les deux postes pour lesquels elle a candidaté (adjoint à la programmation et approvisionneur achats) mais elle n'invoque nullement un harcèlement moral de ce chef ; que sur la demande de congé pour la journée du 16 novembre en vue de sa comparution devant les premiers juges, la salariée se réfère aux règles afférentes aux congés annuels inapplicables en l'espèce ; que le fait que sa demande ait été transmise par son supérieur au service RH est alors indifférent sauf à rappeler que la salariée était en contact fréquent avec la direction comme il en a déjà été fait état, ce qui justifie la transmission précitée ; que l'octroi éventuellement tardif d'une tablette IPAD n'est pas plus significatif dès lors que Mme A... précise que c'est M. K... qui avait pour mission de préparer une éventuelle transition de la formation sol en "e-learning" ; que s'agissant d'un projet spécifique non confié à la salariée, celle-ci n'est pas fondée à se comparer à M. K... ; que si la mésentente entre Mme A... et M. X... est avérée, en imputer la responsabilité exclusive à l'un ou l'autre des protagonistes n'est pas l'objet du litige, aucune accusation de harcèlement ne visant ce dernier ; que le fait que M. X... ait bénéficié du soutien de sa hiérarchie est à mettre en parallèle avec les nombreuses tentatives de la direction de trouver une solution au mal être de la salariée ; qu'ainsi, les deux salariés ont fait l'objet d'une attention particulière de l'employeur ; qu'il n'en résulte pas que l'ensemble des faits présentés par Mme A... suffisent à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. AUX MOTIFS adoptés QUE Mme F... A... soutient avoir subi une véritable opération de déstabilisation : isolement et mise à l'écart, tâches ingrates à effectuer, refus de donner suite à ses différentes candidatures, critiques colportées, refus de valider son congé pour se présenter devant la juridiction de céans, refus ou oubli de lui donner un IPAD alors que M. K... arrivé après elle en avait eu un (pièces 62 à 68 ; que la preuve du harcèlement moral doit être établie par certaine matérialité, que les faits doivent être établis et concordants (Cass, soc, 28 janvier 2015, n°13-22378) ; qu'ici il s'agit de simples allégations en terme généraux sans élément de faits et ne reposant sur aucun témoignage solide, le comportement attribué à ses supérieurs ou collègue à son égard ou les critiques émises sont uniquement subjectifs ; que Mme F... A... pose sa candidature depuis son embauche à tous les postes qui se présentent alors que l'employeur est libre de ses choix fondés sur des compétences que Mme F... A... ne possède manifestement pas ; que le refus de laisser Mme F... A... prendre un congé pour se présenter au Conseil de Prud'hommes est contredit par sa présence régulière à toutes les audiences sans que manifestement ces absences à son poste de travail lui aient valu sanction ; que Mme F... A... a bien reçu un Ipad dès son retour de congés ; qu'enfin s'agissant de la mésentente avérée de Mme F... A... avec M. X..., du fait essentiellement de Mme F... A... d'après les pièces produites et explications données, l'employeur s'est attaché à résoudre cette situation par l'éloignement de M. X... et non de Mme F... A... qui a conservé son bureau commun avec un collègue, et a essayé de mettre en place une médiation dont il n'est pas démontré que l'échec soit de son fait ; qu'il n'est pas démontré non plus que l'état de santé de Mme F... A... dont l'insatisfaction est constante se soit dégradée du fait de l'employeur, celui-ci s'étant attaché à résoudre au mieux tous les problèmes soulevés ; que la Dirrecte n'a pas poursuivi son enquête après réception des explications de a société Air Austral ; qu'il résulte de toutes les allégations de Mme F... A... sur un harcèlement moral qu'elles sont sans fondement et que ce n'est pas la société Air Austral ou les collègues de Mme F... A... qui s'y sont livrés ; qu'il n'y a donc pas eu de harcèlement moral envers la demanderesse. ALORS QU'au titre du harcèlement moral qu'elle dénonçait, la salariée, dont la dégradation de l'état de santé était établie et imputée par son médecin à une souffrance au travail, faisait valoir que son poste avait été vidé de ses fonctions substantielles et que lui avaient été laissés l'archivage et les impressions de documents (conclusions d'appel, p. 40) ; que pour refuser d'examiner le grief tiré du retrait de la fonction de formatrice sureté, dont elle a constaté qu'il était établi et constitutif d'une discrimination, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas invoquée du chef du harcèlement par la salariée ; qu'en statuant ainsi, en l'état des écritures de la salariée qui dénonçait le retrait de ses fonctions au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a dénaturé ces écritures en violation du principe selon lequel obligation est faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause.
Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.
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SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juillet 2020 Cassation M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 547 F-P+B Pourvoi n° G 18-24.643 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020 M. E... N..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° G 18-24.643 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes (ICE), dont le siège est [...], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet, [...], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. N..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2018), l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes (l'ICE), est un organisme public, placé sous la tutelle du ministre italien du Commerce extérieur, qui a pour mission la promotion et le développement du commerce avec l'étranger et l'internationalisation du système productif italien, ainsi que la fourniture de services aux étrangers, en vue de développer les relations avec le marché national français et contribuer ainsi à la promotion des investissements étrangers en Italie. 2. Le 30 juin 2005, le ministre français des Affaires étrangères a reconnu que l'ICE faisait partie de la représentation diplomatique italienne à Paris. 3. M. N..., engagé par ledit institut le 6 février 1998 en qualité de « senior trade analyst », a été licencié, pour motif économique, par lettre du 18 février 2009. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande d'immunité de juridiction soulevée par l'ICE et, en conséquence, de déclarer irrecevables ses demandes, alors : « 1°/ que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant ni un pouvoir de décision, ni accès à des documents confidentiels et n'ayant donc aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; que pour faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. N... accomplissait des actes dans l'intérêt d'un service public de l'Etat italien et qu'il participait, par ses rapports, à influencer la mise en oeuvre de la politique commerciale à l'extérieur de l'Etat ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il n'était pas établi qu'il était investi de responsabilités particulières dans l'exercice du service public de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ; 2°/ que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; qu'en ne recherchant pas concrètement si M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il était chargé de responsabilité particulière dans l'exercice du service public de l'Etat italien la cour d'appel, qui s'est bornée à la description abstraite du poste occupé par M. N... telle qu'elle figurait dans son contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ; 3°/ que, en principe, un Etat ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre Etat, compétent en l'espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre lui et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat ; qu'il n'en va autrement que si, notamment, l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser des fonctions particulières de M. N... dans l'exercice de la puissance publique de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens et en particulier son article 11 ; 4°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu'en faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE et fondée sur l'immunité de juridiction sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette immunité ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. N... d'accéder à un tribunal, la cour d'appel a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble l'article 14, §1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; 5°/ que, en statuant ainsi, sans rechercher si l'immunité de juridiction ne portait pas également atteinte au droit à un recours effectif en cas de violation du droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention. » Réponse de la Cour Vu le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 5. Le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation de ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en la matière. 6. Selon le droit international coutumier, tel que reflété par l'article 11, §2, a), de la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, un Etat et les organismes qui en constituent l'émanation peuvent invoquer, devant la juridiction d'un autre Etat, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre le premier Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat, l'immunité de juridiction si l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique. 7. Pour faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par l'ICE tirée du principe de l'immunité de juridiction, l'arrêt retient que le salarié, diplômé de l'enseignement supérieur avait comme fonctions l'exécution et l'élaboration de textes complexes dans les langues italienne et française, la rédaction de correspondances requérant un approfondissement et des recherches spécifiques ainsi que l'élaboration de statistiques complexes, la fourniture d'une assistance directe à des sociétés italiennes et françaises, la réalisation d'études de marché sectorielles sur la base de programmes établis périodiquement, l'entretien de relations privilégiées avec les ministères français et les associations du secteur, la participation à des foires, colloques, séminaires pour approfondir la connaissance de secteurs et pour acquérir les noms de sociétés et des informations de marché, la rédaction de rapports à la suite de chaque participation, la réalisation d'enquêtes sur les agents importateurs et sur les formes de collaboration industrielle afin de développer la présence de produits italiens en France, l'utilisation du système informatique, l'organisation de la participation des sociétés italiennes aux foires et expositions et l'organisation, pour le secteur de sa compétence, d'expositions, foires et colloques, de sorte que, ayant un rôle déterminant dans la politique économique de développement des relations commerciales et d'investissement de l'Etat italien, influençant par ses études, ses rapports et ses enquêtes la mise en oeuvre de la politique commerciale de cet Etat et, en tant qu'interlocuteur des ministères et associations françaises, intervenant comme porte-parole de ce dernier, ce salarié exerçait des fonctions qui lui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public dudit Etat. 8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les fonctions du salarié ne lui conféraient pas une responsabilité particulière dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application du principe d'immunité de juridiction, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes et le condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. N... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fait droit à la demande d'immunité de juridiction soulevée par l'ICE et, en conséquence, d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de M. N... ; AUX MOTIFS QUE « l'article 11 du projet de la commission du droit international de 1991 tel qu'il a été repris par la convention des Nations Unies de 2004 s'applique au titre du droit international coutumier, même si l'Etat n'a pas ratifié cette convention dès lors qu'il ne s'y est pas opposé. Cet article consacre la règle de l'absence d'immunité de juridiction des Etats concernant les contrats de travail, sauf si l'action risque d'interférer avec les intérêts de l'Etat en matière de sécurité et que le salarié exerçait des fonctions dans le cadre de l'exercice de la puissance publique, fonctions que M. N... conteste avoir remplies. Il ressort des pièces versées aux débats que le 13 juillet 2004, l'ambassadeur d'Italie en France a informé le ministère des affaires étrangères français que les bureaux à l'étranger de l'ICE avaient été intégrés dans le réseau diplomatique italien en qualité de « sections pour la promotion des échanges commerciaux », si bien que le bureau de l'ICE situé à Paris devait être considéré comme une section détachée de son ambassade et l'a prie de bien vouloir l'accréditer en tant que telle. Il est établi que le 30 juin 2005, le ministre des affaires étrangères français a informé l'ambassadeur d'Italie qu'il avait pris bonne note que « la section pour la promotion des échanges » situé à Paris faisait partie intégrante de la représentation diplomatique italienne en France et bénéficiait à ce titre des stipulations de la Convention de Vienne du 18 avril 1961. Il y a lieu de faire la distinction entre les actes d'administration participant de la souveraineté des Etats qui donnent lieu à l'immunité de juridiction pour l'Etat qui l'invoque et les simples actes de gestion qui ne donnent pas lieu à immunité. Il convient dès lors de rechercher si dans le cadre de ses fonction, M. N... exerçait ou non des attributions qui lui conférait une responsabilité particulière dans l'exercice du service public tenu par les bureaux de Paris de l'ICE qui étaient intégrés dans le réseau diplomatique italien en qualité de « sections pour la promotion des échanges commerciaux ». M. N... soutient qu'il n'exerçait aucune fonction particulière en lien avec l'ambassade d'Italien que son travail était celui d'un analyste de marché, qu'il exerçait des activités commerciales devant être accomplies en tout ou en partie sur le territoire français, vente de service de conseil et d'assistance commerciale aux entreprises italiennes exportant en France. L'ICE soutient au contraire que les fonctions de M. N... lui conféraient une responsabilité particulière dans la mesure où il avait des rapports privilégiés avec les ministères français et italiens, réalisait des rapports, rédigeait de la correspondance et prenait nécessairement connaissance d'informations confidentielles, rencontrait les hauts responsables de l'ICE et des membres du gouvernement italien et participait à la mission d'une entité de l'Etat italien. Il ressort du contrat de travail de M. N... qui est diplômé de l'enseignement supérieur que ses fonctions étaient ainsi énumérées : - exécuter et élaborer des textes complexes dans les deux langues ; - rédiger de la correspondance et en particulier celle qui implique un approfondissement et des recherches spécifiques ainsi que l'élaboration de statistiques complexes ; - fournir l'assistance directe à des sociétés italiennes et françaises ; - réaliser des études de marchés sectorielles sur la base de programmes établis périodiquement ; - garder des rapports privilégiés avec les ministères français et les associations du secteur ; - participer à des foires, colloques, séminaires pour approfondir les connaissances du secteur, acquérir les noms de sociétés et des informations de marché et effectuer un rapport sur chaque initiative ; - réaliser des enquêtes sur le système distributif concernant la recherche des agents importateurs et ces formes de collaboration industrielle pour développer la présence de produits italiens en France ; - utiliser couramment le système informatique ; - développer pour le secteur de sa compétence la réalisation des expositions, foires, colloques ; - organiser la participation de sociétés italiennes ou participation collective aux foires et expositions. Par ses fonctions telles que résultant de l'énumération ci-dessus, M. N... accomplissait manifestement des actes et remplissait des fonctions dans l'intérêt d'un service public de l'Etat italien, il avait un rôle de première importance et à tout le moins déterminant dans la politique économique de développement des relations commerciales et d'investissement de l'Etat italien, participait par ses études, ses rapports, ses enquêtes ) influences la mise en oeuvre de la politique commerciale à l'extérieur de cet Etat et, devant entretenir des relations avec les ministères et associations françaises, il intervenait nécessairement pour le compte de l'État italien en tant que son porte parole et en cela, il véhiculait souhaits, idées et image de l'Etat italien. Ainsi, la cour considère que par les fonctions qu'il était amené à remplir, M. N... avait des attributions qui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public de l'Etat italien. Il s'ensuit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de l'ICE fondée sur l'immunité de juridiction et, infirmant le jugement, de déclarer M. N... irrecevable en ses demandes sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne, l'Etat italien étant un état de droit faisant partie de l'Union européenne de sorte qu'il n'y a pas atteinte au droit d'accès au juge et au procès équitable. Par ailleurs et au regard de l'article 52§3 de la charte des droit fondamentaux de l'Union européenne, lequel ne vise qu'à assurer la cohérence entre la Charte et la Convention européenne des Droits de l'Homme et du Citoyen (sic.), en posant la règle que le législateur, en fixant des limitations aux droits garantis par ladite convention, doit respecter les mêmes normes que celles fixées par le régime détaillé des limitations prévu dans la Convention, le principe de non-discrimination « fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion, les minorités nationales, la fortune, la naissance, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle » énoncé par l'article 21§1 n'est pas violé, M. N... ne faisant état d'aucune de ces discrimination » ; 1. ALORS QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant ni un pouvoir de décision, ni accès à des documents confidentiels et n'ayant donc aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; que pour faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. N... accomplissait des actes dans l'intérêt d'un service public de l'Etat italien et qu'il participait, par ses rapports, à influencer la mise en oeuvre de la politique commerciale à l'extérieur de l'Etat ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il n'était pas établi qu'il était investi de responsabilités particulières dans l'exercice du service public de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ; 2. ALORS QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; qu'en ne recherchant pas concrètement si M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il était chargé de responsabilité particulière dans l'exercice du service public de l'Etat italien la cour d'appel, qui s'est bornée à la description abstraite du poste occupé par M. N... telle qu'elle figurait dans son contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ; 3. ALORS QU'en principe un Etat ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre Etat, compétent en l'espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre lui et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat ; qu'il n'en va autrement que si, notamment, l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser des fonctions particulières de M. N... dans l'exercice de la puissance publique de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens et en particulier son article 11 ; 4. ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu'en faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE et fondée sur l'immunité de juridiction sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette immunité ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. [...] d'accéder à un tribunal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et 14§1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 5. ALORS QU'en statuant ainsi, sans rechercher si l'immunité de juridiction ne portait pas également atteinte au droit à un recours effectif en cas de violation du droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention.
Le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation de ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en la matière. Selon le droit international coutumier, tel que reflété par l'article 11, § 2, a, de la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, un Etat et les organismes qui en constituent l'émanation peuvent invoquer, devant la juridiction d'un autre Etat, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre le premier Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat, l'immunité de juridiction si l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique. Viole le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui, pour accueillir la fin de non-recevoir tirée de ce principe, retient que le salarié, chargé d'analyses économiques et de relations se rapportant au développement économique d'un Etat étranger, exerçait des fonctions lui conférant une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public d'Etat, alors qu'il résultait de ses constatations que ces fonctions ne lui conféraient pas une telle responsabilité dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application dudit principe
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juillet 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 400 F-P+B Pourvoi n° R 19-12.855 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2020 La société Solar clim system, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° R 19-12.855 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. N... O..., domicilié [...], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Solar clim system, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 novembre 2018), le 12 février 2014, au cours d'une foire exposition, M. O... (l'acquéreur) a commandé à la société Solar clim system (la société) l'installation d'un dispositif de chauffage avec pompe à chaleur et la réalisation de travaux d'isolation de combles, au prix de 16 970 euros. Le même jour, l'acquéreur a adressé à la société le bon d'annulation qui figurait au bas des conditions générales de vente. Après une visite technique des lieux le 16 février 2014, la société a réalisé, le 21 juin 2014, les travaux d'isolation des combles, réceptionnés sans réserve, et, le 18 septembre suivant, livré la pompe à chaleur. Cette dernière n'a pu être mise en place en l'absence d'exécution, par l'acquéreur, de la dalle de béton nécessaire à son installation. 2. Arguant de l'annulation du contrat, l'acquéreur a assigné la société en restitution de l'acompte versé et indemnisation. Cette dernière a sollicité le paiement de sommes dues en exécution du contrat. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur la première branche du moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de constater l'anéantissement du contrat, de la condamner à payer à l'acquéreur la somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2014, en restitution de l'acompte versé, et de rejeter sa demande en paiement, alors « que la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l'exécution du contrat et en effectuant des actes d'exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation ; qu'en refusant d'admettre, après avoir constaté que l'acquéreur avait exercé son droit de rétractation tel que prévu au contrat, que celui-ci ait pu y renoncer en accomplissant des actes incompatibles avec cette rétractation, à savoir en acceptant la livraison de la pompe à chaleur ainsi qu'en acceptant sans réserve les travaux d'isolation des combles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 5. En application de ce texte, la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l'exécution du contrat et en effectuant des actes d'exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation. 6. Pour condamner la société à restituer à l'acquéreur l'acompte versé et rejeter sa demande en paiement de sommes en exécution du contrat, l'arrêt retient que ce contrat a été anéanti par l'exercice régulier, par l'acquéreur, de son droit de rétractation. 7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acquéreur, qui avait reçu la livraison de la pompe à chaleur et accepté sans réserve les travaux d'isolation des combles, avait poursuivi l'exécution du contrat, renonçant ainsi aux effets de sa rétractation, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 10. M. O... sera condamné à payer à la société Solar clim system les sommes de 14 036,36 euros en exécution du contrat et de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne M. O... à payer à la société Solar clim system les sommes de 14 036,36 euros en exécution du contrat et de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ; Condamne M. O... aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Solar clim system ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Solar clim system. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, d'une part, constaté l'anéantissement du contrat conclu entre les parties sous la forme du bon de commande signé par M. O... le 12 février 2014 et condamné la Sarl Solar Clim System à payer à M. O... une somme de 1 000 € en restitution de l'acompte versé, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2014 date de la mise en demeure, et, d'autre part, rejeté la demande de la société Solar Clim System tendant à la condamnation de M. O... à lui verser la somme de 14 036,36 € en règlement du prix du matériel et des travaux et au paiement de dommages et intérêts, AUX MOTIFS QUE les contrats conclus dans les foires et salons, tel celui en cause, ne sont pas soumis aux règles du démarchage à domicile, alors contenues dans les anciens articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation ; il s'ensuit que la faculté de rétractation, prévue à l'article L. 121-25 ancien du même code, n'est pas applicable, par l'effet de la loi, à de tels contrats. Cependant, les parties demeurent libres de soumettre, aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, des opérations de commercialisation d'un bien ou d'un service qui n'en relèvent pas de plein droit, à la condition que leur volonté sur ce point soit exprimée sans équivoque (en ce sens Cass. Civ. 1re - 7 décembre 2004, pourvoi nº 02-19570). Le bon de commande que X a signé le 12 février 2014 comporte, en bas de l'une des pages pré-imprimées de ce bon que produit X , une partie séparée par des pointillés, intitulée « Annulation de commande », et contenant les mentions suivantes : « (Conformément aux articles L. 125-25 et suivants du code de la consommation). Compléter et signer ce formulaire. L'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse suivante : Solar Clim System ; [...] [...] / L'expédier au plus tard le septième jour à compter de la date de la commande. / Je soussigné M. [...] déclare annuler la commande ci-dessus en date du : [...] ». L'article 9 des conditions générales du contrat, figurant sur la même page du bon de commande, juste au-dessus du formulaire d'« Annulation de commande », article intitulé « Résiliation du contrat de vente - annulation de commande », contient la mention suivante : « Il est rappelé : - qu'une vente sur foire n'ouvre droit à aucun délai de rétractation au profit de l'acquéreur, sauf si une opération de crédit est adossée à ladite vente et que le vendeur en est informé au jour de la commande ; - qu'en cas de démarchage à domicile, un délai de rétractation de 7 jours est accordé à l'acheteur ; - que toute vente déclarée, au jour de la commande au vendeur, comme étant financée au moyen d'un crédit à la consommation, ouvre droit au profit de l'acheteur un délai normal de rétractation qui est de 7 jours à compter de l'acceptation ». Par la stipulation contenue dans le premier alinéa de l'article cité, la Sarl Solar a explicitement laissé apparaître qu'une vente sur foire ouvrait droit a contrario à rétractation, lorsque l'opération convenue devait être financée par un crédit, et que le vendeur ou prestataire en était informé au jour de la commande. Cette stipulation, bien que présentée comme un simple rappel de dispositions légales en vigueur, allait pourtant au-delà de la faculté de rétractation prévue à l'ancien article L. 311-36 du code de la consommation, faculté qui ne peut s'exercer qu'à compter de l'acceptation du crédit, et qui était rappelée distinctement dans le dernier alinéa cité : le premier alinéa ne peut avoir de sens et de portée que si la société prestataire a entendu étendre le droit à rétractation de l'acquéreur à tous les cas prévus par cette même clause, en lui accordant ce droit dès la conclusion du contrat principal. Il en résulte, sans équivoque, que la Sarl Solar a entendu faire bénéficier M. O... d'un droit de rétractation de sept jours, si un crédit était adossé à l'opération principale, et si cette société en était informée le même jour ; or, ces deux conditions se sont trouvées réunies, puisque M. O... a coché, sur la première page de l'acte contractuel, une case « Financement », avec un versement à la commande de 1 670 €, de sorte que la société prestataire a été informée, le jour même de la commande, de l'existence d'une demande de crédit affecté. Et il apparaît que M. O... a régulièrement exercé son droit, en renseignant le formulaire de rétractation, en le datant et en le signant, puis en l'envoyant par lettre recommandée à la Sarl Solar, qui a signé l'avis de réception le 14 février 2014, donc avant l'expiration du délai de sept jours, qui a couru à compter de la commande, faute d'indication contraire de la clause du contrat sur ce point. La Sarl Solar d'ailleurs, dans les échanges de lettres qu'elle a eus avec l'avocat de M. O... en novembre et en décembre 2014, n'a nullement contesté le droit pour M. O... de faire usage de son droit de rétractation : elle s'est limitée à faire état d'un repentir de l'intéressé dans l'exercice de ce droit, et des difficultés survenues par la suite, attitude qui confirme que cette société avait entendu faire bénéficier son co-contractant d'une faculté conventionnelle de rétractation, et qu'il avait régulièrement exercé cette faculté. L'exercice régulier du droit de rétractation a eu pour effet d'anéantir le contrat, qui ne pouvait reprendre vie par l'effet d'un repentir de M. O..., fût-il intervenu avant l'expiration du délai de rétractation (en ce sens Cass. Civ. 3e, 13 février 2008, Bull. 2008, III, nº 29). C'est donc par erreur que le tribunal a refusé de faire droit à la demande de restitution de l'acompte présentée par M. O... et a condamné celui-ci à payer à la Sarl Solar le solde du prix convenu, outre une somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé, il conviendra de constater l'anéantissement du contrat conclu entre les parties, et de faire droit à la demande de restitution de l'acompte formée par l'appelant, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens d'annulation ou de résolution qu'il présente. La demande de dommages et intérêts présentée par M. O... sera en revanche rejetée, faute pour celui-ci de rapporter la preuve des préjudices qu'il dit avoir subis, par le fait des manquements de la société adverse. Les demandes de cette société, en paiement du solde du prix des travaux, et de dommages et intérêts au motif de retards et de difficultés dans la poursuite des opérations, seront elles-mêmes rejetées, 1° ALORS QUE la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l'exécution du contrat et en effectuant des actes d'exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation ; qu'en refusant d'admettre, après avoir constaté que M. O... avait exercé son droit de rétractation tel que prévu au contrat, que celui-ci ait pu y renoncer en accomplissant des actes incompatibles avec cette rétractation, à savoir en acceptant la livraison de la pompe à chaleur ainsi qu'en acceptant sans réserve les travaux d'isolation des combles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 2° ALORS QUE l'invocation de l'exercice d'une faculté de rétractation caractérise un abus de droit justifiant qu'elle soit privée d'effet ; que dans ses écritures d'appel, la société Solar Clim System faisait valoir que l'attitude de M. O... était empreinte de mauvaise foi, dans la mesure où il s'était subitement prévalu de l'exercice d'un droit de rétractation après avoir réceptionné sans réserve les travaux d'isolation accomplis à son domicile et pris livraison de la pompe à chaleur (conclusions d'appel de l'exposante, p. 22/23 et p. 27/28); qu'en considérant que M. O... pouvait invoquer l'anéantissement du contrat plusieurs mois après avoir reçu livraison du matériel et réceptionné sans réserve les travaux, sans rechercher si son comportement n'était pas empreint d'une mauvaise foi caractérisant un abus du droit de se prévaloir d'une faculté de rétractation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
La partie qui exerce la faculté de rétractation stipulée au contrat y renonce en poursuivant l'exécution de celui-ci et en effectuant des actes d'exécution incompatibles avec cette rétractation
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CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 627 F-P+B+I Pourvoi n° T 19-13.616 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 1°/ M. I... C..., domicilié [...] , 2°/ la société Saba, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [...] , représentée par son gérant M. I... C..., 3°/ Mme Y... A..., épouse H..., domiciliée [...] , 4°/ Mme V... N..., épouse C..., domiciliée [...] , 5°/ Mme Q... N..., épouse R..., domiciliée [...] , 6°/ M. F... D..., domicilié [...] , ont formé le pourvoi n° T 19-13.616 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant au Groupement Bellevue Darras, chambre d'agriculture de la Guadeloupe, groupement foncier agricole, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. C..., de la société Saba, de Mme A..., de Mmes V... et Q... N... et de M. D..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Groupement Bellevue Darras, chambre d'agriculture de la Guadeloupe, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 janvier 2019), le Groupement foncier agricole Bellevue-Darras (le GFA) a consenti à T... D... un bail rural à long terme expirant le 27 septembre 2007, portant sur une parcelle située sur le territoire de la commune de Lamentin. L'assemblée générale extraordinaire du GFA, réunie le 24 juin 2010, a décidé d'attribuer cette parcelle à M. W.... 2. T... D... a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en nullité de cette décision, en invoquant l'absence de résiliation conventionnelle du bail et en sollicitant sa poursuite par M. C... et la SCEA Saba (la SCEA), constituée à cette fin. Il a été débouté de cette demande par un jugement du 11 mai 2012, confirmé en appel par un arrêt du 17 juin 2013. 3. Par ordonnance du 31 mars 2017, le juge des référés d'un tribunal de grande instance a ordonné l'expulsion de M. C... de la parcelle en cause. Ce dernier a interjeté appel de cette décision. 4. Le 27 mars 2017, M. C..., les consorts A... N... D..., héritiers d'T... D..., décédé entre temps, et la SCEA ont assigné en tierce opposition le GFA devant la même cour d'appel, en lui demandant de rétracter l'arrêt rendu le 17 juin 2013. Les deux appels ont été joints. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. C..., les consorts A... N... D... et la SCEA font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la tierce opposition contre l'arrêt du 17 juin 2013 rendu par la cour d'appel de Basse-Terre et, en conséquence, de confirmer l'ordonnance du 31 mars 2017 rendue par le juge des référés de Pointe-à-Pitre alors : « 1°/ que l'intérêt à agir en tierce opposition, qui est la condition de la recevabilité du recours, n'est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l'action ; qu'en ayant jugé que M. C... et la SCEA Saba étaient irrecevables en leur recours en tierce opposition, car M. C... ne démontrait pas un droit sur la parcelle [...] au jour où M. T... D... avait notifié au bailleur par courrier du 10 septembre 2007 son intention de ne pas renouveler le bail parvenu à son terme et dont il était le seul titulaire, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ; 2°/ que la recevabilité d'une tierce opposition ne se confond pas avec le bien-fondé de celle-ci ; qu'en ayant déclaré irrecevable la tierce opposition des exposants, au motif que M. C... ne pouvait se prévaloir du caractère équivoque de la notification du 10 septembre 2007 pour justifier une atteinte à ses droits et un intérêt à agir, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ; 3°/ que la recevabilité de la tierce opposition formée contre un arrêt ne peut être appréciée en fonction de la motivation de la décision attaquée ; qu'en ayant déclaré irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, au motif que « le tribunal et la cour [il s'agit de l'arrêt du 17 juin 2013 frappé de tierce opposition] ont déjà rappelé à M. T... D... que le congé librement donné ne pouvait être rétracté et que le courrier du 3 décembre 2007 adressé par M. D... au GFA manifestant une intention contraire, est sans effet et, en tout état de cause, postérieur au terme du bail », la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ; 4°/ que l'intérêt à agir en tierce opposition peut se déduire de ce qu'un bail rural n'avait jamais été rompu ; qu'en ayant jugé irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, sans rechercher si la contestation de la résiliation du bail rural prétendument opérée par courrier du 10 septembre 2007 n'était pas de nature à fonder l'intérêt à agir en tierce opposition de M. C... qui, après septembre 2007, avait fondé une SCEA avec son oncle pour permettre la transmission de l'exploitation agricole litigieuse, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ; 5°/ que l'intérêt à agir en tierce opposition peut être établi, dans l'hypothèse d'une attribution de terres objet d'un bail rural à un tiers, si une convention de mise à disposition de ces mêmes parcelles avait été précédemment consentie ; qu'en ayant dénié tout intérêt à agir en tierce opposition à M. C... et à la SCEA Saba, faute de tout droit démontré sur la parcelle [...] , sans rechercher si, sous l'égide de la chambre d'agriculture elle-même, la transmission de l'exploitation et du bail rural dont bénéficiait T... D... n'avait pas été organisée et qu'à cet effet, une SCEA Saba, dont M. I... C... était le gérant, avait été créée et avait bénéficié d'une mise à disposition des terres objet du bail rural, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ; 6°/ que l'exploitation continue par une SCEA de terres objet d'un bail qui a été attribué à un tiers, fonde l'intérêt à agir en tierce opposition de cette SCEA qui avait continûment exploité les terres ; qu'en ayant jugé irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, sans rechercher si celle-ci n'avait pas continûment exploité les terres objet du bail rural et si T... D... n'en avait pas réglé les fermages, notamment en 2013, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. L'appréciation de l'existence d'un préjudice en matière de tierce opposition et de l'intérêt du demandeur à exercer cette voie de recours relève du pouvoir souverain des juges du fond. 7. C'est donc dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'intérêt à agir, et justifiant sa décision par ces seuls motifs au regard de l'article 583 du code de procédure civile, que la cour d'appel, après avoir relevé que M. C... ne démontrait pas l'existence d'un droit sur la parcelle en cause au jour où T... D... avait notifié au bailleur son intention de ne pas renouveler le bail à son terme, que l'exercice par ce dernier de son droit personnel de ne pas renouveler le bail n'ouvrait pas à M. C... un droit à en contester la validité du seul fait que cet acte serait de nature à contrecarrer ses projets, et que M. C... et la SCEA ne démontraient pas l'existence, à leur profit, d'une convention de bail précaire ou d'une cession opposable au bailleur, a jugé que la tierce opposition n'était pas recevable. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. C..., la société Saba, Mme A..., Mmes V... et Q... N... et M. D... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. C..., la société Saba, Mme A..., Mmes V... et Q... N... et M. D... IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la tierce opposition formée par M. I... C..., la SCEA Saba, Mme Y... A..., épouse H..., Mme V... N..., épouse C..., Mme Q... N..., épouse R..., et M. F... D..., contre l'arrêt du 17 juin 2013 rendu par la cour d'appel de Basse-Terre et d'avoir, en conséquence, confirmé l'ordonnance du 31 mars 2017 rendue par le juge des référés de Pointe-à-Pitre ; - AUX MOTIFS QUE - Sur la recevabilité de la tierce opposition. Attendu que l'article 583 prévoit que toute personne qui y a un intérêt est recevable à former tierce opposition, à condition qu'elle n'ait été ni partie, ni représentée au jugement qu'elle attaque ; Que pour être recevable à former tierce opposition, le tiers opposant doit en outre justifier d'un intérêt à agir en démontrant qu'un chef de la décision attaquée lui est préjudiciable ; Attendu que M. I... C... et la SCEA Saba s'opposent à l'arrêt confirmatif du 17 juin 2013 du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Pointe-à-Pitre du 11 mai 2012 ayant débouté M. T... D... de sa demande d'annulation de la décision l'assemblée générale extraordinaire du GFA Bellevue-Darras réunie le 24 juin 2010 ; Que pour soutenir l'existence d'une atteinte portée à ses droits, M. I... C... prétend que le bail à long terme dont était titulaire son oncle n'a pas été résilié conventionnellement, de sorte que l'exploitation de la parcelle a pu être poursuivie par la SCEA Saba constituée le 20 avril 2008 entre M. D... et son neveu, dont M. C... est le gérant ; Que cependant, M. I... C... ne démontre pas l'existence d'un droit sur la parcelle [...] au jour où M. D... a notifié au bailleur par courrier du 10 septembre 2007 son intention de ne pas renouveler le bail parvenu à son terme contractuel et dont il était le seul titulaire ; Que M. I... C... ne peut davantage se prévaloir du caractère équivoque de la notification du 10 septembre 2007 pour justifier une atteinte à ses droits et un intérêt à agir, dès lors le tribunal et la cour ont déjà rappelé à M. T... D... que le congé librement donné ne pouvait être rétracté et que le courrier du 3 décembre 2007 adressé par M. D... au GFA manifestant une intention contraire, est sans effet et en tout état de cause, postérieur au terme du bail ; Que l'exercice par M. D... du droit personnel de ne pas renouveler le bail n'ouvre pas à M. C... un droit à en contester la validité du seul fait que l'acte unilatéral de son oncle soit de nature à contrecarrer ses projets ; Attendu enfin, que M. I... C... et la SCEA Darras qui ne démontrent pas l'existence d'une convention de bail précaire à leur profit ou d'une cession de bail opposables au bailleur, auxquelles la décision de l'assemblée générale du GFA aurait pu porter atteinte ; Que M. C... qui prétend être le légataire des parts de son oncle dans le GFA, tend à remettre en cause la décision d'attribution de la parcelle [...] , ne démontre pas la violation de ses droits à prétendre à l'attribution de la parcelle et les manquements ayant conduit à la décision du GFA de ne pas le rendre attributaire de la parcelle qu'il occupe ; Attendu que le défaut de démonstration par le tiers opposant d'un d'intérêt à agir rend la tierce opposition irrecevable et partant interdit au juge d'examiner le fond et les moyens présentés par l'auteur du recours ; Que la tierce opposition formée par M. I... C... et la SCEA Darras ainsi que celle formée par les consorts A... N... D... ne justifiant d'aucun intérêt à agir propre, est déclarée irrecevable. Sur l'appel formé contre l'ordonnance du 31 mars 2017 rendue par le juge des référés de Pointe-à-Pitre. Attendu que M. I... C... ne justifie d'aucun titre l'autorisant à occuper la parcelle [...] et n'apporte aucun élément qui soit de nature à conduire la cour à revenir sur les dispositions de l'ordonnance du 31 mars 2017 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre ayant ordonné l'expulsion sous astreinte. Que l'ordonnance critiquée est en conséquence confirmée en toutes ses dispositions ; 1°) ALORS QUE l'intérêt à agir en tierce opposition, qui est la condition de la recevabilité du recours, n'est pas subordonné à la démonstration du bienfondé de l'action ; qu'en ayant jugé que M. I... C... et la SCEA Saba étaient irrecevables en leur recours en tierce opposition, car M. C... ne démontrait pas un droit sur la parcelle [...] au jour où M. T... D... avait notifié au bailleur par courrier du 10 septembre 2007 son intention de ne pas renouveler le bail parvenu à son terme et dont il était le seul titulaire, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la recevabilité d'une tierce opposition ne se confond pas avec le bien-fondé de celle-ci ; qu'en ayant déclaré irrecevable la tierce opposition des exposants, au motif que M. I... C... ne pouvait se prévaloir du caractère équivoque de la notification du 10 septembre 2007 pour justifier une atteinte à ses droits et un intérêt à agir, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE la recevabilité de la tierce opposition formée contre un arrêt ne peut être appréciée en fonction de la motivation de la décision attaquée ; qu'en ayant déclaré irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, au motif que « le tribunal et la cour [il s'agit de l'arrêt du 17 juin 2013 frappé de tierce opposition] ont déjà rappelé à M. T... D... que le congé librement donné ne pouvait être rétracté et que le courrier du 3 décembre 2007 adressé par M. D... au GFA manifestant une intention contraire, est sans effet et, en tout état de cause, postérieur au terme du bail » (arrêt, p. 4 § 6), la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE l'intérêt à agir en tierce opposition peut se déduire de ce qu'un bail rural n'avait jamais été rompu ; qu'en ayant jugé irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, sans rechercher si la contestation de la résiliation du bail rural prétendument opérée par courrier du 10 septembre 2007 n'était pas de nature à fonder l'intérêt à agir en tierce opposition de M. C... qui, après septembre 2007, avait fondé une SCEA avec son oncle pour permettre la transmission de l'exploitation agricole litigieuse, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE l'intérêt à agir en tierce opposition peut être établi, dans l'hypothèse d'une attribution de terres objet d'un bail rural à un tiers, si une convention de mise à disposition de ces mêmes parcelles avait été précédemment consentie ; qu'en ayant dénié tout intérêt à agir en tierce opposition à M. C... et à la SCEA Saba, faute de tout droit démontré sur la parcelle [...] , sans rechercher si, sous l'égide de la chambre d'agriculture elle-même, la transmission de l'exploitation et du bail rural dont bénéficiait T... D... n'avait pas été organisée et qu'à cet effet, une SCEA Saba, dont M. I... C... était le gérant, avait été créée et avait bénéficié d'une mise à disposition des terres objet du bail rural, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QUE l'exploitation continue par une SCEA de terres objet d'un bail qui a été attribué à un tiers, fonde l'intérêt à agir en tierce opposition de cette SCEA qui avait continument exploité les terres ; qu'en ayant jugé irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, sans rechercher si celle-ci n'avait pas continument exploité les terres objet du bail rural et si T... D... n'en avait pas réglé les fermages, notamment en 2013, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile.
L'appréciation de l'existence d'un préjudice en matière de tierce opposition et de l'intérêt du demandeur à exercer cette voie de recours relève du pouvoir souverain des juges du fond
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 634 F-P+B+I Pourvoi n° D 19-16.501 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 1°/ M. H... K..., domicilié [...] , 2°/ la société Filia-Maif, société anonyme, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° D 19-16.501 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. Y... P..., domicilié [...] , 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Vaucluse, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. K... et de la société Filia-Maif, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. P..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 mars 2019), M. P... a été victime d'un accident de la circulation, impliquant le véhicule conduit par M. K..., assuré auprès de la société Filia-Maif. 2. Par ordonnance du 6 mars 2017, rectifiée le 13 mars 2017, le juge des référés d'un tribunal de grande instance a ordonné une mesure d'expertise médicale et a condamné in solidum M. K... et la société Filia-Maif à payer à M. P... une certaine somme à titre de provision. 3. L'expert a déposé son rapport le 31 janvier 2018. 4. Contestant ce rapport sur certains points relatifs notamment à l'incidence professionnelle de l'accident, M. P... a saisi le juge des référés d'un tribunal de grande instance afin de voir ordonner une nouvelle mesure d'expertise médicale judiciaire. 5. Par ordonnance du 22 juin 2018, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a débouté M. P... de ses demandes. 6. M. P... a interjeté appel de cette ordonnance. Sur le moyen Enoncé du moyen 7. M. K... fait grief à l'arrêt, infirmant l'ordonnance, d'ordonner une expertise judiciaire et de désigner pour y procéder : le docteur N... E..., médecin spécialiste en médecine physique et réadaptation [...], Tél. : [...], mail : [...] – [...], assisté d'un professeur de trombone émérite ou d'un tromboniste de l'Opéra de Paris de son choix, avec pour mission de : 1° – convoquer les parties et procéder à l'examen de M. P..., prendre avec son autorisation connaissance de tous les documents médicaux le concernant, y compris le dossier du médecin traitant, 2° – décrire la nature, la gravité et les conséquences des blessures ou infirmités occasionnées par les faits dommageables en date du 23 juillet 2015, en précisant si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec les faits, 3° – déterminer les éléments de l'incidence professionnelle subie par M. P... en relation directe avec ces faits, les soins prodigués, les séquelles présentées, 4° – préciser ainsi : * la durée et le taux de l'incapacité temporaire totale ou partielle, * la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux, si elle est supérieure à l'incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont imputables au fait dommageable, * si malgré son incapacité, M. P... est médicalement apte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité professionnelle exercée avant les faits, et préciser si les séquelles constatées entraînent une simple gêne, un changement d'emploi ou un reclassement complet, donner toutes les précisions disponibles dans le cadre des compétences de l'expert pour chiffrer l'éventuel préjudice professionnel de M. P..., 5° – donner tout autre élément qui paraîtra utile à la solution d'un éventuel litige sur le fond ; d'avoir dit que l'expert pourra en cas de besoin avoir recours à un technicien autrement qualifié ; d'avoir dit que M. P... versera par chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances de la cour d'appel de Nîmes une consignation de 1 700 euros à valoir sur la rémunération de l'expert et ce avant le 14 avril 2019 et que ce chèque sera adressé, avec les références du dossier (n° R.G. 18/2619) au greffe de la cour d'appel de Nîmes, service des référés, de rappeler qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités fixées par l'article 271 du code de procédure civile, de dire que l'expert devra déposer auprès du greffe de la cour d'appel de Nîmes, service des référés, un rapport détaillé de ses opérations dans les quatre mois de sa saisine et qu'il adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile, alors « que lorsqu'un expert judiciaire a déposé son rapport et a répondu à toutes les questions qui lui étaient posées, le juge des référés ne peut ordonner une nouvelle expertise, identique à la première, au prétexte que la pertinence des conclusions du premier expert pourrait être discutée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 6 mars 2017 ayant fait droit à la première demande d'expertise de M. P... avait confié au docteur L... la mission d'« indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle » ou s'il « entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, dévalorisation sur la marché du travail, etc.) » ; que le docteur L... a transmis son rapport le 30 janvier 2018, dans lequel il concluait que « le déficit fonctionnel permanent n'entraîne pas l'obligation de cesser totalement son activité de tromboniste. Une reprise d'activité professionnelle sera possible, après une période de préparation technique. » et que « le déficit fonctionnel permanent entraîne une pénibilité, non susceptible de s'aggraver dans le temps » ; que la cour d'appel a relevé que le « docteur L... a correctement exécuté la mission qui lui avait été confiée » ; qu'en ordonnant néanmoins une nouvelle expertise ayant pour objet de « déterminer les éléments de l'incidence professionnelle subie par M. P... » et de préciser « si malgré son incapacité, M. P... est médicalement apte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité professionnelle exercée avant les faits, et préciser si les séquelles constatées entraîne une simple gêne, un changement d'emploi ou un reclassement complet », au prétexte qu' « un médecin, a priori non doté de capacités techniques musicales particulières, ne saurait évaluer seul la spécificité » de la situation professionnelle de M. P..., la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 145 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 145 du code de procédure civile : 8. Il résulte de ce texte que la demande de désignation d'un nouvel expert, motivée par l'insuffisance des diligences accomplies par l'expert précédemment commis en référé, relève de la seule appréciation du juge du fond. 9. Pour ordonner une nouvelle expertise médicale, l'arrêt, statuant en référé, retient que s'il n'est pas contesté que l'expert judiciaire a correctement exécuté la mission qui lui avait été confiée, les conclusions de son rapport n'en demeurent pas moins insuffisantes au regard des spécificités de la profession de M. P... et de l'incidence professionnelle qui peut découler de ses séquelles, l'activité professionnelle de la victime, virtuose du trombone, nécessitant des gestes techniques très spécifiques, mobilisant son épaule avec un port de charge d'environ 6 kg plusieurs heures par jour. 10. L'arrêt retient encore qu'un médecin, a priori non doté de capacités techniques musicales particulières, ne saurait évaluer seul la spécificité de cette situation à sa juste mesure et que la mesure d'expertise ordonnée ne saurait s'analyser en une contre-expertise. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article 145 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne M. P... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. K... et à la société Filia-Maif ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. K... et la société Filia-Maif. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné une mesure d'expertise judiciaire ; d'AVOIR désigné pour y procéder : le docteur N... E..., médecin spécialiste en médecine physique et réadaptation [...], Tél. : [...], mail : [...] – [...], assisté d'un professeur de trombone émérite ou d'un tromboniste de l'Opéra de Paris de son choix, avec pour mission de : 1° – convoquer les parties et procéder à l'examen de M. Y... P..., prendre avec son autorisation connaissance de tous les documents médicaux le concernant, y compris le dossier du médecin traitant, 2° – décrire la nature, la gravité et les conséquences des blessures ou infirmités occasionnées par les faits dommageables en date du 23 juillet 2015, en précisant si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec les faits, 3° – déterminer les éléments de l'incidence professionnelle subie par M. Y... P... en relation directe avec ces faits, les soins prodigués, les séquelles présentées, 4° – préciser ainsi : * la durée et le taux de l'incapacité temporaire totale ou partielle, * la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux, si elle est supérieure à l'incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont imputables au fait dommageable, * si malgré son incapacité, M. Y... P... est médicalement apte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité professionnelle exercée avant les faits, et préciser si les séquelles constatées entraînent une simple gêne, un changement d'emploi ou un reclassement complet, donner toutes les précisions disponibles dans le cadre des compétences de l'expert pour chiffrer l'éventuel préjudice professionnel de M. Y... P..., 5° – donner tout autre élément qui paraîtra utile à la solution d'un éventuel litige sur le fond ; d'AVOIR dit que l'expert pourra en cas de besoin avoir recours à un technicien autrement qualifié ; d'AVOIR dit que M. Y... P... versera par chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances de la cour d'appel de Nîmes une consignation de mille sept cents euros (1.700€) à valoir sur la rémunération de l'expert et ce avant le 14 avril 2019 et que ce chèque sera adressé, avec les références du dossier (n° R.G. 18/2619) au greffe de la cour d'appel de Nîmes, service des référés ; d'AVOIR rappelé qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités fixées par l'article 271 du code de procédure civile ; d'AVOIR dit que l'expert devra déposer auprès du greffe de la cour d'appel de Nîmes, service des référés, un rapport détaillé de ses opérations dans les quatre mois de sa saisine et qu'il adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile ; d'AVOIR précisé qu'une photocopie du rapport sera adressée à l'avocat de chaque partie ; et d'AVOIR précisé que l'expert doit mentionner dans son rapport l'ensemble des destinataires à qui il l'aura adressé ; AUX MOTIFS QUE selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ; que M. Y... P... produit des documents médicaux desquels il ressort qu'à la suite l'accident de la circulation dont il a été victime le 23 juillet 2015, il a présenté une fracture isolée de la clavicule gauche de type comminutif, immobilisée par anneaux pour une période de 40 jours, et aujourd'hui parfaitement consolidée ; que pour solliciter une nouvelle mesure d'expertise judiciaire, l'appelant fait valoir que le rapport d'expertise L... présente des insuffisances et n'a pas tenu compte de son inaptitude totale à pouvoir exercer sa profession de tromboniste de haut niveau, malgré les lettres valant dire qui ont été adressées à l'expert les 16 mai et 26 juin 2017 ; que M. Y... P... précise notamment que si son incapacité n'est pas énorme, l'incidence de cette incapacité, notamment professionnelle, elle, est énorme ; qu'il ajoute que ce paramètre n'a pas pu être justement évalué lors de l'expertise, aucun sapiteur musicien qualifié n'ayant pu apporter son analyse technique ; qu'or, s'il n'est pas contesté que le docteur L... a correctement exécuté la mission qui lui avait été confiée, les conclusions de son rapport n'en demeurent pas moins insuffisantes au regard des spécificités de la profession de M. Y... P... et de l'incidence professionnelle qui peut découler de ses séquelles ; qu'en effet, l'activité professionnelle de la victime, à haut niveau de compétence pour être virtuose du trombone, nécessite des gestes techniques très spécifiques, mobilisant son épaule avec un port de charge d'environ 6 kg plusieurs heures par jour ; qu'un médecin, a priori non doté de capacités techniques musicales particulières, ne saurait évaluer seul la spécificité de cette situation à sa juste mesure ; qu'il convient dès lors de considérer que l'appelant justifie d'un motif légitime au sens du texte susvisé pour faire établir avant tout procès la preuve de faits pouvant être utiles à la solution du litige, cette preuve ne pouvant être rapportée qu'après avoir mis en perspective l'avis d'un technicien médecin à celui d'un technicien tromboniste ; que l'ordonnance déférée sera ainsi infirmée et l'expertise réclamée, qui ne saurait s'analyser en une contre-expertise, sera ordonnée ; qu'il convient de préciser toutefois que la mesure d'instruction complémentaire portera uniquement sur l'incidence professionnelle subie par M. Y... P... du fait de l'accident du 23 juillet 2015, les autres points de l'expertise ne donnant lieu à aucune contestation, et qu'elle sera faite aux frais avancés de l'appelant ; que l'expert désigné se verra adjoindre un sapiteur professeur de trombone afin de pouvoir appréhender plus justement les contraintes fonctionnelles liées à la pratique de cet instrument ; ALORS QUE lorsqu'un expert judiciaire a déposé son rapport et a répondu à toutes les questions qui lui étaient posées, le juge des référés ne peut ordonner une nouvelle expertise, identique à la première, au prétexte que la pertinence des conclusions du premier expert pourrait être discutée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 6 mars 2017 ayant fait droit à la première demande d'expertise de M. P... avait confié au docteur L... la mission d'« indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle » ou s'il « entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, dévalorisation sur la marché du travail, etc.) » ; que le docteur L... a transmis son rapport le 30 janvier 2018, dans lequel il concluait que « le déficit fonctionnel permanent n'entraîne pas l'obligation de cesser totalement son activité de tromboniste. Une reprise d'activité professionnelle sera possible, après une période de préparation technique. » et que « le déficit fonctionnel permanent entraîne une pénibilité, non susceptible de s'aggraver dans le temps » ; que la cour d'appel a relevé que le « docteur L... a correctement exécuté la mission qui lui avait été confiée » ; qu'en ordonnant néanmoins une nouvelle expertise ayant pour objet de « déterminer les éléments de l'incidence professionnelle subie par M. Y... P... » et de préciser « si malgré son incapacité, M. Y... P... est médicalement apte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité professionnelle exercée avant les faits, et préciser si les séquelles constatées entraîne une simple gêne, un changement d'emploi ou un reclassement complet », au prétexte qu'« un médecin, a priori non doté de capacités techniques musicales particulières, ne saurait évaluer seul la spécificité » de la situation professionnelle de M. P..., la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 145 du code de procédure civile.
La demande de désignation d'un nouvel expert, motivée par l'insuffisance des diligences accomplies par l'expert précédemment commis en référé, relève de la seule appréciation du juge du fond. Méconnaît, en conséquence, les pouvoirs qu'elle tient du juge des référés sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, une cour d'appel qui ferait droit à une telle demande
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. Pireyre, président Arrêt n° 635 F-P+B+I Pourvoi n° X 19-15.736 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Nord de France, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 19-15.736 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme V... J..., domiciliée [...] , 2°/ à la société CA Consumer finance, société anonyme, dont le siège est [...] , 3°/ à la société Facet, société anonyme, dont le siège est [...] , 4°/ à la société Norrsken finance, dont le siège est [...] , et encore au [...] , défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord de France, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (cour d'appel de Versailles, 28 février 2019) et les productions, le juge d'un tribunal d'instance a, par jugement du 10 décembre 2015, prononcé l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au profit de Mme J... et désigné un mandataire. 2. Après le dépôt par ce dernier du bilan économique et social, le juge a, par jugement du 29 mai 2017, arrêté les créances et prononcé la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif. 3. L'un des créanciers, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France (la banque), a interjeté appel de ce jugement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte au profit de Mme J... et de dire que la clôture pour insuffisance d'actif entraînait en conséquence l'effacement de la dette envers elle pour un montant de 175 199,76 euros, bénéficiant d'une hypothèque conventionnelle publiée le 6 juin 2007 alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis que le jugement rendu le 10 décembre 2015 par le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine avait, dans son dispositif (p. 3, in fine, à p. 4, in limine), « prononc[é] l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au bénéfice de madame V... J... » et « désign[é] la SELARL [...] (...) en qualité de mandataire, avec pour mission : - de procéder aux mesures de publicité destinées à recenser les créanciers, / - de recevoir leurs déclarations de créances dans un délai de deux mois à compter de la publicité du jugement d'ouverture (...), / - de dresser un bilan de la situation économique et sociale de la débitrice, / - de vérifier les créances et d'évaluer les éléments d'actif et de passif » que, par ce jugement, le tribunal d'instance n'avait donc pas prononcé – et n'aurait du reste pu légalement prononcer – la liquidation judiciaire du patrimoine personnel de madame J..., ni désigné un liquidateur pour y procéder qu'en énonçant pourtant, pour retenir qu'eu égard à l'autorité de la chose jugée, la CRCAM Nord de France n'était pas recevable à demander le prononcé de la liquidation judiciaire du patrimoine de Mme J... et la désignation d'un liquidateur puis prononcer la clôture pour insuffisance d'actif, que le jugement en date du 10 décembre 2015, devenu irrévocable, avait d'ores et déjà pris ces décisions, c'est-à-dire prononcé la liquidation et désigné un liquidateur, la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ». Réponse de la Cour Vu l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient qu'eu égard à l'autorité de la chose jugée, la banque est irrecevable à demander à la cour d'appel de prononcer la liquidation judiciaire du patrimoine personnel de Mme J... et de désigner un liquidateur puisque ces décisions ont été prises par le jugement en date du 10 décembre 2015 et aujourd'hui définitif. 6. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions qu'aux termes de ce jugement, le juge avait prononcé l'ouverture de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire et désigné un mandataire avec mission de recenser les créanciers et recevoir leurs déclarations de créances, dresser un bilan de la situation économique et sociale de la débitrice, vérifier les créances et évaluer les éléments d'actif et de passif, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé. Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. La banque fait encore grief à l'arrêt de prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte au profit de Mme J... et de dire que la clôture pour insuffisance d'actif entraînait en conséquence l'effacement de la dette envers elle pour un montant de 175 199,76 euros, bénéficiant d'une hypothèque conventionnelle publiée le 6 juin 2007, alors « que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n'a pas été prononcée, le juge ne peut valablement prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif que s'il constate que le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale, et ne peut par conséquent se prononcer valablement au regard de considérations liées à l'insuffisance de l'actif réalisable pour désintéresser les créanciers que, pour prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte à l'encontre de madame J..., la cour d'appel a retenu que l'actif de cette dernière ne serait pas suffisant à désintéresser les créanciers qu'en prononçant ainsi la clôture de la procédure de rétablissement personnel par des considérations tirées de l'insuffisance de l'actif réalisable pour désintéresser les créanciers, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article R. 334-40 du code de la consommation, devenu l'article R. 742-17 du même code, ensemble l'article L. 332-9 du code de la consommation, devenu l'article L. 742-21 du même code ». Réponse de la Cour Vu les articles R. 334-10, devenu R. 742-17, et L. 332-9, alinéa 1, in fine, devenu L. 742-21 du code de la consommation : 8. Il résulte de ces textes que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n'a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif que s'il constate que le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale. 9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt relève, d'une part, par motifs adoptés, que les créanciers avaient déclaré leurs créances pour un montant total de 220 792 euros dont 175 199,76 euros par la banque, que Mme J... avait acquis, en l'état futur d'achèvement, un appartement situé dans le Gers financé en totalité par le prêt consenti par la banque, qu'elle ne s'est pas opposée à la vente du bien, que sur une action engagée par un certain nombre d'investisseurs, dont Mme J..., pour défaut de conseil, la banque et la société de courtage en crédits immobiliers avaient été condamnées in solidum à payer à Mme J... la somme principale de 80 000 euros, et retient, d'autre part, par motifs propres, que le premier juge a constaté l'insuffisance des actifs pour désintéresser les créanciers et que la banque ne rapporte pas la preuve qu'il existerait suffisamment d'actifs pour désintéresser les créanciers de la procédure. 10. En se déterminant ainsi, sans constater, alors que la liquidation judiciaire du patrimoine de Mme J... n'avait pas été prononcée, que celle-ci se trouvait dans la situation définie à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 332-9 du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne Mme J... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord de France ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord de France Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte au profit de madame V... J... et D'AVOIR dit que la clôture pour insuffisance d'actif entraînait en conséquence l'effacement de la dette envers le Crédit Agricole Nord de France pour un montant de 175 199,76 euros, bénéficiant d'une hypothèque conventionnelle publiée le 6 juin 2007; AUX MOTIFS PROPRES QU'eu égard à l'autorité de la chose jugée, la Crcam Nord de la France était irrecevable à demander à la cour de prononcer la liquidation judiciaire du patrimoine personnel de madame J... et de désigner un liquidateur puisque ces décisions avaient été prises par le jugement en date du 10 décembre 2015 rendu par le tribunal d'instance d'Asnières sur Seine et aujourd'hui définitif ; que l'appel de la Crcam, qui justifiait avoir régulièrement déclaré sa créance dans le délai légal, ne pouvait en réalité porter que sur la contestation de la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif réalisable ; qu'or il résultait de l'article L. 332- 9 (article L. 742-21 nouveau) du code de la consommation que : « Lorsque l'actif réalisé est suffisant pour désintéresser les créanciers, le juge prononce la clôture de la procédure. Lorsque l'actif réalisé est insuffisant pour désintéresser les créanciers, lorsque le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou lorsque l'actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale, le juge prononce la clôture pour insuffisance d'actif » ; que par des motifs pertinents que la cour adoptait, et au vu du rapport économique et social du mandataire, le premier juge avait constaté l'insuffisance des actifs pour désintéresser les créanciers, puisque, notamment, la banque avait procédé à un certain nombre de saisies immobilières dans la résidence de tourisme où se situait l'appartement appartenant à la débitrice, dont certaines avaient abouti à la vente par adjudication de lots dont la valeur pour certains d'entre eux ne dépassait pas 8 900 € pour un logement acheté 131 000 €, 9 ans plus tôt ; que ne produisant aucun élément concret pour contredire ces constatations, et se limitant à alléguer sans pour autant l'établir que le bien aurait une valeur suffisante ou serait éventuellement loué, la banque ne rapportait pas la preuve qu'il existerait suffisamment d'actifs pour désintéresser les créanciers de la procédure ; que le jugement serait donc confirmé (arrêt, p. 3) ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la clôture de la procédure de rétablissement personnel, aux termes de l'article L. 742-21 du code de la consommation : « Lorsque l'actif réalisé est suffisant pour désintéresser les créanciers, le juge prononce la clôture de la procédure. Lorsque l'actif est insuffisant pour désintéresser les créanciers, lorsque le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante ou lorsque l'actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale, le juge prononcé la clôture pour insuffisance d'actif » ; que l'article L. 742-22 du même code précisait que la clôture entraînait l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date du jugement d'ouverture, à l'exception de celles dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé personne physique ; que cette clôture entraînait aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur avait donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société ; qu'en l'espèce, il résultait du rapport du mandataire judiciaire en date du 23 mai 2016 que madame V... J... avait déclaré un endettement de 180 115 euros dont 148 594 euros au titre du prêt immobilier accordé par le Crédit Agricole visé dans le jugement d'ouverture ; que les créanciers avaient déclaré leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire pour un montant total de 220 792 euros dont 175 199,76 euros de créance déclarée par le Crédit Agricole, créancier bénéficiant d'une hypothèque publiée le 6 juin 2007 ; que madame V... J... était propriétaire d'un appartement de type F2 et d'un emplacement de parking situé dans le département du Gers, acquis en état futur d'achèvement selon acte notarié de 2007 moyennant un prix de vente de 131 000 euros, financé en totalité par le biais d'un prêt bancaire accordé par le Crédit Agricole, opération s'inscrivant dans le cadre d'une opération de défiscalisation ; que madame V... J... ne s'était pas opposée à la vente du bien ; que selon les déclarations de celle-ci, la banque avait saisi et vendu récemment aux enchères publiques un appartement T2 dans cette résidence ; que le prix d'adjudication s'était élevé à 8 900 euros ; qu'à la fin de l'année 2011, un certain nombre d'investisseurs dont madame J... avaient assigné le Crédit Agricole et la société de courtage en crédits immobiliers, la Cafpi, en paiement de dommages et intérêts pour défaut de conseil ; que par jugement en date du 29 janvier 2016, le tribunal de grande instance d'Evry avait condamné in solidum la banque et la Cafpi à payer une somme de 80 000 euros outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à madame V... J... ; que l'avocat de la débitrice avait indiqué que les défendeurs avaient interjeté appel de cette décision ; que suite au rapport déposé par maître C... W..., le Crédit Agricole Nord de France, par transmission du 2 juin 2016, avait confirmé l'instance en cours et fait savoir que l'exécution provisoire ayant été prononcée, la banque s'était acquittée de la somme mise à sa charge, soit 41 000 euros, versée le 25 mars 2016 sur le compte de madame V... J... ; qu'au regard de ces éléments, et de l'insuffisance de l'actif pour désintéresser les créanciers, il y avait lieu de prononcer le clôture de la procédure pour insuffisance d'actif ; qu'il convenait de rappeler qu'une telle clôture entraînait l'effacement de toutes les dettes nées au jour du jugement d'ouverture de la procédure de rétablissement personnel de madame V... J..., à l'exception de celles dont le montant aurait été payé au lieu et place de la débitrice par la caution ou le coobligé personne physique ; qu'étaient toutefois exclues de l'effacement les dettes alimentaires, les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale, ainsi que les amendes prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale (jugement, pp. 3 et 4) ; ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le jugement rendu le 10 décembre 2015 par le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine avait, dans son dispositif (p. 3, in fine, à p. 4, in limine), « prononc[é] l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au bénéfice de madame V... J... » et « désign[é] la Selarl [...] (...) en qualité de mandataire, avec pour mission : - de procéder aux mesures de publicité destinées à recenser les créanciers, / - de recevoir leurs déclarations de créances dans un délai de deux mois à compter de la publicité du jugement d'ouverture (...), / - de dresser un bilan de la situation économique et sociale de la débitrice, / - de vérifier les créances et d'évaluer les éléments d'actif et de passif » ; que, par ce jugement, le tribunal d'instance n'avait donc pas prononcé – et n'aurait du reste pu légalement prononcer – la liquidation judiciaire du patrimoine personnel de madame J..., ni désigné un liquidateur pour y procéder ; qu'en énonçant pourtant, pour retenir qu'eu égard à l'autorité de la chose jugée, la Crcam Nord de France n'était pas recevable à demander le prononcé de la liquidation judiciaire du patrimoine de madame J... et la désignation d'un liquidateur puis prononcer la clôture pour insuffisance d'actif, que le jugement en date du 10 décembre 2015, devenu irrévocable, avait d'ores et déjà pris ces décisions, c'est-à-dire prononcé la liquidation et désigné un liquidateur, la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n'a pas été prononcée, le juge ne peut valablement prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif que s'il constate que le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale, et ne peut par conséquent se prononcer valablement au regard de considérations liées à l'insuffisance de l'actif réalisable pour désintéresser les créanciers ; que, pour prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte à l'encontre de madame J..., la cour d'appel a retenu que l'actif de cette dernière ne serait pas suffisant à désintéresser les créanciers ; qu'en prononçant ainsi la clôture de la procédure de rétablissement personnel par des considérations tirées de l'insuffisance de l'actif réalisable pour désintéresser les créanciers, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article R. 334-40 du code de la consommation, devenu l'article R. 742-17 du même code, ensemble l'article L. 332-9 du code de la consommation, devenu l'article L. 742-21 du même code ; ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QUE lorsque le patrimoine du débiteur comporte un actif réalisable, le juge ne peut valablement prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif et doit prononcer la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur ; que le patrimoine du débiteur comporte des actifs réalisables lorsque ce dernier possède d'autres biens que des biens meublants nécessaires à la vie courante ou que des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou lorsque son actif n'est pas constitué uniquement de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale ; que la cour d'appel a constaté que madame J... était propriétaire d'un appartement de deux pièces et d'un emplacement de parking dans une résidence de tourisme située dans le Gers qu'elle avait acquis au prix de 131 000 euros en 2007 ; qu'il en résultait la présence, dans le patrimoine de madame J..., d'un actif réalisable, en ce qu'il ne s'agissait ni d'un bien meublant nécessaire à la vie courante, ni d'un bien indispensable à l'exercice de l'activité professionnelle, ni d'un bien dépourvu de toute valeur marchande, ni d'un bien dont les frais de vente auraient été manifestement disproportionnés au regard de sa valeur vénale ; qu'en refusant néanmoins d'ordonner la liquidation judiciaire du patrimoine de madame J... et en prononçant la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé les textes susvisés ; ALORS, EN QUATRIÈME LIEU, QU' un bien est réalisable s'il est susceptible d'être vendu, peu important que la distribution du produit de sa vente ne suffise pas à désintéresser intégralement les créanciers ; qu'en se fondant au contraire, pour retenir que le bien immeuble appartenant à madame J... n'aurait pas été réalisable, sur la considération de ce qu'il n'aurait pas eu une valeur suffisante à désintéresser intégralement les créanciers, la cour d'appel a de plus fort violé les textes susvisés.
Il résulte des articles R. 334-10, devenu R. 742-17, et L. 332-9, alinéa 1, in fine, devenu L. 742-21, du code de la consommation que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n'a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif que s'il constate que le débiteur ne possède rien d'autre que des meubles meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juillet 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 385 F-P+B Pourvoi n° D 19-17.030 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2020 La société Renov'matériaux, société civile, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° D 19-17.030 contre l'arrêt rendu le 26 février 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. L... C..., domicilié [...], 2°/ à la société [...] civile professionnelle, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Renov'matériaux, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. C... et de la société [...], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 février 2019), la société civile immobilière Renov'matériaux (la SCI) a fait l'acquisition, en 2009, d'un terrain sur lequel elle a construit des bâtiments à usage commercial et qu'elle a ensuite divisé en plusieurs lots. Ceux-ci ont été vendus par actes des 30 mars, 22 juin, 27 novembre et 10 décembre 2015, les deux premiers ayant été reçus par M. C... (le notaire), notaire au sein de la SCP [...] (la SCP). 2. Reprochant au notaire d'avoir, d'une part, considéré à tort que les deux cessions intervenues le 30 mars 2015 étaient soumises au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), d'autre part, omis de l'en informer et de lui prodiguer les conseils lui permettant d'en être exonérée, la SCI l'a assigné, ainsi que la SCP, en responsabilité et indemnisation. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que les dispositions de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales attribuent aux seules juridictions administratives la compétence pour statuer en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en retenant que la seule date d'achèvement susceptible d'être retenue pour déterminer l'assujettissement à la TVA d'une vente immobilière était celle de la déclaration d'achèvement et que la preuve contraire par le vendeur maître de l'ouvrage n'était pas possible, cependant qu'il lui appartenait de transmettre à la juridiction administrative, exclusivement compétente pour en connaître, la question préjudicielle portant sur la date d'achèvement susceptible d'être retenue pour l'application de la TVA à la vente immobilière, question dont dépendait la solution du litige opposant le notaire au vendeur, et de surseoir à statuer jusqu'à la décision sur cette question, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 199 du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Le notaire et la SCP contestent la recevabilité du moyen, qui serait contraire à ceux développés par la SCI dans ses conclusions d'appel. 5. Cependant, devant les juges du fond, la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la question fiscale en cause n'avait pas été discutée par les parties. 6. Le moyen, qui n'est pas contraire mais seulement nouveau, est donc recevable, comme étant de pur droit. Bien-fondé du moyen Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 199 du livre des procédures fiscales et 49 du code de procédure civile : 7. Il résulte de ces textes que la juridiction judiciaire, saisie d'un litige non fiscal, n'a pas compétence pour interpréter les lois et actes administratifs en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, dont le contentieux ressortit exclusivement à la juridiction administrative. 8. Pour rejeter les demandes de la SCI, après avoir relevé que la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux, datée du 24 juin 2010, indiquait que le chantier était achevé au 31 janvier 2009, l'arrêt retient que, si, antérieurement à la réforme de la TVA immobilière, le propriétaire d'un bien pouvait rapporter la preuve de l'achèvement autrement que par une déclaration en mairie, ce n'est désormais que dans le cas où le maître de l'ouvrage n'a pas procédé à cette formalité que l'administration pourra invoquer toutes circonstances de fait utiles lui permettant de recouvrer l'imposition due. 9. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de transmettre à la juridiction administrative, exclusivement compétente pour en connaître, la question portant sur la possibilité de retenir, comme point de départ du délai de cinq ans au-delà duquel la vente d'un immeuble neuf n'est plus soumise à la TVA, une autre date que celle de la déclaration prévue à l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme, et de surseoir à statuer jusqu'à la décision sur cette question, dont dépendait la solution du litige opposant la SCI au notaire et à la SCP, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne M. C... et la SCP [...] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Renov'matériaux Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Renov'Matériaux de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE, selon l'article 269 du code général des impôts, dans sa version issue de la loi du 5 mars 2007 « 1 Le fait générateur de la taxe se produit : (..) b) pour les livraisons à soi-même entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, au moment de la livraison qui doit intervenir, au plus tard, lors du dépôt à la mairie de la déclaration prévue par la réglementation relative au permis de construire » ; la circulaire du 12/09/2019 prévoit quant à elle : « en application de l'article 244 de l'annexe II au CGI, dans le mois qui suit la date du dépôt en mairie de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux prévue par la réglementation relative au permis de construire, le redevable de la livraison à soi-même doit informer par un imprimé spécial (n° 940) le service compétent de la Direction générale des finances publiques de la date à laquelle est intervenu l'achèvement. En effet, au sens de cette réglementation, l'achèvement s'entend du dépôt de la déclaration mentionnée à l'article L 462-1 du code de l'urbanisme qui est réputé intervenir lorsque l'état d'avancement des travaux est tel qu'il permet une utilisation effective du bâtiment selon sa destination. Les conditions de dépôt de la déclaration sont précisées par l'article R 462-1 du code de l'urbanisme » ; en l'espèce, la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux est du 24/06/2010, cet acte indiquant en outre que le chantier était achevé au 31/01/2009 ; l'intimée fait valoir que la preuve de la date d'achèvement des travaux peut se faire par tous moyens, comme le raccordement aux réseaux, lorsque les conditions d'utilisation et d'habitabilité sont réunies, par l'inscription de l'immeuble à l'actif de l'entreprise ou par la conclusion d'un bail commercial ; toutefois, si effectivement, le propriétaire d'un bien pouvait rapporter la preuve de l'achèvement autrement que par une déclaration en mairie, c'était avant la réforme de la loi du 05/03/2007 et l'arrêté du 11/09/2007, qui impose du reste l'utilisation d'un formulaire spécifique. En effet, seule cette déclaration permet à l'administration de vérifier que les travaux ont été réalisés conformément aux spécifications du permis de construire et aux règles d'urbanisme. Ce n'est que dans le cas où le maître d'ouvrage n'aurait pas procédé à cette formalité que l'administration pourrait alors invoquer toutes circonstances de fait utiles lui permettant alors de recouvrer l'imposition due, la circulaire susvisée indiquant « quand bien même le redevable viendrait à manquer à ses obligations déclaratives à cet égard, le fait générateur de la livraison à soi-même est réputé néanmoins intervenu dès lors que sont réunies les circonstances de fait qui rendent exigible la déclaration d'achèvement » ; dans ces conditions, le notaire ne pouvait que se fonder sur ce document, pour retenir une date d'achèvement des travaux et n'avait pas à rechercher de son propre chef si en réalité le bâtiment avait été achevé à une date antérieure ; enfin, il n'avait pas à proposer un report de la vente, alors que les parties avaient fixé un délai de réitération de l'acte d'une part, et en raison de la longueur du délai nécessaire (6 mois) ; dans ces conditions, la faute du notaire instrumentaire n'est pas suffisamment rapportée, et la société Renov Materiaux sera déboutée de ses demandes, le notaire ayant exactement considéré que moins de cinq années s'étaient écoulées depuis la déclaration d'achèvement de travaux avant les deux premières ventes ; 1) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales attribuent aux seules juridictions administratives la compétence pour statuer en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; qu'en retenant que la seule date d'achèvement susceptible d'être retenue pour déterminer l'assujettissement à la TVA d'une vente immobilière était celle de la déclaration d'achèvement et que la preuve contraire par le vendeur maître de l'ouvrage n'était pas possible cependant qu'il lui appartenait de transmettre à la juridiction administrative, exclusivement compétente pour en connaître, la question préjudicielle portant sur la date d'achèvement susceptible d'être retenue pour l'application de la TVA à la vente immobilière, question dont dépendait la solution du litige opposant le notaire au vendeur, et de surseoir à statuer jusqu'à la décision sur cette question, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 199 du livre des procédures fiscales ; 2) ALORS, subsidiairement, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se fondant, pour considérer que le notaire n'avait commis aucune faute dès lors qu'il ne pouvait que retenir la date de dépôt en mairie de la déclaration d'achèvement pour déterminer si la vente immobilière était assujettie à la TVA, la preuve contraire n'étant pas possible depuis une réforme du 5 mars 2007, sur une circulaire du 12 septembre 2009 dépourvue de portée normative, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ; 3) ALORS, subsidiairement, QUE la date d'achèvement d'un immeuble est simplement présumée être celle de la réception de la déclaration d'achèvement prévue par le code de l'urbanisme ; qu'en retenant, pour en déduire que le notaire ne pouvait que se fonder sur la date de dépôt en mairie de la déclaration d'achèvement pour retenir une date d'achèvement des travaux et n'avait donc pas à rechercher de son propre chef si le bâtiment n'avait en réalité pas été achevé à une date antérieure, que le propriétaire d'un bien ne pouvait plus rapporter, après la réforme de la loi du 5 mars 2007, la preuve de l'achèvement autrement que par une déclaration d'achèvement déposée en mairie, la cour d'appel a violé l'article 269 du code général des impôts, ensemble l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme ; 4) ALORS le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur les risques, de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller ; qu'en excluant tout manquement du notaire à son devoir d'attirer l'attention de la société Renov'Matériaux sur les conséquences fiscales des actes de vente et sur la possibilité de reporter leur signature pour obtenir des conditions plus avantageuses, au motif inopérant que le notaire n'avait pas à proposer un report de la vente dès lors que les parties étaient convenues d'un délai de réitération et que le délai de report aurait été de six mois, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Il résulte de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et des articles L. 199 du livre des procédures fiscales et 49 du code de procédure civile que la juridiction judiciaire, saisie d'un litige non fiscal, n'a pas compétence pour interpréter les lois et actes administratifs en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, dont le contentieux ressortit exclusivement à la juridiction administrative. Dès lors, excède ses pouvoirs et viole ces textes une cour d'appel qui rejette l'action en responsabilité engagée par une société civile immobilière contre un notaire ayant instrumenté des ventes qui auraient à tort été soumises au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, alors qu'il lui appartenait de transmettre à la juridiction administrative la question portant sur la possibilité de retenir, comme point de départ du délai de cinq ans au-delà duquel la vente d'un immeuble neuf n'est plus soumise à cette taxe, une autre date que celle de la déclaration prévue à l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme, et de surseoir à statuer jusqu'à la décision sur cette question, dont dépendait la solution du litige
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 623 F-P+B+I Pourvoi n° Z 19-16.336 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. Q.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 13 mars 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 M. K... Q..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-16.336 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2018 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant à Mme V... O..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. Q..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 juillet 2018), M. Q... a interjeté appel le 8 novembre 2017 du jugement d'un tribunal d'instance ordonnant, sur la requête de Mme O..., la saisie de ses rémunérations pour un certain montant. 2. Un avis de fixation de l'affaire à bref délai a été émis par le greffe le 6 décembre 2017. 3. Mme O... a soulevé, le 18 janvier 2018, la caducité de la déclaration d'appel faute pour M. Q... d'avoir, dans le délai de dix jours suivant l'avis de fixation, notifié la déclaration d'appel à l'avocat qu'elle avait constitué. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. Q... fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel alors « que l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration ; qu'en prononçant la caducité de l'a déclaration d'appel de M. Q... au motif qu'elle n'avait pas été notifiée à l'avocat de Mme O... dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation, la cour d'appel a violé l'article 905-1 du code de procédure civile ensemble l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 905-1 du code de procédure civile et l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : 5. Il résulte de ces textes que l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de la déclaration d'appel. 6. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que la sanction de la caducité prévue à l'article 905-1 s'applique de manière identique selon que l'appelant procède par voie de signification de la déclaration d'appel ou par voie de simple notification entre avocats, de sorte que la caducité était encourue en l'espèce, à défaut de la notification à l'avocat de l'intimée de la déclaration d'appel, qui devait intervenir dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai, soit au plus tard le 16 décembre 2017. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne Mme O... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme O... à payer à la SCP Gaschignard la somme de 2 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. Q.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la caducité de la déclaration d'appel de M. Q... AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 905-1 du code de procédure civile lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevé d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si entre temps, l'intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat ; que le point-virgule placé entre les deux propositions de l'article 905-1 n'a pas pour conséquence de modifier la sanction de la caducité qui s'applique identiquement dans les deux hypothèses en cas de non-respect des formalités prévues par l'article précité ; que la seule différence entre les deux hypothèses tient à la forme de la notification ; qu'ainsi, si l'intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d'appel, l'appelant procède, non pas par voie de signification, mais par voie de notification entre avocats ; que cependant la notification de la déclaration d'appel s'impose toujours à peine de caducité de la déclaration d'appel ; qu'après avoir relevé que cette notification devait intervenir en l'espèce au plus tard le 16 décembre 2017, puis constaté qu'aucune notification de la déclaration d'appel n'avait été délivrée dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai à l'avocat de l'intimée, c'est par des motifs que la cour adopte que le président de la troisième chambre a prononcé la caducité de la déclaration d'appel de M. Q... ; que l'ordonnance déférée sera donc confirmée ; ALORS QUE l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de 10 jours de réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration ; qu'en prononçant la caducité de l'a déclaration d'appel de M. Q... au motif qu'elle n'avait pas été notifiée à l'avocat de Mme O... dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation, la cour d'appel a violé l'article 905-1 du code de procédure civile ensemble l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Encourt la censure l'arrêt qui prononce la caducité d'une déclaration d'appel au motif qu'elle n'a pas été notifiée à l'avocat de l'intimé dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai, l'application combinée des articles 905-1 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne prescrivant pas qu'une telle caducité sanctionne l'inobservation de cette obligation
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CIV. 2 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 625 F-P+B+I Pourvois n° C 19-11.417 Q 19-13.636 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 I - La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est 16 boulevard des Italiens, 75009 Paris, a formé le pourvoi n° C 19-11.417 contre un arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cardif assurance vie, société anonyme, dont le siège est 1 boulevard Haussmann, 75009 Paris, 2°/ au comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 7e, domicilié 12 rue Georges Sand, 75796 Paris cedex 16, défenderesses à la cassation. II - La société Cardif assurance vie, société anonyme, a formé le pourvoi n° Q 19-13.636 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ au comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 7e, 2°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° C 19-11.417 invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Q 19-13.636 invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Cardif assurance vie, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société BNP Paribas, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 7e, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 19-11.417 et Q 19-13.636 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2018), le comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 7e (le comptable public), agissant sur le fondement de titres exécutoires délivrés à l'encontre de M. B..., a notifié le 31 août 2016 entre les mains de la société Cardif assurance vie (l'assureur) un avis à tiers détenteur portant, notamment, sur un contrat rachetable n°305536 souscrit par le débiteur. 3. L'assureur a indiqué qu'il ne pouvait procéder à aucun paiement au titre de ce contrat. 4. Le comptable public a assigné l'assureur devant un juge de l'exécution en paiement des sommes, objet de l'avis à tiers détenteur, sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution. L'assureur a fait valoir que le contrat en cause avait fait l'objet d'un nantissement le 2 décembre 2012 au profit de la société BNP Paribas (la banque). 5. Par jugement du 21 février 2018, le juge de l'exécution a accueilli la demande formée par le comptable public. La banque et l'assureur ont formé chacun un pourvoi contre l'arrêt qui a confirmé le jugement. Examen des moyens Sur la deuxième branche du moyen du pourvoi Q 19-13.636 et la deuxième branche du moyen pourvoi C 19-11.417, qui sont similaires Enoncé du moyen 6. L'assureur et la banque font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de condamner la société Cardif assurance vie à payer au Service des impôts des particuliers de Paris 7e l'intégralité des fonds versés par M. B... sur le contrat n° ... dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors « 1°/ que le nantissement du contrat confère au créancier nanti un droit exclusif sur la valeur de rachat ; qu'il en résulte que l'avis à tiers détenteur qui oblige l'assureur à payer le Trésor public « aux lieu et place du redevable », est sans effet attributif lorsque le contrat est donné en nantissement, le redevable ne disposant plus dans son patrimoine des droits qu'il a régulièrement transférés avant la notification de l'avis à tiers détenteur ; qu'en donnant cependant effet à l'avis à tiers détenteur notifié à l'assureur postérieurement à la constitution du nantissement, la cour d'appel a violé l'article 2363 du code civil par refus d'application et l'article 1920 du code général des impôts par fausse application, ensemble les articles L. 211-2 et R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ que seul le créancier nanti reçoit valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu'en intérêts ; que la cour d'appel a constaté que M. B... avait donné en nantissement le 2 décembre 2012 à la société BNP Paribas les créances qu'il détenait contre la société Cardif assurance vie au titre du contrat d'assurance vie n° ... ; qu'en condamnant la société Cardif assurance vie à verser l'intégralité de la valeur de rachat de ce contrat au Trésor public, au prétexte qu'il bénéficiait d'un privilège mobilier général s'exerçant avant tout autre, la cour d'appel a violé l'article 2363 du code civil, ensemble l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu l'article 2363 du code civil et l'article L. 132-10 du code des assurances : 7. Il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d'un nantissement de contrat d'assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d'un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés. 8. Pour condamner l'assureur à verser au comptable public le montant visé par l'avis à tiers détenteur, l'arrêt retient que, s'agissant des contributions directes, le privilège du Trésor, bien que général, doit, en raison de son rang, s'exercer avant tout autre et primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l'assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le comptable peut exercer immédiatement la faculté de rachat, aux lieu et place de la banque ou du souscripteur. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne le comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 7e aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° C 19-11.417 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, la société BNP Paribas. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Cardif à payer au Service des impôts des particuliers de Paris 7ème l'intégralité des fonds versés par M. B... sur le contrat n° ... dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification l'avis à tiers détenteur ; AUX MOTIFS PROPRES QU'ainsi que l'a exactement relevé le premier juge et que le soutient à bon droit le comptable public, il résulte de l'article 1920 du code général des impôts que le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent ; qu'en l'espèce, le Trésor poursuit le recouvrement d'impôts sur le revenu, soit des contributions directes ; que si l'article 2332-1 du code civil prévoit que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux, ce texte réserve les dispositions contraires ; qu'il en résulte que le privilège du Trésor pour les contributions directes, bien que général, doit, en raison de son rang qui s'exerce avant tout autre, primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l'assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le Trésor, en raison de l'effet attributif de l'ATD, exerce ainsi immédiatement la faculté de rachat du contrat d'assurances aux lieu et place de la banque ou du souscripteur ; que par ailleurs, l'appelante n'est pas fondée à opposer au Trésor une doctrine postérieure à l'ATD et qui n'était en outre que le reflet de la jurisprudence à la date de sa publication ; qu'il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a, en application de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, condamné l'assureur à payer au comptable public le montant de la créance de celui-ci dans la limite de la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par le redevable de l'imposition ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il n'est pas contesté que le 30 mai 2017, la société Cardif a versé entre les mains du Service des impôts des particuliers la somme de 3.503,58 euros correspondant aux deux premiers contrats ; que concernant le troisième contrat, la société Cardif oppose au Trésor public le nantissement consenti par M. B... à la BNP le 2 décembre 2012 et indique que le contrat conclu avec la banque emporte transfert à cette dernière du droit d'exercer le rachat ; qu'il résulte de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales que les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus sur la demande qui leur en est fait sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser aux lieu et place des redevables les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des impositions dues par ces redevables ; que l'article L. 263 du livre des procédures fiscales dispose que l'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter dès réception les sommes dont le versement est demandé au paiement des impositions privilégiées quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles ; que concernant les contrats d'assurance-vie, l'article L. 263-0 A prévoit que peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détenteur ( ) notifié dans les conditions prévues aux articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable ( ) Dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur ; qu'il n'est pas contesté en l'espèce que le contrat d'assurance vie en cause est rachetable ; que l'avis à tiers détenteur est donc opérant, quand bien même l'exercice du droit de rachat a été transféré au créancier nanti, ce transfert ayant pour seule conséquence de permettre au créancier nanti d'être payé directement par l'assureur en cas d'exigibilité de l'obligation principale et non d'interdire les voies d'exécution prévues sur les contrats d'assurance vie rachetables ; que par ailleurs, l'article 1920 du code général des impôts précise que le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles appartenant aux redevables ; qu'en l'espèce, le Trésor poursuit le recouvrement de l'impôt sur le revenu lequel constitue une contribution directe ; que si l'article 2332-1 du code civil prévoit que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux, ce texte réserve les « dispositions contraires » ; qu'il en résulte que le privilège du Trésor pour les contributions directes et taxes assimilées, bien que général, doit en raison de son rang, qui s'exerce, selon l'article 1920 du code général des impôts, avant tout autre, primer le nantissement de biens mobiliers, quelle que soit à la date à laquelle ce dernier a été inscrit ; que le Service des impôts des particuliers de Paris 7ème est donc fondé à solliciter sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution la condamnation de la société Cardif à lui payer l'intégralité des fonds versés par M. B... dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur ; 1) ALORS QUE seuls les contrats d'assurance vie rachetables par le redevable de l'impôt peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détenteur ; que lorsque le contrat d'assurance vie a été nanti, le souscripteur ne dispose plus d'une telle faculté ; que la cour d'appel a constaté que le 2 décembre 2012, M. B... avait donné en nantissement à la société BNP Paribas les créances qu'il détenait contre la société Cardif assurance vie au titre du contrat d'assurance vie n° ... ; que la société BNP Paribas faisait valoir qu'un tel nantissement avait fait perdre à M. B... le bénéfice de la faculté de rachat (concl. BNP Paribas, p. 3, dernier §) ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat pouvait faire l'objet d'un avis à tiers détenteur, la cour d'appel a violé les articles L. 262 et L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, ensemble l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 2) ALORS au surplus QUE seul le créancier nanti reçoit valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu'en intérêts ; que la cour d'appel a constaté que M. B... avait donné en nantissement le 2 décembre 2012 à la société BNP Paribas les créances qu'il détenait contre la société Cardif assurance vie au titre du contrat d'assurance vie n° ... ; qu'en condamnant la société Cardif assurance vie à verser l'intégralité de la valeur de rachat de ce contrat au Trésor public, au prétexte qu'il bénéficiait d'un privilège mobilier général s'exerçant avant tout autre, la cour d'appel a violé l'article 2363 du code civil, ensemble l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 3) ALORS en toute hypothèse QUE le créancier nanti d'un contrat d'assurance sur la vie est titulaire d'un droit de rétention qui prime les autres créanciers, mêmes privilégiés, quel que soit leur rang ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. B... avait donné en nantissement à la société BNP Paribas les créances qu'il détenait contre la société Cardif assurance vie au titre du contrat d'assurance vie n° ... ; qu'en condamnant la société Cardif assurance vie à verser l'intégralité de la valeur de rachat de ce contrat au Trésor public, au prétexte qu'il bénéficiait d'un privilège mobilier général s'exerçant avant tout autre, la cour d'appel a violé l'article 2364 du code civil, ensemble l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution. Moyen produit au pourvoi n° Q 19-13.636 par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Cardif assurance vie. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Cardif Assurance Vie à payer au Service des impôts des particuliers de Paris 7ème l'intégralité des fonds versés par M. B... sur le contrat n° ... dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens AUX MOTIFS QUE Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge et que le soutient à bon droit le comptable public, il résulte de l'article 1920 du code général des impôts que le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent. En l'espèce, le Trésor poursuit le recouvrement d'impôts sur le revenu, soit des contributions directes. Si l'article 2332-1 du code civil prévoit que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux, ce texte réserve les dispositions contraires. Il en résulte que le privilège du Trésor pour les contributions directes, bien que général, doit, en raison de son rang qui s'exerce avant tout autre, primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l'assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le Trésor, en raison de l'effet attributif de l'ATD, exerce ainsi immédiatement la faculté de rachat du contrat d'assurances aux lieu et place de la banque ou du souscripteur. Par ailleurs, l'appelante n'est pas fondée à opposer au Trésor une doctrine postérieure à l'ATD et qui n'était en outre que le reflet de la jurisprudence à la date de sa publication. Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a, en application de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, condamné l'assureur à payer au comptable public le montant de la créance de celui-ci dans la limite de la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par le redevable de l'imposition. ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Il résulte de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales que les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus sur la demande qui leur en est fait sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser aux lieu et place des redevables les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des impositions dues par ces redevables. L'article L. 263 du livre des procédures fiscales dispose que l'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter dès réception les sommes dont le versement est demandé au paiement des impositions privilégiées quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles. Concernant les contrats d'assurance-vie, l'article L. 263-0 A prévoit que peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détenteur (...) notifié dans les conditions prévues aux articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable (...) Dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur. Il n'est pas contesté en l'espèce que le contrat d'assurance vie en cause est rachetable. L'avis à tiers détenteur est donc opérant, quand bien même l'exercice du droit de rachat a été transféré au créancier nanti, ce transfert ayant pour seule conséquence de permettre au créancier nanti d'être payé directement par l'assureur en cas d'exigibilité de l'obligation principale et non d'interdire les voies d'exécution prévues sur les contrats d'assurance vie rachetables. Par ailleurs, l'article 1920 du code général des impôts précise que le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles appartenant aux redevables. En l'espèce, le Trésor poursuit le recouvrement de l'impôt sur le revenu lequel constitue une contribution directe. Si l'article 2332-1 du code civil prévoit que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux, ce texte réserve les "dispositions contraires". Il en résulte que le privilège du Trésor pour les contributions directes et taxes assimilées, bien que général, doit en raison de son rang, qui s'exerce, selon l'article 1920 du code général des impôts, avant tout autre, primer le nantissement de biens mobiliers, quelle que soit à la date à laquelle ce dernier a été inscrit. Le Service des impôts des particuliers de Paris 7ème est donc fondé à solliciter sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution la condamnation de la société Cardif à lui payer l'intégralité des fonds versés par M. B... dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur. 1°) ALORS QUE selon les dispositions de l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en la cause, peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, dans les conditions prévues aux articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales, les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l'objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur ; que le nantissement du contrat d'assurance vie ne constitue pas une limitation de la possibilité de rachat au sens de ces dispositions, mais rend le contrat non rachetable et non saisissable dès lors que le souscripteur ayant renoncé à sa faculté de rachat en la transférant à son créancier, ladite valeur sort de son patrimoine ; que la cour d'appel qui a donné effet à un avis à tiers détenteur sur un contrat d'assurance ayant fait l'objet d'un nantissement antérieurement à sa notification a violé l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L 211-2 et R 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°) ALORS QUE le nantissement du contrat confère au créancier nanti un droit exclusif sur la valeur de rachat ; qu'il en résulte que l'avis à tiers détenteur qui oblige l'assureur à payer le Trésor public « aux lieu et place du redevable », est sans effet attributif lorsque le contrat est donné en nantissement, le redevable ne disposant plus dans son patrimoine des droits qu'il a régulièrement transférés avant la notification de l'avis à tiers détenteur ; qu'en donnant cependant effet à l'avis à tiers détenteur notifié à l'assureur postérieurement à la constitution du nantissement, la cour d'appel a violé l'article 2363 du code civil par refus d'application et l'article 1920 du code général des impôts par fausse application, ensemble les articles L 211-2 et R 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 3°) ALORS QUE le créancier nanti d'un contrat d'assurance sur la vie est titulaire d'un droit de rétention qui prime les autres créanciers, mêmes privilégiés, quel que soit leur rang ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. B... avait donné en nantissement à la société Bnp Paribas les créances qu'il détenait contre la société Cardif assurance vie au titre du contrat d'assurance vie n° ... ; qu'en condamnant la société Cardif assurance vie à verser l'intégralité de la valeur de rachat de ce contrat au Trésor public, au prétexte qu'il bénéficiait d'un privilège mobilier général s'exerçant avant tout autre, la cour d'appel a violé les articles 1920 du code général des impôts et 2355 du code civil, ensemble les articles L 211-2 et R 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 4°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties en affirmant que n'est pas contesté ce qui est contesté ; que l'assureur ayant soutenu en l'espèce que le souscripteur a renoncé à sa faculté de rachat en prévoyant dans l'acte de nantissement le transfert de cette faculté de rachat au profit de la banque, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en énonçant par motifs adoptés qu'il n'est pas contesté en l'espèce que le contrat d'assurance vie en cause est rachetable, et a ainsi violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile.
Il résulte de la combinaison des articles 2363 du code civil et L. 132-10 du code des assurances que le créancier bénéficiaire d'un nantissement de contrat d'assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d'un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés. Viole ces dispositions la cour d'appel qui condamne une société d'assurance, tiers saisi, à verser au comptable public saisissant le montant visé par un avis à tiers détenteur portant sur un contrat d'assurance vie souscrit par le débiteur, alors que ce contrat était nanti au profit d'un tiers
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CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 629 F-P+B+I Pourvoi n° W 19-16.954 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 La société Normafi, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-16.954 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Société immobilière du logement de l'Eure, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ à M. X... I..., domicilié [...] , pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Normafi, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Normafi, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Société immobilière du logement de l'Eure, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 mars 2019), un jugement du 21 septembre 2017 a condamné la société Siloge à payer une certaine somme à la société Normafi et a débouté ces deux sociétés de leurs autres demandes. 2. La société Normafi ayant interjeté appel de cette décision, la société Siloge a soutenu que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, faute pour l'appelante d'avoir indiqué dans la déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais, sur le moyen, pris en ses quatre premières branches Enoncé du moyen 4. La société Normafi fait grief à l'arrêt de « constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour n'étant saisie d'aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris », et dire en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur son appel principal, alors : « 1° / que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ; que la déclaration d'appel de la société Normafi indiquait expressément que ce dernier tendait à la « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs » relatifs aux demandes qu'elle énumérait, de sorte que l'appel avait déféré à la cour la connaissance de ces chefs du jugement ; qu'en retenant qu'elle n'aurait été saisie d'aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer « telle ou telle disposition du jugement entrepris », la cour d'appel a violé les articles 4 et 562 du code de procédure civile ; 2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la déclaration d'appel définissait expressément l'objet de l'appel dans les termes suivants : « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs suivants : appel aux fins de voir : - prononcer le sursis à statuer - débouter la SA Siloge de toutes ses demandes - constater que les PV de réception ont été établis le 2 mars 2012 - prononcer la réception judiciaire du chantier au 2 mars 2012 - condamner la SA Siloge à transmettre les PV datés du 2 mars 2012, sous astreinte - constater que la SA Siloge reconnaît devoir 95 452,08 euros - écarter toute compensation - ordonner la consignation sous astreinte de 132 000 euros », soit les demandes de la société Normafi rejetées par le jugement et donc, les chefs du jugement par lesquels la société Normafi avait été déboutée de ces demandes ; qu'en retenant que la déclaration d'appel se serait bornée à énumérer certaines demandes de l'appelante, sans qu'il soit « aucunement fait référence » aux chefs du jugement critiqués, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé le principe susvisé ; 3°/ qu'en tout état de cause, la seule sanction attachée à l'absence de mention, dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués, consiste dans la nullité de l'acte pour vice de forme, l'article 562 du code de procédure civile n'édictant aucune fin de non-recevoir ; qu'en déniant à l'appel tout effet dévolutif, sans avoir caractérisé la nullité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile ; 4°/ qu'en toute hypothèse, les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en retenant, pour dire qu'elle n'était saisie d'aucune demande tendant à voir réformer le jugement, que la déclaration d'appel se bornait à énumérer des demandes de l'appelante, sans qu'il soit fait référence aux chefs du jugement critiqués, quand le visa, au titre des chefs critiqués, des demandes dont l'appelante avait été déboutée par le tribunal de commerce, ne laissait subsister aucun doute sur l'objet de l'appel, qui critiquait ainsi sans ambiguïté le chef par lequel le jugement avait débouté la société Normafi de ces demandes, la cour d'appel, procédant à une application excessivement formaliste de l'article 562 du code de procédure civile, a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, au point de l'atteindre dans sa substance même, et a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 6. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. 7. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé. 8. Par ailleurs, la déclaration d'appel affectée d'une irrégularité, en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile. 9. Ces règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d'ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d'accès au juge d'appel. 10. Dès lors, la cour d'appel, ayant constaté que la déclaration d'appel se bornait à solliciter la réformation et/ou l'annulation de la décision sur les chefs qu'elle énumérait et que l'énumération ne comportait que l'énoncé des demandes formulées devant le premier juge, en a déduit à bon droit, sans dénaturer la déclaration d'appel et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'était saisie d'aucun chef du dispositif du jugement. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Normafi aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Normafi et la condamne à payer à la société Siloge la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Normafi Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR « constaté l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour n'étant saisie d'aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris », et dit en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur l'appel principal de la société Normafi ; AUX MOTIFS QU'il résulte de la déclaration d'appel que ce recours est diligenté « aux fins de réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs suivants : Appel aux fins de voir: - prononcer le sursis à statuer - débouter la SA Siloge de toutes ses demandes - constater que les PV de réception ont été établis le 2 mars 2012 - prononcer la réception judiciaire du chantier au 2 mars 2012 - condamner la SA Siloge à transmettre les PV datés du 2 mars 2012, sous astreinte - constater que la SA Siloge reconnaît devoir 95 452,08 euros - écarter toute compensation - ordonner la consignation sous astreinte de 132 000 euros – condamner la SA Siloge au paiement de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens » ; qu'il n'est nullement prétendu que l'appel tendrait à l'annulation du jugement entrepris ; qu'en outre, la déclaration d'appel se borne à énumérer un certain nombre de demandes de l'appelante, sans qu'il soit aucunement fait référence aux chefs du jugement critiqués ; qu'ainsi que le souligne l'intimée, les conclusions de la société Normafi, qui demande à la cour de la déclarer recevable en son appel, d'y faire droit et de « réformer », ne précisent pas davantage quels sont les dispositions du jugement entrepris qui sont critiquées, ni même quelles sont les prétentions de l'appelante qui auraient été à tort rejetées ou écartées ; que la cour constatera en conséquence qu'elle n'est saisie d'aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris ; 1°) ALORS QUE l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ; que la déclaration d'appel de la société Normafi indiquait expressément que ce dernier tendait à la « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs » relatifs aux demandes qu'elle énumérait, de sorte que l'appel avait déféré à la cour la connaissance de ces chefs du jugement ; qu'en retenant qu'elle n'aurait été saisie d'aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer « telle ou telle disposition du jugement entrepris », la cour d'appel a violé les articles 4 et 562 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la déclaration d'appel définissait expressément l'objet de l'appel dans les termes suivants : « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs suivants : appel aux fins de voir : - prononcer le sursis à statuer - débouter la SA Siloge de toutes ses demandes - constater que les PV de réception ont été établis le 2 mars 2012 - prononcer la réception judiciaire du chantier au 2 mars 2012 - condamner la SA Siloge à transmettre les PV datés du 2 mars 2012, sous astreinte - constater que la SA Siloge reconnaît devoir 95 452,08 euros - écarter toute compensation - ordonner la consignation sous astreinte de 132 000 euros », soit les demandes de la société Normafi rejetées par le jugement et donc, les chefs du jugement par lesquels la société Normafi avait été déboutée de ces demandes ; qu'en retenant que la déclaration d'appel se serait bornée à énumérer certaines demandes de l'appelante, sans qu'il soit « aucunement fait référence » aux chefs du jugement critiqués, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé le principe susvisé ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause, la seule sanction attachée à l'absence de mention, dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués, consiste dans la nullité de l'acte pour vice de forme, l'article 562 du code de procédure civile n'édictant aucune fin de non-recevoir ; qu'en déniant à l'appel tout effet dévolutif, sans avoir caractérisé la nullité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse, les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en retenant, pour dire qu'elle n'était saisie d'aucune demande tendant à voir réformer le jugement, que la déclaration d'appel se bornait à énumérer des demandes de l'appelante, sans qu'il soit fait référence aux chefs du jugement critiqués, quand le visa, au titre des chefs critiqués, des demandes dont l'appelante avait été déboutée par le tribunal de commerce, ne laissait subsister aucun doute sur l'objet de l'appel, qui critiquait ainsi sans ambiguïté le chef par lequel le jugement avait débouté la société Normafi de ces demandes, la cour d'appel, procédant à une application excessivement formaliste de l'article 562 du code de procédure civile, a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, au point de l'atteindre dans sa substance même, et a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°) ALORS QUE l'effet dévolutif de l'appel ne dépend pas de la mention, dans les conclusions de l'appelant, des dispositions du jugement critiquées ; qu'en retenant, pour dire que l'appel n'aurait pas eu d'effet dévolutif, dès lors qu'elle n'aurait été saisie d'aucune demande tendant à réformer ou infirmer « telle ou telle disposition du jugement », que le conclusions de la société Normafi n'auraient pas précisé les dispositions du jugement critiquées, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles 4, 561, et 954 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il résulte de ses dernières conclusions d'appel que la société Normafi y indiquait les dispositions du jugement critiquées ainsi que ses prétentions que le tribunal avait rejetées à tort, et qu'elle demandait à la cour d'appel d'accueillir ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel, qui a dénaturé ces conclusions, a violé le principe susvisé.
Une cour d'appel, qui constate que la déclaration d'appel se borne à solliciter la réformation et/ou l'annulation de la décision sur les chefs qu'elle énumère et que l'énumération ne comporte que l'énoncé des demandes formulées devant le premier juge, en déduit à bon droit, sans dénaturer la déclaration d'appel et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement
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CIV. 2 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 632 F-P+B+I Pourvoi n° Q 19-14.855 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 La société L'investisseur gestion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-14.855 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre civile A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. Y... A..., domicilié [...] , 2°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. M... I..., en qualité de mandataire judiciaire au redressement de la société L'investisseur gestion, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés L'investisseur gestion et BTSG, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2018), un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société L'investisseur gestion (la société) et a désigné la société BTSG, prise en la personne de M. I..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan. 2. M. A... a déclaré une créance au passif de la procédure collective, qui a été contestée par la société. 3. La société a relevé appel de l'ordonnance d'un juge commissaire ayant admis cette créance. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt, en considération de l'absence d'intimation du mandataire judiciaire au redressement judiciaire, la société BTSG, partie indivisible à la procédure de vérification et d'admission des créances, de déclarer irrecevable l'appel qu'elle a formé à l'encontre de l'ordonnance du juge commissaire ayant admis la créance déclarée par M. A... au passif de la procédure de redressement judiciaire, à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 114.013,58 euros et de rejeter toute autre fin de non-recevoir, alors « que l'appelant peut appeler les autres parties à l'instance et régulariser son acte d'appel jusqu'à ce que le juge statue, notamment par voie de conclusions régulièrement signifiées ; qu'en considérant, pour déclarer l'appel irrecevable, que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée le 2 mai 2018 par la société à la SCP BTSG en la personne de M. I... ne pouvait avoir régularisé la procédure, cependant que la signification des conclusions à la société BTSG le 2 mai 2018, intervenue avant que le juge ne statue, avait eu pour effet de régulariser l'appel à l'égard de la société BTSG, ès qualités, la cour d'appel a violé l'article 552 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des articles 552 et 553 du code de procédure civile, qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance mais l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Par conséquent, l'appel étant, en application de l'article 900 du même code, formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe, les parties que l'appelant a omis d'intimer sont appelées à l'instance par voie de déclaration d'appel. 6. Ayant constaté que la société avait relevé appel de l'ordonnance de vérification et d'admission des créances du juge commissaire sans intimer la société BTSG, ès qualités, qui était partie à cette procédure, et exactement retenu que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée par l'appelante à la société BTSG, ès qualités, n'avait pu entraîner une régularisation, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge commissaire, dans une matière où l'objet du litige est indivisible, était irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société L'investisseur gestion aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société L'investisseur gestion ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société L'investisseur gestion Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en considération de l'absence d'intimation, par la société L'Investisseur Gestion, du mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société L'Investisseur Gestion, la société BTSG, partie indivisible à la procédure de vérification et d'admission des créances, déclaré irrecevable l'appel formé par la société L'Investisseur Gestion à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ayant admis la créance déclarée par Monsieur A... au passif de la procédure de redressement judiciaire, à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 114.013,58 euros et d'avoir rejeté toute autre fin de non-recevoir ; AUX MOTIFS QUE « la Cour n'ayant sollicité que la transmission de la décision ayant arrêté le plan de redressement, la note en délibéré de l'appelante ainsi que celle de l'intimé, non autorisées seront écartées ; que le jugement en date du 6 novembre 2017 ayant arrêté le plan de redressement de la société L'investisseur Gestion n'a pas mis fin à la mission du mandataire judiciaire en charge de la vérification du passif ; que sur l'irrecevabilité de l'appel, l'intimé soutient en premier lieu que l'appel, interjeté par la SCP BTSG, commissaire à l'exécution du plan ne représentant pas le débiteur, est irrecevable ; que toutefois la déclaration d'appel mentionne que l'appelant est la SARL L'investisseur Gestion et précise en "complément d'information" : "placée sous plan de continuation par jugement du 7 novembre 2017 ayant comme commissaire à l'exécution du plan la SCP BTSG en la personne de Me M... I..., [...] " ; qu'il ne peut être déduit de cette formulation informative que le commissaire à l'exécution du plan a interjeté appel au nom de la société L'investisseur Gestion ; que l'appel émane clairement de la SARL L'investisseur Gestion ; que cette fin de non-recevoir sera rejetée ; que Monsieur A... fait valoir en second lieu qu'en vertu de l'article 553 du code de procédure civile, "En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties... l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes les parties sont appelées à l'instance" ; qu'il ajoute justement qu'existe un tel lien d'invisibilité en matière de vérification du passif ; entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, et qu'il en résulte que lorsque l'appel est formé par le débiteur seul il lui appartient d'intimer, non seulement le créancier mais aussi le mandataire judiciaire, à peine d'irrecevabilité de l'appel ; que la SCP BTSG prise en la personne de Me M... I..., mandataire judiciaire, de la société SARL L'investisseur Gestion, est partie à la procédure de vérification et d'admission des créances et a été visée dans l'ordonnance attaquée en cette qualité ; qu'elle n'a pas été intimée par l'appelante ; que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée le 2 mai 2018 par l'appelante à la SCP BTSG en la personne de Mc M... I... ne peut avoir régularisé la procédure ; que faute d'intimation du mandataire judiciaire et de régularisation de cette omission relevée depuis le 1er juin 2018 par l'appelante, eu égard à l'absence du mandataire judiciaire la SCP BTSG, partie indivisible à la procédure, l'appel sera déclaré irrecevable ; que la SARL L'investisseur Gestion est condamnée au paiement d'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens » ; ALORS QUE l'appelant peut appeler les autres parties à l'instance et régulariser son acte d'appel jusqu'à ce que le juge statue, notamment par voie de conclusions régulièrement signifiées ; qu'en considérant, pour déclarer l'appel irrecevable, que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée le 2 mai 2018 par la société L'Investisseur Gestion à la SCP BTSG en la personne de M. M... I... ne pouvait avoir régularisé la procédure, cependant que la signification des conclusions à la société BTSG le 2 mai 2018, intervenue avant que le juge ne statue, avait eu pour effet de régulariser l'appel à l'égard de la société BTSG, ès qualités de liquidateur, la cour d'appel a violé l'article 552 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 552 et 553 du code de procédure civile qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance, mais l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Par conséquent, l'appel étant, en application de l'article 900 du même code, formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe, les parties que l'appelant a omis d'intimer sont appelées à l'instance par voie de déclaration d'appel. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel, qui constate, dans une matière où l'objet du litige est indivisible, qu'un appelant a omis d'intimer une partie à la procédure, retient que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée par l'appelant à cette partie n'a pu entraîner une régularisation de la déclaration d'appel et déclare l'appel irrecevable
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 638 F-P+B+I Pourvoi n° J 17-12.611 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 M. M... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 17-12.611 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Bateaux moteur Bavaria France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 septembre 2017, 2°/ à la société Bavaria Yachtbau GmbH, société de droit étranger, dont le siège est [...], 3°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , ayant un établissement secondaire [...] , prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Yacht Azur, 4°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. La société Bavaria Yachtbau GmbH et la société BNP Paribas ont formé, chacune, un pourvoi provoqué contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La société Bavaria Yachtbau GmbH invoque, à l'appui de son pourvoi provoqué, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La société BNP Paribas invoque, à l'appui de son pourvoi provoqué, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. O..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Bavaria Yachtbau GmbH, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Donne acte à M. O... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bateaux moteur Bavaria France, la société [...], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Yacht Azur, et la société BNP Paribas ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 décembre 2016), que, le 28 juin 2006, M. O... a commandé auprès de la société Yacht Azur un navire de plaisance, fabriqué par la société Bavaria Yachtbau GmbH (la société Bavaria Yachtbau) et cédé à la société Yacht Azur par le distributeur exclusif de la marque, la société Bateaux moteur Bavaria France (la société BMB) ; que, pour cette acquisition, M. O... a conclu un contrat de location avec option d'achat auprès de la société BNP Paribas (la société BNP) ; qu'un jugement a placé la société Yacht Azur en redressement judiciaire, converti ensuite en liquidation judiciaire, M. P... étant désigné en qualité de liquidateur ; qu'invoquant l'existence de vices cachés, M. O... a obtenu en référé la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 10 décembre 2008 ; que, le 17 février 2009, M. O... a assigné en résolution de la vente et du contrat de location la société Yacht Azur, M. P..., ès qualités, la société BNP et la société BMB ; que le 17 février 2010, cette dernière a appelé en intervention forcée la société Bavaria Yachtbau ; Sur le moyen unique du pourvoi principal : Délibéré par la première chambre civile de la Cour de cassation après débats à l'audience publique du 18 septembre 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mmes Reygner, Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, M. Mornet, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ; Sur sa recevabilité, contestée en défense : Attendu que la société Bavaria Yachtbau soutient que le moyen est dénué d'intérêt dès lors que M. O... ayant déjà obtenu la condamnation de la société BNP à lui rembourser les sommes versées en application du contrat de financement, il n'est pas recevable à solliciter la condamnation du constructeur à lui restituer cette même somme ; Mais attendu que la demande formée par M. O... tendait à obtenir non seulement la restitution du prix de vente mais aussi la réparation de son préjudice ; qu'ayant un intérêt à obtenir la cassation du chef de l'arrêt qui la déclare prescrite, le moyen est recevable ; Sur le moyen, pris en sa première branche : Attendu que M. O... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme étant prescrite, sa demande formée contre la société Bavaria Yachtbau alors, selon le moyen, que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, de sorte qu'elle se prolonge à l'égard de toutes les parties jusqu'à ce que le litige ait trouvé sa solution ; qu'il s'ensuit que la prescription se trouvait donc interrompue à l'égard de toutes les parties du seul fait que le vendeur intermédiaire avait appelé en cause le fabricant, de sorte que les demandes formées par M. O... à l'égard de la société Bavaria Yachtbau n'étaient pas atteintes par la prescription, plus de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise ; qu'en affirmant, pour retenir la fin de non-recevoir tirée de la prescription, que M. O... « a conclu envers la société Bavaria Yachtbau, le 23 mars 2011 », plus de deux ans après la découverte du vice résultant du dépôt par l'expert de son rapport, le 10 décembre 2008, après avoir constaté, par des motifs adoptés des premiers juges, que « l'intervention forcée d'une partie en justice n'interrompt pas le délai de prescription à son encontre avant que des prétentions aient été formulées à son encontre », quand la prescription avait été interrompue à l'égard de toutes les parties, à la suite de l'assignation délivrée le 17 février 2010 à la société Bavaria Yachtbau par la société BMB, dans les deux ans de la découverte du vice, la cour d'appel a violé les articles 1648, alinéa 2, et 2242 du code civil ; Mais attendu qu'une citation en justice n'interrompant la prescription que si elle a été signifiée par le créancier lui-même au débiteur se prévalant de la prescription, l'acte par lequel la société BMB a assigné en intervention forcée la société Bavaria Yachtbau n'a pu interrompre la prescription dont s'est prévalue cette dernière à l'égard de M. O... ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur ce même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé : Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ; Sur le pourvoi provoqué formé par la société Bavaria Yachtbau : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen de ce pourvoi, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le pourvoi provoqué formé par la société BNP : Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par M. O... : Attendu que pour s'opposer à la recevabilité de ce pourvoi, M. O... soutient qu'en raison du désistement de son pourvoi en tant que dirigé contre la société BNP, cette dernière n'est pas défenderesse au pourvoi principal, lequel ne critique pas un chef de dispositif de l'arrêt la concernant et que celle-ci ne justifie pas que son propre pourvoi provoqué découle du pourvoi principal ou du pourvoi provoqué de la société Yachtbau ; Mais attendu, d'une part, que le pourvoi provoqué de la société Bavaria Yachtbau en ce qu'il vise le chef de dispositif de l'arrêt l'ayant condamnée à verser une certaine somme à la société BNP peut affecter la situation de celle-ci, qui pourrait être privée de la restitution de la somme à laquelle elle a été condamnée au profit de M. O... ; que, d'autre part, le rejet du pourvoi provoqué de la société Bavaria Yachtbau est sans incidence sur la recevabilité du pourvoi provoqué de la société BNP, qui n'a pas été formé à titre éventuel ; Et attendu, enfin, que le pourvoi de cette dernière ayant été formé dans le délai dont elle disposait, en application de l'article 1010 du code de procédure civile, pour répondre au pourvoi provoqué de la société Bavaria Yachtbau, le pourvoi provoqué de la société BNP est recevable ; Sur le moyen unique de ce pourvoi provoqué : Attendu que la société BNP fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité du contrat de financement souscrit par M. O... auprès d'elle et de la condamner en conséquence à rembourser à M. O... la somme totale de 280 705,21 euros, avec intérêts à compter du 17 février 2009, alors, selon le moyen, que, sauf cause de nullité l'affectant directement, le contrat de location avec option d'achat n'est que résilié en conséquence de la résolution du contrat de vente ; que l'anéantissement du contrat de vente entraîne la résiliation du contrat de location avec option d'achat, sous réserve de l'application des clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation ; qu'en l'espèce, l'article 5 du contrat de location avec option d'achat conclu entre la société BNP et M. O... le 20 décembre 2006 stipulait expressément qu'en cas de résolution judiciaire de la vente, le contrat de location serait résilié à compter du jour où cette résolution serait devenue définitive, et que le locataire serait redevable, « outre les loyers impayés à cette date, d'une indemnité de résiliation égale aux loyers restant à échoir jusqu'à l'issue de la période irrévocable de location actualisés au taux de référence, augmentée du montant de l'option d'achat également actualisée » ; qu'aux termes du procès-verbal de prise en charge du même jour, M. O... a pris livraison du bateau « sans restriction ni réserve » ; qu'en décidant que « la résolution du contrat de vente relatif au navire litigieux (...) entraînait la caducité du contrat de financement du fait que ces contrats (étaient) indivisibles » et que cette clause était « réputée non écrite », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; Mais attendu que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d'effet de la résolution, du contrat de location avec option d'achat et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, après avoir prononcé la résolution du contrat de vente, a retenu que cette résolution entraînait la caducité du contrat de location-vente, que la société BNP ne pouvait se prévaloir de clauses contractuelles de garantie et de renonciation à recours et devait restituer à M. O... les loyers perçus en exécution du contrat de location-vente ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois principal et provoqués ; Condamne M. O... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. O... Le pourvoi fait grief à l'arrêt D'AVOIR déclaré irrecevable, comme étant prescrite, la demande formée par M. O... à l'encontre de la société BAVARIA YACHTBAU GmbH ; AUX MOTIFS PROPRES QUE cette société a été mise en cause dans l'instance au fond par la société BMB FRANCE selon assignation du 17 février 2010 ; que M. O..., suite au dépôt du rapport d'expertise précité intervenu le 10 décembre 2008, a conclu envers la société BAVARIA YACHTBAU GmbH, le 23 mars 2011 ; AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'action du demandeur est fondée sur la garantie des vices cachés qui conduit le vendeur à être tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose qui la rendent tellement impropre à son usage ou qui diminue tellement son usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; que cette action est enfermée dans un bref délai édicté par l'article 1648 du code civil qui est de deux ans à compter de la découverte du vice ; qu'en l'espèce, le vice a été découvert, et cela résulte des conclusions du demandeur, au mois de mai 2007, période à laquelle il en a informé la SARL YACHT AZUR ; qu'à défaut de constituer une date certaine de découverte du vice, il peut être considéré que le vice a été découvert le jour du dépôt du rapport d'expertise, soit le 10 décembre 2008 ; que le délai n'a été interrompu à l'égard de la BAVARIA YACHTBAU GmbH ni par la réalisation des opérations d'expertise ni par le dépôt du rapport, puisque cette dernière n'a pas été appelée aux opérations d'expertise réalisées en exécution d'une ordonnance de référés du 17 octobre 2007 rendue par le juge des référés saisi par l'acheteur contre le vendeur français et le bailleur puis le distributeur français appelé, le contradictoire n'ayant pas été réclamé à rencontre de la société allemande ; que dès lors l'action contre la société BAVARIA YACHTBAU GmbH, appelée en la cause par acte du 17 février 2010 par la société BATEAUX MOTEUR BAVARIA FRANCE est prescrite, au regard du fait que les premières demandes formées à son encontre par monsieur O... datent du 23 mars 2011 alors que le vice a été découvert en mai 2007, sinon le 10 décembre 2008 ; que l'article 2240 prévoit que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que la présence de la défenderesse aux opérations d'expertise ne constitue nullement une reconnaissance du droit de l'acheteur à agir contre elle en résolution pour vice caché et en condamnation au paiement de dommages et intérêts ; qu'elle ne constitue pas non plus une manifestation non équivoque de renoncer à se prévaloir de l'ensemble des moyens de droit et de fait dont elle pourrait disposer au cours d'une action intentée contre elle par l'acheteur ; qu'en l'espèce il ne ressort pas du rapport d'expertise ni d'aucune autre pièce que monsieur E..., sachant mandaté par la défenderesse accompagné de madame H... en qualité de traductrice, ait reconnu sa responsabilité dans le dommage objet du litige ; que sa seule remarque relative au fait qu'il s'agirait d'un cas exceptionnel n'apporte en rien la preuve de ce qu'il reconnaît sa responsabilité, de même que la proposition d'effectuer éventuellement des travaux sans indication sur le point de savoir si une contrepartie financière serait alors réclamée ; que l'intervention forcée d'une partie en justice n'interrompt pas le délai de prescription à son encontre avant que des prétentions aient été formulées à son encontre ; que, par ailleurs, au regard des articles 1604 et suivants et 1641 et suivants du code civil, que si la non-conformité de la chose aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l'obligation de délivrance, en revanche la non-conformité de la chose vendue à sa destination normale ressort de la garantie des vices cachés ; que les défauts qui rendent la chose impropre à sa destination normale constituent uniquement des vices définis par l'article 1641 du code civil qui est donc l'unique fondement de l'action formée contre le vendeur, le distributeur ou le fabriquant d'un bateau affecté du vice d'un élément structurel affectant la cloison centrale du bateau et non contesté ; qu'il convient par conséquent de déclarer monsieur O... irrecevable à agir à l'encontre de la société BAVARIA YACHTBAU GmbH ; 1. ALORS QUE l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, de sorte qu'elle se prolonge à l'égard de toutes les parties jusqu'à ce que le litige ait trouvé sa solution ; qu'il s'ensuit que la prescription se trouvait donc interrompue à l'égard de toutes les parties du seul fait que le vendeur intermédiaire avait appelé en cause le fabricant, de sorte que les demandes formées par M. O... à l'égard de la société BAVARIA YACHTBAU GmbH n'étaient pas atteintes par la prescription, plus de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise ; qu'en affirmant, pour retenir la fin de non-recevoir tirée de la prescription, que M. O... « a conclu envers la société BAVARIA YACHTBAU Gmbh, le 23 mars 2011 », plus de deux ans après la découverte du vice résultant du dépôt par l'expert de son rapport, le 10 décembre 2008 (arrêt attaqué, p. 7, pénultième et dernier alinéas), après avoir constaté, par des motifs adoptés des premiers juges, que « l'intervention forcée d'une partie en justice n'interrompt pas le délai de prescription à son encontre avant que des prétentions aient été formulées à son encontre » (jugement entrepris, p. 10, dernier alinéa), quand la prescription avait été interrompue à l'égard de toutes les parties, à la suite de l'assignation délivrée le 17 février 2010 à la société BAVARIA YACHTBAU GmbH par la société BATEAUX MOTEUR BAVARIA FRANCE, dans les deux ans de la découverte du vice, la cour d'appel a violé les articles 1648, alinéa 2, et 2242 du code civil ; 2. ALORS en toute hypothèse QUE l'incompétence de la juridiction saisie ne prive pas l'assignation de son effet interruptif ; qu'il résulte des constations de l'arrêt attaqué que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Draguignan, par ordonnance du 12 juillet 2011, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formée par la société BATEAUX MOTEURS BAVARIA FRANCE à l'encontre de la société BAVARIA YACHTBAU GmbH, par la voie d'une assignation délivrée le 17 février 2010 ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit fondée sur une telle incompétence pour dénier tout effet interruptif à l'assignation délivrée le 17 février 2010, elle n'en a pas moins violé l'article 2242 du code civil ; 4. ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que M. O... a soutenu que la société BAVARIA YACHTBAU GmbH s'était contredite à son détriment dès lors « qu'elle était présente et représentée dans le cadre de ces opérations et que l'expert l'a qualifiée d'intervenant volontaire dans le cadre de son rapport, sans que cette dernière ne face aucune remarque à ce sujet, ne peut prétendre que ce rapport ne lui serait pas opposable » et qu'elle « avait proposé de prendre à sa charge l'intégralité des travaux de remise en état du navire » (conclusions, p. 15) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société BAVARIA YACHTBAU GmbH ne pouvait opposer à M. O..., une fin de non-recevoir tirée de la prescription de sa demande, sans se contredire, après avoir reconnu sa responsabilité au cours des opérations d'expertise qui lui étaient opposables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe précité, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi provoqué par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Bavaria Yachtbau GmbH IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Bavaria Yachtbau à payer à la société BNP Paribas la somme de 280 286,61 euros avec intérêts de droit à compter de la présente décision et capitalisation des intérêts ; AUX MOTIFS QUE sur la qualification de l'action engagée, comme il l'a été mentionné supra, M. O... a engagé une action fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil relatifs aux vices cachés et sollicite la résolution de la vente ; que le vice caché a été mis en exergue par l'expert judiciaire qui indique que le vice affectant la cloison centrale du bateau est un vice propre d'un élément structurel du bateau qu'il convient de remplacer purement et simplement ; que ce rapport n'est pas contesté et c'est à juste titre que le tribunal a relevé que la signature sans réserve du preneur ne constituait pas une renonciation de sa part à soulever la garantie des vices cachés ; que M. O... ne peut à la fois réclamer à titre principal, à Me P... ès qualités de liquidateur de la société Yacht Azur, à la société BMB France ainsi qu'à la société Bavaria Yachtbau la somme de 280 705, 21 euros et demander à la société BNP Paribas les sommes versées en application du contrat à savoir la somme totale de 280 705, 21 euros ; qu'il convient de prononcer la résolution du contrat relatif à la vente du navire litigieux passé avec la société Yacht Azur qui entraîne la caducité du contrat de financement du fait que ces contrats son indivisibles ; que la banque ne peut se prévaloir de l'article 6 du contrat qui interdit « tout recours contre le bailleur en cas de défaillance ou de vices cachés affectant l'équipement loué ou de défaut de garanties, que se soit pour obtenir des dommages et intérêts ou la résiliation du contrat », cette clause étant réputée non écrite ; qu'il s'ensuit que la société BNP Paribas doit restituer à M. O... les sommes versées en application du contrat à savoir la somme totale de 280 705, 21 euros avec intérêts à compter du 17 février 2009, date de l'assignation devant le tribunal, et ne peut réclamer à celui-ci paiement de l'indemnité de résiliation correspondant aux loyers restant à échoir à la date de la résiliation, augmentée du montant de l'option d'achat ; que sur les demandes présentées par la société BNP Paribas, le seul article invoqué par la banque au soutien de son argumentation est l'article 1134 du code civil ; que la résolution du contrat de vente étant prononcée sur le fondement des vices cachés, la banque peut réclamer restitution des sommes versées à M. O... à la Bavaria Yachtbau et subsidiairement à la société BMB France ; que la société Bavaria Yachtbau ne peut se prévaloir de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état déclarant les juridictions françaises incompétentes pour statuer puisque cet incident ne concernait que la société BMB France ; que la banque qui a remboursé M. O... dispose d'un intérêt et de la qualité à agir envers la société Bavaria Yachtbau ; qu'en conséquence, il convient de condamner la société Bavaria Yachtbau à payer à la société BNP Paribas la somme de 280 286, 61 euros avec intérêts de droit à compter de la présente décision, attributive de droits, et capitalisation des intérêts ; que du fait de la restitution de la somme précitée par la société Bavaria Yachtbau à la société BNP Paribas, M. O... devra remettre le bateau à cette société, à charge pour elle d'aller le chercher ; 1°) ALORS QUE la demande incidente faite à l'encontre d'un tiers devant la cour d'appel doit être faite par assignation ; qu'en accueillant la demande de la société BNP Paribas formée par la voie de conclusions en appel à l'encontre de la société Bavaria Yachtbau, tiers à l'instance opposant M. O... à la société Yacht Azur, Me P... ès qualités de mandataire judiciaire de la société Yacht Azur, la société BNP Paribas et la société BMB France, sans constater que la société Bavaria Yachtbau ait été assignée ni par la société BNP Paribas, ni par M. O..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 68 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, le juge ne peut laisser le fondement juridique de sa décision incertain ; qu'en condamnant la société Bavaria Yachtbau à payer à la société BNP Paribas la somme de 280 286,61 euros, motif pris que le seul article invoqué par la banque au soutien de son argumentation est l'article 1134 du code civil et que la résolution du contrat de vente étant prononcée sur le fondement des vices cachés, la banque peut réclamer restitution des sommes versées à M. O... à la société Bavaria Yachtbau et subsidiairement à la société BMB France, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle en laissant incertain le fondement juridique de sa décision, a violé l'article 12 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement, l'action directe en garantie des vices cachés intentée par l'un des vendeurs intermédiaires à l'encontre du fabricant est soumise au délai de prescription biennale ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société Bavaria Yachtbau à payer à la société BNP Paribas la somme de 280 286,61 euros, que la banque, qui a remboursé M. O..., dispose d'un intérêt et de la qualité à agir envers la société Bavaria Yachtbau, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la demande de société BNP Paribas formulée à l'encontre de l'exposante n'était pas prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du code civil ; 4°) ALORS QUE, subsidiairement, l'action rédhibitoire exercée par l'acquéreur est celle de son auteur, c'est-à-dire celle du vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire, lequel ne peut être tenu de restituer davantage qu'il n'a reçu, sauf à devoir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ; qu'en condamnant la société Bavaria Yachtbau à payer à la société BNP Paribas la somme de 280 286,61 euros, c'est-à-dire le prix payé par M. O... à la société BNP Paribas, motif pris que la résolution du contrat de vente étant prononcée sur le fondement des vices cachés, la banque peut réclamer restitution des sommes versées à M. O... à la société Bavaria Yachtbau et subsidiairement à la société BMB France, quand la société Bavaria Yachtbau avait vendu le navire litigieux pour un prix de 196 940,49 euros HT, la cour d'appel a violé les articles 1644 et 1645 du code civil. Moyen produit au pourvoi provoqué par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la caducité du contrat de financement souscrit par M. O... auprès de la société BPLG, et d'AVOIR condamné en conséquence cette dernière à rembourser à M. O... la somme totale de 280.705,21 €, avec intérêts à compter du 17 février 2009 ; AUX MOTIFS QUE M. M... O... a engagé une action fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil relatifs aux vices cachés et sollicite la résolution de la vente ; que le vice caché a été mis en exergue par l'expert judiciaire qui indique que le vice affectant la cloison centrale du bateau est un vice propre d'un élément structurel du bateau qu'il convient de remplacer purement et simplement ; que ce rapport n'est pas contesté et c'est à juste titre que le tribunal a relevé que la signature sans réserve du preneur ne constituait pas une renonciation de sa part à soulever la garantie des vices cachés ; que M. M... O... ne peut à la fois réclamer à titre principal à Me P..., ès qualités de liquidateur de la société Yacht Azur, à la société BMB France ainsi qu'à la société Bavaria Yachtbau Gmbh la somme de 280.705,21 € et demander à la société BNP Paribas les sommes versées en application du contrat à savoir la somme totale de 280.705,21 € ; qu'il convient de prononcer la résolution du contrat relatif à la vente du navire litigieux passé avec la société Yacht Azur qui entraîne la caducité du contrat de financement du fait que ces contrats sont indivisibles ; que la banque ne peut se prévaloir de l'article 6 du contrat qui interdit « tout recours contre le bailleur en cas de défaillance ou de vices cachés affectant l'équipement loué ou de défaut de garanties, que ce soit pour obtenir des dommages et intérêts ou la résiliation du contrat », cette clause étant réputée non écrite ; qu'il s'ensuit que la société BNP Paribas Lease Group doit restituer à M. M... O... les sommes versées en application du contrat à savoir la somme totale de 280.705,21 € avec intérêts à compter du 17 février 2009, date de l'assignation devant le tribunal, et ne peut réclamer à celui-ci paiement de l'indemnité de résiliation correspondant aux loyers restant à échoir à la date de la résiliation, augmentée du montant de l'option d'achat ; ALORS QUE, sauf cause de nullité l'affectant directement, le contrat de location avec option d'achat n'est que résilié en conséquence de la résolution du contrat de vente ; que l'anéantissement du contrat de vente entraîne la résiliation du contrat de location avec option d'achat, sous réserve de l'application des clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation ; qu'en l'espèce, l'article 5 du contrat de location avec option d'achat conclu entre la société BPLG et M. O... le 20 décembre 2006 stipulait expressément qu'en cas de résolution judiciaire de la vente, le contrat de location serait résilié à compter du jour où cette résolution serait devenue définitive, et que le locataire serait redevable, « outre les loyers impayés à cette date, d'une indemnité de résiliation égale aux loyers restant à échoir jusqu'à l'issue de la période irrévocable de location actualisés au taux de référence, augmentée du montant de l'option d'achat également actualisée » ; qu'aux termes du procès-verbal de prise en charge du même jour, M. O... a pris livraison du bateau « sans restriction ni réserve » ; qu'en décidant que « la résolution du contrat de vente relatif au navire litigieux (...) entraînait la caducité du contrat de financement du fait que ces contrats (étaient) indivisibles » et que cette clause était « réputée non écrite », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.
En application de l'article 1010 du code de procédure civile, est recevable, au regard des dispositions de ce texte, le pourvoi incident provoqué qui est formé dans le délai ouvert au défendeur pour établir un mémoire en réponse au pourvoi, principal ou incident, qui l'a provoqué
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CIV. 2 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 644 F-P+B+I Pourvoi n° X 19-14.379 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales PACA, dont le siège est [...] , venant aux droits de l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, a formé le pourvoi n° X 19-14.379 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs pompiers (ENSOSP), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Martinel, conseiller doyen, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales PACA, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs pompiers, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen rapporteur, Mme Maunand, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.603), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence Alpes Côte d'Azur (l'URSSAF), est créancière de la société Aegitna Sécurité Services (Aegitna) à hauteur d'une somme de 3 639 856,38 euros en vertu de deux contraintes exécutoires des 25 août et 26 septembre 2011. 2. Le 14 novembre 2011, l'URSSAF a fait procéder à une saisie-attribution, entre les mains de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp), des sommes dont cet établissement public national aurait été tenu envers la société Aegitna au titre d'un marché public de prestations d'accueil téléphonique et de gardiennage sur les sites de l'Ensosp, qu'il lui avait attribué le 7 juin 2011. 3. Par jugement du 17 octobre 2013, un juge de l'exécution a dit que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur la mesure de saisie-attribution réalisée entre les mains de l'Ensosp, tiers saisi, que la mesure notifiée à l'Ensosp le 14 novembre 2012 est régulière, a déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant au marché public attribué à la société Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo 13, renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif sur cette question, rejeté la demande d'indemnisation de l'URSSAF, rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qui lui incombe. 4. L'URSSAF a interjeté appel de cette décision. 5. Par ordonnance d'incident du 19 juin 2015, un conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent au profit de la cour administrative d'appel de Marseille. 6. Par arrêt sur déféré de l'URSSAF du 8 janvier 2016, une cour d'appel a infirmé cette ordonnance et statuant à nouveau, a déclaré l'exception d'incompétence recevable mais mal fondée et en a débouté l'Ensosp. 7. Par arrêt du 1er juillet 2016, la même cour d'appel a infirmé le jugement du 17 octobre 2013, en ce qu'il a dit que l'Ensosp avait respecté son obligation d'information, en ce qu'il a déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant portant transfert du marché public, renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif sur cette question, en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de l'URSSAF et en ce qu'il a dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens. Statuant à nouveau sur ces chefs, elle a débouté l'URSSAF de sa demande de condamnation de l'Ensosp à lui payer les causes de la saisie dans la limite des sommes dues par elle à la société Aegitna jusqu'au 3 février 2012, condamné l'Ensosp à payer à l'URSSAF une somme équivalente de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article R. 211-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution et de 30 000 euros par application de l'article R. 211-9 du même code, débouté les parties de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné l'Ensosp aux dépens de première instance et d'appel avec distraction. 8. Par arrêt du 7 décembre 2017 (2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.603) , la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, sauf en ce qu'il a infirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 17 octobre 2013 ayant déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant au marché public attribué à Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo, et renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif. Elle a remis, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la même cour d'appel autrement composée. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de l'Ensosp en vertu de l'article R. 211-5 alinéas 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution, alors « que par dérogation à l'article 59 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, devenu l'article R. 211-4, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution, le comptable public dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, et lui communiquer les pièces justificatives ; que les fonctions d'ordonnateur et de comptable public sont incompatibles ; qu'en l'espèce, en retenant que ces renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis directement par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public, de sorte que l'Ensosp n'avait pas manqué à ses obligations de tiers saisi envers l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur, créancier poursuivant, la cour d'appel a violé l'article 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et l'article 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 » : Réponse de la Cour Vu l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'article 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et l'article 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; 9. Aux termes du premier de ces textes, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Selon le deuxième, si le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives, par dérogation à cet alinéa, lorsque la saisie est pratiquée entre les mains du comptable public, celui-ci dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour fournir à l'huissier de justice ces renseignements et lui communiquer les pièces justificatives. 10. Il résulte de ces dispositions et de l'application du principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable public, que seul ce dernier est habilité à fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution et à lui communiquer les pièces justificatives. 11. Pour rejeter la demande de condamnation de l'URSSAF au paiement des causes de la saisie-attribution en application de l'article R. 211-5 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution et celle en paiement de dommages-intérêts en application du deuxième alinéa du même texte, l'arrêt retient que les renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public et que, par conséquent, l'Ensosp avait bien satisfait, d'une part, à son obligation de renseignement le jour de la saisie en complétant et précisant ses déclarations le lendemain dans le délai légal de vingt-quatre heures, et d'autre part, à son obligation de communiquer les pièces justificatives. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence Alpes Côte d'Azur (URSSAF) de ses demandes de condamnation de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp) en vertu de l'article R. 211-5 alinéas 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution, l'arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs pompiers (Ensosp) aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs pompiers (Ensosp), et la condamne à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence Alpes Côte d'Azur, la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF PACA. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur de sa demande de condamnation de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp) en vertu de l'article R. 211-5 alinéas 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution ; AUX MOTIFS QUE selon l'article R. 211-4 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives ; qu'il en est fait mention dans l'acte de saisie ; que par dérogation au premier alinéa, lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un comptable public, celui-ci dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 et communiquer les pièces justificatives ; qu'aux termes de l'article R. 211-5 du même code, le saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur ; qu'il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère ; que requis de déclarer au créancier saisissant l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur, ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures, le comptable public assignataire de la dépense, pris en la personne d'un adjoint, à qui a été délivré l'acte, a déclaré le jour de la saisie-attribution, le 14 novembre 2011, à l'huissier de justice : « L'Ensosp a souscrit un contrat de marché public avec la Sarl Aegitna pour un montant annuel global de 600 000 euros hors taxes. Il n'existe pas de saisie antérieure » ; que le lendemain de la saisie-attribution litigieuse, par courrier électronique du 15 novembre 2011, le secrétaire général adjoint et chef de division des affaires administratives et juridiques de l'Ensosp a indiqué à l'huissier de justice : « ( ) le lundi novembre 2011 nous avons eu la visite d'un huissier pour nous signifier une saisie-attribution à l'encontre de la Sarl Aegitna avec laquelle nous avons contracté un marché public en juin dernier pour une durée de 4 ans soit jusqu'au 31 mai 2014. Entretemps, nous avons reçu fin septembre 2011 un contrat de location-gérance entre la Sarl Aegitna et Amo 13 qui prend effet à compter du 01 octobre 2011. Nous avons procédé à un avenant de notre marché pour tenir compte de cette nouvelle situation, c'est-à-dire que dorénavant, les prestations réalisées à compter du 01 octobre 2011 seront dues à Amo 13 et celles qui ont été effectuées au plus tard jusqu'au 31 décembre 2011 seront bloquées au sein de notre établissement en attendant les instructions de l'huissier (en attendant d'éventuels recours de Aegitna). Vous trouvez en PJ le document que nous allons signer dans les jours suivants ( ) » ; que le secrétaire général adjoint et chef de divisions des affaires administratives et juridiques de l'Ensosp a joint le contrat de location gérance signé le 19 septembre 2011 entre la société Aegitna et la société Amo 13 mentionnant expressément le transfert de la clientèle à cette dernière à compter du 1er octobre 2011 ; que si les renseignements et les pièces justificatives fournis à l'huissier de justice le lendemain, dans le délai de 24 heures, ne l'ont pas été par la personne même du comptable public, l'alinéa 3 de l'article R. 211-4 du code des procédures civiles d'exécution ne fait pas obstacle à ce qu'il y soit satisfait directement par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public de sorte que les renseignements fournis directement par le secrétaire général adjoint aux affaires administratives et juridiques de l'Ensosp ne sauraient être assimilés à une absence de réponse au sens du 1er alinéa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ; qu'il résulte ainsi de ces éléments que l'Ensosp a bien satisfait à son obligation de renseignement le jour de la saisie en complétant et précisant ses déclarations le lendemain dans le délai légal de 24 heures visé à l'article R. 211-4 du code des procédures civiles d'exécution ; que le seul manquement du tiers saisi à son obligation de fournir les pièces justificatives à l'huissier de justice qui pratique une saisieattribution ne peut donner lieu qu'au paiement, le cas échéant, de dommages-intérêts ; qu'il convient en conséquence de débouter l'Urssaf Paca de sa demande de condamnation de l'Ensosp aux causes de la saisie en vertu de l'article R. 211-5 aliéna 1 du code des procédures civiles d'exécution ; ET QUE si les pièces justificatives fournies à l'huissier de justice le lendemain, dans le délai de vingt-quatre heures, ne l'ont pas été par la personne même du comptable public, l'alinéa 3 de l'article R. 211-4 du code des procédures civiles d'exécution ne fait pas obstacle à ce qu'il y soit satisfait directement par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public ; que par lettre du 28 septembre 2011 réceptionnée par l'intimée le octobre 2011, la société Aegitna a informé l'Ensosp de la conclusion du contrat de location gérance auprès de la société Amo 13 et de ce que la totalité de ses salariés ferait partie de la société Amo 13 à compter du 1er octobre 2011 ; que la société Aegitna a ainsi indiqué à l'Ensosp qu'elle lui adresserait prochainement une convention de transfert, joignant à sa lettre le contrat de location gérance conclu avec la société Amo 13 le 19 septembre 2011 ainsi qu'un extrait K-Bis, une attestation d'assurance, un agrément préfectoral et une attestation Urssaf de la société Amo 13 ; que ce contrat de location gérance a bien été joint par l'Ensosp à son courriel du 15 novembre 2011 à l'attention de l'huissier de justice chargé de la saisie-attribution à l'appui de ses déclarations ; que l'avenant portant transfert direct du marché de l'attribution du marché de la société Amo 13 a été signé par l'Ensosp le février 2012, soit deux mois et demi après la saisie-attribution, de sorte que l'Urssaf Paca ne peut valablement lui faire grief de ne pas l'avoir transmis dans le délai de 24 heures prévu à l'article R. 211-4 du code de procédure civile d'exécution en raison de son impossibilité matérielle de le faire ; que l'Ensosp verse au surplus aux débats : - les factures n° 215 et 216 à échéance du 15 décembre 2011 et les factures n° 335 et 336 à échéance du 15 janvier 2012 pour les prestations effectuées par la société Amo 13 sur ses deux sites de l'Ensosp du 1er octobre 2011 au 1er décembre 2011, lesquelles supportent un cachet mentionnant « courrier arrivé le 16 mars 2012 », une lettre du 23 janvier 2012 réceptionnée le 26 janvier 2012 aux termes de laquelle la société Amo 13 rappelle à l'Ensosp qu'elle lui est redevable de la somme de 56 641,62 euros en paiement notamment des factures n° 215, 335 et 336 ; qu'il résulte de ces éléments que l'Ensosp ne disposait le 15 novembre 2011, date de ses déclarations, que de l'avenant portant transfert du contrat de la société Aegitna à la société Amo 13 pour justifier de ses dires de sorte qu'elle a satisfait à son obligation de communiquer les pièces justificatives ; qu'il convient par conséquent de débouter l'Urssaf Paca de sa demande de condamnation de l'Ensosp à des dommages et intérêts en vertu de l'article R. 211-5, alinéa 2, du code de procédure civile pour manquement à son obligation de communiquer les pièces justificatives ; ALORS QUE par dérogation à l'article 59 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, devenu l'article R. 211-4, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution, le comptable public dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, et lui communiquer les pièces justificatives ; que les fonctions d'ordonnateur et de comptable public sont incompatibles ; qu'en l'espèce, en retenant que ces renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis directement par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public, de sorte que l'Ensosp n'avait pas manqué à ses obligations de tiers saisi envers l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur, créancier poursuivant, la cour d'appel a violé l'article 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et l'article 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'Urssaf Provence-Alpes Côte-d'Azur de sa demande de condamnation de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp) en vertu de l'article R. 211-5, aliéna 2, du code des procédures civiles d'exécution ; AUX MOTIFS QUE si les pièces justificatives fournies à l'huissier de justice le lendemain, dans le délai de vingt-quatre heures, ne l'ont pas été par la personne même du comptable public, l'alinéa 3 de l'article R. 211-4 du code des procédures civiles d'exécution ne fait pas obstacle à ce qu'il y soit satisfait directement par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public ; que par lettre du 28 septembre 2011 réceptionnée par l'intimée le 3 octobre 2011, la société Aegitna a informé l'Ensosp de la conclusion du contrat de location gérance auprès de la société Amo 13 et de ce que la totalité de ses salariés ferait partie de la société Amo 13 à compter du 1er octobre 2011 ; que la société Aegitna a ainsi indiqué à l'Ensosp qu'elle lui adresserait prochainement une convention de transfert, joignant à sa lettre le contrat de location gérance conclu avec la société Amo 13 le 19 septembre 2011 ainsi qu'un extrait K-Bis, une attestation d'assurance, un agrément préfectoral et une attestation Urssaf de la société Amo 13 ; que ce contrat de location gérance a bien été joint par l'Ensosp à son courriel du 15 novembre 2011 à l'attention de l'huissier de justice chargé de la saisie-attribution à l'appui de ses déclarations ; que l'avenant portant transfert direct du marché de l'attribution du marché de la société Amo a été signé par l'Ensosp le 3 février 2012, soit deux mois et demi après la saisie-attribution, de sorte que l'Urssaf Paca ne peut valablement lui faire grief de ne pas l'avoir transmis dans le délai de 24 heures prévu à l'article R. 211-4 du code de procédure civile d'exécution en raison de son impossibilité matérielle de le faire ; que l'Ensosp verse au surplus aux débats : - les factures n° 215 et 216 à échéance du 15 décembre 2011 et les factures n° 335 et 336 à échéance du 15 janvier 2012 pour les prestations effectuées par la société Amo 13 sur ses deux sites de l'Ensosp du 1er octobre 2011 au 1er décembre 2011, lesquelles supportent un cachet mentionnant « courrier arrivé le 16 mars 2012 », une lettre du 23 janvier 2012 réceptionnée le 26 janvier 2012 aux termes de laquelle la société Amo 13 rappelle à l'Ensosp qu'elle lui est redevable de la somme de 56 641,62 euros en paiement notamment des factures n° 215, 335 et 336 ; qu'il résulte de ces éléments que l'Ensosp ne disposait le 15 novembre 2011, date de ses déclarations, que de l'avenant portant transfert du contrat de la société Aegitna à la société Amo 13 pour justifier de ses dires de sorte qu'elle a satisfait à son obligation de communiquer les pièces justificatives ; qu'il convient par conséquent de débouter l'Urssaf Paca de sa demande de condamnation de l'Ensosp à des dommages et intérêts en vertu de l'article R. 211-5, alinéa 2, du code de procédure civile pour manquement à son obligation de communiquer les pièces justificatives ; 1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur de sa demande de dommages-intérêts, d'une part que l'avenant portant transfert direct du marché à la société Amo 13 avait été signé par l'Ensosp le 3 février 2012, soit deux mois et demi après la saisie-attribution, de sorte que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur ne pouvait lui faire grief de ne pas l'avoir transmis dans le délai de vingt-quatre heures suivant la saisie (arrêt attaqué, p. 11 § 4), et d'autre part que l'Ensosp ne disposait le novembre 2011, date de ses déclarations, que de l'avenant portant transfert du contrat de la société Aegitna à la société Amo 13, de sorte qu'elle avait satisfait à son obligation de communiquer les pièces justificatives (arrêt attaqué, p. 11 § 8), la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS en tout état de cause QUE le tiers saisi peut être condamné à payer des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère ; qu'en l'espèce, l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur soulignait, à l'appui de sa demande de dommages-intérêts, que l'Ensosp n'avait fourni aucune pièce justificative du transfert du marché public dans le délai légal de vingt-quatre heures, le contrat de location-gérance communiqué par courriel le 15 novembre 2011 n'étant pas un document permettant de justifier du transfert du marché ; que pour la débouter de cette demande, la cour d'appel a retenu, d'une part que l'avenant portant transfert du marché à la société Amo 13 avait été signé par l'Ensosp le 3 février 2012, et d'autre part que l'Ensosp versait aux débats quatre factures de la société Amo 13 relatives à des prestations effectuées du 1er octobre 2011 au 1er décembre 2011, portant un cachet mentionnant « courrier arrivé le 16 mars 2012 » et une lettre du 23 janvier 2012 de la société Amo 13, réceptionnée le 26 janvier 2012 par l'Ensosp, rappelant à celle-ci qu'elle était redevable d'une certaine somme en paiement notamment de ces quatre factures, ce dont elle a déduit que l'Ensosp ne disposait le 15 novembre 2011, date de ses déclarations, d'aucune autre pièce pour justifier ses dires de sorte que celle-ci avait satisfait à son obligation de communiquer les pièces justificatives ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure une négligence fautive ayant causé préjudice au créancier saisissant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ; Le greffier de chambre
Il résulte des articles L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, et de l'application du principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable public, que seul le comptable public est habilité à fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution et à lui communiquer les pièces justificatives. Encourt donc la cassation l'arrêt, qui, pour rejeter la demande de condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie-attribution en application de l'article R. 211-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution et celle en paiement de dommages-intérêts en application du deuxième alinéa du même texte, retient que les renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public
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CIV. 2 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 649 F-P+B+I Pourvoi n° C 19-11.624 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 1°/ la société Areva, société anonyme, 2°/ la société Orano cycle, société anonyme, anciennement dénommée Areva NC, ayant toutes deux leur siège [...] , ont formé le pourvoi n° C 19-11.624 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. P... T..., domicilié [...] ), 2°/ à M. A... R..., domicilié [...] ), 3°/ à la société Opérations et organisations spéciales, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ), défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat des sociétés Areva et Orano cycle, de Me Carbonnier, avocat de M. T..., de la société Opérations et organisations spéciales, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2018), la société Areva et la société Orano cycle, anciennement dénommée Areva NC, ont relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état d'un tribunal de grande instance, rendue le 6 février 2018, ayant dit ce tribunal compétent pour connaître du litige opposant ces sociétés à M. T..., la société Opérations et organisations spéciales (la société OPOS) et M. R.... Sur l'application de l'article 688 du code de procédure civile 2. Le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. R..., résidant au Mali, le 7 juin 2019. Il résulte des démarches que la société Areva et la société Orano cycle justifient avoir accomplies depuis lors auprès des autorités chargées de cette transmission, que ce mémoire n'a pas pu être remis à M. R.... 3. Un délai de six mois s'étant écoulé depuis la transmission du mémoire ampliatif, il y a lieu de statuer sur le pourvoi. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Areva et la société Orano cycle font grief à l'arrêt de déclarer caduque leur déclaration d'appel formée à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre le 6 février 2018 (RG n° 16/11570), en ce qu'elle vise le chef de décision disant le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige les opposant à M. T..., la société OPOS et M. R..., alors : « 1°/ que l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction saisie n'est susceptible que d'un appel dans les formes et modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, à l'exclusion de celles applicables à l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence et visées aux articles 83 et suivants du même code, selon lesquels l'appelant doit notamment solliciter par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris que la société Areva et la Société Orano cycle n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, elles n'avaient pas respecté les formes et modalités de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telles qu'elles résultent des articles 83 et suivants susvisés, la cour d'appel a violé les articles 776 et 905 du code de procédure civile, ensemble les articles 83 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du même code ; 2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le droit d'accès à un tribunal doit être concret et effectif : que les limitations à ce droit ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même, notamment en raison d'un formalisme excessif en ce qui concerne les exigences procédurales ; que ne satisfont pas à cette exigence, les dispositions qui, par leur ambiguïté, ne mettent pas le justiciable en mesure de déterminer les modalités de la voie de recours qui lui est ouverte ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris qu'elle ne respectait pas les formes de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telle qu'elles résultent des articles 83 et suivants du code de procédure civile, bien que la société Areva et la société Orano cycle aient pu légitimement considérer que l'appel relevait des modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, dès lors que ces articles visent l'appel des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la cour d'appel, qui a privé les appelants de leur droit d'accès au juge d'appel, en leur opposant des dispositions dont l'ambiguïté était de nature à les induire en erreur, a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe. 6. L'application de ces textes spécifiques à l'appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l'ensemble du dispositif, dont l'objectif, lié à la suppression du contredit, était de disposer d'une procédure unique et rapide pour l'appel de tous les jugements statuant sur la compétence. 7. L'application de ces dispositions, sanctionnées par la caducité de l'appel, sauf cas de force majeure, ne pouvait être exclue pour une partie représentée par un avocat, professionnel avisé. En outre, ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d'une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé. 8. Dès lors, ayant relevé que les sociétés appelantes, qui ne se prévalaient d'aucun moyen pris d'un risque d'atteinte portée à leur droit à un procès équitable, ne s'étaient pas conformées à ces prescriptions, c'est à bon droit que la cour d'appel a prononcé la caducité de leur déclaration d'appel. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Areva et la société Orano cycle aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Areva et la société Orano cycle et les condamne à payer à M. T... et à la société Opérations et organisations spéciales la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Areva et Orano cycle. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré caduque la déclaration d'appel formée par la Société AREVA et la Société ORANO CYCLE, anciennement dénommée AREVA NC, à l'encontre de l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Nanterre le 6 février 2018 (RG n° 16/11570), en ce qu'elle vise le chef de décision disant le Tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige les opposant à Monsieur P... T..., la Société OPERATIONS ET ORGANISATIONS SPECIALES (OPOS) et Monsieur A... R... ; AUX MOTIFS QU'en application de l'article 771, 1°, du Code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ; que selon l'article 776 du Code de procédure civile : "Les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles d'opposition. Elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond. Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer. Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque : 1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ; 2° Elles statuent sur une exception de procédure ; 3° Elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ; 4° Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable." ; qu'il résulte de ces dispositions que les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d'appel immédiat, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, parmi lesquelles figurent les exceptions d'incompétence ; qu'en ce qui concerne l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, le contredit de compétence, voie de recours prévue en application de l'article 80 du Code de procédure civile à l'encontre de la décision par laquelle le juge se prononçait sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, est supprimé par les dispositions du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicables aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 ; que l'article 83, modifié par le décret du 6 mai 2017, prévoit désormais, dans la section I du chapitre II, relative aux exceptions de procédure que sont les exceptions de compétence, que : "Lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d'appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d'instruction ou une mesure provisoire." ; que l'article 84 du même code précise que : "Le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire. En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire." ; que l'article 85 du Code de procédure civile, modifié, prévoit enfin que : "Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948." ; que la cour rappelle que le terme "jugement", utilisé dans les articles 84 et 85 susvisés, est générique et s'applique dès lors à l'ensemble des décisions, y compris les ordonnances du juge des référés ou du juge de la mise en état, par lesquelles le juge se prononce sur la compétence ; que s'il est constant qu'avant la réforme introduite par le décret du 6 mai 2017 susvisé, l'article 905 du code de procédure civile prévoyait expressément une procédure d'appel à bref délai pour les ordonnances du juge des référés et celles du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de compétence visées à l'article 2° de l'article 776 du même code, que la voie du contredit était dès lors interdite à l'encontre des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la réforme instituée par le décret du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile tend à l'unification, par les dispositions spéciales des articles 83 et suivants du code de procédure civile, de l'appel-compétence ; que c'est ainsi que, "nonobstant toute disposition contraire", la procédure désormais applicable à l'appel d'une décision se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige est celle de l'assignation à jour fixe sur autorisation accordée par le premier président de la cour, si la procédure d'appel impose la constitution d'avocat ou, dans le cas contraire, pour les procédures d'appel sans représentation obligatoire, la fixation prioritaire prévue à l'article 948 du code de procédure civile ; qu'il résulte dès lors de l'esprit et de la lettre des dispositions spéciales issues de la réforme que, dérogeant à la procédure d'appel à bref délai désormais soumise, en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à des délais impératifs, la procédure d'appel avec représentation obligatoire d'une décision statuant exclusivement sur la compétence, en ce comprise celle du juge de la mise en état, est celle, plus souple et sans instruction de l'affaire, de la requête à jour fixe, l'appelant devant toutefois, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai de quinze jours prévu à l'article 84, le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe ; que l'article 776 2° du code de procédure civile, s'il est demeuré inchangé, ne pose en effet que le principe de la voie de l'appel immédiat ouverte à l'encontre d'une ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure et les dispositions spéciales de l'appel-compétence, portant suppression du contredit de compétence et unification de la procédure d'appel applicable, doivent désormais prévaloir sur les dispositions générales de la procédure à bref délai prévue à l'article 905 ; qu'en l'espèce, l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du 6 février 2018 du juge de la mise en état vise expressément le chef de décision statuant sur l'exception d'incompétence et le sursis à statuer sur la demande d'enquête ordinaire dans l'attente de la réponse des parties sur la mesure de médiation judiciaire proposée ; que contrairement à ce que soutiennent les parties appelantes, le juge de la mise en état a uniquement statué, dans le dispositif de sa décision, sur l'exception de compétence et non sur la demande d'enquête ordinaire sur laquelle il a sursis à statuer dans l'attente de la réponse des parties sur la proposition de médiation judiciaire, étant relevé par la cour qu'en tout état de cause, un sursis à statuer prononcé par le juge de la mise en état ne peut faire l'objet d'un appel immédiat que sur autorisation du premier président de la cour, saisi en la forme des référés, sur le fondement de l'article 380 du même code et qu'une décision ordonnant une médiation judiciaire n'est pas susceptible d'appel en application de l'article 131-15 dudit code ; qu'il résulte de ces constatations qu'est caduque la déclaration d'appel des sociétés Areva et Orano Cycle portant sur une décision du juge de la mise en état se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, les appelantes n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, conformément aux dispositions combinées de l'alinéa 2 de l'article 83 et de l'article 84, applicables au présent appel, formé postérieurement au 1er septembre 2017 ; 1°) ALORS QUE l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction saisie n'est susceptible que d'un appel dans les formes et modalités fixées par les articles 776 et 905 du Code de procédure civile, à l'exclusion de celles applicables à l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence et visées aux articles 83 et suivants du même code, selon lesquels l'appelant doit notamment solliciter par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris que la Société AREVA et la Société ORANO CYCLE n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, elles n'avaient pas respecté les formes et modalités de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telles qu'elles résultent des articles 83 et suivants susvisés, la Cour d'appel a violé les articles 776 et 905 du Code de procédure civile, ensemble les articles 83 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du même code. 2°) ALORS QUE, subsidiairement, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le droit d'accès à un tribunal doit être concret et effectif : que les limitations à ce droit ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même, notamment en raison d'un formalisme excessif en ce qui concerne les exigences procédurales ; que ne satisfont pas à cette exigence, les dispositions qui, par leur ambiguïté, ne mettent pas le justiciable en mesure de déterminer les modalités de la voie de recours qui lui est ouverte ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris qu'elle ne respectait pas les formes de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telle qu'elles résultent des articles 83 et suivants du Code de procédure civile, bien que la Société AREVA et la Société ORANO CYCLE aient pu légitimement considérer que l'appel relevait des modalités fixées par les articles 776 et 905 du Code de procédure civile, dès lors que ces articles visent l'appel des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la Cour d'appel, qui a privé les appelants de leur droit d'accès au juge d'appel, en leur opposant des dispositions dont l'ambiguïté était de nature à les induire en erreur, a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe. L'application de ces textes spécifiques à l'appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l'ensemble du dispositif, dont l'objectif lié à la suppression du contredit, était de disposer d'une procédure unique et rapide pour l'appel de tous les jugements statuant sur la compétence. L'application des ces dispositions, sanctionnées par la caducité de l'appel, sauf cas de force majeure, ne pouvait être exclue pour une partie représentée par un avocat, professionnel avisé. En outre, ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d'une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé. C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel prononce la caducité de la déclaration d'appel d'une partie qui ne s'était pas conformée à ces prescriptions
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 650 F-P+B+I Pourvoi n° V 19-14.745 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 La société Mixcom, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-14.745 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. A... R..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Mixcom, de Me Le Prado, avocat de M. R..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2019), la société Mixcom a relevé appel de deux jugements d'un conseil de prud'hommes l'ayant condamnée, pour le premier, au profit de M. C... et, pour le second, au profit de M. R.... Le premier appel a été enregistré sous le numéro RG 17/07222 et le second sous le numéro RG 17/07224. M. R... et M. C... ont constitué le même avocat dans les deux affaires. 2. La société Mixcom a déféré à la cour d'appel une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel dans l'affaire l'opposant à M. R..., faute de remise au greffe de ses conclusions avant l'expiration du délai de l'article 908 du code de procédure civile. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Mixcom fait grief à l'arrêt, confirmant l'ordonnance déférée, de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel formée à l'encontre du jugement du 18 septembre 2017 intervenu au profit de M. R..., alors « que l'article 908 du code de procédure civile exige simplement que des conclusions soient remises entre les mains du greffe de la cour d'appel dans le délai requis sans énoncer aucune autre exigence quant au contenu des conclusions et quant aux mentions qu'elles doivent comporter, et si le texte institue une caducité, c'est pour sanctionner, non pas une erreur qui pourrait affecter une mention portée sur les conclusions, mais l'absence de conclusions, relatives à l'appel qui doit être soutenu, entre les mains du greffe ; qu'en décidant le contraire, pour retenir une caducité, quand des conclusions incontestablement relatives au contentieux opposant la société Mixcom à M. R..., étaient produites au greffe dans le délai de trois mois, motifs pris d'une mention erronée quant au numéro de répertoire, les juges du fond ont violé l'article 908 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 748-3, 908 et 930-1 du code de procédure civile et les articles 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel : 4. L'appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et la cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions que cette partie lui a transmises, par le Réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes. 5. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Mixcom, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette société n'a pas remis ses conclusions au greffe ni adressé celles-ci à M. R... avant le 16 janvier 2018, dès lors que la remise au greffe par RPVA, le 11 décembre 2017, des conclusions relatives à cette instance, dans le cadre d'une instance distincte concernant un autre salarié, inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 17/07222, dont elles portaient par erreur le numéro, ne pouvait suppléer l'absence de remise au greffe des conclusions de l'appelante ni valoir remise de ces conclusions dans le dossier numéro 17/07224. 6. La cour d'appel retient également que le débat ne porte pas sur la portée de l'indication d'un numéro de répertoire erroné sur les conclusions mais sur le défaut d'accomplissement d'un acte de procédure, que faire valoir que les avocats des intimés étaient les mêmes revient à plaider l'absence de grief, laquelle est inopérante en matière de caducité, qui n'est pas subordonnée à l'existence d'un grief et que la communication par voie électronique repose sur la mise en commun des dossiers des parties entre le greffe et les avocats, chacun accomplissant les actes mis à sa charge par le code de procédure civile, de sorte qu'aucun raisonnement par analogie avec l'ancien système « papier » ne peut être effectué. 7. La cour d'appel énonce enfin, par motifs adoptés, que la demande de jonction de ces instances était dénuée d'incidence faute de créer une procédure unique et qu'aucune erreur du greffe ni aucun dysfonctionnement du réseau n'est allégué. 8. En statuant ainsi, tout en constatant que la société Mixcom avait transmis au greffe de la cour d'appel, dans un délai de trois mois suivant sa déclaration d'appel, des conclusions relatives à l'instance d'appel l'opposant à M. R..., par l'intermédiaire du RPVA, de sorte qu'elle était bien saisie de ces conclusions en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne M. R... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Mixcom L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QUE, confirmant le déféré, il a prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée par la Société MIXCOM à l'encontre du jugement du 18 septembre 2017 intervenu au profit de M. R... ; AUX MOTIFS QUE « l'article 2 du code de procédure civile dispose que les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent et qu'il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis ; que l'article 908 du même code énonce qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe, l'article 906 ajoutant qu'elles sont notifiées simultanément à l'avocat de l'autre partie ; que l'article 909 impartit à l'intimé un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure ; qu'il est constant que la société Mixcom n'a pas remis ses conclusions au greffe ni adressé celles-ci à M. R... avant le 16 janvier 2018 ; que la circonstance qu'elle les ait adressées le 13 décembre 2017 dans un dossier l'opposant à un autre salarié numéro RG 17/07222 ne saurait valoir remise dans le dossier numéro RG 17/07224 de sorte que le délai prévu à l'article 909 n'a pas commencé à courir ; que le débat ne porte pas sur la portée de l'indication d'un numéro de répertoire erroné sur les conclusions mais sur le défaut d'accomplissement d'un acte de procédure ; que la société Mixcom fait valoir que les avocats étaient les mêmes, ce qui revient à plaider l'absence de grief, laquelle est inopérante en matière de caducité ; que la communication par voie électronique repose sur la mise en commun des dossiers des parties entre le greffe et les avocats, chacun accomplissant les actes mis à sa charge par le code de procédure civile ; qu'aucun raisonnement par analogie avec l'ancien système « papier » ne peut donc être effectué, comme le soutient la société Mixcom ; qu'aucune erreur du greffe, aucun dysfonctionnement du réseau n'est allégué ; qu'en l'absence de remise des conclusions au greffe et, en toute hypothèse, de notification à M. R... dans le délai légal, la déclaration d'appel est caduque » ; ALORS QUE, premièrement, l'article 908 du Code de procédure civile exige simplement que des conclusions soient remises entre les mains du greffe de la Cour d'appel dans le délai requis sans énoncer aucune autre exigence quant au contenu des conclusions et quant aux mentions qu'elles doivent comporter, et si le texte institue une caducité, c'est pour sanctionner, non pas une erreur qui pourrait affecter une mention portée sur les conclusions, mais l'absence de conclusions, relatives à l'appel qui doit être soutenu, entre les mains du greffe ; qu'en décidant le contraire, pour retenir une caducité, quand des conclusions incontestablement relatives au contentieux opposant la Société MIXCOM à M. R..., étaient produites au greffe dans le délai de trois mois, motifs pris d'une mention erronée quant au numéro de répertoire, les juges du fond ont violé l'article 908 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, deuxièmement, à partir du moment où des conclusions ont été remises entre les mains du greffe concernant indiscutablement l'appel qui a été précédemment formé, eu égard à leur intitulé, à leur dispositif et à leurs motifs, l'erreur susceptible d'avoir été commise quant à la mention du numéro de RG porté sur le texte, constitue au mieux une irrégularité relevant des nullités de forme, et non pas de la caducité ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé le principe suivant lequel les irrégularités affectant les actes de procédure ne peuvent être sanctionnées en dehors d'une irrégularité de fond que par une irrégularité de forme, ensemble les articles 114, 117 et 908 du Code de procédure civile.
En application des articles 908 et 930-1 du code de procédure civile, l'appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique. Il résulte de la combinaison des articles 748-3 du code de procédure civile et 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, que la cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions que la partie lui a transmises, par le réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes. Encourt par conséquent la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui prononce la caducité d'une déclaration d'appel au motif que la remise au greffe par RPVA des conclusions relatives à une instance avait été accomplie dans le cadre d'une instance distincte, concernant une autre partie et dont elles portaient par erreur le numéro d'inscription au répertoire général, alors que la cour d'appel est bien saisie de ces conclusions, en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 654 F-P+B+I Pourvoi n° H 19-21.012 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 La société Fiducial, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-21.012 contre l'arrêt rendu le 18 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant à la société Deloitte, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Fiducial, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Deloitte, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 juillet 2019), la société Deloitte, souhaitant céder sa participation au sein du groupe In Extenso, a organisé en juillet 2018 un appel d'offres auprès de divers acquéreurs potentiels, dont la société Fiducial et la banque Crédit agricole. 2. Suspectant des irrégularités dans la procédure d'appel d'offres qui a abouti au choix de la banque Crédit agricole, la société Fiducial a fait assigner devant le président du tribunal de commerce de Lyon la société Deloitte, dont le siège social est à Paris, afin que soit ordonnée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, une mesure d'instruction. 3. La société Deloitte a soulevé une exception d'incompétence territoriale. 4. Par ordonnance du 24 avril 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon s'est déclaré incompétent. 5. La société Fiducial a interjeté appel de cette ordonnance. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société Fiducial fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce que le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon s'est déclaré incompétent, alors « que le juge territorialement compétent pour statuer sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; qu'en déclarant le tribunal de commerce de Lyon incompétent, motif pris que les règles de compétence territoriale ne doivent pas dépendre des seules intentions stratégiques exprimées par la société Fiducial alors que la société Deloitte a tout intérêt à relever de son juge naturel dont la proximité géographique entraînera pour elle des frais moindres, notamment, en ce qui concerne les modalités d'exécution de la mesure et de leur contrôle, après avoir pourtant constaté que l'une des mesures sollicitées en point huit de la mission devait être exécutée dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, ce dont il s'inférait que la société Fiducial était fondée à saisir le président du tribunal du lieu de l'exécution de l'une au moins des mesures sollicitées, la cour d'appel a violé les articles 42, 46 et 145 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Il résulte des articles 42, 46, 145 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées. 8. Après avoir constaté que le siège social de la société Deloitte était situé à Paris, la cour d'appel a, d'abord, relevé que seul le point 8 de la mission sollicitée devant le président du tribunal de commerce de Lyon était susceptible d'être exécuté dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, les autres points pouvant l'être par l'expert au lieu qu'il choisit. Elle a, ensuite, retenu que l'audition par l'expert des directeurs de la société In Extenso n'avait pas à être effectuée nécessairement au siège social de cette société comme le demandait la requérante. 9. Elle a exactement déduit de ces constatations que le président du tribunal de commerce de Lyon était incompétent pour statuer sur la requête formée par la société Fiducial. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Fiducial aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fiducial et la condamne à payer à la société Deloitte la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Fiducial Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la société Fiducial ; AUX MOTIFS QU' « il résulte des articles 42, 46, et 145 du code de procédure civile que le juge des référés territorialement compétent pour statuer sur une demande fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; que la mesure d'expertise sollicitée tend à voir établir la rupture d'égalité entre les candidats à l'appel d'offres privé organisé par la société Deloitte ; qu'aucune des parties ne conteste que l'action au fond échappe à la compétence du tribunal de commerce de Lyon ; que l'appelante invoque la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Lyon pour ordonner cette expertise au motif que certains des points de la mission d'expertise qu'elle sollicite doivent être exécutés dans le ressort de celui-ci ; qu'il s'agit des points suivants : - déterminer si Deloitte a communiqué à Fiducial les mêmes informations et documents que ceux qu'elle a communiqués aux autres candidats à l'appel d'offres litigieux et le cas échéant si elle a procédé à cette communication de façon simultanée, - déterminer si Fiducial a été effectivement placée dans la même situation que les autres candidats à l'appel d'offres en termes d'interlocuteurs à qui elle a pu présenter son offre au sein du groupe In Extenso, - prendre connaissance des comptes d'exploitation de la société In Extenso National afin de déterminer la réalité des cash-flow opérationnels générés, déterminer si les comptes d'exploitation de la société In Extenso National ne devraient pas intégrer des provisions, et le cas échéant leur montant, au titre des risques liés à des redressements URSSAF en ce qui concerne le statut de travailleur indépendant adopté par les cadres du groupe, - se faire communiquer les rapports des commissaires aux comptes de la société In Extenso National et de ses filiales, - décrire le rôle que M. N... V... a effectivement exercé dans le cadre du processus d'appel d'offres, notamment auprès des associés minoritaires du groupe In extenso, - se rendre à cet effet au siège social de la société In extenso National afin d'y entendre M. N... V... en qualité de sachant et recueillir ses échanges tant avec Deloitte qu'avec les minoritaires, y entendre toute personne en charge de l'administration et/ou de la comptabilité de la société In Extenso ayant participé à la délivrance d'informations dans le cadre des pourparlers de la procédure d'appel d'offres, et entendre en particulier M. D... B..., directeur de la stratégie informatique, - déterminer, en vérifiant en tant que de besoin l'analyse produite en pièce n°39, si les résultats courants d'In Extenso permettent aussi bien à la structure d'acquisition des titres SFIEN détenus par Deloitte et aux associés d'In Extenso de rembourser au Crédit Agricole les concours financiers accordés par ce dernier aux fins de procéder à l'acquisition des titres SIEN antérieurement détenus par Deloitte ; qu'il n'est pas contesté que le siège social de la société In Extenso National est situé à Lyon alors que le siège social de la société Deloitte se situe en dehors du ressort de la juridiction lyonnaise ; que seul le point 8 de la mission sollicitée devant le juge lyonnais est susceptible d'être exécuté dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, les autres points pouvant être exécutés par l'expert au lieu qu'il choisit ; que cela étant, l'audition par l'expert de M. V... ou de M. D... B... directeurs de la société In Extenso n'a pas à être effectuée nécessairement au siège social de la société In extenso comme le demande l'appelante ; que les règles de compétence territoriale ne doivent pas dépendre des seules intentions stratégiques exprimées par l'appelante alors que l'intimée a tout intérêt à relever de son juge naturel dont la proximité géographique entraînera pour elle des frais moindres, notamment , en ce qui concerne les modalités d'exécution de la mesure et de leur contrôle ; que dès lors, la cour ne trouve pas dans les éléments qui lui sont soumis de critères lui permettant de retenir la compétence de la juridiction lyonnaise » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « dans son assignation la société FIDUCIAL sollicite des mesures conservatoires, en particulier la suspension des effets de la cession des titres au cas où celleci viendrait à être acquise, mais qu'à la barre le 25 mars 2019 elle a confirmé suspendre pour l'instant ces demandes et se réserver de les reprendre devant le juge du fond susceptible d'être saisi ; qu'il convient de lui en donner acte ; que la société Deloitte soulève in limine litis une exception de compétence territoriale et désigne le Tribunal de commerce de Paris comme juridiction compétente pour connaître du litige ; que le juge des référés n'est compétent que dans les mêmes conditions que celles qui prévalent pour la juridiction à laquelle il appartient ; qu'ainsi l'exception de compétence est recevable et qu'il convient d'apprécier la compétence du Tribunal de commerce de Lyon au regard du litige susceptible d'être appréhendé au fond ; que les seules parties présentes à l'instance sont la société FIDUCIAL agissant en qualité de demandeur contre la société Deloitte, seul défendeur ; que le siège de la société Deloitte est situé à Puteaux, c'est-à-dire hors du ressort du Tribunal de commerce de Lyon ; qu'une clause attributive de compétence est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés ; que ce principe est applicable à la demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, ce moyen n'est pas fondé ; qu'il est constant que l'objet du litige consiste en la cession des titres de la société SFIEN, emportant la cession ipso facto de celle des titres du groupe IN EXTENSO ; qu'un des motifs avancés par le demandeur repose sur la présomption d'un traitement inégal voire discriminatoire dont il dit avoir été victime lors du déroulement du processus d'appel d'offres ; qu'en particulier il soutient n'avoir pas pu bénéficier de toutes les informations nécessaires concernant le groupe IN EXTENSO, dont le siège est à Lyon, de sorte que si des mesures d'investigation doivent intervenir elles se dérouleront au moins pour partie dans les locaux de cette société ; que le demandeur fonde la compétence de la juridiction sur une compétence alternative au principe du lieu du domicile du défendeur, soit le lieu d'exécution de la mesure ; qu'il indique que la mesure aura lieu principalement dans les locaux de IN EXTENSO à Lyon ; que le défendeur soulève que la compétence du juge ordonnant la mesure est déterminée par la compétence du juge du fond qui aura à connaître du litige ; que si le juge territorialement compétent pour statuer sur une demande de mesure d'instruction est le président de la juridiction appelée à connaître d'un litige éventuel sur le fond, il n'est pas interdit au demandeur de saisir en référé le président de la juridiction du lieu où doit être exécutée la mesure demandée ; que ce principe édicté par la Cour de cassation est une règle de compétence alternative ; qu'en l'espèce, il n'est pas avéré que la mesure aura lieu principalement dans les locaux de la société IN EXTENSO puisque les éléments recherchés sont potentiellement au siège de DELOITTE, chez son mandataire la banque SYCOMORE ou au siège de IN EXTENSO ; qu'il existe donc une pluralité de lieu d'exécution ; qu'en l'absence d'un lieu déterminé ou déterminable avec précision pour l'exécution de la mesure, la règle de compétence alternative ne peut s'appliquer ; qu'il convient de revenir au principe de compétence du tribunal appelé à connaître du litige ; qu'aucune règle de compétence particulière ne permettra à notre tribunal de connaître du litige au fond ; qu'en conséquence, l'exception soulevée in limine litis par la société Deloitte est recevable et fondée, et le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon doit se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir » ; ALORS QUE le juge territorialement compétent pour statuer sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; qu'en déclarant le tribunal de commerce de Lyon incompétent, motif pris que les règles de compétence territoriale ne doivent pas dépendre des seules intentions stratégiques exprimées par la société Fiducial alors que la société Deloitte a tout intérêt à relever de son juge naturel dont la proximité géographique entraînera pour elle des frais moindres, notamment, en ce qui concerne les modalités d'exécution de la mesure et de leur contrôle, après avoir pourtant constaté que l'une des mesures sollicitées en point huit de la mission devait être exécutée dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, ce dont il s'inférait que la société Fiducial était fondée à saisir le président du tribunal du lieu de l'exécution de l'une au moins des mesures sollicitées, la cour d'appel a violé les articles 42, 46 et 145 du Code de procédure civile.
Il résulte des articles 42, 46, 145 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 655 F-P+B+I Pourvoi n° Q 18-26.213 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 Mme H... N..., épouse D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-26.213 contre le jugement rendu le 19 octobre 2018 par le tribunal d'instance de Martigues (surendettement), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Compagnie générale de crédit aux particuliers (Crédipar), dont le siège est [...] , 2°/ à la société CNH Industrial Financial Services, dont le siège est [...] , 3°/ à la société My Money Bank, dont le siège est [...] , 4°/ à la Société Générale, dont le siège est [...] , 5°/ à la société Financo, dont le siège est [...] , 6°/ à la société CA Consumer finance, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme N..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CNH Industrial Financial Services, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (juge du tribunal d'instance de Martigues, 19 octobre 2018), rendu en dernier ressort, deux créanciers, dont la société CNH Industrial Financial Services, ont chacun formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement ayant déclaré recevable la demande de Mme N... tendant au traitement de sa situation financière. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3. Mme N... fait grief au jugement de la déclarer irrecevable à la procédure de surendettement des particuliers alors que « le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi ; que la condition de bonne foi doit être appréciée au vu de l'ensemble des éléments soumis au juge au jour où il statue ; qu'en déduisant la mauvaise foi de la débitrice de ce que son endettement était le produit d'actes délictueux et de ce qu'elle ne justifiait ni d'un emploi ni d'une recherche d'emploi, le tribunal d'instance, qui s'est déterminé par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 711-1 du code de la consommation ». Réponse de la Cour 4. En matière de surendettement, l'appréciation de la bonne foi du débiteur relève du pouvoir souverain du juge du fond. 5. Ayant relevé que Mme N... ne justifiait d'aucun revenu et d'aucune recherche d'emploi, stage ou reconversion, qu'elle avait été condamnée pénalement pour des infractions qui étaient à l'origine d'au moins la moitié de son endettement et par diverses décisions commerciales pour ses engagements de caution, ces actes délictueux étant directement à l'origine de la totalité de son endettement, c'est sans encourir les griefs du moyen que le juge du tribunal d'instance en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, l'absence de bonne foi de la débitrice. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme N... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme N... et la condamne à payer à la société CNH Industrial Financial Services la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme N... Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR déclaré Mme D... irrecevable à la procédure de surendettement des particuliers ; AUX MOTIFS QUE la bonne foi de la débitrice est contestée ; qu'il convient de constater que l'endettement de Mme D... séparée de corps de son époux M. W... D..., depuis le 2 juin 2017, est constitué uniquement de condamnations pénales pour faux en écriture et abus de confiance et de cautions personnelles ou de condamnations, au titre de ses engagements dans le cadre de son activité de gérante de droit d'une société de location de véhicules ; qu'il convient donc de constater en premier lieu, qu'une dette de 291 352 euros existe depuis 2013, qu'elle est définitive et que Mme D... ne peut pas inclure cette dette dans un dossier de surendettement, étant de nature pénale, elle est non effaçable et non aménageable ; que, par ailleurs, elle écrit en octobre 2014 au juge d'instruction, qu'heureusement elle a le soutien de son mari dans sa situation qui périclite à cause de son ancien employeur, Mme P... qui aurait été la gérante de fait de la société dont elle était la gérante de paille ; que, moyennant quoi, les époux font remonter les effets de leur séparation de corps au mois de mars 2015, démontrant ainsi le caractère circonstanciel de cette séparation, alors qu'un divorce aurait été mieux compris des créanciers et aurait ainsi permis de liquider le régime matrimonial des époux, et donc de vendre l'immeuble d'habitation appartenant au couple et de payer certains créanciers ; que M. D... dont les relevés de banque et la décision du juge aux affaires familiales permettent de constater qu'il bénéficie d'un salaire confortable, est hébergé dans le département de l'Ardèche, chez une personne de sexe masculin ; qu'et il est précisé qu'il est en déplacement professionnel de manière très régulière, ce qui explique selon Mme D... que M. D... n'a pas trouvé le temps en septembre 2017 et depuis la décision définitive du 2 juin 2017, de se désolidariser du compte bancaire joint des époux, alors que la période d'été vient juste de se terminer et que l'ordonnance de non-conciliation date tout de même du 17 mai 2016... ; qu'enfin, et alors que les diligences sont effectuées pour la vente de la maison sur saisie et que Mme D... sait depuis 2013, qu'elle devra un jour ou l'autre acquitter plus de 200 000 euros, elle attend la mise en oeuvre de ladite procédure pour tenter de paralyser celle-ci ; qu'elle ne peut cependant pas ignorer que cette condamnation pénale va, à elle seule, et nonobstant la procédure de surendettement absorber la totalité des biens dont elle peut encore disposer ; qu'aucun élément ne permet de penser que Mme D... est incapable de trouver du travail depuis la liquidation de la société qu'elle dirigeait, bien malgré elle, selon ses arguments ; qu'or, elle n'affiche aucun revenu et aucune recherche d'emploi, stage ou reconversion ; qu'enfin, elle a été condamnée pénalement pour des infractions qui sont à l'origine d'au moins la moitié de son endettement ; qu'elle a été également condamnée par diverses décisions commerciales pour ses engagements de caution, dans une société qui a été le théâtre privilégié de ses malversations ; qu'elle a donc produit directement par ses actes délictueux la totalité de son endettement, estimé à près de 700 000 euros ; que la bonne foi de Mme D... est donc exclue dans ce dossier ; ALORS, 1°), QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, pour caractériser la mauvaise foi de la débitrice, le moyen tiré de ce que la séparation de corps des époux D... avait un « caractère circonstanciel », sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS, 2°), QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, pour caractériser la mauvaise foi de la débitrice, le moyen tiré de ce que celle-ci, dont rien ne permet de penser qu'elle est incapable de trouver un travail, ne fait état d'aucun revenu ni d'aucune recherche d'emploi, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS, 3°), QUE le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi ; que la condition de bonne foi doit être appréciée au vu de l'ensemble des éléments soumis au juge au jour où il statue ; qu'en déduisant la mauvaise foi de la débitrice de ce que son endettement était le produit d'actes délictueux et de ce qu'elle ne justifiait ni d'un emploi ni d'une recherche d'emploi, le tribunal d'instance, qui s'est déterminé par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 711-1 du code de la consommation.
En matière de surendettement, l'appréciation de la bonne foi du débiteur relève du pouvoir souverain du juge du fond. Ayant relevé que la débitrice ne justifiait d'aucun revenu et d'aucune recherche d'emploi, stage ou reconversion, qu'elle avait été condamnée pénalement pour des infractions qui étaient à l'origine d'au moins la moitié de son endettement et par diverses décisions commerciales pour ses engagements de caution, ces actes délictueux étant directement à l'origine de la totalité de son endettement, c'est sans encourir les griefs du moyen que le juge du tribunal d'instance en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, l'absence de bonne foi de la débitrice
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CIV. 2 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 658 F-P+B+I Pourvoi n° 19-14.893 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme E.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 7 février 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 Mme N... E... épouse L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° 19-14.893 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme E..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 avril 2018), le 1er avril 2016, la société Cofidis a fait signifier à Mme E... un commandement à fin de saisie-vente sur le fondement d'un jugement d'un tribunal d'instance du 7 mai 2015. 2. Par jugement du 24 octobre 2016, un juge de l'exécution, saisi par Mme E... en nullité de ce commandement au motif de la nullité de la signification du titre exécutoire, a rejeté cette demande. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation du commandement aux fins de saisie-vente, du procès-verbal de saisie-vente du 1er avril 2016 et de la saisie, ensemble de rejeter ses demandes alors « qu'avant d'établir un procès-verbal tel que prévu à l'article 659 du code de procédure civile, l'huissier de justice doit s'assurer du dernier domicile connu du destinataire de l'acte et se présenter à ce dernier domicile connu ; qu'en l'espèce, Mme E... soutenait que si l'huissier de justice s'est présenté à une adresse située à Hendaye (Pyrénées Atlantiques), avant de dresser le procès-verbal du 6 octobre 2015, l'adresse d'Hendaye ne correspondait pas à son dernier domicile connu, son dernier domicile connu étant situé à Ainharp (Pyrénées Atlantiques) ; qu'en déclarant régulier le procès-verbal du 6 octobre 2015, sans avoir constaté au préalable, condition pour qu'un procès-verbal de recherches infructueuses fût dressé, que le dernier domicile connu était bien situé à Hendaye, où l'huissier de justice s'est présenté, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 659 du Code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 659 du code de procédure civile : 4. Il résulte de ce texte que la signification d'un acte selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas notification. 5. Pour confirmer le jugement rejetant la demande de nullité du commandement à fin de saisie-vente, l'arrêt retient que la signification est régulière dès lors que le jugement a été signifié à Mme E... le 6 octobre 2015 à Hendaye (64), selon les formes prévues à l'article 659 du code de procédure civile et qu'il est justifié de ce qu'un courrier recommandé avec accusé de réception a été envoyé à Mme E.... 4. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'adresse à Hendaye était la dernière adresse connue de Mme E..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 5. La demande de délais de paiement, que la cour d'appel a tranché dans son dispositif était une demande subsidiaire de Mme E... de sorte que la cassation sur le rejet de sa demande principale entraîne par voie de conséquence la cassation sur le chef de dispositif ayant statué sur sa demande subsidiaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société Cofidis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cofidis à payer à la SCP Foussard Froger la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme E... L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a, confirmant le jugement, rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation du commandement aux fins de saisie-vente, du procès-verbal de saisie-vente du 1er avril 2016 et de la saisie, ensemble rejeté les demandes de Mme E... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'appelante faite valoir ( ) sur le fond que la saisie est irrégulière, en ce que le jugement du 7 mai 2015 ne lui a pas été signifié "dans les formes et règles prévues en la matière" ; que ledit jugement a été signifié à Mme E... le 28 août 2015 à Ainharp (64), adresse déclarée par l'intéressée dans le cadre de la procédure devant le tribunal d'instance ; que l'huissier a établi un procès-verbal de recherches infructueuses mais n'a pas adressé à Mme E... de courrier recommandé avec accusé de réception conformément à la procédure prescrite par l'article 659 du code de procédure civile ; que cette première signification n'a donc pas été faite valablement ; que le jugement a cependant de nouveau été signifié à Mme E... le 6 octobre 2015 à Hendaye (64), soit avant l'expiration du délai de six mois prescrit par l'article 478 du code de procédure civile ; que la signification a été faite selon les formes prévues à l'article 659 du code de procédure civile et il est justifié de ce qu'un courrier recommandé avec accusé de réception a été envoyé à Mme E... ; qu'elle est donc régulière ; qu'il n'est donc pas établi d'irrégularité dans la signification du jugement » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « dès lors qu'il résulte des pièces produites aux débats par la société COFIDIS que le jugement du 7 mai 2015 a régulièrement été signifié à madame N... E... laquelle, par ailleurs, n'émet pas de grief concernant procès-verbal de saisie-vente du 1er avril 2016 lui-même, il y aura lieu de la débouter de la demande de nullité de celui-ci » ; ALORS QU'avant d'établir un procès-verbal tel que prévu à l'article 659 du Code de procédure civile, l'huissier de justice doit s'assurer du dernier domicile connu du destinataire de l'acte et se présenter à ce dernier domicile connu ; qu'en l'espèce, Mme E... soutenait que si l'huissier de justice s'est présenté à une adresse située à Hendaye (Pyrénées Atlantiques), avant de dresser le procès-verbal du 6 octobre 2015, l'adresse d'Hendaye ne correspondait pas à son dernier domicile connu, son dernier domicile connu étant situé à Ainharp (Pyrénées Atlantiques) ; qu'en déclarant régulier le procès-verbal du 6 octobre 2015, sans avoir constaté au préalable, condition pour qu'un procès-verbal de recherches infructueuses fût dressé, que le dernier domicile connu était bien situé à Hendaye, où l'huissier de justice s'est présenté, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 659 du Code de procédure civile.
Il résulte de l'article 659 du code de procédure civile que la signification d'un acte selon les modalités de cet article en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas notification. Prive dès lors de base légale sa décision la cour d'appel qui ne recherche pas, comme il lui était demandé, si l'adresse à laquelle la signification a été faite était la dernière adresse connue du destinataire de l'acte
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CIV. 2 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 660 F-P+B+I Pourvoi n° T 19-16.100 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. et Mme X.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 mars 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 1°/ M. V... X..., 2°/ Mme D... X..., tous deux domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° T 19-16.100 contre le jugement rendu le 31 août 2018 par le tribunal d'instance de Dreux, dans le litige les opposant : 1°/ à la société Gedia Seml Gaz-Electricité, dont le siège est [...] , 2°/ à la société OPH Habitat Drouais, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme X..., de Me Balat, avocat de la société OPH Habitat Drouais, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Gedia Seml Gaz-Electricité, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Dreux, 31 août 2018), rendu en dernier ressort, une fuite du ballon d'eau chaude du logement loué par M. et Mme X... à l'OPH Habitat Drouais a eu lieu en mai 2015. 2. Par ordonnance du 22 Mars 2017, la juridiction de proximité de Dreux a enjoint à M. et Mme X... de payer la somme de 1 735 euros à la société Gedia, auprès de laquelle ils avaient conclu un contrat de fourniture d'eau. 3. M. et Mme X... ont formé opposition à cette injonction le 4 avril 2017 et ont fait assigner l'OPH Habitat Drouais afin d'obtenir sa condamnation à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. et Mme X... font grief au jugement de les débouter de leur demande de condamnation à l'égard de la société Gedia et de préciser que l'ordonnance n° 95/17/260 produirait effet alors « que le jugement qui statue sur l'opposition formée à l'encontre d'une ordonnance d'injonction de payer se substitue à celle-ci ; qu'en jugeant que l'ordonnance d'injonction de payer du 22 mars 2017 qui avait condamné les époux X... à payer la somme de 1 735 euros à la société Gedia, devait produire effet, la cour d'appel a méconnu l'article 1420 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1420 du code de procédure civile : 5. Aux termes de ce texte, le jugement du tribunal se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer. 6. Le jugement, après avoir dit recevable l'opposition formée par M. et Mme X..., et les avoir déboutés de leurs demandes, précise que l'ordonnance n° 95/17/260 en date du 22 mars 2017 produira effet. 7. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance portant injonction de payer, qui n'est une décision qu'en l'absence d'opposition, ne pouvait reprendre ses effets, le tribunal a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. M. et Mme X... font grief au jugement de les débouter de leur demande tendant à obtenir la condamnation de l'OPH Habitat Drouais à les garantir de leur condamnation au titre du surplus de consommation d'eau résultant de la rupture du ballon d'eau chaude qui lui était imputable alors « que le juge doit évaluer, au besoin en recourant à une expertise, le préjudice dont l'existence est acquise ; qu'en retenant, pour écarter la demande des époux X... tendant à obtenir la condamnation de l'OPH Habitat Drouais à prendre en charge la surconsommation d'eau due à la fuite du ballon d'eau chaude dont il avait été jugé responsable en sa qualité de bailleur, que les pièces versées aux débats ne se rapportaient pas à la période à laquelle avait eu lieu le dégât des eaux (jugement page 6, dernier al.) quand l'existence d'une fuite et partant d'une surconsommation était acquise aux débats de sorte qu'il lui appartenait d'évaluer le préjudice subi par les preneurs, le tribunal a violé l'article 4 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code civil : 9. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie. 10. Pour rejeter la demande de condamnation de l'OPH Habitat Drouais, le jugement, après avoir retenu que la responsabilité de l'OPH Habitat Drouais doit être retenue au titre du dégât des eaux subi par les époux X... puis, dans un paragraphe sur la réparation du dommage, après avoir examiné les factures d'eau produites, retient qu'aucune des deux factures dont le montant est contesté par les époux X... ne couvre la période à laquelle a eu lieu le dégât des eaux en date du 4 mai 2015 de sorte qu'ils seront déboutés de leur demande de condamnation à l'égard de l'OPH Habitat Drouais, n'établissant pas la preuve de l'existence du préjudice lié au dégât des eaux, au titre d'une éventuelle surconsommation d'eau. 11. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, le tribunal a violé le texte susvisé. Sur la demande de mise hors de cause la société Gedia 12. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause de la société Gedia. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la seconde branche du second moyen, la Cour : Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Gedia ; CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit recevable l'opposition formée par M. et Mme X..., le jugement rendu le 31 août 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Dreux ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Evreux ; Condamne la société Gedia et l'OPH Habitat Drouais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté les époux X... de leur demande de condamnation à l'égard de la société Gedia et d'AVOIR précisé que l'ordonnance n° 95/17/260 en date du 22 mars 2017 produirait effet ; AUX MOTIFS QUE l'article L. 1224-12-4 du code général des collectivités territoriales prévoit que « toute facture d'eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis [ ] Dès que le service d'eau potable constate une augmentation anormale du volume d'eau consommé par l'occupant d'un local d'habitation susceptible d'être causée par la fuite d'une canalisation, il en informe sans délai l'abonné. Une augmentation du volume d'eau consommé est anormale si le volume d'eau consommé depuis le dernier relevé excède le double du volume d'eau moyen consommé par l'abonné ou par un ou plusieurs abonnés ayant occupé le local d'habitation pendant une période équivalente au cours des trois années précédentes ou, à défaut, le volume d'eau moyen consommé dans la zone géographique de l'abonné dans des locaux d'habitation de taille et de caractéristiques comparables. L'abonné n'est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne s'il présente au service d'eau potable, dans le délai d'un mois à compter de l'information prévue au premier alinéa du présent III bis, une attestation d'une entreprise de plomberie indiquant qu'il a fait procéder à la réparation d'une fuite sur ses canalisations. L'abonné peut demander, dans le même délai d'un mois, au service d'eau potable de vérifier le bon fonctionnement du compteur. L'abonné n'est alors tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne qu'à compter de la notification par le service d'eau potable, et après enquête, que cette augmentation n'est pas imputable à un défaut de fonctionnement du compteur. À défaut de l'information mentionnée au premier alinéa du présent III bis, l'abonné n'est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne. Les redevances et sommes prévues par le premier alinéa de l'article L. 2224-12-2 sont calculées en tenant compte de la consommation facturée. [ ] » ; que l'article R 224-20-1 du code général des collectivités territoriales dispose : « I. – Les dispositions du III bis de l'article L. 2224-12-4 s'appliquent aux augmentations de volume d'eau consommé dues à une fuite sur une canalisation d'eau potable après compteur, à l'exclusion des fuites dues à des appareils ménagers et des équipements sanitaires ou de chauffage. II. – Lorsque le service d'eau potable constate une augmentation anormale de consommation au vu du relevé de compteur enregistrant la consommation d'eau effective de l'abonné, il en informe l'abonné par tout moyen et au plus tard lors de l'envoi de la facture établie d'après ce relevé. Cette information précise les démarches à effectuer pour bénéficier de l'écrêtement de la facture prévu au III bis de l'article L. 2224-12-4. L'attestation d'une entreprise de plomberie à produire par l'abonné indique que la fuite a été réparée en précisant la localisation de la fuite et la date de la réparation. Le service peut procéder à tout contrôle nécessaire. En cas d'opposition à contrôle, le service engage, s'il y a lieu, les procédures de recouvrement. III. – Lorsque l'abonné, faute d'avoir localisé une fuite, demande la vérification du bon fonctionnement du compteur en application du troisième alinéa du III bis de l'article L. 2224-12-4, le service lui notifie sa réponse dans le délai d'un mois à compter de la demande dont il est saisi » ; qu'en l'espèce, les époux X... ne démontrent pas avoir fait l'objet d'une fuite d'une canalisation d'eau potable après compteur ; qu'ils ont subi une fuite d'eau de la chaudière de leur ballon d'eau chaude ; qu'il s'agit d'une fuite d'un équipement sanitaire ou de chauffage se trouvant dans leur appartement ; qu'en conséquence, leur demande fondée sur la procédure d'écrêtement à l'égard de Gedia ne saurait prospérer et leur demande de condamnation de Gedia ne saurait prospérer ; ALORS QUE le jugement qui statue sur l'opposition formée à l'encontre d'une ordonnance d'injonction de payer se substitue à celle-ci ; qu'en jugeant que l'ordonnance d'injonction de payer du 22 mars 2017 qui avait condamné les époux X... à payer la somme de 1735 € à la société Gedia, devait produire effet, la cour d'appel a méconnu l'article 1420 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à obtenir la condamnation de l'OPH Habitat Drouais à les garantir de leur condamnation au titre du surplus de consommation d'eau résultant de la rupture du ballon d'eau chaude qui lui était imputable ; AUX MOTIFS QUE les époux X... demandent la condamnation de l'OPH Habitat Drouais à leur garantir leur condamnation à l'égard de Gedia, de le condamner au paiement de deux factures visées par l'ordonnance d'injonction de payer du 22 mars 2017 ; que la facture du 30 mai 2016 n° 7931118 G d'un montant TTC de 3 050,89 euros couvre la période allant du 1er décembre 2015 au 27 mai 2016, la consommation réelle d'eau relevée s'élève à 669 m3 ; qu'au dos de la facture, se trouve la consommation détaillée : consommation d'eau sur la période du 1er décembre 2015 au 31 décembre 2015 : 116 m3 consommation d'eau sur la période du 1er janvier 2016 au 27 mai 2016 ; que la facture du 29 novembre 2016 et a été établie sur une consommation estimée de 104 m3 ; qu'aucune de ces deux factures dont le montant est contesté par les époux X... ne couvre la période à laquelle a eu lieu le dégât des eaux en date du 4 mai 2015 ; qu'il seront déboutés de leur demande de condamnation à l'égard de l'OPH Habitat Drouais n'établissant la preuve de l'existence du préjudice lié aux dégâts des eaux, au titre d'une éventuelle surconsommation d'eau ; 1°) ALORS QUE le juge doit évaluer, au besoin en recourant à une expertise, le préjudice dont l'existence est acquise ; qu'en retenant, pour écarter la demande des époux X... tendant à obtenir la condamnation de l'OPH Habitat Drouais à prendre en charge la surconsommation d'eau due à la fuite du ballon d'eau chaude dont il avait été jugé responsable en sa qualité de bailleur, que les pièces versées aux débats ne se rapportaient pas à la période à laquelle avait eu lieu le dégât des eaux (jugement page 6, dernier al.) quand l'existence d'une fuite et partant d'une surconsommation était acquise aux débats de sorte qu'il lui appartenait d'évaluer le préjudice subi par les preneurs, le tribunal a violé l'article 4 du code civil ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les exposants faisaient valoir, pièces à l'appui, que la facture litigieuse n° 793118G du 30 mai 2016, qui visait la période du 1er décembre 2015 au 27 mai 2016, régularisait la période antérieure, allant de février à décembre 2015, qui avait uniquement donné lieu à une facturation sur la base d'index estimés, sur la base, cette fois-ci, d'index relevés (conclusions des époux X..., page 8, al ; 4, 5 et 8 ; pièces communiquées n° 8 c et 9) ; qu'en retenant, pour estimer que la preuve chiffrée d'une surconsommation liée à la fuite d'eau que les époux X... avaient subie n'était pas rapportée, que la facture n° 793118G du 30 mai 2016 ne « couvr[ait] pas la période à laquelle avait eu lieu le dégât des eaux en date du 4 mai 2015 » (jugement page 6, dernier al.), sans répondre aux conclusions des exposants, le tribunal n'a pas motivé sa décision, violant l'article 455 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 1420 du code de procédure civile, le jugement du tribunal se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer. Dès lors, viole ce texte le jugement qui, après avoir dit recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, précise que ladite ordonnance produira ses effets. Il résulte de l'article 4 du code civil que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien- fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie. Dès lors, viole ce texte le tribunal qui refuse d'évaluer le montant d'un dommage dont il a constaté l'existence en son principe
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CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 661 F-P+B+I Pourvoi n° D 19-14.086 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 La société Corse de distribution, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 19-14.086 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Q... L..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Corse de distribution, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. L..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué, la société Corse de distribution (la société Socodi) a interjeté appel le 29 mars 2016 devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio dans le litige l'opposant à M. L.... 2. Le 4 mai 2016, la société Socodi a interjeté un nouvel appel devant la cour d'appel de Bastia et s'est désistée le 14 juin 2018 de l'appel pendant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui a constaté ce désistement par un arrêt du 29 juin 2018. 3. M. L... a soulevé l'irrecevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Bastia. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches Enoncé du moyen 3. La société Socodi fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable et de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors : « 1°/ que la saisine irrégulière d'une cour d'appel territorialement incompétente autorise la partie appelante à saisir sans délai la cour d'appel territorialement compétente afin de régulariser la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Bastia a jugé irrecevable l'appel interjeté par la société exposante au motif qu'au jour où celui-ci a été formé, un premier appel était encore pendant devant la cour d'appel d'Aix en Provence ; qu'en statuant ainsi, quand l'adage « appel sur appel ne vaut » n'a vocation à s'appliquer que dans la mesure où une cour d'appel a déjà régulièrement été saisie d'un premier appel et qu'en l'espèce, il était constant que la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait été saisie était territorialement incompétente, ce dont il résultait que le premier appel était irrégulier et qu'ainsi l'appelante avait intérêt à former le second appel pour réparer cette irrégularité, et ce, même si elle avait indiqué avoir sciemment saisi la première juridiction incompétente en raison de sa qualité de conseiller prud'hommes dans le ressort bastiais ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse application cet adage, ensemble les articles 30, 31, 122, 542, 543 et 546 du code de procédure civile ; 2°/ que le droit d'accès au juge interdit à une cour d'appel territorialement compétente de refuser de statuer sur l'appel formé par une partie au prétexte que celle-ci a préalablement saisi une cour d'appel territorialement incompétente, dès lors qu'il est constant que cette dernière n'a pas statué au fond ; qu'à défaut, le refus de statuer au fond sur le second appel constitue un déni de justice ; que le fait de sanctionner par l'irrecevabilité le second appel formé à l'encontre d'un même jugement afin de régulariser la procédure d'appel porte atteinte au droit de la partie appelante à un procès équitable ; qu'en l'espèce, en jugeant le second appel irrecevable, quand la société appelante s'était désistée de son premier appel irrégulièrement formé devant une cour d'appel territorialement incompétente, la cour d'appel a privé la société appelante d'un droit à un recours effectif dans le cadre d'un procès équitable et commis un déni de justice ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble, l'article 4 du code civil et fait une fausse application de l'adage contra legem « appel sur appel ne vaut. » Réponse de la Cour Vu les articles 126 et 546 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. Il résulte de ces textes que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré. 5. La circonstance que le désistement de l'appel porté devant la juridiction incompétente n'était pas intervenu au jour où l'appel a été formé devant la cour d'appel territorialement compétente ne fait pas obstacle à la régularisation de l'appel. 4. Pour déclarer irrecevable l'appel interjeté le 4 mai 2016 devant la cour d'appel de Bastia, l'arrêt retient que l'appel formé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence était encore pendant lorsque le second appel contre le même jugement a été interjeté devant la cour d'appel de Bastia, privant par là-même la société Socodi d'intérêt à agir. 5. En statuant ainsi, alors que le second appel avait été formé avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. L... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et le condamne à payer à la société Corse de distribution la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Corse de distribution Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré l'appel de la société SOCODI irrecevable et D'AVOIR, par conséquent, débouté la société exposante de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE « à l'appui de la recevabilité de son appel, la Société SOCIETE CORSE DE DISTRIBUTION (SO.CO.DI.) développe plusieurs moyens ayant trait à la validité de l'acte de notification du jugement de départage du 21 mars 2016 et à l'absence de forclusion ; ces moyens sont toutefois inopérants, dans la mesure où la question essentielle est celle de la recevabilité d'un second appel initié tandis qu'un premier appel est encore pendant ; au visa des articles 122 et 546 du code de procédure civile, il est admis qu'est irrecevable le second appel relevé contre la même décision alors que l'instance initiée par le premier appel était encore pendante ; il ressort des éléments du débat que la SOCIÉTÉ CORSE DE DISTRIBUTION (SO.CO.DI.) a, le 29 mars 2016 par lettre recommandée avec avis de réception, interjeté appel devant la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du jugement rendu par le juge départiteur près le conseil des prud'hommes d'AJACCIO le 21 mars 2016 ; cet appel était encore pendant devant la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, quand la société SOCIETE CORSE DE DISTRIBUTION (SO.CO.DI.) a, le 4 mai 2016 par lettre recommandée avec avis de réception, interjeté un second appel devant la Cour d'appel de BASTIA du même jugement de départage rendu le 21 mars 2016 ; en effet, l'instance d'appel initiée devant la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE ne s'est éteinte par l'arrêt du 29 juin 2018 "déclarant parfait le désistement d'appel de la société SOCODI" par lettre reçue le 14 juin 2018 ; consécutivement, doit être déclaré irrecevable l'appel interjeté par la Société SOCIETE CORSE DE DISTRIBUTION (SO.CO. DI.) le 4 mai 2016, devant la cour d'appel de BASTIA, faute d'intérêt à agir, étant en sus relevé que, selon les indications même de l'appelante, le premier appel avait été sciemment dirigé par ses soins devant une autre cour d'appel que celle de BASTIA, au motif que le gérant de la Société SOCIETE CORSE DE DISTRIBUTION (SO.CO.DI) exerçait des fonctions de conseiller prud'homal dans le ressort bastiais. 2) Sur les demandes accessoires : la SOCIÉTÉ CORSE DE DISTRIBUTION (SO.CO.DI.), succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel ; l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards » ; 1. ALORS QUE la saisine irrégulière d'une cour d'appel territorialement incompétente autorise la partie appelante à saisir sans délai, la cour d'appel territorialement compétente afin de régulariser la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Bastia a jugé irrecevable l'appel interjeté par la société exposante au motif qu'au jour où celui-ci a été formé, un premier appel était encore pendant devant la cour d'appel d'Aix en Provence; qu'en statuant ainsi, quand l'adage « appel sur appel ne vaut » n'a vocation à s'appliquer que dans la mesure où une cour d'appel a déjà régulièrement été saisie d'un premier appel et qu'en l'espèce, il était constant que la cour d'appel d'Aix en Provence qui avait été saisie était territorialement incompétente, ce dont il résultait que le premier appel était irrégulier et qu'ainsi l'appelante avait intérêt à former le second appel pour réparer cette irrégularité, et ce, même si elle avait indiqué avoir sciemment saisi la première juridiction incompétente en raison de sa qualité de conseiller prud'hommes dans le ressort bastiais ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse application cet adage, ensemble les articles 30, 31, 122, 542, 543 et 546 du code de procédure civile ; 2. ALORS QU'aucun texte n'interdit de former un second appel interjeté à l'encontre d'un même jugement ni ne prévoit une irrecevabilité lorsque les premier et second appels n'ont pas été interjetés devant la même cour d'appel; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Bastia, territorialement compétente pour statuer sur l'appel du jugement du conseil de prud'hommes d'Ajaccio a jugé que le second appel interjeté par la société exposante était irrecevable au prétexte que, le jour où il a été formé, le premier appel était encore pendant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; qu'en statuant ainsi, quand au jour où elle a statué l'appelante s'était déjà désisté du premier appel, la cour d'appel a violé ensemble les articles 30, 31, 122, 542, 543 et 546 du code de procédure civile, et 6 ¡1 de la Convention européenne des droits de l'homme et par fausse application de l'adage contra legem « appel sur appel ne vaut » ; 3. ALORS QUE dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en l'espèce, il est constant, d'une part, que le second appel a été interjeté devant la cour d'appel de Bastia afin de régulariser la saisine initiale de la cour d'appel d'Aix en Provence, territorialement incompétente et, d'autre part, que le premier appel s'était achevé par arrêt de désistement de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 juin 2018 au moment où la cour d'appel de Bastia a statué sur le litige par arrêt du 21 novembre 2018 ; qu'en jugeant néanmoins le second appel irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 122, 126, 542, 543 et 546 du code de procédure civile ; 4. ALORS QUE le droit d'accès au juge interdit à une cour d'appel territorialement compétente de refuser de statuer sur l'appel formé par une partie au prétexte que celle-ci a préalablement saisi une cour d'appel territorialement incompétente, dès lors qu'il est constant que cette dernière n'a pas statué au fond ; qu'à défaut, le refus de statuer au fond sur le second appel constitue un déni de justice ; le fait de sanctionner par l'irrecevabilité le second appel formé à l'encontre d'un même jugement afin de régulariser la procédure d'appel porte atteinte au droit de la partie appelante à un procès équitable ; qu'en l'espèce, en jugeant le second appel irrecevable, quand la société appelante s'était désistée de son premier appel irrégulièrement formé devant une cour d'appel territorialement incompétente, la cour d'appel a privé la société appelante d'un droit à un recours effectif dans le cadre d'un procès équitable et commis un déni de justice; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble, l'article 4 du code civil et fait une fausse application de l'adage contra legem « appel sur appel ne vaut ».
Il résulte des articles 126 et 546 du code de procédure civile, ainsi que 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente, qui donne lieu à une fin de non-recevoir, est susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré. La circonstance que le désistement de l'appel porté devant la juridiction territorialement incompétente ne soit pas intervenu au jour où l'appel est formé devant la cour d'appel territorialement compétente ne fait pas obstacle à la régularisation de l'appel. Encourt en conséquence la censure l'arrêt qui déclare irrecevable le second appel interjeté, dans le délai du recours, devant la cour d'appel territorialement compétente, motif pris de ce que l'appelant serait dépourvu d'intérêt à agir dès lors que le premier appel, formé devant la cour d'appel territorialement incompétente et dont il ne s'est pas désisté, est encore pendant
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 662 F-P+B+I Pourvoi n° C 19-13.947 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. X.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 22 janvier 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 M. H... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-13.947 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2017 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Pages Jaunes, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. X..., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Pages Jaunes, l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 septembre 2017), M. X... a été condamné au paiement d'un certaine somme au profit de la société Pages jaunes, par un jugement signifié le 28 septembre 2015. 2. En vue de relever appel de ce jugement, M. X... a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 19 octobre 2015, qui lui a été accordé partiellement, à hauteur de 55 %, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 janvier 2016. Saisi d'un recours contre cette admission partielle, le premier président de la cour d'appel, par une décision du 10 mai 2016, lui a accordé l'aide juridictionnelle à hauteur de 70 %. 3. Entre-temps, M. X... a formé un appel par un acte du 3 mars 2016. Le conseiller de la mise en état ayant déclaré cet appel irrecevable comme tardif, M. X... a déféré cette décision à la cour d'appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif son appel interjeté le 3 mars 2016 contre le jugement rendu le 21 août 2015 par le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône, signifié le 28 septembre 2015, alors « que le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, §1, est un droit concret et effectif et non pas théorique et illusoire ; que la cour d'appel, qui a apprécié la recevabilité de l'appel au regard des dispositions de l'article 38-1, alinéa 2, c) du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, a fait courir le nouveau délai d'appel à compter du 19 janvier 2016, date de la désignation de M. I... intervenue après l'admission le 14 janvier précédent de M. X... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à 55 % ; qu'en statuant ainsi, quand la désignation de M. I... était antérieure à l'ordonnance du 10 mai 2016 du premier président de la cour d'appel de Dijon statuant sur le recours formé contre la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 janvier 2016, visée par l'article 38-1, alinéa 2, b, du décret précité, qui rendait la décision d'admission de M. X... à l'aide juridictionnelle définitive en lui allouant cette aide à 70 %, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à la substance même du droit d'accès de M. X... à un tribunal et a ainsi violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le droit d'accès effectif à un tribunal. » Réponse de la Cour Vu l'article 6, § 1, de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 5. Si, en vertu de l'article 38-1, alors applicable, du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, la demande d'aide juridictionnelle n'interrompt pas le délai d'appel, le droit d'accès au juge exclut que ce délai puisse courir tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur une demande d'aide juridictionnelle formée dans ce délai (CEDH, 9 octobre 2007, requête n° 9375/02, Saoud c. France ; CEDH, 6 octobre 2011, requête n° 52124/08, Staszkow c. France). 6. Pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel de M. X..., l'arrêt retient, par motifs propres, que M. X... a déposé sa demande d'aide juridictionnelle pendant le délai d'appel et qu'il n'a été statué sur cette demande que le 14 janvier 2016, date à laquelle l'aide juridictionnelle partielle a été accordée au requérant, qu'indépendamment du recours formé contre cette décision par M. X..., la désignation d'un avocat pour lui prêter son concours est intervenue le 19 janvier 2016 et que ce n'est que le 3 mars 2016, soit plus d'un mois après, que la déclaration d'appel de M. X... a été reçue au greffe. L'arrêt retient en outre, par motifs adoptés, que M. X... a formalisé sa déclaration d'appel avant même de disposer de la décision statuant sur sa demande d'aide, ce qui démontre qu'il n'était pas tributaire de cette décision pour réaliser cet acte de procédure, et que l'article 38-1 précité suspend les délais pour conclure afin d'assurer au justiciable la réalité de son accès au juge d'appel. 7. En statuant ainsi, alors que M. X... avait formé un appel avant même qu'il ne soit définitivement statué sur sa demande d'aide juridictionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 octobre 2016 ; Déclare recevable l'appel de M. X... ; Dit que l'instance d'appel se poursuivra devant la cour d'appel de Dijon ; Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens et les demandes d'indemnités formées en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pages jaunes et la condamne à payer à la SCP Ortscheidt la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme tardif l'appel interjeté par M. H... X... le 3 mars 2016 contre le jugement rendu le 21 août 2015 par le tribunal de grande instance de Chalons sur Saône, signifié le 28 septembre 2015 ; AUX MOTIFS QUE le jugement dont appel, en date du 21 août 2015, a fait l'objet à la requête de la société Pages Jaunes, d'une signification par acte d'huissier le 28 septembre 2015, remis en l'étude de Me K..., Huissier de justice à Chalon sur Saône ; qu'au soutien du déféré, l'appelant prétend qu'il a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 19 octobre 2015 en vue d'interjeter appel du jugement du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône et que le Bureau d'aide juridictionnelle de Dijon n'a statué sur cette demande que le 14 janvier 2016, soit plus de deux mois après l'expiration du délai pour faire appel, lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle à hauteur de 55 % ; qu'il ajoute qu'il a formé un recours contre cette décision le 21 janvier 2016, que des renseignements complémentaires lui ont été réclamés le 24 février 2016 et que le Premier président de la Cour d'appel, infirmant la décision du Bureau d'aide juridictionnelle, lui a accordé l'aide juridictionnelle à hauteur de 70 % ; qu'il considère que c'est en raison de la défaillance du Bureau d'aide juridictionnelle qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de saisir la Cour d'appel dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, ne disposant pas des moyens nécessaires pour le faire, s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire ; qu'il ajoute que c'est à tort que le conseiller de la mise en état a considéré qu'il n'avait pas été privé de son accès à la justice dès lors qu'il ressortait de la procédure qu'il avait formalisé sa déclaration d'appel avant même de disposer de la décision statuant sur sa demande d'aide juridictionnelle, ce qui démontrait qu'il n'était pas tributaire de cette décision pour réaliser cet acte de procédure, alors qu'il n'a pu formaliser sa déclaration d'appel qu'après avoir eu connaissance de la décision du bureau d'aide juridictionnelle du14 janvier 2016 ; qu'il considère ainsi que la demande d'aide juridictionnelle doit être considérée comme interruptive du délai d'appel jusqu'au jour où la décision d'aide juridictionnelle est devenue définitive, ou, dans le cas où la désignation de l'auxiliaire de justice intervient postérieurement au jour où la décision d'aide juridictionnelle devient définitive, au jour où l'auxiliaire de justice est désigné ; que l'intimée réplique qu'il est vain pour Monsieur X... de soutenir que les dispositions législatives encadrant le délai d'appel le prive de son accès au juge, le délai- pour conclure étant suspendu pour l'appelant en attente de la décision d'aide juridictionnelle, ce qui rend effectif son accès au juge ; qu'elle ajoute que la jurisprudence n'a eu de cesse de rappeler que le dépôt de la demande d'aide juridictionnelle n'interrompt pas le délai d'appel, y compris pour les procédures avec représentation par avocat obligatoire ; que l'article 538 du code de procédure civile prévoit que le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse ; que, selon l'article 38-1 du décret n° 91-1266 du 19 juillet 1991qui vise spécifiquement l'incidence de la demandé d'aide juridictionnelle sur le délai d'appel, "sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article 39, la demande d'aide juridictionnelle n'interrompt pas le délai d'appel ; que cependant, le délai imparti pour signifier la déclaration d'appel, mentionné à l'article 902 du code de procédure civile, et les délais impartis pour conclure, mentionnés aux articles 908 à 910 du même code, courent à compter : « a) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; b) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; c) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné » ; que ces dispositions légales ne peuvent avoir pour effet de priver le justiciable de son droit d'accès effectif à la juridiction, en application de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'a rappelé la cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt du 6 octobre 2011 ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a déposé sa demande d'aide juridictionnelle pendant le délai d'appel et il n'a été statué sur cette demande que le 14 janvier 2016, date à laquelle l'aide juridictionnelle partielle a été accordée au requérant et Me I... désignée pour lui prêter son concours ; qu'indépendamment du recours formé contre cette décision par Monsieur X..., la désignation de cet avocat par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Dijon est intervenue le 19 janvier 2016 et ce n'est que le 3 mars 2016, soit plus d'un mois après, que la déclaration d'appel de Monsieur X... a été reçue au greffe, de sorte que c'est à bon droit que l'appel de celui-ci a été déclaré irrecevable comme tardif ; ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES QU' aux terme des articles 528 et 538 du code de procédure civile, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement, et le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse ; qu'il n'est pas contesté par Monsieur H... X... que le jugement du tribunal de grande instance de Chalon Sur Saône du 21 août 2015 lui a été signifié le 28 septembre 2015 selon des modalités dont il ne conteste pas la validité, et qu'il n'en a fait appel que le 3 mars 2016 ; que pour justifier ce retard, Monsieur X... fait état de la demande d'aide juridictionnelle qu'il a formée le 19 octobre 2015, et du fait que la décision lui accordant finalement cette aide à hauteur de 70% n'a été rendue par le premier président de la cour d'appel de Dijon statuant sur son recours que le 10 mai 2016 ; qu'il soutient que la procédure d'appel étant avec représentation obligatoire, il ne disposait pas des moyens nécessaires pour relever appel dans le délai légal, et qu'il était tributaire de la décision à intervenir sur sa demande d'aide ; que considérer que la demande d'aide juridictionnelle n'interrompt pas le délai d'appel porterait atteinte au principe des droits de la défense et de l'accès au droit et à la justice ainsi qu'à l'effectivité de cet accès ; qu'il résulte de l'article 38-1 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 que la demande d'aide juridictionnelle n'interrompt pas le délai d'appel devant les juridictions judiciaire ; que Monsieur X... soutient à tort que l'application de cette disposition législative le priverait de son accès à la justice alors d'une part qu'il ressort de la procédure qu'il a formalisé sa déclaration d'appel avant même de disposer de la décision statuant sur sa demande d'aide (ce qui démontre qu'il n'était pas tributaire de cette décision pour réaliser ce acte de procédure), et d'autre part que l'article 38-1 précité suspend les délais pour conclure afin d'assurer au justiciable la réalité de son accès au juge d'appel. ALORS QUE le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6§1 est un droit concret et effectif et non pas théorique et illusoire ; que la cour d'appel, qui a apprécié la recevabilité de l'appel au regard des dispositions de l'article 38-1, alinéa 2, c) du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, a fait courir le nouveau délai d'appel à compter du 19 janvier 2016, date de la désignation de Me I... intervenue après l'admission le 14 janvier précédent de M. X... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à 55 %; qu'en statuant ainsi, quand la désignation de Me I... était antérieure à l'ordonnance du 10 mai 2016 du Premier président de la cour d'appel de Dijon statuant sur le recours formé contre la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 janvier 2016, visée par l'article 38-1, alinéa 2, b, du décret précité, qui rendait la décision d'admission de M. X... à l'aide juridictionnelle définitive en lui allouant cette aide à 70 %, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à la substance même du droit d'accès de M. X... à un tribunal et a ainsi violé l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble le droit d'accès effectif à un tribunal.
Si, en vertu de l'article 38-1, alors applicable, du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, la demande d'aide juridictionnelle formée en vue de relever un appel n'interrompt pas le délai d'appel, le droit d'accès au juge, résultant de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exclut qu'un tel délai puisse courir tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur la demande d'aide juridictionnelle formée dans ce délai. Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare irrecevable comme tardif un appel aux motifs, d'une part, que son auteur, qui avait déposé sa demande d'aide juridictionnelle pendant le délai d'appel, n'avait pas remis de déclaration d'appel dans le délai d'un mois suivant la décision d'admission partielle à l'aide juridictionnelle contre laquelle il avait formé un recours et, d'autre part, qu'il avait pu formaliser sa déclaration d'appel avant même de disposer de la décision statuant sur ce recours.
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 663 F-P+B+I Pourvoi n° D 19-12.752 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 1°/ M. V... H..., dit J..., 2°/ Mme A... I..., épouse H..., domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° D 19-12.752 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel La Frontalière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. H... et de Mme I..., de Me Le Prado, avocat de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure : 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 décembre 2018) et les productions, par une ordonnance du 27 février 2009, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière (la banque), la vente forcée de biens immobiliers appartenant à M. H... et Mme I.... 2. Saisi par une nouvelle requête en adjudication forcée de la banque en date du 23 février 2017, le tribunal d'instance y a fait droit par ordonnance d'adhésion du 11 juillet 2017. 3. Sur le pourvoi immédiat formé par M. H... et Mme I..., ce tribunal a, par ordonnance du 30 novembre 2017, dit n'y avoir lieu à rétracter sa décision et transmis le dossier à une cour d'appel. Examen du moyen : Sur le moyen, pris en sa seconde branche : Enoncé du moyen 4. M. H... et Mme I... font grief à l'arrêt de déclarer le pourvoi immédiat mal fondé, de maintenir l'ordonnance du 11 juillet 2017 du tribunal de l'exécution forcée immobilière, d'ordonner l'accès de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière à l'adjudication forcée prononcée le 27 février 2009 par ordonnance du tribunal de l'exécution de Huningue concernant l'immeuble situé [...] (68220) cadastré section [...] , [...] , inscrit au Livre foncier de Hegenheim, au nom de M. V... H... et de Mme A... I..., chacun pour moitié, pour avoir paiement de la somme de 177 770,90 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14 novembre 2016 de 154 334,44 euros et des intérêts au taux légal sur la somme de 11 629,87 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14 janvier 2016 de 10 803,41 euros et les cotisations d'assurance vie conformément au contrat à compter du 15 novembre 2016 jusqu'au règlement définitif alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en statuant sans débat au visa de conclusions de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. et Mme H... du 11 août 2017, sans même s'assurer que ces écritures avaient été communiquées à M. et Mme H... et que ceux-ci avaient été mis en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour : Vu les articles 672 et 673 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 5. Selon le premier de ces textes, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire. Selon le deuxième, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé. 6. L'arrêt attaqué se prononce sans débat au visa de conclusions de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. H... et Mme I... du 11 août 2017, et comportant la mention imprimée selon laquelle elles avaient été notifiées à l'avocat constitué par M. H... et Mme I.... 7. En statuant ainsi, sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées à l'avocat de M. H... et de Mme I... dans les formes requises, et que ces derniers en avaient eu connaissance et avaient été mis en mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la caisse de Crédit mutuel La Frontalière aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière et la condamne à payer à M. H... et Mme I... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. H... et Mme I... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le pourvoi immédiat mal fondé, d'AVOIR maintenu l'ordonnance du 11 juillet 2017 du tribunal de l'exécution forcée immobilière, d'AVOIR ordonné l'accès de la Caisse de crédit mutuel La Frontalière à l'adjudication forcée prononcée le 27 février 2009 par ordonnance du tribunal de l'exécution de Huningue concernant l'immeuble situé [...] (68220) cadastré section [...] , [...] , inscrit au Livre Foncier de Hegenheim, au nom de M. V... H... et de Mme A... I..., chacun pour moitié, pour avoir paiement de la somme de 177 770,90 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14/11/2016 de 154 334,44 euros et des intérêts au taux légal sur la somme de 11 629,87 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14/1/2016 de 10 803,41 euros et les cotisations d'assurance vie conformément au contrat à compter du 15/11/2016 jusqu'au règlement définitif ; AUX ÉNONCIATIONS QUE le 11 août 2017, M. V... H... et Mme A... I... ont formé pourvoi immédiat en sollicitant la caducité de l'ordonnance et l'infirmation de la décision ; par conclusions du 18 septembre 2017, la caisse de Crédit Mutuel la Frontalière concluait à la confirmation de l'ordonnance et à l'irrecevabilité du pourvoi ; par ordonnance du 30 novembre 2017, le tribunal de l'exécution forcée immobilière a maintenu son ordonnance et a transmis l'ensemble de la procédure à la cour d'appel de Colmar pour compétence ; par conclusions du 19 novembre 2018, la Caisse de crédit mutuel la Frontalière conclut au rejet du pourvoi et au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; la banque rappelle que la procédure avait en son temps été suspendue d'un commun accord mais qu'aucune disposition légale ne prévoit que le notaire doive convoquer les parties dans un délai de 6 mois ; M. V... H... et Mme A... I... n'ont pas conclu à hauteur de cour ; AUX MOTIFS PROPRES QUE M. V... H... et Mme A... I... font valoir la caducité de la procédure, faute par le notaire désigné d'avoir convoqué les parties dans le délai de 6 mois à compter de sa saisine ; l'article 224 de la loi du 1er juin 1924 impose au notaire d'inviter le demandeur à fournir toutes justifications utiles concernant l'objet de la demande et à faire des propositions précises sur le mode et les bases du partage qu'il provoque ; le deuxième alinéa stipule que si, dans les six mois, après que la décision ait obtenu l'autorité de la chose jugée, le demandeur ou une autre partie intéressée ne remplis pas les conditions prévues par l'alinéa précédent, la procédure est à considérer comme éteinte ; ces dispositions sont applicables au seul partage judiciaire et non à la procédure d'exécution forcée immobilière ; dès lors, M. V... H... et Mme A... I... sont déboutés de leur pourvoi et supporteront la charge des dépens ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la partie débitrice ne s'acquitte pas de sa dette et que la partie créancière requiert en conséquence la vente forcée des immeubles ci-dessous visés ; que le titre exécutoire a été signifié régulièrement à la partie débitrice et que la requête est régulière en la forme et bien fondée en droit ; 1) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. et Mme H..., débiteurs saisis, n'ont pas conclu devant la cour d'appel à l'appui de leur pourvoi immédiat du 11 août 2017 ; qu'en statuant néanmoins sur ce recours aux seuls visas du pourvoi immédiat et des conclusions du créancier du 18 septembre 2017 et du 19 novembre 2018 sans s'assurer que M. et Mme H... avaient été mis en mesure de développer des moyens devant elle, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 2) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en statuant sans débat au visa de conclusions de la Caisse de crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. et Mme H... du 11 août 2017, sans même s'assurer que ces écritures avaient été communiquées à M. et Mme H... et que ceux-ci avaient été mis en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Selon l'article 672 du code de procédure civile, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire. Selon l'article 673 du même code, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé. Viole ces dispositions la cour d'appel qui statue sans débat au visa de conclusions comportant la mention imprimée selon laquelle elles avaient été notifiées à l'avocat constitué par la partie adverse (arrêt n° 1, pourvoi n° 19-12.752) ou sur lesquelles avait été apposé un tampon de l'ordre des avocats d'un barreau faisant état de leur notification et revêtu de la signature de l'avocat auteur des conclusions (arrêt n° 2, pourvoi n° 19-12.753), sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées dans les formes requises et que la partie adverse avait été mise en mesure d'y répondre
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CIV. 2 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juillet 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 664 F-P+B+I Pourvoi n° E 19-12.753 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020 La société du Quai, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-12.753 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société du Quai, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 décembre 2018) et les productions, par ordonnance du 6 octobre 2017, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), la vente forcée de biens immobiliers appartenant à la SCI du Quai (la SCI). 2. Sur le pourvoi immédiat formé par cette dernière le 20 octobre 2017, le tribunal a, par ordonnance du 17 novembre 2017, dit n'y avoir lieu à rétracter sa décision et transmis le dossier à une cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer son pourvoi immédiat mal fondé et de confirmer l'ordonnance du tribunal de l'exécution forcée immobilière de Strasbourg en date du 6 octobre 2017 et d'ordonner la vente forcée des immeubles sis à Strasbourg et cadastrés comme suit : livre foncier de Strasbourg, section [...] , lots 7 et 10, à hauteur de la somme de 227 806,03 euros selon commandement de payer aux fins de vente forcée immobilière du 19 septembre 2017, de commettre M. E... W..., notaire à Strasbourg, en vue de procéder aux opérations de vente forcée immobilière, de dire que la mise à prix serait fixée conformément à l'article 147 de la loi civile du 1er juin 1924 et de dire que le notaire commis devrait respecter le rang des créanciers hypothécaires inscrits en cas de distribution ultérieure, en se prononçant au vu des conclusions récapitulatives de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 16 novembre 2018 alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour déclarer le pourvoi immédiat de la SCI du Quai mal fondé sur les conclusions récapitulatives de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 16 novembre 2018 qui n'avaient pourtant pas été notifiées à SCI du Quai, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour : Vu les articles 672 et 673 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : 4. Selon le premier de ces textes, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire. Selon le deuxième, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé. 5. L'arrêt attaqué se prononce sans débat au visa de conclusions de la banque du 16 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat, et sur lesquelles avait été apposé un tampon de l'ordre des avocats de Strasbourg faisant état de leur notification et revêtu de la signature de l'avocat de la banque. 6. En statuant ainsi, sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées à l'avocat de la SCI, et que cette dernière en avait eu connaissance et avait été mise en mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne et la condamne à payer à la SCI du Quai la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société du Quai. PREMIER MOYEN DE CASSATION La SCI du Quai fait grief à l'arrêt attaqué rectifié d'avoir déclaré son pourvoi immédiat mal fondé et d'avoir confirmé l'ordonnance du tribunal de l'exécution forcée immobilière de Strasbourg en date du 6 octobre 2017, et d'avoir ainsi ordonné la vente forcée des immeubles sis à Strasbourg et cadastrés comme suit : livre foncier de Strasbourg, section [...] , lots 7 et 10, à hauteur de la somme de 227.806,03 euros selon commandement de payer aux fins de vente forcée immobilière du 19 septembre 2017, d'avoir commis Me E... W..., notaire à Strasbourg, en vue de procéder aux opérations de vente forcée immobilière, d'avoir dit que la mise à prix serait fixée conformément à l'article 147 de la loi civile du 1er juin 1924 et d'avoir dit que le notaire commis devrait respecter le rang des créanciers hypothécaires inscrits en cas de distribution ultérieure, en se prononçant au vu des conclusions récapitulatives de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 16 novembre 2018 ; ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour déclarer le pourvoi immédiat de la SCI du Quai mal fondé sur les conclusions récapitulatives de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 16 novembre 2018 qui n'avaient pourtant pas été notifiées à SCI du Quai, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire La SCI du Quai fait grief à l'arrêt attaqué rectifié d'avoir déclaré son pourvoi immédiat mal fondé et d'avoir confirmé l'ordonnance du tribunal de l'exécution forcée immobilière de Strasbourg en date du 6 octobre 2017, et d'avoir ainsi ordonné la vente forcée des immeubles sis à Strasbourg et cadastrés comme suit : livre foncier de Strasbourg, section [...] , lots 7 et 10, à hauteur de la somme de 227.806,03 euros selon commandement de payer aux fins de vente forcée immobilière du 19 septembre 2017, d'avoir commis Me E... W..., notaire à Strasbourg, en vue de procéder aux opérations de vente forcée immobilière, d'avoir dit que la mise à prix serait fixée conformément à l'article 147 de la loi civile du 1er juin 1924 et d'avoir dit que le notaire commis devrait respecter le rang des créanciers hypothécaires inscrits en cas de distribution ultérieure ; AUX MOTIFS QU'il est constant que le prêt de 2006 a déjà fait l'objet d'une déchéance du terme qui a été sanctionnée tant par le juge du fond que par le juge de l'exécution forcée immobilière ; que la banque populaire a prononcé une nouvelle fois la déchéance du terme le 26 mai 2017 et qu'un commandement aux fins de vente forcée immobilière a été signifié le 19 septembre 2017 ; que s'agissant de la nullité du commandement, il résulte de l'article 673 du code de procédure civile ancien que le commandement comprend la mention du titre exécutoire, la procuration du fondé de pouvoir et l'indication de la nature et de la consistance des immeubles et du tribunal où la saisie est pratiquée ; que les autres mentions ne sont pas applicables en droit local alors qu'il n'y a pas de publication du commandement ; que d'une part, la nullité du commandement ne saurait résulter d'un défaut de mention des intérêts échus, ni de l'absence des dispositions contractuelles prévoyant l'indemnité forfaitaire telle que mise en compte, ni de la contestation du décompte, alors qu'aucun règlement d'échéances n'est invoqué ni démontré et que seule une « avance » résultant du recalcul des intérêts au taux légal a permis le règlement des échéances jusqu'au mois de janvier 2017 ; que d'autre part, la nullité du commandement ne peut être encourue quant aux mentions exigées par l'article 673 dont l'absence n'est pas précisée et qui ne justifie d'aucun grief ; que le seul grief invoqué est celui tiré de l'imprécision de la dette alors que contractuellement, il est prévu que tout terme impayé à son échéance sera converti en euros ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le commandement de payer aux fins de vente forcée délivré le 19 septembre 2017 comporte les mentions essentielles exigées par le droit local applicable, à savoir le titre exécutoire, les montants réclamés en principal, frais et intérêts ainsi que la désignation des biens immobiliers, objets de la vente forcée, avec leur désignation cadastrale ; que qui plus est et en application de l'article 159, alinéa 2 de la loi du 1er juin 1924, les éventuels vices de procédure ne sont sanctionnés par la nullité qu'en cas de grief, lequel n'est en l'espèce ni prouvé ni allégué ; ( ) que la créance de la banque est bel et bien certaine, liquide et exigible ; que la créance est contractuellement convertie en euros, en raison de la déchéance du terme et que les sommes réclamées tiennent compte des modalités de calcul des intérêts au taux légal, tels que définis par le tribunal de grande instance ; 1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent se contenter d'une motivation purement formelle et statuer par voie d'affirmation ; qu'en se contentant d'affirmer, pour juger que la créance de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne était fondée, que les sommes réclamées tenaient compte des modalités de calcul des intérêts au taux légal, et que le trop-perçu des intérêts conventionnels n'avaient permis le règlement des échéances que jusqu'au mois de janvier 2017, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, fût-ce sommairement, les éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se contentant d'affirmer, pour juger que la créance de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne était fondée, que les sommes réclamées tenaient compte des modalités de calcul des intérêts au taux légal, et que le trop-perçu des intérêts conventionnels n'avaient permis le règlement des échéances que jusqu'au mois de janvier 2017, sans même examiner, fût-ce pour l'écarter, le décompte de l'expert-comptable de la SCI du Quai qui était de nature à démontrer le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Selon l'article 672 du code de procédure civile, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire. Selon l'article 673 du même code, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé. Viole ces dispositions la cour d'appel qui statue sans débat au visa de conclusions comportant la mention imprimée selon laquelle elles avaient été notifiées à l'avocat constitué par la partie adverse (arrêt n° 1, pourvoi n° 19-12.752) ou sur lesquelles avait été apposé un tampon de l'ordre des avocats d'un barreau faisant état de leur notification et revêtu de la signature de l'avocat auteur des conclusions (arrêt n° 2, pourvoi n° 19-12.753), sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées dans les formes requises et que la partie adverse avait été mise en mesure d'y répondre
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SOC. MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Rejet M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 493 F-P+B sur second moyen du pourvoi incident Pourvoi n° B 18-23.510 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020 La société Europ Taurion Ambazac, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° B 18-23.510 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. T... V..., domicilié [...], défendeur à la cassation. M. V... a formé, un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Europ Taurion Ambazac, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. V..., après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 17 septembre 2018), M. V... a été engagé, le 18 août 1997, par la société Sani Assistance en qualité d'ambulancier, coefficient 141 de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, son contrat de travail ayant été successivement transféré à la société STS Sani Assistance à compter du 1er octobre 2000, puis à la société Europ Ambulance à compter du 17 juillet 2006 et, enfin, à la société Europ Taurion Ambazac à compter du 18 mars 2008. Il occupait en dernier lieu, les fonctions d'ambulancier, catégorie B, 2ème degré. 2. Par lettre du 18 janvier 2013, il a pris acte de la rupture du contrat de travail et a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre des indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non-respect des durées maximales du travail, des temps de pause et des repos. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de l'employeur et sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié, ci-après annexés : 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen du pourvoi incident du salarié Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter le montant des dommages-intérêts alloués pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de pause à la somme de 1 700 euros, alors « qu'il ne peut être tenu compte d'un système d'équivalence pour vérifier, en matière de temps de travail effectif, le respect des seuils et plafonds fixés par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 1er décembre 2005, Dellas, C-14/04, points 51 et 52) ; qu'en décidant au contraire, pour limiter le montant des dommages et intérêts alloués pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de pause, qu'il convenait de tenir compte du régime de pondération prévu par l'accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire en sa rédaction issue de l'avenant du 16 janvier 2008, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-33, L. 3121-35 et L. 3131-1 du code du travail en leur rédaction applicable litige, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. » Réponse de la Cour 5. La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 1er décembre 2005, C-14/04, points 51 et 52) ne fait pas obstacle à l'application des rapports d'équivalence aux durées maximales de travail fixées par le droit national dès lors que sont respectés les seuils et plafonds communautaires, pour l'appréciation desquels les périodes de travail effectif doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération. 6. Il résulte de l'article 3.1 de l'accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire dans sa rédaction issue de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, repris par le décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire en son article 3, qu'afin de tenir compte des périodes d'inaction, ainsi que des repos, repas et coupures, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants à temps plein est compté sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité prises en compte pour 75 % de leur durée pendant les services de permanence. En dehors des services de permanence, ce taux est fixé à 80 % à la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 83 % un an après la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 86 % deux ans après la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 90 % trois ans après la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008. 7. Aux termes l'article 2 de l'accord-cadre du 4 mai 2000, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 la durée de travail effectif ne peut excéder 48 heures hebdomadaires au cours d'une semaine isolée. La durée maximale hebdomadaire de travail des personnels ambulanciers roulants ne peut excéder 48 heures en moyenne sur un trimestre ou toute autre période plus courte qui pourrait être mise en place dans l'entreprise par accord d'entreprise, au sens de la définition du temps de travail fixée par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Pour vérifier le respect de la limite maximale fixée au paragraphe ci-dessus, le temps de travail s'apprécie conformément aux définitions données par les dispositions communautaires en vigueur. En conséquence, cette limite maximale s'apprécie sans application du régime de pondération prévu au point a) d 3.1 de l'article 3. 8. Enfin, selon l'article 4 du décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009, le recours au régime d'équivalence prévu à l'article 3 ne peut avoir pour effet de porter à plus de quarante-huit heures la durée hebdomadaire moyenne de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, comptée heure pour heure, sur une période quelconque de quatre mois consécutifs. 9. Ayant relevé que la contestation du salarié portait, non pas sur le dépassement du plafond de quarante-huit heures de durée moyenne du travail hebdomadaire calculée sur une période de quatre mois fixé par le droit de l'Union, mais sur le dépassement de la durée de travail de quarante-huit heures sur une semaine fixée par le droit national, la cour d'appel en a exactement déduit que les coefficients de pondération du régime d'équivalence prévu par l'article 3 de l'accord-cadre du 4 mai 2000 devaient s'appliquer pour apprécier le respect de la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures sur une semaine fixée tant par l'article 2 de l'accord-cadre du 4 mai 2000 que par l'article L. 3121-35 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, de sorte qu'au regard de l'évolution des coefficients de pondération sur la période considérée, la durée hebdomadaire maximale de travail effectif avait été respectée sur la période non prescrite avant le 11 janvier 2009, et n'avait été dépassée pour la période postérieure et jusqu'en 2012, qu'à sept reprises. 10. La cour d'appel n'ayant ensuite pas tenu compte de la pondération résultant du régime d'équivalence, pour l'appréciation du respect des temps de pause, le moyen en ce qui les concerne, manque en fait. 11. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Europ Taurion Ambazac aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Europ Taurion Ambazac, demanderesse au pourvoi principal. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la péremption d'instance invoquée par la société Europ Taurion Ambazac ; dit et jugé recevable la réinscription après retrait du rôle de l'instance de M. T... V... ; dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. V... produirait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; annulé la mise à pied du 5 décembre 2012 ; condamné la société Europ Taurion Ambazac à verser à M. V... les sommes de 1 700 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des durées maxima du temps de travail et des durées de pause, 250 € à titre d'indemnité pour les frais d'entretien des tenues de travail, 562,24 € brut au titre des salaires de la mise à pied conservatoire, outre les congés payés y afférents, 3 617,92 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 5 024,68 € à titre d'indemnité de licenciement, 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE "l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version abrogée le 1er août 2016, prévoit qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; QU'il se déduit de l'article 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que l'article R. 1452-8 demeure applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes avant le 1er août 2016 ; QU'en l'espèce, le conseil de prud'hommes a ordonné le retrait de l'affaire du rôle des affaires en cours le 10 février 2014 mais il n'a mis aucune diligence à la charge de l'une ou l'autre des parties ; qu'il s'ensuit que la société Europ Taurion Ambazac n'est pas fondée à invoquer la péremption de l'instance à l'égard de son adversaire dès lors que la juridiction n'avait mis à la charge de ce dernier aucune diligence à effectuer" ; ALORS QUE le défaut de diligence à l'initiative de l'une des parties dans le délai de deux ans à compter du retrait du rôle emporte péremption de l'instance ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que par décision du 10 février 2014, le conseil de prud'hommes de Guéret a ordonné le retrait de l'affaire du rôle des affaires en cours et que celle-ci a été réinscrite le 25 juillet 2016 ; qu'en écartant cependant l'exception de péremption soulevée par la société Europ Taurion Ambazac au motif inopérant que cette décision, opérant un retrait du rôle sur demande conjointe des parties, n'avait mis aucune diligence à leur charge, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par fausse interprétation l'article R. 1452-8 du code du travail et par refus d'application l'article 386 du code de procédure civile.. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Europ Taurion Ambazac à verser à M. V... une somme de 1 700 € à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance des temps de pause légaux ; AUX MOTIFS sur la prescription QUE " M. V... invoque des manquements de son employeur remontant jusqu'à l'année 2007 et celui-ci lui oppose la prescription d'une partie des faits allégués ; QUE le délai de prescription applicable est celui relatif aux actions portant sur l'exécution du contrat de travail ; QUE le délai de prescription qui était initialement de 30 ans a été modifié successivement par les lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 (date d'entrée en vigueur le 19 juin) et n° 2013-504 du 14 juin 2013 (date d'entrée en vigueur le 16 juin), passant de 5 ans (article 2224 du code civil) à deux ans (article L. 1471-1 du code du travail) ; QUE le droit transitoire prévu par ces deux lois prévoit que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; QU'en l'espèce, M. V... a introduit son action le 24 octobre 2013 et il invoque des manquements de son employeur remontant jusqu'à l'année 2007 ; qu'il apparaît dès lors que les manquements invoqués antérieurement au 24 octobre 2008 se trouvent prescrits" ; ET AUX MOTIFS sur le temps de pause légal QUE "l'article L. 3121-33 du code du travail prévoit que, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes et que des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur ; QU'en l'espèce, M. V... prétend avoir travaillé sans bénéficier de la pause légale de 20 minutes du 1er octobre 2007 au 2 mars 2009, du 12 au 15 octobre 2009 ; qu'il prétend également avoir été placé à compter du mois de mai 2011 dans une situation où il ne pouvait pas systématiquement exercer ce droit ; qu'enfin, il soutient ne pas avoir bénéficié de cette pause du 17 avril 2012 au 27 janvier 2013 ; QUE ceci est confirmé par les feuilles de route du salarié et que l'employeur ne conteste pas ce manquement ( ) ; QUE sur le préjudice, hormis le non respect de la pause légale, qui est intervenu de manière récurrente, les autres manquements sont extrêmement ponctuels ; qu'il n'en demeure pas moins que le non respect de ces règles mises en oeuvre pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs a généré un trouble dans la vie du salarié qui a été confronté à une charge de travail importante à l'occasion de ces manquements ; QUE le préjudice subi a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 1 700 € ; que leur décision sera confirmée de ce chef" ; 1°) ALORS QUE le délai de prescription des actions en exécution du contrat de travail a successivement été réduit de trente à cinq ans puis de cinq à deux ans, par les lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2013-504 du 14 juin 2013 ; que selon les articles 26-II de la loi du 17 juin 2008 et 21-V de la loi du 14 juin 2013, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. V... a introduit le 24 octobre 2013 une action en dommages et intérêts consécutive à des manquements de son employeur à ses obligations issues du contrat de travail concernant notamment les temps de pause légaux de sorte que cette action était prescrite pour tous les manquements antérieurs au 24 octobre 2008 ; qu'en accueillant cependant l'action du salarié en indemnisation de manquements commis à compter du 1er octobre 2007 la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1471-1 du code du travail ; 2°) ALORS subsidiairement QUE dans ses conclusions oralement reprises, la société Europ Taurion Ambazac avait expressément soutenu que " M. V... bénéficiait, comme le démontre la société concluante, de temps de pause qui pouvaient être pris hors lieu de travail à l'intérieur de la période d'amplitude rémunérée" ; que "les feuilles de route produites par le salarié mentionnent expressément les temps de repas", et que " M. V... était libre de vaquer à ses occupations personnelles durant les périodes de pause-déjeuner qu'il prenait en dehors de son lieu de travail et qui étaient d'une durée minimale de une heure" ; que l'employeur avait produit les feuilles de route correspondantes pour les années 2009 à 2012 ; qu'en retenant pour indemniser M. V... au titre d'une méconnaissance des temps de pause " que l'employeur ne conteste pas ce manquement", la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, et méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Europ Taurion Ambazac à verser à M. V... une somme de 250 € à titre de dommages et intérêts pour la prise en charge de l'entretien de sa tenue professionnelle ; AUX MOTIFS QUE " L'article 22 bis de l'annexe 1 de Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 prévoit pour le personnel à bord de véhicules sanitaires que les blouses (3 au minimum par salarié) sont fournies et entretenues par l'entreprise qui renouvellera une blouse chaque année ; QU'en l'espèce, il se déduit de la note de service du 4 janvier 2008 que la société Europ Taurion Ambazac a confié l'entretien des tenues de son personnel au pressing du Roussillon jusqu'à ce que cette entreprise fasse l'objet d'une procédure collective et qu'elle a ensuite demandé à ses salariés de continuer à déposer les « tenues sales dans un sac plastique prévu à cet effet dans la salle de bains pour qu'[elles] soient nettoyées avec les couvertures des ambulances » ; QUE la société Europ Taurion Ambazac ne produit aucune facture de nettoyage des tenues de ses salariés à compter de cette date ; qu'elle justifie néanmoins, au moyen de témoignages de salariés, de la mise à disposition d'une machine à laver et d'un sèche-linge ; que la mise à disposition de ces appareils ménagers aboutit en réalité à transférer la charge de l'entretien des tenues qui lui incombe aux salariés avec les moyens fournis par l'entreprise ; QU'il s'ensuit qu'en organisant ainsi l'entretien des tenues de son personnel, la société Europ Taurion Ambazac n'a pas respecté les dispositions de l'article 22 bis précité ; QUE ce manquement de l'employeur qui a perduré pendant cinq ans a nécessairement causé un préjudice à M. V... qui a été justement évalué à 250 euros par les premiers juges dont la décision sera confirmée" ; 1°) ALORS QUE si l'employeur doit assurer l'entretien des vêtements de travail dont le port est obligatoire, il lui appartient d'en définir les modalités dans l'exercice de son pouvoir de direction ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société Europ Taurion Ambazac avait mis, à ses frais, à la disposition des salariés les moyens matériels d'entretenir leurs tenues professionnelles sur le lieu de travail ; qu'en la condamnant cependant à indemniser M. V..., motif pris " que la mise à disposition de ces appareils ménagers aboutit en réalité à transférer la charge de l'entretien des tenues qui lui incombe aux salariés avec les moyens fournis par l'entreprise", la cour d'appel a violé le principe fondamental de la liberté d'entreprendre, ensemble les articles 1135 devenu 1194 du code civil et L. 1221-1 du code du travail, 22 bis de l'accord du 16 juin 1961 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 ; 2°) ALORS QUE l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond ; qu'en condamnant la société Europ Taurion Ambazac à verser à M. V... une somme de 250 € à titre de dommages et intérêts au motif que le "manquement" de l'employeur à son obligation d'entretenir les blouses de son salarié lui avait "nécessairement causé un préjudice" la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail, 22 bis de l'accord du 16 juin 1961 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, ensemble l'article 1231-2 du code civil. Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. V..., demandeur au pourvoi incident. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré prescrits les manquements imputés à la société Europ Taurion Ambazac par M. V... pour la période antérieure au 24 octobre 2008 et d'AVOIR, en conséquence, limité le montant des dommages et intérêts alloués au salarié pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de pause à 1.700 € ; AUX MOTIFS QUE, sur la prescription : M. V... invoque des manquements de son employeur remontant jusqu'à l'année 2007 et celui-ci lui oppose la prescription d'une partie des faits allégués ; que le délai de prescription applicable est celui relatif aux actions portant sur l'exécution du contrat de travail ; que le délai de prescription qui était initialement de 30 ans a été modifié successivement par les lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 (date d'entrée en vigueur le 19 juin) et n° 2013-504 du 14 juin 2013 (date d'entrée en vigueur le 16 juin) passant de 5 ans (article 2224 du code civil) à 2 ans (article L. 1471-1 du code du travail) ; que le droit transitoire prévu par ces deux lois prévoit que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, M. V... a introduit son action le 24 octobre 2013 et il invoque des manquements de son employeur remontant jusqu'à l'année 2007 ; qu'il apparaît dès lors que les manquements invoqués antérieurement au 24 octobre 2008 se trouvent prescrits ; que, sur la durée hebdomadaire maximale de travail : l'article 2 de l'accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire prévoyait dans le 1er alinéa du paragraphe consacré aux limites maximales de travail : « la durée de travail effectif ne peut excéder 48 heures hebdomadaires au cours d'une semaine isolée. La durée hebdomadaire moyenne de temps de travail effectif calculée par trimestre civil ne peut excéder 44 heures, ni en tout état de cause 572 heures au total par trimestre (soit 13 semaines) » ; que l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 a complété ce paragraphe en y ajoutant trois nouveaux alinéas, applicables à compter du 11 janvier 2009, date de publication de l'extension du 21 novembre 2008 ; qu'ainsi, le texte a été complété par les trois alinéas suivants : « dans le transport sanitaire, les règles concernant la durée du travail sont fixées par la directive européenne 2003 / 88 / CE du 4 novembre 2003, le code du travail français et les dispositions du présent accord-cadre ; que la durée maximale hebdomadaire de travail des personnels ambulanciers roulants ne peut excéder 48 heures en moyenne sur un trimestre ou toute autre période plus courte qui pourrait être mise en place dans l'entreprise par accord d'entreprise, au sens de la définition du temps de travail fixée par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ; que pour vérifier le respect de la limite maximale fixée au paragraphe ci-dessus, le temps de travail s'apprécie conformément aux définitions données par les dispositions communautaires en vigueur ; qu'en conséquence, cette limite maximale s'apprécie sans application du régime de pondération prévu au point a) d 3.1 de l'article 3 : « décompte et rémunération du temps de travail des personnels ambulanciers roulants ci-dessous » ; que l'article 3.1 de cet accord, dans sa rédaction issue de l'avenant du 16 janvier 2008 prévoit en son a), relatif au décompte du temps de travail des personnels ambulanciers roulants à temps plein : « afin de tenir compte des périodes d'inaction (notamment au cours des services de permanence), de repos, repas, coupures et de la variation de l'intensité de leur activité, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants est décompté, dans les conditions visées ci-dessous, sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité, prises en compte : 1. Services de permanence : pour 75 % de leurs durées ; 2. En dehors des services de permanence : pour 90 % de leurs durées ; que le coefficient de décompte à 90 % est atteint dans les 3 ans qui suivent l'entrée en application de la première étape prévue par l'accord. À la date d'entrée en application de l'avenant n° 3 À la date du 1er anniversaire de l'entrée en application de l'avenant n°3 À la date du 2ème anniversaire de l'entrée en application de l'avenant n° 3 À la date du 3ème anniversair e de l'entrée en application de l'avenant n° 3 Coefficient de décompte 80 % 83 % 86 % 90 % » ; que les dispositions de l'article 2 de l'accord-cadre instaurent donc une double limite concernant la durée maximale de travail, à savoir une durée maximale moyenne calculée sans faire application des dispositions de l'article 3-1 et une durée maximale hebdomadaire calculée en faisant application des coefficients de décompte prévus par l'article 3-1, l'exclusion du régime de pondération de cet article étant limitée au calcul de la durée maximale moyenne ; que par ailleurs, compte tenu des dispositions transitoires concernant la mise en oeuvre de la modification du coefficient de décompte, le taux de celui-ci était de 75 % jusqu'au 11 janvier 2009 avant d'être porté de 80 % à 90 % comme indiqué ci-dessus ; que la limite maximale du temps de travail effectif de 48 heures correspondait à un cumul hebdomadaire des amplitudes journalières de 64 heures jusqu'au 11 janvier 2009, ce cumul étant ensuite porté en fonction de l'évolution du coefficient de pondération à 60 heures, 57,83 heures, 55,81 heures et enfin 53,33 heures ; qu'en l'espèce, M. V... limite sa contestation au non-respect de la durée maximale hebdomadaire en visant les semaines au cours desquelles il prétend avoir travaillé plus de 48 heures ; qu'il se fonde toutefois sur un décompte hebdomadaire établi sur la base de l'amplitude journalière de son activité sans tenir compte du régime de pondération ; qu'ainsi, contrairement à ses affirmations, le cumul hebdomadaire des amplitudes journalières n'a pas excédé 64 heures sur la période non prescrite avant le 11 janvier 2009 ; qu'au cours de l'année suivante, ce cumul a excédé 60 heures au cours de la semaine 53 de l'année 2009 (72 heures) ; que l'année suivante, il a excédé 57,83 heures à deux reprises (semaine 15 et 41 de l'année 2010 pour respectivement 63,5 heures et 61 heures) ; qu'en 2011, ce cumul a excédé 55, 81 heures à trois reprises (semaine 18, 23 et 50, respectivement pour 59 heures s'agissant des deux premières et 56 heures pour la dernière) ; qu'en 2012, le cumul hebdomadaire des amplitudes journalières a excédé 53,3 heures seulement lors de la semaine 6 (64 heures) ; qu'il apparaît ainsi que la durée hebdomadaire maximale de travail effectif n'a pas été respectée à 7 reprises ; que, sur le temps de pause légal : l'article L. 3121-33 du code du travail prévoit que dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes et que des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur ; qu'en l'espèce, M. V... prétend avoir travaillé sans bénéficier de la pause légale de 20 minutes du 1er octobre 2007 au 2 mars 2009, du 12 au 15 octobre 2009 ; qu'il prétend également avoir été placé à compter du mois de mai 2011 dans une situation où il ne pouvait pas systématiquement exercer ce droit ; qu'enfin, il soutient ne pas avoir bénéficié de cette pause du 17 avril 2012 au 27 janvier 2013 ; que ceci est confirmé par les feuilles de route du salarié et l'employeur ne conteste pas ce manquement ; que, sur le repos quotidien de 11 heures consécutives : selon l'article L. 3131-1 du code du travail, dans sa version en vigueur au cours de la période litigieuse, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ; qu'en l'espèce, M. V... n'a pas bénéficié de ce repos quotidien à 9 reprises, soit du 14 au 15 juillet 2009, du 7 au 8 avril 2010, du 27 au 28 mai 2010, du 7 au 8 juin 2010, du 13 au 14 novembre 2010, du 5 au 6 décembre 2010, du 24 au 25 juin 2011, du 26 au 27 octobre 2011 et du 3 au 4 avril 2012 ; que la société Europ Taurion Ambazac ne conteste pas l'inobservation de ce texte ; que, sur l'indemnisation du préjudice : hormis le non-respect de la pause légale qui est intervenue de manière récurrente, les autres manquements sont extrêmement ponctuels ; qu'il n'en demeure pas moins que le non-respect de ces règles mises en oeuvre pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs, a généré un trouble dans la vie du salarié qui a été confronté à une charge de travail importante à l'occasion de ces manquements ; que le préjudice subi a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 1.700 € ; que leur décision sera confirmée de ce chef ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur les dommages et intérêts pour préjudice subi pour non-application des articles L. 3121-35 (amplitude maximum de travail) et L. 3121-33 du code du travail (temps de pause) : M. V... a saisi le conseil le 24 octobre 2013 ; que l'article L. 3245-1 stipule : « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat de travail ; qu'il y a lieu de constater que la prescription s'applique à toutes les demandes avant le 24 octobre 2010 ; que l'article L. 3121-35 du code du travail stipule que : « au cours d'une même semaine la durée du travail ne peut pas dépasser 48 heures » ; que l'article 6 de la directive 93/104 CE du conseil de l'union européenne, prévoit dans son paragraphe régissant la durée maximum hebdomadaire de travail que : « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : 1) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions ou d'accords conclus entre partenaires sociaux. 2) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas 48 heures, y compris les heures supplémentaires » ; qu'en l'espèce, la SARL Europe Taurion Ambazac n'a pas respecté ces dispositions au préjudice de M. V..., la preuve en est administrée par les feuilles de route hebdomadaires que le salarié remplissait et émargeait, lesquelles sont censées servir à comptabiliser le temps de travail du salarié et font apparaître de manière régulière un dépassement de la durée maximum de travail de 48 heures ; que pour l'année 2011, l'amplitude maximum a été dépassée au cours de 9 semaines, et pour 5 semaines pour l'année 2012 ; qu'en conséquence, la SARL Europe Taurion Ambazac a contrevenu à l'article L. 3121-35 du code du travail ; que l'article L. 3121-33 du code du travail stipule : « dès que le temps de travail atteint 6 heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause minimale de 20 minutes » ; qu'en l'espèce, M. V..., au vu des pièces fournies, n'a pu bénéficier de ce temps de pause réglementaire (une à quatre fois par semaine pour l'année 2011) ; qu'en conséquence, la société Europe Taurion Ambazac n'a pas respecté l'article L. 3121-33 du code du travail ; que le préjudice subi pour les non-respects de la durée hebdomadaire et du temps de pause légal consiste en un trouble dans la vie personnelle qui doit être réparé par l'allocation d'une somme de 1.700 € à titre de dommages et intérêts ; 1°) ALORS QUE le cours de la prescription est interrompu par la saisine de la formation de référé du conseil de prud'hommes, même si certaines demandes sont ensuite présentées au cours de l'instance au fond ; qu'en l'espèce, M. V... rappelait (cf. conclusions d'appel pages 18 § 9 à page 19 § 4) qu'il avait saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes en versement d'une provision au titre du défaut d'entretien des tenues de travail ; qu'il versait aux débats l'arrêt rendu par la cour d'appel de Limoges le 28 janvier 2013, confirmant l'ordonnance de référé rendue le 23 août 2012 par la formation des référés du conseil de prud'hommes de Limoges ayant alloué au salarié la somme de 150 € à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur le remboursement des frais d'entretien de sa tenue pour la période de juin 2007 à septembre 2010 (cf. productions) ; qu'en retenant que, « M. V... a[yant] introduit son action le 24 octobre 2013 », « les manquements invoqués antérieurement au 24 octobre 2008 se trouvent prescrits », quand le cours de la prescription avait été interrompu par la saisine de la formation des référés du conseil de prud'hommes de Limoges, soit à une date antérieure au 23 août 2012, en sorte que ses demandes étaient recevables en vertu de la prescription trentenaire initialement applicable aux demandes de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales du travail et des temps de pause, puis de la prescription quinquennale s'y substituant à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, pour la période courant, à tout le moins, à compter du 23 août 1982, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, ensemble les articles 2222 et 2224 du code civil en leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 2262 du code civil en sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; 2°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en cas de renvoi de l'affaire à un conseil de prud'hommes autre que celui territorialement compétent pour cause de suspicion légitime de partialité, l'acte de saisine interrompant le cours de la prescription est celui adressé à la juridiction prud'homale primitivement saisie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « le conseil de prud'hommes de Guéret avait été saisi le 29 [lire « 24 »] octobre 2013 de l'action mise en oeuvre par M. V... sur renvoi du conseil de prud'hommes de Limoges pour cause de suspicion légitime » ; que l'employeur versait lui-même aux débats la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Limoges, primitivement saisi, mentionnant la saisine de la juridiction en date du 21 mai 2013 (cf. productions) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le cours de la prescription des demandes du salarié avait, à tout le moins, été interrompu par la saisine du conseil de prud'hommes de Limoges ayant renvoyé l'affaire au conseil de prud'hommes de Guéret pour cause de suspicion légitime de partialité de la première juridiction, en sorte que ses demandes étaient recevables en vertu de la prescription trentenaire initialement applicable aux demandes de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales du travail et des temps de pause, puis de la prescription quinquennale s'y substituant à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, pour la période courant à compter du 21 mai 1983, la cour d'appel a violé les articles 2222 et 2224 du code civil en leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 2262 du code civil en sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR limité le montant des dommages et intérêts alloués au salarié pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de pause à 1.700 € ; AUX MOTIFS PORPRES QUE, sur la prescription : M. V... invoque des manquements de son employeur remontant jusqu'à l'année 2007 et celui-ci lui oppose la prescription d'une partie des faits allégués ; que le délai de prescription applicable est celui relatif aux actions portant sur l'exécution du contrat de travail ; que le délai de prescription qui était initialement de 30 ans a été modifié successivement par les lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 (date d'entrée en vigueur le 19 juin) et n° 2013-504 du 14 juin 2013 (date d'entrée en vigueur le 16 juin) passant de 5 ans (article 2224 du code civil) à 2 ans (article L. 1471-1 du code du travail) ; que le droit transitoire prévu par ces deux lois prévoit que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, M. V... a introduit son action le 24 octobre 2013 et il invoque des manquements de son employeur remontant jusqu'à l'année 2007 ; qu'il apparaît dès lors que les manquements invoqués antérieurement au 24 octobre 2008 se trouvent prescrits ; que, sur la durée hebdomadaire maximale de travail : l'article 2 de l'accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire prévoyait dans le 1er alinéa du paragraphe consacré aux limites maximales de travail : « la durée de travail effectif ne peut excéder 48 heures hebdomadaires au cours d'une semaine isolée. La durée hebdomadaire moyenne de temps de travail effectif calculée par trimestre civil ne peut excéder 44 heures, ni en tout état de cause 572 heures au total par trimestre (soit 13 semaines) » ; que l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 a complété ce paragraphe en y ajoutant trois nouveaux alinéas, applicables à compter du 11 janvier 2009, date de publication de l'extension du 21 novembre 2008 ; qu'ainsi, le texte a été complété par les trois alinéas suivants : « dans le transport sanitaire, les règles concernant la durée du travail sont fixées par la directive européenne 2003 / 88 / CE du 4 novembre 2003, le code du travail français et les dispositions du présent accord-cadre ; que la durée maximale hebdomadaire de travail des personnels ambulanciers roulants ne peut excéder 48 heures en moyenne sur un trimestre ou toute autre période plus courte qui pourrait être mise en place dans l'entreprise par accord d'entreprise, au sens de la définition du temps de travail fixée par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ; que pour vérifier le respect de la limite maximale fixée au paragraphe ci-dessus, le temps de travail s'apprécie conformément aux définitions données par les dispositions communautaires en vigueur ; qu'en conséquence, cette limite maximale s'apprécie sans application du régime de pondération prévu au point a) d 3.1 de l'article 3 : « décompte et rémunération du temps de travail des personnels ambulanciers roulants ci-dessous » ; que l'article 3.1 de cet accord, dans sa rédaction issue de l'avenant du 16 janvier 2008 prévoit en son a), relatif au décompte du temps de travail des personnels ambulanciers roulants à temps plein : « afin de tenir compte des périodes d'inaction (notamment au cours des services de permanence), de repos, repas, coupures et de la variation de l'intensité de leur activité, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants est décompté, dans les conditions visées ci-dessous, sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité, prises en compte : 1. Services de permanence : pour 75 % de leurs durées ; 2. En dehors des services de permanence : pour 90 % de leurs durées ; que le coefficient de décompte à 90 % est atteint dans les 3 ans qui suivent l'entrée en application de la première étape prévue par l'accord. À la date d'entrée en application de l'avenant n° 3 À la date du 1er anniversaire de l'entrée en application de l'avenant n°3 À la date du 2ème anniversaire de l'entrée en application de l'avenant n° 3 À la date du 3ème anniversair e de l'entrée en application de l'avenant n° 3 Coefficient de décompte 80 % 83 % 86 % 90 % » ; que les dispositions de l'article 2 de l'accord-cadre instaurent donc une double limite concernant la durée maximale de travail, à savoir une durée maximale moyenne calculée sans faire application des dispositions de l'article 3-1 et une durée maximale hebdomadaire calculée en faisant application des coefficients de décompte prévus par l'article 3-1, l'exclusion du régime de pondération de cet article étant limitée au calcul de la durée maximale moyenne ; que par ailleurs, compte tenu des dispositions transitoires concernant la mise en oeuvre de la modification du coefficient de décompte, le taux de celui-ci était de 75 % jusqu'au 11 janvier 2009 avant d'être porté de 80 % à 90 % comme indiqué ci-dessus ; que la limite maximale du temps de travail effectif de 48 heures correspondait à un cumul hebdomadaire des amplitudes journalières de 64 heures jusqu'au 11 janvier 2009, ce cumul étant ensuite porté en fonction de l'évolution du coefficient de pondération à 60 heures, 57,83 heures, 55,81 heures et enfin 53,33 heures ; qu'en l'espèce, M. V... limite sa contestation au non-respect de la durée maximale hebdomadaire en visant les semaines au cours desquelles il prétend avoir travaillé plus de 48 heures ; qu'il se fonde toutefois sur un décompte hebdomadaire établi sur la base de l'amplitude journalière de son activité sans tenir compte du régime de pondération ; qu'ainsi, contrairement à ses affirmations, le cumul hebdomadaire des amplitudes journalières n'a pas excédé 64 heures sur la période non prescrite avant le 11 janvier 2009 ; qu'au cours de l'année suivante, ce cumul a excédé 60 heures au cours de la semaine 53 de l'année 2009 (72 heures) ; que l'année suivante, il a excédé 57,83 heures à deux reprises (semaine 15 et 41 de l'année 2010 pour respectivement 63,5 heures et 61 heures) ; qu'en 2011, ce cumul a excédé 55, 81 heures à trois reprises (semaine 18, 23 et 50, respectivement pour 59 heures s'agissant des deux premières et 56 heures pour la dernière) ; qu'en 2012, le cumul hebdomadaire des amplitudes journalières a excédé 53,3 heures seulement lors de la semaine 6 (64 heures) ; qu'il apparaît ainsi que la durée hebdomadaire maximale de travail effectif n'a pas été respectée à 7 reprises ; que, sur le temps de pause légal : l'article L. 3121-33 du code du travail prévoit que dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes et que des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur ; qu'en l'espèce, M. V... prétend avoir travaillé sans bénéficier de la pause légale de 20 minutes du 1er octobre 2007 au 2 mars 2009, du 12 au 15 octobre 2009 ; qu'il prétend également avoir été placé à compter du mois de mai 2011 dans une situation où il ne pouvait pas systématiquement exercer ce droit ; qu'enfin, il soutient ne pas avoir bénéficié de cette pause du 17 avril 2012 au 27 janvier 2013 ; que ceci est confirmé par les feuilles de route du salarié et l'employeur ne conteste pas ce manquement ; que, sur le repos quotidien de 11 heures consécutives : selon l'article L. 3131-1 du code du travail, dans sa version en vigueur au cours de la période litigieuse, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ; qu'en l'espèce, M. V... n'a pas bénéficié de ce repos quotidien à 9 reprises, soit du 14 au 15 juillet 2009, du 7 au 8 avril 2010, du 27 au 28 mai 2010, du 7 au 8 juin 2010, du 13 au 14 novembre 2010, du 5 au 6 décembre 2010, du 24 au 25 juin 2011, du 26 au 27 octobre 2011 et du 3 au 4 avril 2012 ; que la société Europ Taurion Ambazac ne conteste pas l'inobservation de ce texte ; que, sur l'indemnisation du préjudice : hormis le non-respect de la pause légale qui est intervenue de manière récurrente, les autres manquements sont extrêmement ponctuels ; qu'il n'en demeure pas moins que le non-respect de ces règles mises en oeuvre pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs, a généré un trouble dans la vie du salarié qui a été confronté à une charge de travail importante à l'occasion de ces manquements ; que le préjudice subi a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 1.700 € ; que leur décision sera confirmée de ce chef ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur les dommages et intérêts pour préjudice subi pour non-application des articles L. 3121-35 (amplitude maximum de travail) et L. 3121-33 du code du travail (temps de pause) : M. V... a saisi le conseil le 24 octobre 2013 ; que l'article L. 3245-1 stipule : « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat de travail ; qu'il y a lieu de constater que la prescription s'applique à toutes les demandes avant le 24 octobre 2010 ; que l'article L. 3121-35 du code du travail stipule que : « au cours d'une même semaine la durée du travail ne peut pas dépasser 48 heures » ; que l'article 6 de la directive 93/104 CE du conseil de l'union européenne, prévoit dans son paragraphe régissant la durée maximum hebdomadaire de travail que : « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : 1) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions ou d'accords conclus entre partenaires sociaux. 2) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas 48 heures, y compris les heures supplémentaires » ; qu'en l'espèce, la SARL Europe Taurion Ambazac n'a pas respecté ces dispositions au préjudice de M. V..., la preuve en est administrée par les feuilles de route hebdomadaires que le salarié remplissait et émargeait, lesquelles sont censées servir à comptabiliser le temps de travail du salarié et font apparaître de manière régulière un dépassement de la durée maximum de travail de 48 heures ; que pour l'année 2011, l'amplitude maximum a été dépassée au cours de 9 semaines, et pour 5 semaines pour l'année 2012 ; qu'en conséquence, la SARL Europe Taurion Ambazac a contrevenu à l'article L. 3121-35 du code du travail ; que l'article L. 3121-33 du code du travail stipule : « dès que le temps de travail atteint 6 heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause minimale de 20 minutes » ; qu'en l'espèce, M. V..., au vu des pièces fournies, n'a pu bénéficier de ce temps de pause réglementaire (une à quatre fois par semaine pour l'année 2011) ; qu'en conséquence, la société Europe Taurion Ambazac n'a pas respecté l'article L. 3121-33 du code du travail ; que le préjudice subi pour les non-respects de la durée hebdomadaire et du temps de pause légal consiste en un trouble dans la vie personnelle qui doit être réparé par l'allocation d'une somme de 1.700 € à titre de dommages et intérêts ; ALORS QU'il ne peut être tenu compte d'un système d'équivalence pour vérifier, en matière de temps de travail effectif, le respect des seuils et plafonds fixés par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 1er décembre 2005, Dellas, C-14/04, points 51 et 52) ; qu'en décidant au contraire, pour limiter le montant des dommages et intérêts alloués à M. V... pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de pause à 1.700 €, qu'il convenait de tenir compte du régime de pondération prévu par l'accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire en sa rédaction issue de l'avenant du 16 janvier 2008, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-33, L. 3121-35 et L. 3131-1 du code du travail en leur rédaction applicable litige, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.
La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 1er décembre 2005, C-14/04, points 51 et 52) ne fait pas obstacle à l'application des rapports d'équivalence aux durées maximales de travail fixées par le droit national dès lors que sont respectés les seuils et plafonds communautaires, pour l'appréciation desquels les périodes de travail effectif doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération. Doit en conséquence être approuvé, l'arrêt qui après avoir relevé que la contestation du salarié portait, non pas sur le dépassement du plafond de quarante-huit heures de durée moyenne du travail hebdomadaire calculée sur une période de quatre mois fixé par le droit de l'Union, mais sur le dépassement de la durée maximale de travail de quarante-huit heures sur une semaine fixée par le droit national, a fait application des coefficients de pondération du régime d'équivalence prévu par l'article 3.1 de l'accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire dans sa rédaction issue de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 et repris, en son article 3, par le décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009, pour apprécier le respect de la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures fixée tant par l'article 2 de l'accord-cadre du 4 mai 2000 que par l'article L. 3121-35 du code du travail dans sa rédaction alors applicable
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 747 FS-P Pourvoi n° N 18-20.691 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 M. Q... E...-Z..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° N 18-20.691 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme J... I..., domiciliée [...] (États-Unis), 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. E...-Z..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme I..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 avril 2018), M. E...-Z..., de nationalité française, et Mme I..., de nationalité russe et américaine, se sont mariés à Paris le 28 mai 1991 sous le régime de la séparation de biens, suivant contrat de mariage reçu par notaire le 21 mai. Ils se sont installés aux Etats-Unis où sont nés leurs deux enfants. 2. Mme I... a, le 8 novembre 2001, saisi la Supreme Court de l'Etat de New York d'une requête en divorce. Par « Decision and Order » du 28 juin 2002, le juge Lobis a rejeté la demande de M. E...-Z... tendant à voir dire le contrat de mariage français valide et exécutoire et écarté l'application de ce contrat. Le juge Goodman a ensuite rendu une « Trial Decision » le 3 octobre 2003, puis un « Judgement of Divorce » le 9 janvier 2004, lequel a prononcé le divorce aux torts du mari, confié la garde des enfants mineurs à la mère, avec un droit de visite et d'hébergement au profit du père, en précisant que la mère devrait consulter le père sur toutes les décisions significatives concernant les enfants mais qu'elle aurait le pouvoir de décision finale, fixé les modalités de contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants, alloué à l'épouse une pension alimentaire mensuelle pendant sept ans et statué sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. Sur ce dernier point, le jugement a été partiellement réformé par une décision de la cour d'appel de l'Etat de New York du 3 mai 2005, qui a notamment dit que l'intégralité du solde du produit de la vente de l'appartement new-yorkais devait revenir à M. E...-Z.... 3. Par acte du 9 février 2005, Mme I... a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'exequatur des décisions américaines des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 en leurs seules dispositions relatives aux pensions alimentaires. A titre reconventionnel, M. E...-Z... a demandé que soit déclaré inopposable en France le jugement du 28 juin 2002. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. E...-Z... fait grief à l'arrêt de déclarer opposable la décision du juge Lobis du 28 juin 2002 et, en conséquence, celles du juge Goodman relatives à la liquidation des intérêts patrimoniaux, alors : « 1°/ qu'un jugement étranger ne peut être déclaré exécutoire en France s'il n'est pas conforme à l'ordre public international français ; qu'il en est ainsi si la procédure suivie à l'étranger viole les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales, notamment l'exigence d'impartialité du juge ; qu'au cas d'espèce, il était soutenu que le défaut d'impartialité du juge Goodman caractérisait une violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et partant une violation de l'ordre public international justifiant le refus d'exequatur des décisions que ce dernier avait rendues ; qu'en jugeant ce moyen inopérant, motifs pris que les jugements dont l'exequatur était demandé ayant été frappés d'appel - et (pour l'essentiel) confirmés - il s'en déduisait que d'autres magistrats que le juge Goodman, dont la partialité était alléguée, avaient eu à connaître du litige, après avoir pourtant relevé que ce sont les décisions rendues par ce dernier qui étaient présentées à l'exequatur et sans constater l'impartialité du juge Goodman, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes qui régissent le droit international privé ; 2°/ qu'un jugement étranger ne peut être déclaré exécutoire en France s'il n'est pas conforme à l'ordre public international français ; qu'il en est ainsi si la procédure suivie à l'étranger viole les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales, notamment l'exigence d'impartialité du juge ; qu'au cas d'espèce, il était soutenu que le défaut d'impartialité du juge Goodman caractérisait une violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et partant une violation de l'ordre public international justifiant le refus d'exequatur des décisions que ce dernier avait rendues ; qu'en jugeant ce moyen inopérant, motifs pris que les jugements dont l'exequatur était demandé ayant été frappés d'appel - et (pour l'essentiel) confirmés - il s'en déduisait que d'autres magistrats que le juge Goodman, dont la partialité était alléguée, avaient eu à connaître du litige, tout en accordant l'exequatur en France à des décisions dont elle a elle-même relevé qu'elles avaient été partiellement infirmées aux États-Unis, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui régissent le droit international privé ; 3°/ qu'un jugement étranger ne peut être déclaré exécutoire en France s'il n'est pas conforme à l'ordre public international français ; qu'il en est ainsi si la procédure suivie à l'étranger viole les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment l'exigence d'impartialité du juge ; que M. Q... E... soutenait, pièces à l'appui, que le défaut d'impartialité du juge Goodman tenait à l'attitude du juge lors de l'audition du 6 mars, au refus d'audition de ses témoins, au refus de production de ses pièces, au refus de ses offres de preuve et, enfin, au refus que le contrat de mariage soit versé aux débats ; qu'en se contentant de juger que les jugements dont l'exequatur était demandé avaient été frappés d'appel et pour l'essentiel confirmés, sans rechercher s'il n'existait pas un défaut d'impartialité du juge Goodman, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes qui régissent le droit international privé. » Réponse de la Cour 6. En application de l'article 509 du code de procédure civile, pour accorder l'exequatur, hors toute convention internationale, le juge français doit vérifier la régularité internationale de la décision étrangère en s'assurant que celle-ci remplit les conditions de compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au for saisi, de conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et d'absence de fraude. 7. Aux termes de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. 8. L'arrêt constate, d'abord, par motifs propres et adoptés, qu'après que le juge Lobis eut rejeté la demande de M. E...-Z... tendant à l'application du contrat de mariage français, le juge Goodman a prononcé le divorce des époux et statué sur ses conséquences en ce qui concerne tant la liquidation des intérêts patrimoniaux de ceux-ci que leurs enfants communs. Il relève, ensuite, que la décision du juge Goodman a été frappée d'appel et confirmée en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à la distribution du solde du produit de la vente de l'appartement de New York. Il ajoute que l'allégation de M. E...-Z... selon laquelle l'appel n'emporterait pas purge des vices affectant la procédure, en l'absence d'effet dévolutif, n'est pas justifiée et se trouve contredite par l'infirmation partielle de la décision déférée et le rejet de la prétention de l'épouse au titre de sa participation à l'aménagement et à la décoration du logement familial. Il retient, encore, que les décisions du juge Goodman, accusé de partialité, relatives à la répartition des biens entre les époux ainsi qu'aux pensions alimentaires dues à l'épouse et pour l'entretien et l'éducation des enfants sont fondées, non sur des considérations générales tenant au sexe des parties ou à leur nationalité, mais sur des critères propres à l'affaire tenant en particulier au train de vie de la famille pendant le mariage, aux choix professionnels faits en commun, aux perspectives de chacun des époux dans ce domaine, aux situations financières des parties et aux besoins des enfants. Il relève, enfin, que les observations formulées par le juge Goodman à l'égard du mari et de son père quant à leur défaut de crédibilité ne peuvent caractériser un défaut d'impartialité, alors que ces critiques se limitaient à certaines de leurs affirmations, notamment celles tenant à la propriété de l'appartement de New York, jugées contradictoires avec d'autres éléments tirés du dossier. 9. De ces constatations et énonciations, faisant ressortir, d'une part, que l'appréciation portée par le juge Goodman sur les affirmations de M. E...-Z... ne révélait aucun parti pris hostile, d'autre part, que les mesures prises étaient fondées sur des éléments objectifs tirés de la situation personnelle des parties, enfin, que l'exercice par M. E...-Z... des voies de recours ouvertes contre ces décisions lui avait permis de faire entendre sa cause devant une autre juridiction dont l'impartialité n'était pas discutée, ce qui était de nature à exclure toute atteinte à ses droits, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche rendue inopérante, a exactement déduit l'absence de violation de l'ordre public international de procédure. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 11. M. E...-Z... fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'un jugement étranger qui écarte, sans aucune raison, un acte authentique français, reçu par un officier public français au nom de la République française est nécessairement contraire à l'ordre public international français, dès lors que la position de l'ordre juridique français, concrétisée dans l'acte authentique, a été une base de prévision pour les parties, prévisions parfaitement légitimes puisque l'acte authentique est valable en France ; qu'en déclarant opposable en France le jugement américain du 28 juin 2002, qui avait écarté péremptoirement un acte authentique français au motif que « sans la constatation en bonne et due forme requise, qui manque dans le cas de la convention conclue entre les parties, le contrat de mariage était nécessairement invalide », et partant qui violait l'ordre public international français, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui gouvernent le droit international privé ; 2°/ qu'à supposer même que le contrat de mariage de séparation de biens par acte authentique français, reçu par un officier public français au nom de la République française, puisse être écarté sans raison par un jugement étranger, ce dernier doit au minimum en tenir compte comme un simple élément d'appréciation de la distribution « équitable » opéré par lui au moment de liquider le régime matrimonial des époux ; qu'en déclarant opposable en France le jugement américain du 28 juin 2002, qui a écarté le contrat de mariage conclu devant un officier public français en date du 21 mai 1991 par lequel les époux ont expressément adopté le régime de la séparation de biens, sans même en tenir compte comme un simple élément d'appréciation de la distribution « équitable » opéré par lui, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui gouvernent le droit international privé ; 3°/ que la liberté pour les époux de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial, et partant leur régime matrimonial, est une composante de l'ordre public international français en garantissant la sécurité juridique et le respect des légitimes prévisions des époux ; qu'en l'espèce, au lieu de liquider les intérêts patrimoniaux des époux conformément au droit français de la séparation de biens choisi par les époux, les juges américains ont refusé purement et simplement de prendre en considération le contrat de mariage et la volonté commune des époux ainsi exprimée et ont liquidé leurs intérêts pécuniaires selon les dispositions de la loi de l'État de New York ; qu'en déclarant opposable en France le jugement américain en date du 28 juin 2002 et les décisions subséquentes des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 relatives à la liquidation des droits, alors que ces décisions américaines violent le principe de libre choix par les époux de leur régime matrimonial, composante de l'ordre public international français, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui gouvernent le droit international privé. » Réponse de la Cour 12. Une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d'espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels. 13. L'arrêt relève, d'abord, que, hormis le fait que le contrat de mariage des époux, lequel n'est pas assimilable à un jugement, a été reçu en France préalablement à leur union qui y a été célébrée et que le mari est de nationalité française, le litige se rattache pour l'essentiel aux Etats-Unis où les époux se sont aussitôt établis et n'ont cessé de résider, où sont nés leurs enfants, où le mari a obtenu des diplômes et développé diverses activités professionnelles et où se situaient les actifs immobiliers du couple au jour de la demande en divorce. Il retient, ensuite, que, pour répartir les biens communs à proportion de 75 % à l'épouse et 25 % au mari, le juge américain qui a procédé à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, selon le principe de « la distribution équitable » conformément au régime matrimonial en vigueur de l'Etat de New York, a tenu compte des revenus et charges des parties, des conséquences des choix communs faits pendant le mariage, ainsi que des éléments constants du train de vie des époux. Il ajoute, enfin, qu'au soutien de l'affirmation du caractère prétendument confiscatoire de la distribution réalisée, M. E...-Z... n'a communiqué aucun élément permettant d'apprécier le caractère disproportionné de l'effet des décisions rendues par rapport à la réalité de sa situation financière et patrimoniale. 14. En l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que le litige se rattachait pour l'essentiel aux Etats-Unis et que la décision étrangère, en appliquant la loi du for pour la liquidation des droits patrimoniaux des époux, n'avait pas consacré concrètement une situation incompatible avec les principes essentiels du droit français, la cour d'appel en a déduit à bon droit, écartant toute inconciliabilité, que ni le principe de la liberté des conventions matrimoniales, d'ordre public en droit interne, ni les objectifs de sécurité juridique et de prévisibilité invoqués, ne pouvaient faire obstacle à la reconnaissance en France des décisions américaines. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 16. M. E...-Z... fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale relève de l'ordre public international français, de sorte qu'un jugement de divorce étranger qui met à néant l'exercice conjoint de l'autorité parentale en donnant à une mère le droit de prendre seule toutes les décisions concernant les enfants, sans autre justification que les mauvaises relations mutuelles entre les parents, porte atteinte au principe essentiel du droit français fondé sur l'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale ; qu'en déclarant opposables en France les dispositions des jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004, après avoir constaté que s'agissant des modalités d'exercice de l'autorité parentale, ces jugements prévoyaient que la décision finale appartiendra à la mère, ce qui n'est pas autre chose que constater que, de jure et de facto, en cas de désaccord, le père se trouve privé de toute autorité parentale, sans autre justification que les mauvaises relations mutuelles entre les parents, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui régissent le droit international privé ; 2°/ que le principe de non-révision des jugements étrangers n'interdit pas le contrôle de l'ordre public international ; qu'il était soutenu, devant la cour, que les jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 violaient l'ordre public international puisqu'ils violaient le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale ; qu'en écartant ce moyen motif pris qu'il n'appartenait pas au juge de l'exequatur de réviser la décision étrangère ni d'en apprécier le bien-fondé, et en refusant ainsi de rechercher si la circonstance que s'agissant des modalités d'exercice de l'autorité parentale, les jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 prévoyaient que la décision finale appartiendra à la mère, sans autre justification que les mauvaises relations mutuelles entre les parents, ne violaient pas le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale, la cour d'appel a refusé d'exercer le contrôle de conformité du jugement étranger à l'ordre public international et, partant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile et des principes qui régissent le droit international privé. » Réponse de la Cour 17. Si le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale relève de l'ordre public international français, la circonstance qu'une décision étrangère réserve à l'un des parents le soin de prendre seul certaines décisions relatives aux enfants, ne peut constituer un motif de non-reconnaissance qu'autant qu'elle heurte de manière concrète les principes essentiels du droit français. 18. L'arrêt relève, d'abord, que la décision américaine qui organise le droit de visite et d'hébergement du père, en tenant compte de l'éloignement géographique de celui-ci et conformément à l'accord des parties, lui ménage des rencontres régulières avec ses enfants pendant l'année scolaire et les vacances. Il retient, ensuite, s'agissant des modalités d'exercice de l'autorité parentale, que les jugements américains qui, s'appuyant sur les recommandations d'un expert psychiatre, réservent à la mère la décision finale, en cas de désaccord, soulignent, d'une part, les mauvaises relations entre les parents qui ne sont pas parvenus pendant la procédure de divorce à discuter sur les questions d'éducation, d'autre part, l'intérêt pour les enfants d'éviter des conflits constants concernant leur vie. Il ajoute, enfin, que ces jugements rappellent le devoir de consulter le père, de prendre ses préférences et préoccupations et d'essayer de l'inclure dans les événements significatifs de la vie des enfants. 19. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les mesures relatives aux enfants avaient été arrêtées par référence à leur intérêt supérieur et que les droits du père n'étaient pas méconnus, celui-ci devant, dans tous les cas, être consulté avant toute décision, a exactement retenu que les décisions américaines, en l'absence de violation de l'ordre public international, devaient être reconnues dans l'ordre juridique français. 20. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Q... E...-Z... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. E...-Z... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives au jugement du 28 juin 2002 du juge Lobis, et, statuant à nouveau de ce chef, d'avoir déclaré opposable en France la décision américaine du juge Lobis en date du 28 juin 2002 et, en conséquence, dit également opposables en France les dispositions des décisions américaines du juge Goodman relatives à la liquidation des droits patrimoniaux des parties ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la conformité des décisions litigieuses à l'ordre public international : sur l'ordre public de procédure. Que saisi par Monsieur Q... E...-Z... d'une demande tendant à voir dire le contrat de mariage français valide et applicable, le juge américain a tout d'abord recherché la loi applicable à la conclusion, l'interprétation et la validité des contrats en retenant que, si les tribunaux avaient traditionnellement recours au droit du lieu de conclusion du contrat, une conception plus moderne avait cours dans l'Etat de New York faisant référence au droit du lieu où se situent les contacts les plus importants et qui est le plus intéressé à l'issue du litige ; que le juge américain a ensuite caractérisé l'abondance des liens de l'affaire avec l'Etat de New York avant d'en conclure que celui-ci avait beaucoup plus intérêt que la France à faire usage de son propre droit pour déterminer la validité et l'applicabilité d'un contrat de mariage entre ses résidents ; qu'il a ensuite énoncé qu'en vertu de la loi sur les relations domestiques § 236 (B) (3) selon laquelle "une convention entre les parties conclue antérieurement au mariage ou pendant la durée de celui-ci est valide et applicable dans le cadre d'une action matrimoniale si ladite convention est écrite, signée par les parties et constatée ou prouvée de la manière requise pour permettre l'enregistrement d'un acte" et que " sans la constatation en bonne et due forme requise, qui manque dans le cas de la convention conclue entre les parties, le Contrat de mariage était nécessairement invalide " ;Que c'est donc à tort que Monsieur Q... E...-Z... soutient que la décision américaine du 28 juin 2002 est dépourvue de motivation ;Que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont déclaré inopérant le moyen invoqué par Monsieur Q... E...-Z... tiré d'une violation de l'ordre public international de procédure en se prévalant de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme qui garantit le droit à un procès équitable comprenant le droit d'être jugé par un tribunal impartial ; qu'ils ont à cet égard justement retenu que les jugements dont l'exequatur était demandé ayant été frappés d'appel - et (pour l'essentiel) confirmés - il s'en déduisait que d'autres magistrats que le juge Goodman, dont la partialité est alléguée, avaient eu à connaître du litige ; Que la critique formulée par Monsieur Q... E...-Z... selon laquelle l'appel aux Etats-Unis n'a pu "purger" la procédure américaine des vices allégués dès lors qu'un tel recours n'opère aucun effet dévolutif et n'entraîne donc aucun réexamen des éléments de fait, n'est justifiée par aucune pièce ; qu'une telle analyse est par ailleurs contredite par le fait que, conformément aux indications données par Monsieur Q... E...-Z..., la cour d'appel de l'Etat de New York a infirmé partiellement le jugement de divorce en ce qu'il avait valorisé l'assistance de l'épouse à l'aménagement et à la décoration de l'appartement de New York et a supprimé en conséquence l'octroi au profit de celle-ci de la somme de 356.250 dollars US ; Qu'au surplus que les décisions prises par la Juge Goodman concernant la répartition des biens entre les époux et les pensions alimentaires dues à Madame J... I... et pour l'entretien et l'éducation des enfants s'appuient non sur des considérations générales tenant au sexe des parties ou à leur nationalité mais à des critères divers et propres à l'affaire tenant en particulier au train de vie de la famille pendant le mariage, aux choix professionnels faits en commun pendant l'union, aux perspectives de chacun des époux dans ce domaine en relevant que les enfants communs résident au domicile de leur mère, aux situations financières et de revenus des parties, aux besoins des enfants ; que les observations formulées par la juge Goodman à l'égard du mari et de son père quant à leur défaut de crédibilité ne sauraient caractériser, comme le soutient l'intimé, un manque de partialité voire une hostilité à leur encontre alors que cette critique se limite à certaines de leurs affirmations, notamment celles tenant à la propriété de l'appartement de New York, jugées contradictoires avec d'autres éléments tirés du dossier ; Qu'il s'ensuit qu'aucune violation de l'ordre public de procédure ne peut être retenue. ET AUX MOTIFS ADOPTÉS sur la violation alléguée à l'ordre public international de procédure, se prévalant de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme qui garantit le droit à un procès équitable, comprenant le droit à être jugé par un tribunal impartial, et impose de vérifier la conformité du jugement déféré qui n'émane pas d'un Etat partie à la convention, monsieur Q... E...-Z... conclut à la violation de l'ordre public international de procédure. Cependant, en l'espèce, les jugements dont l'exequatur est demandé ayant été frappés d'appel - et confirmés - il s'en déduit que d'autres magistrats que le juge Goodman dont la partialité est alléguée, ont eu à connaître du litige, ce qui rend inopérant le moyen invoqué. 1°) ALORS QU'un jugement étranger ne peut être déclaré exécutoire en France s'il n'est pas conforme à l'ordre public international français ; qu'il en est ainsi si la procédure suivie à l'étranger viole les exigences de l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales, notamment l'exigence d'impartialité du juge ; qu'au cas d'espèce, il était soutenu que le défaut d'impartialité du juge Goodman caractérisait une violation de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et partant une violation de l'ordre public international justifiant le refus d'exequatur des décisions que ce dernier avait rendues ; qu'en jugeant ce moyen inopérant, motifs pris que les jugements dont l'exequatur était demandé ayant été frappés d'appel - et (pour l'essentiel) confirmés - il s'en déduisait que d'autres magistrats que le juge Goodman, dont la partialité était alléguée, avaient eu à connaître du litige, après avoir pourtant relevé que ce sont les décisions rendues par ce dernier qui étaient présentées à l'exequatur et sans constater l'impartialité du juge Goodman, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes qui régissent le droit international privé ; 2°) ALORS QU'un jugement étranger ne peut être déclaré exécutoire en France s'il n'est pas conforme à l'ordre public international français ; qu'il en est ainsi si la procédure suivie à l'étranger viole les exigences de l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales, notamment l'exigence d'impartialité du juge ; qu'au cas d'espèce, il était soutenu que le défaut d'impartialité du juge Goodman caractérisait une violation de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et partant une violation de l'ordre public international justifiant le refus d'exequatur des décisions que ce dernier avait rendues ; qu'en jugeant ce moyen inopérant, motifs pris que les jugements dont l'exequatur était demandé ayant été frappés d'appel - et (pour l'essentiel) confirmés - il s'en déduisait que d'autres magistrats que le juge Goodman, dont la partialité était alléguée, avaient eu à connaître du litige, tout en accordant l'exequatur en France à des décisions dont elle a elle-même relevé qu'elles avaient été partiellement infirmées aux États-Unis, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui régissent le droit international privé ; 3°) ALORS QU'un jugement étranger ne peut être déclaré exécutoire en France s'il n'est pas conforme à l'ordre public international français ; qu'il en est ainsi si la procédure suivie à l'étranger viole les exigences de l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales, notamment l'exigence d'impartialité du juge; que Monsieur Q... E... soutenait, pièces à l'appui, que le défaut d'impartialité du juge Goodman tenait à l'attitude du juge lors de l'audition du 6 mars, au refus d'audition de ses témoins, au refus de production de ses pièces, au refus de ses offres de preuve et, enfin, au refus que le contrat de mariage soit versé aux débats ; qu'en se contentant de juger que les jugements dont l'exequatur était demandé avaient été frappés d'appel et pour l'essentiel confirmés, sans rechercher s'il n'existait pas un défaut d'impartialité du juge Goodman, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes qui régissent le droit international privé. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives au jugement du 28 juin 2002 du juge Lobis et, statuant à nouveau de ce chef, d'avoir déclaré opposable en France la décision américaine du juge Lobis en date du 28 juin 2002 et, en conséquence, dit également opposables en France les dispositions des décisions américaines du juge Goodman relatives à la liquidation des droits patrimoniaux des parties ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la conformité des décisions litigieuses à l'ordre public international : sur l'ordre public de fond. D'une part, que lorsqu'il s'agit de donner effet en France à des droits régulièrement acquis à l'étranger, l'ordre public n'intervient que par son effet atténué et que seul un degré élevé de contrariété aux conceptions françaises peut justifier une intervention de l'ordre public ; que, d'autre part, l'ordre public de proximité n'est pas en cause en l'espèce, seuls le mariage et le contrat de mariage, ainsi que la nationalité du mari rattachant le litige à la France alors que Madame J... I... est de nationalité américaine, que les époux ont toujours résidé aux Etats-Unis où sont nés les deux enfants et où se situaient leurs actifs immobiliers au jour de la demande en divorce ; Que Monsieur Q... E...-Z... relève à juste titre que la décision d'écarter l'application du contrat de mariage français remet en cause le choix des époux de soumettre leur union au régime matrimonial français de la séparation des biens, avec toutes les conséquences qui en découlent sur le plan de la qualification des biens et des modalités de liquidation ; Mais que le fait pour une décision étrangère d'écarter l'application d'un acte notarié français ne constitue pas, en soi, une violation de l'ordre public international français ; Qu'un contrat de mariage notarié n'est pas assimilable à un jugement; que c'est donc en vain que Monsieur Q... E...-Z... invoque l'éventuelle contrariété de la décision étrangère avec un tel acte ; Qu'est également inopérant le moyen selon lequel le juge américain n'était pas compétent pour statuer sur la validité de l'acte notarié français dès lors, d'une part, que la compétence indirecte de la juridiction américaine pour statuer sur le divorce des parties et ses conséquences, laquelle s'étend nécessairement aux questions incidentes telle la nature du régime matrimonial en cause, est acquise, d'autre part, que c'est sur la saisine de Monsieur Q... E...-Z... lui-même que le juge américain Lobis a été appelé à se prononcer sur "la validité et l'applicabilité" dudit contrat, enfin, que la décision américaine tend moins à l'annulation du contrat qu'à en écarter l'application effective au litige au regard du droit américain ; De même, que le principe de la liberté des conventions matrimoniales, s'il est d'ordre public en droit interne, et les objectifs de sécurité juridique et de prévisibilité invoqués en l'espèce ne sont pas de nature, en tant que tels, à justifier la non reconnaissance en France d'une décision étrangère prise conformément au régime matrimonial applicable sur son territoire; que les exigences de l'ordre public international doivent à cet égard être appréciées de manière concrète, dans les résultats induits par la décision étrangère ; Que Monsieur Q... E...-Z... fait valoir à ce titre que la "distribution équitable" réalisée par le juge américain attribuant à Madame J... I... 75% des biens qualifiés de communs et 25 % à Monsieur Q... E...-Z..., ainsi que les dispositions relatives au passif du couple aboutissent à un résultat manifestement disproportionné par rapport aux données de l'affaire; qu'il dénonce le caractère tout autant "confiscatoire" à son égard des décisions relatives aux pensions alimentaires ; Mais que Monsieur Q... E...-Z... ne communique aucun élément permettant d'apprécier le caractère disproportionné des décisions rendues par rapport à la réalité de sa situation financière et patrimoniale ; Que les critères retenus par le juge pour décider des modalités de la distribution des biens visent, au delà des revenus et charges des parties, les conséquences des choix communs faits pendant le mariage durant lequel il est dit que Monsieur Q... E...-Z... a obtenu des diplômes, développé diverses activités professionnelles à New York et une expérience valorisable à l'avenir, contrairement à l'épouse ; Qu'il n'appartient pas au juge de l'exequatur de se substituer au juge étranger dans l'appréciation qu'il a pu faire des pièces qui lui étaient soumises ; qu'il en est de même des éléments de train de vie constants auxquels le juge a fait expressément référence, entre autres critères, pour fixer les pensions alimentaires dues à l'épouse et aux enfants, quand bien même aurait-il intégré les aides familiales perçues par Monsieur Q... E...-Z... au motif de leur caractère récurrent ; Que c'est donc à tort que les premiers juges ont dit inopposable en France la décision rendue par le juge Lobis le 28 juin 2002 ; Qu'il convient, par voie de conséquence, de dire opposables en France les dispositions des jugements rendus par la Cour Suprême de l'Etat de New York les 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 relatives à la liquidation des droits de Monsieur Q... E...-Z... et Madame J... I... ; Que la décision sera confirmée en ce qu'elle a dit exécutoire en France les dispositions détaillées dans son dispositif telles qu'issues de la "page 27 de la traduction jurée du jugement du 3 octobre 2003", de la "page 4 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004", des "pages 4 et 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004" et de la "page 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004" ; Que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu, au motif tiré de l'indivisibilité, que l'exequatur des dispositions du jugement du 9 janvier 2004 relatives aux frais des enfants incombant à Monsieur Q... E...-Z... devait s'étendre aux dispositions relatives aux frais de leçons de musique laissés, par le juge américain, à la charge exclusive de Madame J... I... ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS qu'il doit être relevé que Madame I... demande de ne pas prononcer l'exequatur sur la partie de cette dernière disposition qui a refusé de mettre à la charge de Monsieur E...-Z... le paiement des leçons de musique des enfants communs, dans le cadre des obligations d'entretien dont il est tenu ; que cette demande ne sera pas accueillie ; qu'en effet, cette disposition relative aux frais divers exposés pour les enfants est indivisible, et doit par voie de conséquence, être déclarée exécutoire, en sa totalité, Madame I... ne pouvant valablement en retrancher les éléments qui lui sont défavorables. 1°) ALORS QU'un jugement étranger qui écarte, sans aucune raison, un acte authentique français, reçu par un officier public français au nom de la République française est nécessairement contraire à l'ordre public international français, dès lors que la position de l'ordre juridique français, concrétisée dans l'acte authentique, a été une base de prévision pour les parties, prévisions parfaitement légitimes puisque l'acte authentique est valable en France ; qu'en déclarant opposable en France le jugement américain du 28 juin 2002, qui avait écarté péremptoirement un acte authentique français au motif que « sans la constatation en bonne et due forme requise, qui manque dans le cas de la convention conclue entre les parties, le contrat de mariage était nécessairement invalide », et partant qui violait l'ordre public international français, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui gouvernent le droit international privé ; 2°) ALORS QU'à supposer même que le contrat de mariage de séparation de biens par acte authentique français, reçu par un officier public français au nom de la République française, puisse être écarté sans raison par un jugement étranger, ce dernier doit au minimum en tenir compte comme un simple élément d'appréciation de la distribution « équitable » opéré par lui au moment de liquider le régime matrimonial des époux; qu'en déclarant opposable en France le jugement américain du 28 juin 2002, qui a écarté le contrat de mariage conclu devant un officier public français en date du 21 mai 1991 par lequel les époux ont expressément adopté le régime de la séparation de biens, sans même en tenir compte comme un simple élément d'appréciation de la distribution « équitable » opéré par lui, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui gouvernent le droit international privé ; 3°) ALORS QUE la liberté pour les époux de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial, et partant leur régime matrimonial, est une composante de l'ordre public international français en garantissant la sécurité juridique et le respect des légitimes prévisions des époux ; qu'en l'espèce, au lieu de liquider les intérêts patrimoniaux des époux conformément au droit français de la séparation de biens choisi par les époux, les juges américains ont refusé purement et simplement de prendre en considération le contrat de mariage et la volonté commune des époux ainsi exprimée et ont liquidé leurs intérêts pécuniaires selon les dispositions de la loi de l'État de New-York ; qu'en déclarant opposable en France le jugement américain en date du 28 juin 2002 et les décisions subséquentes des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 relatives à la liquidation des droits, alors que ces décisions américaines violent le principe de libre choix par les époux de leur régime matrimonial, composante de l'ordre public international français, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui gouvernent le droit international privé ; 4°) ALORS QUE le principe de non-révision des jugements étrangers n'interdit pas le contrôle de l'ordre public international ; qu'il était soutenu, devant la cour, que le jugement américain du 28 juin 2002 violait l'ordre public international puisqu'il portait atteinte au principe d'égalité des époux lors de la liquidation du régime matrimonial et avait un caractère confiscatoire pour Monsieur E... en qualifiant d'équitable une distribution de l'actif à raison de 75% pour Madame et de 25% pour Monsieur, tout en laissant l'intégralité du passif à Monsieur ; qu'en refusant de rechercher si la distribution de l'actif à raison de 75% pour Madame et de 25 % pour Monsieur, tout en laissant l'intégralité du passif à Monsieur, ne violait pas le principe d'égalité des époux dans la liquidation du régime matrimonial et ne revêtait pas pour Monsieur E... un caractère confiscatoire, motif pris qu'il ne lui appartenait pas « de se substituer au juge étranger dans l'appréciation qu'il a pu faire des pièces qui lui étaient soumises , la cour d'appel a, sous couvert d'un principe de non-révision, refusé d'exercer le contrôle de conformité du jugement étranger à l'ordre public international et partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile et des principes qui régissent le droit international privé ; 5°) ALORS QUE le principe de non-révision des jugements étrangers n'interdit pas le contrôle de l'ordre public international ; qu'il était soutenu, devant la cour, que le jugement américain du 28 juin 2002 violait l'ordre public international puisqu'il portait atteinte au principe d'égalité des époux lors de la liquidation du régime matrimonial et avait un caractère confiscatoire pour Monsieur E... en qualifiant d'équitable une distribution de l'actif à raison de 75% pour Madame et de 25% pour Monsieur, tout en laissant l'intégralité du passif à Monsieur ; qu'en refusant de rechercher si la distribution de l'actif à raison de 75% pour Madame et de 25 % pour Monsieur, tout en laissant l'intégralité du passif à Monsieur, ne violait pas le principe d'égalité des époux dans la liquidation du régime matrimonial et ne revêtait pas pour Monsieur E... un caractère confiscatoire, motif pris que Monsieur Q... E... ne communiquerait aucun élément permettant d'apprécier le caractère disproportionné des décisions rendues par rapport à la réalité de sa situation financière et patrimoniale, tous les éléments financiers et patrimoniaux ressortant pourtant des décisions américaines régulièrement produites devant la cour, la cour d'appel a refusé d'exercer le contrôle de conformité du jugement étranger à l'ordre public international et, partant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile et des principes qui régissent le droit international privé. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives au jugement du 28 juin 2002 du juge Lobis et, statuant à nouveau de ce chef, d'avoir déclaré opposable en France la décision américaine du juge Lobis en date du 28 juin 2002 et, en conséquence, dit également opposables en France les dispositions des décisions américaines du juge Goodman relatives à la liquidation des droits patrimoniaux des parties ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la conformité des décisions litigieuses à l'ordre public international : sur l'ordre public de fond. D'une part, que lorsqu'il s'agit de donner effet en France à des droits régulièrement acquis à l'étranger, l'ordre public n'intervient que par son effet atténué et que seul un degré élevé de contrariété aux conceptions françaises peut justifier une intervention de l'ordre public; que, d'autre part, l'ordre public de proximité n'est pas en cause en l'espèce, seuls le mariage et le contrat de mariage, ainsi que la nationalité du mari rattachant le litige à la France alors que Madame J... I... est de nationalité américaine, que les époux ont toujours résidé aux Etats-Unis où sont nés les deux enfants et où se situaient leurs actifs immobiliers au jour de la demande en divorce ; (...)Que Monsieur Q... E...-Z... demande également que les dispositions du jugement de divorce américain du 9 janvier 2004 relatives à l'autorité parentale soient jugées contraires à la conception française de l'ordre public international en relevant, d'une part, le caractère très limité du droit qui lui a été reconnu d'entretenir des contacts avec les enfants tout au long de l'année scolaire, d'autre part, la violation, sans raison valable, des principes d'exercice conjoint de l'autorité parentale auxquels seuls des motifs graves permettent de déroger, et d'égalité des droits et responsabilité des parents dans le cadre de leurs relations avec les enfants ; Mais considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'exequatur de réviser la décision étrangère ni d'en apprécier le bien fondé ; qu'il y a lieu d'observer que la décision américaine relativement au droit de visite et d'hébergement du père, dont l'éloignement géographique est rappelé, a été prise "conformément à l'accord des parties" et qu'elle ménage pour Monsieur Q... E...-Z... des rencontres régulières avec ses enfants pendant l'année scolaire et les vacances ; que, s'agissant des modalités d'exercice de l'autorité parentale, les jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 prévoient, en s'appuyant sur les recommandations du psychiatre "désigné par la cour en qualité d'expert indépendant", que la décision finale appartiendra à la mère ; qu'ils relèvent, d'une part, les mauvaises relations entre les parents qui ne sont pas parvenus pendant la procédure de divorce à discuter sur les questions d'éducation, d'autre part, l'intérêt pour les enfants d'éviter des conflits constants concernant leur vie ; que le devoir de consulter le père, "de prendre ses préférences et préoccupations et d'essayer de l'inclure dans les événements significatifs de la vie des enfants" est rappelé;Qu'au vu de ces éléments, c'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont rejeté la demande de M. Q... E...-Z... tendant à voir dire inopposables en France les mesures relatives à l'autorité parentale en retenant que les décisions américaines n'étaient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la famille alors que les droits paternels étaient garantis et l'intérêt des enfants préservé ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS que Monsieur E...-Z... ne peut davantage utilement soutenir que les décisions américaines sont contraires aux principes fondamentaux du droit de la famille alors que ses droits paternels sont parfaitement garantis au terme de ces décisions, qui préservent l'intérêt des enfants. 1°) ALORS QUE le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale relève de l'ordre public international français, de sorte qu'un jugement de divorce étranger qui met à néant l'exercice conjoint de l'autorité parentale en donnant à une mère le droit de prendre seule toutes les décisions concernant les enfants, sans autre justification que les mauvaises relations mutuelles entre les parents, porte atteinte au principe essentiel du droit français fondé sur l'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale ; qu'en déclarant opposables en France les dispositions des jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004, après avoir constaté que s'agissant des modalités d'exercice de l'autorité parentale, ces jugements prévoyaient que la décision finale appartiendra à la mère, ce qui n'est pas autre chose que constater que, de jure et de facto, en cas de désaccord, le père se trouve privé de toute autorité parentale, sans autre justification que les mauvaises relations mutuelles entre les parents, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes qui régissent le droit international privé ; 2°) ALORS QUE le principe de non-révision des jugements étrangers n'interdit pas le contrôle de l'ordre public international ; qu'il était soutenu, devant la cour, que les jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 violaient l'ordre public international puisqu'ils violaient le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale ; qu'en écartant ce moyen motif pris qu'il n'appartenait pas au juge de l'exequatur de réviser la décision étrangère ni d'en apprécier le bien-fondé, et en refusant ainsi de rechercher si la circonstance que s'agissant des modalités d'exercice de l'autorité parentale, les jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 prévoyaient que la décision finale appartiendra à la mère, sans autre justification que les mauvaises relations mutuelles entre les parents, ne violaient pas le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale, la cour d'appel a refusé d'exercer le contrôle de conformité du jugement étranger à l'ordre public international et, partant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile et des principes qui régissent le droit international privé.
Une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d'espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels.  Si le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale relève de l'ordre public international français, la circonstance qu'une décision étrangère réserve à l'un des parents le soin de prendre seul certaines décisions relatives aux enfants, ne peut constituer un motif de non-reconnaissance qu'autant qu'elle heurte de manière concrète les principes essentiels du droit français
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 748 FS-P+I Pourvoi n° C 19-15.396 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 1°/ La société Schooner Capital LLC, 2°/ la société Atlantic Investment Partners LLC, ayant toutes deux leur siège [...] ), 3°/ M. T... S..., domicilié chez la société Schooner Capital LLC, [...] ), agissant en qualité de fondateur et président de la société Schooner Capital LLC, ont formé le pourvoi n° C 19-15.396 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige les opposant à la République de Pologne, prise en la personne du Prokuratoria Generalna Rzeczypolitej Polskiej, domicilié [...] ), défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat des sociétés Schooner Capital LLC et Atlantic Investment Partners LLC, et de M. S..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la République de Pologne, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2019), M. T... S..., de nationalité américaine, et les sociétés Schooner Capital LLC et Atlantic Investment Partners LLC, enregistrées dans l'Etat du Delaware (Etats-Unis) (les investisseurs) ont, par l'intermédiaire de la société américaine White Eagle Industries (WEI), constituée à cet effet, pris des participations dans trois sociétés polonaises, Nadodrzanskie Zaklady Przemyslu Thuszczowego w Brzegu S.A. (Kama), entreprise étatique de production et transformation de graisse végétale, Bolmar S.A., intervenant dans le même secteur, et Wielkopolskie Fabrykii Mebli S.A. (WFM), fabricant de meubles. Les investisseurs ont constitué une société polonaise White Eagle Industries Poland (WEIP), à l'effet de percevoir pour le compte de WEI, les commissions versées par les trois sociétés polonaises pour des services de gestion. Kama, WFM et Bolmar ont déclaré ces commissions comme des charges déductibles au titre de l'impôt sur les sociétés et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour les exercices fiscaux 1994 à 1997. Contestant la réalité des services de gestion, les services fiscaux polonais ont, à la suite de différents contrôles, notifié un redressement à la société Kama laquelle devait être ultérieurement déclarée en faillite. 2. Soutenant que la République de Pologne les avait illégalement expropriés de leur investissement dans Kama, les investisseurs ont, le 31 mars 2011, introduit une requête d'arbitrage auprès du secrétariat du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) en application du règlement du CIRDI (Mécanisme supplémentaire) sur le fondement du Traité relatif aux relations commerciales et économiques entre les Etats-Unis et la Pologne (le Traité bilatéral d'investissement ou TBI). 3. Par une sentence rendue à Paris le 17 novembre 2015, le tribunal arbitral, considérant que le litige concernait des questions de fiscalité au sens de l'article VI (2) du TBI et non une obligation relative au respect et à l'exécution d'un contrat d'investissement au sens de l'article VI (2), c), n'a retenu sa compétence que sur les seules demandes fondées sur l'expropriation (article VII) et sur les transferts de fonds (article V) en vertu des exceptions prévues par le a) et le b) de l'article VI (2). Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Les investisseurs font grief à l'arrêt de rejeter leur recours en annulation de la sentence, alors « que la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ; que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; qu'ainsi, lorsqu'une partie s'est prévalue devant les arbitres de la compétence du tribunal arbitral sur le fondement de dispositions d'un traité bilatéral de protection des investissements comprenant la convention d'arbitrage, celle-ci est recevable à invoquer d'autres dispositions de ce traité et d'autres éléments de fait devant le juge de l'annulation pour solliciter l'annulation de la sentence arbitrale au motif que les arbitres se sont, à tort, déclarés incompétents ; qu'en déclarant irrecevables les moyens d'annulation de la sentence, tirés de que c'est à tort que le tribunal arbitral s'était déclaré incompétent dès lors, d'une part, qu'il ne pouvait appliquer une clause d'exclusion de la fiscalité dans l'hypothèse où les actions de l'Etat n'étaient pas menées de bonne foi et, d'autre part, qu'il aurait dû se déclarer compétent sur le fondement de la clause de la nation la plus favorisée, motifs pris que si les investisseurs avaient soutenu que le tribunal arbitral était compétent, ils n'avaient « plaidé dans l'instance arbitrale ni l'usage abusif de cette exclusion, ni le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée », et que « la renonciation présumée par l'article 1466 précité du code de procédure civile vise des griefs concrètement articulés et non des catégories de moyens », la cour d'appel a violé les articles 1466 et 1520, 1°, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 1520, 1°, et 1466 du code de procédure civile : 5. Selon le premier de ces textes, le recours en annulation est ouvert si le tribunal s'est déclaré à tort compétent ou incompétent. Aux termes du second, la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir. 6. Il en résulte que lorsque la compétence a été débattue devant les arbitres, les parties ne sont pas privées du droit d'invoquer sur cette question, devant le juge de l'annulation, de nouveaux moyens et arguments et à faire état, à cet effet, de nouveaux éléments de preuve. 7. Pour déclarer irrecevables les moyens fondant la compétence du tribunal arbitral tirés, d'une part, de l'usage abusif par la République de Pologne de l'exclusion des questions fiscales par l'article VI du Traité, d'autre part, du bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée stipulée à l'article I du Traité, l'arrêt retient que, ceux-ci n'ayant pas été plaidés devant le tribunal arbitral, les investisseurs ne sont pas recevables à développer devant le juge de l'annulation un argumentaire différent en droit et en fait de celui qu'ils avaient soumis aux arbitres, auquel ils sont présumés avoir renoncé. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la République de Pologne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la République de Pologne et la condamne à payer à M. T... S... et aux sociétés Schooner Capital LLC et Atlantic Investment Partners LLC la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les sociétés Schooner Capital LLC et Atlantic Investment Partners LLC et M. T... S.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de la sentence rendue entre les parties le 17 novembre 2015 et condamné les sociétés Schooner Capital LLC, Atlantic Investment Partners LLC et M. S... aux dépens et à payer à la République de Pologne une somme de 200.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE sur le moyen pris en ses troisième et quatrième branches. Aux termes de l'article 1466 du code de procédure civile, applicable en matière internationale par renvoi de l'article 1506 du même code : "La partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir." En premier lieu, contrairement à ce que prétendent les recourants, cette disposition ne vise pas les seules irrégularités procédurales mais tous les griefs qui constituent des cas d'ouverture du recours en annulation des sentences, à l'exception des moyens fondés sur l'article 1520, 5° du code de procédure civile et tirés de ce que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence violerait de façon manifeste, effective et concrète l'ordre public international de fond, lesquels, en raison de leur nature, peuvent être relevés d'office par le juge de l'annulation, et soulevés pour la première fois devant lui. En deuxième lieu, la renonciation présumée par l'article 1466 précité du code de procédure civile vise des griefs concrètement articulés et non des catégories de moyens. En effet, le but poursuivi par cette disposition - qui est d'éviter qu'une partie se réserve des armes pour le cas où la sentence lui serait défavorable -, ne serait pas atteint si, sous couvert d'un cas d'ouverture unique, le recourant était recevable à développer devant la cour un argumentaire différent en droit et en fait de celui qu'il avait soumis aux arbitres. Cette portée attribuée à l'article 1466 du code de procédure civile n'est pas incompatible avec la plénitude du contrôle exercé par le juge de l'annulation à l'égard des cas d'ouverture du recours, dès lors qu'en statuant sur des moyens identiques à ceux qui avaient été soumis aux arbitres, il n'est lié ni par leur interprétation des textes, ni par leur appréciation des faits. En l'espèce, il est constant que pour soutenir que le tribunal arbitral était compétent, nonobstant l'exclusion des questions de fiscalité du champ d'application du TBI, les investisseurs n'avaient plaidé dans l'instance arbitrale ni l'usage abusif de cette exclusion, ni le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée. Le moyen pris en ses troisième et quatrième branches est donc irrecevable ; ALORS QUE la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ; que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; qu'ainsi, lorsqu'une partie s'est prévalue devant les arbitres de la compétence du tribunal arbitral sur le fondement de dispositions d'un traité bilatéral de protection des investissements comprenant la convention d'arbitrage, celle-ci est recevable à invoquer d'autres dispositions de ce traité et d'autres éléments de fait devant le juge de l'annulation pour solliciter l'annulation de la sentence arbitrale au motif que les arbitres se sont, à tort, déclarés incompétents ; qu'en déclarant irrecevables les moyens d'annulation de la sentence, tirés de que c'est à tort que le tribunal arbitral s'était déclaré incompétent dès lors, d'une part, qu'il ne pouvait appliquer une clause d'exclusion de la fiscalité dans l'hypothèse où les actions de l'Etat n'étaient pas menées de bonne foi et, d'autre part, qu'il aurait dû se déclarer compétent sur le fondement de la clause de la nation la plus favorisée, motifs pris que si les investisseurs avaient soutenu que le tribunal arbitral était compétent, ils n'avaient « plaidé dans l'instance arbitrale ni l'usage abusif de cette exclusion, ni le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée », et que « la renonciation présumée par l'article 1466 précité du code de procédure civile vise des griefs concrètement articulés et non des catégories de moyens », la cour d'appel a violé les articles 1466 et 1520.1° du code de procédure civile.
Il résulte des articles 1520, 1°, et 1466 du code de procédure civile, que lorsque la compétence a été débattue devant les arbitres, les parties ne sont pas privées du droit d'invoquer sur cette question, devant le juge de l'annulation, de nouveaux moyens et arguments et à faire état, à cet effet, de nouveaux éléments de preuve
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 749 FS-P Pourvoi n° F 19-15.813 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 M. U... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-15.813 contre deux arrêts rendus les 22 novembre 2017 et 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant à Mme W... C..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. E..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme C..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 22 novembre 2017 et 19 décembre 2018), Mme C... et M. E... se sont mariés le [...] sous le régime de la séparation de biens. Le 14 mai 2003, les époux ont acquis en indivision un appartement au moyen de fonds propres et de différents emprunts. 2. Par ordonnance du 5 juillet 2010, consécutive à une ordonnance de non-conciliation rendue le 5 mars 2008 dans la procédure de divorce opposant les époux, le juge de la mise en état a, sur le fondement de l'article 255, 10°, du code civil, désigné un notaire afin, notamment, d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager. 3. Un jugement du 2 septembre 2013 a prononcé le divorce des époux et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens et sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, et le troisième moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le premier moyen qui est irrecevable. Mais sur le moyen relevé d'office 5. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties. Vu les articles 870 et 1542 du code civil : 6. Il résulte de ces textes qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager. 7. Pour rejeter la demande de M. E... tendant à inscrire au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, après avoir relevé que la créance est établie par une reconnaissance de dette, que le prêt n'a pas été remboursé et que la dette n'est pas éteinte, mais que celle-ci peut être prescrite, l'arrêt retient qu'il ne peut être considéré que la prescription acquise a été interrompue par la reconnaissance qu'en a faite Mme C... dans un dire adressé au notaire désigné au titre de l'article 255, 10°, du code civil, alors que la dette correspond à une créance éventuelle de la succession qui seule pourrait se prévaloir d'une cause d'interruption. 8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de trancher le désaccord des époux quant à l'existence d'une créance à inscrire au passif, peu important le titulaire de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 9. M. E... fait grief à l'arrêt du 22 novembre 2017 de rejeter sa demande tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, alors « que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que tout acte du débiteur révélateur, de sa part, d'un aveu du droit de celui contre lequel il prescrivait, même si cet acte n'a pas été accompli à l'égard du créancier lui-même, interrompt le délai de prescription ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que le délai de prescription auquel étaient soumises les obligations de M. E... et de Mme C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E... n'avait pas été interrompu par la reconnaissance de cette dette par Mme C... dans le dire qu'elle avait adressé le 20 avril 2012 à M. Y... A..., que la dette correspondait à une créance éventuelle de la succession du père de M. E... qui, seule, pourrait être amenée à se prévaloir d'une cause d'interruption, et que ce dire n'avait d'effet qu'entre les parties, quand la seule condition que devait satisfaire le dire adressé par Mme C... le 20 avril 2012 à M. Y... A... pour interrompre le délai de prescription était qu'il soit révélateur, de la part de Mme C..., d'un aveu des obligations de M. E... et de Mme C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E..., la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2240 du code civil : 10. Aux termes de ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. 11. Pour rejeter la demande de M. E... tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, l'arrêt retient qu'il ne peut être considéré que la prescription acquise a été interrompue par la reconnaissance de cette dette par Mme C... dans un dire adressé au notaire, le dire n'ayant d'effet qu'entre les parties. 12. En statuant ainsi, alors qu'interrompt la prescription la reconnaissance du droit du créancier figurant dans un document qui ne lui est pas adressé s'il contient l'aveu non équivoque par le débiteur de l'absence de paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. E... tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux d'un montant de 58 000 euros afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, l'arrêt rendu le 22 novembre 2017, entre les mêmes parties, par ladite cour d'appel ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne Mme C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. E... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué en date du 22 novembre 2017 D'AVOIR dit que M. U... E... détenait une créance sur l'indivision de 346 917, 86 euros au titre du remboursement des prêts d'acquisition entre le mois de mars 2008 et le mois de décembre 2016 ; AUX MOTIFS QUE « l'intimé demande à voir fixer sa créance pour avoir remboursé les prêts pendant le mariage entre mai 2003 et mars 2008, à 69 980, 73 euros ; qu'il soutient qu'il a continué à rembourser seul les prêts immobiliers depuis l'ordonnance de non-conciliation et que sa créance était de 173 458, 93 euros au 31 décembre 2016, montant à parfaire au jour du partage ; qu'il demande que le capital restant dû au titre des deux prêts immobiliers soit actualisé au jour du partage et à bénéficier d'une créance d'un montant équivalent à la moitié des échéances des deux prêts ; qu'il demande une actualisation des créances à la date la plus proche du partage ; / considérant que l'appelante estime que M. U... E... n'a droit à rien pour avoir remboursé le prêt immobilier pendant le mariage, les époux étant présumés l'avoir supporté par moitié pendant cette période ; qu'elle prétend que le prêt immobilier attaché au bien indivis doit être supporté dans les relations entre époux, à hauteur des quotes-parts d'acquisition, soit 40, 17 % pour l'ex-épouse et 59, 83 % pour l'ex-époux ; que le capital restant dû du prêt immobilier auprès du Ccf (aujourd'hui Hsbc) devra être actualisé au jour du partage ; que la créance de M. U... E... au titre du prêt immobilier ne portera que sur le capital remboursé, les intérêts, charge de jouissance, restant à sa charge définitive puisqu'il occupe le bien ; qu'elle demande une actualisation par le notaire de la créance de M. U... E... au titre du prêt immobilier, pour la période du 1er septembre 2012 au jour du partage, en appliquant sa quote-part dans l'indivision (40, 17 %) au capital remboursé (hors intérêts) ; / considérant que, sur la période antérieure à l'ordonnance de non-conciliation, s'agissant du logement de la famille, chacun des époux est réputé avoir contribué au remboursement du prêt en fonction de ses facultés contributives, ce que suggère d'ailleurs le rapport du notaire, de sorte que M. U... E... ne peut prétendre à aucune créance à ce titre ; / considérant qu'à compter de la séparation, il n'est pas contesté que M. U... E... a seul procédé au remboursement des emprunts ; / considérant que, sur la période postérieure à l'ordonnance de non-conciliation, sur le fondement de l'article 815-13 du code civil, l'intimé a une créance sur l'indivision correspondant au remboursement du prêt, en capital et intérêts, assimilée à une dépense de conservation du bien indivis ; / considérant que M. U... E... revendique une créance de 173 458, 93 € correspondant à la moitié des échéances qu'il a remboursées à hauteur de la somme de 346 917, 86 euros que l'appelante conteste ; que M. U... E... ne peut prétendre à un " remboursement du prêt à concurrence de la moitié chacun " par Mme W... C..., mais seulement à une créance envers l'indivision des sommes qu'il a payées à compter de la séparation ; / considérant qu'il ressort du rapport de Maître A... qu'entre le 16 mars 2008 et le 16 août 2012 il a payé la somme de 230 655, 58 € au titre des échéances des prêts n° [...] et [...] consentis par le Ccf, comprenant les remboursements anticipés intervenus le 14 octobre 2010 ; que sans être contredit par son ex-épouse qui aurait pu produire des pièces contraires, l'intimé prétend avoir remboursé, en plus, au titre des échéances des prêts, de septembre 2012 à décembre 2016, la somme de 116 262, 28 € ; qu'il sera donc reconnu à M. U... E... une créance sur l'indivision de 346 917, 86 € correspondant à la dépense faite, aucune revalorisation selon la règle du profit subsistant n'étant réclamée » (cf., arrêt attaqué en date du 22 novembre 2017, p. 8 et 9) ; ALORS QUE, pour le remboursement des impenses nécessaires à la conservation des biens indivis, il doit être tenu compte, selon l'équité, à l'indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu'il a faite et le profit subsistant ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que M. U... E... détenait une créance sur l'indivision de 346 917, 86 euros au titre du remboursement des prêts d'acquisition entre le mois de mars 2008 et le mois de décembre 2016, après avoir constaté que M. U... E... avait remboursé, pendant cette période, les prêts ayant servi à financer l'acquisition du bien indivis à hauteur de la somme de 346 917, 86 euros, qu'il serait reconnu à M. U... E... une créance sur l'indivision de 346 917, 86 euros correspondant à la dépense faite, aucune revalorisation selon la règle du profit subsistant n'étant réclamée, quand il lui appartenait, pour déterminer le montant de la créance de M. U... E... à l'égard de l'indivision, de tenir compte, selon l'équité, de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu'il a faite et le profit subsistant et, donc, de comparer la dépense faite par M. U... E... et le profit subsistant, même si la fixation du montant de la créance à celui du profit subsistant ne lui était pas demandée, puis de fixer le montant de la créance en tenant compte, selon l'équité, de la plus forte de ces deux sommes, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 815-13 du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué en date du 22 novembre 2017 D'AVOIR débouté M. U... E... de sa demande tendant à ce que soit porté au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père d'un montant de 58 000 euros afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis ; AUX MOTIFS QUE « M. U... E... demande qu'il soit constaté que son père avait consenti aux deux époux un prêt de 58 000 euros afin de régler les frais d'acquisition du bien indivis et sollicite que cette somme soit portée au passif indivis ; / considérant que l'appelante réplique que la dette de 58 000 € qui correspond à un prêt qui avait été accordé aux époux en mai 2003 par le père de M. U... E... soit déclarée prescrite ou éteinte en raison du décès de ce dernier, affirmant que le créancier disposait d'un délai de 5 ans pour réclamer le remboursement de cette somme ; qu'à titre subsidiaire, si cette dette était inscrite au passif indivis, elle demande de constater que " les conditions, d'attribution préférentielle de ce poste ne sont pas remplies et, à titre extrêmement subsidiaire, d'attribuer à chaque époux la moitié dudit prêt " ; / considérant que l'intimé produit une reconnaissance de dette datée du 12 mai 2003 établie au nom des deux époux au bénéfice de son père (pièce 18) ; qu'il est donc établi que le père de M. U... E... a consenti un prêt d'un montant de 58 000 euros aux deux époux lors de l'acquisition du bien immobilier, qu'une reconnaissance de dette a été régularisée à cet effet, que ce prêt n'a pas été remboursé ; que le décès du père est sans incidence, peu importe que l'appelant ait ou non renoncé à sa succession, en présence d'autres successibles ; que la dette n'est pas éteinte, qu'elle peut être prescrite ; / considérant qu'en application de l'article 2246 du code civil, il ne peut cependant être considéré qu'en application de la loi du 17 juin 2008, la prescription acquise le 18 juin 2013 a été interrompue par la reconnaissance de cette dette par Mme W... C... dans un dire adressé à Maître A... le 20 avril 2012, alors que la dette correspond à une créance éventuelle de la succession qui seule pourrait être amenée à se prévaloir d'une cause d'interruption, le dire n'ayant d'effet qu'entre les parties, de sorte que cette dette ne doit pas être inscrite au passif de la liquidation ainsi que l'a fait le notaire ; que la demande de M. U... E... sera rejetée » (cf., arrêt attaqué en date du 22 novembre 2017, p. 9 et 10) ; ALORS QUE, de première part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en soulevant, d'office, pour retenir que le délai de prescription des obligations de M. U... E... et de Mme W... C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. U... E... n'avait pas été interrompu par la reconnaissance de cette dette par Mme W... C... dans le dire qu'elle avait adressé le 20 avril 2012 à Me Y... A..., les moyens tirés de ce que la dette correspondait à une créance éventuelle de la succession du père de M. U... E... qui, seule, pourrait être amenée à se prévaloir d'une cause d'interruption, et de ce que ce dire n'avait d'effet qu'entre les parties, sans avoir invité, au préalable, les parties, et, en particulier,M. U... E..., à présenter leurs observations sur ces moyens, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS QUE, de deuxième part, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que tout acte du débiteur révélateur, de sa part, d'un aveu du droit de celui contre lequel il prescrivait, même si cet acte n'a pas été accompli à l'égard du créancier lui-même, interrompt le délai de prescription ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que le délai de prescription auquel étaient soumises les obligations de M. U... E... et de Mme W... C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. U... E... n'avait pas été interrompu par la reconnaissance de cette dette par Mme W... C... dans le dire qu'elle avait adressé le 20 avril 2012 à Me Y... A..., que la dette correspondait à une créance éventuelle de la succession du père de M. U... E... qui, seule, pourrait être amenée à se prévaloir d'une cause d'interruption, et que ce dire n'avait d'effet qu'entre les parties, quand la seule condition que devait satisfaire le dire adressé par Mme W... C... le 20 avril 2012 à Me Y... A... pour interrompre le délai de prescription était qu'il soit révélateur, de la part de Mme W... C..., d'un aveu des obligations de M. U... E... et de Mme W... C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. U... E..., la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2240 du code civil ; ALORS QUE, de troisième part, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; qu'il en résulte que tout héritier a qualité pour invoquer, même sans le concours de ses cohéritiers, l'existence d'un acte interruptif du délai de prescription auquel est soumise une obligation souscrite envers le défunt ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que le délai de prescription auquel étaient soumises les obligations de M. U... E... et de Mme W... C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. U... E... n'avait pas été interrompu par la reconnaissance de cette dette par Mme W... C... dans le dire qu'elle avait adressé le 20 avril 2012 à Me Y... A..., que la dette correspondait à une créance éventuelle de la succession du père de M. U... E... qui, seule, pourrait être amenée à se prévaloir d'une cause d'interruption, et que ce dire n'avait d'effet qu'entre les parties, quand M. U... E..., s'il était reconnu comme héritier de son père, avait qualité pour invoquer l'effet interruptif du délai de prescription du dire adressé par Mme W... C... le 20 avril 2012 à Me Y... A... et quand, en conséquence, les circonstances sur lesquelles elle fondait sa décision étaient inopérantes, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 724 du code civil. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué en date du 19 décembre 2018 D'AVOIR dit qu'à l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 22 novembre 2017 il serait ajouté le chef de dispositif suivant : « dit que les créances que M. U... E... détient sur l'indivision obéissent à la règle de répartition suivante : M. U... E... à hauteur de 59, 83 % ; Mme W... C... à hauteur de 40, 17 % ». AUX MOTIFS QUE « Mme W... C... soutient au regard du principe de distinction entre le titre et la finance, qu'elle ne saurait être tenue d'une dette de l'indivision au-delà de ses droits et plus généralement que la contribution de chaque indivisaire au titre du prêt immobilier est arrêtée selon les quotes-parts figurant sur le titre de propriété ; / considérant que M. U... E..., s'appuyant sur l'analyse qui aurait été retenue par Maître Y... A..., sollicite que les échéances des deux prêts immobiliers relatifs au bien indivis soient supportées dans les relations entre les époux à hauteur de la moitié chacun, ajoutant que le notaire s'était fondé sur les modalités de financement souhaitées par les époux lors de l'acquisition du bien pour déterminer la part de chacun fixée dès lors d'une part, en fonction de leurs apports respectifs et d'autre part, en considération du fait qu'ils rembourseraient chacun à concurrence de moitié le crédit bancaire ; qu'il précise que son ex-épouse a fait un apport personnel d'un montant de 100 682, 84 €, tandis que le sien était d'un montant de 248 577, 16 € ; / considérant que dans ses conclusions datées du 11 septembre 2017 devant cette cour, l'appelante demandait de dire que le prêt immobilier attaché au bien indivis doit (devait) être supporté, dans les relations entre époux, à hauteur des quotes-parts d'acquisition, soit 40, 17 % pour l'ex-épouse et 59, 83 % pour l'exépoux ; / considérant que dans ses dernières conclusions datées du 5 septembre 2017, l'intimé demandait au contraire de : - dire que les échéances des deux prêts immobiliers relatifs au bien indivis devront être supportées dans les relations entre les époux à hauteur de 50 % pour chacun des époux et juger qu'il aura droit à une créance pour avoir remboursé les deux prêts immobiliers pendant et après le mariage au-delà de la quote-part de moitié ; / considérant qu'ainsi que le rappelle M. U... E..., cette cour dans l'arrêt dont il est demandé l'interprétation, relève que " M. U... E... ne peut prétendre " à un " remboursement du prêt à concurrence de la moitié chacun " mais seulement à une créance envers l'indivision des sommes qu'il a payées à compter de la séparation " ; / que dans son dispositif, il est tranché de la manière suivante : - dit que M. U... E... détient une créance sur l'indivision de 346 917, 86 € au titre du remboursement des prêts d'acquisition entre mars 2008 et décembre 2016 ; - dit qu'au jour du partage, M. U... E... bénéficiera d'une créance sur l'indivision équivalente au remboursement supplémentaire qu'il justifiera avoir effectué auprès du notaire délégué, au titre du remboursement des échéances des prêts d'acquisition ; / que ces créances sur l'indivision entrent pour leur montant total dans la masse passive partageable et obéissent aux règles légales du partage ; / qu'il n'est pas discuté que les ex-époux avaient acquis l'ancien domicile conjugal selon les proportions suivantes : - M. U... E... à hauteur de 59, 83 % ; - Mme W... C... à hauteur de 40, 17 % ; / que la part de chacun dans l'indivision est donc ainsi définie ; / que les créances que M. U... E... détient sur l'indivision obéissent à cette règle de répartition, peu importe qu'elle résulte du remboursement du prêt immobilier, chaque indivisaire les supportant selon sa quote-part dans l'indivision qui résulte de ce qui est inscrit dans le titre de propriété ; / qu'il sera ajouté au dispositif de l'arrêt rendu le 22 novembre 2017 que les créances que M. U... E... détient sur l'indivision obéissent à la règle de répartition suivante : - M. U... E... à hauteur de 59, 83 % ; - Mme W... C... à hauteur de 40, 17 % ; / que cette disposition répond aux demandes d'interprétation des parties ; que le surplus des demandes sera rejeté » (cf., arrêt attaqué en date du 19 décembre 2018, p. 2 et 3) ; ALORS QUE chaque indivisaire supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision sauf stipulation contraire convenue entre les indivisaires ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que les créances que M. U... E... détenait sur l'indivision obéissaient à la règle de répartition suivante : M. U... E... à hauteur de 59, 83 % ; Mme W... C... à hauteur de 40, 17 %, que les ex-époux avaient acquis l'ancien domicile conjugal selon les proportions suivantes : - M. U... E... à hauteur de 59, 83 % ; - Mme W... C... à hauteur de 40, 17 %, que la part de chacun dans l'indivision était donc ainsi définie et que les créances que M. U... E... détenait sur l'indivision obéissaient à cette règle de répartition, peu important qu'elle résulte du remboursement du prêt immobilier, chaque indivisaire les supportant selon sa quote-part dans l'indivision qui résultait de ce qui était inscrit dans le titre de propriété, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. U... E..., si Mme W... C... et M. U... E... n'étaient pas convenus, lors de l'acquisition du bien indivis, que chacun d'entre eux rembourserait la moitié des échéances des prêts souscrits pour financer cette acquisition et si, en conséquence, comme l'avaient retenu les notaires désignés pour élaborer le projet d'état liquidatif, les créances détenues par M. U... E... sur l'indivision ne devaient pas être supportées par les indivisaires à concurrence de leur moitié chacun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 815-10 et 1873-1 du code civil. Le greffier de chambre
Il résulte des articles 870 et 1542 du code civil qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager. A cette fin, il lui appartient, le cas échéant, de trancher le désaccord des époux quant à l'existence d'une créance à inscrire au passif de l'indivision, peu important le titulaire de celle-ci
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 750 FS-P+I Pourvoi n° H 19-20.184 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 Mme H... J..., veuve I..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-20.184 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre spéciale des mineurs), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. R... M..., domicilié [...] , 2°/ à la métropole de Lyon, DSHE-direction ressources, dont le siège est service juridique UJDPEA, 20 rue du Lac, CS 33569, 69505 Lyon cedex 03, 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, 1 rue du Palais de Justice, 69321 Lyon cedex 05, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme J..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 mai 2019), L... M... est né le [...] 2011 de M. R... M... et d'U... J..., décédée le 11 juin 2013. Par une ordonnance de placement provisoire du 23 août 2017, le procureur de la République l'a confié à l'aide sociale à l'enfance. La mesure a été confirmée par le juge des enfants. Mme J..., grand-tante maternelle de l'enfant, a saisi celui-ci d'une demande tendant à l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme J... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que, statuant sur l'appel d'une décision rendue par le juge des enfants en matière d'assistance éducative, la cour d'appel entend le mineur capable de discernement ; qu'à défaut d'avoir procédé à l'audition de l'enfant, dont elle n'a pas constaté par ailleurs, qu'il n'était pas capable de discernement, la cour d'appel a violé les articles 1182 et 1193 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 1189, alinéa 1er, et 1193, alinéa 1er, du code de procédure civile : 4. Selon le premier de ces textes, à l'audience, le juge entend le mineur, ses parents, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l'enfant a été confié ainsi que toute autre personne dont l'audition lui paraît utile. Il peut dispenser le mineur de se présenter ou ordonner qu'il se retire pendant tout ou partie de la suite des débats. 5. Selon le second, l'appel est instruit et jugé par priorité en chambre du conseil par la chambre de la cour d'appel chargée des affaires de mineurs suivant la procédure applicable devant le juge des enfants. 6. Il résulte de ces textes qu'en matière d'assistance éducative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à voir fixer pour la première fois les modalités des relations entre l'enfant placé et un tiers, parent ou non, la cour d'appel ne peut se dispenser d'entendre le mineur, dont elle n'a pas constaté l'absence de discernement, que si celui-ci a été précédemment entendu, relativement à cette demande, par le juge des enfants. 7. Il ressort des énonciations de l'arrêt et des pièces de la procédure, que le juge des enfants et la cour d'appel ont statué sur la demande de droit de visite et d'hébergement de Mme J..., grand-tante de L... M..., sans entendre l'enfant ou constater son absence de discernement. 8. En procédant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme J... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme J... tendant à l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement sur L... M... s'exerçant un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. AUX MOTIFS PROPRES QU'il doit être rappelé que L... a été placé par ordonnance du procureur de la République de Lyon du 23 août 2017, suite à un signalement de la MDM de Meyzieu, compte tenu de son mal-être important suite au décès de sa mère, et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé d'occuper sa place auprès de son père et de la nouvelle compagne de ce dernier ; qu'ainsi que l'a souligné le premier juge, la rupture des relations entre Mme H... J... et son petit-neveu est aujourd'hui ancienne et il résulte de la lecture des rapports établis par le service que L... évolue positivement au sein de son placement ; qu'il n'est pas en demande de rencontre avec sa grande tante ; que le contentieux familial reste encore très prégnant, ainsi que la cour a pu le vérifier lors de l'audience d'appel et la reprise immédiate, sans travail éducatif préalable, de relations entre Mme H... J... et cet enfant, serait à l'évidence de nature à induire de nouveau conflits dont le mineur serait la première victime ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée ; qu'il convient en revanche d'inviter le service en charge de la mesure à travailler avec M. M..., et son père pour les aider à réfléchir sur leur positionnement actuel, qui les empêche de concevoir la reprise d'un lien avec Mme H... J..., même médiatisé, autrement que comme une menace et qui a pour effet de priver ce petit garçon tout juste âgé de huit ans, qui a déjà perdu sa maman et que ni l'un ni l'autre ne souhaitent accueillir auprès d'eux dans l'immédiat, de tout contact avec sa famille maternelle ; que si le rétablissement de ces relations apparaît effectivement prématuré dans le contexte précité, il serait souhaitable, dans la seule considération de l'intérêt de cet enfant, qu'elles puissent bientôt se mettre en place de manière encadrée et rassurante pour tous ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme J... a sollicité un droit de visite et d'hébergement sur son petit neveu que l'absence de lien est désormais ancienne ; que les conflits entre les familles paternelle et maternelle restent très prégnant ; que le grand-père paternel qui constitue un repère fiable pour L... indique qu'il se désinvestira auprès de son petit- fils si une reprise de liens a lieu avec la grande tante ; que L... est l'enjeu des adultes et qu'il a pour l'heure besoin d'apaisement que dans ce contexte la demande formée par Mme J... ne peut être acceptée ; qu'elle pourra être réévaluée ultérieurement ; que le fonctionnement des adultes interroge grandement ; ALORS, 1°), QUE, statuant sur l'appel d'une décision rendue par le juge des enfants en matière d'assistance éducative, la cour d'appel entend le mineur capable de discernement ; qu'à défaut d'avoir procédé à l'audition de l'enfant, dont elle n'a pas constaté par ailleurs, qu'il n'était pas capable de discernement, la cour d'appel a violé les articles 1182 et 1193 du code de procédure civile ; ALORS, 2°), QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté au greffe, jusqu'à la veille de l'audition ou de l'audience, par les avocats des parties ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme J... ou son avocate aient été mises en mesure de prendre connaissance, avant l'audience des pièces présentées à la juridiction, en particulier des rapports établis par le service de protection de l'enfance sur lesquels celle-ci s'est fondée, et de les discuter utilement ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 1189, alinéa 1, et 1193, alinéa 1, du code de procédure civile qu'en matière d'assistance éducative, lorsque la cour d'appel est saisie d'une demande tendant à voir fixer pour la première fois les modalités des relations entre l'enfant placé et un tiers, parent ou non, celle-ci ne peut se dispenser d'entendre le mineur, dont elle n'a pas constaté l'absence de discernement, que si celui-ci a été précédemment entendu, relativement à cette demande, par le juge des enfants
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 761 F-P Pourvoi n° T 19-21.850 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 Mme I... V..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale d'Y... V..., a formé le pourvoi n° T 19-21.850 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 7, section 1), dans le litige l'opposant à M. Q... W..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme V..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 juin 2019), Y... V... est née le [...] à Seclin, de Mme V.... Le 26 mai 2017, celle-ci a assigné M. W... en recherche de paternité. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième et septième branches Enoncé du moyen 3. Mme V... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors : « 1°/ qu'aucun texte ne subordonne le bien-fondé de l'action en recherche de paternité à la production de la copie intégrale de l'acte de naissance de l'enfant, actualisée au jour où le juge statue ; qu'en déboutant pourtant Mme V... de son action en recherche de paternité, aux motifs que la copie intégrale de l'acte de naissance de la jeune Y... V... qu'elle versait aux débats datait du 26 novembre 2016 et n'avait pas été actualisée depuis cette date, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil ; 2°/ en toute hypothèse, que le juge ne peut se prononcer par des motifs dubitatifs ou hypothétiques ; que pour débouter Mme V... de son action en recherche de paternité, la cour d'appel a retenu que, depuis le 26 novembre 2016, Mme V... n'avait pas actualisé la copie intégrale de l'acte de naissance de sa fille Y..., de sorte que cet enfant avait très bien « pu être reconnue dans l'intervalle par M. Q... W... ou un tiers » ; qu'en se prononçant ainsi, par un motif hypothétique relatif à l'existence d'un lien de filiation paternelle à l'égard de la jeune Y... V..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ qu'aucun texte ne subordonne le succès de l'action en recherche de paternité à la production de documents officiels permettant de s'assurer de l'état civil du père présumé, lorsqu'il est défaillant à l'instance ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme V... de son action en recherche de paternité, aux motifs que cette action avait été introduite sur la base des seules déclarations de Mme V..., qui ne produisait aucun document officiel permettant de s'assurer des prénoms, nom, date et lieu de naissance de M. W..., qui était défaillant à l'instance, la cour d'appel, qui a derechef ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil code ; 6°/ que la mesure d'expertise biologique tendant à établir la paternité du défendeur n'est pas subordonnée à la délivrance d'une assignation à personne ; qu'au cas présent, en déboutant Mme V... de sa demande d'expertise biologique aux fins d'établir la paternité de M. W... sur sa fille Y... V..., aux motifs que cette expertise, si elle était ordonnée, serait manifestement vaine « dans la mesure où M. Q... W... n'a pas été assigné à sa personne et que l'acte n'a pas été remis à un proche ayant connaissance de ses coordonnées et étant resté en contact avec lui », la cour d'appel, qui a une nouvelle fois ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil ; 7°/ que la possibilité de tirer des conséquences d'un éventuel refus du défendeur à l'action en recherche de paternité, de se soumettre à l'expertise biologique qui a été ordonnée à son égard, n'est pas subordonnée au fait qu'il ait eu personnellement connaissance de ladite mesure d'expertise ordonnée contre lui ; qu'en l'espèce, en refusant d'ordonner l'expertise biologique sollicitée par Mme V... pour déterminer la paternité de M. W... sur sa fille mineure, aux motifs « qu'il ne peut être tiré des conséquences d'un refus de se soumettre à l'expertise que si le défendeur a eu personnellement connaissance que celle-ci a été ordonnée à son égard », la cour d'appel, qui a une fois encore ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article 310-3, alinéa 2, du code civil que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder. 5. L'impossibilité matérielle de procéder à l'expertise, en raison, notamment, de l'impossibilité de localiser le père prétendu, peut constituer un tel motif légitime. 6. La cour d'appel ayant relevé que l'expertise serait vaine dès lors que l'adresse de M. W... était inconnue, ainsi que cela ressortait du procès-verbal de recherches infructueuses du 31 juillet 2018, elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme V... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme V... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté I... V... de sa demande ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la filiation de l'enfant, vu les articles 16-11, 321, 310-3 et 327 et suivants du code civil, sous réserve de la recevabilité de l'action, la filiation se prouve et se conteste par tous moyens ; que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; que les juges apprécient souverainement la valeur de présomption pouvant résulter du refus de se soumettre à un examen ordonné par eux, qu'en l'espèce, l'action en recherche de paternité introduite par la mère de l'enfant pendant la minorité de cette dernière est recevable ; qu'au soutien de ses prétentions, Mme I... V... fait valoir qu'elle déclare que M. Q... W... est « né le [...] à Lille » ; que, cependant l'article 1056 du code de procédure civile impose à toute décision devant être transcrite sur les actes d'état civil, notamment en cas de déclaration de paternité, qu'elle énonce tous les prénoms et nom des parties, le lieu où la transcription du jugement doit être faite et les dates des actes en marge desquels la mention doit être portée ; qu'outre le fait que Mme I... V... n'a pas actualisé la copie intégrale de l'acte de naissance d'Y... qui date du 26 novembre 2016 et qui a pu être reconnue dans l'intervalle par M. Q... W... ou un tiers, elle ne produit aucun document officiel (copie de carte d'identité ou de passeport, copie intégrale de l'acte de naissance) permettant de s'assurer des prénoms, nom, date et lieu de naissance (en ce compris le département du lieu de naissance) de M. Q... W... ; que si l'expertise est de droit en matière de filiation, celle-ci n'a pas pour objet de permettre l'introduction abusive ou avec légèreté blâmable d'une action en recherche de paternité sur la base des seules déclarations de la demanderesse ; qu'auquel cas, le législateur n'aurait pas encadré judiciairement les expertises génétiques en matière de filiation mais les aurait totalement libéralisées ; que par ailleurs, à supposer que la cour ordonne une expertise, celle-ci serait manifestement vaine dans la mesure où M. Q... W... n'a pas été assigné à sa personne et l'acte n'a pas été remis à un proche ayant connaissance de ses coordonnées et étant resté en contact avec celui-ci (cf. précisions de l'huissier de justice contenues dans le procès-verbal de recherches infructueuses du 31 juillet 2018) ; que sur le fond, il ne peut être tiré des conséquences d'un refus de se soumettre à l'expertise que si le défendeur a eu personnellement connaissance que celle-ci a été ordonnée à son égard ; qu'enfin, il ne peut être déduit du seul courrier, posté le 27 novembre 2015, signé de M. Q... W... que celui-ci reconnaîtrait expressément et sans ambiguïté sa paternité sur Y... ; que Mme I... V..., qui a introduit avec grande légèreté son action en recherche de paternité, sera déboutée de ses prétentions ; ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE, sur le fond, selon l'article 327 alinéa 2 du code civil, « la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée » ; que l'action en recherche de paternité nécessite d'agir contre une personne précisément identifiée par ses nom, prénoms, date et lieu de naissance ; qu'il est en effet nécessaire de connaître son identité complète lors de la procédure notamment pour permettre au défendeur de vérifier que l'action est bien dirigée contre lui et au besoin de se défendre, mais aussi pour s'assurer que l'expertise biologique éventuellement ordonnée est bien réalisée sur la personne du défendeur et enfin, pour ordonner judiciairement la filiation paternelle et son inscription sur l'acte de naissance de l'enfant ; que la simple identification du défendeur, qui n'a pas constitué avocat, par ses simples nom et prénom, ne permet pas d'écarter les risques liés à une homonymie et est insuffisante pour rechercher puis déclarer judiciairement la paternité ; qu'en conséquence, Mme I... V... sera déboutée de sa demande dirigée contre « Q... W... » sans précision de son identité complète, en particulier sa date de naissance et son lieu de naissance ; 1) ALORS QU'aucun texte ne subordonne le bien-fondé de l'action en recherche de paternité à la production de la copie intégrale de l'acte de naissance de l'enfant, actualisée au jour où le juge statue ; qu'en déboutant pourtant Mme V... de son action en recherche de paternité, aux motifs que la copie intégrale de l'acte de naissance de la jeune Y... V... qu'elle versait aux débats datait du 26 novembre 2016 et n'avait pas été actualisée depuis cette date, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge ne peut se prononcer par des motifs dubitatifs ou hypothétiques ; que pour débouter Mme V... de son action en recherche de paternité, la cour d'appel a retenu que, depuis le 26 novembre 2016, Mme V... n'avait pas actualisé la copie intégrale de l'acte de naissance de sa fille Y..., de sorte que cet enfant avait très bien « pu être reconnue dans l'intervalle par M. Q... W... ou un tiers » ; qu'en se prononçant ainsi, par un motif hypothétique relatif à l'existence d'un lien de filiation paternelle à l'égard de la jeune Y... V..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3) ALORS QU'aucun texte ne subordonne le succès de l'action en recherche de paternité à la production de documents officiels permettant de s'assurer de l'état civil du père présumé, lorsqu'il est défaillant à l'instance ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme V... de son action en recherche de paternité, aux motifs que cette action avait été introduite sur la base des seules déclarations de Mme V..., qui ne produisait aucun document officiel permettant de s'assurer des prénoms, nom, date et lieu de naissance de M W..., qui était défaillant à l'instance, la cour d'appel, qui a derechef ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil code ; 4) ALORS QUE le demandeur à l'action en recherche de paternité ne peut voir le succès de son action subordonné à la production de documents officiels, dont il n'est pas en possession et auxquels il n'a pas accès ; qu'en l'espèce, après avoir mis en oeuvre toutes les diligences raisonnablement possibles pour obtenir le plus d'informations possibles sur l'état civil du père présumé de son enfant, I... V... a engagé une action en recherche de paternité à l'encontre d'Q... W..., né le [...] à Lille, domicilié [...] ) ; qu'en déboutant Mme V... de son action, aux motifs qu'elle avait été introduite sur la base des seules déclarations de la requérante, qui ne produisait aucun document officiel permettant de s'assurer des prénoms, nom, date et lieu de naissance de M W..., qui était défaillant à l'instance, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5) ALORS QUE l'établissement judiciaire du lien de filiation ne peut dépendre de la production, par le demandeur à l'action en recherche de paternité, de documents officiels dont il n'est pas en possession et auxquels il n'a pas accès, permettant de justifier de l'état civil du père présumé, défaillant à l'instance ; qu'en l'espèce, après avoir mis en oeuvre toutes les diligences raisonnablement possibles pour obtenir le plus d'informations possibles sur l'état civil du père présumé de son enfant, I... V... a engagé une action en recherche de paternité à l'encontre d'Q... W..., né le [...] à Lille, domicilié [...] ), sans être en mesure de produire de document officiel pour en justifier ; qu'en déboutant Mme V... de son action en recherche de paternité, aux motifs qu'elle avait été introduite sur la base des seules déclarations de la requête, qui ne produisait aucun document officiel permettant de s'assurer des prénoms, nom, date et lieu de naissance de M W..., qui était défaillant à l'instance, la cour d'appel a violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6) ALORS QUE la mesure d'expertise biologique tendant à établir la paternité du défendeur n'est pas subordonnée à la délivrance d'une assignation à personne ; qu'au cas présent, en déboutant Mme V... de sa demande d'expertise biologique aux fins d'établir la paternité de M. W... sur sa fille Y... V..., aux motifs que cette expertise, si elle était ordonnée, serait manifestement vaine « dans la mesure où M. Q... W... n'a pas été assigné à sa personne et que l'acte n'a pas été remis à un proche ayant connaissance de ses coordonnées et étant resté en contact avec lui », la cour d'appel, qui a une nouvelle fois ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil ; 7) ALORS QUE la possibilité de tirer des conséquences d'un éventuel refus du défendeur à l'action en recherche de paternité, de se soumettre à l'expertise biologique qui a été ordonnée à son égard, n'est pas subordonnée au fait qu'il ait eu personnellement connaissance de ladite mesure d'expertise ordonnée contre lui ; qu'en l'espèce, en refusant d'ordonner l'expertise biologique sollicitée par Mme V... pour déterminer la paternité de M. W... sur sa fille mineure, aux motifs « qu'il ne peut être tiré des conséquences d'un refus de se soumettre à l'expertise que si le défendeur a eu personnellement connaissance que celle-ci a été ordonnée à son égard », la cour d'appel, qui a une fois encore ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé les articles 310-3 et 327 du code civil.
L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder. L'impossibilité matérielle de procéder à l'expertise, en raison, notamment, de l'impossibilité de localiser le père prétendu, peut constituer un tel motif légitime
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 764 F-P Pourvoi n° K 19-20.279 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 Mme L... W..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° K 19-20.279 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-3), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme S... D..., épouse U..., domiciliée [...] , 2°/ à M. Y... V..., domicilié [...] , 3°/ à Mme M... V..., domiciliée [...] , 4°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de Mme W..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme D..., de M. V... et de Mme V..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen,et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2019), Mme W..., née le [...] , a, par acte d'huissier de justice du 15 avril 2016, assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir établir, par la possession d'état, sa filiation paternelle à l'égard de Y... D..., décédé accidentellement le jour de sa naissance. Mme U..., soeur du défunt, ainsi que ses neveu et nièce, M. V... et Mme V..., sont intervenus volontairement à l'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en établissement de filiation paternelle par possession d'état, alors : « 1°/ que lorsque le demandeur ne connaît pas l'existence ou l'identité des personnes qui ont successivement qualité pour défendre à une action en reconnaissance d'un lien de filiation avant que n'expire le délai de prescription, il peut diriger son action contre celle qui, selon l'ordre fixé par l'article 328 du code civil, lui succède comme étant habilitée à défendre à l'action ; que l'assignation délivrée contre cette dernière interrompt alors le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'assignation en reconnaissance d'un lien de filiation par possession d'état à l'égard de Y... D... délivrée par Mme W... au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille n'avait pu interrompre le délai de prescription dès lors qu'elle aurait dû être dirigée contre les héritiers de Y... D... qui n'avaient pas renoncé à la succession ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Mme W... pouvait connaître ses héritiers au jour de son assignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 321, 328, 330, 2241 et 234 du code civil, 6 et 8 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe suivant lequel chacun a le droit de connaître ses origines ; 2°/ que l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si la prescription des actions relatives à la filiation est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique, l'application des règles procédurales selon lesquelles l'action doit être formée ne doit pas conduire à porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du demandeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, au regard des circonstances propres du litige et de la situation de Mme W..., si le fait que celle-ci ait assigné l'Etat au lieu des héritiers, alors que le premier était désigné par le texte comme étant un potentiel défendeur, justifiait qu'elle fût privée du droit de faire reconnaître sa filiation sans qu'il en résulte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article 330 du code civil, la possession d'état peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu. 4. Selon l'article 321 du même code, sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. À l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité. 5. L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, a, pour l'action en constatation de la possession d'état, substitué au délai de prescription trentenaire un délai de prescription décennale. 6. Selon l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 7. Il résulte de l'article 328, alinéa 3, du même code que l'action en recherche de paternité ou de maternité est exercée contre le parent prétendu ou ses héritiers et que ce n'est qu'à défaut d'héritiers, ou si ceux-ci ont renoncé à la succession, qu'elle est dirigée contre l'Etat. 8. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. 9. Ces dispositions sont applicables en l'espèce dès lors que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée. 10. Si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée, cette ingérence est, en droit interne, prévue par la loi, dès lors qu'elle résulte de l'application des textes précités du code civil, qui définissent de manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation, cette base légale étant accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets. 11. Elle poursuit un but légitime, au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique. 12. Les délais de prescription des actions aux fins d'établissement de la filiation paternelle ainsi fixés par la loi, qui laissent subsister un délai raisonnable pour permettre à l'enfant d'agir après sa majorité, constituent des mesures nécessaires pour parvenir au but poursuivi et adéquates au regard de cet objectif. 13. Cependant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu. 14. L'arrêt relève que Mme W... a mal dirigé ses demandes lorsqu'elle a assigné le procureur de la République le 15 avril 2016 et que cette assignation n'a pu interrompre, à l'égard des héritiers de Y... D..., le délai de prescription qui a expiré le 1er juillet 2016. Il ajoute qu'elle a bénéficié d'un délai de quarante-cinq années, dont vingt-sept à compter de sa majorité, pour exercer l'action en établissement de sa filiation paternelle. 15. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, déduire que le délai de prescription qui lui était opposé respectait un juste équilibre et qu'il ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. 16. Le moyen, irrecevable en sa première branche comme proposant une argumentation incompatible avec celle que Mme W... a développée devant la cour d'appel en soutenant avoir entretenu avec les héritiers de Y... D... des relations régulières pendant de nombreuses années, n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme W... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme W.... Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en établissement de filiation paternelle par possession d'état formée par Mme L... W... ; AUX MOTIFS QU'« en application de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, un nouveau délai de prescription décennale de l'action en constatation de la possession d'état a été substitué au délai de prescription trentenaire. Aux termes de l'article 321 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005, sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité. L'ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, stipule en son article 20 que "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, l'ordonnance est applicable aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur". L'article 2222 du code civil dispose : « La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. » Mme L... W... disposait sous l'empire de la loi ancienne d'un délai de trente ans à compter de sa majorité pour intenter une action en constatation de sa possession d'état à l'égard de son père Y... D..., et ce à compter de son décès soit le [...]. Ce délai expirait donc le 24 juillet 2019. En application de la loi nouvelle, l'appelante disposait d'un délai maximum de dix ans expirant au 1er juillet 2016. Son assignation a été délivrée dans les délais légaux le 15 avril 2016. L'article 328 du code civil dispose : « Le parent, même mineur, à l'égard duquel la filiation est établie a, pendant la minorité de l'enfant, seul qualité pour exercer l'action en recherche de maternité ou de paternité. Si aucun lien de filiation n'est établi ou si ce parent est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, l'action est intentée par le tuteur conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 408. L'action est exercée contre le parent prétendu ou ses héritiers. A défaut d'héritiers ou si ceux-ci ont renoncé à la succession, elle est dirigée contre l'Etat. Les héritiers renonçants sont appelés à la procédure pour y faire valoir leurs droits. » Aux termes de l'article 2241 du code civil : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. ». La demande en justice n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui est en train de prescrire. Ainsi, pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui qu'on veut empêcher de prescrire. Contrairement à ce que soutient L... W..., elle a engagé son action pour voir dire et juger que son acte de naissance mentionnera son lien de filiation avec Y... D.... Son action en établissement de filiation par la possession d'état est une action relative à la filiation et entre dans le champ d'application des dispositions précitées. L... W... a fait assigner monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille par exploit en date du 15 avril 2016 aux fins de voir constater sa possession d'état à l'égard de son père, M. Y... D... et la famille D.... A juste titre, les premiers juges ont estimé qu'alors qu'il existait des héritiers qui n'avaient pas renoncé à la succession de Y... D..., l'assignation délivrée à monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille le 15 avril 2016 et qui n'avait pas été adressée aux intimés n'avait pas interrompu le délai de prescription qui expirait le 1er juillet 2016. C'est aussi à juste titre que le tribunal de grande instance a rappelé que Madame W... avait bénéficié d'un délai de 45 années, dont 27 à compter de sa majorité, pour intenter l'action en établissement de sa filiation paternelle et qu'ainsi il ne saurait être considéré que les règles applicables à la prescription causent une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée, tel que consacré par l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui comprend non seulement comme le soutient l'appelante le droit de connaître son ascendance, mais également le droit à la connaissance juridique de sa filiation. Dans ces conditions, le jugement déféré qui déclare irrecevable l'action de L... W... sera confirmé » (arrêt p. 5 & 6) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 321 du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005 prévoit que sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par 10 ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité ; Que ce texte est entré en vigueur le 1er juillet 2006, de sorte que L... W... disposait d'un délai pour exercer l'action en établissement de sa filiation qui s'achevait le 1er juillet 2016 ; Attendu que l'article 328 du Code civil dispose en son alinéa 3 que l'action est exercée contre le parent prétendu ou ses héritiers. Â défaut d'héritiers ou s'ils ont renoncé à la succession, elle est dirigée contre l'Etat. Les héritiers renonçants sont appelés à la procédure pour y faire valoir leurs droits. Qu'il ressort de ces dispositions qu'en présence d'héritiers n'ayant pas renoncé à la succession de Y... D..., Madame W... a mal dirigé ses demandes lorsqu'elle a fait délivrer l'assignation au procureur de la République par exploit d'huissier du 15 avril 2016 ; Qu'une telle assignation n'a pu interrompre le délai de prescription à l'égard des héritiers de Y... D... qui s'est achevé le 1er juillet 2016, les dispositions de l'article 2241 du Code civil n'étant pas applicables au cas d'espèce ; Attendu que Madame W... a bénéficié d'un délai de 45 années, dont 27 à compter de sa majorité, pour intenter l'action en établissement de sa filiation paternelle ; qu'ainsi il ne saurait être considéré que les règles applicables à la prescription causent une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée tel que consacré par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer l'action de L... W... irrecevable en tant que prescrite à l'égard des héritiers de Y... D... et mal dirigée à l'égard du procureur de la République » ; 1°) ALORS QUE lorsque le demandeur ne connaît pas l'existence ou l'identité des personnes qui ont successivement qualité pour défendre à une action en reconnaissance d'un lien de filiation avant que n'expire le délai de prescription, il peut diriger son action contre celle qui, selon l'ordre fixé par l'article 328 du code civil, lui succède comme étant habilitée à défendre à l'action ; que l'assignation délivrée contre cette dernière interrompt alors le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'assignation en reconnaissance d'un lien de filiation par possession d'état à l'égard de M. D... délivrée par W... au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille n'avait pu interrompre le délai de prescription dès lors qu'elle aurait dû être dirigée contre les héritiers de M. D... qui n'avaient pas renoncé à la succession ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Mme W... pouvait connaître ses héritiers au jour de son assignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 321, 328, 330, 2241 et 2234 du code civil, 6 et 8 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du principe suivant lequel chacun a le droit de connaître ses origines ; 2°) ALORS QUE l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que si la prescription des actions relatives à la filiation est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique, l'application des règles procédurales selon lesquelles l'action doit être formée ne doit pas conduire à porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du demandeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, au regard des circonstances propres du litige et de la situation de Mme W..., si le fait que celle-ci ait assigné l'Etat au lieu des héritiers, alors que le premier était désigné par le texte comme étant un potentiel défendeur, justifiait qu'elle fût privée du droit de faire reconnaître sa filiation sans qu'il en résulte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme.
Une cour d'appel qui relève que la demanderesse à une action en établissement de sa filiation paternelle, par constatation de la possession d'état, a bénéficié d'un délai de quarante-cinq années, dont vingt-sept à compter de sa majorité, peut en déduire que le délai de prescription qui lui est opposé respecte un juste équilibre et qu'il ne porte pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 décembre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 912 FS-P+B+R+I Pourvoi n° R 20-10.122 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020 La société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), dont le siège est 66 rue de Sotteville, 76100 Rouen, a formé le pourvoi n° R 20-10.122 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société résidence Les Tilleuls, société à responsabilité limitée, dont le siège est lotissement les Tilleuls, 14470 Courseulles-sur-Mer, 2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est 313 terrasses de l'Arche, 92727 Nanterre cedex, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Matmut, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société résidence Les Tilleuls et de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, conseillers, Mme Collomp, MM. Béghin, Jariel, Mmes Schmitt, Aldgé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 novembre 2019), le 1er septembre 2008, Mme K... a conclu un contrat de séjour avec la société Résidence Les Tilleuls, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD). 2. Le 11 mai 2009, un incendie, dont l'origine est demeurée indéterminée, s'est déclaré dans la chambre occupée par Mme K.... 3. Par acte du 28 août 2012, la société Résidence Les Tilleuls et la société Axa France Iard, son assureur, subrogée dans ses droits, ont assigné la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (la Matmut), assureur de Mme K..., en réparation des dommages causés par le sinistre, sur le fondement de l'article 1733 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La Matmut fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « que le contrat de séjour par lequel un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) s'oblige à héberger une personne âgée et à lui fournir des prestations à caractère médical, de services et de soins n'est pas soumis aux règles relatives au louage de choses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les rapports entre la société Résidence Les Tilleuls et Mme K... étaient régis par un contrat de séjour à effet du 1er septembre 2008 et un règlement intérieur et qu'outre l'occupation de la chambre et les prestations à caractère médical, un certain nombre de prestations étaient également fournies par la première à la seconde moyennant un prix forfaitaire par jour ; qu'en affirmant néanmoins, pour faire application du régime de louage de chose s'agissant de la responsabilité du locataire en cas d'incendie, qu'« un EPHAD (...) consiste à la fois en une prestation d'hébergement relevant du contrat de louage et en prestations de services et de soins, nécessitant qu'il soit fait une application distributive de régimes différents, les obligations mises à la charge des parties coexistant dans la relation contractuelle », quand ce contrat de séjour, en raison des prestations à caractère médical, de services et soins qu'il prévoyait, n'était pas, fût-ce pour partie, soumis aux règles relatives au louage de choses, la cour d'appel a violé les articles 1709 et 1733 du code civil, ensemble les articles L. 342-1, L. 342-2 et D. 311 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article 1709 du code civil : 5. Aux termes de ce texte, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer. 6. Pour condamner la Matmut à garantir les conséquences du sinistre, l'arrêt retient qu'un EHPAD consiste à la fois en une prestation d'hébergement relevant du contrat de louage, ce que ne contredit nullement l'existence d'un règlement intérieur, ni la dénomination de contrat de séjour et en des prestations de services et de soins et que cette situation nécessite de faire une application distributive de régimes différents, de sorte que la présomption de responsabilité du locataire, prévue par l'article 1733 du code civil en cas d'incendie survenu dans les lieux donnés à bail, doit recevoir application. 7. En statuant ainsi, alors que le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ; Condamne la société Résidence Les Tilleuls et la société Axa France IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Matmut. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la Sarl Résidence Les Tilleuls et la Compagnie Axa France Iard recevables et fondées en leur demandes et, en conséquence, d'AVOIR condamné la Matmut à payer à la compagnie Axa France Iard subrogée dans les droits de son assurée la Sarl Résidence Les Tilleuls la somme totale de 1 710 930,95 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réclamation du 10 août 2010 et avec anatocisme, d'AVOIR condamné la Matmut à payer à la Sarl Résidence Les Tilleuls la somme de 542 108 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réclamation du 10 août 2010 et avec anatocisme ; AUX MOTIFS QUE pour rejeter les demandes indemnitaires présentées à la Matmut, prise en sa qualité d'assureur de Mme K..., le tribunal a considéré que résidente et maison de retraite étaient liées par un contrat « sui generis » non assimilable aux dispositions régissant les baux d'habitation dès lors que des services spécifiques étaient proposés aux pensionnaires, dont une prise en charge médicale et paramédicale régie par des dispositions propres issues du code de l'action sociale et des familles, et à un règlement intérieur privant le résident de la libre disposition de sa chambre, ajoutant que le contrat était du reste qualifié de contrat de séjour et non de contrat de louage de chose ; qu'il en a déduit que l'assurance souscrite auprès de la Matmut faisant référence à un contrat d'habitation et à la location d'un appartement, conforme au droit commun de l'article 1733 du code civil, ne pouvait trouver à s'appliquer ; qu'il n'a pas tiré de la clause faisant obligation au résident de souscrire une telle assurance, la conclusion que la commune intention des parties était bien, pourtant, de se soumettre à la présomption de responsabilité instaurée par l'article précité ; que la Matmut conclut à nouveau en cause d'appel que le contrat de séjour, soumis soit à un statut, soit à des dispositions exclusives de la qualification de louage de choses, au regard du caractère indéterminé de sa durée, du prix du séjour visé par voie réglementaire, du recouvrement des impayés et des modalités de résiliation, exclut la mobilisation de sa garantie souscrite par référence à un contrat de louage d'immeuble ; qu'il est constant que les rapports entre la Sarl Résidence Les Tilleuls et Mme K... sont fixés par un contrat de séjour d'une part, mis à exécution le 1er septembre 2008, et un règlement intérieur signé par la susnommée le 26 août (pièces 9 et 10 dossier appelants) ; que dans le premier, la Sarl Résidence Les Tilleuls s'engage à mettre à dispositions à usage exclusif de Mme K..., la chambre n° 126 située au premier étage de la maison de retraite, avec salle de bains et wc ; qu'un état des lieux a été dressé à l'entrée, Mme K... a acquitté le paiement d'un dépôt de garantie restituable ; qu'un certain nombre de prestations étaient également fournies par la Sarl Résidence Les Tilleuls, outre l'occupation de la chambre et les prestations à caractère médical, moyennant le paiement du prix forfaitaire de 75 euros par jour ; que la pensionnaire devait de son côté respecter un certain nombre d'obligations (page 8) et il lui était fait obligation, en particulier, de souscrire une assurance multirisques incendie ; que c'est dans ces conditions que le contrat d'assurance a été souscrit auprès de la Matmut (pièce 7), laquelle a remis l'attestation « contrat d'habitation » garantissant la responsabilité locative ou d'occupant de son assurée, avec la mention expresse du n° de la chambre concernée au sein de la maison de retraite ; qu'or il est constant que l'occupation contractuelle d'un bien immobilier moyennant une contrepartie financière, même à titre précaire, et quand bien même encore la contrepartie financière ne serait pas payée à titre de loyer, soumet l'occupant à la présomption de responsabilité en cas d'incendie prévue par l'article 1733 du code civil ; que la Matmut, qui a consenti à Mme K..., dont elle connaissait les conditions d'hébergement expressément rappelées au contrat, n'a manifestement pas contesté que les conditions de l'article 1709 du code civil relatives au contrat de louage dont les éléments constitutifs étaient réunis : mise à disposition d'un local avec droit de jouissance exclusif pour l'occupant, et rémunération de cette mise à disposition ; que le raisonnement tenu par la Matmut et repris par les premiers juges reviendrait au demeurant à priver de toute efficacité les assurances souscrites par les résidents, et dont la souscription constitue une condition d'admission ; que la Sarl Résidence Les Tilleuls se verrait ainsi systématiquement privée de toute possibilité d'indemnisation en cas d'incendie ayant pris naissance dans l'une des chambres occupées par les pensionnaires, pour quelque cause que ce soit, tandis que l'assuré aurait de son côté versé des cotisations non causées à l'assureur, en toute connaissance de cause par ce dernier ; que c'est dès lors à bon droit que les appelantes font grief au tribunal d'avoir voulu appréhender le lien contractuel unissant les pensionnaires et maison de retraite de manière globale ; qu'un EPHAD, défini comme un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ainsi qu'il résulte de son sigle, consiste en effet en une prestation d'hébergement relevant du contrat de louage ce que ne contredit nullement l'existence d'un règlement intérieur, à l'instar des règlements de copropriété, ni la dénomination « contrat de séjour » retenue en l'espèce, et en prestation de services et de soins, nécessitant qu'il soit fait une application distributive de régimes différents, les obligations mises à la charge des parties coexistant dans la relation contractuelle ; que la Sarl Résidence Les Tilleuls et son assureur sont donc fondées à revendiquer l'application du régime de louage de chose s'agissant de la responsabilité du locataire en cas d'incendie ; qu'or aux termes de l'article 1733 du code civil, le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que celui-ci est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ; que l'article 1734 énonce ensuite que, s'il y a plusieurs locataires, tous sont responsables de l'incendie, proportionnellement à la valeur locative de la partie de l'immeuble qu'ils occupent, à moins qu'ils ne prouvent que l'incendie a commencé dans l'habitation de l'un d'eux, auquel cas celui-là seul en est tenu, ou que quelques-uns prouvent que l'incendie n'a pu commencer chez eux, auquel cas ceux-là n'en sont pas tenus ; qu'il n'est pas contesté en l'espèce que si les causes exactes du départ de feu sont demeurées inconnues, celui-ci a eu lieu dans la chambre occupée par Mme K..., assurée auprès de la Matmut dont la garantie est donc mobilisable, en vertu des dispositions précitées ; que le jugement dont appel est infirmé ; 1) ALORS QUE le contrat de séjour par lequel un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) s'oblige à héberger une personne âgée et à lui fournir des prestations à caractère médical, de services et de soins n'est pas soumis aux règles relatives au louage de choses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les rapports entre la société Résidence Les Tilleuls et Mme K... étaient régis par un contrat de séjour à effet du 1er septembre 2008 et un règlement intérieur et qu'outre l'occupation de la chambre et les prestations à caractère médical, un certain nombre de prestations étaient également fournies par la première à la seconde moyennant un prix forfaitaire par jour ; qu'en affirmant néanmoins, pour faire application du régime de louage de chose s'agissant de la responsabilité du locataire en cas d'incendie, qu' « un EPHAD ( ) consiste à la fois en une prestation d'hébergement relevant du contrat de louage et en prestations de services et de soins, nécessitant qu'il soit fait une application distributive de régimes différents, les obligations mises à la charge des parties coexistant dans la relation contractuelle », quand ce contrat de séjour, en raison des prestations à caractère médical, de services et soins qu'il prévoyait, n'était pas, fût-ce pour partie, soumis aux règles relatives au louage de choses, la cour d'appel a violé les articles 1709 et 1733 du code civil, ensemble les articles L. 342-1, L. 342-2 et D. 311 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable en la cause ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le résident d'un EPHAD qui bénéficie des nombreuses prestations que l'établissement effectue dans sa chambre, ne répond que de l'incendie qui trouve sa cause dans la prestation d'hébergement dont il bénéficie ; qu'en se bornant à affirmer, pour faire application du régime de louage de chose s'agissant de la responsabilité du locataire en cas d'incendie, qu'« un EPHAD ( ) consiste à la fois en une prestation d'hébergement relevant du contrat de louage et en prestations de services et de soins, nécessitant qu'il soit fait une application distributive de régimes différents, les obligations mises à la charge des parties coexistant dans la relation contractuelle », sans constater que la cause de l'incendie découlait exclusivement de la prestation d'hébergement dont bénéficiait la résidente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1709 et 1733 du code civil ; 3) ALORS QUE le contrat de bail implique que le bailleur s'oblige à assurer au locataire la jouissance paisible de la chose louée, de manière que ce dernier en ait la maîtrise en toute indépendance ; qu'en affirmant, pour faire application du régime de louage de chose s'agissant de la responsabilité du locataire en cas d'incendie, que l'occupation contractuelle d'un bien immobilier moyennant une contrepartie financière, même à titre précaire, et quand bien même la contrepartie ne serait pas payée à titre de loyer, soumet l'occupant à la présomption de responsabilité en cas d'incendie prévue par l'article 1733 du code civil et qu'en l'espèce, les éléments constitutifs du contrat de louage étaient réunis, à savoir : mise à disposition d'un local avec droit de jouissance exclusif pour l'occupant, et rémunération de cette mise à disposition, ce qui n'est pas contredit par l'existence d'un règlement intérieur à l'instar des règlements de copropriété, sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, si la résidente bénéficiait de la disposition libre et totale de la chambre, au regard des règles du règlement intérieur établi par l'établissement et du fait que sa chambre, en cas d'absence pour convenance personnelle ou pour hospitalisation, lui était réservée pendant 35 jours seulement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1709, 1719, 3° et 1733 du code civil ; 4) ALORS QUE le contenu du contrat est déterminé en considération de la commune intention des parties ; que, par suite, les conditions auxquelles un tiers garantit la responsabilité de l'une de ces parties est sans incidence sur sa qualification ; qu'en énonçant néanmoins, pour affirmer qu'il n'y avait pas lieu d'appréhender le lien contractuel unissant pensionnaire et maison de retraite de manière globale, que la Matmut, qui connaissait les conditions d'hébergement de la résidente expressément rappelées au contrat, n'a manifestement pas contesté que les conditions de l'article 1709 du code civil relatives au contrat de louage étaient réunies et que le raisonnement de l'assureur reviendrait à priver de toute efficacité les assurances souscrites par les résidents tandis que la société Résidence Les Tilleuls se verrait ainsi systématiquement privée de toute possibilité d'indemnisation en cas d'incendie ayant pris naissance dans l'une des chambres occupées par les pensionnaires, la cour d'appel, qui a qualifié juridiquement le contrat de séjour conclu entre l'EPHAD et la résidente par ces motifs étrangers à la recherche de la commune intention des parties à ce contrat, a violé les articles 1134 devenu 1103 et 1156 devenu 118 du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile. LE GREFFIER DE CHAMBRE
Le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de choses. Il en résulte que la présomption de responsabilité du locataire en cas d'incendie, prévue par l'article 1733 du code civil, n'est pas applicable
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 décembre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 913 FS-P+B+R+I Pourvoi n° Y 19-19.670 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020 La société Pacifica, dont le siège est 8-10 boulevard de Vaugirard, 75724 Paris cedex 15, a formé le pourvoi n° Y 19-19.670 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à l'association de résidences foyers, dont le siège est 182 avenue d'Epernay, 51100 Reims, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de l'association de résidences foyers, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, conseillers, Mme Collomp, MM. Béghin, Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 30 avril 2019), le 14 juin 2007, l'association de résidences foyers (l'Arfo), qui gère des logements pour les personnes retraitées, a conclu avec B... C... un contrat de séjour portant sur la mise à disposition d'un appartement et de services annexes. 2. Le 9 juillet 2011, un incendie, survenu dans ce logement, s'est propagé à d'autres appartements et aux parties communes de l'immeuble et a causé le décès de B... C.... 3. Soutenant que l'occupante des lieux était responsable du sinistre sur le fondement de l'article 1733 du code civil, l'Arfo a assigné l'assureur de celle-ci, la société Pacifica, en indemnisation de son préjudice. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société Pacifica fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « que le contrat de séjour par lequel une maison de retraite s'oblige à héberger une personne âgée et à fournir des prestations hôtelières, sociales et médicales n'est pas soumis aux règles du code civil relatives au louage de choses ; qu'en décidant que le contrat de séjour conclu entre Mme B... C... et l'Association de Résidences Foyers était un contrat de louage d'immeuble et en appliquant par suite la présomption de responsabilité établie par l'article 1733 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application et l'article 1709 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1709 du code civil : 5. Aux termes de ce texte, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer. 6. Pour condamner la société Pacifica à réparer le dommage, l'arrêt retient que le contrat a pour objet principal de mettre à la disposition de l'occupante un logement et une cave à titre exclusif en contrepartie d'une redevance couvrant le loyer et les charges de chauffage, d'eau et d'électricité et que les prestations complémentaires portant sur le service des repas, le dispositif d'alarme et les animations sont facultatives et ne présentent qu'un caractère accessoire, de sorte que ce contrat de séjour est assimilable à un bail et que l'occupant des lieux est présumé responsable de l'incendie par application de l'article 1733 du code civil. 7. En statuant ainsi, alors que le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Reims ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne l'association de résidences foyers aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Pacifica. Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la Compagnie Pacifica à payer à l'Association de Résidences Foyers (ARFO) la somme de 27 157,41 euros en réparation de son préjudice, outre des frais irrépétibles ; Aux motifs que l'article 1733 du code civil dispose que le preneur répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ; que les appelants considèrent que le contrat qui liait l'ARFO à B... C... n'était pas un contrat de location, mais un contrat de séjour, lequel se caractérise par le fait qu'outre l'hébergement, il est proposé au résident un système d'alarme, de la restauration et des animations ; que toutefois, ce contrat avait bien pour objet de mettre à la disposition de B... C... un appartement à titre de résidence principale, ainsi qu'une cave, le tout à titre privatif, en contrepartie de quoi elle était redevable d'une redevance mensuelle couvrant le loyer, le chauffage, l'eau et l'électricité ; qu'il est d'ailleurs significatif que la convention signée entre l'ARFO et B... C... emploie le mot de « loyer » ; que les prestations complémentaires portant sur le service des repas ou le dispositif d'alarme (et à plus forte raison les animations) étaient facultatives et n'avaient qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet principal de la convention qui était le fourniture d'un logement en contrepartie d'un loyer ; que dès lors, la convention portant à titre principal sur la fourniture d'un logement en contrepartie du paiement d'un « loyer » et des charges est assimilable à un contrat de bail et il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article 1733 précité ; que cet article du code civil crée une présomption de responsabilité du locataire ou de l'occupant en cas d'incendie, sauf pour lui à prouver le cas fortuit ou la force majeure, ou un vice de construction, ou encore que le feu a été communiqué par une maison voisine ; que les appelants, qui se bornent à soutenir que la cause de l'incendie n'est pas établie de façon certaine, n'invoquent aucune de ces circonstances pour voir écarter la présomption de responsabilité qui pèse sur l'occupante, B... C... ; que par conséquent, par l'effet de la présomption établie par l'article 1733, le responsabilité de B... C... est pleinement engagée et, subséquemment, la garantie de ses ayants droit et de son assureur est également engagée ; Alors 1°) que le contrat de séjour par lequel une maison de retraite s'oblige à héberger une personne âgée et à fournir des prestations hôtelières, sociales et médicales n'est pas soumis aux règles du code civil relatives au louage de choses ; qu'en décidant que le contrat de séjour conclu entre Mme B... C... et l'Association de Résidences Foyers était un contrat de louage d'immeuble et en appliquant par suite la présomption de responsabilité établie par l'article 1733 du code civil, la cour d'appel a violé par fausse application ce texte et l'article 1709 du code civil ; Alors 2°) et en tout état de cause, qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; que la cour d'appel a énoncé que le contrat avait pour objet de mettre à la disposition de B... C... un appartement à titre de résidence principale, une cave, à titre privatif, en contrepartie d'une redevance mensuelle couvrant le loyer, le chauffage, l'eau et l'électricité, que les prestations complémentaires portant sur le service des repas ou le dispositif d'alarme (et à plus forte raison les animations) étaient facultatives et étaient accessoires par rapport à l'objet principal de la convention, la fourniture d'un logement en contrepartie d'un loyer, de sorte que la convention était assimilable à un contrat de bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le contrat de séjour clair et précis dont elle n'a pas cité tous les termes, qui précisait avoir été conclu conformément « à la loi du 2 janvier 2002, rénovant l'action sociale et médico-sociale, articles L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles, au décret n° 2004-1274 du 26 novembre 2004, relatif au contrat de séjour ou document individuel de prise en charge » et avoir pour objet « de définir les objectifs d'accompagnement, les conditions de séjour et d'accueil, ainsi que les conditions de facturation ou de participation financière du résident » (art. 1), avec pour « objectifs généraux » d'offrir « des appartements réservés aux personnes âgées, seules, ou en couple, capables de vivre de façon autonome dans un logement indépendant, mais ayant besoin occasionnellement d'être aidées », que l'ARFO avait pour objectif « d'accompagner le résident dans le respect de son autonomie et en vue de son bienêtre », « que l'équipe qui encadre le résident a pour mission de promouvoir l'autonomie par des actions dynamiques » et de « veiller à la coordination des services proposés », qu'« une rencontre sera organisée chaque année, entre les personnes présentes au moment de l'élaboration du contrat. L'objectif sera de vérifier la bonne adéquation des prestations fournies vis-à-vis de la situation du résident, une réactualisation pourra ainsi être réalisée », qui comportait une « Description des prestations ( ) assurées, dès l'admission, par les responsables de la résidence, les hôte(sses) aide à vivre, les agents d'entretien et agents relais » comprenant 1°) un logement, 2°) un système d'alarme qui « permet au résident d'appeler, en cas de nécessité 24h/24 et 7 jours /7, le personnel de garde », 3°) la restauration (« l'ARFO propose des repas suivant différentes modalités »), 4°) la coordination (« le personnel coordonnera la mise en place de services d'aide extérieure, utiles au bien-être et au confort du résident »), et 5°) l'animation (« le résident peut profiter dans la résidence, d'une salle commune, dans lequel se trouvent jeux de sociétés, une télévision, une bibliothèque Des activités socioculturelles sont organisées ») ; que la cour d'appel, qui n'a pas pris en compte l'ensemble des clauses du contrats, a dénaturé par omission le contrat de séjour du 14 juin 2007 et a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.
Le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de choses. Il en résulte que la présomption de responsabilité du locataire en cas d'incendie, prévue par l'article 1733 du code civil, n'est pas applicable
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 décembre 2020 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 925 F-P+B+I Pourvoi n° U 19-23.990 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020 Le groupement forestier de la Grande Lande, dont le siège est 19 cours de Verdun, 33000 Bordeaux, a formé le pourvoi n° U 19-23.990 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 (chambre sociale) par la cour d'appel de Pau, dans le litige l'opposant à M. E... F..., domicilié 41 avenue du général Leclerc, 33110 Le Bouscat, défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du groupement forestier de la Grande Lande, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. F..., après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 septembre 2019), par acte du 26 décembre 2005, le groupement forestier de la Grande Lande a délivré à Mme F..., preneur à bail de terres dont il est propriétaire, un congé pour cause d'âge de la retraite à effet au 31 décembre 2007. 2. Mme F... et son fils E... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession du bail et indemnisation. 3. Un arrêt du 30 avril 2014, irrévocable de ce chef, a autorisé la cession du bail. 4. Par requête du 22 août 2017, le groupement forestier a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail cédé à M. F... et expulsion. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le groupement forestier de la Grande Lande fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résiliation du bail rural et d'expulsion des terres, alors « que, dès l'obtention de l'autorisation judiciaire de cession du bail par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, le bénéficiaire de la cession doit se consacrer à l'exploitation du bien en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de résiliation du bail pour cession prohibée, que le groupement forestier de la Grande Lande ne peut reprocher à M. F... de ne pas avoir débuté l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l'arrêt de la cour d'appel de Pau ayant autorisé la cession, dès lors que cet arrêt avait fait l'objet d'un pourvoi et que le projet que M. F... voulait mettre en oeuvre ne pouvait se fonder que sur une cession définitive qui n'est intervenue que le 8 octobre 2015 lorsque la Cour de cassation a validé la cession litigieuse, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 500 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime et 500 du code de procédure civile : 6. Il résulte du premier de ces textes que le cessionnaire du bail doit, comme tout repreneur, se consacrer immédiatement à l'exploitation du bien et participer aux travaux sur les lieux de façon effective et permanente. 7. Selon le second, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. 8. Pour rejeter la demande de résiliation formée par le groupement bailleur, l'arrêt retient que celui-ci ne peut pas utilement reprocher à M. F... de ne pas s'être personnellement consacré à l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l'arrêt autorisant la cession du bail à son profit, dès lors qu'un pourvoi avait été formé à l'encontre de cette décision et que, même si celui-ci n'avait aucun effet suspensif, la cession définitive n'est intervenue que le 8 octobre 2015, lorsque la Cour de cassation a validé la cession. 9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier l'abstention d'exploiter du preneur postérieure au 30 avril 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. F... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. F... et le condamne à payer au groupement forestier de la Grande Lande la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour le groupement forestier de la Grande Lande. Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté le Groupement Forestier de la Grande Lande de sa demande de résiliation du bail rural et d'expulsion des terres litigieuses, AUX MOTIFS QUE « En application des articles * L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime pris dans sa rédaction applicable au litige : "I – Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants : 2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ; II-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants : 1° Toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ; Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l'inexécution du bail" * L. 411-35 dudit code pris dans leur rédaction applicable au litige : "Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire..." Constituent des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, le fait pour le preneur notamment : - d'avoir cessé de travailler personnellement sur les lieux loués pour exercer une autre activité, - d'être éloigné des biens en fermage de telle sorte qu'il n'est pas en mesure d'apporter à la culture les soins appropriés et la surveillance utile. Il appartient au bailleur de démontrer les manquements du preneur. En l'espèce, le GROUPEMENT FORESTIER DE LA GRANDE LANDE soutient : - que Monsieur E... F... n'a pas exploité les terres louées dès que la cession a été autorisée, soit le 30 avril 2014, date de l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Pau, confirmant le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux qui avait autorisé la cession du bail litigieuse, - qu'il n'a débuté ladite exploitation qu'à compter du 1er janvier 2016, - qu'en tout état de cause, même à partir de cette date, le preneur n'a pas exploité et n'exploite toujours pas effectivement et personnellement les terres objet du bail rural dans la mesure où il exerce une profession qui l'emploie à plein temps et qui l'amène soit à être dans les avions, soit à travailler à Madrid, en tout cas à une distance telle du siège de l'exploitation qu'il ne peut cultiver effectivement et personnellement les parcelles, - que l'absence de salariés dans l'entreprise ne fait que le confirmer. A l'appui de ses allégations, le bailleur verse aux débats le profil Linkedin du preneur qui selon lui démontre que l'exploitation est assurée par un tiers et que Monsieur F... a cédé le bail en contravention de l'article L. 411-35 dans la mesure où : - de juin 2008 à janvier 2012, il a été directeur de la société Grand Marnier pour l'Amérique latine, ce qui au demeurant a été confirmé par l'intéressé lui-même dans ses conclusions du 8 novembre 2012 - pièce 25, page 3 du dossier du bailleur - alors qu'il l'avait constamment nié jusque-là, - de février 2012 à mars 2016, il a été International Director du groupe Osborne, exerçant ses fonctions depuis Madrid, - de mars 2016 à août 2017, il a exercé toujours depuis Madrid des fonctions de Managing Director du groupe alimentaire Citrus, - depuis août 2017, il exerce des fonctions de directeur export pour la société Advini, entre Madrid et Bordeaux. Cependant, ces pièces et explications associées aux éléments que le preneur verse lui-même sont totalement insuffisants pour démontrer de façon pertinente que le preneur n'exploite pas personnellement et effectivement les parcelles affermées. En effet, comme l'a relevé de façon très juste le premier juge : - le profil Linkedin du preneur démontre seulement qu'il exerce une activité de directeur export au sein d'une société dénommée ADVINI, situé tantôt à Madrid tantôt à Bordeaux sans qu'aucun élément ne permette de déterminer s'il s'agit d'une activité à temps plein ou à temps partiel ; - la fiche de l'entreprise litigieuse établit quant à elle qu'il exerce également une activité agricole, sans prouver pour autant qu'il n'exploiterait pas effectivement et personnellement les biens objet du bail. D'autre part, les procès-verbaux de constat dressés par Maître W..., huissier de justice à Morcenx les 03 novembre 2017 - pièce n°20 du dossier du preneur - 14 novembre 2017 - pièce n°21 du dossier du preneur et 26 février 2019 - pièce n°22 du dossier du preneur établissent que le preneur est sur l'exploitation au moment de la récolte du maïs, du "déchaumage" sur la culture du maïs, - c'est-à-dire l'enfouissement des chaumes et restes de paille afin de favoriser leur décomposition - et de l'entretien des installations. L'existence de cette présence régulière est confortée par les attestations de : - Monsieur TILHET-PRAT, conseiller agricole de la coopérative agricole EURALIS - pièce n° 23 du dossier du preneur ; - Monsieur J... U... , entrepreneur de travaux agricoles, intervenant sur les parcelles voisines - pièce n° 24 du dossier du preneur ; - Monsieur D... S..., agriculteur en retraite, toujours en relation avec Monsieur F... - pièce n° 25 du dossier du preneur ; qui toutes témoignent dans des termes différents et très circonstanciés de la participation toujours très active du preneur sur les lieux loués, aux travaux durant les moments clés de l'année culturale : préparation des parcelles en vue des semailles, semailles et moissons. De même, les déclarations préalables à l'embauche effectuées auprès de la Mutualité Sociale Agricole, notamment de : - Monsieur T..., le 30 octobre 2017, pour les travaux de récolte – pièce n° 26 du dossier du preneur ; - Monsieur I..., le 30 octobre 2017 pour les travaux de récolte – pièce n° 27 du même dossier ; - Monsieur B..., le 27 juin 2018 pour la mise en route de l'irrigation - pièce n° 28 du même dossier ; - Monsieur K..., le 16 octobre 2018 pour les travaux de récoltes de maïs 2018 - pièce n°29 du dossier du preneur ; - Monsieur V..., le 12 novembre 2018 pour les travaux de déchaumage - pièce n° 30 du dossier du preneur ; établissent contrairement à ce que soutient le GFL que Monsieur F... emploie de la main-d'oeuvre pour l'aider dans les travaux culturaux quand ceci est nécessaire. Enfin, le GFL ne peut pas utilement reprocher à Monsieur F... de ne pas avoir débuté l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014 dans la mesure où d'une part, il était nécessaire que la précédente locataire achève son année culturale, que d'autre part, l'arrêt du 30 avril 2014 ayant validé la cession du bail à son profit a été immédiatement frappé d'un pourvoi formé par le GFL et que de ce fait l'autorisation de cession ne présentait aucun caractère définitif. En effet, même si le pourvoi n'avait aucun effet suspensif, le projet que Monsieur F... voulait mettre en oeuvre qui était de grande envergure et nécessitait la mobilisation de fonds importants, ne pouvait se fonder que sur une cession définitive qui n'est intervenue que le 8 octobre 2015 lorsque la Cour de cassation a validé la cession litigieuse. En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments que : - le bailleur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une cession irrégulière du bail, - Monsieur E... F... participe effectivement aux travaux d'exploitation et dispose de la main-d'oeuvre utile pour l'aider à exploiter les parcelles litigieuses. Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qui ce qu'il a débouté le GROUPEMENT, bailleur, de l'intégralité de ses demandes. » (arrêt, p. 5, in fine, à p. 8, al. 6) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Attendu qu'en application du paragraphe I-2° de l'article L.411-31 du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation et, en application du paragraphe II-1° du même article, s'il justifie que le preneur contrevient aux dispositions du premier alinéa de l'article L.411-35 du même code interdisant toute cession de bail sauf si elle est consentie, avec son agrément, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés ; Attendu que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA GRANDE LANDE sollicite la résiliation du bail en certifiant que Monsieur E... F... n'exploite pas effectivement et personnellement les terres objet du bail rural qui lui a été cédé par sa mère ; qu'il lui appartient dès lors de prouver, en vertu des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, les faits nécessaires au succès de sa prétention ; Attendu qu'il produit plusieurs pièces, en l'occurrence le courrier rédigé le 28 janvier 2008 par Madame Q... F... dans le cadre de la demande d'autorisation d'exploiter, la fiche dans laquelle la même refuse de céder à Monsieur R..., le courrier adressé par Monsieur E... F... à la CDEA le 10 mars 2008, ses conclusions des 8 novembre 2012, 14 mars 2013 et 27 mai 2016, son profil LINKEDIN et la fiche de son entreprise, qui démontreraient non seulement que Monsieur E... F... a menti en affirmant qu'il exploitait personnellement et effectivement, ce qui lui a permis d'obtenir l'autorisation administrative d'exploiter dont il avait besoin, mais encore qu'il exerce toujours des fonctions de directeur export à temps plein qui y sont dirimantes ; Attendu que la plupart des pièces précitées, désormais anciennes, ont conduit les juges intervenant dans le précédent litige à les considérer insuffisantes pour démontrer que Monsieur E... F... n'exploiterait pas les terres objet de la cession de bail rural dans les conditions légales; qu'aujourd'hui, elles n'ont pas davantage de force probante ; que son profil Linkedin démontre seulement que Monsieur E... F... exerce une activité de directeur export au sein d'une société dénommée AD'VINI, qu'il situe tantôt à Madrid tantôt à Bordeaux, sans qu'aucun élément permette de déterminer s'il s'agit d'une activité à temps plein ou à temps partiel ; que la fiche de son entreprise établit quant à elle qu'il exerce également une activité agricole, sans prouver pour autant qu'il n'exploiterait pas effectivement et personnellement les biens objet du bail ; Attendu, en revanche, que le dossier établit la compétence de Monsieur E... F... dans le domaine agricole puisqu'il démontre qu'il est titulaire depuis le 4 juillet 2007 du brevet professionnel, option responsable d'exploitation agricole, et que le directeur de la MSA Sud Aquitaine atteste, dans un écrit du 24 mars 2016, son affiliation en cette qualité de chef d'exploitation depuis le 1er janvier 2016 mais également qu'il exerce cette activité à titre principal sur une superficie de 120,9858 hectares ; Que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA GRANDE LANDE sera donc débouté de sa demande de résiliation du bail rural et de toutes ses autres demandes. » (jugement, p. 4, Sur la demande de résiliation du bail, à p. 6, al. 3) ; 1°) ALORS QUE dès l'obtention de l'autorisation judiciaire de cession du bail par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, le bénéficiaire de la cession doit se consacrer à l'exploitation du bien en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de résiliation du bail pour cession prohibée, que le groupement forestier de la Grande Lande ne peut reprocher à M. F... de ne pas avoir débuté l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l'arrêt de la cour d'appel de Pau ayant autorisé la cession, dès lors que cet arrêt avait fait l'objet d'un pourvoi et que le projet que M. F... voulait mettre en oeuvre ne pouvait se fonder que sur une cession définitive qui n'est intervenue que le 8 octobre 2015 lorsque la Cour de cassation a validé la cession litigieuse, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 500 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité et que les juges ne peuvent statuer par voie de simples affirmations ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer qu'il ne pouvait être reproché un défaut d'exploitation à M. F... avant le 8 octobre 2015, que le projet qu'il voulait mettre en oeuvre était de grande envergure et nécessitait la mobilisation de fonds importants de sorte qu'il ne pouvait se fonder que sur une cession définitive, sans préciser sur quelle pièce elle se fondait pour procéder à de telles affirmations, quand M. F... ne produisait lui-même aucune pièce sur la nature de son projet et se bornait à affirmer qu'il souhaitait mettre en oeuvre « un projet entrepreneurial », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les pièces claires et précises régulièrement produites aux débats ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le profil Linkedin du preneur démontre seulement qu'il exerce une activité de directeur export au sein d'une société dénommée ADVINI, tantôt à Madrid tantôt à Bordeaux, quand il ressortait de ce profil que de février 2012 à août 2017, M. F... habitait et travaillait à Madrid en tant que Directeur International du groupe Osborne puis Managing Director du groupe alimentaire Citrus et qu'il n'avait travaillé pour la société ADVINI qu'à compter du mois d'août 2017, la cour d'appel a dénaturé le profil Linkedin de M. F... et violé le principe de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 4°) ALORS QUE les manquements du preneur doivent être appréciés au jour de la demande en résiliation, peu important que le preneur ait remédié à ces manquements après l'introduction de l'instance ; qu'en se fondant, pour retenir que M. F... exploitait personnellement et effectivement les terres, sur des procès-verbaux de constat des 3 novembre 2017, 14 novembre 2017 et 26 février 2019, établissant à ces dates sa présence sur les terres, sur des déclarations préalables à l'embauche effectuées auprès de la Mutualité Sociale Agricole datées des 30 octobre 2017, 27 juin 2018, 16 octobre 2018 et 12 novembre 2018, établissant l'emploi de main d'oeuvre pour l'aider dans les travaux culturaux, tout en relevant que la demande de résiliation des baux litigieux pour cession prohibée datait du 23 août 2017 (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 9), la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ; 5°) ALORS QUE le bénéficiaire de la cession doit exploiter personnellement et effectivement les biens dès l'autorisation judiciaire de cession obtenue ; qu'en retenant que la présence régulière de M. F... sur l'exploitation était confortée par les attestations de MM. G..., J... U... et D... S... sans préciser à quelle date ou à partir de quelle date celle-ci aurait été constatée, ni préciser si ces témoins auraient attesté de la participation du cessionnaire à l'exploitation des terres dès le 30 avril 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; 6°) ALORS QUE la seule immatriculation aux organismes de mutualité sociale agricole ne peut suffire à établir une participation directe et effective à l'exploitation ; qu'en se fondant, pour estimer que M. F... exploitait personnellement et effectivement les terres litigieuses, sur un écrit du 24 mars 2016 du directeur de la MSA Sud Aquitaine attestant de l'affiliation de ce dernier en qualité de chef d'exploitation depuis le 1er janvier 2016 mais également de ce qu'il exerce cette activité à titre principal sur une superficie de 120,9858 hectares, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.
Il résulte de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime que le cessionnaire du bail doit, comme tout repreneur, se consacrer immédiatement à l'exploitation du bien et participer aux travaux sur les lieux de façon effective et permanente. Selon l'article 500 du code de procédure civile, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Viole ces textes, en statuant par des motifs impropres à justifier l'abstention d'exploiter du preneur postérieure à la date de l'arrêt autorisant la cession à son profit, la cour d'appel qui, pour rejeter une demande de résiliation, retient que le bailleur ne peut pas utilement reprocher au cessionnaire de ne pas s'être personnellement consacré à l'exploitation des parcelles louées dès la date de cet arrêt, dès lors qu'un pourvoi a été formé et que, même si celui-ci n'a aucun effet suspensif, la cession définitive n'est intervenue que lorsque la Cour de cassation a validé cette cession
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 décembre 2020 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 967 FS-P+B+I Pourvois n° Q 19-17.868 P 19-20.259 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020 I. 1°/ La société Rivière Borgia Morlon et associés, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , représentée par M. L... U..., domiciliée [...] , en qualité de liquidateur amiable, 2°/ La société Mutuelles du Mans assurances, société anonyme, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° Q 19-17.868 contre un arrêt rendu le 25 avril 2019 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre, section A), dans le litige les opposant : 1°/ à M. P... OI... , 2°/ à Mme M... C..., épouse OI... , domiciliés [...] , 3°/ à M. J... Y..., 4°/ à Mme V... T..., épouse Y..., domiciliés [...] , 5°/ à M. K... E..., 6°/ à Mme O... I..., épouse E..., domiciliés [...] , 7°/ à M. Q... X..., domicilié [...] , 8°/ à M. D... N..., 9°/ à Mme H... G..., épouse N..., domiciliés [...] , 10°/ à M. S... F..., domicilié [...] ), 11°/ à M. B... R..., domicilié [...] , 12°/ à M. W... A..., domicilié [...] , 13°/ à M. DP... RE..., 14°/ à Mme NZ... EU..., épouse RE..., domiciliés [...] , 15°/ à Mme CV... KW..., domiciliée [...] , 16°/ à l'association Foncière urbaine libre du [...] , dont le siège est [...] , 17°/ à M. HW... AI..., domicilié [...] , 18°/ à M. JN... NW..., domicilié [...] , pris ès qualités de mandataire liquidateur de la société Archi Sud bâtiment, 19°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] , 20°/ à l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux, dont le siège est [...] , 21°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , 22°/ à la société Mandon, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , aux droits de laquelle vient la société Ekip, en qualité de liquidateur de la société Arch'Imhotep, 23°/ à M. JP... OU..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de M. MX..., exerçant sous l'enseigne Office central de location, 24°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [...] , 25°/ à la société Allianz, société anonyme, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. II. 1°/ L'association Foncière urbaine libre du [...] , 2°/ M. P... OI... , 3°/ Mme M... C..., épouse OI... , 4°/ M. J... Y..., 5°/ Mme V... T..., épouse Y..., 6°/ M. Q... X..., domicilié [...] , 7°/ M. D... N..., 8°/ Mme H... G..., épouse N..., 9°/ M. S... F..., 10°/ M. B... R..., 11°/ M. W... A..., 12°/ M. DP... RE..., 13°/ Mme NZ... EU..., épouse RE..., 14°/ Mme CV... KW..., ont formé le pourvoi n° P 19-20.259 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant : 1°/ à M. HW... AI..., 2°/ à M. JN... NW... ès qualités, 3°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), 4°/ à l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux, 5°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, 6°/ à la société Ekip, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, aux droits de la société Christophe Mandon, en qualité de liquidateur de la société Arch'Imhotep, 7°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, 8°/ à la société BRMJ, représentée par M. JP... OU..., en qualité de liquidateur judiciaire de M. MX... J-M, exerçant sous l'enseigne Office central de location, 9°/ à la société Mutuelle des architectes français, 10°/ à la société Allianz, société anonyme, 11°/ à La société Rivière Borgia Morlon et associés, prise en la personne de M. U..., ès qualités, 12°/ à M. K... E..., 13°/ à Mme O... I..., épouse E..., défendeurs à la cassation. Les demanderesses au pourvoi n° Q 19-17.868 invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi n° P 19-20.259 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Rivière Borgia Morlon et associés, prise en la personne de M. U..., ès qualités, et de la société Mutuelles du Mans assurances, de la SCP Alain Bénabent, avocat de l'association Foncière urbaine libre du [...] , de M. et Mme OI... , M. et Mme Y..., M. X... , M. et Mme N..., de MM. F..., R..., A..., M. et Mme RE... et de Mme KW..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz, de la SCP Boulloche, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, de Me Le Prado, avocat de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Greff-Bohnert, Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-20.259 et Q 19-17.868 sont joints. Désistements partiels 2. Il est donné acte à M. et Mme OI... , M. et Mme Y..., M. X..., M. et Mme N..., M. F..., M. R..., M. A..., M. et Mme RE... et Mme KW... du désistement de leur pourvoi. 3. Il est donné acte à la SCP d'avocats U..., Borgia, U..., Morlon et associés, prise en la personne de M. U..., ès qualités,(la SCP) et à la société Mutuelles du Mans assurances (la MMA) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est formé contre l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux. Faits et procédure 4. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 avril 2019), le 9 décembre 2003, les copropriétaires d'un immeuble ont constitué une association foncière urbaine libre (AFUL) en vue de la réalisation d'une opération de restauration immobilière éligible à un dispositif de défiscalisation. 5. Le 12 janvier 2004, l'AFUL a confié la maîtrise d'oeuvre complète à la société Arch'Imhotep, assurée par les sociétés Mutuelle des architectes français (la MAF) et Axa IARD, la réalisation des travaux tous corps d'état à la société Archi Sud bâtiment, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), et la mission de coordination en matière de sécurité et protection de la santé à M. AI.... 6. Le 20 janvier 2004, l'AFUL a conclu un contrat d'assistance à la maîtrise d'ouvrage avec M. MX..., syndic de copropriété, qui, le 21 janvier 2004, a sous-traité à la SCP, assurée par la MMA et la société Allianz, les missions de conseil et de gestion administrative et comptable. 7. Le permis de construire été délivré le 20 août 2004 et la déclaration d'ouverture du chantier établie le 11 avril 2005. 8. Au mois de juillet 2006, le chantier a été abandonné et l'immeuble muré. 9. Les sociétés Archi sud bâtiment et Arch'Imhotep et M. MX... ont été mis en redressement, puis en liquidation judiciaires. 10. L'AFUL et les copropriétaires ont, après expertise, assigné la SCP, M. MX..., M. AI... et les sociétés Archi Sud bâtiment et Arch'Imhotep, ainsi que leurs assureurs, en indemnisation de leurs préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi n° Q 19-17.868 Enoncé du moyen 11. La SCP et la MMA font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à indemniser les copropriétaires, alors « qu'une faute ne peut être retenue comme la cause d'un dommage que s'il est établi que sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en retenant, pour condamner la SCP U... à indemniser les copropriétaires de leurs préjudices résultant de l'inachèvement des travaux, que l'avocat aurait dû mettre en garde les membres de l'AFUL contre le risque lié au versement de 80 % du montant des travaux avant l'ouverture du chantier et de la possibilité de bénéficier de l'avantage fiscal escompté en versant les fonds directement à l'AFUL au lieu de l'entrepreneur de l'ouvrage, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si sans la faute imputée à l'avocat, l'AFUL aurait pu échapper à son engagement de payer 80 % du montant des travaux avant l'ouverture du chantier qu'elle avait souscrit avant l'intervention de ce conseil ou obtenir des constructeurs l'achèvement des travaux de rénovation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 12. La cour d'appel a relevé qu'il n'était pas établi que la SCP avait une mission d'assistance juridique à l'égard des membres de l'AFUL au moment de la constitution de celle-ci, lors de l'assemblée générale du 19 décembre 2003 ayant décidé de confier les travaux de rénovation de l'immeuble aux sociétés Arch'Imhotep et Archi Sud bâtiment ou encore lors de la signature, le 12 janvier 2004, du cahier des clauses administratives particulières (le CCAP) qui stipulait le paiement de 50 % du coût des travaux à la signature du marché, de 30 % à l'ouverture du chantier et de 20 % à la pose des menuiseries extérieures, ce qui exposait l'AFUL à des risques très forts induits pas ces modalités particulières d'échelonnement des paiements. 13. Toutefois, elle a retenu que, si les intervenants étaient déjà choisis et le CCAP rédigé, cette situation ne dispensait pas la SCP, en sa qualité d'assistant juridique de l'AFUL à tous les stades de l'opération de rénovation immobilière, d'analyser les contrats déjà conclus, de mettre en garde les membres de l'AFUL sur la disproportion qui existait entre le montant des paiements à l'entreprise générale par rapport au stade d'avancement des travaux, de les informer que la réception des fonds par l'AFUL et non leur versement direct à l'entreprise leur permettait de bénéficier des avantages fiscaux et d'alerter l'AFUL sur la collusion d'intérêts qui existait entre les sociétés Arch'Imohtep et Archi Sud bâtiment, dont le capital était détenu par M. AI..., et sur le danger que présentait le CCAP. 14. Elle a relevé que le versement immédiat, avant tous travaux, de 80 % du montant du marché de l'entreprise générale avait privé les membres de l'AFUL de la possibilité de mener à bien une opération en leur laissant la charge d'un bâtiment en ruines qui avait dû être muré, ce qui entraînait une dépréciation du capital immobilier qu'ils avaient acquis et la perte de tous revenus locatifs. 15. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, procédant à la recherche prétendument omise, que le préjudice financier subi par les copropriétaires, s'il provenait directement du stratagème mis en place par M. AI... au travers de l'action concertée des sociétés Arch'Imhotep et Archi Sud bâtiment, résultait aussi de l'absence de tout conseil efficient de la part de la société d'avocats. 16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° Q 19-17.868, réunis Enoncé du moyen 17. Par leur deuxième moyen, a SCP et la MMA font grief à l'arrêt de dire que les garanties de la SMABTP et de la MAF n'étaient pas mobilisables et de rejeter les demandes des copropriétaires formées à leur encontre, alors : « 1°/ que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires d'un sinistre, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation relative au sinistre est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ; qu'en retenant, pour écarter la garantie de la SMABTP, que la réclamation de l'Aful ne pouvait profiter aux copropriétaires qui avaient formé une réclamation au-delà du délai subséquent, quand ces deux réclamations portaient sur le même sinistre, de sorte que la réclamation formée par l'Aful suffisait à mettre en oeuvre la garantie de l'assureur, la cour d'appel a violé les articles L. 124-5 et L. 124-1-1 du code des assurances ; 2°/ qu'en retenant, pour écarter la garantie de la SMABTP, qu'il ressort de la clause 5.6 des conditions générales du contrat conclu avec la société Archi Sud Bâtiment que sont exclues de la garantie les conséquences pécuniaires de toute nature causées par un retard dans la réalisation des travaux, de sorte que les préjudices des copropriétaires qui relevaient de cette catégorie n'étaient pas couverts par l'assurance, quand il n'était pas imputé à la société Archi Sud Bâtiment un simple retard dans les travaux mais leur inachèvement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales. » 18. Par leur troisième moyen, la SCP et la MMA font grief à l'arrêt de dire que la garantie de la MAF n'était pas mobilisable et de rejeter les demandes des copropriétaires formées à son encontre, alors que « la police d'assurance souscrite par la société Arch'Imhotep auprès de la Mutuelle des architectes garantit l'architecte contre les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice de sa profession telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur ; qu'en retenant, pour écarter la garantie de la MAF, que l'architecte, qui s'était trouvé dans une situation de conflit d'intérêts, n'avait pas exercé la fonction d'architecte telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur, quand cette faute ne suffisait pas établir que l'architecte avait exercé une activité interdite aux architectes, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil. » Réponse de la Cour 19. La recevabilité du deuxième moyen est contestée en défense. 20. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties que la Cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du troisième moyen. 21. La SCP et la MMA n'ayant pas qualité pour critiquer le rejet des demandes formées par les copropriétaires contre la SMABTP et la MAF, le moyen est irrecevable. Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° P 19-20.259 Enoncé du moyen 22. L'AFUL fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas qualité à agir, alors « que le délai de forclusion est interrompu par la demande en justice jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celle-ci, même si l'acte de saisine de la juridiction est entaché d'un vice de procédure, quel qu'il soit ; qu'en retenant que « l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel pour défaut de capacité ne peut être couverte après l'expiration du délai d'appel » alors que demeurait possible la régularisation de l'acte d'appel qui, même entaché d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2242 du code civil et l'article 121 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 23. La SCP, la MAF et la société Allianz contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que le moyen, pris en sa deuxième branche, est nouveau et mélangé de fait et, partant, irrecevable. 24. Toutefois, le moyen est de pur droit dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond. 25. Il est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 2241, alinéa 2, du code civil et 121 du code de procédure civile : 26. Il résulte du premier de ces textes que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion. 27. Par arrêt du 1er juin 2017 (2e Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.300), la deuxième chambre civile a jugé que demeure possible la régularisation de la déclaration d'appel qui, même entachée d'un vice de procédure, a interrompu le délai d'appel. 28. Pour dire que l'AFUL n'a pas qualité à agir, l'arrêt retient que, si elle justifie avoir procédé à la mise en conformité de ses statuts et avoir accompli les 23 février et 3 mars 2018 les formalités de déclaration et de publication prévues par l'article 8 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel du 5 octobre 2016 pour défaut de capacité d'ester en justice ne peut pas être couverte après l'expiration du délai d'appel, de sorte que, si l'AFUL a recouvré sa capacité à agir en justice à partir du 3 mars 2018, elle restait dépourvue de toute capacité à agir au moment où elle a interjeté appel. 29. En statuant ainsi, alors que demeurait possible, jusqu'à ce que le juge statue, la régularisation de la déclaration d'appel qui, même entachée d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Demandes de mise hors de cause 30. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la MAF et les sociétés Axa France IARD et Allianz, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi n° P 19-20.259, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'AFUL n'a pas qualité à agir, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Mutuelle des architectes français et les sociétés Axa France IARD et Allianz ; Condamne M. AI..., la société Archi sud bâtiment, la société Ekip, ès qualités de liquidateur de la société Arch'Imhotep, M. OU..., ès qualités de liquidateur de M. MX..., la SCP U..., Borgia, U..., Morlon et associés, prise en la personne de M. U... ès qualités et la société Mutuelles du Mans assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi n° Q 19-17.868 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société [...] prise en la personne de M. U... ès qualités et la société Mutuelles du Mans assurances. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum la SCP [...] à verser les sommes de 52 168 euros à Mme CV... KW..., de 190 084 euros à M. Q... X..., de 25 366 euros à M. et Mme OI... , de 68 476 euros à M. et Mme Y..., de 96 854 euros à M. et Mme N..., de 109 432 euros à M. W... A..., de 52 516 euros pour M. et Mme RE... et de 407 452 euros à M. B... R... ; AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité de la SCP U..., le tribunal a considéré que la responsabilité de la SCP U... ne pouvait être engagée à l'égard des copropriétaires, dans la mesure où ceux-ci ne produisaient aucun élément de nature à établir que la SCP U... se trouvait liée à eux ou à certains d'entre eux par un contrat d'assistance lorsque les membres de l'AFUL, lors de l'assemblée générale du 19 décembre 2003, avaient décidé de contracter avec les sociétés Arch'Imhotep, Archi Sud Bâtiment et M. AI... et lorsque l'AFUL avait signé avec la société Archi Sud Bâtiment, le 12 janvier 2004, le cahier des clauses administratives particulières prévoyant un calendrier de paiement qui exposait les membres de l'AFUL à l'inconvénient majeur de payer la presque totalité des travaux avant toute exécution ; que les membres de l'AFUL font valoir que par sa lettre de mission du 24 octobre 2003 antérieure à la constitution de l'AFUL, la SCP U..., s'est engagée à assurer le contrôle et la validation du projet au regard des dispositions fiscales relatives au régime défini par la loi Malraux et à apporter son assistance aux membres de l'AFUL dans l'établissement des documents fiscaux nécessaires à la bonne conduite de l'opération et jusqu'à l'expiration de la période de déduction des travaux, que la SCP U... était à ce titre tenue d'un devoir de conseil, qu'elle aurait dû les alerter sur les risques induits par les modalités de paiement, sur les risques de perte de l'avantage fiscal et des fonds investis en cas de défaillance de l'entreprise générale, que la SCP U... avait donc pour mission de vérifier que toutes les conditions étaient réunies pour que le déroulement de l'opération de restauration immobilière soit le plus sécurisé possible et que le régime fiscal de la loi Malraux puisse s'appliquer, qu'à l'évidence la SCP U... ne les a jamais informés de la possibilité de bénéficier d'un avantage fiscal sans avoir à se départir des fonds puisqu'il suffisait que chaque copropriétaire paie sa quote-part des appels de fonds à l'AFUL sans courir le risque de voir l'entreprise générale être réglée de la totalité de son marché alors même qu'elle n'avait pas commencé les travaux ; que la SCP U... répond que la lettre dont se prévalent les membres de l'AFUL pour lui reprocher d'avoir failli à ses obligations contractuelles à leur égard, n'a pas été signée et ne lui est pas opposable, qu'elle n'est intervenue d'aucune façon dans le choix des intervenants aux opérations de rénovation, qu'aucun contrat ne la lie à l'AFUL ou à ses membres, que l'avocat ne peut être débiteur d'une obligation générale et absolue d'assistance, de conseil et/ou d'information si seule une mission ponctuelle lui a été donnée, qu'elle n'a aucun lien contractuel direct entre l'AFUL du [...] et ses membres, que l'AFUL a contracté directement le 20 janvier 2004 avec M. UO... MX... en lui confiant une large mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage et en lui demandant de se faire assister par un avocat spécialisé dans les opérations de rénovation immobilière, que la mission qui lui a été confiée par M. MX... consistait à s'assurer de la compatibilité de l'opération de restauration de l'immeuble avec la réglementation fiscale "Malraux" afin de permettre aux investisseurs d'obtenir l'avantage fiscal recherché, que cet avantage fiscal recherché par les membres de l'AFUL a bien été obtenu, n'a pas été remis en cause et ne peut plus l'être puisque la prescription est acquise, que c'est à l'intérieur de cette mission qu'une défaillance éventuelle de sa part pourrait être recherchée ; que le courrier que la SCP U... a adressé le 24 octobre 2003 au président de l'AFUL du [...] (non constituée à cette date), ne peut être analysé comme une lettre de mission mais avait pour objet de définir les contours de sa mission qui devait comprendre le secrétariat juridique de l'AFUL (rédaction des statuts, convocations aux assemblées générales, appels de fonds et tenue des comptes...) mais aussi l'assistance des membres de l'AFUL dans l'établissements des documents fiscaux nécessaires à la bonne conduite de l'opération ; qu'il est exact que le contrat d'assistance juridique qui a été confié le 21 janvier 2004 à la SCP U..., la liait à M. MX..., assistant à la maîtrise d'ouvrage, la SCP U... s'étant engagée à assister M. MX... dans tous les aspects juridiques de son contrat et à prendre en charge la mission de conseil de l'article 3-1 du contrat et la mission de gestion administrative et comptable énoncée à l'article 3-3 du contrat, pour une rémunération de 54 255,33 € HT ; que la motivation du jugement ne peut qu'être approuvée en ce qu'il a été considéré qu'il n'était pas établi que la SCP U... avait une mission d'assistance juridique à l'égard des membres de l'AFUL antérieure ou concomitante à la constitution de l'AFUL et notamment le 19 décembre 2003 lorsque les membres de l'AFUL ont décidé de confier le programme de rénovation de l'immeuble aux sociétés Arch'Imhotep et Archi Sud Bâtiment ou encore le 12 janvier 2004 lorsque l'AFUL avait signé avec la société Arch'Imhotep, un cahier des clauses administratives particulières qui soumettaient les membres de l'AFUL à des risques très forts induits par les modalités particulières d'échelonnement des paiements ; que les membres de l'AFUL font cependant justement valoir que la SCP U... n'a pas correctement exécuté le contrat d'assistance juridique qui lui a été confié le 21 janvier 2004, qu'elle avait à ce titre une mission de conseil qui lui imposait d'analyser avec l'AFUL toutes les informations reçues relatives à l'opération et conseiller les réponses à y apporter et l'attitude à adopter à l'égard des autorités administratives, de la maîtrise d'oeuvre, des entreprises et plus généralement de tout intervenant, opération ou question utile à la réalisation du projet [...] d'assister et conseiller l'AFUL dans le choix des intervenants, la rédaction des marchés de travaux etc..., que la SCP U... avait une mission de conseil et d'assistance juridique à l'égard de l'AFUL dans le cadre d'une opération de restauration immobilière à finalité fiscale ; qu'il ressort du contenu même de la mission acceptée le 21 janvier 2004 par la SCP U... que celle-ci a été défaillante dans l'exécution de cette mission, puisqu'il lui appartenait d'assister et de conseiller l'AFUL dans le choix de intervenants, dans la rédaction des marchés de travaux, ce qu'elle reconnaît ne pas avoir fait au motif que les intervenants avaient déjà été choisis par l'AFUL et le cahier des clauses administratives particulières afférent au marché de travaux de l'entreprise générale, rédigé ; que cette situation ne dispensait pas la SCP U... en sa qualité d'assistant juridique d'analyser les contrats déjà signés, de mettre en garde les membres de l'AFUL sur la disproportion qui existait entre le montant des paiements qui devaient être versés à l'entreprise générale par rapport au stade d'avancement des travaux, de les informer que la réception des fonds par l'AFUL et non leur versement direct à l'entreprise générale ou à l'architecte, leur permettait de bénéficier des avantages fiscaux de la loi Malraux sans prendre des risques inconsidérés de nature à obérer l'opération immobilière ; que si elle avait correctement rempli sa mission d'assistant juridique du maître de l'ouvrage, la SCP U... aurait dû alerter l'AFUL sur la collusion d'intérêts qui existait entre les sociétés Arch'Imhotep et Archi Sud Bâtiment dont le capital était détenu par M. HW... AI..., sur le danger que présentait le cahier des clauses administratives particulières du marché de travaux de l'entreprise générale ; que contrairement à ce qu'elle soutient, la SCP U... n'a pas seulement été mandatée pour optimiser une opération de défiscalisation des membres de l'AFUL mais pour apporter son assistance juridique à l'AFUL, à tous les stades d'une opération de rénovation immobilière ; que l'AFUL ne recherchait d'ailleurs pas un avocat fiscaliste mais un avocat spécialisé dans les opérations de rénovation immobilière (en lecture du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage) ; que le versement immédiat, avant tous travaux, de 80% du montant du marché de l'entreprise générale a privé les membres de l'AFUL de la possibilité de mener à bien une opération de rénovation immobilière, en leur laissant la charge d'un bâtiment en ruines qui a dû être muré, ce qui entraîne une dépréciation du capital immobilier qu'ils ont acquis et la perte de tous revenus locatifs ; que ce préjudice financier qui résulte directement du stratagème mis en place par M. HW... AI... au travers de l'action concertée des sociétés Arch'Imhotep et Archi Sud Bâtiment, provient aussi de l'absence de tout conseil efficient de la part de la SCP U... dans le cadre de la mission d'assistance juridique qui lui a été confiée par le mandataire de l'AFUL ; que bien que tiers au contrat qui a été signé entre le mandataire de l'AFUL et la SCP U..., les copropriétaires appelants sont fondés à invoquer au visa de l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016), la responsabilité de la SCP U... en ce que l'inexécution du contrat dont elle était chargée, est en lien direct avec leur préjudice ; que le jugement dont appel est donc réformé en ce qu'il n'a pas reconnu la responsabilité de la SCP U... à l'égard des copropriétaires appelants ; ET AUX MOTIFS QUE sur l'action directe à l'encontre de la société Mutuelles du Mans, assureur de la SCP [...] , les copropriétaires appelants recherchent la garantie des Mutuelles du Mans au motif que celles-ci doivent les garantir contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l'avocat à raison des dommages ou des préjudices causés à autrui y compris à ses clients dans l'exercice de ses activités professionnelles prises dans leur ensemble ; qu'à titre principal, la société Les Mutuelles du Mans oppose une absence de responsabilité de la SCP U... et le défaut de qualité à agir des copropriétaires appelants mais il a été déjà répondu à cette argumentation : bien que les copropriétaires appelants soient tiers par rapport au contrat qui a été signé le 21 janvier 2004 entre le mandataire de l'AFUL et la SCP U..., ils sont fondés à invoquer au visa de l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016), la responsabilité de la SCP U... en ce que l'inexécution du contrat dont elle était chargée, est en lien direct avec leur préjudice ; que s'il est exact que les modalités de paiement des travaux n'étaient pas soumises à un échéancier réglementé et que le marché principal de travaux était signé au moment de la signature du contrat de la SCP U..., il n'en demeure pas moins que la SCP U... aurait dû alerter les membres de l'AFUL sur le risque qu'ils prenaient en versant la quasi-totalité du prix des travaux avant tout commencement effectif de ces travaux, que le seul versement des appels de fonds par l'AFUL répondait aux critères de la défiscalisation, sans qu'il soit nécessaire de débloquer immédiatement les fonds appelés au profit de l'entreprise générale ; que le contrat d'assistance juridique devait permettre aux membres de l'AFUL de ne pas être soumis aux risques qu'ils ont supportés et qui étaient prévisibles pour un avocat spécialisé dans les opérations de rénovation immobilière ; que les préjudices des copropriétaires appelants tels qu'ils ont été définis supra sont en lien direct avec les fautes commises par la SCP U... dans le cadre de sa mission d'assistance juridique ; que la société Les Mutuelles du Mans est donc condamnée à indemniser les copropriétaires appelants en leur versant les sommes suivantes : - 52 168 € pour Mme CV... KW..., -190 084 € pour M. Q... X..., - 25 366 € pour M. et Mme OI... , - 68 476 € pour M. et Mme Y..., - 96 854 € pour M. et Mme N..., - 109 432 € pour M. W... A..., - 52 516 € pour M. et Mme RE..., - 407 452 € pour M. B... R... ; que la condamnation sera prononcée en partie in solidum avec Me L... U... ès qualités de liquidateur de la SCP [...] ; ALORS QU'une faute ne peut être retenue comme la cause d'un dommage que s'il est établi que sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en retenant, pour condamner la SCP U... à indemniser les copropriétaires de leurs préjudices résultant de l'inachèvement des travaux, que l'avocat aurait dû mettre en garde les membres de l'Aful contre le risque lié au versement de 80 % du montant des travaux avant l'ouverture du chantier et de la possibilité de bénéficier de l'avantage fiscal escompté en versant les fonds directement à l'Aful au lieu de l'entrepreneur de l'ouvrage, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si sans la faute imputée à l'avocat, l'AFUL aurait pu échapper à son engagement de payer 80 % du montant des travaux avant l'ouverture du chantier qu'elle avait souscrit avant l'intervention de ce conseil ou obtenir des constructeurs l'achèvement des travaux de rénovation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la garantie de la SMABTP mise en cause en qualité d'assureur de la société Archi Sud Bâtiment n'était pas mobilisable et d'AVOIR, en conséquence, rejeté, comme étant non fondées, les demandes des copropriétaires formées à l'encontre de la SMABTP ; AUX MOTIFS QUE sur l'action directe des copropriétaires appelants à l'encontre des assureurs : 1- sur l'action directe à l'encontre de la Smabtp recherchée en qualité d'assureur de la société Archi Sud Bâtiment : pour refuser sa garantie, la Smabtp invoque une mise en conformité de la police d'assurance souscrite le 19 août 1999 par la société Archi Sud Bâtiment conformément à la loi du 1er août 2003 et à l'article L. 124-5 du code des assurances et fait valoir qu'elle ne garantit que les seuls sinistres dont le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, que le fait dommageable constitué par l'abandon du chantier en juillet 2006 est postérieur à la résiliation de la police d'assurance intervenue au 31 décembre 2005, tout comme d'ailleurs la réclamation en date du 24 juillet 2009 de l' AFUL ; que les copropriétaires appelants font observer que cette mise en conformité ne peut résulter de la notice d'information générale produite par la Smabtp, qu'il convient d'appliquer l'article 17 des conditions générales de la police d'assurance initialement souscrite et qui prévoit que les garanties du contrat s'appliquent aux dommages survenant entre les dates de prise d'effet et de cessation du contrat, mettant en cause la responsabilité du sociétaire du fait d'activités professionnelles d'entrepreneur, que les garanties sont étendues aux dommages survenus postérieurement à la date de cessation du contrat :a) lorsque le contrat aura été résilié par la société mutuelle sauf dans le cas où cette résiliation est faite en application des articles L. 113 (non-paiement des primes), L. 113-4 (aggravation du risque) et L. 113-6 (procédure collective) du code des assurances ; que l'article 17 des conditions générales de la police d'assurance souscrite le 19 août 1999 par la société Archi Sud Bâtiment n'est pas en conformité avec l'article L. 125-4 du code des assurances qui impose un déclenchement de la garantie, soit par le fait dommageable, soit par la réclamation, mode de déclenchement qui doit être précisé par le contrat ; que les dispositions de l'article L. 124-5 du code des assurances issues de la loi du 1 août 2003, sont applicables à tous les nouveaux contrats souscrits postérieurement au 3 novembre 2003 mais aussi à la reconduction des garanties des contrats en cours ; qu'il ressort des dispositions de l'article 80 de la loi du 1er août 2003 que la garantie, selon le choix des parties, est déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation ; que la Smabtp ne démontre pas qu'elle ait mis en conformité avec les dispositions de l'article L124-5 du code des assurances, sa police d'assurance à effet au 19 août 1999, au moment de la reconduction de cette police d'assurance, soit au mois d'août 2004 ; que l'article 80 de la loi du 1er août 2003 précise que toute autre garantie est déclenchée par le fait dommageable dès lors qu'il est stipulé que la survenance du fait dommageable pendant la durée de validité du contrat est une condition nécessaire de l'indemnisation, que toute garantie ne relevant d'aucun des deux alinéas précédents est déclenchée par la réclamation ; qu'en lecture de cet article, et à défaut pour la Smabtp de préciser quel système de déclenchement de la garantie a été choisi par les parties, la garantie de la Smabtp obéit à une base réclamation, puisque l'article 17 des conditions générales ne dit pas que la survenance du fait dommageable pendant la durée de validité du contrat est une condition nécessaire de l'indemnisation ; que les copropriétaires appelants font valoir que dans cette hypothèse et au visa de l'article L. 124-5 du code des assurances, la garantie de la Smabtp a été maintenue pendant un délai subséquent de 5 ans à compter de la résiliation, que leur réclamation s'est inscrite dans ce délai et ce d'autant que les garanties de la compagnie Axa souscrites à partir du 1er avril 2008 obéissent au fait dommageable ; mais qu'il ressort des pièces de la procédure que la première réclamation judiciaire des copropriétaires appelants à l'encontre de la Smabtp, n'a été formulée par voie judiciaire qu'au début de l'année 2013 dans le cadre de l'instance qui a été enregistrée sous le n° 13/ 3529, alors que la garantie subséquente était expirée, de telle sorte que les garanties de la Smabtp ne sont plus mobilisables ; que la réclamation déclenchée par acte du 24 juillet 2009 par l'AFUL à l'encontre de Me NW..., ès qualités de liquidateur de la société Archi Sud Bâtiment, ne peut valoir réclamation pour les copropriétaires appelants qui ont des préjudices spécifiques ; que les garanties de la Smabtp n'étant plus mobilisables pour les copropriétaires appelants, il n'y a pas lieu de statuer sur les deux autres moyens soulevés par la Smabtp de non-garantie en l'absence de preuve que la société Archi Sud Bâtiment avait sous-traité la totalité des travaux et d'exclusion de garantie résultant du fait que la Smabtp ne prend pas en charge les conséquences pécuniaires de toute nature résultant d'un retard dans les travaux ; AUX MOTIFS ADOPTES QU'en vertu de l'article L 124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe contre l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ; qu'à l'encontre de la SMATP, assureur de la société ARCHI SUD BATIMENT ; qu'il ressort des débats et des pièces produites que la société ARCHI SUD BATIMENT, à la date de l'ouverture du chantier, était assurée par la SMABTP ; qu'il est également démontré par la production aux débats de la copie de la LRAR en date du 16 novembre 2005 et du courrier de la société ARCHI SUD BATIMENT accusant réception de cette lettre que cet assureur a résilié ce contrat à effet du 1er janvier 006 : que la SMABTP estime devoir être déchargée de l'obligation de prendre en charge les préjudices subis par les requérants personne physique en application des dispositions de l'article L 124-5, alinéa 4, du Code des assurances, en vertu duquel sa garantie n'est due que pour les sinistres dont le fait dommageable est antérieur à la résiliation, sauf si le sinistre n'a été porté à la connaissance de l'assuré que postérieurement à celle-ci et s'il n'est pas couvert par une nouvelle assurance : que les requérants ne contestent pas que les dispositions de cet article leur soient opposables ; qu'il est constant que le fait dommageable, constitué par l'abandon du chantier, est postérieur au 1er janvier 2006 ; que la SMABTP produit à son dossier une attestation de la compagnie AXA, de laquelle il ressort que cette compagnie d'assurance a couvert la société ARCHI SUD BATIMENT à compter du 1er janvier 2006 ; qu'il résulte également de cette attestation que la dite compagnie garantit les chantiers ouverts entre le 1er avril 2008 et le 1er avril 2009 ainsi que les dommages survenus à compter du 1er avril 2008 ; que cette nouvelle police a donc vocation à couvrir le sinistre en cause, qui peut être considéré comme étant survenu réellement à compter de la lettre de Maître PF..., administrateur judiciaire de la société ARCHI SUD BATIMENT, en date du 9 décembre 2008, informant l'AFUL de sa décision de ne pas poursuivre l'exécution du chantier ; que ce premier moyen invoqué par la SMABTP afin de voir juger qu'elle n'est pas tenue de prendre en charge ce sinistre est donc fondé ; qu'à titre surabondant, la SMABTP invoque deux autres motifs visant à voir juger qu'elle n'est pas tenue à garantie ; que le premier est fondé sur l'activité déclarée par la société ARCHI SUD BATIMENT, selon laquelle celle-ci n'a pas de personnel d'exécution, de sorte qu'elle doit soustraiter l'intégralité des travaux de construction qu'elle s'engage à réaliser ; que ce motif n'est pas fondé, puisque, au vu du compte rendu de chantier en date du 18 janvier 2006, joint par l'expert judiciaire en annexe E 3 à son rapport, il est établi que la société ARCHI SUD BATIMENT a bien sous-traité l'intégralité des travaux de réhabilitation ; que le second motif, relatif au contenu des dommages couverts, est quant à lui fondé ; qu'il ressort, en effet, de la clause 5.6 des conditions générales du contrat conclu avec la société ARCHI SUD BATIMENT que sont exclues de la garantie les conséquences pécuniaires de toute nature causées par un retard dans la réalisation des travaux ; que les préjudices des requérants relèvent de cette catégorie et, partant, sont exclus des garanties dues par la SMABTP ; 1°) ALORS QUE la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires d'un sinistre, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation relative au sinistre est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ; qu'en retenant, pour écarter la garantie de la SMABTP, que la réclamation de l'Aful ne pouvait profiter aux copropriétaires qui avaient formé une réclamation au-delà du délai subséquent, quand ces deux réclamations portaient sur le même sinistre, de sorte que la réclamation formée par l'Aful suffisait à mettre en oeuvre la garantie de l'assureur, la cour d'appel a violé les articles L. 124-5 et L. 124-1-1 du code des assurances ; 2°) ALORS QU'en retenant, pour écarter la garantie de la SMABTP, qu'il ressort de la clause 5.6 des conditions générales du contrat conclu avec la société Archi Sud Bâtiment que sont exclues de la garantie les conséquences pécuniaires de toute nature causées par un retard dans la réalisation des travaux, de sorte que les préjudices des copropriétaires qui relevaient de cette catégorie n'étaient pas couverts par l'assurance, quand il n'était pas imputé à la société Archi Sud Bâtiment un simple retard dans les travaux mais leur inachèvement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la garantie consentie par la Mutuelle des architectes français en qualité d'assureur de la société Arch'Imhotep n'était pas mobilisable et d'AVOIR, en conséquence, rejeté, comme étant non fondées, les demandes des copropriétaires formées à l'encontre de la Mutuelle des architectes français ; AUX MOTIFS QUE sur l'action directe à l'encontre de la Mutuelle des architectes français recherchée en qualité d'assureur de la société Arch'Imhotep : les copropriétaires appelants font valoir que la société Arch'Imhotep, maître d'oeuvre de l'opération avait signé le 12 juin 1997, une police d'assurances avec la Mutuelle des architectes français qui garantissait les conséquences pécuniaires des responsabilités (contractuelle, décennale et quasi délictuelle) spécifiques de sa profession d'architecte ; que la Mutuelle des architectes français oppose une non-garantie en raison de l'exercice anormal de la profession d'architecte par la société Arch'Imhotep, en faisant observer que l'activité garantie doit respecter la loi 77-2 sur l'architecture du 3 janvier 1977 et le décret n°80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes, que c'est ainsi que l'article 8 du décret du 20 mars 1980 précise que lorsqu'un architecte est amené à pratiquer plusieurs activités de nature différente, celles-ci doivent être parfaitement distinctes, indépendantes et de notoriété publique, [que] toute confusion d'activités, de fonctions, de responsabilités dont l'ambiguïté pourrait entraîner méprise ou tromperie, ou procurer à l'architecte des avantages matériels à l'insu du client ou de l'employeur est interdite, [que] tout compérage entre architecte et toute autre personne est interdit, que l'article 9 prévoit que l'architecte doit éviter les situations où il est juge et partie, qu'il ne peut y avoir de garantie en cas de confusion d'intérêts par l'architecte, que M. HW... AI... est intervenu sur le chantier non seulement comme gérant et associé unique de la société Arch'Imhotep, maître d'oeuvre mais aussi comme le principal associé de la société Archi Sud Bâtiment, chargée des travaux, qu'il existait une extrême confusion des intérêts et des rôles, que M. HW... AI... n'a pas exercé la profession d'architecte en toute objectivité et indépendance, qu'il a au contraire privilégié ses intérêts propres à ceux du maître de l'ouvrage ; que les copropriétaires appelants font observer que la mission confiée à la société Arch'Imhotep relevait des activités habituelles d'un architecte, que les relations entre les sociétés Dinocrates, la société Archi Sud Bâtiment et M. AI... ne sont corroborées par aucun élément à l'exception des décisions de justice ; que s'il n'est pas interdit à un architecte d'être aussi gérant ou détenteur de parts dans une société de construction, encore faut-il que ces activités soient exercées en conformité avec les dispositions de l'article 8 du décret du 20 mars 1980 et déclarées au conseil régional de l'ordre des architectes, en application de l'article 18 de la loi du 3 janvier 1977 qui prescrit que l'architecte doit déclarer ses liens d'intérêts personnels ou professionnels avec toute personne physique ou morale exerçant une activité dont l'objet est de tirer profit directement ou indirectement de la construction ; qu'or de toute évidence, M. HW... AI... n'a pas exercé la profession d'architecte conformément aux dispositions des articles du décret du 20 mars 1980 et notamment de l'article 13 de ce décret qui prévoit que l'architecte doit éviter toute situation où les intérêts privés en présence sont tels qu'il pourrait être porté à préférer certains d'entre eux à ceux de son client ou employeur ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être altérés ; qu'or il ressort biens des documents produits aux débats tels que les statuts modifiés le 12 avril 2005 de la société Archi Sud Bâtiment, que l'associé unique de la société Archi Sud Bâtiment était la société Dinocrates, société par actions simplifiée, dans laquelle M. HW... AI... détenait 2819 actions sur 2830 actions ; que le jugement rendu le 3 septembre 2008 par le tribunal de commerce de Nîmes a mis en exergue le fait que les sociétés Archi Sud Bâtiment, Dinocrates, Hippodamos(marchand de biens) dont le capital était détenu à 100 % par Dinocrates, XG... ( marchand de biens) dont le capital était aussi détenu à 100 % par Dinocrates, formaient un groupe dont le principal associé était M.HW... AI..., qu'il existait entre les 4 sociétés, une convention de gestion de trésorerie qui permettait à celles-ci de se consentir des avances en compte courant, que c'est ainsi que la société Archi Sud Bâtiment disposait d'une créance en compte courant de la société Dinocrates, de 2 930 845 €, alors que dans le même temps, ses sous-traitants qui intervenaient sur le chantier de l'immeuble Le Saint Louis n'étaient pas payés : que la rédaction du cahier des clauses administratives particulières afférent au marché de travaux de la société Archi Sud Bâtiment et rédigé par M. HW... AI... en sa qualité de gérant de la société Arch'Imhotep, démontre que M. HW... AI... a manifestement privilégié les intérêts des sociétés aux travers desquelles, il intervenait en qualité d'entreprise générale ou de marchand de biens, puisque que les fonds perçus, avant tous travaux, par la société Archi Sud Bâtiment ont alimenté les comptes de la société Dinocrates qui a poursuivi sa politique d'investissements dans des biens pouvant relever de la loi Malraux, sans qu'à aucun moment, M. HW... AI... ne se soit soucié de l'achèvement de l'opération de rénovation de l'immeuble Le Saint Louis dont il avait pourtant la maîtrise d'oeuvre complète ; que le refus de garantie de la Mutuelle des architectes français est donc fondé puisque de toute évidence la société Arch'Imhotep sous la gérance de M. HW... AI... n'a pas exercé la fonction d'architecte telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur, ce qui était une condition expresse de la garantie souscrite auprès de la Mutuelle des architectes français ; AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'à l'encontre de la MAF, assureur de la société ARCH'IMHOTEP, il est établi par les pièces produites aux débats que la MAF était l'assureur de la responsabilité civile professionnelle de la société ARCH'IMHOTEP lors de la conclusion des contrats litigieux et l'établissement du CCAP signé par l'AFUL avec la société ARCHI SUD BATIMENT ; que la MAF soutient que les préjudices subis par les requérants personnes physiques ne sont pas couverts par ce contrat au motif qu'ils ont pour cause un exercice anormal par Monsieur AI... de la profession d'architecte ; qu'il est constant que Monsieur AI... était le gérant de la SELARL ARCH'IMHOTEP et qu'un architecte, en vertu du décret du 20 mars 1980 relatif au code déontologie de cette profession, a pour devoir d'exercer ses activités dans des conditions d'indépendance qui le préservent des situations de compérages et, plus encore, de celles dans lesquelles il serait juge et partie ; que la MAF soutient que Monsieur AI... était, en réalité le gérant de fait de la société ARCHI SUD BATIMENT et que les gérants de celle-ci, Madame AI... épouse UC..., sa mère, puis Madame ID... et Monsieur DB..., n'ont été que des gérants de paille ; qu'elle soutient également que la société ARCHI SUD BATIMENT avait pour associé unique la société DINOCRATES dont Monsieur AI... était le gérant et dont il détenait 2819 parts sur 2820 ; que les requérants rétorquent que ces affirmations sont dénuées de preuve mais il ressort du jugement rendu par le Tribunal de commerce de NÎMES le 3 mars 2009 que la liquidation judiciaire de la SARL ARCHI SUD BATIMENT a été étendue aux sociétés DINOCRATES, [...] et HIPPODAMOS au motif que la société DINOCRATES détenait le patrimoine des deux autres et qu'il était "constant et vérifié que les fonds provenant de la facturation des travaux effectués par la SARL ARCHI SUD BATIMENT remontaient dans la SAS DINOCRATES dans le cadre d'une centralisation de trésorerie pour permettre l'acquisition de nouveaux immeubles par ses deux filiales, [...] et HIPPODAMOS" : qu'en outre, il ressort du rapport d'expertise que ce transfert illicite de trésorerie pourrait être à l'origine de l'abandon du chantier de réhabilitation en cause et, partant, des préjudices subis par les requérants ; que Monsieur TH... écrit à cet égard en page 24 de son rapport: "A la lecture des PV 41 à 47, il semblerait que les sommes encaissées par l'entreprise générale ARCHI SUD BATIMENT n'aient pas servi à payer les sous-traitants, expliquant ainsi l'abandon du chantier" ; qu'enfin, il ressort des nombreuses décisions de Justice produites par la compagnie MMA à son dossier que les liens de Monsieur AI... avec la société ARCHI SUD BATIMENT par le biais, notamment, de la société DINOCRATES tels que décrits par la MAF dans la présente instance ont été jugés avérés et ont conduit ces juridictions à estimer que le comportement de l'intéressé ne relevaient pas de l'activité assurée (Cour d'appel de NÎMES du 10 septembre 2015, affaire 13/5477; Tribunal de grande instance de PARIS du 27 juin 2014, affaire 11/3229, Cour d'appel de PARIS du 21 mars 2014, affaire 11/19077; etc.) ; qu'au vu de ces considérations, l'argumentation de la MAF doit être retenue et les réclamations des requérants contre elle rejetées comme non fondées ; ALORS QUE la police d'assurance souscrite par la société Arch'Imhotep auprès de la Mutuelle des architectes garantit l'architecte contre les conséquences pécuniaires des responsabilités qu'il encourt dans l'exercice de sa profession telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur ; qu'en retenant, pour écarter la garantie de la MAF, que l'architecte, qui s'était trouvé dans une situation de conflit d'intérêts, n'avait pas exercé la fonction d'architecte telle qu'elle est définie par la législation et la règlementation en vigueur, quand cette faute ne suffisait pas établir que l'architecte avait exercé une activité interdite aux architectes, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° P 19-20.259 par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour l'association Foncière urbaine libre du [...] . Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'AFUL du [...] n'a pas qualité à agir ; AUX MOTIFS QUE « le jugement dont appel a dit que l'AFUL ne disposait pas de la capacité à agir pour n'avoir pas accompli dans le délai de deux ans les formalités de déclaration en préfecture et de publication au Journal officiel, prévues par l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 et ratifiée par la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 ; Que l'article 60 de cette ordonnance imposait aux associations syndicales de propriétaires de mettre leurs statuts en conformité avec l'ordonnance et d'accomplir les formalités de déclaration en préfecture et de publication au Journal officiel, dans un délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62 ; Que ce décret n°2006-504 portant application de l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires a été publié le 3 mai 2006 ; Qu'à partir du 3 mai 2008, l'AFUL a donc perdu sa capacité à agir en justice pour n'avoir pas mis ses statuts en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 ; Que l'AFUL justifie avoir procédé à la mise en conformité de ses statuts et avoir accompli les 23 février et 3 mars 2018, les formalités de déclaration et de publication prévues par l'article 8 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, ce qui lui a permis de recouvrer le droit d'ester en justice, conformément aux dispositions de l'article 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, dans sa rédaction issue de l'article 59 IV de la loi ALUR ; Que pour autant, l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel pour défaut de capacité d'ester en justice, ne peut être couverte après l'expiration du délai d'appel, de telle sorte que si l'AFUL du [...] a recouvré sa capacité à agir en justice à partir du 3 mars 2018, elle restait dépourvue de toute capacité à agir au moment où elle a interjeté appel, ce qui ne lui permet pas de demander réparation de ses différents chefs de préjudice ; Que le moyen opposé par Smabtp qui soutient que l'AFUL n'apporte pas la preuve qu'elle ait donné à son représentant légal, mandat d'engager la présente action en justice, devient donc sans objet » ; 1°/ ALORS QUE les associations syndicales libres qui ont mis leurs statuts en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 postérieurement au 5 mai 2008, recouvrent les droits mentionnés à l'article 5 de ladite ordonnance dès la publication de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sans toutefois que puissent être remises en cause les décisions passées en force de chose jugée ; qu'il s'ensuit que la procédure introduite par une association syndicale libre dont les statuts n'ont pas été mis en conformité, à la supposer irrégulière pour défaut de capacité d'ester en justice, est susceptible d'être régularisée en cours d'instance, jusqu'au moment où le juge statue ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 60-I de l'ordonnance du 1er juillet 2004 tel que modifié par l'article 59 IV de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, ensemble les articles 117 et 121 du code de procédure civile ; 2°/ ALORS QUE le délai de forclusion est interrompu par la demande en justice jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celle-ci, même si l'acte de saisine de la juridiction est entaché d'un vice de procédure, quel qu'il soit ; qu'en retenant que « l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel pour défaut de capacité ne peut être couverte après l'expiration du délai d'appel » alors que demeurait possible la régularisation de l'acte d'appel qui, même entaché d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2242 du code civil et l'article 121 du code de procédure civile ; 3°/ ALORS QUE toute restriction au droit d'accès à un tribunal doit être nécessaire et proportionnée ; qu'en écartant toute possibilité de régularisation de l'acte d'appel, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'Association Foncière Urbaine Libre d'accéder au juge et a ainsi violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Demeure possible, jusqu'à ce que le juge statue, la régularisation de la déclaration d'appel qui, même entachée d'un vice de procédure, a interrompu le délai d'appel. En conséquence, viole les articles 2241, alinéa 2, du code civil et 121 du code de procédure civile la cour d'appel qui, pour dire qu'une association foncière urbaine libre n'a pas qualité à agir, retient que, si elle justifie avoir procédé à la mise en conformité de ses statuts et avoir accompli les formalités de déclaration et de publication prévues par l'ordonnance du 1er juillet 2004, l'irrégularité de fond qui entache l'acte d'appel pour défaut de capacité d'ester en justice ne peut pas être couverte, la régularisation étant intervenue après l'expiration du délai d'appel
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CIV. 3 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 décembre 2020 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 969 FS-P+B+I Pourvoi n° T 19-25.392 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020 La société Lyon Islands, société civile immobilière, dont le siège est 107 rue Servient, 69003 Lyon, a formé le pourvoi n° T 19-25.392 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2019 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Spie industrie et tertiaire, société par actions simplifiée, dont le siège est 4 avenue Jean Jaurès, BP 19, 69320 Feyzin, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Lyon Islands, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Spie industrie et tertiaire, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er octobre 2019), la société civile immobilière Lyon Islands (la SCI) a conclu deux marchés à forfait avec la société Spie Sud-Est, devenue la société Spie industrie et tertiaire (la société Spie). 2. La société Spie ayant notifié ses mémoires définitifs au maître de l'ouvrage, en se conformant à la norme Afnor NFP 03-001, édition décembre 2000, prévue aux contrats, a, en l'absence de réponse de la SCI, assigné celle-ci en paiement du solde des travaux et des dépenses supplémentaires. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Spie les sommes de 315 546,88 euros et de 298 940,46 euros, au titre des indemnités afférentes aux marchés, alors « que les règles établies par la norme Afnor P 03-001 ne peuvent prévaloir sur les dispositions légales de l'article 1793 du code civil relatives au marché à forfait ; qu'en l'espèce, la SCI Lyon Islands, maître de l'ouvrage, a conclu deux marchés de travaux à forfait avec la société Spie, entrepreneur, lesquels ont été en partie soumis à la norme Afnor P 03-001 ; qu'à l'issue des travaux, la société Spie a adressé au maître de l'ouvrage deux mémoires définitifs sollicitant le paiement de « dépenses supplémentaires » prétendument exposées en raison de manquements contractuels imputés au maître de l'ouvrage ; que la SCI Lyon Islands n'était cependant pas débitrice de ces dépenses supplémentaires qu'elle n'avait ni autorisées ni acceptées, n'ayant au surplus commis aucune faute lors de l'exécution du chantier ; que l'entrepreneur a toutefois soutenu que la SCI Lyon Islands ne lui ayant pas notifié ses décomptes définitifs dans les délais prévus par la norme Afnor P 03-001, elle était réputée avoir accepté devoir les dépenses supplémentaires dont le paiement était sollicité, en vertu de l'article 19.6.2 de ladite norme ; que la SCI Lyon Islands a cependant fait valoir que ces dispositions de la norme Afnor P 03-001 étaient contraires à celles de l'article 1793 du code civil, de sorte qu'elles étaient inapplicables dans le cadre d'un marché de travaux à forfait ; qu'en accueillant toutefois la demande de la société Spie au motif inopérant que « le caractère forfaitaire du marché ne faisait pas obstacle à la perception de pénalités ou d'indemnités résultant d'un manquement du maître de l'ouvrage », sans avoir caractérisé une faute imputable à la SCI Lyon Islands, et au motif que la SCI Lyon Islands était réputée avoir accepté les mémoires définitifs de l'entrepreneur pour n'y avoir pas répondu dans les délais imposés par la norme Afnor P 03-001, tandis que ces dispositions étaient inapplicables dans le cadre d'un marché de travaux à forfait, la cour d'appel a violé l'article 1793 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Tout d'abord, la cour d'appel a exactement retenu que les demandes afférentes aux travaux modificatifs non autorisés ni régularisés devaient être écartées dès lors que les dispositions de l'article 1793 du code civil prévalent sur la norme NF P 03.001. 5. Ensuite, sur les réclamations indemnitaires, la cour d'appel a relevé que les mémoires définitifs afférents à chacun des marchés mentionnaient de manière précise et circonstanciée, d'une part, les manquements contractuels invoqués et, notamment, le décalage des délais, une coordination défaillante, une modification constante de l'ordonnancement dans la livraison des bâtiments, une désorganisation complète dans la gestion du chantier, d'autre part, les incidences financières supportées par la société Spie en lien avec ces manquements. 6. Ayant relevé que ces précisions permettaient à la SCI de respecter la procédure contractuelle de clôture des comptes et de contester le principe et le montant des sommes ainsi réclamées, elle a exactement retenu que, la SCI s'étant abstenue d'apporter une réponse contradictoire à ces demandes conformément à la procédure contractuelle mise en place par les parties, elle était réputée avoir accepté le mémoire définitif établi par la société Spie. 7. Elle en a déduit à bon droit que la SCI devait être condamnée au paiement des sommes ainsi réclamées, la procédure qu'elle avait engagée étant sans effet sur l'exigibilité de ces sommes visées aux mémoires définitifs auxquels elle n'avait pas répondu. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Lyon Islands aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Lyon Islands IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI Lyon Islands à payer à la société Spie Industrie et Tertiaire la somme de 315.546,88 €, au titre des indemnités afférents au marché « îlot Nord », et la somme de 298.940,46 €, pour le marché « îlot Sud » ; AUX MOTIFS QUE les parties ont expressément décidé de substituer aux dispositions de l'article 31 initial du CCG un document contractuel dérogatoire mentionnant que le dernier terme de paiement est fixé à la réception des travaux avec ou sans réserves et renvoyant à l'ensemble des dispositions des articles 19.5 et 19.6 de la norme NF P03-001 sur la procédure d'établissement et de validation du décompte définitif ; que la lettre unique de mise en demeure d'avoir à notifier les décomptes définitifs, adressée juin 2011 par la société Spie Sud Est devenue Spie Industrie & Tertiaire et dont la société SCI Lyon Islands a accusé réception le 23 juin 2011 visait de manière claire et non équivoque l'envoi préalable des deux mémoires définitifs afférents aux deux marchés ; que les seules formalités s'imposant à la société Spie Sud Est devenue Spie Industrie & Tertiaire avaient bien été respectées par cette dernière de sorte qu'il appartenait à la société SCI Lyon Islands de notifier les décomptes définitifs afférents à ces deux marchés ; qu'il résulte des dispositions de l'article 19.6.2 de la norme NF P03-001 que si le décompte définitif n'est pas notifié dans le délai requis, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif établi par l'entrepreneur ; que s'il n'est pas contestable que lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, il ne peut demander aucune augmentation de prix si les changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire et que les règles établies par la norme NF P 03.001 ne peuvent prévaloir sur les dispositions légales de l'article 1793 du code civil, il appartenait à la société Spie Sud Est d'intégrer dans ses mémoires définitifs l'ensemble des sommes qu'elle estimait devoir lui être dues, le caractère forfaitaire du marché ne faisant pas obstacle à la perception de pénalités ou d'indemnités résultant d'un manquement du maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, les mémoires définitifs établis pour chacun des marchés distinguaient les sommes dues d'une part au titre du marché initial, d'autre part au titre des travaux modificatifs et enfin au titre des dépenses complémentaires ; qu'il était ainsi réclamé au titre du marché « îlot Nord » sur la somme de 1 569 141,36 € HT, un solde 388 635,92 € TTC se décomposant comme suit : au titre du marché initial : 0 € ; au titre des travaux modificatifs : travaux modificatifs régularisés par avenants de 1 à 7 : 16 762,73 € TTC, travaux modificatifs non régularisés par avenant mais acceptés et signés : 42 175,76 €TTC, travaux modificatifs non régularisés mais commandés : 9 829,35 €TTC ; au titre des dépenses supplémentaires : 315 546,88 € TTC, au titre des intérêts : 4 311,20 €, qu'il était réclamé au titre du marché « îlot Sud » sur la somme de 1.428 321,21 € HT, un solde de 343 528,34 €TTC se décomposant comme suit : au titre du marché initial : 0 €, au titre des travaux modificatifs : travaux modificatifs régularisés par avenants de 1 à 6 : 3 205,64 € TTC, travaux modificatifs non régularisés par avenant mais acceptés et signés : 36 169,29 € TTC, travaux modificatifs non régularisés mais commandés : 1 886,82 €TTC, au titre des dépenses supplémentaires : 298 940,46 €TTC, au titre des intérêts : 3 326,13 €TTC, soit un total de 732 164,26 € TTC réduit à 673 042,87 € TTC compte tenu d'un règlement de 59 121,39 € ; qu'en ce qui concerne, les travaux modificatifs, il résulte des exigences de l'article 1793 du code civil qui prévalent sur les dispositions de la norme NF P 03.001 que le premier juge a justement écarté les demandes afférentes aux travaux modificatifs non régularisés mais dont la société Spie Sud Est devenue Spie Industrie & Tertiaire soutenait qu'ils avaient été commandés. En effet les documents dont se prévaut la société Lyon Islands ne permettent pas de retenir que ces travaux ont été autorisés par écrit moyennant un prix convenu avec le maître de l'ouvrage ; que la décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes en paiement de travaux modificatifs non régularisés mais commandés soit 9 829,35 euros TTC pour le marché îlot nord et 1 886,82 euros TTC pour le marché îlot sud ; qu'il est donc dû à la société Spie Sud Est devenue Spie Industrie & Tertiaire au titre des travaux supplémentaires la somme de 58 938,49 euros TTC pour le marché îlot nord et celle de 39 374,93 euros TTC pour le marché îlot sud soit un total de 98 313,42 soit déduction faite du paiement intervenu à hauteur de 59 121,39 euros un solde dû de 39 192,03 euros ; que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a accordé à ce titre à la société Spie Sud Est devenue Spie Industrie & Tertiaire la seule somme de 35 559,79 euros restant due au titre des travaux modificatifs ; que la décision sera confirmée en ce qu'elle a dit que cette somme devait porter intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 août 2011 faute d'application en l'espèce de l'article 20.8 de la norme NFP 03-001 édition décembre 2000 ; qu'en ce qui concerne les réclamations indemnitaires, regroupées sous la rubrique « dépenses supplémentaires » ; que les mémoires définitifs afférents à chacun des marchés mentionnent de manière précise et circonstanciée d'une part les manquements contractuels invoqués et notamment, le décalage des délais, une coordination défaillante, une modification constante de l'ordonnancement dans la livraison des bâtiments, une désorganisation complète dans la gestion par Bouwfonds Marignan, et d'autre part les incidences financières supportées par la société Spie Sud Est en lien avec ces manquements ; que ces précisions permettaient à la société Lyon Islands de respecter la procédure contractuelle de clôture des comptes, et de contester le principe et/ou le montant des sommes ainsi réclamées ; que la société Lyon Islands s'étant abstenue d'apporter une réponse contradictoire à ces demandes dans le cadre de la procédure contractuelle mise en place par les parties, elle est réputée avoir accepté le mémoire définitif établi par la société Spie Sud Est devenue Spie Industrie & Tertiaire et elle doit être condamnée au paiement des sommes ainsi réclamées, la procédure qu'elle a engagée étant sans effet sur l'exigibilité des sommes visées aux mémoires définitifs auxquels elle n'a pas répondu, aucune compensation ne pouvant être prononcée en l'absence de créance certaine liquide et exigible au profit de la société Lyon Islands ; qu'il convient donc, réformant la décision déférée et rejetant les demandes subsidiaires de la société Lyon Islands, de la condamner à payer à la société Spie Sud Est devenue Spie Industrie & Tertiaire au titre des réclamations indemnitaires les sommes de 263 835,18 € HT soit 315.546,88 euros TTC afférentes au marché « îlot nord » et de 249 950,22 € HT soit 298.940,46 euros TTC pour le marché « îlot sud » outre intérêts au taux légal à compter de de la mise en demeure du 8 août 2011 ; ALORS QUE les règles établies par la norme Afnor P 03-001 ne peuvent prévaloir sur les dispositions légales de l'article 1793 du code civil relatives au marché à forfait ; qu'en l'espèce, la SCI Lyon Islands, maître de l'ouvrage, a conclu deux marchés de travaux à forfait avec la société Spie, entrepreneur, lesquels ont été en partie soumis à la norme Afnor P 03-001 ; qu'à l'issue des travaux, la société Spie a adressé au maître de l'ouvrage deux mémoires définitifs sollicitant le paiement de « dépenses supplémentaires » prétendument exposées en raison de manquements contractuels imputés au maître de l'ouvrage ; que la SCI Lyon Islands n'était cependant pas débitrice de ces dépenses supplémentaires qu'elle n'avait ni autorisées ni acceptées, n'ayant au surplus commis aucune faute lors de l'exécution du chantier ; que l'entrepreneur a toutefois soutenu que la SCI Lyon Islands ne lui ayant pas notifié ses décomptes définitifs dans les délais prévus par la norme Afnor P 03-001, elle était réputée avoir accepté devoir les dépenses supplémentaires dont le paiement était sollicité, en vertu de l'article 19.6.2 de ladite norme ; que la SCI Lyon Islands a cependant fait valoir que ces dispositions de la norme Afnor P 03-001 étaient contraires à celles de l'article 1793 du code civil, de sorte qu'elles étaient inapplicables dans le cadre d'un marché de travaux à forfait (concl., p. 15 à 18) ; qu'en accueillant toutefois la demande de la société Spie au motif inopérant que « le caractère forfaitaire du marché ne faisait pas obstacle à la perception de pénalités ou d'indemnités résultant d'un manquement du maître de l'ouvrage », sans avoir caractérisé une faute imputable à la SCI Lyon Islands, et au motif que la SCI Lyon Islands était réputée avoir accepté les mémoires définitifs de l'entrepreneur pour n'y avoir pas répondu dans les délais imposés par la norme Afnor P 03-001, tandis que ces dispositions étaient inapplicables dans le cadre d'un marché de travaux à forfait, la cour d'appel a violé l'article 1793 du code civil.
Ayant relevé que les mémoires définitifs, afférents à des marchés à forfait, qui mentionnaient, au titre des réclamations indemnitaires, de manière précise et circonstanciée, d'une part, les manquements contractuels invoqués et, notamment, le décalage des délais, une coordination défaillante, une modification constante de l'ordonnancement dans la livraison des bâtiments, une désorganisation complète dans la gestion du chantier, d'autre part, les incidences financières supportées par l'entrepreneur en lien avec ces manquements, permettaient au maître de l'ouvrage de respecter la procédure de clôture des comptes prévue par la norme AFNOR NF P 03.001, édition décembre 2000, et visée par les contrats, et de contester le principe et le montant des sommes ainsi réclamées, une cour d'appel a exactement retenu que ce maître de l'ouvrage, s'étant abstenu d'apporter une réponse contradictoire à ces demandes conformément à la procédure contractuelle, était réputé avoir accepté le mémoire définitif établi par l'entrepreneur et devait être condamné au paiement des sommes ainsi réclamées, la procédure qu'il avait engagée étant sans effet sur l'exigibilité de ces sommes visées aux mémoires définitifs auxquels il n'avait pas répondu
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 735 F-P Pourvoi n° N 18-20.231 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 M. H... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 18-20.231 contre l'arrêt rendu le 3 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Editions Atlas, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. O..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Editions Atlas, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mai 2018), la société Editions Atlas, spécialisée dans l'édition et la commercialisation de produits de loisirs, a conclu avec M. O..., le 20 décembre 2006, une convention pour lui confier, pour une durée indéterminée, la prospection de ses clients sur un secteur géographique au sein de l'arrondissement de Sens. 2. Après avoir cessé d'exécuter son contrat le 1er juillet 2011 et conclu le 4 juillet suivant un contrat de travail à durée indéterminée d'attaché commercial exclusif avec une société tierce, M. O..., revendiquant le statut d'agent commercial, a assigné la société Editions Atlas en résiliation du contrat aux torts de celle-ci et en paiement de diverses indemnités. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. O... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas le statut d'agent commercial et rejeter ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société Editions Atlas le 20 décembre 2006, alors « qu'au sens de l'article L. 134-1 du code de commerce, qui procède de la transposition en droit français de l'article 1er, paragraphe 2 de la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, un mandataire indépendant est chargé de négocier dès lors qu'il a pour mission permanente de procurer des affaires pour une autre personne et de promouvoir ses produits auprès des prospects et de la clientèle, quoiqu'il n'ait pas le pouvoir d'en modifier les tarifs ni les conditions contractuelles ; qu'ainsi, en se déterminant par la seule circonstance que, faute de disposer d'un minimum de marge de manoeuvre sur une partie au moins de l'opération économique conclue, s'agissant notamment des prix, des barèmes de remises et des conditions générales de distribution et de vente, tous éléments définis par le mandant, M. O... ne démontrait pas avoir eu le pouvoir de négocier ni, partant, être en mesure de se prévaloir du statut d'agent commercial, sans rechercher, comme elle y était invitée, ainsi qu'en attestait le "plan de vente" remis à chaque agent, il n'avait pas pour mission de rechercher, parmi l'ensemble des produits des Editions Atlas disponibles, celui qui serait le plus susceptible de séduire le prospect, puis de présenter le produit pour lequel le client a une préférence et le convaincre de l'acheter, enfin de rechercher, dans les différentes formes de commercialisation du produit en question, les modalités financières les mieux adaptées à la situation économique du client et l'acceptation du prix le plus élevé possible, ce qui caractérise un pouvoir de négociation au sens de la directive susvisée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 134-1 du code de commerce : 4. Aux termes de ce texte, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. 5. Ces dispositions résultent de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants ayant transposé en droit français la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants. 6. L'article premier de cette directive dispose que « l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée "commettant", soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. » 7. Si la directive ne donne pas de définition du terme « négocier », la Cour de cassation a retenu une acception stricte de la notion de négociation, consacrant par là-même une approche restrictive de la qualification d'agent commercial. Afin de pouvoir distinguer l'agent commercial d'autres intermédiaires commerciaux, lesquels ne bénéficient pas du statut protecteur du premier, elle retenait jusqu'à présent que la négociation supposait que l'intermédiaire dispose d'une marge de manoeuvre certaine pour influer sur les éléments constitutifs de la convention avant la conclusion du contrat avec le client, de nature à en permettre la réalisation (Com., 14 juin 2005, pourvoi n° 03-14.401 ; Com, 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.290). Elle en déduisait que le terme de négociation ne pouvait se résumer à une simple promotion du produit, ni davantage à la seule prospection de la clientèle ou encore à un rôle d'intermédiaire passif, mais s'entendait de la possibilité offerte à l'intermédiaire de modifier les clauses contractuelles initialement envisagées par le mandant, s'agissant notamment des prix et des conditions de vente des produits. 8. Cependant, par un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial, au sens de cette disposition. 9. Il en résulte que doit désormais être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services. 10. Pour dire que M. O... n'avait pas le statut d'agent commercial et rejeter ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société Editions Atlas, l'arrêt relève qu'il ressort des catalogues des produits et prix de vente de juin à décembre 2011 que M. O... n'était en mesure de modifier aucun des éléments de l'offre contractuelle des Editions Atlas, s'agissant des quantités, des prix et des modalités de paiement. Il retient que M. O... ne justifiant pas, dans ces conditions, avoir disposé effectivement d'une quelconque marge de manoeuvre sur une partie au moins de l'opération économique, les prix de cession, les barèmes de remises du mandant et les conditions générales de distribution et de vente étant définis par le mandant, il ne démontre pas qu'il avait le pouvoir de négocier les contrats au nom et pour le compte de son mandant, ce qui exclut toute application du statut d'agent commercial. 11. En statuant ainsi, en se fondant sur l'impossibilité pour M. O... de négocier les prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. O... n'a pas le statut d'agent commercial, le déboute de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société Editions Atlas et statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Editions Atlas aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Editions Atlas et la condamne à payer à M. O... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. O.... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. O... de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec la société ATLAS le 20 décembre 2006 ; Aux motifs que l'article L. 134-1 du code de commerce dispose que : « L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières » ; que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'il incombe à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve ; qu'il ressort des catalogues des produits et prix de vente de juin à décembre 2011 versés aux débats (pièce Atlas n° 9 à 15) que Monsieur O... n'était en mesure de modifier aucun des éléments de l'offre contractuelle des Editions Atlas : - ni les quantités, le client ne s'abonnant qu'à un seul exemplaire d'une édition ; - ni les prix, un seul prix étant proposé par produit, les catalogues des produits et prix faisant apparaître que le prix de chaque article est défini (par les Editions Atlas), que le paiement ait lieu au comptant ou à crédit, la remise sur le prix de vente TTC, avant frais de port, étant fixé, dans ce premier cas, à 3 %, et Monsieur O... ne produisant aucun bon de commande portant mention d'une remise autre librement négociée avec le client ; - ni les modalités de paiement, le nombre et le montant des échéances mensuelles, ceux-ci étant déterminés a priori, de même que le montant des agios et des frais d'expédition, l'article 6.4 du contrat confirmant le pouvoir de décision du seul mandant sur ce point (« les conditions de prix et les formalités de paiement seront définies par le mandant ») ; que Monsieur O... ne justifie pas, dans ces conditions, avoir disposé effectivement d'une quelconque marge de manoeuvre sur une partie au moins de l'opération économique ; que les prix de cession, les barèmes de remises du mandant et les conditions générales de distribution et de vente sont définies par le mandant ; qu'il ne justifie pas davantage avoir eu la possibilité d'engager son mandant, alors qu'il n'avait pas la capacité de signer de contrat ferme avec les clients et que les bons de commande étaient soumis à l'accord des Editions Atlas, ainsi que cela est confirmé par l'article 5-1 du contrat qui stipule que « le mandant vérifie à la réception des commandes si elles correspondent aux prix de cession et aux barèmes de remises et aux conditions générales de distribution et de vente et qu'il se réserve le droit d'accepter définitivement la commande » ; que Monsieur O... ne démontre donc qu'il avait le pouvoir ni de négocier les contrats de vente, ni de représenter les Editions Atlas au sens de l'article L. 134-1 précité ; que l'absence de pouvoir de négocier des contrats au nom et pour le compte de son mandant et de représenter ce dernier exclut toute application du statut d'agent commercial ; que Monsieur O..., dès lors qu'il ne possède pas la qualité d'agent commercial, ne saurait ni invoquer les manquements des Editions Atlas aux dispositions de l'article L. 134-4 du code de commerce pour ne l'avoir pas mis en mesure d'exécuter normalement son mandat, ni fonder ses demandes indemnitaires sur les articles L. 134-11 et L. 134-12 du code de commerce ; Alors qu'au sens de l'article L 134-1 du code de commerce, qui procède de la transposition en droit français de l'article 1er, paragraphe 2 de la Directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, un mandataire indépendant est chargé de négocier dès lors qu'il a pour mission permanente de procurer des affaires pour une autre personne et de promouvoir ses produits auprès des prospects et de la clientèle, quoiqu'il n'ait pas le pouvoir d'en modifier les tarifs ni les conditions contractuelles ; qu'ainsi, en se déterminant par la seule circonstance que, faute de disposer d'un minimum de marge de manoeuvre sur une partie au moins de l'opération économique conclue, s'agissant notamment des prix, des barèmes de remises et des conditions générales de distribution et de vente, tous éléments définis par le mandant, M. O... ne démontrait pas avoir eu le pouvoir de négocier ni, partant, être en mesure de se prévaloir du statut d'agent commercial, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de celui-ci (page 16) si, ainsi qu'en attestait le « plan de vente » remis à chaque agent, il n'avait pas pour mission de rechercher, parmi l'ensemble des produits des Editions ATLAS disponibles, celui qui serait le plus susceptible de séduire le prospect, puis de présenter le produit pour lequel le client a une préférence et le convaincre de l'acheter, enfin de rechercher, dans les différentes formes de commercialisation du produit en question, les modalités financières les mieux adaptées à la situation économique du client et l'acceptation du prix le plus élevé possible, ce qui caractérise un pouvoir de négociation au sens de la directive susvisée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé.
Par l'arrêt CJUE, arrêt du 4 juin 2020, Trendsetteuse SARL/DCA SARL, C-828/18, la CJUE a dit pour droit que l'article 1er, § 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial au sens de cette disposition. Viole en conséquence l'article 134-1 du code de commerce, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er précité, la cour d'appel qui, pour dire que le mandataire n'avait pas le statut d'agent commercial et rejeter ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat conclu avec le mandant, se fonde sur l'impossibilité pour le mandataire de négocier les prix
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 801 FS-P+R Pourvoi n° D 18-25.559 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 Le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais, domicilié [...] , agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, lui-même domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 18-25.559 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2018 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à la société Etablissement Bernard Escande et cie, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Etablissement Bernard Escande et cie, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Bessaud, Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 23 avril 2018), par acte sous seing privé en date du 29 novembre 2010, la société Etablissement Bernard Escande et cie (la société Bernard Escande) a acquis les actions composant le capital de la SAS Société hydroélectrique de la Houille blanche, qui exploite une centrale hydroélectrique. 2. Cette mutation a été taxée au taux de 1,10 % prévu au 1° de l'article 726, I, du code général des impôts, plafonné à un certain montant. 3. Par une proposition de rectification du 1er août 2011, l'administration fiscale a considéré que, eu égard à la valeur des installations dédiées à l'exploitation, qui ont la nature d'immeubles par destination, cette cession devait être soumise au droit d'enregistrement au taux de 5 % applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, conformément aux dispositions de l'article 726, I, 2°, du code général des impôts. 4. Après examen du litige par la commission départementale de conciliation, qui a donné un avis favorable sur la prépondérance immobilière de la société cédée, l'administration fiscale a émis un avis de recouvrement des droits supplémentaires réclamés. 5. La société Bernard Escande a contesté ces impositions par une réclamation qui a été rejetée le 27 avril 2015. 6. La société Bernard Escande a assigné l'administration fiscale en annulation de cette décision et en dégrèvement des droits et pénalités perçus. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais fait grief à l'arrêt de déclarer non fondée et d'annuler la décision de rejet du 27 avril 2015, alors « que l'article 726.-I. du C.G.I. prévoit en son 2 ° que les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5 % pour les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière ; que s'agissant de la notion de "prépondérance immobilière", le même article précise qu'"est à prépondérance immobilière la personne morale (...) dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales (...) elles-mêmes à prépondérance immobilière" ; que l'article 726 du C.G.I. se réfère ainsi à la notion d'"immeubles ou de droits immobiliers", sans autre précision, pour apprécier la prépondérance immobilière ; qu'en pareil cas, à défaut de dispositions spécifiques relatives à la notion d'"immeubles ou de droits immobiliers", le caractère des biens doit nécessairement être déterminé selon les règles du droit civil ; qu'il résulte à cet égard des dispositions de l'article 517 du code civil que "les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auxquels ils s'appliquent" ; que l'article 524 du même code précise par ailleurs que "les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placé pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination" et que sont notamment immeubles par destination "tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure" ; que la notion d'immeuble, telle qu'elle résulte des dispositions du code civil, englobe ainsi les immeubles par nature comme les immeubles par destination, de sorte que le tarif immobilier a vocation à s'appliquer aux ventes d'immeubles par nature, aux ventes d'immeubles par destination et aux ventes d'immeubles par l'objet auxquels ils s'appliquent ; que pour l'appréciation de la prépondérance immobilière au sens des dispositions de l'article 726 du C.G.I., la notion d'immeubles et de droits immobiliers s'entend donc nécessairement de l'ensemble des immeubles, qu'il s'agisse d'immeubles par nature ou d'immeubles par destination ; qu'en jugeant le contraire, en retenant en particulier, par motifs propres et adoptés, que "le texte [de l'article] 726 du C.G.I. ne mentionne que les immeubles et droits réels immobiliers et non les immeubles par destination", de sorte que "ceux-ci ne peuvent y être inclus par référence aux dispositions du code civil", la cour d'appel de Toulouse a nécessairement violé les dispositions de l'article 726.-I. 2° du C.G.I. ainsi que celles des articles 517 et 524 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 726, I, 2°, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009, est à prépondérance immobilière la personne morale, quelle que soit sa nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d'instruments financiers et dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France. 9. Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits réels immobiliers, sans viser les immeubles par destination, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ces derniers ne peuvent être pris en compte pour déterminer si, au sens de l'article 726, I, 2°, susvisé, une personne morale est à prépondérance immobilière. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais et le condamne à payer à la société Etablissement Bernard Escande et cie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais. L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a confirmé le jugement rendu le 12 février 2016 par le tribunal de grande instance de Castres, en ce qu'il a déclaré non fondée la décision de rejet du 27 avril 2015 de la direction générale des finances publiques – direction départementale du Pas-de-Calais, avec toutes conséquences de droit en ce compris la remise des pénalités et, y ajoutant, annulé cette décision en date du 27 avril 2015 ; AUX MOTIFS PROPRES QU' « en application de l'article 726 I 2°du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5 % pour les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière ; que ce texte indique qu'est à prépondérance immobilière la personne morale, quelle que soit sa nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d'instruments financiers et dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales, quelle que soit leur nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d'instruments financiers et elles-mêmes à prépondérance immobilière ; que pour lui attribuer la qualification de société à prépondérance immobilière, l'actif brut de la personne morale doit être constitué pour plus de la moitié des immeubles et droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales elles-mêmes à prépondérance immobilière ; qu'il y a lieu de retenir, pour apprécier la prépondérance immobilière d'une personne morale : - au numérateur, d'une part, la valeur des immeubles et des droits réels immobiliers qu'elle possède en France au jour de la cession, et ce quelle que soit l'utilisation qu'elle en fait, c'est à dire qu'elle les affecte ou non à sa propre exploitation, d'autre part, la valeur des participations qu'elle détient dans des personnes morales à prépondérance immobilière, au dénominateur, la valeur brute réelle de la totalité des éléments d'actif, français ou étrangers et qu'il convient d'y faire figurer notamment, outre les actifs retenus au numérateur, la valeur des immeubles et droits immobiliers situés à l'étranger et les participations dans des personnes morales qui ne sont pas à prépondérance immobilière ; que l'administration fiscale ne conteste le jugement déféré qu'en ce qui concerne la détermination du numérateur ; que l'administration fiscale a retenu la valeur de l'ensemble des immobilisations corporelles figurant au bilan clos le 31 décembre 2009 précédant la cession des parts de la SAS SHHB et a déterminé, après avis de la commission départementale de conciliation du Pas-de-Calais, le numérateur comme suit : - immobilisations corporelles : constructions : 739.688 euros, installations techniques : 341.955 euros, total : 1.081.638 euros ; que l'actif total brut comptable étant de 1.534.731 euros, le rapport s'établit à 1.081.638 euros/1.534.731 euros X 100 = 70,48 % excédant le seuil de 50 % nécessaire à la qualification de société à prépondérance immobilière ; que, s'agissant des constructions, l'administration a retenu la valeur d'inscription à l'actif du bilan à ce titre, soit 739.693 euros (bâtiment métallique : 45.564 euros HT et ouvrage d'art barrages : 694.119 euros HT) alors que la SA Etablissements Bernard Escande et Cie propose de ne retenir qu'une valeur vénale de 400.000 euros ; qu'il résulte de l'article 666 du code général des impôts que les droits d'enregistrement sont assis sur les valeurs ; que la valeur se définit comme le prix qui pourrait être obtenu du bien par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve avant la mutation, établi par comparaison avec des mutations réelles similaires, portant sur des biens intrinsèquement similaires dans les conditions usuelles du marché considéré, sans qu'il soit nécessaire de produire des termes de comparaison parfaitement identiques ; que, toutefois, lorsqu'en raison de la singularité du bien soumis aux droits de mutation, toute comparaison est impossible, d'autres méthodes peuvent être utilisées ; que c'est à bon droit que le tribunal a écarté la proposition de la SA Etablissements Bernard Escande et Cie de fixer à 400.000 euros la valeur vénale de l'immeuble que l'administration était fondée à la refuser en relevant que la dépréciation comptable n'implique pas une dépréciation de la valeur vénale compte tenu de la nature même des constructions destinées à la production d'électricité dont les éléments essentiels, qui doivent être continuellement entretenus et sont sous la surveillance constante de la police de l'eau, n'ont pas vocation à se dégrader avec le temps et en estimant insuffisante pour justifier ladite proposition l'appel d'offres avec date limite de réponse fixée au 30 mai 2011 par la commune de Saint André d'Embrun (Hautes-Alpes) pour l'exploitation d'une centrale située à proximité de celle en cause ; qu'au titre des installations techniques qualifiées d'immeubles par destination, ont été retenus par l'administration fiscale la turbine (136.633 euros), le câble CEAT (9.482 euros) et l'armoire électrique (195.840 euros) pour un montant s'élevant à 341.955 euros excluant la valeur de la roue Pelton de rechange (29.136 euros) ; que l'article 524 du code civil dispose que les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination ; que si l'article 14 du code général des impôts inclut dans les revenus fonciers les revenus "de l'outillage des établissements industriels attachés au fonds à perpétuelle demeure", ces dispositions sont propres à la définition d'une catégorie de revenus et ne constituent pas les éléments d'une définition fiscale des biens immobiliers ; que c'est dès lors à bon droit que le jugement déféré a retenu que l'article 726 I 2° du code général des impôts qui ne mentionne que les immeubles et droits réels immobiliers et non spécifiquement les immeubles par destination, ceux-ci ne peuvent y être inclus par référence aux dispositions du Code civil ; qu'il s'ensuit que le jugement déféré, qui a constaté que le taux résultant du rapport immobilisations corporelles retenues à hauteur de 739.683 euros et total de l'actif brut s'élevant à 1.534.731 euros était inférieur à 50 %, a déclaré non fondée la décision du 27 avril 2015, doit être confirmé » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «l'article 726-1-2° du CGI soumet au taux de 5. % « les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière. Est à prépondérance immobilière la personne morale ,quelle que soit sa nationalité ,dont tes droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d'instruments financiers au sens de l'article L 421-1 du code monétaire et financier ou sur un système multilatéral de négociation au sens de l'article L 424-1 du même code et dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause , principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales » ; qu'au regard des dispositions en vigueur au moment des faits, est qualifiée de société à prépondérance immobilière une personne morale dont l'actif brut total est constitué pour plus de la moitié des immeubles ou droits immobiliers sis en France ou de participation dans des personnes morales elles mêmes à prépondérance immobilières ; que l'appréciation de la prépondérance immobilière se détermine par le rapport entre le numérateur, constitué de la valeur des immeubles et droits réels immobiliers détenus au jour de la cession, et du dénominateur, déterminé par la valeur brute réelle de la totalité des éléments d'actif ; que les éléments d'actif doivent être estimés â leur valeur vénale ; que l'appréciation de la prépondérance immobilière s'effectue au jour de la cession , ou à tout moment au cours de l'année précédant la cession des participations en cause ; qu'il convient d'analyser les postes en litige aux fins de déterminer si la SAS SHHB est à prépondérance immobilière (...) ; qu'en revanche, il convient avec la société demanderesse de ne pas prendre en compte le poste matériel outillage, installation technique ; que ces postes sont retenus par l'administration car considérés en vertu de l'article 524 du code civil comme immeubles par destination ; que cependant, force est de constater que le texte 726 du CGI ne mentionne que les immeubles et droits réels immobiliers et non les immeubles par destination ; que les articles 524 ou 517 du code civil ne sont pas inclus dans la législation fiscale qui n'y fait jamais référence ; que ce poste ne doit donc pas être pris en compte ; que doit donc figurer au numérateur la somme de 739 683 euros ; que s'agissant de la détermination du dénominateur, l'administration reconnaît à minima une valeur de l'ensemble des immobilisations corporelles à hauteur de 1 534 731 euros ; que dès lors, il ressort le taux suivant : (immobilisations corporelles / total de l'actif ) X 100 = 739 683 /1 534 731 ) X 100 = 48,196% ; qu'en conséquence, la SAS SHHB n'est pas une société à prépondérance immobilière » ; ALORS QUE, l'article 726.-I. du C.G.I. prévoit en son 2 ° que les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5 % pour les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière ; que s'agissant de la notion de « prépondérance immobilière », le même article précise qu' « est à prépondérance immobilière la personne morale (...) dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales (...) elles-mêmes à prépondérance immobilière » ; que l'article 726 du C.G.I. se réfère ainsi à la notion d' « immeubles ou de droits immobiliers », sans autre précision, pour apprécier la prépondérance immobilière ; qu'en pareil cas, à défaut de dispositions spécifiques relatives à la notion d'« immeubles ou de droits immobiliers », le caractère des biens doit nécessairement être déterminé selon les règles du droit civil ; qu'il résulte à cet égard des dispositions de l'article 517 du code civil que « les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auxquels ils s'appliquent » ; que l'article 524 du même code précise par ailleurs que « les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placé pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination » et que sont notamment immeubles par destination « tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure » ; que la notion d'immeuble, telle qu'elle résulte des dispositions du code civil, englobe ainsi les immeubles par nature comme les immeubles par destination, de sorte que le tarif immobilier a vocation à s'appliquer aux ventes d'immeubles par nature, aux ventes d'immeubles par destination et aux ventes d'immeubles par l'objet auxquels ils s'appliquent ; que pour l'appréciation de la prépondérance immobilière au sens des dispositions de l'article 726 du C.G.I., la notion d'immeubles et de droits immobiliers s'entend donc nécessairement de l'ensemble des immeubles, qu'il s'agisse d'immeubles par nature ou d'immeubles par destination ; qu'en jugeant le contraire, en retenant en particulier, par motifs propres et adoptés, que « le texte [de l'article] 726 du C.G.I. ne mentionne que les immeubles et droits réels immobiliers et non les immeubles par destination », de sorte que « ceux-ci ne peuvent y être inclus par référence aux dispositions du code civil », la cour d'appel de Toulouse a nécessairement violé les dispositions de l'article 726.-I. 2° du C.G.I. ainsi que celles des articles 517 et 524 du Code civil.
Selon l'article 726, I, 2°, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009, est à prépondérance immobilière la personne morale, quelle que soit sa nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d'instruments financiers et dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France. Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits réels immobiliers, sans viser les immeubles par destination, c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient que ces derniers ne peuvent être pris en compte pour déterminer si, au sens de l'article 726, I, 2°, susvisé, une personne morale est à prépondérance immobilière
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 802 FS-P Pourvoi n° U 18-24.055 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 1°/ M. V... Q..., 2°/ Mme H... U..., épouse Q..., domiciliés tous deux [...], ont formé le pourvoi n° U 18-24.055 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, domicilié [...] , agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, 2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme Q..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, Lefeuvre, Bessaud, Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2018), M. et Mme Q... se sont acquittés, au titre de l'année 2012, de la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Contestant la conformité de cette contribution avec les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son caractère rétroactif et de l'absence de tout dispositif de plafonnement, ils en ont demandé le remboursement. Après rejet de leur réclamation, ils ont assigné l'administration fiscale pour demander l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 2. M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : « 2°/ qu'il ressort, tant de l'économie même de l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, que des travaux parlementaires ayant précédé son adoption, qu'en instaurant au titre de l'année 2012 une "contribution exceptionnelle sur la fortune" dont l'assiette était calquée sur celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont le contrôle et le recouvrement obéissaient aux même procédures, garanties et privilèges que celui-ci, dont le barème progressif était fortement inspiré de celui qui s'était appliqué pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2011, et dont le paiement devait être effectué après imputation du montant de l'impôt de solidarité sur la fortune acquitté au titre de l'année 2012, le législateur a entendu rétroactivement annihiler l'allégement d'imposition accordé sous la précédente législature et porter le niveau de l'imposition sur la fortune des redevables concernés au titre de 2012 au niveau qui se serait appliqué si le barème antérieur à la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 avait été conservé ; qu'il suit de là que cette CEF n'est pas distincte de l'impôt de solidarité sur la fortune et qu'elle n'a eu d'autre objet que de permettre une élévation rétroactive du montant de cet impôt décidée postérieurement à son fait générateur, ce dont il s'évince qu'elle a méconnu le juste équilibre requis entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et les impératifs de la protection du droit fondamental des redevables de l'impôt au respect de leurs biens ; que, pour écarter ce grief, la cour d'appel a retenu que cette CEF était une imposition autonome de l'impôt de solidarité sur la fortune, puisque son fait générateur était la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 et que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012 n'étaient imposables qu'à raison de leur patrimoine situé en France ; qu'en se déterminant ainsi au regard de l'apparence d'autonomie conférée par le législateur à cette contribution, quand il lui appartenait d'en restituer le véritable caractère dès lors que la Convention européenne des droits de l'homme a vocation à protéger des droits concrets et effectifs, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; 3°/ que, sous peine de méconnaître le juste équilibre requis entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et les impératifs de la protection du droit fondamental des redevables de l'impôt au respect de leurs biens, une loi fiscale nationale adoptée postérieurement au fait générateur d'une imposition ne saurait avoir pour effet d'anéantir de manière rétroactive l'allégement de cet impôt qui résultait de la loi en vigueur au moment du fait générateur de celui-ci ; qu'en retenant, par motif adopté des premiers juges, que l'application d'une loi fiscale rétroactive ne constitue pas en soi une violation des droits garantis par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la CEF instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 n'avait pas eu pour objet et pour effet d'anéantir de manière rétroactive les effets de l'allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, qui avait été décidé par l'effet de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, et de porter ainsi atteinte aux attentes légitimes des contribuables qui, ayant acquitté leur impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2012, pouvaient légitimement s'estimer libérés, pour cette année, de toute imposition sur la détention de leur patrimoine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention susvisée. » Réponse de la Cour 3. L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas, en tant que telle, l'application rétroactive d'une loi fiscale. 4. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui instaure la CEF, est intervenue au cours de l'exercice au titre duquel cet impôt est dû. Si une telle mesure est, au sens de la Convention, rétroactive en ce que la CEF due au titre de l'année 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012, ce qui s'analyse, en droit interne, comme une mesure rétrospective dès lors que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date de l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative, elle ne présente toutefois aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal. 5. En outre, l'acquittement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l'année 2012, par des contribuables auxquels l'allégement, issu de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de cet impôt a été accordé sans contrepartie, n'a pu faire naître aucune attente légitime quant au fait qu'aucun supplément d'imposition sur le patrimoine ne serait décidé par le législateur pour cette même année. 6. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus. Et sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « qu'en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que si l'instauration par l'article 4 de la loi du 16 août 2012 d'une CEF s'est, dans son principe, inscrite dans le cadre du droit que détient tout Etat partie à la Convention susvisée de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt, les stipulations conventionnelles susvisées imposaient néanmoins de respecter un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et les impératifs de la protection du droit fondamental de chaque individu au respect de ses biens, ce dont il se déduit que la contribution instaurée, dût-elle ne s'appliquer que pour une seule année, ne devait pas revêtir le caractère d'une confiscation, fût-elle partielle du patrimoine des assujettis, en imposant à ces derniers une captation fiscale supérieure aux revenus permettant de l'acquitter ; que pour juger néanmoins que l'instauration de la contribution en cause n'avait pas méconnu le droit des époux Q... au respect de leurs biens, la cour d'appel a énoncé que "le plafonnement par rapport aux revenus ne s'impose pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus" ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'une imposition sur la fortune peut revêtir un caractère confiscatoire dès lors qu'elle n'est pas plafonnée à hauteur des revenus qui permettraient de l'acquitter, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. » 8. L'arrêt constate que la CEF s'est élevée, pour M. et Mme Q..., à la somme de 802 091 euros après imputation de l'ISF d'un montant de 338 395 euros. Il relève que M. et Mme Q... ne justifient pas du montant des revenus dont ils ont disposé en 2011, qu'ils ne démontrent ni même n'allèguent que leurs revenus auraient été absorbés intégralement par la CEF ni qu'ils auraient été contraints de céder une partie de leur patrimoine pour s'en acquitter, ni même que leur patrimoine ait diminué sur la période considérée. En l'état de ces seuls motifs, dont il résulte qu'il n'était pas établi que le paiement de la CEF ait constitué, pour M. et Mme Q..., une charge excessive au regard de leur situation patrimoniale, la cour d'appel a justifié le rejet du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen, qui critique des motifs surabondants, est donc inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme Q... et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Q.... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux Q... de leurs demandes tendant à voir annuler la décision de rejet de leur réclamation contentieuse et à voir prononcer le dégrèvement de la contribution exceptionnelle sur la fortune à laquelle ils avaient été assujettis au titre de l'année 2012, et d'AVOIR confirmé la décision de rejet du 27 avril 2015 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « les époux Q... soutiennent que la contribution exceptionnelle sur la fortune est une ingérence excessive dans leur droit de propriété au sens de l'article 1 de la CEDH ; qu'ils exposent qu'un impôt est qualifié de confiscatoire s'il n'est pas vérifié que le montant de l'impôt dû demeure inférieur aux revenus perçus par le contribuable l'année précédente ; que la contribution exceptionnelle sur la fortune n'est soumise à aucun plafonnement ce qui présente un caractère confiscatoire et excessif ; Mais considérant, ainsi que relevé par les premiers juges, que la CEF s'inscrit dans le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt dès lors que ses principes de fonctionnement et modalités de calcul sont précisés par une loi conforme à la constitution ; que la CEF est exigible au titre de la seule année 2012 et que le montant brut de cet impôt est établi après déduction de l'ISF ; que, dans la présente espèce, les époux Q... qui ont déclaré une base imposable de 67.678.935 euros au 1er janvier 2012 se sont acquittés d'une contribution exceptionnelle sur la fortune d'un montant de 1.140.486 euros, partiellement par imputation de la somme de 338.395 euros qu'ils avaient acquittée au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2012 ; qu'ensuite, le plafonnement par rapport aux revenus ne s'impose pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus ; que, sur le caractère confiscatoire, Monsieur et Madame V... Q... ont acquitté la CEF 2012 pour 802.091 euros ; que ce montant a bien été calculé sur la base de la valeur de leur patrimoine net imposable déclarée au 1er janvier 2012 pour 67.678.935 euros, sur leur déclaration ISF 2012, selon le barème progressif composé de sept tranches et dont le taux applicable varie de 0 % à 1,80 % en fonction des tranches ; que la CEF constituant une imposition autonome pour la seule année 2012 ne remet pas en cause les engagements prévus pour l'ISF au titre de l'année 2012 par la loi de finances rectificatives pour 2011 ; que les époux Q... soutiennent également que l'instauration de cet impôt a eu pour unique objectif d'augmenter le montant d'ISF des contribuables ; que cet impôt disposerait d'une assiette identique à l'ISF et serait contrôlé et recouvré selon les mêmes procédures avec les mêmes sanctions ; que cette loi fiscale modifierait rétroactivement le montant de l'ISF ; Mais considérant que si la valeur de l'assiette d'imposition est celle au 1er janvier 2012, le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ; que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012, date de la présentation du projet de loi de finances rectificative, seront imposés non en raison de leur patrimoine mondial mais de leur patrimoine situé en France ; que par ce mécanisme, le législateur a expressément prévu un régime de calcul de l'assiette de la contribution exceptionnelle différent du régime de calcul de l'assiette de l'lSF 2012 » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions, précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ; que, si l'imposition fiscale constitue en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de cet article, cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions ; que ce deuxième alinéa doit toutefois se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l'article et il s'ensuit qu'une mesure d'ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que par conséquent, l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions peut léser la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l'entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; que par ailleurs, l'application d'une loi fiscale rétroactive ne constitue pas en soi une violation des droits garantis par cet article, sous la même réserve cependant, à savoir que cette loi ménage un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux des contribuables, sans imposer à ces derniers une charge excessive ou porter fondamentalement atteinte à leur situation financière ; que s'agissant de l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative, dont l'application est contestée dans le cadre du présent litige, il convient de rappeler que, souhaitant revenir sur l'allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune accordé par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, le législateur a mis à la charge des personnes redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2012 une contribution exceptionnelle sur la fortune, calculée sur la base d'un barème progressif inspiré de celui qui était appliqué pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011 ; que l'impôt de solidarité sur la fortune déjà acquitté au titre de l'année 2012 s'est imputé sur le montant de la contribution exceptionnelle et il s'agissait de faire en sorte que, pour les redevables de l'impôt en 2012, la somme de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la contribution soit égale au montant de l'impôt de solidarité sur la fortune qui aurait été dû en 2012 si le barème fixé pour 2011 avait été conservé, étant cependant précisé que l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011 faisait l'objet d'un plafonnement qui n'a pas été appliqué à la contribution exceptionnelle sur la fortune nouvellement instituée ; qu'au cas particulier, M. et Mme Q..., déclarant une base imposable d'un montant de 67.678.935 euros au 1er janvier 2012, se sont acquittés d'une contribution exceptionnelle sur la fortune d'un montant de 1.140.486 euros, partiellement par imputation de la somme de 338.395 euros qu'ils avaient acquittée au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2012, et soutiennent que cette imposition présenterait un caractère excessif au motif notamment qu'elle ne serait soumise à aucun plafonnement au regard de leurs revenus et qu'elle serait rétroactive ; qu'il sera cependant relevé, d'une part, que cette augmentation de l'imposition de leur patrimoine au 1er janvier 2012 a été mise en oeuvre dans le courant de cette même année et a présenté un caractère exceptionnel, pour n'avoir pas été reconduite les années suivantes ; qu'il sera relevé, d'autre part, que les demandeurs ne versent aux débats aucun élément permettant d'apprécier le montant de leurs revenus, de sorte qu'ils ne justifient pas que l'absence de reconduction du mécanisme de plafonnement appliqué à l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2011 ait eu une quelconque incidence sur leur situation financière et que, plus généralement, ils ne démontrent pas, ni même n'allèguent, que cette contribution aurait conduit à l'absorption intégrale de leurs revenus disponibles ou les aurait contraints à céder une partie de leur patrimoine pour s'en acquitter, ni même que leur patrimoine ait diminué sur la période considérée ou qu'il ait fait l'objet d'une expropriation quelconque ; que l'ensemble de ces éléments permet de juger que la contribution exceptionnelle sur la fortune dont se sont acquittés M. et Mme Q... en 2012 ne présente pas de caractère excessif et qu'aucune atteinte fondamentale à leur situation financière n'est établie au sens du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ; 1. ALORS QU'EN vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que si l'instauration par l'article 4 de la loi du 16 août 2012 d'une contribution exceptionnelle sur la fortune s'est, dans son principe, inscrite dans le cadre du droit que détient tout Etat partie à la convention susvisée de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt, les stipulations conventionnelles susvisées imposaient néanmoins de respecter un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et les impératifs de la protection du droit fondamental de chaque individu au respect de ses biens, ce dont il se déduit que la contribution instaurée, dût-elle ne s'appliquer que pour une seule année, ne devait pas revêtir le caractère d'une confiscation, fût-elle partielle du patrimoine des assujettis, en imposant à ces derniers une captation fiscale supérieure aux revenus permettant de l'acquitter ; que pour juger néanmoins que l'instauration de la contribution en cause n'avait pas méconnu le droit des époux Q... au respect de leurs biens, la cour d'appel a énoncé que « le plafonnement par rapport aux revenus ne s'impose pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus » ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'une imposition sur la fortune peut revêtir un caractère confiscatoire dès lors qu'elle n'est pas plafonnée à hauteur des revenus qui permettraient de l'acquitter, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ; 2. ALORS QU'IL ressort, tant de l'économie même de l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, que des travaux parlementaires ayant précédé son adoption, qu'en instaurant au titre de l'année 2012 une « contribution exceptionnelle sur la fortune » dont l'assiette était calquée sur celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont le contrôle et le recouvrement obéissaient aux même procédures, garanties et privilèges que celui-ci, dont le barème progressif était fortement inspiré de celui qui s'était appliqué pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2011, et dont le paiement devait être effectué après imputation du montant de l'impôt de solidarité sur la fortune acquitté au titre de l'année 2012, le législateur a entendu rétroactivement annihiler l'allègement d'imposition accordé sous la précédente législature et porter le niveau de l'imposition sur la fortune des redevables concernés au titre de 2012 au niveau qui se serait appliqué si le barème antérieur à la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 avait été conservé ; qu'il suit de là que cette contribution exceptionnelle sur la fortune n'est pas distincte de l'impôt de solidarité sur la fortune et qu'elle n'a eu d'autre objet que de permettre une élévation rétroactive du montant de cet impôt décidée postérieurement à son fait générateur, ce dont il s'évince qu'elle a méconnu le juste équilibre requis entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et les impératifs de la protection du droit fondamental des redevables de l'impôt au respect de leurs biens ; que, pour écarter ce grief, la cour d'appel a retenu que cette contribution exceptionnelle était une imposition autonome de l'impôt de solidarité sur la fortune, puisque son fait générateur était la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 et que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012 n'étaient imposables qu'à raison de leur patrimoine situé en France ; qu'en se déterminant ainsi au regard de l'apparence d'autonomie conférée par le législateur à cette contribution, quand il lui appartenait d'en restituer le véritable caractère dès lors que la convention européenne des droits de l'Homme a vocation à protéger des droits concrets et effectifs, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; 3. ALORS, enfin, QUE sous peine de méconnaître le juste équilibre requis entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et les impératifs de la protection du droit fondamental des redevables de l'impôt au respect de leurs biens, une loi fiscale nationale adoptée postérieurement au fait générateur d'une imposition ne saurait avoir pour effet d'anéantir de manière rétroactive l'allègement de cet impôt qui résultait de la loi en vigueur au moment du fait générateur de celui-ci ; qu'en retenant, par motif adopté des premiers juges, que l'application d'une loi fiscale rétroactive ne constitue pas en soi une violation des droits garantis par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la contribution exceptionnelle sur la fortune instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 n'avait pas eu pour objet et pour effet d'anéantir de manière rétroactive les effets de l'allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, qui avait été décidé par l'effet de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, et de porter ainsi atteinte aux attentes légitimes des contribuables qui, ayant acquitté leur impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2012, pouvaient légitimement s'estimer libérés, pour cette année, de toute imposition sur la détention de leur patrimoine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention susvisée.
L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas, en tant que telle, l'application rétroactive d'une loi fiscale. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui instaure la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF), est intervenue au cours de l'exercice au titre duquel cet impôt est dû. Si une telle mesure est, au sens de la Convention, rétroactive en ce que la CEF due au titre de l'année 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012, ce qui s'analyse, en droit interne, comme une mesure rétrospective dès lors que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date de l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative, elle ne présente toutefois aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal. En outre, l'acquittement de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, par des contribuables auxquels l'allégement, issu de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de cet impôt, a été accordé sans contrepartie, n'a pu faire naître aucune attente légitime quant au fait qu'aucun supplément d'imposition sur le patrimoine ne serait décidé par le législateur pour cette même année. Par conséquent, la loi instaurant la CEF n'a pas méconnu les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 803 FS-P Pourvoi n° D 18-26.479 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 1°/ M. A... N..., 2°/ Mme R... M..., épouse N..., domiciliés tous deux [...], ont formé le pourvoi n° D 18-26.479 contre l'arrêt n° RG : 17/06572 rendu le 29 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [...] , agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, 2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat de M. et Mme N..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, Lefeuvre, Bessaud, Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2018, n° RG : 17/06572), M. et Mme N... se sont acquittés, au titre de l'année 2012, de la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Contestant la conformité de cette contribution avec les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son caractère rétroactif et de l'absence de tout dispositif de plafonnement, ils en ont demandé le remboursement. Après rejet de leur réclamation, ils ont assigné l'administration fiscale pour demander l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa huitième branche Enoncé du moyen 2. M. et Mme N... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : « 8°/ que méconnaissent le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions qui soumettent un contribuable à une imposition établie en fonction d'éléments antérieurs à l'entrée en vigueur du texte prévoyant l'imposition, si cette rétroactivité n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'en l'espèce, la CEF instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012 ; qu'en retenant que ces dispositions ne portaient pas atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi fiscale, pour en déduire qu'elles ne méconnaissaient pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu ce texte. » Réponse de la Cour 3. L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas, en tant que telle, l'application rétroactive d'une loi fiscale. 4. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui instaure la CEF, est intervenue au cours de l'exercice au titre duquel cet impôt est dû. Si une telle mesure est, au sens de la Convention, rétroactive en ce que la CEF due au titre de l'année 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012, ce qui s'analyse, en droit interne, comme une mesure rétrospective dès lors que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date de l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative, elle ne présente toutefois aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal. 5. En outre, l'acquittement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l'année 2012, par des contribuables auxquels l'allégement, issu de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de cet impôt a été accordé sans contrepartie, n'a pu faire naître aucune attente légitime quant au fait qu'aucun supplément d'imposition sur le patrimoine ne serait décidé par le législateur pour cette même année. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches 7. M. et Mme N... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : Enoncé du moyen « 1°/ que l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions méconnaît la garantie consacrée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle impose au contribuable une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté par motifs propres et adoptés que M. et Mme N... se sont acquittés de la somme de 133 276 euros au titre de l'ISF 2012 et de la somme de 268 781 euros au titre de la seule CEF, alors que leurs revenus disponibles déclarés en 2012 au titre de 2011 s'élevaient à la somme de 160 033 euros ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que la CEF réclamée à M. et Mme N... ne revêtait pas un caractère confiscatoire, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que son montant excédait le montant des revenus dont M. et Mme N... avaient disposé, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 2°/ qu'en retenant, pour juger que la CEF réclamée à M. et Mme N... ne méconnaissait pas le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'imposait pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus, cependant que méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel précité les impositions dont le montant excède les revenus dont le contribuable a disposé, quelle que soit leur assiette, la cour d'appel a derechef violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 3°/ que, en se fondant, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire alors même que son montant excédait celui des revenus déclarés en 2012 par M. et Mme N..., sur le fait que ce montant demeurait limité par rapport au patrimoine des contribuables, cependant que revêt un caractère confiscatoire une imposition dont le montant excède les revenus dont le contribuable a disposé, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 4°/ que, en se fondant encore, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que cette contribution présentait un caractère exceptionnel, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 5°/ que, en se fondant, par motifs adoptés, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que le montant de ces revenus aurait été le résultat des choix opérés par M. et Mme N... en matière d'investissements, la cour d'appel s'est derechef déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 6°/ que, en tout état de cause, M. et Mme N... avaient fait valoir, pour contester le fait que le niveau de leurs revenus aurait résulté d'un choix de leur part, que leur patrimoine se composait à hauteur de 750 000 euros de biens immobiliers non productifs de revenus, à hauteur de zéro euro de contrat d'assurance vie et, à hauteur de 49,14 %, de titres côtés de la société Schlumberger, qui avait donné lieu à un montant de dividendes de 164 255 euros au titre de l'année 2011 ; qu'en retenant que le montant des revenus de M. et Mme N... résultait du choix qu'ils avaient fait de procéder à des investissements massifs non productifs de revenus, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°/ que M. et Mme N... avaient fait valoir, pour démontrer le caractère confiscatoire de la contribution mise à leur charge, que leur patrimoine net avait diminué en 2012, pour passer de 26 655 137 euros au 1er janvier 2012 à 25 550 050 euros (lire 26 550 050 euros) au 1er janvier 2013 ; qu'en retenant, pour exclure le caractère confiscatoire de la contribution mise à la charge de M. et Mme N..., que le patrimoine brut des époux N... était passé de 27 772 408 euros au 1er janvier 2012 à 29 175 107 euros au 1er janvier 2013, sans rechercher si le montant de leur patrimoine net avait évolué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité. » Réponse de la Cour 8. En premier lieu, le seul fait que le montant de la CEF dépasse le montant des revenus du contribuable pour l'année considérée ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire de cet impôt. Les griefs des première, deuxième et troisième branches procèdent donc d'un postulat erroné. 9. En second lieu, l'arrêt constate que cette contribution, d'un montant initial de 402 057 euros, s'est élevée, pour M. et Mme N..., à la somme de 268 781 euros après imputation de l'ISF. Il retient, par motifs propres et adoptés, que si M. et Mme N... ont perçu des revenus d'un montant de 160 033 euros selon leur déclaration de 2011, ils détenaient au 1er janvier 2012 un patrimoine d'une valeur nette de 26 655 137 euros, de sorte que la CEF n'a représenté que 1,44 % de sa valeur. Il ajoute que cette contribution n'a pas conduit à la diminution de leur patrimoine, quand bien même auraient-ils choisi de céder telles ou telles actions pour s'acquitter de ces impositions, leur patrimoine déclaré imposable au titre de l'ISF ayant été estimé à la somme de 27 772 408 euros, au 1er janvier 2012, puis à celle de 29 175 107 euros, au 1er janvier 2013, après paiement de la CEF. En l'état de ces seuls motifs, dont il résulte que le paiement de la CEF n'avait pas constitué, pour M. et Mme N..., une charge excessive au regard de leur situation patrimoniale, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par la septième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a pu écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 10. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses quatrième, cinquième et sixième branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme N... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme N... et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme N.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme N... de leur demande de décharge des impositions mises à leur charge au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012 à hauteur de 268 781 euros, de restitution de cette somme et d'annulation de la décision du 17 juin 2015 rejetant leur réclamation contentieuse du 30 décembre 2014 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE les époux N... allèguent que la contribution exceptionnelle sur la fortune constitue une ingérence excessive dans leur droit de propriété au sens de l'article 1 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'un impôt est qualifié de confiscatoire s'il n'est pas vérifié que le montant de l'impôt dû demeure inférieur aux revenus perçus par le contribuable l'année précédente ; que la contribution exceptionnelle sur la fortune n'est soumise à aucun plafonnement ce qui présente en l'espèce un caractère confiscatoire et excessif, ce dernier devant être évalué en fonction de leurs revenus disponibles ; que la somme des impôts qu'ils ont acquittés en 2012 est très nettement supérieure au montant de leurs revenus (environ 290 % de ceux-ci) la CEF représentant à elle seule 168 % de leurs revenus ; qu'ils soutiennent que la CEF 2012 qu'ils ont acquittée présente ainsi un caractère confiscatoire, dans la mesure où elle a conduit à l'absorption intégrale de leurs revenus ; qu'en tout état de cause, une telle atteinte au droit de propriété ne pourrait être considérée comme proportionnée au but poursuivi d'accroissement des recettes fiscales de l'Etat ; que les époux N... prétendent également que l'instauration de cet impôt a pour unique objectif d'augmenter le montant d'ISF des contribuables ; que son assiette serait identique à celle de l'ISF avec mêmes contrôles, mêmes procédures et mêmes sanctions ; qu'il serait ainsi porté atteinte à leur droit de propriété car la rétroactivité de la loi fiscale modifierait rétroactivement le montant d'ISF qu'ils auraient dû payer à la date du 1er janvier 2012 ; que les services fiscaux sont bien fondés à s'opposer aux griefs portant tant sur le caractère confiscatoire de la CEF que sur son caractère rétroactif ; que sur le caractère confiscatoire et sur l'atteinte disproportionné aux droits des appelants ; que la CEF s'inscrit dans le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt dès lors que ses principes de fonctionnement et modalités de calcul sont précisés par une loi conforme à la constitution ; que la CEF qui comporte plusieurs tranches est exigible au titre de la seule année 2012 et que le montant brut de cet impôt est établi après déduction de l'ISF ; que les époux N... ont acquitté la CEF 2012 pour 268 781 euros soit 402 057 euros diminués du montant de l'ISF (133 276 euros) ; que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'impose pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus ; que les époux N... détenaient au 1er janvier 2012 un patrimoine d'une valeur nette de 26 655 137 euros en 2012, pour un actif brut déclaré de 27 772 408 euros ; que, rapporté à ce montant, le montant de la CEF correspond à 1 % de leur patrimoine net imposable et à 1,44 % en incluant l'ISF ; que le patrimoine brut ISF des époux N... qui portait sur un montant de 27 772 408 euros le 1er janvier 2012 a porté sur un montant de 29 175 107 euros au 1er janvier 2013 après paiement de la CEF ; que les griefs liés de spoliation et d'appauvrissement du patrimoine ne sont dès lors pas caractérisés, peu important que les contribuables aient choisi de céder telles ou telles actions pour s'acquitter des dites impositions ; que sur le caractère rétroactif de la CEF 2012 ; que si la valeur de l'assiette d'imposition est celle au 1er janvier 2012, le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ; qu'un contribuable assujetti à l'ISF au titre de l'année 2012 et qui serait décédé avant cette date ne serait pas assujetti à la CEF ; que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012, date de la présentation du projet de loi de finances rectificative, seront imposés non en raison de leur patrimoine mondial mais de leur patrimoine situé en France ; que par ce mécanisme, le législateur a expressément prévu un régime de calcul de l'assiette de la contribution exceptionnelle différent du régime de calcul de l'assiette de l'ISF 2012 ; que le conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 août 2012, a expressément rappelé que cette imposition n'affectait pas une situation légalement acquise et ne portait pas atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi fiscale ; que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ; ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE M. A... N... et Mme R... M... épouse N... soutiennent que l'imposition sur le patrimoine dont leur foyer fiscal a fait l'objet au titre de l'année 2012, pour un montant total de 268 781 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune pour l'année 2012 serait contraire, au principe de proportionnalité résultant de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que cette imposition présenterait un caractère confiscatoire et excessif ; que l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ». ; que si l'imposition fiscale constitue en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de cet article, cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions ; que ce deuxième alinéa doit toutefois se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l'article et il s'ensuit qu'une mesure d'ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que, par conséquent, l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions peut léser la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l'entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; que s'agissant du grief tiré de la rétroactivité de la loi du 16 août 2012 portant création de la contribution exceptionnelle sur la fortune, il y a lieu de relever que l'article 4 de cette loi instaure une taxe distincte, laquelle ne se confond pas avec l'impôt de solidarité sur la fortune puisqu'il ne s'agit pas pour le législateur de procéder à une nouvelle liquidation de l'impôt sur la base du tarif applicable en 2011, étant cependant précisé que l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011 faisait l'objet d'un plafonnement qui n'a pas été appliqué à la contribution exceptionnelle sur la fortune nouvellement instituée ; qu'en tout état de cause, l'application rétroactive d'une loi fiscale ne constitue pas en soi une violation de l'article premier du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'étant pas interdite en tant que telle par cette disposition ; qu'il suffit que la loi ménage un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux des contribuables ; que la loi de finances votée à la fin de chaque année civile définit notamment les règles en matière d'impôt sur le revenu applicable aux revenus perçus au cours de l'année écoulée ; qu'ainsi, l'imposition litigieuse ne présente à cet égard aucun caractère exceptionnel au regard du droit fiscal, la loi étant intervenue au cours de l'année considérée ; que sur l'absence de mécanisme de plafonnement de la contribution exceptionnelle sur la fortune, il doit être rappelé que, chronologiquement, jusqu'à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011, un mécanisme de plafonnement spécifique était appliqué afin que le montant cumulé de l'impôt de solidarité sur la fortune et des impôts dus en France, à l'exclusion de la taxe foncière et de la taxe d'habitation, et à l'étranger, au titre des revenus et produits de l'année précédente, ne pût excéder 85 % des revenus perçus au titre de cette même année par le redevable de l'impôt ; qu'à compter de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, la réforme de la fiscalité du patrimoine instituée par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a notamment eu pour principal objet de simplifier le tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune en instituant deux tranches d'imposition et un taux marginal d'imposition réduit, à savoir 0,50 % au lieu de 1,8 % ; que compte tenu de l'abaissement du taux marginal d'imposition opéré, le législateur n'a pas conservé le mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune ; que l'instauration de la contribution exceptionnelle sur la fortune par la loi du 16 août 2012 n'a pas été accompagnée d'une mesure de rétablissement d'un mécanisme de plafonnement de l'impôt ; que l'exposé des motifs de la loi du 16 août 2012 précise que la contribution exceptionnelle sur la fortune a eu pour objet de réduire le déficit public pour 2012 en faisant participer les contribuables les plus aisés de façon à répartir équitablement la charge fiscale supplémentaire ; que cette réduction caractérise les exigences de l'intérêt général de la communauté, au sens de la Convention, exigences que les demandeurs n'allèguent pas être déraisonnables ; que la contribution critiquée a eu un caractère exceptionnel ; qu'elle n'a pas été maintenue au-delà de l'année 2012, que l'article 13, paragraphe premier, F, de la loi de finances pour 2013 a rétabli un mécanisme de plafonnement spécifique de l'impôt de solidarité sur la fortune prévu à l'article 885 V bis du code général des impôts ; que les contribuables ont été en mesure de déduire de la contribution exceptionnelle sur la fortune, le montant brut de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, sans que fussent remises en cause les réductions imputées par eux sur ledit impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en termes de trésorerie, les contribuables étaient susceptibles de bénéficier d'un droit à restitution au titre du bouclier fiscal 2011, sur les impôts payés en 2011 sur les revenus de 2010, qu'ils pouvaient imputer sur leur impôt de solidarité sur la fortune 2012, ce qui permettait également de limiter l'importance de la charge financière de la contribution exceptionnelle sur la fortune ; qu'au cas d'espèce, il n'est pas contesté que les revenus disponibles de M. A... N... et Mme R... M... épouse N... se sont élevés, selon leur déclaration 2011, à la somme de 160 033 euros tandis que le montant acquitté pour le paiement de la contribution exceptionnelle sur la fortune s'est élevé à 268 781 euros ; que toutefois, l'origine de ces revenus, limités au regard du patrimoine détenu par les requérants, résulte d'un choix d'investissement massif de M. A... N... et Mme R... M... épouse N... dans des contrats d'assurance-vie, ou des biens immobiliers peu productifs de revenus immédiats, mais qui ne peut être opposé à l'administration fiscale ; qu'en outre, les facultés contributives de M. A... N... et Mme R... M... épouse N..., et l'éventuel caractère confiscatoire et excessif de la contribution exceptionnelle sur la fortune à laquelle ils ont été assujettis, doivent être appréciés au regard de l'ensemble du patrimoine des requérants dont il n'est pas contesté qu'il s'élevait, au 1er janvier 2012 à 26 655 137 euros de sorte que le taux d'imposition de ces derniers au regard de la contribution exceptionnel sur la fortune s'élevait à 1 % de leur patrimoine déclaré imposable ; qu'il n'est pas non plus contesté que leur patrimoine déclaré imposable au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune a augmenté entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 de 27 772 408 euros à 29 175 107 euros ; que M. A... N... et Mme R... M... épouse N... ne justifient de l'aliénation d'une partie de leur patrimoine pour acquitter leurs charges fiscales ; qu'ainsi, l'obligation financière née du prélèvement de la contribution exceptionnelle sur la fortune n'a en définitive imposé à M. A... N... et Mme R... M... épouse N... aucune charge excessive, ni n'a porté fondamentalement atteinte à leur situation financière, de sorte qu'elle ne méconnaît pas la garantie consacrée par l'article premier du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. A... N... et Mme R... M... épouse N... sont donc déboutés de leur demande et la décision de rejet en date du 17 juin 2015 est donc confirmée ; 1°) ALORS QUE l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions méconnait la garantie consacrée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle impose au contribuable une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté par motifs propres et adoptés que M. et Mme N... se sont acquittés de la somme de 133 276 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune 2012 et de la somme de 268 781 euros au titre de la seule contribution exceptionnelle sur la fortune, alors que leurs revenus disponibles déclarés en 2012 au titre de 2011 s'élevaient à la somme de 160 033 euros ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que la contribution exceptionnelle sur la fortune réclamée à M. et Mme N... ne revêtait pas un caractère confiscatoire, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que son montant excédait le montant des revenus dont M. et Mme N... avaient disposé, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 2°) ALORS QU'en retenant, pour juger que la contribution exceptionnelle sur la fortune réclamée à M. et Mme N... ne méconnaissait pas le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'imposait pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus, cependant que méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel précité les impositions dont le montant excède les revenus dont le contribuable a disposé, quelle que soit leur assiette, la cour d'appel a derechef violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 3°) ALORS QUE, en se fondant, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire alors même que son montant excédait celui des revenus déclarés en 2012 par M. et Mme N..., sur le fait que ce montant demeurait limité par rapport au patrimoine des contribuables, cependant que revêt un caractère confiscatoire une imposition dont le montant excède les revenus dont le contribuable a disposé, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 4°) ALORS QUE, en se fondant encore, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que cette contribution présentait un caractère exceptionnel, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 5°) ALORS QUE, en se fondant, par motifs adoptés, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que le montant de ces revenus aurait été le résultat des choix opérés par M. et Mme N... en matière d'investissements, la cour d'appel s'est derechef déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 6°) ALORS QUE, en tout état de cause, M. et Mme N... avaient fait valoir, pour contester le fait que le niveau de leurs revenus aurait résulté d'un choix de leur part, que leur patrimoine se composait à hauteur de 750 000 euros de biens immobiliers non productifs de revenus, à hauteur de zéro euro de contrat d'assurance vie et, à hauteur de 49,14%, de titres côtés de la société Schlumberger (conclusions, p. 8), qui avait donné lieu à un montant de dividendes de 164 255 euros au titre de l'année 2011 ; qu'en retenant que le montant des revenus de M. et Mme N... résultait du choix qu'ils avaient fait de procéder à des investissements massifs non productifs de revenus, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE M. et Mme N... avaient fait valoir, pour démontrer le caractère confiscatoire de la contribution mise à leur charge, que leur patrimoine net avait diminué en 2012, pour passer de 26 655 137 euros au 1er janvier 2012 à 25 550 050 euros au 1er janvier 2013 (conclusions d'appel, p. 10 § 3) ; qu'en retenant, pour exclure le caractère confiscatoire de la contribution mise à la charge de M. et Mme N..., que le patrimoine brut des époux N... était passé de 27 772 408 euros au 1er janvier 2012 à 29 175 107 euros au 1er janvier 2013, sans rechercher si le montant de leur patrimoine net avait évolué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 8°) ALORS QUE méconnaissent le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions qui soumettent un contribuable à une imposition établie en fonction d'éléments antérieurs à l'entrée en vigueur du texte prévoyant l'imposition, si cette rétroactivité n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'en l'espèce, la contribution exceptionnelle sur la fortune instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012 ; qu'en retenant que ces dispositions ne portaient pas atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi fiscale, pour en déduire qu'elles ne méconnaissaient pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu ce texte.
Le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune dépasse le montant des revenus du contribuable pour l'année considérée ne suffit pas établir le caractère confiscatoire de cet impôt
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 804 FS-P Pourvoi n° E 18-26.480 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 1°/ M. D... M..., 2°/ Mme J... Y..., domiciliés tous deux [...], ont formé le pourvoi n° E 18-26.480 contre l'arrêt n° RG : 17/06573 rendu le 29 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [...] , agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, 2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat de M. M... et de Mme Y..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, Lefeuvre, Bessaud, Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2018, n° RG : 17/06573), M. M... et son épouse, Mme Y..., se sont acquittés, au titre de l'année 2012, de la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Contestant la conformité de cette contribution avec les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son caractère rétroactif et de l'absence de tout dispositif de plafonnement, ils en ont demandé le remboursement. Après rejet de leur réclamation, ils ont assigné l'administration fiscale pour demander l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 2. M. M... et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que méconnaissent le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions qui soumettent un contribuable à une imposition établie en fonction d'éléments antérieurs à l'entrée en vigueur du texte prévoyant l'imposition, si cette rétroactivité n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'en l'espèce, la (CEF) instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012 ; qu'en retenant que ces dispositions ne portaient pas atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi fiscale, pour en déduire qu'elles ne méconnaissaient pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu ce texte. » Réponse de la Cour 3. L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas, en tant que telle, l'application rétroactive d'une loi fiscale. 4. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui instaure la CEF, est intervenue au cours de l'exercice au titre duquel cet impôt est dû. Si une telle mesure est, au sens de la Convention, rétroactive en ce que la CEF due au titre de l'année 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012, ce qui s'analyse, en droit interne, comme une mesure rétrospective dès lors que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date de l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative, elle ne présente toutefois aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal. 5. En outre, l'acquittement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l'année 2012, par des contribuables auxquels l'allégement, issu de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de cet impôt a été accordé sans contrepartie, n'a pu faire naître aucune attente légitime quant au fait qu'aucun supplément d'imposition sur le patrimoine ne serait décidé par le législateur pour cette même année. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches Enoncé du moyen 7. M. M... et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : « 1°/ que l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions méconnaît la garantie consacrée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle impose au contribuable une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; qu'en l'espèce, M. M... et Mme Y... faisaient valoir qu'ils s'étaient acquittés en 2012 d'un montant d'impôts directs de 126 789 euros, dont 45 042 euros au titre de l'ISF et 52 425 euros au titre de la CEF, alors que leurs revenus disponibles déclarés en 2012 au titre de 2011 s'élevaient à la somme de 114 661 euros ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que la CEF réclamée à M. M... et Mme Y... ne revêtait pas un caractère confiscatoire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le montant total des impositions directes acquittées par M. M... et Mme Y... en 2012 n'avait pas excédé les revenus dont ils avaient disposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 2°/ qu'en retenant, pour juger que la CEF réclamée à M. M... et Mme Y... ne méconnaissait pas le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'imposait pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus, cependant que méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel précité les impositions payées au cours d'une année dont le montant cumulé excède les revenus dont le contribuable a disposé, quelle que soit leur assiette, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 3°/ que, en se fondant, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que ce montant demeurait limité par rapport au patrimoine des contribuables, cependant que revêt un caractère confiscatoire une imposition lorsque le montant cumulé des impositions directes payées par les contribuables excède les revenus dont ils ont disposé, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 4°/ que, en se fondant encore, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que cette contribution présentait un caractère exceptionnel, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 5°/ que, en se fondant, par motifs adoptés, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... aurait été le résultat des choix qu'ils avaient opérés en matière d'investissements, la cour d'appel s'est derechef déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 6°/ que, en tout état de cause, M. M... et Mme Y... avaient fait valoir, pour contester le fait que le niveau de leurs revenus aurait résulté d'un choix de leur part, que leur patrimoine se composait à hauteur de 1 700 000 euros de biens immobiliers non productifs de revenus, à hauteur de zéro euro de contrat d'assurance vie et, à hauteur de 54,08 % de titres côtés de la société Schlumberger, qui avait donné lieu à un montant de dividendes de 89 763 euros au titre de l'année 2011 ; qu'en retenant que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... résultait du choix qu'ils avaient fait de procéder à des investissements massifs non productifs de revenus, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. En premier lieu, le caractère confiscatoire de la CEF, qui s'acquitte pour partie par imputation de l'ISF dû au titre de l'année 2012, s'apprécie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui d'autres impôts. Les griefs des première, deuxième et troisième branches, qui postulent le contraire, manquent en droit. 9. En second lieu, l'arrêt constate que cette contribution s'est élevée, pour M. M... et Mme Y..., à la somme de 52 425 euros après imputation de l'ISF d'un montant de 45 042 euros. Il retient, par motifs propres et adoptés, que si M. M... et Mme Y... ont perçu des revenus d'un montant de 114 661 euros selon leur déclaration de 2011, ils détenaient au 1er janvier 2012 un patrimoine d'une valeur nette de 9 128 301 euros, de sorte que la CEF n'a représenté que 1,06 % de sa valeur. Il ajoute que cette contribution n'a pas conduit à la diminution de leur patrimoine, quand bien même auraient-ils choisi de céder telles ou telles actions pour s'acquitter de ces impositions, leur patrimoine déclaré imposable au titre de l'ISF ayant été estimé à la somme de 12 044 815 euros au 1er janvier 2012, puis à celle de 12 585 176 euros au 1er janvier 2013, après paiement de la CEF. En l'état de ces seuls motifs, dont il résulte que le paiement de la CEF n'avait pas constitué, pour M. M... et Mme Y..., une charge excessive au regard de leur situation patrimoniale, la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a pu écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 10. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses cinquième et sixième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. M... et Mme Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. M... et Mme Y... et les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. M... et Mme Y.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. M... et Mme Y... de leur demande de décharge des impositions mises à leur charge au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012 à hauteur de 52.425 euros et de restitution de cette somme ; AUX MOTIFS PROPRES QUE les époux M... allèguent que la contribution exceptionnelle sur la fortune constitue une ingérence excessive dans leur droit de propriété au sens de l'article 1 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'un impôt est qualifié de confiscatoire s'il n'est pas vérifié que le montant de l'impôt dû demeure inférieur aux revenus perçus par le contribuable l'année précédente ; que la contribution exceptionnelle sur la fortune n'est soumise à aucun plafonnement ce qui présente en l'espèce un caractère confiscatoire et excessif, ce dernier devant être évalué en fonction de leurs revenus disponibles ; que la somme des impôts qu'ils ont acquittés en 2012 est très nettement supérieure au montant de leurs revenus (environ 111 % de ceux-ci) la CEF représentant à elle seule 46 % de leurs revenus ; qu'ils soutiennent que la CEF 2012 qu'ils ont acquittée présente ainsi un caractère confiscatoire, dans la mesure où elle a conduit à l'absorption intégrale de leurs revenus ; qu'en tout état de cause, une telle atteinte au droit de propriété ne pourrait être considérée comme proportionnée au but poursuivi d'accroissement des recettes fiscales de l'Etat ; que les époux M... prétendent également que l'instauration de cet impôt a pour unique objectif d'augmenter le montant d'ISF des contribuables ; que son assiette serait identique à celle de l'ISF avec mêmes contrôles, mêmes procédures et mêmes sanctions ; qu'il serait ainsi porté atteinte à leur droit de propriété car la rétroactivité de la loi fiscale modifierait rétroactivement le montant d'ISF qu'ils auraient dû payer à la date du 1er janvier 2012 ; que les services fiscaux sont bien fondés à s'opposer aux griefs portant tant sur le caractère confiscatoire de la CEF que sur son caractère rétroactif ; que sur le caractère confiscatoire et sur l'atteinte disproportionné aux droits des appelants ; la CEF s'inscrit dans le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt dès lors que ses principes de fonctionnement et modalités de calcul sont précisés par une loi conforme à la constitution ; que la CEF qui comporte plusieurs tranches est exigible au titre de la seule année 2012 et que le montant brut de cet impôt est établi après déduction de l'ISF ; que les époux M... ont acquitté la CEF 2012 pour 52 425 euros soit 98 067 euros diminués du montant de l'ISF (45 642 euros) ; que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'impose pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus ; que les époux M... détenaient au 1er janvier 2012 un patrimoine d'une valeur nette de 9 128 301 euros en 2012, pour un actif brut déclaré de 12 044 815 euros ; que, rapporté à ce montant, le montant de la CEF correspond à 0,574 % de leur patrimoine net imposable et à 1,06 % en incluant l'ISF ; que le patrimoine brut ISF des époux M... qui portait sur un montant déclaré de 12 044 815 euros le 1er janvier 2012 a porté sur un montant de 12 585 176 euros au 1er janvier 2013 après paiement de la CEF ; que les griefs liés de spoliation et d'appauvrissement du patrimoine ne sont dès lors pas caractérisés, peu important que les contribuables aient choisi de céder telles ou telles actions pour s'acquitter des dites impositions ; sur le caractère rétroactif de la CEF 2012 ; que si la valeur de l'assiette d'imposition est celle au 1er janvier 2012, le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ; qu'un contribuable assujetti à l'ISF au titre de l'année 2012 et qui serait décédé avant cette date ne serait pas assujetti à la CEF ; que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012, date de la présentation du projet de loi de finances rectificative, seront imposés non en raison de leur patrimoine mondial mais de leur patrimoine situé en France ; que par ce mécanisme, le législateur a expressément prévu un régime de calcul de l'assiette de la contribution exceptionnelle différent du régime de calcul de l'assiette de l'ISF 2012 ; que le conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 août 2012, a expressément rappelé que cette imposition n'affectait pas une situation légalement acquise et ne portait pas atteinte au principe de non rétroactivité de la loi fiscale ; que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ; ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... soutiennent que l'imposition sur le patrimoine dont leur foyer fiscal a fait l'objet au titre de l'année 2012, pour un montant total de 52 425 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune pour l'année 2012 serait contraire, au principe de proportionnalité résultant de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que cette imposition présenterait un caractère confiscatoire et excessif ; que l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ». ; que si l'imposition fiscale constitue en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de cet article, cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions ; que ce deuxième alinéa doit toutefois se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l'article et il s'ensuit qu'une mesure d'ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que, par conséquent, l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions peut léser la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l'entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; que s'agissant du grief tiré de la rétroactivité de la loi du 16 août 2012 portant création de la contribution exceptionnelle sur la fortune, il y a lieu de relever que l'article 4 de cette loi instaure une taxe distincte, laquelle ne se confond pas avec l'impôt de solidarité sur la fortune puisqu'il ne s'agit pas pour le législateur de procéder à une nouvelle liquidation de l'impôt sur la base du tarif applicable en 2011, étant cependant précisé que l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011 faisait l'objet d'un plafonnement qui n'a pas été appliqué à la contribution exceptionnelle sur la fortune nouvellement instituée ; qu'en tout état de cause, l'application rétroactive d'une loi fiscale ne constitue pas en soi une violation de l'article premier du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'étant pas interdite en tant que telle par cette disposition ; qu'il suffit que la loi ménage un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux des contribuables ; que la loi de finances votée à la fin de chaque année civile définit notamment les règles en matière d'impôt sur le revenu applicable aux revenus perçus au cours de l'année écoulée ; qu'ainsi, l'imposition litigieuse ne présente à cet égard aucun caractère exceptionnel au regard du droit fiscal, la loi étant intervenue au cours de l'année considérée ; que sur l'absence de mécanisme de plafonnement de la contribution exceptionnelle sur la fortune, il doit être rappelé que, chronologiquement, jusqu'à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011, un mécanisme de plafonnement spécifique était appliqué afin que le montant cumulé de l'impôt de solidarité sur la fortune et des impôts dus en France, à l'exclusion de la taxe foncière et de la taxe d'habitation, et à l'étranger, au titre des revenus et produits de l'année précédente, ne pût excéder 85 % des revenus perçus au titre de cette même année par le redevable de l'impôt ; qu'à compter de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, la réforme de la fiscalité du patrimoine instituée par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a notamment eu pour principal objet de simplifier le tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune en instituant deux tranches d'imposition et un taux marginal d'imposition réduit, à savoir 0,50 % au lieu de 1,8 % ; que compte tenu de l'abaissement du taux marginal d'imposition opéré, le législateur n'a pas conservé le mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune ; que l'instauration de la contribution exceptionnelle sur la fortune par la loi du 16 août 2012 n'a pas été accompagnée d'une mesure de rétablissement d'un mécanisme de plafonnement de l'impôt ; que l'exposé des motifs de la loi du 16 août 2012 précise que la contribution exceptionnelle sur la fortune a eu pour objet de réduire le déficit public pour 2012 en faisant participer les contribuables les plus aisés de façon à répartir équitablement la charge fiscale supplémentaire ; que cette réduction caractérise les exigences de l'intérêt général de la communauté, au sens de la Convention, exigences que les demandeurs n'allèguent pas être déraisonnables ; que la contribution critiquée a eu un caractère exceptionnel ; qu'elle n'a pas été maintenue au-delà de l'année 2012, que l'article 13, paragraphe premier, F, de la loi de finances pour 2013 a rétabli un mécanisme de plafonnement spécifique de l'impôt de solidarité sur la fortune prévu à l'article 885 V bis du code général des impôts ; que les contribuables ont été en mesure de déduire de la contribution exceptionnelle sur la fortune, le montant brut de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, sans que fussent remises en cause les réductions imputées par eux sur ledit impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en termes de trésorerie, les contribuables étaient susceptibles de bénéficier d'un droit à restitution au titre du bouclier fiscal 2011, sur les impôts payés en 2011 sur les revenus de 2010, qu'ils pouvaient imputer sur leur impôt de solidarité sur la fortune 2012, ce qui permettait également de limiter l'importance de la charge financière de la contribution exceptionnelle sur la fortune ; qu'au cas d'espèce, il n'est pas contesté que les revenus disponibles de M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... se sont élevés, selon leur déclaration 2011, à la somme de 114.661 euros tandis que le montant acquitté pour le paiement de la contribution exceptionnelle sur la fortune s'est élevé à 52.425 euros ; que toutefois, l'origine de ces revenus, limités au regard du patrimoine détenu par les requérants, résulte d'un choix d'investissement massif de M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... dans des contrats d'assurance-vie, ou des biens immobiliers peu productifs de revenus immédiats, mais qui ne peut être opposé à l'administration fiscale ; qu'en outre, les facultés contributives de M. D... M... et Mme J... Y... épouse M..., et l'éventuel caractère confiscatoire et excessif de la contribution exceptionnelle sur la fortune à laquelle ils ont été assujettis, doivent être appréciés au regard de l'ensemble du patrimoine des requérants dont il n'est pas contesté qu'il s'élevait, au 1er janvier 2012 à 9.128.301 euros de sorte que le taux d'imposition de ces derniers au regard de la contribution exceptionnel sur la fortune s'élevait à 0,574% de leur patrimoine déclaré imposable ; qu'il n'est pas non plus contesté que leur patrimoine déclaré imposable au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune a augmenté entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 de 12.044.815 euros à 12.585.176 euros ; que M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... ne justifient pas de l'aliénation d'une partie de leur patrimoine pour acquitter leurs charges fiscales ; qu'ainsi, l'obligation financière née du prélèvement de la contribution exceptionnelle sur la fortune n'a en définitive imposé à M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... aucune charge excessive, ni n'a porté fondamentalement atteinte à leur situation financière, de sorte qu'elle ne méconnaît pas la garantie consacrée par l'article premier du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... sont donc déboutés de leur demande et la décision de rejet en date du 26 juin 2015 est donc confirmée ; 1°) ALORS QUE l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions méconnait la garantie consacrée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle impose au contribuable une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; qu'en l'espèce, M. M... et Mme Y... faisaient valoir qu'ils s'étaient acquittés en 2012 d'un montant d'impôts directs de 126 789 euros, dont 45.042 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et 52.425 euros au titre de la seule contribution exceptionnelle sur la fortune, alors que leurs revenus disponibles déclarés en 2012 au titre de 2011 s'élevaient à la somme de 114.661 euros ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que la contribution exceptionnelle sur la fortune réclamée à M. M... et Mme Y... ne revêtait pas un caractère confiscatoire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le montant total des impositions directes acquittées par M. M... et Mme Y... en 2012 n'avait pas excédé les revenus dont ils avaient disposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 2°) ALORS QU'en retenant, pour juger que la contribution exceptionnelle sur la fortune réclamée à M. M... et Mme Y... ne méconnaissait pas le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'imposait pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus, cependant que méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel précité les impositions payées au cours d'une année dont le montant cumulé excède les revenus dont le contribuable a disposé, quelle que soit leur assiette, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 3°) ALORS QUE, en se fondant, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que ce montant demeurait limité par rapport au patrimoine des contribuables, cependant que revêt un caractère confiscatoire une imposition lorsque le montant cumulé des impositions directes payées par les contribuables excède les revenus dont ils ont disposé, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 4°) ALORS QUE, en se fondant encore, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que cette contribution présentait un caractère exceptionnel, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 5°) ALORS QUE, en se fondant, par motifs adoptés, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... aurait été le résultat des choix qu'ils avaient opérés en matière d'investissements, la cour d'appel s'est derechef déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ; 6°) ALORS QUE, en tout état de cause, M. M... et Mme Y... avaient fait valoir, pour contester le fait que le niveau de leurs revenus aurait résulté d'un choix de leur part, que leur patrimoine se composait à hauteur de 1.700.000 euros de biens immobiliers non productifs de revenus, à hauteur de zéro euro de contrat d'assurance vie et, à hauteur de 54,08% de titres côtés de la société Schlumberger (conclusions, p. 8), qui avait donné lieu à un montant de dividendes de 89.763 euros au titre de l'année 2011 ; qu'en retenant que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... résultait du choix qu'ils avaient fait de procéder à des investissements massifs non productifs de revenus, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE méconnaissent le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions qui soumettent un contribuable à une imposition établie en fonction d'éléments antérieurs à l'entrée en vigueur du texte prévoyant l'imposition, si cette rétroactivité n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'en l'espèce, la contribution exceptionnelle sur la fortune instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012 ; qu'en retenant que ces dispositions ne portaient pas atteinte au principe de non rétroactivité de la loi fiscale, pour en déduire qu'elles ne méconnaissaient pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu ce texte.
Le caractère confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune, qui s'acquitte pour partie par imputation de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, s'apprécie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non celui d'autres impôts
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 1136 FS-P+B Pourvois n° J 18-25.265 à V 18-25.298 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 La société Transdev aéroport transit (TAT), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° J 18-25.265, K 18-25.266, M 18-25.267, N 18-25.268, P 18-25.269, Q 18-25.270, R 18-25.271, S 18-25.272, T 18-25.273, U 18-25.274, V 18-25.275, W 18-25.276, X 18-25.277, Y 18-25.278, Z 18-25.279, A 18-25.280, B 18-25.281, C 18-25.282, D 18-25.283, E 18-25.284, F 18-25.285, H 18-25.286, G 18-25.287, J 18-25.288, K 18-25.289, M 18-25.290, N 18-25.291, P 18-25.292, Q 18-25.293, R 18-25.294, S 18-25.295, T 18-25.296, U 18-25.297 et V 18-25.298 contre trente-quatre arrêts rendus le 2 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à Mme M... C..., veuve F..., demeurant [...] , 2°/ à M. N... F..., demeurant [...] , 3°/ à Mme W... F... demeurant [...] , tous les trois pris en leur qualité d'ayants droit de S... F..., décédé, 4°/ à M. P... CB... , domicilié [...] , 5°/ à Mme Y... ZZ..., domiciliée [...] , 6°/ à M. J... K..., domicilié [...] , 7°/ à M. H... G..., domicilié [...] , 8°/ à M. E... T..., domicilié [...] , 9°/ à Mme A... B..., domiciliée [...] , 10°/ à M. V... L..., domicilié [...] , 11°/ à M. R... K..., domicilié [...] , 12°/ à M. Q... U..., domicilié [...] , 13°/ à M. I... D..., domicilié [...] , 14°/ à M. J... QN..., domicilié [...] , 15°/ à M. PM... BC... , domicilié [...] , 16°/ à M. J... CY..., domicilié [...] , 17°/ à M. UB... CY..., domicilié [...] , 18°/ à M. VP... CM..., domicilié [...] , 19°/ à M. VW... QV..., domicilié [...] , 20°/ à M. X... GK..., domicilié [...] , 21°/ à Mme JG... EV..., domiciliée [...] , 22°/ à M. VB... AT..., domicilié [...] , 23°/ à M. HF... SM..., domicilié [...] , 24°/ à M. DE... QP..., domicilié [...] , 25°/ à M. EU... NQ..., domicilié [...] 26°/ à M. QL... AM... , domicilié [...] , 27°/ à M. G... FP..., domicilié [...] , 28°/ à M. NZ... XF..., domicilié [...] , 29°/ à M. E... LX..., domicilié [...] , 30°/ à Mme DQ... SA..., domiciliée [...] , 31°/ à M. UQ... OS..., domicilié [...] , 32°/ à M. GT... GW... EP... VO..., domicilié [...] 33°/ à M. UM... YJ..., domicilié [...] , 34°/ à M. SO... XO..., domicilié [...] , 35°/ à M. EI... XR..., domicilié [...] , 36°/ à M. QW... HL..., domicilié [...] , 37°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Transdev aéroport transit, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme F... et des trente-cinq autres salariés ou leurs ayants droit, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Richard, Le Lay, Mariette, M. Barincou, conseillers, Mmes Duvallet, Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 18-25.265 à V 18-25.298 sont joints. Reprise d'instance 2. Il est donné acte à Mmes M... C..., W... F... et M. N... F..., ayants droit de S... F... décédé le 24 juin 2018, de leur reprise d'instance. Faits et procédure 3. Selon les arrêts attaqués (Paris, 2 octobre 2018), la société Transroissy, qui fournissait des prestations de services pour le transport de passagers au sein de l'aéroport Roissy-Charles-de Gaulle, a perdu ce marché attribué le 8 avril 2009 à la société Transdev aéroport transit (la société TAT), la société Transroissy en étant informée le 18 avril 2009. 4. Un accord d'entreprise a été conclu le 15 juin 2009 au sein de la société Transroissy, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, modifiant les conditions de rémunération et certains avantages annexes de ses salariés. 5. La société TAT a proposé le 25 juin 2009 aux salariés transférables un avenant à leur contrat de travail, le transfert devenant effectif le 1er juillet 2009. 6. M. F... et trente-trois autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en condamnation de la société TAT à leur verser différentes sommes à titre notamment de rappels de salaires en application de l'accord d'entreprise du 15 juin 2009. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 7. La société TAT fait grief aux arrêts de la condamner à payer aux salariés diverses sommes à titre de rappel de salaires de juillet 2009 à avril 2016, de congés payés afférents et de rappel de salaires sur le treizième mois, alors : « 1°/ que selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la notification visée « ci dessus » correspond à la notification de la perte de marché citée à l'article 28.2.1 ; qu'en jugeant néanmoins que la rémunération des salariés devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif des contrats de travail, soit au 25 juin 2009, date à laquelle les avenants avaient été notifiés et approuvés, et non pas au jour de notification de la perte de marché, la cour d'appel a violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en vigueur ; 2°/ que selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la notification visée « ci dessus » correspond à la notification de la perte de marché citée à l'article 28.2.1; qu'en jugeant que la rémunération des salariés devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif des contrats de travail, soit au 25 juin 2009, date à laquelle les avenants avaient été notifiés et approuvés, aux motifs inopérants que « l'article 28.2 précité prévoit certes, une obligation d'information à la charge de l'entreprise, mais sans en préciser les modalités » et que « l'interprétation par la société Transdev des dispositions de l'article 28.2.1 serait non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu'un jour du changement de prestataire avec l'accord des salariés, en l'occurrence, comme le font valoir les intimés, le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés » et sans procéder comme elle le devait à une interprétation stricte de ce texte, la cour d'appel a violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en vigueur ; 3°/ que selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification de la perte de marché; qu'en jugeant que c'était l'horaire contractuel qui était calculé sur la base des douze derniers mois et non la rémunération, laquelle devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jours du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009, la cour d'appel a derechef violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, alors en vigueur. » Réponse de la Cour Vu les articles 28.2.1 et 28.2.2, alors en vigueur, de l'accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 : 8. Selon le premier de ces textes, relatifs aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise à la condition notamment de justifier d'une affectation sur le marché d'au moins six mois à la date de notification de la perte de marché. Aux termes du second, intitulé « Modalités de maintien de la rémunération », le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des douze derniers mois précédant la notification visée ci-dessus. En cas de changement de l'horaire contractuel au cours des douze derniers mois, il sera tenu compte de la dernière situation du salarié. 9. Il résulte de la combinaison des textes susvisés que le maintien de la rémunération du personnel repris doit être calculé sur la base de la rémunération mensuelle brute de base des douze derniers mois précédant la notification de la perte du marché. 10. Pour faire droit aux demandes de rappels de salaire, de congés payés afférents et de treizième mois, l'arrêt retient que l'interprétation par la société entrante des dispositions de l'article 28.2.1, selon laquelle la notification visée par cet article serait celle de la perte du marché, est sans fondement dès lors que l'article 28.2 prévoit certes une obligation d'information à la charge de l'entreprise, mais sans en préciser les modalités formelles. L'arrêt retient aussi que cette interprétation est non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu'au jour du changement de prestataire avec l'accord des salariés, en l'occurrence le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés. L'arrêt ajoute qu'en toute hypothèse, c'est l'horaire contractuel qui est « calculé » sur la base des douze derniers mois, et non la rémunération, laquelle doit être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009, et qu'en conséquence le rappel de rémunération correspond à la différence entre le montant du salaire de base du mois de juin 2009 et celui perçu après le transfert. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le second des textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Transdev aéroport transit à payer aux salariés des sommes à titre de rappels de salaires de juillet 2009 à avril 2016, de congés payés afférents et de treizième mois, les arrêts rendus le 2 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne les salariés ou leurs ayants droit aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen identique produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Transdev aéroport transit, demanderesse aux pourvois n° J 18-25.265 à V 18-25.298 Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Transdev Aéroport Transit à payer aux 34 salariés défendeurs aux pourvois diverses sommes à titre de rappel de salaires de juillet 2009 à avril 2016, de congés payés afférents aux rappels de salaires de juillet 2009 à avril 2016 et de rappel de salaire sur le 13ème mois ; AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'espèce, il est constant et non contesté que la reprise du marché par la société Transdev ne s'est pas accompagnée de celle des moyens d'exploitation, si bien que le conseil de prud'hommes a considéré, à juste titre, que le transfert du contrat de travail du salarié relevait des dispositions de l'article 28, alors en vigueur, de la convention collective des Transports Routiers et Activités Auxiliaires de Transport ; que sur le maintien des primes et de la rémunération prévues par l'accord NAO du 15 juin 2009 ; que le processus de négociation (NAO) sur les mesures salariales au sein de société Transroissy a été engagé le 15 mars 2009 pour aboutir au protocole d'accord du 15 juin, entré en vigueur le 1er juin, par lequel ont été convenues une augmentation générale de salaire de 2 % avec effet rétroactif au 1er avril 2009, une revalorisation des primes repas, des primes qualités, primes d'objectifs, participation de l'employeur à la mutuelle, indemnité kilométrique, modification de l'indemnisation des temps de coupure, enfin augmentation de la prise en charge du nettoyage de la tenue vestimentaire ; que la société Transdev prétend que cet accord, négocié en toute connaissance de cause par la société Transroissy après la notification de la perte de marché, ne lui a jamais été transféré ; que l'augmentation de 2 % n'a été appliquée qu'a compter de la paie du 30 juin 2009 alors que la rémunération devant être maintenue est celle des 12 derniers mois précédant la notification de la perte du marché visée à l'article 28.2.1, en l'occurrence le 8 avril 2009, antérieure à a signature de la NAO le 15 juin 2009 ; que l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 de la convention collective applicable énonce : « 28-2 : obligations à la charge du nouveau prestataire : L'entreprise entrante est tenue de se faire connaître à l'entreprise sortante dès qu'elle obtient ses coordonnées. Elle doit également informer ses représentants du personnel de l'attribution du nouveau marché. 28.2.1 conditions d'un maintien d'emploi : Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise lorsqu'il remplit les conditions suivantes (..). 28.2.2 Modalités du maintien de l'emploi. Poursuite du contrat de travail : Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante. A. Etablissement d'un avenant au contrat. L'entreprise entrante établira un avenant au contrat de travail, pour mentionner le changement d'employeur, dans lequel elle reprendra les clauses attachées à celui-ci. B. Modalités du maintien de la rémunération : Le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci-dessus. En cas de changement de l'horaire contractuel au cours des 12 derniers mois, il sera tenu compte de la dernière situation du salarié. Le nouvel employeur ne sera pas tenu de maintenir les différents libellés et composantes de la rémunération, ni d'en conserver les mêmes modalités de versement, compte tenu de la variation des situations rencontrées dans les entreprises, sous réserve de préserver le niveau de rémunération définie ci-dessus » ; que c'est d'abord à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de ses demandes de revalorisation de prime repas et prime qualité, prise en charge majorée de la participation à la mutuelle, augmentation de la prise en charge du nettoyage de la tenue vestimentaire, l'article 28.2.2 précité ne prévoyant qu'un maintien de la rémunération brute de base et non celle des autres éléments de rémunération ; que le salarié se fonde de façon inopérante sur le principe de faveur, édicté par l'article L. 1251-1 du code du travail ; que le transfert étant d'origine conventionnelle, ce sont les dispositions de l'accord de 2002 qui s'appliquent, dont l'article 28 précité dispose expressément que le statut collectif du nouvel employeur se substitue dès le premier jour de la reprise à celui du précédent employeur ; qu'en revanche, s'agissant du maintien de la rémunération brute de base, l'interprétation par la société Transdev des dispositions de l'article 28.2.1, selon laquelle la notification visée par cet article serait celle de la perte du marché, est sans fondement dès lors que l'article 28.2 précité prévoit certes, une obligation d'information à la charge de l'entreprise, mais sans en préciser les modalités formelles ; qu'elle est en outre non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu'au jour du changement de prestataire avec l'accord des salariés, en l'occurrence, comme le font valoir les intimés, le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés ; qu'en toute hypothèse, et contrairement là encore à la lecture que la société Transdev fait de l'article 28.2 dans ses écritures, c'est l'horaire contractuel qui est "calculé" sur la base des douze derniers mois, et non la rémunération, laquelle doit être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009 ; qu'il convient, en conséquence de confirmer le jugement sur le rappel de rémunération, correspondant à la différence entre le montant du salaire de base du mois de juin 2009 et celui perçu après le transfert, les congés payés afférents et le rappel de 13ème mois ; ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE l'entreprise Transdev Aéroport Transit qui en avait donc les moyens ne fournit pas la preuve du maintien de la rémunération brute individuelle des 12 mois portant sur la période avril 2008 à mars 2009 en se contentant de fournir une grille générale qui ne concerne pas nécessairement le demandeur dont la rémunération est individualisée, le salarié est accueilli concernant ses demandes de rappel de salaire au titre du salaire de base ( heures normales et heures supplémentaires) ( ) ainsi qu'au titre du 13ème mois qui se calcule sur le salaire mensuel ; 1) ALORS QUE selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la notification visée « ci dessus » correspond à la notification de la perte de marché citée à l'article 28.2.1 ; qu'en jugeant néanmoins que la rémunération des salariés devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif des contrats de travail, soit au 25 juin 2009, date à laquelle les avenants avaient été notifiés et approuvés, et non pas au jour de notification de la perte de marché, la cour d'appel a violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en vigueur ; 2) ALORS QUE selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la notification visée « ci dessus » correspond à la notification de la perte de marché citée à l'article 28.2.1 ; qu'en jugeant que la rémunération des salariés devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jour du transfert effectif des contrats de travail, soit au 25 juin 2009, date à laquelle les avenants avaient été notifiés et approuvés, aux motifs inopérants que « l'article 28.2 précité prévoit certes, une obligation d'information à la charge de l'entreprise, mais sans en préciser les modalités » et que « l'interprétation par la société Transdev des dispositions de l'article 28.2.1 serait non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu'un jour du changement de prestataire avec l'accord des salariés, en l'occurrence, comme le font valoir les intimés, le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés » et sans procéder comme elle le devait à une interprétation stricte de ce texte, la cour d'appel a violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en vigueur ; 3) ALORS QUE selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification de la perte de marché ; qu'il s'évince de cette disposition que la rémunération mensuelle brute de base à maintenir par l'entrant est déterminée par référence à la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la perte de marché ; qu'en jugeant que c'était l'horaire contractuel qui était calculé sur la base des douze derniers mois et non la rémunération, laquelle devait être maintenue à son niveau tel qu'il était au jours du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009, la cour d'appel a derechef violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, alors en vigueur ; 4) ALORS QUE selon l'article 28.2.2 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la rémunération brute de base visée ne comprend pas la prime de treizième mois qui était versée en plus du salaire de base aux salariés de la société Transroissy ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 28.2.2 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en vigueur ; 5) ALORS, SUBSIDAIREMENT, QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 11 production), la société Transdev Aéroport Transit faisait valoir que les dispositions de l'accord conclu par la société Transroissy dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire le 15 juin 2009 n'avaient été appliquées qu'à compter de la paie du 30 juin 2009, soit postérieurement au transfert conventionnel d'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer que le transfert conventionnel avait pris effet au jour du changement de prestataire avec l'accord des salariés, le 25 juin 2009, et qu'en conséquence, il convenait de condamner la société TAT à payer aux salariés diverses sommes à titre de rappel de salaires de juillet 2009 à avril 2016, de congés payés afférents aux rappels de salaires de juillet 2009 à avril 2016 et de rappel de salaire sur le 13ème mois sur la base de la différence entre le montant du salaire de base du mois de juin 2009 et celui perçu après le transfert, sans avoir répondu à ce chef opérant et pertinent des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de la combinaison des articles 28.2.1 et 28.2.2 de l'accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, qui sont relatifs aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, que le maintien de la rémunération du personnel repris doit être calculé sur la base de la rémunération mensuelle brute de base des douze derniers mois précédant la notification de la perte du marché
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 décembre 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 1137 FS-P+B+R+I Pourvois n° W 19-11.986 E 19-11.994 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 1°/ M. V... C..., domicilié [...] , 2°/ M. Y... D..., domicilié [...] , 3°/ M. Q... R..., domicilié [...] , 4°/ M. Q... T..., domicilié [...] , 5°/ M. B... F..., domicilié [...] , 6°/ M. L... G..., domicilié [...] , 7°/ M. P... N..., domicilié [...] , 8°/ M. W... E..., domicilié [...] , 9° M. O... A..., domicilié [...] ont formé respectivement les pourvois n° W 19-11.986, X 19-11.987, Y 19-11.988, Z 19-11.989, A 19-11.990, B 19-11.991, C 19-11.992, D 19-11.993 et E 19-11.994 contre neuf arrêts rendus le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans les litiges les opposant à la société Inéo Infracom, société en nom collectif, dont le siège est 72 avenue Raymond Poincaré, 21000 Dijon, défenderesse à la cassation. Les demandeurs aux pourvois n° W 19-11.986 à C 19-11.992 et E 19-11.994 invoquent, à l'appui de leurs recours, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi n° D 19-11.993 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. C..., D..., R..., T..., F..., G..., N..., E... et A..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Inéo Infracom, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Richard, Le Lay, Mariette, M. Barincou, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mme Prache, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 19-11.986, X 19-11.987, Y 19-11.988, Z 19-11.989, A 19-11.990, B 19-11.991, C 19-11.992, D 19-11.993 et E 19-11.994 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Nîmes, 23 octobre 2018), après avoir perdu un marché couvrant les départements du Gard et de la Lozère, la société Inéo Infracom a déménagé son centre de Nîmes à une autre adresse au sein de la même ville et a proposé aux salariés rattachés à ce centre des affectations temporaires dans d'autres régions à compter du 1er juillet 2013, et ce dans le cadre du régime de grand déplacement prévu par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, applicable. Plusieurs salariés ont fait part de leur refus de cette situation à l'employeur et ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de leur contrat de travail. 3. Le 29 juillet 2013, un accord de mobilité interne a été conclu entre l'employeur et plusieurs organisations syndicales représentatives en application des articles L. 2242-21 et suivants du code du travail. Plusieurs salariés rattachés au centre de Nîmes, licenciés pour motif économique le 8 avril 2014 en raison de leur refus de mobilité interne, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande subsidiaire contestant le bien-fondé de leur licenciement. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et huitième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses sixième et septième branches Enoncé du moyen 5. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de leurs contrats de travail aux torts de leur employeur, à voir constater la nullité et en tous cas l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements et à obtenir la condamnation de l'employeur à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, alors : « 6°/ que l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en constatant que l'accord de mobilité interne signé le 29 juillet 2013 avait été conclu en suite de la perte du marché de France Telecom concernant le contrat Cartocible dans les départements du Gard et de la Lozère et de la fermeture du site de travaux sis 5 rue de Narvik à Nîmes qui avait entraîné le refus de mutation de plus de dix salariés de ce centre et en en déduisant néanmoins que cet accord de mobilité était valide, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; 7°/ que l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord de mobilité du 29 juillet 2013 était valide, aux seuls motifs que cet accord mentionnait expressément qu'il avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs et que la fraude invoquée ne pouvait se déduire des affectations temporaires en grand déplacement proposées aux salariés affectés au marché perdu, sans avoir recherché, si, comme le soutenaient les salariés dans leurs conclusions d'appel, l'employeur n'avait pas procédé à la suppression pure et simple des 80 postes de travail sur le site de Nîmes, de sorte que l'accord de mobilité n'avait pas été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs. 7. La cour d'appel, qui a constaté que l'accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs au niveau de l'entreprise, afin d'apporter des solutions pérennes d'organisation de l'entreprise confrontée à des pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs, en a exactement déduit que cette réorganisation constituait une mesure collective d'organisation courante, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes et la ré-affectation des salariés concernés sur d'autres postes. 8. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 9. Les salariés font les mêmes griefs aux arrêts, alors « que le juge doit apprécier si le licenciement repose ou non sur une cause réelle et sérieuse; qu'en retenant que le motif économique du licenciement des salariés était vainement discuté dès lors que le licenciement d'un salarié qui a refusé l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité repose sur un motif économique, la cour d'appel, qui a refusé d'apprécier la cause réelle et sérieuse des licenciements a violé l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990. » Réponse de la Cour 10. En premier lieu, selon l'article 4 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui est d'application directe en droit interne, un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service. Selon l'article 9.1 du même texte, le tribunal auquel est soumis un recours devra être habilité à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié. Aux termes de son article 9.3, en cas de licenciement motivé par les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, le tribunal devra être habilité à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, et l'étendue de ses pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement sera définie par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, ou par voie de législation nationale. 11. En second lieu, selon l'article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne, leur licenciement repose sur un motif économique. 12. Il en résulte qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard de la conformité de l'accord de mobilité aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail et de sa justification par l'existence des nécessités du fonctionnement de l'entreprise, sans qu'il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l'activité de l'employeur. 13. D'une part, la cour d'appel a, à juste titre ainsi qu'il a été dit au point 7, retenu que l'accord était conforme aux dispositions de l'article L. 2241-21 du code du travail. 14. D'autre part, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que l'accord de mobilité interne n'était pas justifié par les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, a exactement décidé que le motif économique du licenciement était vainement discuté sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne MM. C..., D..., R..., T..., F..., G..., N..., E... et A... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens communs produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour les demandeurs aux pourvois n° W 19-11.986 à C 19-11.992 et E 19-11.994 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de leurs contrats de travail aux torts de leur employeur, la société Ineo Infracom, subsidiairement à voir constater la nullité et en tous cas l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements prononcés et obtenir la condamnation de la société Ineo Infracom à leur verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de mettre en oeuvre un PSE, et de leurs demandes tendant à obtenir la remise de bulletins de salaire rectifiés, de certificats de travail et d'attestations Pôle emploi, sous astreinte, ainsi que les intérêts aux taux légal à compter de la saisine et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE (arrêt dossier pilote C...) la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à la demande du salarié lorsque l'employeur commet des manquements graves de nature à empêcher la poursuite de ce contrat ; que l'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail lorsqu'elle est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible ; qu'en l'espèce, la société Ineo Infracom a écrit à France Télécom Orange Ul Languedoc-Roussillon, le 24 avril 2013, afin de lui rappeler qu'après remise de sa meilleure offre, le 19 avril 2013, elle était toujours dans l'attente de sa décision concernant le renouvellement du contrat Cartocible dans les départements Gard et Lozère, qui avait pris fin le 31 mars, ajoutant qu'elle devait faire face aux multiples sollicitations de ses équipes légitimement inquiètes au regard des enjeux et d'une décision très tardive ; que le procès-verbal de réunion du comité d'établissement du 26 avril 2013 mentionne qu'elle a reçu le même jour notification officielle de la décision négative de France Télécom et qu'elle s'engage à rechercher une affectation temporaire pour les salariés concernés, au nombre de 82 ; qu'au cours des réunions suivantes de ce comité tenues le 28 mai 2013, les 17 et 25 juin 2013 et le 23 juillet 2013, la direction a fait le point sur le marché Cartocible, dont l'exécution s'est poursuivie jusqu'à la fin du mois de juin, ainsi que sur les recherches engagées au niveau du groupe en vue d'identifier à la fois des affectations temporaires et des solutions pérennes pour tous les salariés, et ceux-ci ont été reçus individuellement fin mai et début juin ; que lors de la réunion du 28 mai 2013, l'employeur a indiqué qu'il ne s'opposerait pas aux demandes de congés en période estivale et que pour les grands déplacements, il tiendrait compte autant que possible des contraintes familiales ; que par courrier du 13 juin 2013, faisant suite à l'entretien du 22 mai 2013, M. X... a été informé qu'un grand déplacement lui serait prochainement proposé au sein de l'une des agences de la société ou d'une autre entité du groupe, dans l'attente d'une offre de poste pérenne correspondant à ses compétences et autant que possible à ses souhaits et contraintes géographiques ; que son déplacement au sein de l'agence Est à Dijon, du 1er juillet au 10 août et du 2 au 28 septembre inclus, lui a été confirmé par courrier du 25 juin 2013, dans lequel il lui a été précisé qu'il bénéficierait du régime d'indemnisation des déplacements prévu par la convention collective ; que par lettre du 27 juin 2013, il a été informé qu'à compter du 1er juillet 2013, il serait rattaché administrativement à l'adresse suivante : 384 rue Etienne Lenoir à Nîmes ; qu'après avoir protesté auprès de l'employeur, dans un courrier adressé collectivement par plusieurs salariés, le 26 juin 2013, puis l'avoir informé, par lettre du 28 juin 2013, qu'il refusait d'accepter cette modification substantielle de son contrat de travail, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes, le 9 juillet 2013, afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat et condamner la société Ineo Infracom à lui payer diverses indemnités ; que l'employeur lui a répondu, par courriers des 2 et 8 juillet 2013, qu'il avait bien été indiqué aux salariés concernés qu'ils pourraient anticiper leurs congés et/ou prendre des RTT sans aucune restriction et que les demandes de délai supplémentaire pour organiser les déplacements seraient examinées avec tolérance, que la mission était conforme aux dispositions conventionnelles régissant les déplacements professionnels ponctuels, que les recherches se poursuivaient en vue de trouver une solution pérenne, qu'il pouvait disposer d'un peu plus de temps pour préparer son déplacement et obtenir une avance sur frais suffisante, que son changement administratif d'affectation s'expliquait par le déménagement des locaux situés rue Narvik à Nîmes, dans lesquels la société ne pouvait se maintenir au-delà du 30 juin 2013, à une nouvelle adresse située rue Etienne Lenoir également à Nîmes, les deux sites étant distants de seulement 5km, et que ni ce déplacement ni son nouveau rattachement administratif n'impliquaient donc une quelconque modification de son contrat de travail ; que placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 29 juillet 2013, M. X... n'a jamais rejoint son lieu d'affectation, sans que l'employeur ne fasse usage de son pouvoir disciplinaire ; que le 29 juillet 2013, un accord de mobilité interne a été conclu entre la société Ineo Infracom et plusieurs organisations syndicales représentatives en application de l'article 15 de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 ; que cet accord mentionne en son préambule qu'il est apparu aux partenaires sociaux que le nouveau dispositif légal peut répondre aux contraintes de fonctionnement inhérentes à l'activité courante de la société Ineo Infracom confrontée aux effets induits par les pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs, que le but est de faire de la mobilité interne dans l'entreprise un instrument négocié de manière responsable afin de mettre en place des mesures collectives d'organisation du travail et d'évolution des salariés en dehors de tout projet de réduction d'effectifs en garantissant un poste à chaque salarié, que du fait de la baisse constante des activités associées aux contrats de sous-traitance France Télécom Cartocible, il est nécessaire de faire évoluer les ressources techniques et humaines de l'entreprise en accélérant la stratégie de diversification, notamment en direction de la fibre optique et de la vidéo-protection, que dans l'attente de l'entrée en vigueur du dispositif de mobilité interne, la direction a mis en place des mesures conservatoires afin de faciliter la poursuite du travail sans rupture ni modification des contrats de travail des salariés concernés, et que dès la promulgation de la loi du 17 juin 2013, les parties ont souhaité mettre en oeuvre le dispositif de mobilité interne afin de permettre à la société de faire face à ses forts besoin de main d'oeuvre tout en assurant l'employabilité de ses salariés ; que suite à cet accord, M. X... s'est vu adresser successivement, par courriers du 20 septembre 2013 et du 27 décembre 2013, deux propositions de postes : magasinier sur le site d'Ivry-sur-Seine agence Ile de France DDA Ile de France Nord et magasinier/approvisionneur au sein de Ineo Réseaux Est, agence de Vendeuvre sur Barse (10), qu'il a refusées le 30 septembre 2013 et le 2 janvier 2014 ; que dans l'intervalle, il a informé l'employeur, par courrier du 21 décembre 2013, qu'il ne souhaitait bénéficier d'aucune mesure de reclassement au sein du groupe, mais d'une procédure de départ individuel pour motif économique et des indemnités prévues par l'accord de mobilité signé le 29 juillet 2013 ; qu'un congé sans solde lui a été accordé à sa demande du 21 novembre 2013 au 21 janvier 2014, renouvelé jusqu'au 22 mars 2014 ; que convoqué, par lettre du 17 mars 2014, à un entretien préalable fixé au 28 mars 2014, M. X... s'est vu notifier son licenciement individuel pour motif économique par lettre du 8 avril 2014 en application de l'article L. 2242-33 alinéa 3 du code du travail ; qu'il est ainsi établi que dès la fin du mois d'avril 2013, les salariés affectés au contrat Cartocible du Gard et de la Lozère ont été informés que ce marché ne serait pas renouvelé par France Télécom et que des affectations temporaires en grand déplacement allaient leur être proposées ; que l'exécution du contrat s'étant poursuivie jusqu'à la fin du mois de juin 2013, M. X... s'est vu notifier, par lettre du 13 juin 2013, suite à un entretien du 22 mai 2013, qu'il était concerné par cette mesure, laquelle était incontestablement motivée par l'intérêt de l'entreprise et justifiée par des circonstances exceptionnelles ; que si le lieu de son affectation et la durée de la mission ne lui ont été précisément communiqués que par courrier du 25 juin 2013, l'employeur lui a indiqué qu'il pouvait demander à bénéficier d'un délai supplémentaire, faculté dont il n'a pas fait usage, en sorte qu'il a bénéficié d'un délai de prévenance suffisant ; qu'aucune modification du contrat de travail ne peut donc résulter de cette affectation temporaire pendant laquelle l'employeur s'était engagé à rechercher des solutions pérennes, ce qui n'excluait pas qu'une telle modification lui soit proposée ultérieurement en l'absence de clause contractuelle de mobilité ; qu'il en est de même en ce qui concerne le simple changement d'adresse du centre de travaux auquel le salarié était administrativement rattaché et qui a été maintenu à Nîmes ; qu'au surplus, non seulement cette affectation provisoire n'a pas été effective, mais elle a été suivie de peu de la signature d'un accord de mobilité et le refus de l'intéressé n'a donné lieu à aucune sanction ; que M. X... n''est donc pas fondé à soutenir qu'à la suite de son refus et de celui de plus de dix autres salariés du secteur de Nîmes, l'employeur « devait en tirer les conséquences et, soit renoncer à la modification substantielle imposée aux salariés de leur lieu de travail, soit les licencier pour motif économique », à charge « de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi conformément aux dispositions de l'article L. 1233-61 du code du travail » ; qu'il n'établit pas davantage la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, laquelle ne peut être déduite de l'affectation temporaire qu'il a refusée sans être sanctionné, ni de son affirmation, non prouvée et contestée par l'appelante, selon laquelle il a subi le chantage de l'employeur afin qu'il se désiste de l'instance prud'homale, étant observé que les trois salariés démissionnaires dont il produit les attestations ne font pas état de pressions, mais déclarent regretter leur décision de démission qui les a privés du bénéfice de l'indemnité de départ prévue dans l'accord de mobilité ; que l'intimé invoque par ailleurs vainement le caractère frauduleux de l'accord de mobilité signé le 29 juillet 2013, motifs pris que celui-ci ne pouvait intervenir que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectif, et que, lorsque la société Ineo Infracom a engagé les négociations, elle savait parfaitement que plus de 10 salariés du centre de travaux de Nîmes avaient refusé leur mutation dans une autre région et qu'elle était dans l'obligation de négocier un PSE ; qu'en effet, cet accord signé par la majorité des organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise, suite à la promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, mentionne expressément qu'il a été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs et la fraude invoquée ne peut se déduire des affectations temporaires en grand déplacement proposées aux salariés affectés au marché perdu dans l'attente d'identifier des solutions pérennes, le cas échéant dans le cadre du nouveau dispositif légal de mobilité interne ; qu'enfin, l'employeur n'apparaît pas avoir méconnu les dispositions des articles L. 1233-61 et suivants du code du travail relatives au plan de sauvegarde de l'emploi et des articles 1 et 2 de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, celles-ci n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'absence de licenciement collectif ; que la preuve de manquements imputables à l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail n'étant pas rapportée, la demande de résiliation judiciaire sera rejetée et le jugement infirmé ; 1°) ALORS QUE le refus d'au moins dix salariés de la modification de leur contrat de travail pour motif économique conduit l'employeur à envisager le licenciement de ces salariés ou à tout le moins la rupture de leurs contrats de travail pour motif économique ; qu'en l'espèce, il était constant et non contesté qu'en suite de la décision de la société France Telecom de ne pas renouveler le contrat Cartocible dans les départements du Gard et de la Lozère, 82 salariés étaient concernés par la fermeture du site du centre de travaux du 5 rue de Narvik à Nîmes au 30 juin 2013 et que plus de dix salariés avaient refusé leur déménagement sur un nouveau site, de sorte que l'employeur avait nécessairement envisagé leur licenciement pour motif économique ; qu'en excluant néanmoins l'obligation de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, aux motifs inopérants qu'aucune modification du contrat de travail ne pouvait résulter de l'affectation temporaire en grand déplacement des salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-25 du code du travail et l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction alors applicable; 2°) ALORS QUE dans une entreprise d'au moins cinquante salariés , lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification de leur contrat de travail par affectation sur un autre site en raison de la fermeture du site sur lequel ils travaillaient et de que de ce fait, leur licenciement est envisagé, l'employeur doit mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en excluant l'obligation de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, aux seuls motifs qu'aucune modification du contrat de travail ne pouvait résulter d'une affectation temporaire sur un autre site, sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, si compte tenu du refus par plus de dix salariés de leur affectation durable sur un autre secteur géographique, pour des raisons personnelles et familiales, l'employeur n'envisageait pas le licenciement éventuel des salariés dont les contrats de travail ne comportaient pas de clause de mobilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-25 du code du travail et de l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction alors applicable; 3°) ALORS QUE la modification du lieu de rattachement constitue une modification du lieu de travail qui ne peut être imposée au salarié sans son accord ; qu'en constatant que les salariés avaient été administrativement rattachés à une autre adresse que celle à laquelle ils étaient initialement rattachés, sans en déduire que leurs contrats de travail avaient été modifiés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors applicable à la cause et devenu 1103 du code civil ; 4°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel (cf. p. 6, production), les salariés faisaient valoir que le changement de lieu de travail dans un secteur géographique différent constituait une modification du contrat de travail et qu'en juin 2013, au jour de la fermeture du centre de travaux de Nîmes, ils n'avaient encore reçu aucune proposition de mutation, de sorte qu'en les privant de toute attache géographique, sans leur accord, la société Ineo Infracom avait modifié leurs contrats de travail en les privant effectivement de rattachement définitif à un centre de travaux tout en les envoyant effectuer des missions de grands déplacements après la fermeture du centre de travaux de Nîmes ; qu'en rejetant leurs demandes en résiliation des contrats de travail aux torts de l'employeur sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'affectation du salarié dans un autre secteur géographique ou en dehors de la zone couverte par sa clause de mobilité ne constitue une modification du contrat de travail lorsque que la mission est motivée par les intérêts de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles et que le salarié est informé dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible ; qu'en constatant que le lieu d'affectation et la durée de la mission n'avaient été communiquées aux salariés que par courriers du 25 juin 2013 pour une prise de fonction dès le 1er juillet 2013 et en en déduisant néanmoins que les salariés avaient bénéficié d'un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 dans sa rédaction applicable au litige et devenu 1103 du code civil ; 6°) ALORS QUE l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en constatant que l'accord de mobilité interne signé le 29 juillet 2013 avait été conclu en suite de la perte du marché de France Telecom concernant le contrat Cartocible dans les départements du Gard et de la Lozère et de la fermeture du site de travaux sis 5 rue de Narvik à Nîmes qui avait entrainé le refus de mutation de plus de dix salariés de ce centre et en en déduisant néanmoins que cet accord de mobilité était valide, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; 7°) ALORS QUE l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord de mobilité du 29 juillet 2013 était valide, aux seuls motifs que cet accord mentionnait expressément qu'il avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs et que la fraude invoquée ne pouvait se déduire des affectations temporaires en grand déplacement proposées aux salariés affectés au marché perdu, sans avoir recherché, si, comme le soutenaient les salariés dans leurs conclusions d'appel (cf. p. 4 et 8), l'employeur n'avait pas procédé à la suppression pure et simple des 80 postes de travail sur le site de Nîmes, de sorte que l'accord de mobilité n'avait pas été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; 8°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT QUE dans leurs conclusions d'appel (cf. p. 9, productions), les salariés faisaient valoir qu'à supposer même que leurs licenciements économiques puissent résulter de la simple application d'un accord de mobilité interne, leur refus de mutation ne pouvait entrainer la rupture de leurs contrats de travail sans consultation préalable des représentants du personnel, en application de la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord de mobilité du 29 juillet 2013 était valide, sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes tendant à voir constater la nullité et en tous cas l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements prononcés et obtenir la condamnation de la société Ineo Infracom à leur verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de mettre en oeuvre un PSE, et de leurs demandes tendant à obtenir la remise de bulletins de salaire rectifiés, de certificats de travail et d'attestations Pôle emploi, sous astreinte, ainsi que les intérêts aux taux légal à compter de la saisine et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE selon l'ancien article L. 2242-23 al. 4 du code du travail, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2242-21, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d'accompagnement et de reclassement que doit prévoir l'accord, qui adapte le champ et les modalités de mise en oeuvre du reclassement interne prévu aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 ; qu'en l'espèce, M. X... s'est vu notifier son licenciement individuel pour motif économique en application de ces dispositions par lettre du 8 avril 2014, dans laquelle il lui a été rappelé qu'il avait refusé, le 30 septembre 2013 et le 2 janvier 2014, les deux propositions de postes lui avaient été adressées à la suite de la signature de l'accord de mobilité, qu'il refusait toute mobilité interne, comme il l'avait confirmé dans sa lettre du 21 décembre 2013, demandant à bénéficier de la procédure de départ individuel pour motif économique et des indemnités prévues dans l'accord de mobilité, de sorte que son reclassement était impossible ; que la validité de l'accord de mobilité n'étant pas utilement contestée et les dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail relatives au plan de sauvegarde de l'emploi étant inapplicables en l'espèce, la demande de nullité du licenciement n'est pas justifiée ; que par ailleurs, le motif économique du licenciement est vainement discuté par l'intimé sur le fondement de l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'il résulte en effet des dispositions précitées que le licenciement du salarié qui a refusé l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité repose sur un motif économique ; qu'enfin, ce licenciement n'est pas contraire aux dispositions des articles 4 et 8 de la convention n° 158 de l'OIT, dès lors qu'il est fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise et que le salarié n'a pas été privé de la possibilité de contester en justice la réalité de son motif ; que M. X... sera donc débouté de sa demande subsidiaire tendant à voir dire que son licenciement est nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires afférentes ; ALORS QUE le juge doit apprécier si le licenciement repose ou non sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant que le motif économique du licenciement des salariés était vainement discuté dès lors que le licenciement d'un salarié qui a refusé l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité repose sur un motif économique, la cour d'appel, qui a refusé d'apprécié la cause réelle et sérieuse des licenciements a violé l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990. Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. E..., demandeur au pourvoi n° D 19-11.993 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. E... de sa demande principale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que de ses demandes subsidiaires tendant à voir constater la nullité et en tous cas l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et obtenir la condamnation de la société Ineo Infracom à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de mettre en oeuvre un PSE, et de sa demande tendant à obtenir la remise de bulletins de salaire rectifiés, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi, sous astreinte, ainsi que les intérêts aux taux légal à compter de la saisine et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à la demande du salarié lorsque l'employeur commet des manquements graves de nature à empêcher la poursuite de ce contrat ; que le contrat de travail signé par M. E..., le 30 juin 2010, à effet du 1er juillet 2010, stipule que, compte tenu de la nature des fonctions qui lui sont confiées, le salarié pourra être amené à se déplacer ponctuellement en France et qu'en cas de besoins justifiés notamment par l'évolution de ses activités ou de son organisation et plus généralement pour sa bonne marche, l'entreprise se réserve le droit de le muter définitivement dans l'un de ses établissements actuels ou futurs implantés en France métropolitaine, à charge de ‘l'informer trois mois avant son affectation définitive sur son nouveau lieu de travail ; que l'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail lorsqu'elle est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible ; qu'en l'espèce, la société Ineo Infracom a écrit à France Télécom Orange Ul Languedoc-Roussillon, le 24 avril 2013, afin de lui rappeler qu'après remise de sa meilleure offre, le 19 avril 2013, elle était toujours dans l'attente de sa décision concernant le renouvellement du contrat Cartocible dans les départements Gard et Lozère, qui avait pris fin le 31 mars, ajoutant qu'elle devait faire face aux multiples sollicitations de ses équipes légitimement inquiètes au regard des enjeux et d'une décision très tardive ; que le procès-verbal de réunion du comité d'établissement du 26 avril 2013 mentionne qu'elle a reçu le même jour notification officielle de la décision négative de France Télécom et qu'elle s'engage à rechercher une affectation temporaire pour les salariés concernés, au nombre de 82 ; qu'au cours des réunions suivantes de ce comité tenues le 28 mai 2013, les 17 et 25 juin 2013 et le 23 juillet 2013, la direction a fait le point sur le marché Cartocible, dont l'exécution s'est poursuivie jusqu'à la fin du mois de juin, ainsi que sur les recherches engagées au niveau du groupe en vue d'identifier à la fois des affectations temporaires et des solutions pérennes pour tous les salariés, et ceux-ci ont été reçus individuellement fin mai et début juin ; que lors de la réunion du 28 mai 2013, l'employeur a indiqué qu'il ne s'opposerait pas aux demandes de congés en période estivale et que pour les grands déplacements, il tiendrait compte autant que possible des contraintes familiales ; que par courrier du 13 juin 2013, faisant suite à l'entretien du 3 juin 2013, M. E... a été informé qu'un grand déplacement lui serait prochainement proposé au sein de l'une des agences de la société ou d'une autre entité du groupe, dans l'attente d'une offre de poste pérenne correspondant à ses compétences et autant que possible à ses souhaits et contraintes géographiques ; que son déplacement au sein de l'agence Atlantique Sud à Bordeaux, du 1er juillet au 10 août et du 2 au 28 septembre inclus, lui a été confirmé par courrier du 25 juin 2013, dans lequel il lui a été précisé que ses frais lui seraient remboursés selon certaines modalités précisément définies ; que par lettre du 27 juin 2013, il a été informé qu'à compter du 1er juillet 2013, il serait rattaché administrativement à l'adresse suivante : 384 rue Etienne Lenoir à Nîmes ; qu'après avoir protesté auprès de l'employeur, dans un courrier adressé collectivement par plusieurs salariés, le 26 juin 2013, puis l'avoir informé, par lettre du 28 juin 2013, qu'il refusait d'accepter cette modification substantielle de son contrat de travail, M. E... a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes, le 9 juillet 2013, afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat et condamner la société Ineo Infracom à lui payer diverses indemnités ; que l'employeur lui a répondu, par courriers du 2 juillet 2013, qu'il avait bien été indiqué aux salariés concernés qu'ils pourraient anticiper leurs congés et/ou prendre des RTT sans aucune restriction et que les demandes de délai supplémentaire pour organiser les déplacements seraient examinées avec tolérance ; que placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 24 juin 2013, M. E... n'a jamais rejoint son lieu d'affectation, sans que l'employeur ne fasse usage de son pouvoir disciplinaire ; que le 29 juillet 2013, un accord de mobilité interne a été conclu entre la société Ineo Infracom et plusieurs organisations syndicales représentatives en application de l'article 15 de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 ; que cet accord mentionne en son préambule qu'il est apparu aux partenaires sociaux que le nouveau dispositif légal peut répondre aux contraintes de fonctionnement inhérentes à l'activité courante de la société Ineo Infracom confrontée aux effets induits par les pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs, que le but est de faire de la mobilité interne dans l'entreprise un instrument négocié de manière responsable afin de mettre en place des mesures collectives d'organisation du travail et d'évolution des salariés en dehors de tout projet de réduction d'effectifs en garantissant un poste à chaque salarié, que du fait de la baisse constante des activités associées aux contrats de sous-traitance France Télécom Cartocible, il est nécessaire de faire évoluer les ressources techniques et humaines de l'entreprise en accélérant la stratégie de diversification, notamment en direction de la fibre optique et de la vidéo-protection, que dans l'attente de l'entrée en vigueur du dispositif de mobilité interne, la direction a mis en place des mesures conservatoires afin faciliter la poursuite du travail sans rupture ni modification des contrats de travail des salariés concernés, et que dès la promulgation de la loi du 17 juin 2013, les parties ont souhaité mettre en oeuvre le dispositif de mobilité interne afin de permettre à la société de faire face à ses forts besoin de main d'oeuvre tout en assurant l'employabilité de ses salariés ; que suite à cet accord, M. E... s'est vu adresser successivement, par courriers du 19 septembre 2013 et du 10 janvier 2014, deux propositions de postes : technicien conduite d'activités sur le site de Lieusaint (77) au sein de l'agence Equipements de la ville DDA Ile de France Nord et assistant achats au sein de la DDA Ile de France Nord, basé à Lieusaint, magasinier sur le site d'Ivry-sur-Seine agence Ile de France DDA Ile de France Nord, qu'il a refusées par lettre du 24 septembre 2013, dans laquelle il a indiqué qu'il n'était pas intéressé par une éventuelle autre proposition au sein du groupe GDF Suez et du 7 février 2014, dans laquelle il a invoqué des raisons familiales ; que son licenciement individuel pour motif économique lui a été notifié par lettre du 12 mars 2014 en application de l'article L. 2242-33 alinéa 3 du code du travail ; qu'il est ainsi établi que dès la fin du mois d'avril 2013, les salariés affectés au contrat Cartocible du Gard et de la Lozère ont été informés que ce marché ne serait pas renouvelé par France Télécom et que des affectations temporaires en grand déplacement allaient leur être proposées ; que l'exécution du contrat s'étant poursuivie jusqu'à la fin du mois de juin 2013, M. X... s'est vu notifier, par lettre du 13 juin 2013, qu'il était concerné par cette mesure, laquelle était incontestablement motivée par l'intérêt de l'entreprise et justifiée par des circonstances exceptionnelles ; que si le lieu de son affectation et la durée de la mission , prévue du 1er juillet au 10 août et du 2 au 28 septembre 2013 ne lui ont été précisément communiqués que par courrier du 25 juin 2013, il a ainsi bénéficié d'un délai de prévenance suffisant, étant précisé qu'il se trouvait alors en arrêt de travail pour maladie depuis le 24 juin 2013, et que, par lettre du 2 juillet 2013, en réponse à son courrier du 28 juin 2013, l'employeur lui a indiqué qu'il pourrait bénéficier d'un délai supplémentaire ; qu'aucune modification du contrat de travail ne peut donc résulter de cette affectation temporaire pendant laquelle l'employeur s'était engagé à rechercher des solutions pérennes, ce qui n'excluait pas qu'une telle modification lui soit proposée ultérieurement, sauf mise en oeuvre de la clause contractuelle de mobilité dont la validité est contestée ; qu'il en est de même en ce qui concerne le simple changement d'adresse du centre de travaux auquel le salarié était administrativement rattaché et qui a été maintenu à Nîmes ; qu'au surplus, non seulement cette affectation provisoire n'a pas été effective, mais elle a été suivie de peu de la signature d'un accord de mobilité et le refus de l'intéressé n'a donné lieu à aucune sanction ; que M. E... n'est donc pas fondé à soutenir qu'à la suite de son refus et de celui de plus de dix autres salariés du secteur de Nîmes, l'employeur « devait en tirer les conséquences et, soit renoncer à la modification substantielle imposée aux salariés de leur lieu de travail, soit les licencier pour motif économique », à charge « de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi conformément aux dispositions de l'article L. 1233-61 du code du travail » ; qu'il n'établit pas davantage la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, laquelle ne peut être déduite de l'affectation temporaire qu'il a refusée sans être sanctionné, ni de son affirmation, non prouvée et contestée par l'appelante, selon laquelle il a subi le chantage de l'employeur afin qu'il se désiste de l'instance prud'homale, étant observé que les trois salariés démissionnaires dont il produit les attestations ne font pas état de pressions, mais déclarent regretter leur décision du démission qui les a privés du bénéfice de l'indemnité de départ prévue dans l'accord de mobilité ; que l'intimé invoque par ailleurs vainement le caractère frauduleux de l'accord de mobilité signé le 29 juillet 2013, motifs pris que celui-ci ne pouvait intervenir que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectif, et que, lorsque la société Ineo Infracom a engagé les négociations, elle savait parfaitement que plus de 10 salariés du centre de travaux de Nîmes avaient refusé leur mutation dans une autre région et qu'elle était dans l'obligation de négocier un PSE ; qu'en effet, cet accord signé par la majorité des organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise, suite à la promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, mentionne expressément qu'il a été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs et la fraude invoquée ne peut se déduire des affectations temporaires en grand déplacement proposées aux salariés affectés au marché perdu dans l'attente d'identifier des solutions pérennes, le cas échéant dans le cadre du nouveau dispositif légal de mobilité interne ; qu'enfin, l'employeur n'apparaît pas avoir méconnu les dispositions des articles L. 1233-61 et suivants du code du travail relatives au plan de sauvegarde de l'emploi et des articles 1 et 2 de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, celles-ci n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'absence de licenciement collectif ; que la preuve de manquements imputables à l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail n'étant pas rapportée, la demande de résiliation judiciaire sera rejetée et le jugement infirmé ; 1°) ALORS QUE le refus d'au moins dix salariés de la modification de leur contrat de travail pour motif économique conduit l'employeur à envisager le licenciement de ces salariés ou à tout le moins la rupture de leurs contrats de travail pour motif économique ; qu'en l'espèce, il était constant et non contesté qu'en suite de la décision de la société France Telecom de ne pas renouveler le contrat Cartocible dans les départements du Gard et de la Lozère, 82 salariés étaient concernés par la fermeture du site du centre de travaux du 5 rue de Narvik à Nîmes au 30 juin 2013 et que plus de dix salaires avaient refusé leur déménagement sur un nouveau site, de sorte que l'employeur avait nécessairement envisagé leur licenciement pour motif économique ; qu'en excluant néanmoins l'obligation de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, aux motifs inopérants qu'aucune modification du contrat de travail ne pouvait résulter de l'affectation temporaire en grand déplacement des salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-25 du code du travail et l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction alors applicable; 2°) ALORS QUE dans une entreprise d'au moins cinquante salariés , lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification de leur contrat de travail par affectation sur un autre site en raison de la fermeture du site sur lequel ils travaillaient et de que de ce fait, leur licenciement est envisagé, l'employeur doit mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en excluant l'obligation de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, aux seuls motifs qu'aucune modification du contrat de travail ne pouvait résulter d'une affectation temporaire sur un autre site, sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, si compte tenu du refus par plus de dix salariés de leur affectation durable sur un autre secteur géographique, pour des raisons personnelles et familiales, l'employeur n'envisageait pas le licenciement éventuel des salariés dont les contrats de travail ne comportaient pas de clause de mobilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-25 du code du travail et de l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction alors applicable; 3°) ALORS QUE la modification du lieu de rattachement constitue une modification du lieu de travail qui ne peut être imposée au salarié sans son accord ; qu'en constatant que les salariés avaient été administrativement rattachés à une autre adresse que celle à laquelle ils étaient initialement rattachés, sans en déduire que leurs contrats de travail avaient été modifiés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors applicable à la cause et devenu 1103 du code civil ; 4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 5 et 6, production), M. E... faisait valoir que le changement de lieu de travail dans un secteur géographique différent constituait une modification du contrat de travail et qu'en juin 2013, au jour de la fermeture du centre de travaux de Nîmes, il n'avait encore reçu aucune proposition de mutation, de sorte qu'en le privant de toute attache géographique, sans son accord, la société Ineo Infracom avait modifié son contrat de travail en le privant effectivement de rattachement définitif à un centre de travaux tout en l'envoyant effectuer des missions de grand déplacements après la fermeture du centre de travaux de Nîmes ; qu'en rejetant sa demande en résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'affectation du salarié dans un autre secteur géographique ou en dehors de la zone couverte par sa clause de mobilité ne constitue une modification du contrat de travail lorsque que la mission est motivée par les intérêts de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles et que le salarié est informé dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible ; qu'en constatant que le lieu d'affectation et la durée de la mission n'avaient été communiquées au salarié que par courriers du 25 juin 2013 pour une prise de fonction dès le 1er juillet 2013 et en en déduisant néanmoins que le salarié avait bénéficié d'un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 dans sa rédaction applicable au litige et devenu 1103 du code civil ; 6°) ALORS QUE l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en constatant que l'accord de mobilité interne signé le 29 juillet 2013 avait été conclu en suite de la perte du marché de France Telecom concernant le contrat Cartocible dans les départements du Gard et de la Lozère et de la fermeture du site de travaux sis 5 rue de Narvik à Nîmes qui avait entrainé le refus de mutation de plus de dix salariés de ce centre et en en déduisant néanmoins que cet accord de mobilité était valide, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; 7°) ALORS QUE l'accord de mobilité interne ne peut être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réductions d'effectifs ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord de mobilité du 29 juillet 2013 était valide, aux seuls motifs que cet accord mentionnait expressément qu'il avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs et que la fraude invoquée ne pouvait se déduire des affectations temporaires en grand déplacement proposées aux salariés affectés au marché perdu, sans avoir recherché, si, comme le soutenaient l'exposant dans ses conclusions d'appel (cf. p. 4 et 8), l'employeur n'avait pas procédé à la suppression pure et simple des 80 postes de travail sur le site de Nîmes, de sorte que l'accord de mobilité n'avait pas été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2242-41 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; 8°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 9 et 10, productions), l'exposant faisait valoir qu'à supposer même que son licenciement économique puisse résulter de la simple application d'un accord de mobilité interne, son refus de mutation ne pouvait entrainer la rupture de son contrat de travail sans consultation préalable des représentants du personnel, en application de la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord de mobilité du 29 juillet 2013 était valide, sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. E... de sa demande tendant à voir constater la nullité et en tous cas l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et obtenir la condamnation de la société Ineo Infracom à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de mettre en oeuvre un PSE, et de ses demandes tendant à obtenir la remise de bulletins de salaire rectifiés, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi, sous astreinte, ainsi que les intérêts aux taux légal à compter de la saisine et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE selon l'ancien article L. 2242-23 al. 4 du code du travail, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2242-21, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d'accompagnement et de reclassement que doit prévoir l'accord, qui adapte le champ et les modalités de mise en oeuvre du reclassement interne prévu aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 ; qu'en l'espèce, M. E... s'est vu notifier son licenciement individuel pour motif économique en application de ces dispositions par lettre du 12 mars 2014, dans laquelle il lui a été rappelé qu'il avait refusé, le 24 septembre 2013 et le 7 février 2014, les deux propositions de postes lui avaient été adressées à la suite de la signature de l'accord de mobilité, et qu'il avait refusé par anticipation dans son premier courrier toute nouvelle proposition de reclassement au sein du groupe, ce qui rendait son reclassement impossible ; que la validité de l'accord de mobilité n'étant pas utilement contestée et les dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail relatives au plan de sauvegarde de l'emploi étant inapplicables en l'espèce, la demande de nullité du licenciement n'est pas justifiée ; que par ailleurs, le motif économique du licenciement est vainement discuté par l'intimé sur le fondement de l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'il résulte en effet des dispositions précitées que le licenciement du salarié qui a refusé l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité repose sur un motif économique ; qu'enfin, ce licenciement n'est pas contraire aux dispositions des articles 4 et 8 de la convention n° 158 de l'OIT, dès lors qu'il est fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise et que le salarié n'a pas été privé de la possibilité de contester en justice la réalité de son motif ; que M. E... sera donc débouté de sa demande subsidiaire tendant à voir dire que son licenciement est nul et en tous cas sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires afférentes ; ALORS QUE le juge doit apprécier si le licenciement repose ou non sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant que le motif économique du licenciement des salariés était vainement discuté dès lors que le licenciement d'un salarié qui a refusé l'application à son contrat de travail des stipulations d'un accord de mobilité repose sur un motif économique, la cour d'appel, qui a refusé d'apprécié la cause réelle et sérieuse des licenciements a violé l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990.
Selon l'article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs. Une cour d'appel, qui constate que l'accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d'effectifs au niveau de l'entreprise afin d'apporter des solutions à des pertes de marché sur certains territoires, en déduit exactement que cette réorganisation constituait une mesure collective d'organisation courante au sens du texte précité, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes
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N° D 20-82.078 FS-P+B+I N° 2356 SM12 1ER DÉCEMBRE 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER DÉCEMBRE 2020 REJET du pourvoi formé par M. A... X... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 3 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de violences volontaires, immixtion dans l'exercice d'une fonction publique, port sans droit d'insignes réglementés, recel d'accès non habilité aux images d'une vidéo-protection et de violation du secret professionnel, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces. Par ordonnance en date du 6 juillet 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. A... X..., et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, MM. Bonnal, Maziau, Mme Labrousse, M. Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 1er mai 2018, les réseaux sociaux ont diffusé une vidéo filmée lors d'un rassemblement, montrant un homme recevant des coups de la part d'un autre, porteur d'un casque siglé CRS, dont le journal Le Monde indiquait, le 18 juillet 2018, qu'il s'agissait de M. A... X..., adjoint au chef de cabinet du président de la République. 3. Le 22 juillet 2018, une information a été ouverte et M. X..., mis en examen des chefs susvisés, a été placé sous contrôle judiciaire avec, notamment, l'interdiction d'entrer en relation avec les quatre autres mis en examen, parmi lesquels M. Y..., gendarme réserviste au sein de la garde républicaine, également présent lors des faits sans y avoir été autorisé. 4. Le 31 janvier 2019, le site Médiapart a publié un article révélant l'existence d'une rencontre entre MM. X... et Y... en violation des obligations de leur contrôle judiciaire, auquel étaient joints des extraits sonores de conversations entre les deux mis en examen. Interrogés, les journalistes de Médiapart ont accepté de remettre aux enquêteurs les originaux des fichiers audios à l'origine de cet article, lesquels ont fait l'objet d'une transcription, mais ont invoqué le droit à la protection de leurs sources s'agissant des conditions dans lesquelles ils étaient entrés en possession desdits enregistrements. 5. Les 12 février et 14 mars 2019, le service central de la police technique et scientifique, saisi notamment aux fins d'authentification des enregistrements et reconnaissance des voix, a déposé un rapport concluant que les enregistrements litigieux ont été édités par un logiciel en libre accès sur internet, mais n'apportant aucun élément sur l'origine des enregistrements litigieux. 6. Le 9 août 2019, M. X... a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité visant, notamment, le procès-verbal de versement de ces enregistrements à la procédure. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité des enregistrements sonores, alors : « 1°/ qu'encourt la nullité l'enregistrement clandestin, remis par un tiers au dossier, dont ni le mode de captation, ni l'auteur, ne sont connus, ce qui empêche l'appréciation de sa légalité et de sa conformité au principe de loyauté, les règles applicables étant radicalement différentes selon qu'une autorité publique est intervenue ou non dans le processus de captation ; qu'a méconnu l'article 6 de la Convention européenne, l'article préliminaire et l'article 593 du Code de procédure pénale, et le principe de loyauté, la Chambre de l'instruction qui a en l'espèce refusé d'annuler des enregistrements clandestins, au seul motif qu'ils ont été « régulièrement remis aux enquêteurs par le journal Mediapart » (Motifs de l'arrêt attaqué, § 1), admettant implicitement mais nécessairement l'impossibilité de déterminer qui, d'une personne publique ou d'un particulier, a participé à sa réalisation ; 2°/ que c'est en violation de ces mêmes dispositions et sans justifier sa décision que la chambre de l'instruction s'est abstenue de toute prise en compte des circonstances particulières de l'espèce, exposées dans les écritures, liées tant à l'objet et au contexte de l'enregistrement qu'à ses caractéristiques techniques dégagées par expertise au cours de l'enquête, dont il résultait que des doutes sérieux existaient quant à l'intervention d'une autorité publique dans sa confection, ce qui compromettait nécessairement sa régularité ; 3°/ qu'enfin, la détermination de l'origine et de l'auteur d'un enregistrement conditionnant directement le choix des règles applicables, et partant, sa recevabilité dans une procédure pénale, c'est par des motifs erronés que la chambre de l'instruction a jugé que « les arguments invoqués par la défense relatifs notamment à l'impossibilité de connaître l'origine de ces enregistrements sonores relèvent de la question du contrôle de la valeur probante de la pièce et non pas de la régularité de la procédure » (Motifs de l'arrêt attaqué, § 2) ; que ce faisant, elle a privé sa décision de base légale et méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que les impératifs de loyauté et de légalité de la preuve ne s'appliquent pas aux journalistes, qui sont des personnes privées, tiers au procès, et que l'impossibilité de connaître l'origine des enregistrements sonores met en cause, non pas la régularité de la procédure, mais le contrôle de la valeur probante de ceux-ci. 9. Si la circonstance que les enregistrements litigieux ont été remis aux enquêteurs par des journalistes ne saurait en elle-même conduire à exclure que l'autorité publique, sur qui seule pèse une obligation de légalité et de loyauté dans le recueil des preuves, ait concouru à la réalisation de ces enregistrements, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure. 10. En effet, d'une part, il résulte des pièces de la procédure que des investigations, dont il n'est pas soutenu qu'elles seraient incomplètes, ont été conduites pour déterminer l'origine de ces enregistrements. 11. D'autre part, le versement au dossier d'éléments de preuve ne saurait être déclaré irrégulier au seul motif que les conditions de leur recueil sont restées incertaines. 12. Dès lors, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier décembre deux mille vingt.
Lorsque les conditions de recueil d'un élément de preuve sont restées incertaines malgré les investigations accomplies, le versement au dossier de celui-ci ne saurait être déclaré irrégulier au seul motif que le défaut d'intervention directe ou indirecte d'un agent de l'autorité publique dans le recueil de la preuve n'a pas été établi, notamment en raison de l'invocation du secret des sources par les journalistes ayant remis ladite pièce aux enquêteurs
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N° T 19-87.124 FS-P+B+I N° 2391 CK 2 DÉCEMBRE 2020 IRRECEVABILITÉ REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par M. K... X... contre l'arrêt de la cour d'assises de la Somme, en date du 16 octobre 2019, qui pour tentative de vol avec violences ayant entraîné la mort, l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle et a ordonné une mesure de confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. K... X..., et les conclusions de M. Valat, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mmes Drai, Slove, M. Guéry, Mmes Sudre, Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 13 juin 2017, M. X... a été renvoyé devant la cour d'assises de l'Oise sous l'accusation de tentative de vol avec violences ayant entraîné la mort. 3. Par arrêt du 21 septembre 2018, la cour d'assises de l'Oise l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, et a ordonné une mesure de confiscation. Par arrêt du 3 décembre 2018, la cour a statué sur les intérêts civils. 4. Ces décisions ont été frappées d'appel par l'accusé, le ministère public et les parties civiles. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par l'avocat de l'accusé 5. Le demandeur ayant épuisé son droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué par la déclaration de pourvoi qu'il a régulièrement faite le 17 octobre 2019, au chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu, le pourvoi formé en son nom, le même jour, par son avocat, contre la même décision, par déclaration au greffe de la cour d'assises, n'est pas recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce que le procès-verbal des débats ne fait nulle part mention du respect des dispositions de l'article 311 du code de procédure pénale, alors « qu'en application de ce texte, les assesseurs et les jurés ont le droit de poser des questions à l'accusé et aux témoins après leurs interrogatoires ou auditions en demandant la parole au président ; que la méconnaissance de cette disposition entraîne la nullité des débats. » Réponse de la Cour 7. Il ne résulte d'aucune disposition de la loi que le président de la cour d'assises soit tenu de rappeler aux assesseurs de la cour et aux jurés la faculté que leur ouvre l'article 311 du code de procédure pénale de poser des questions aux accusés et aux témoins, en demandant la parole au président, ni que le procès-verbal des débats doive en retracer mention. 8. Le moyen ne peut, dès lors, être admis. Sur le second moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce que le procès-verbal mentionne que l'expert M. Y... M..., entendu en vertu du pouvoir discrétionnaire du président parce que non cité ni signifié, l'a été sans prestation de serment, alors « que les experts chargés d'une mission d'expertise pendant l'information doivent en tout état de cause prêter serment et ne sont jamais entendus à titre de simples renseignements ; que les dispositions de l'article 168 du code de procédure pénale ont été violées. » Réponse de la Cour 10. En l'absence de donné-acte qu'il appartenait à la défense de solliciter ou de conclusions d'incident qu'elle avait la faculté de déposer au cours des débats devant la cour d'assises, le moyen, pris du défaut de prestation d'un serment d'un expert devant la cour d'assises, en méconnaissance de l'article 168 du code de procédure pénale, présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, n'est pas recevable. 11. Par ailleurs, la procédure est régulière, et les faits souverainement constatés justifient la qualification et la peine. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi formé par l'avocat de l'accusé ; REJETTE le pourvoi formé par l'accusé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux décembre deux mille vingt.
Selon l'article 168 du code de procédure pénale, les experts qui exposent à l'audience le résultat des opérations techniques auxquelles ils ont procédé doivent prêter serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Ils ne peuvent être entendus à titre de simple renseignement, même s'ils n'ont pas été cités et que leur nom n'a pas été signifié. La déposition d'un expert, au cours des débats devant la cour d'assises, sans prestation de serment, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, n'est pas régulière au regard de l'article 168 précité. La cassation n'est cependant pas encourue, dès lors qu'en l'absence de donné-acte qu'il appartenait à la défense de solliciter, ou de conclusions d'incident qu'elle avait la faculté de déposer, il n'apparaît pas que l'irrégularité commise ait porté atteinte aux droits de l'accusé
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N° Y 19-87.428 FS-P+B+I N° 2393 EB2 2 DÉCEMBRE 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 2 DÉCEMBRE 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Douai contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 15 novembre 2019, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre M. Y... B... à la demande du gouvernement marocain, a émis un avis défavorable. Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits. Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. Y... B..., et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Slove, Sudre, Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. Y... B..., né le [...] 1976 à Bruxelles, a été remis aux autorités judiciaires françaises par les autorités belges, le 20 septembre 2016, en exécution d'un mandat d'arrêt européen décerné le 8 octobre 2014 par le procureur de la République de Nancy pour des faits d'association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes de vols en bande organisée avec arme, falsification et usage de faux documents administratifs, acquisition et détention en bande organisée d'armes, éléments d'armes et munitions de catégorie A et B, transport et détention d'explosifs en bande organisée et recel de biens provenant de vols commis en bande organisée. 3. Le 6 mars 2017, M. B... a été condamné à une peine de dix ans d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Nancy. 4. Le 24 septembre 2018, les autorités judiciaires marocaines ont adressé aux autorités françaises, conformément à la convention bilatérale d'entraide judiciaire en matière pénale du 18 avril 2008, une demande formelle d'extradition de M. B..., aux fins de mise à exécution d'une peine de dix ans d'emprisonnement prononcée, par contumace, le 22 février 2016, par la chambre criminelle de la cour d'appel de Rabat, des chefs de constitution d'une association criminelle, recel d'objet provenant d'un crime, formation d'une association pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d'une entente visant à porter gravement atteinte à l'ordre public et d'assistance volontaire aux auteurs d'actes terroristes. 5. La demande d'extradition a été notifiée à M B... le 18 juin 2019. Celui-ci a déclaré ne pas accepter cette extradition. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation de l'article 695-21 du code de procédure pénale et de l'article 9 de la Convention d'extradition bilatérale entre la République française et le Royaume du Maroc signée à Rabat le 18 avril 2008. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a donné un avis défavorable à la demande d'extradition alors : « 1°/ que l'article 695-21 II du code de procédure pénale pose le principe que l'autorité compétente dont le consentement est requis pour assurer la ré-extradition vers un pays extérieur à l'Union européenne relève des règles internes de cet Etat. En affirmant que le consentement à la ré-extradition de M. B... vers le Maroc relevait de la compétence de la chambre du conseil de première instance francophone de Bruxelles, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai qui était incompétente pour se prononcer sur ce point, a outrepassé ses pouvoirs et violé le texte susvisé. 2°/ qu'il ne résulte ni de l'article 695-21 ni de l'article 9 de la Convention d'extradition bilatérale entre la République française et le Royaume du Maroc, signée à Rabat le 18 avril 2008, selon lequel « la ré-extradition au profit d'un Etat tiers ne peut être accordée sans le consentement de la partie qui a accordé l'extradition », que ce consentement soit exigé au stade judiciaire de la procédure d'extradition. Aucun de ces textes n'interdit en effet que ce consentement soit porté à la connaissance de l'Etat requis postérieurement à l'avis de la chambre de l'instruction, lors de la phase administrative de la procédure. Cette absence de consentement lors de la phase judiciaire ne cause aucun grief à la personne recherchée dans la mesure où la validité de l'éventuel décret d'extradition à intervenir à l'issue de la phase administrative de la procédure, lui reste subordonnée. En émettant, en l'espèce, un avis défavorable à la ré-extradition de M. B... vers le Maroc sans solliciter au besoin, si elle l'estimait utile à ce stade, le consentement de l'Etat belge dans le cadre d'un supplément d'information, sans rechercher par ailleurs si les conditions légales étaient remplies pour la mise en oeuvre de la convention franco-marocaine du 18 avril 2008 et sans subordonner un éventuel avis favorable à l'obtention ultérieure de l'accord de l'Etat belge, la chambre de l'instruction de Douai a violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour. Vu les articles 696-15 et 695-21 II du code de procédure pénale : 8. Selon le premier de ces textes, la chambre de l'instruction donne un avis défavorable à l'extradition si elle estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu'il y a une erreur évidente. 9. Le second énonce que, lorsque le ministère public qui a délivré un mandat d'arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être extradée vers un Etat non membre de l'Union européenne sans le consentement de l'autorité compétente de l'Etat membre qui l'a remise. 10. Pour donner un avis défavorable à la demande d'extradition présentée par les autorités marocaines, l'arrêt attaqué relève que M. B... se trouve incarcéré sur le territoire français pour avoir été remis aux autorités françaises par les autorités belges le 20 septembre 2016, en exécution d'un mandat d'arrêt européen décerné le 8 octobre 2014 par le procureur de la République de Nancy. Par ordonnance en date du 29 octobre 2014, la chambre du conseil du tribunal de première instance francophone de Bruxelles a autorisé sa remise et a constaté que M. B... ne renonçait pas à la protection que lui conférait le principe de la spécialité. 11. Les juges énoncent que, selon l'article 28 de la décision cadre du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres de l'Union européenne et selon l'article 695-21 du code de procédure pénale, une personne qui a été remise en vertu d'un mandat d'arrêt européen n'est pas extradée vers un État tiers sans le consentement de l'autorité compétente de l'État membre qui l'a remise. 12. Ils ajoutent que l'article 31 de la loi belge du 19 décembre 2003, relative au mandat d'arrêt européen, prévoit que, si après la remise de la personne, l'autorité compétente de l'Etat d'émission souhaite poursuivre, condamner ou priver de liberté celle-ci pour une infraction commise avant la remise autre que celle qui a motivé cette remise, la chambre du conseil qui a remis la personne décide dans les conditions prévues à l'article 16 de la présente loi. 13. Ils relèvent qu'il ne figure au dossier aucun avis émanant de la chambre du conseil du tribunal de première instance francophone de Bruxelles mais qu'en revanche y est joint, notamment, un courrier en date du 4 février 2019, émanant du ministère de la justice belge, dans lequel cette autorité expose que, avant de se prononcer sur la question de son accord, elle souhaite que la chambre de l'instruction française ait préalablement statué. 14. La cour conclut que la chambre du conseil du tribunal de première instance francophone de Bruxelles n'a pas été sollicitée pour donner son consentement à la demande d'extradition faisant suite à la remise sur mandat d'arrêt européen qu'elle a autorisée ; que, dans ces conditions, il ne peut être soutenu que la chambre de l'instruction doit donner un avis sur l'extradition sans tenir compte de la position des autorités belges dont l'autorisation pourrait être recueillie en toute fin de procédure au stade de la prise éventuelle du décret d'extradition alors qu'il n'est pas établi que c'est bien l'autorité judiciaire ayant préalablement accordé la remise à la France qui sera sollicitée pour donner son consentement. 15. En l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. 16. En effet le consentement de l'Etat étranger à l'extradition de la personne remise en vertu d'un mandat d'arrêt européen vers un Etat non membre de l'Union européenne n'entre pas dans les conditions légales visées par l'article 696-15 du code de procédure pénale. 17. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 15 novembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi. RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux décembre deux mille vingt.
Le consentement de l'Etat étranger à l'extradition de la personne remise en vertu d'un mandat d'arrêt européen vers un Etat non membre de l'Union européenne n'entre pas dans les conditions légales visées par l'article 695-15 du code de procédure pénale. Doit être cassé l'arrêt qui, pour donner un avis défavorable à la demande d'extradition présentée par les autorités marocaines d'une personne remise aux autorités françaises, par la Belgique, en exécution d'un mandat d'arrêt européen, retient que la chambre du conseil du tribunal de première instance francophone de Bruxelles n'a pas été sollicitée pour donner son consentement à la demande d'extradition faisant suite à la remise sur mandat d'arrêt européen qu'elle a autorisée
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CIV. 1 IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 357 F-P+B Pourvois n° A 19-11.714 V 19-11.870 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020 I - Mme Z... J..., épouse C..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° A 19-11.714 contre un arrêt rendu le 21 juin 2018 par la cour d'appel de Dijon (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. Y... C..., domicilié [...], défendeur à la cassation. II - Mme Z... J..., épouse C..., a formé le pourvoi n° V 19-11.870 contre le même arrêt rendu l'opposant à M. Y... C..., défendeur à la cassation. La demanderesse aux pourvois n° A 19-11.714 et V 19-11.870 invoque, à l'appui de ses pourvois, un moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme J..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-11.714 et 19-11.870 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 21 juin 2018), M. C..., de nationalité moldave et roumaine et Mme J..., de nationalité bulgare et russe, se sont mariés le [...] à Chisinau (République de Moldavie). Mme J... a, par requête du 13 octobre 2017, saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chaumont d'une demande en divorce. Par ordonnance du 18 janvier 2018, rendue par défaut, celui-ci, après avoir retenu la compétence du juge français et l'application de la loi française relativement au divorce des époux, aux obligations alimentaires et à la responsabilité parentale, et constaté la non-conciliation des époux, a prescrit les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement serait passé en force de chose jugée. 3. Faisant valoir qu'il avait lui-même, le 28 juin 2017, saisi aux mêmes fins, le juge moldave, lequel, par une décision du 15 décembre 2017, frappée de recours par Mme J..., avait prononcé le divorce des époux et fixé la résidence des enfants mineurs chez le père, M. C... a décliné, devant la cour d'appel, la compétence du juge français au profit de la juridiction moldave. Recevabilité du pourvoi n° 19-11.870 examinée d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile Vu le principe « pourvoi sur pourvoi ne vaut » : 4. Le pourvoi formé par Mme J... le 7 février 2019, qui succède au pourvoi formé par elle le 5 février 2019, sous le n° 19-11.714, contre la même décision n'est pas recevable. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme J... fait grief à l'arrêt de dire la juridiction française incompétente, alors « que le règlement n° 2201/2003 (CE) du 27 novembre 2003, qui constitue le droit commun des Etats membres en matière matrimoniale, s'applique dès lors que l'un des critères de compétence posés à son article 3 est rempli, peu important que les époux soient ressortissants d'un Etat non membre de l'Union européenne ; qu'en énonçant que ce règlement communautaire n'a vocation à réglementer que les rapports entre ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas de la République de Moldavie, la cour d'appel en a violé les dispositions. » Réponse de la Cour Vu l'article 3 du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis, relatif à la compétence, à la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : 6. Il résulte de ce texte qu'une juridiction d'un Etat membre est compétente pour connaître d'une demande en divorce, dès lors que l'un des critères alternatifs de compétence qu'il énonce est localisé sur le territoire de cet Etat, peu important que les époux soient ressortissants d'Etats tiers ou que l'époux défendeur soit domicilié dans un Etat tiers. Cette règle de compétence est exclusive de toute règle de compétence de droit international privé commun. 7. Pour déclarer la juridiction française incompétente, l'arrêt retient que le règlement précité n'a vocation à réglementer que les rapports entre ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas de la Moldavie qui n'a pas adhéré à l'Union européenne et n'est pas soumise à la réglementation qui la régit. 8. En statuant ainsi, sans examiner, comme il lui incombait, sa compétence au regard des critères qu'il énonce, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° 19-11.870 ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne M. C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. C... à payer à Mme J... une somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen identique produit, aux pourvois n° A 19-11.714 et V 19-11.870, par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme J... Mme J... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR décliné la compétence du juge du tribunal de grande instance de Chaumont pour connaître de la procédure de divorce l'opposant à M. Y... C... ; AUX MOTIFS QU'« un jugement a été rendu le 15 décembre 2017 par le tribunal de Chisinau, dont M. C... a produit une copie traduite en français ; que cette décision prononce la dissoliution du mariage entre les époux C... J... et fixe la résidence des quatre enfants au domicile de leur père ; que Mme J... a d'ailleurs interjeté appel de cette décision ; que la procédure est toujours pendante en Moldavie ; que le premier juge, dans le cadre de la première instance de la présente procédure, a retenu le règlement européen Bruxelles II bis pour reconnaître sa compétence et ainsi statuer sur les mesures provisoires dans le cadre de la procédure de divorce engagée par l'épouse ; que cependant, le règlement Bruxelles II bis, sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, entré en vigueur en 2005, n'a vocation à réglementer que les rapports entre ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas de la République de Moldavie ; qu'en tant qu'Etat indépendant, la République de Moldavie n'a en effet pas encore adhéré à l'Union européenne et n'est donc pas soumise à la règlementation interne qui la régit ; que les règles de conflit de juridictions sont régies, en droit français, par les articles 14 et 15 du code civil, lesquels reconnaissent la compétence des juridictions françaises en cas de litige entre un étranger et un français ; que ces textes ne sont donc pas davantage applicables en l'espèce puisqu'aucun des époux ne possède la nationalité française ; que, comme le fait valoir l'appelant, aucune convention bilatérale n'a été conclue entre la France et la République de Moldavie, instaurant des règles spécifiques en matière de conflits de juridictions ; que la conséquence en est l'application du droit international privé ; qu'en l'espèce, bien que les époux aient vécu en France, aucun d'eux ne possède la nationalité française et le mariage n'a pas été célébré en France ; qu'en revanche, ils entretiennent des liens forts avec la République de Moldavie ; que M. C... est de nationalité moldave, leur mariage y a été célébré et l'appelant y possède une maison familiale dans laquelle le couple et ses enfants allaient régulièrement passer ses vacances ; que, par ailleurs, une demande en divorce a été présentée par M. C... devant un tribunal moldave dès le mois de juillet 2017, Mme J... étanbt intervenue à la procédure, ce dont il justifie ; que l'épouse a pourtant estimé utile et nécessaire d'introduire une seconde instance en divorce par le biais d'une requête déposée le 13 octobre 2017 devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chaumont ; que cette manoeuvre démontre la déloyauté dont M. J... a fait preuve, en intentant en France une procédure identique à celle déjà entamée dans un pays étranger ; qu'au regard de ces éléments, la présente juridiction décline sa compétence au profit de la juridiction moldave, déjà saisie du dossier, et qui a rendu une décision frappée d'appel par l'épouse ; que, dans ces conditions, au regard des règles de conflits de juridictions, tant internationales que françaises, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour connaître du divorce des époux C.../J... » ; 1°) ALORS QUE le règlement n° 2201/2003 (CE) du 27 novembre 2003, qui constitue le droit commun des Etats membres en matière matrimoniale, s'applique dès lors que l'un des critères de compétence posés à son article 3 est rempli, peu important que les époux soient ressortissants d'un Etat non membre de l'Union européenne ; qu'en énonçant que ce règlement communautaire n'a vocation à réglementer que les rapports entre ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas de la République de Moldavie, la cour d'appel en a violé les dispositions ; 2°) ALORS, à tout le moins, QU'en application des règles ordinaires de compétence internationale des juridictions françaises obtenues par extension à l'ordre international des règles de compétence territoriale interne, qui priment sur les règles exorbitantes des articles 14 et 15 du code civil, le juge aux affaires familiales français est compétent pour connaître du divorce des époux si le lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, se situe en France ; qu'en s'abstenant de vérifier si la résidence habituelle de Mme J..., qui vit avec ses enfants, ne se situait pas en France, ce qui aurait justifié la compétence de la juridiction française, la cour d'appel a violé l'article 1070 du code de procédure civile et les principes régissant la compétence internationale des juridictions françaises ; 3°) ALORS QUE le droit international privé français ne connaît pas la règle du forum non conveniens qui offre au juge du for de décliner sa compétence au profit des juridictions d'un Etat avec lequel le litige entretiendrait un lien plus fort ; qu'en se retranchant derrière des motifs, inopérants, tirés de l'existence de liens plus forts entre le litige et la Moldavie, la cour d'appel a violé les principes régissant la compétence internationale des juridictions françaises ; 4°) ALORS QUE l'existence d'une procédure identique pendante devant une juridiction d'un autre Etat n'entraîne pas pour autant l'incompétence des juridictions françaises ; qu'en retenant qu'une procédure de divorce était pendante, au stade de l'appel, devant les juridictions moldaves, motifs impropres à justifier l'incompétence du juge français, la cour d'appel a méconnu les principes régissant la compétence internationale des juridictions françaises.
Il résulte de l'article 3 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, dit Bruxelles II bis, relatif à la compétence, à la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, qu'une juridiction d'un Etat membre est compétente pour connaître d'une demande en divorce, dès lors que l'un des critère alternatifs de compétence qu'il énonce est localisé sur le territoire de cet Etat, peu important que les époux soient ressortissants d'Etats tiers ou que l'époux défendeur soit domicilié dans un Etat tiers, cette règle de compétence étant exclusive de toute règle de compétence de droit international privé commun. Viole cette disposition, la cour d'appel qui écarte l'application de ce règlement au motif erroné qu'il n'aurait vocation à réglementer que les rapports entre ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne, alors qu'elle devait examiner sa compétence au regard des critères énumérés à son article 3
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CIV. 1 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 365 F-P+B+I Pourvoi n° N 19-15.198 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020 Mme D... W..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° N 19-15.198 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant à Mme J... R..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme W..., de Me Le Prado, avocat de Mme R..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 janvier 2019), Mme W... et Mme R... ont vécu ensemble de 2004 à septembre 2015. L'enfant Y... R... est née le [...], reconnue par Mme R.... Après la séparation du couple en septembre 2015, Mme W... a assigné Mme R... devant le juge aux affaires familiales afin que soient fixées les modalités de ses relations avec l'enfant. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur les deuxième à quatorzième branches du moyen Enoncé du moyen 3. Mme W... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant Y..., alors : « 1°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que cette exigence impose qu'en cas de séparation entre le parent biologique et le parent d'intention d'un enfant, le maintien du lien entre le parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, en cas notamment de motifs graves, faisant peser un risque pour la santé ou la sécurité de l'enfant ; que l'article 371-4 du code civil, qui ne prévoit pas que le maintien du lien entre un parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, et qui permet une rupture irrémédiable de la relation entre l'enfant et son parent de fait, sans que des motifs graves soient requis, porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du parent d'intention et de l'enfant ; qu'en appliquant toutefois ce texte, pour dénier tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille dans la vie de laquelle la cour d'appel a relevé qu'elle s'était investie dès sa conception, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ qu'en tout état de cause, s'il était considéré que les motifs du jugement avaient été adoptés concernant la conception de l'enfant, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que cette exigence impose qu'en cas de séparation entre le parent biologique et le parent de fait d'un enfant, le maintien du lien entre le parent de fait et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, en cas notamment de motifs graves, faisant peser un risque pour la santé ou la sécurité de l'enfant ; que l'article 371-4 du code civil, qui ne prévoit pas que le maintien du lien entre un parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, et qui permet une rupture irrémédiable de la relation entre l'enfant et son parent de fait, sans que des motifs graves soient requis, porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du parent d'intention et de l'enfant ; qu'en appliquant toutefois ce texte, pour dénier tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille dans la vie de laquelle la cour d'appel a relevé qu'elle s'était investie dès sa conception, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ qu'en tout état de cause, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... s'était investie dans le projet parental ayant donné lieu à la conception de Y..., étant présente pour l'insémination, le suivi de la grossesse de la mère biologique, au moment de l'accouchement et de la naissance, qui a été annoncée par les deux femmes dans un faire-part mentionnant leurs deux noms ; qu'il s'évince également de l'arrêt que jusqu'au moment où Mme R... a décidé unilatéralement que Mme W... ne verrait plus l'enfant, Mme W... a d'abord vécu de manière stable avec l'enfant, a pourvu à son éducation et à son entretien, étant très impliquée dans sa vie quotidienne, ayant aménagé ses horaires de travail pour s'en occuper, puis a exercé un droit de visite sur la petite fille après la séparation du couple ; qu'en déniant tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille qu'elle a élevée pendant les premières années de sa vie, aux motifs qu'elle n'avait pas su la préserver du conflit existant avec son ex-compagne et que l'enfant, en bas âge, ne l'ayant pas vue depuis quelques temps, manifestait de la crainte envers elle, éléments non susceptibles de caractériser des risques pour l'enfant, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme W..., en méconnaissance de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que par ailleurs, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que l'article 371-4 du code civil qui ne prévoit pas de droit pour l'enfant au maintien de ses relations avec le parent d'intention, ni corrélativement d'obligation incombant à ce parent de fait de maintenir ce lien, contrairement à la situation de l'enfant issu d'un mariage entre des personnes de même sexe, ayant fait l'objet d'une adoption, méconnaît les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en appliquant dès lors cette disposition, pour refuser tout droit de visite et d'hébergement à Mme W..., la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que par ailleurs, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que l'article 371-4 du code civil qui ne prévoit pas d'obligation, pour le parent de fait, de maintenir ses liens avec l'enfant qu'il a élevé, contrairement à l'enfant issu d'un mariage entre des personnes de même sexe, ayant fait l'objet d'une adoption, méconnaît les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en appliquant dès lors cette disposition, pour refuser tout droit de visite et d'hébergement à Mme W..., la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que cet intérêt supérieur impose que lorsqu'une personne est impliquée dans la vie d'un enfant depuis sa conception et l'a élevé, le lien entre eux doit être en principe maintenu, sauf dans des cas exceptionnels dans lesquels existent des motifs graves, correspondant à des hypothèses dans lesquelles l'enfant est soumis à des risques pour sa sécurité ou sa santé ; qu'en faisant application de l'article 371-4 du code civil, et en déboutant ainsi Mme W... de sa demande de fixation d'un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., après avoir pourtant constaté son implication essentielle dans la vie de Y... et sa participation active à sa vie quotidienne depuis sa conception jusqu'à ce que sa mère biologique s'oppose à ce qu'elle voit la petite fille, et sans relever aucun motif grave qui y ferait obstacle, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la Convention de New York ; 7°/ que, subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... s'était impliquée activement dans la vie de l'enfant Y... depuis sa conception jusqu'à ce que sa mère biologique s'oppose à ce qu'elle voit la petite fille et n'a relevé à son encontre aucun motif grave qui s'opposerait à un droit de visite et d'hébergement ; qu'en considérant toutefois que l'intérêt de l'enfant ne justifiait pas qu'un droit de visite et d'hébergement soit mis en place, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de New York ; 8°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; qu'en énonçant, pour débouter Mme W... de sa demande de voir fixé un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., sur l'existence d'un conflit avec son ex-compagne et la circonstance qu'elle n'avait pas su la préserver du conflit existant avec son ex-compagne, celle-ci ayant eu des comportements emportés et véhéments, en présence de l'enfant en raison de ce conflit, la cour d'appel qui a statué par un motif insuffisant à exclure que l'intérêt de l'enfant soit de maintenir un lien avec Mme W... qui l'a élevée et s'est impliquée dans sa vie dès sa conception, a violé l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de New York ; 9°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; qu'en énonçant, pour considérer que la maintien de ses relations avec Mme W... n'était pas dans l'intérêt de l'enfant, que Mme W... n'avait pas su préserver la petite fille de ses conflits avec la mère biologique, qu'elle avait eu un comportement véhément et violent, qu'elle avait fait irruption dans les lieux de travail et le domicile de son ex compagne, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce comportement ne s'expliquait pas précisément par l'opposition de son ex compagne à ce qu'elle maintienne un lien avec l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3.1 de la Convention de New York ; 10°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... avait exercé un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y... après la séparation avec sa partenaire ; qu'en énonçant, pour rejeter tout droit de visite et d'hébergement, que Mme W... en était « arrivée aux mains », le jour de la séparation d'avec son ex compagne, lors même qu'un droit de visite avait été mis en place ultérieurement, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de tout droit de visite et d'hébergement de Mme W..., et partant, la rupture irrémédiable de relations, qu'il impliquait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article de l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3.1 de la Convention de New York ; 11°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que l'intérêt de l'enfant, lorsqu'il est en bas âge, ne s'apprécie pas au regard de l'expression de sa volonté ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'hébergement de Mme W..., après avoir relevé que Mme R... avait fait obstacle à ce que l'enfant voit Mme W..., qui l'a élevée, que l'enfant nourrissait des craintes à l'idée de partir et de résider avec elle, et en statuant ainsi par des motifs insuffisants à exclure que l'intérêt de l'enfant soit de maintenir un lien avec Mme W... qui l'a élevée et s'est impliquée dans sa vie dès sa conception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-4 du code civil ; 12°/ que, tout aussi subsidiairement, les juges doivent viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en énonçant, pour exclure tout lien d'affection durable entre l'enfant et Mme W..., sur la circonstance que si un attachement a pu se développer avant la séparation du couple, « il n'apparaît pas que celui-ci ait perduré à l'issue de la rupture du couple », sans viser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 13°/ que, tout aussi subsidiairement, les relations conflictuelles entre un parent biologique et la personne qui a élevé l'enfant avec lui constitue une circonstance étrangère à l'appréciation de l'intérêt de l'enfant ; qu'en se fondant, pour dénier à Mme W..., tout droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., sur la circonstance que la petite fille devait être préservée du conflit entre sa mère biologique et sa mère de fait, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 5. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. 6. Aux termes de l'article 14 de la même Convention, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. 7. Aux termes de l'article 371-4, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. 8. Ce texte permet le maintien des liens entre l'enfant et l'ancienne compagne ou l'ancien compagnon de sa mère ou de son père lorsque des liens affectifs durables ont été noués, tout en le conditionnant à l'intérêt de l'enfant. 9. En ce qu'il tend, en cas de séparation du couple, à concilier le droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés et l'intérêt supérieur de l'enfant, il ne saurait, en lui-même, méconnaître les exigences conventionnelles résultant des articles 3, § 1, de la Convention de New York et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 10. Il ne saurait davantage méconnaître les exigences résultant de l'article 14 de cette même Convention dès lors qu'il n'opère, en lui-même, aucune distinction entre les enfants, fondée sur la nature de l'union contractée par le couple de même sexe, cette distinction résultant d'autres dispositions légales selon lesquelles la création d'un double lien de filiation au sein d'un couple de même sexe implique, en l'état du droit positif, l'adoption de l'enfant par le conjoint de son père ou de sa mère. 11. L'arrêt relève que Mme W..., bien que réticente à l'idée d'accueillir un enfant au sein de son foyer, s'est impliquée dans le projet de Mme R... dès la conception de l'enfant, étant présente pour l'insémination, le suivi médical de la grossesse et au moment de l'accouchement. Il constate que la naissance de l'enfant a été annoncée par les deux femmes au moyen d'un faire-part mentionnant leurs deux noms. Il ajoute que chacune d'elles s'est investie dans le quotidien de l'enfant après sa naissance et qu'un droit de visite et d'hébergement amiable une fin de semaine sur deux a été instauré au bénéfice de Mme W... à l'issue de la séparation du couple, en septembre 2015. 12. Il relève cependant que le droit de visite et d'hébergement de Mme W... a cessé d'être exercé dès le mois de janvier 2016, Mme R... refusant que sa fille continue de voir son ancienne compagne en raison du comportement violent de celle-ci. Il précise que, si le caractère conflictuel de la séparation n'est pas contesté par les parties, la violence des interventions de Mme W... à l'égard de Mme R... est attestée par les pièces produites, qui font état d'intrusions sur le lieu de travail de celle-ci et au domicile de ses parents, en présence de l'enfant, qui a été le témoin de ses comportements véhéments et emportés. 13. Il estime que ces confrontations, en présence de l'enfant, ont généré une crainte et une réticence réelle de celle-ci à l'idée de se rendre chez Mme W..., et que cette dernière n'a pas su préserver Y... du conflit avec son ancienne compagne, ce qui est de nature à perturber son équilibre psychique. 14. Il retient enfin que, si Mme W... a pu résider de manière stable avec l'enfant du temps de la vie commune du couple et a pourvu à son éducation et à son entretien sur cette même période, la preuve du développement d'une relation forte et de l'existence d'un lien d'affection durable avec Y... n'est pas rapportée. 15. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit qu'il n'était pas dans l'intérêt de l'enfant d'accueillir la demande de Mme W.... Elle a ainsi, par une décision motivée, statuant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui doit être primordial, légalement justifié sa décision, sans porter atteinte de façon disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme W.... 16. Il n'y a pas donc lieu d'accueillir la demande aux fins d'avis consultatif de la Cour européenne des droits de l'homme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme W... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme W... Mme W... fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme W... de sa demande de droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant Y..., AUX MOTIFS QUE « selon l'article 371-4 du code civil, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ; que Mme W... sollicite le bénéfice d'un droit de visite et d'hébergement à l'égard de Y... ; que Mme R... quant à elle s'y oppose indiquant que l'enfant ne souhaite pas la voir, faisant valoir qu'elle est épanouie, équilibrée et suit une scolarité sans difficulté ; que les parties ont vécu en concubinage pendant une dizaine d'année, concluant un pacte civil de solidarité en 2009 ; que la famille de Mme R... atteste du profond désir d'enfant de l'intimée depuis de nombreuses années et dont elle avait fait part à sa compagne ; Mmes P... amies de l'appelante et du couple ont souligné les réticences de Mme W... à l'idée d'accueillir un enfant au sein de son foyer, notamment en raison de son âge et de la crainte que cela ne perturbe son quotidien, les membres de la famille de Mme R... attestant l'avoir entendu dire que « ça perturberait sa vie paisible pour ses distractions » et « cela ne serait pas raisonnable j'ai fait ma vie jusque-là sans et je m'en porte très bien » ; que toutefois, il ressort des pièces produites que Mme W... s'est investie dans le projet de Mme R... dès la conception de l'enfant, étant présente pour l'insémination, le suivi médical de la grossesse et au moment de l'accouchement, la naissance de l'enfant étant également annoncée par les deux femmes au moyen d'un faire-part mentionnant leurs deux noms ; qu'aussi, chacune des parties démontre son investissement dans le suivi de l'enfant après sa naissance, Mme R... justifie ainsi de l'organisation professionnelle mise en place afin de concilier sa profession et sa vie familiale, Mme W... justifiant également avoir pu aménager ses horaires de travail après son arrêt longue maladie, Mme M..., nourrice de l'enfant, attestant par ailleurs de son investissement dans le quotidien de Y..., ce qui est corroboré par les autres attestations, son implication dans le suivi médical de l'enfant étant notamment relevé par le docteur K... ; que bien qu'un droit de visite et d'hébergement amiable une fin de semaine sur deux ait été mis en place au bénéfice de Mme W... à l'issue de la séparation du couple en septembre 2015, force est de constater que celui-ci a cessé d'être exercé dès le mois de janvier 2016, Mme R... refusant que sa fille continue de voir son ex-compagne en raison du comportement violent de celle-ci, ; qu'en effet, si le caractère conflictuel de la séparation n'est pas contesté par les parties, l'intimée souligne également le caractère violent des interventions de Mme W... ce dont sa famille atteste, faisant état d'intrusions de l'appelante sur son lieu de travail et au domicile de ses parents, en présence de l'enfant qui a été témoin des comportements emportés et véhéments de celle-ci ; qu'il est établi que ces confrontations en présence de l'enfant ont généré une crainte ainsi qu'une réticence de celle-ci à l'idée de se rendre chez Mme W..., le frère de l'intimée ayant précisé avoir été présent en décembre 2015 alors qu'elle venait exercer son droit d'accueil, et l'avoir vu en larmes, suffoqué, vomissant lorsque D... W... essayait de l'accrocher dans la voiture pour partir et elle disait (tentait) en criant je cite : « je ne veux pas aller chez I... (surnom de D... W...), non, non et elle se débattait pour rester avec sa maman (ma soeur) » ; que si en cause d'appel l'appelante indique que l'enfant avait vomi ce jour-là après avoir mangé trop de noix, le témoignage ci-dessus rapporté établit la réticence réelle de l'enfant à partir avec Mme W.... En outre il apparaît qu'avant même les événements dépeints, du temps de la vie commune, l'appelante était décrite comme pouvant manquer de patience à l'égard de l'enfant et s'emporter facilement selon Mme G... ; que l'attestation de Mme C... établit également que dès la séparation du couple, Y... exprimait des craintes à l'idée de partir avec "I..." ; que s'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme W... a pu résider de manière stable avec l'enfant du temps de la vie commune du couple et a pourvu à son éducation ainsi qu'à son entretien cette même période, la preuve du développement d'une relation forte et de l'existence d'un lien d'affection durable avec l'enfant n'est pas rapportée ; qu'ainsi, bien qu'un attachement ait pu se développer entre l'appelante et Y... au cours de la vie commune, il n'apparaît pas que celui-ci ait perduré à l'issue de la rupture du couple ; que de plus, force est de constater qu'il n'apparaît pas être dans l'intérêt de l'enfant de faire droit à la demande de l'appelante dans la mesure où elle n'a pas su la préserver du conflit existant avec son ex-compagne, nourrissant ainsi des craintes chez la jeune enfant à l'idée de résider, ne serait-ce que temporairement, avec elle ; qu'ainsi que I ‘a relevé le premier juge, le conflit existant entre les deux parties est de nature à perturber l'équilibre psychique de l'enfant de sorte qu'il convient de l'en préserver » ; ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE « aux termes de l'article 371-4 alinéa 2 du code civil, « si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables » ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces communiquées par les parties et de leurs écritures que Madame W... et Madame R... ont vécu ensemble quasiment une dizaine d'année et ont conclu un pacte civil de solidarité en avril 2009 ; que si Madame W... soutient que le couple a fait le choix d'avoir un enfant, il ressort des pièces des deux parties que cette volonté émanait essentiellement de Madame R..., sa compagne ayant émis quelques réserves sur ce projet. Ainsi, Mesdames P... souligne que « D... a soulevé quelques problématiques quant à la venue d'un enfant » ; que l'entourage de Madame R... confirme ces réticences à l'égard de l'arrivée d'un enfant, les parents de Madame R... indiquant avoir entendu la demanderesse dire que « ça perturberait sa vie paisible pour ses distractions, cela ne serait pas raisonnable, j'ai fait ma vie jusque là sans et je m'en porte très bien » et Madame C... attestant que Madame W... ne voulait pas d'enfant et qu'elle subissait la situation ; que si les attestations divergent sur la présence de Madame W... aux côtés de Madame R... au cours de la grossesse de cette dernière, il est néanmoins établi que la naissance de l'enfant a été annoncé par les deux compagnes comme en témoigne le faire part ; que Madame R... démontre son investissement auprès de sa fille, de l'organisation mise en place pour concilier la prise en charge de l'enfant avec une activité professionnelle, Madame W... justifiant également de son côté d'une gestion commune du quotidien de l'enfant (attestation de la nourrice Madame M...) et de son implication (attestation du docteur K... pour l'accompagnement aux visites médicales, attestation A... , attestation F..., attestation H..., attestation S...) ; qu'il est établi et non contesté par les parties que la séparation du couple W... R... est intervenue en septembre 2015 alors que l'enfant Y... était âgée de deux ans et ce, dans un climat extrêmement conflictuel. L'enfant a été accueillie une fin de semaine sur deux par Madame W... avant que les relations entre l'enfant et cette dernière ne cessent définitivement début 2016 du fait de la mère de l'enfant ; que les parents de Madame R... témoignent d'une séparation violente indiquant que Madame W... en est arrivée aux mains le jour du départ de leur fille obligeant Madame R... et sa fille à se réfugier chez le frère de cette de dernière ; qu'il est également fait état d'intrusions de la demanderesse sur le lieu de travail de Madame R... (main-courante du 15 avril 2016) et chez les parents de Madame R... (procès-verbal de gendarmerie du 30 avril 2016, attestation Q...) ce qui a perturbé l'enfant, ainsi que de nombreux appels de Madame W... pour lesquels Madame R... a déposé plainte mais sans suite judiciaire selon la demanderesse ; que Monsieur R... U... dont le témoignage n'est pas contesté, indique avoir assisté fin décembre 2015 lors d'un échange de week-end de garde entre sa soeur et Madame W... pour Y... et l'avoir « vu en larme, suffoqué, vomissant lorsque D... W... essayait de l'accrocher dans la voiture pour partir et elle disait (tentait) en criant je cite : « je ne veux pas aller chez I... (surnom de D... W...), non, non... et elle se débattait pour rester avec sa maman (ma soeur) » ; que Madame C... confirme avoir assisté au cours du mois de septembre 2015 aux craintes de l'enfant laquelle « pleurait pour repartir avec D... W... qu'elle appelait I... ». Madame G... atteste également qu'elle avait trouvé Madame W... « changé vis à vis de la petite Y... qui réclamait plus d'attention étant donné la situation mais Madame W... ne montrait aucune patience avec Y... et avait même des paroles fortes pour ne pas dire des cris à l'égard de Y... » ; qu'il ressort de ces éléments que si le projet d'avoir un enfant relève plus d'une volonté unilatérale de Madame R... que d'un choix commun du couple W... R..., Madame W... a été présente et impliquée dans la vie de l'enfant durant les premiers mois de son existence ; que néanmoins, la demanderesse ne rapporte pas la preuve du développement d'une relation forte et de l'existence d'un lien d'affection avec l'enfant et il apparaît au contraire que les derniers mois de vie commune avec Madame R... puis la séparation conflictuelle des deux compagnes au cours de laquelle Madame W... bénéficiait d'un droit de visite et d'hébergement amiable ont fortement déstabilisé et insécurisé la jeune enfant au point que cette dernière craigne Madame W... et réclame sa mère ; qu'en outre, si l'existence d'une mésentente entre les deux femmes ne suffit pas en soi à faire obstacle à des relations entre un tiers et l'enfant, il en va différemment lorsque ce conflit présente un risque en terme d'équilibre psychique de l'enfant et nuise à son bien-être, ce qui en l'espèce a déjà rejailli sur la très jeune enfant. L'ambiance extrêmement malsaine et délétère qui règne entre les deux parties nécessite que l'enfant en soit préservée ; qu'en conséquence, et dans l'intérêt de l'enfant, il convient de rejeter la demande de Madame W... laquelle s'apparente par ailleurs à une résidence alternée » ; 1°) ALORS QU'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que l'inconstitutionnalité de l'article 371-4 du code civil qui sera prononcée à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de fondement juridique ; 2°) ALORS QUE chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que cette exigence impose qu'en cas de séparation entre le parent biologique et le parent d'intention d'un enfant, le maintien du lien entre le parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, en cas notamment de motifs graves, faisant peser un risque pour la santé ou la sécurité de l'enfant ; que l'article 371-4 du code civil, qui ne prévoit pas que le maintien du lien entre un parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, et qui permet une rupture irrémédiable de la relation entre l'enfant et son parent de fait, sans que des motifs graves soient requis, porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du parent d'intention et de l'enfant ; qu'en appliquant toutefois ce texte, pour dénier tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille dans la vie de laquelle la cour d'appel a relevé qu'elle s'était investie dès sa conception, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS QUE, en tout état de cause, s'il était considéré que les motifs du jugement avait été adoptés concernant la conception de l'enfant, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que cette exigence impose qu'en cas de séparation entre le parent biologique et le parent de fait d'un enfant, le maintien du lien entre le parent de fait et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, en cas notamment de motifs graves, faisant peser un risque pour la santé ou la sécurité de l'enfant ; que l'article 371-4 du code civil, qui ne prévoit pas que le maintien du lien entre un parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, et qui permet une rupture irrémédiable de la relation entre l'enfant et son parent de fait, sans que des motifs graves soient requis, porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du parent d'intention et de l'enfant ; qu'en appliquant toutefois ce texte, pour dénier tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille dans la vie de laquelle la cour d'appel a relevé qu'elle s'était investie dès sa conception, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°) ALORS QU'en tout état de cause, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... s'était investie dans le projet parental ayant donné lieu à la conception de Y..., étant présente pour l'insémination, le suivi de la grossesse de la mère biologique, au moment de l'accouchement et de la naissance, qui a été annoncée par les deux femmes dans un faire-part mentionnant leurs deux noms ; qu'il s'évince également de l'arrêt que jusqu'au moment où Mme R... a décidé unilatéralement que Mme W... ne verrait plus l'enfant, Mme W... a d'abord vécu de manière stable avec l'enfant, a pourvu à son éducation et à son entretien, étant très impliquée dans sa vie quotidienne, ayant aménagé ses horaires de travail pour s'en occuper, puis a exercé un droit de visite sur la petite fille après la séparation du couple ; qu'en déniant tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille qu'elle a élevée pendant les premières années de sa vie, aux motifs qu'elle n'avait pas su la préserver du conflit existant avec son ex-compagne et que l'enfant, en bas âge, ne l'ayant pas vue depuis quelques temps, manifestait de la crainte envers elle, éléments non susceptibles de caractériser des risques pour l'enfant, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme W..., en méconnaissance de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 5°) ALORS QUE chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que par ailleurs, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que l'article 371-4 du code civil qui ne prévoit pas de droit pour l'enfant au maintien de ses relations avec le parent d'intention, ni corrélativement d'obligation incombant à ce parent de fait de maintenir ce lien, contrairement à la situation de l'enfant issu d'un mariage entre des personnes de même sexe, ayant fait l'objet d'une adoption, méconnaît les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en appliquant dès lors cette disposition, pour refuser tout droit de visite et d'hébergement à Mme W..., la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6°) ALORS QUE, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que par ailleurs, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que l'article 371-4 du code civil qui ne prévoit pas d'obligation, pour le parent de fait, de maintenir ses liens avec l'enfant qu'il a élevé, contrairement à l'enfant issu d'un mariage entre des personnes de même sexe, ayant fait l'objet d'une adoption, méconnaît les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en appliquant dès lors cette disposition, pour refuser tout droit de visite et d'hébergement à Mme W..., la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 7°) ALORS QUE dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que cet intérêt supérieur impose que lorsqu'une personne est impliquée dans la vie d'un enfant depuis sa conception et l'a élevé, le lien entre eux doit être en principe maintenu, sauf dans des cas exceptionnels dans lesquels existent des motifs graves, correspondant à des hypothèses dans lesquelles l'enfant est soumis à des risques pour sa sécurité ou sa santé ; qu'en faisant application de l'article 371-4 du code civil, et en déboutant ainsi Mme W... de sa demande de fixation d'un et d'hébergement et d'hébergement sur l'enfant Y..., après avoir pourtant constaté son implication essentielle dans la vie de Y... et sa participation active à sa vie quotidienne depuis sa conception jusqu'à ce que sa mère biologique s'oppose à ce qu'elle voit la petite fille, et sans relever aucun motif grave qui y ferait obstacle, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la Convention de New York ; 8°) ALORS QUE, subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... s'était impliquée activement dans la vie de l'enfant Y... depuis sa conception jusqu'à ce que sa mère biologique s'oppose à ce qu'elle voit la petite fille et n'a relevé à son encontre aucun motif grave qui s'opposerait à un droit de visite et d'hébergement ; qu'en considérant toutefois que l'intérêt de l'enfant ne justifiait pas qu'un droit de visite et d'hébergement soit mis en place, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de New York ; 9°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; qu'en énonçant, pour débouter Mme W... de sa demande de voir fixé un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., sur l'existence d'un conflit avec son ex-compagne et la circonstance qu'elle n'avait pas su la préserver du conflit existant avec son ex-compagne, celle-ci ayant eu des comportements emportés et véhéments, en présence de l'enfant en raison de ce conflit, la cour d'appel qui a statué par un motif insuffisant à exclure que l'intérêt de l'enfant soit de maintenir un lien avec Mme W... qui l'a élevée et s'est impliquée dans sa vie dès sa conception, a violé l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de New York ; 10°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; qu'en énonçant, pour considérer que la maintien de ses relations avec Mme W... n'était pas dans l'intérêt de l'enfant, que Mme W... n'avait pas su préserver la petite fille de ses conflits avec la mère biologique, qu'elle avait eu un comportement véhément et violent, qu'elle avait fait irruption dans les lieux de travail et le domicile de son ex compagne, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce comportement ne s'expliquait pas précisément par l'opposition de son ex compagne à ce qu'elle maintienne un lien avec l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3.1 de la Convention de New York ; 11°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... avait exercé un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y... après la séparation avec sa partenaire ; qu'en énonçant, pour rejeter tout droit de visite et d'hébergement, que Mme W... en était « arrivée aux mains », le jour de la séparation d'avec son ex compagne », lors même qu'un droit de visite avait été mis en place ultérieurement, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de tout droit de visite et d'hébergement de Mme W..., et partant, la rupture irrémédiable de relations, qu'il impliquait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article de l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3.1 de la Convention de New York ; 12°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que l'intérêt de l'enfant, lorsqu'il est en bas âge, ne s'apprécie pas au regard de l'expression de sa volonté ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'hébergement de Mme W..., après avoir relevé que Mme R... avait fait obstacle à ce que l'enfant voit Mme W..., qui l'a élevée, que l'enfant nourrissait des craintes à l'idée de partir et de résider avec elle, et en statuant ainsi par des motifs insuffisants à exclure que l'intérêt de l'enfant soit de maintenir un lien avec Mme W... qui l'a élevée et s'est impliquée dans sa vie dès sa conception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-4 du code civil ; 13°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, les juges doivent viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en énonçant, pour exclure tout lien d'affection durable entre l'enfant et Mme W..., sur la circonstance que si un attachement a pu se développer avant la séparation du couple, « il n'apparait pas que celui-ci ait perduré à l'issue de la rupture du couple », sans viser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 14°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, les relations conflictuelles entre un parent biologique et la personne qui a élevé l'enfant avec lui constitue une circonstance étrangère à l'appréciation de l'intérêt de l'enfant ; qu'en se fondant, pour dénier à Mme W..., tout droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., sur la circonstance que la petite fille devait être préservée du conflit entre sa mère biologique et sa mère de fait, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil.
L'article 371-4, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ne méconnaît pas, en lui même, les exigences conventionnelles résultant des articles 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ne porte pas atteinte de façon disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'ancienne compagne de la mère de l'enfant la cour d'appel qui, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, estime que le maintien de relations de celle-ci avec l'enfant est de nature à perturber son équilibre psychique et que la preuve d'un lien d'affection durable n'est pas rapportée, de sorte que l'intérêt supérieur de l'enfant, qui doit être la considération primordiale, impose de rejeter la demande de droit de visite et d'hébergement
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 366 F-P+B Pourvoi n° W 19-15.781 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020 M. W... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 19-15.781 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-3), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme E... R..., domiciliée [...], représentée par M. B... L... en qualité de tuteur, 2°/ à M. B... L..., domicilié [...], pris en qualité de tuteur de Mme E... R..., défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. R..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme R... et de M. L..., pris en qualité de tuteur de Mme E... R..., après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 février 2019), un jugement du 5 septembre 2011 a placé Mme R... sous tutelle pour une durée de cinq ans. Lors du renouvellement de la mesure, le 11 juillet 2016, le juge des tutelles a, après une ordonnance de dispense d'audition du 7 juin 2016, désigné M. L..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur. Un arrêt du 17 mai 2018, rendu après une expertise médicale, a confirmé ce jugement et rejeté la demande de M. R..., frère de la majeure protégée, tendant à sa désignation en qualité de tuteur. 2. Par requête du 27 avril 2018, M. L... a saisi le juge des tutelles afin que les visites de M. R... à sa soeur soient interdites. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur la première branche du moyen Enoncé du moyen 4. M. R... fait grief à l'arrêt de lui interdire toute visite à sa soeur, Mme R..., quel que soit le lieu de vie institutionnel de celle-ci, et notamment à la maison de retraite [...], et de lui interdire de rencontrer sa soeur, quel que soit le lieu de vie institutionnel de celle-ci, ou de lui téléphoner, alors « que le juge des tutelles ne peut statuer sur une requête concernant un majeur protégé et relative à la protection de sa personne qu'après avoir entendu ou appelé celui-ci sauf si l'audition est de nature à porter atteinte à la santé de l'intéressé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté ; qu'en statuant sur la requête introduite par M. L..., en sa qualité de tuteur de Mme R..., tendant à voir interdire toute relation de M. R..., frère de la majeure protégée, avec sa soeur, sans convoquer et auditionner cette dernière, ni justifier cette absence d'audition, la cour d'appel a violé les articles 1220-3 et 1245, alinéa 4, du code de procédure civile, ensemble l'article 432 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 1220-3 du code de procédure civile, le juge des tutelles ne peut statuer sur une requête concernant un majeur protégé et relative à la protection de sa personne qu'après avoir entendu ou appelé celui-ci sauf si l'audition est de nature à porter atteinte à la santé de l'intéressé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté. 6. Il résulte des pièces de la procédure que Mme R... a été convoquée par la cour d'appel et n'a pas comparu en personne mais était représentée par un avocat. La cour d'appel, qui n'a pas recouru à la procédure de dispense d'audition, n'était donc tenue ni d'entendre la personne protégée ni de s'expliquer sur son défaut de comparution. 7. Le moyen n'est dès lors pas fondé. Sur les deuxième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches du moyen Enoncé du moyen 8. M. R... fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'interdiction pure et simple faite à un parent d'entretenir une relation avec un majeur protégé ne peut être prononcée que dans la mesure où elle est strictement nécessaire, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en ordonnant à l'encontre de l'exposant une interdiction de visites, ainsi qu'une interdiction de rencontrer et même de téléphoner à sa soeur, sans préciser toutefois la nécessité de cette rupture totale du lien familial plutôt qu'un encadrement des visites de M. R... à sa soeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 459-2 du code civil, ensemble les articles 415 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que le juge peut, en cas de difficulté, organiser les relations personnelles de la personne protégée avec tout tiers, dans l'intérêt de celle-ci ; qu'en se fondant, pour interdire à M. R... tout contact avec sa soeur, Mme R..., sur l'attitude véhémente de l'exposant à l'égard de la cour et de certains membres du personnel médical, motifs impropres à caractériser l'intérêt de Mme R... à la préservation ou la rupture des relations qu'elle entretenait avec son frère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 459-2 du code civil, ensemble les articles 415 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que M. W... R... faisait valoir qu'il avait tenté de mettre en oeuvre des médiations, mais qu'il s'était heurté aux refus de M. L... et du service psychiatrique de l'hôpital d'y participer ; qu'en jugeant néanmoins que l'attitude de M. R... justifiait de lui interdire les visites auprès de sa soeur, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que les juges du fond doivent préciser l'origine des constatations de fait sur lesquelles ils s'appuient ; qu'en se bornant à affirmer qu'« il résulte des pièces communiquées que cette sérénité est bénéfique à la majeure protégée, puisqu'il est avéré qu'elle n'a plus été hospitalisée en psychiatrie depuis – alors que son parcours de vie a été émaillé d'hospitalisations sans son consentement », sans préciser de quelles pièces elle déduisait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui sont produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à relever que « les attestations versées par M. R... ne sauraient suffire à contredire cette réalité médicale », sans analyser, même sommairement, ces attestations qui, pour la plupart, avaient été établies par des médecins et témoignaient de la dégradation de l'état de santé de Mme E... R..., avec notamment une réapparition de ses TOCs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°/ qu'en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé ; qu'en interdisant à M. R... de téléphoner à sa soeur, Mme R..., sans toutefois motiver sa décision de ce chef, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article 459-2 du code civil, la personne protégée entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d'être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci. En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué statue. 10. Aux termes de l'article 415, alinéa 3, du code civil, la mesure de protection a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. 11. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. 12. L'arrêt relève que le rapport d'expertise médicale du 21 septembre 2017 a confirmé, après examen des nombreux certificats communiqués par M. R... et consultation des divers praticiens intervenant auprès de Mme R..., les troubles graves de la personnalité et du comportement dont celle-ci souffre, en rapport avec une structure psychotique de type schizophrénique, et a précisé qu'elle n'était pas à même d'exprimer sa volonté de manière cohérente et adaptée. 13. Il constate que la requête du tuteur tendant à la suppression de toutes les visites de M. R... à sa soeur était accompagnée d'un certificat médical du 27 avril 2018, précisant que la nouvelle hospitalisation de la majeure protégée en service de psychiatrie résultait de l'impossibilité, pour la maison de retraite dans laquelle elle résidait, de gérer les intrusions multiples de M. R..., et que les contacts de Mme R... avec son frère étaient des facteurs majeurs de déstabilisation psychique. Il ajoute qu'il était préconisé, par l'ensemble du service de psychiatrie, l'interdiction de toute visite et ce, quel que soit le lieu de vie institutionnel de Mme R.... 14. Il énonce qu'était également joint à la requête la lettre du chef de pôle du centre hospitalier à M. R..., datée du 6 avril 2018, lui indiquant que, dans l'intérêt de sa soeur, les visites n'étaient pas autorisées. 15. Il constate que la posture de M. R..., qui persiste à se présenter comme le seul compétent pour déterminer l'intérêt de sa soeur, au risque de parasiter sa prise en charge, ne cesse de s'illustrer, au sein des divers lieux de vie et dans les salles d'audience, et que celui-ci n'entend pas le message des professionnels, alors même que l'ordonnance de référé du 28 septembre 2018, rendue à l'occasion de la demande de suspension de l'exécution provisoire, avait suggéré une meilleure acceptation de sa part du projet mis en place pour sa soeur avant d'envisager un rétablissement des visites. 16. Il relève encore que l'irrespect par M. R... du déroulement de l'audience, au point de motiver son invitation à quitter la salle, ne permet pas d'augurer positivement d'une évolution, et que la virulence de ses propos, voire la violence, le recours à certains stratagèmes, comme illustré dans les diverses plaintes déposées par le tuteur professionnel, légitiment l'interdiction des visites, seule de nature à permettre le retour d'une certaine sérénité autour de Mme R.... 17. Il observe enfin que cette sérénité est bénéfique à la majeure protégée, qui n'a plus été hospitalisée en psychiatrie depuis la décision d'interdiction, sans que les attestations versées par M. R... ne suffisent à contredire cette réalité médicale. 18. Par ces motifs, qui font ressortir la nécessité d'une rupture totale du lien familial, dans l'attente d'une évolution du comportement de M. R..., et l'impossibilité d'un encadrement des visites ou de contacts téléphoniques, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre M. R... dans le détail de son argumentation ni de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a statué dans l'intérêt de la majeure protégée, souverainement apprécié, justifiant légalement sa décision au regard des textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. R... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. R... et le condamne à payer à M. B... L..., en qualité de tuteur de Mme E... R... et à Mme E... R... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. R.... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR interdit les visites de M. W... R..., frère de la majeure protégée, à sa soeur Mme E... R... quelque soit le lieu de vie institutionnel de Mme E... R... et notamment à la maison de retraite [...] , et d'AVOIR interdit à M. W... R..., frère de la majeure protégée, de rencontrer sa soeur Mme E... R... quelque soit le lieu de vie institutionnel de Mme E... R... ou de lui téléphoner ; AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 459-2 du code civil, la personne protégée choisit son lieu de résidence et entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non, le juge étant compétent pour statuer en cas de difficulté ; que tel est le fondement juridique de l'ordonnance du 30 avril 2018, celle du 3 mai 2018 l'ayant rectifiée pour l'assortir de l'exécution provisoire, en suite de la requête déposée par le tuteur professionnel de Madame E... R... qui caractérisait des difficultés ; qu'au demeurant, en cause d'appel, personne ne remet en cause la compétence du juge des tutelles ; que la critique porte sur le bien fondé de l'ordonnance et ses conséquences ; qu'or, il convient de rappeler que la requête du tuteur était accompagnée d'un certificat médical daté du 27 avril 2018 ; qu'il y était indiqué que la nouvelle hospitalisation résultait de l'impossibilité pour le précédent EHPAD de "gérer les intrusions multiples de Monsieur W... R..." à propos duquel il était rappelé ses tentatives répétées d'infractions ; que ce certificat notait explicitement que les mises en contact de Madame E... R... avec son frère étaient des facteurs majeurs de déstabilisation psychique et qu'il était préconisé, par l'ensemble du service de psychiatrie, l'interdiction de toute visite et ce quelque soit le lieu de vie institutionnel de Madame E... R... ; qu'était également joint le courrier du chef de pôle du centre hospitalier daté du 6 avril 2018 adressé à Monsieur W... R..., lui indiquant que "dans l'intérêt du bon déroulement de (sa) soeur, les visites ne sont actuellement pas autorisées" ; qu'il convient par ailleurs de rappeler que l'arrêt avant-dire droit du 11 mai 2017 avait pris en compte les dires de Monsieur W... R... pour asseoir sa candidature en qualité de tuteur de sa soeur en référence à une autre acception de sa maladie et surtout une autre prise en charge, et désigné un médecin inscrit sur la liste du Procureur de la République pour ce faire ; qu'or le rapport du 21 septembre 2017, après étude des nombreux certificats communiqués par Monsieur W... R... et attache des divers praticiens intervenant auprès de Madame E... R..., avait non seulement confirmé les troubles graves de la personnalité et du comportement en rapport avec sa structure psychotique de type schizophrénique mais qualifié de justifiée et nécessaire l'admission en établissement ; qu'il avait précisé que Madame E... R... n'était pas à même d'exprimer sa volonté de manière cohérente et adaptée ; qu'il avait considéré qu'en l'état actuel des relations, la désignation d'un tuteur familial ne paraissait pas satisfaisante ; que la posture de Monsieur W... R..., qui malgré la précaution de cet examen médical, persiste à se présenter comme le seul compétent pour déterminer le mieux être de sa soeur, au risque de parasiter la prise en charge opérée, ne cesse de s'illustrer – au sein des divers lieux de vie et même dans les salles d'audience, sans pouvoir entendre le retour des professionnels ; que telle était déjà – en partie – la motivation de l'ordonnance de référé rendue le 28 septembre 2018 dans le cadre de la demande de suspension de l'exécution provisoire, qui suggérait une meilleure acceptation de sa part du projet mis en place pour sa soeur avant d'envisager de rétablir des visites ; qu'or il convient de constater que Monsieur W... R... ne change nullement d'attitude ; que son irrespect du cadre de l'audience d' appel, au point de motiver son invitation à quitter la salle, ne permet pas d'augurer positivement d'une évolution ; que la virulence de ses propos, voire la violence, le recours à certains stratagèmes, comme illustré dans les diverses plaintes déposées par le tuteur professionnel, légitiment l'interdiction des visites – seule de nature à permettre une sérénité autour de Madame E... R... ; qu'au demeurant, il résulte des pièces communiquées que cette sérénité est bénéfique à la majeure protégée, puisqu'il est avéré qu'elle n'a plus été hospitalisée en psychiatrie depuis – alors que son parcours de vie a été émaillé d'hospitalisations sans son consentement ; que les attestations versées par Monsieur W... R... ne sauraient suffire à contredire cette réalité médicale ; que dans ces conditions, l'ordonnance déférée sera confirmée, sans que l'attitude de Monsieur W... R... ne permette d'en fixer un terme ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE M. B... L..., MJPM, en qualité de tuteur de Mme E... R... expose : - que la Majeure Protégée, Mme E... R... a été exclue d'une maison de retraite en raison du comportement de son frère, M. W... R... ; - qu'il a été constaté que les visites du frère de la Majeure Protégée, M. W... R... perturbaient l'état mental de la Majeure Protégée ; - que Mme E... R... a été admise au Centre Hospitalier de [...] en service psychiatrique du 23 Mars 2018 au 25 Avril 2018 ; - que M. W... R... a été interdit de visiter sa soeur sur décision du Chef de Pôle du Service Psychiatrique ; - que Mme E... R... a été admise dans une nouvelle maison de retraite à [...] à sa sortie d'hôpital ; - que son état psychologique est encore fragile ; - qu'il est donc dans l'intérêt de Mme E... R... d'éviter de la perturber par les visites intempestives de son frère M, W... R... ; que le certificat médical du médecin psychiatre du Centre Hospitalier de [...] en date du 27 Avril 2018 préconise la nécessité d'interdire les visites du frère M. W... R... auprès de Mme E... R... quelque soit le lieu de vie institutionnel de cette dernière ; que M. B... L..., MJPM, en qualité de tuteur de Mme E... R... sollicite donc que soit prononcé : - l'interdiction des visites de M. W... R..., frère de la Majeure Protégée, à la maison de retraite [...] ; - l'interdiction de rencontrer sa soeur ou de lui téléphoner ; qu'il convient de faire droit à la requête ; 1°) ALORS QUE le juge des tutelles ne peut statuer sur une requête concernant un majeur protégé et relative à la protection de sa personne qu'après avoir entendu ou appelé celui-ci sauf si l'audition est de nature à porter atteinte à la santé de l'intéressé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté ; qu'en statuant sur la requête introduite par M. L..., en sa qualité de tuteur de Mme E... R..., tendant à voir interdire toute relation de M. W... R..., frère de la majeure protégée, avec sa soeur, sans convoquer et auditionner cette dernière, ni justifier cette absence d'audition, la cour d'appel a violé les articles 1220-3 et 1245, alinéa 4, du code de procédure civile, ensemble l'article 432 du code civil ; 2°) ALORS QUE l'interdiction pure et simple faite à un parent d'entretenir une relation avec un majeur protégé ne peut être prononcée que dans la mesure où elle est strictement nécessaire, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en ordonnant à l'encontre de l'exposant une interdiction de visites, ainsi qu'une interdiction de rencontrer et même de téléphoner à sa soeur, sans préciser toutefois la nécessité de cette rupture totale du lien familial plutôt qu'un encadrement des visites de M. W... R... à sa soeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 459-2 du code civil, ensemble les articles 415 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS QUE le juge peut, en cas de difficulté, organiser les relations personnelles de la personne protégée avec tout tiers, dans l'intérêt de celle-ci ; qu'en rappelant, pour interdire à M. W... R... tout contact avec sa soeur, Mme E... R..., que le rapport du 21 septembre 2017 avait estimé que la désignation d'un tuteur familial ne paraissait pas satisfaisante, motifs impropres à caractériser l'intérêt de Mme E... R... à la préservation ou la rupture des relations qu'elle entretenait avec son frère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 459-2 du code civil, ensemble les articles 415 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°) ALORS QUE le juge peut, en cas de difficulté, organiser les relations personnelles de la personne protégée avec tout tiers, dans l'intérêt de celle-ci ; qu'en se fondant, pour interdire à M. W... R... tout contact avec sa soeur, Mme E... R..., sur l'attitude véhémente de l'exposant à l'égard de la cour et de certains membres du personnel médical, motifs impropres à caractériser l'intérêt de Mme E... R... à la préservation ou la rupture des relations qu'elle entretenait avec son frère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 459-2 du code civil, ensemble les articles 415 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°) ALORS QUE M. W... R... faisait valoir qu'il avait tenté de mettre en oeuvre des médiations, mais qu'il s'était heurté aux refus de M. L... et du service psychiatrique de l'hôpital d'y participer ; qu'en jugeant néanmoins que l'attitude de M. W... R... justifiait de lui interdire les visites auprès de sa soeur, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QUE les juges du fond doivent préciser l'origine des constatations de fait sur lesquelles ils s'appuient ; qu'en se bornant à affirmer qu'« il résulte des pièces communiquées que cette sérénité est bénéfique à la majeure protégée, puisqu'il est avéré qu'elle n'a plus été hospitalisée en psychiatrie depuis – alors que son parcours de vie a été émaillé d'hospitalisations sans son consentement » (arrêt, p. 7, § 3), sans préciser de quelles pièces elle déduisait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui sont produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à relever que « les attestations versées par Monsieur W... R... ne sauraient suffire à contredire cette réalité médicale » (arrêt, p. 7, § 4), sans analyser, même sommairement, ces attestations qui, pour la plupart, avaient été établies par des médecins et témoignaient de la dégradation de l'état de santé de Mme E... R..., avec notamment une réapparition de ses TOCs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8°) ALORS QU'en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé ; qu'en interdisant à M. W... R... de téléphoner à sa soeur, Mme E... R..., sans toutefois motiver sa décision de ce chef, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 1220-3 du code de procédure civile que le juge des tutelles ne peut statuer sur une requête concernant un majeur protégé et relative à la protection de sa personne qu'après avoir entendu ou appelé celui-ci sauf si l'audition est de nature à porter atteinte à la santé de l'intéressé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces dispositions sont applicables à la requête tendant à l'organisation des relations personnelles du majeur protégé avec des tiers, sur le fondement de l'article 459-2 du code civil. Cependant, ne les méconnaît pas la cour d'appel qui statue sans avoir entendu la personne protégée dès lors qu'elle l'a régulièrement convoquée et qu'elle était représentée par un avocat à l'audience
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CIV. 1 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 367 F-P+B Pourvoi n° A 19-16.337 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. F.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 mars 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020 1°/ M. O... F..., domicilié [...], 2°/ l'association MSA Tutelles, dont le siège est [...], agissant en qualité de curatrice de M. O... F..., ont formé le pourvoi n° A 19-16.337 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige les opposant à Mme L... S..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. F... et de l'association MSA Tutelles, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 septembre 2018), M. F... et Mme S... ont vécu en concubinage pendant plus de vingt ans. Ils se sont séparés en juin 2014. Le 16 janvier 2015, Mme S... a assigné M. F... devant le juge aux affaires familiales, sollicitant sa condamnation au paiement de la somme de 61 097 euros. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. M. F... et l'association MSA Tutelles font grief à l'arrêt de condamner le premier à payer à Mme S... la somme de 58 826,11 euros, augmentée des intérêts au taux légal, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter ses demandes au titre de l'indemnité d'occupation, de la prise en charge des échéances d'emprunt pour l'immeuble de Camors, des charges réglées pour l'immeuble de Baden et des prêts à l'indivision, alors « que la personne en curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur ; que, dès lors, en condamnant M. F... à payer à Mme S... la somme de 58 826,11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt, avec capitalisation des intérêts et en déboutant M. F... de ses demandes, quand, par un jugement, antérieur à son arrêt, en date du 31 juillet 2018, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Vannes avait placé M. F... sous curatelle renforcée, sans qu'il résulte des énonciations de son arrêt, ni d'aucune autre pièce de la procédure que M. F... ait été assisté de son curateur, l'association MSA tutelles, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 468 du code civil. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article 468, alinéa 3, du code civil, la personne en curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur. 4. Il résulte des productions qu'un jugement du 31 juillet 2018 a placé M. F... sous curatelle renforcée pour une durée de cinq ans, l'association MSA Tutelles étant désignée en qualité de curateur. 5. Cependant, cette décision est intervenue en cours de délibéré devant la cour d'appel, sans que M. F..., qui était représenté par un avocat, ne soutienne en avoir informé cette juridiction ni avoir sollicité la réouverture des débats. 6. En conséquence, il disposait de sa pleine capacité juridique à la date des derniers actes de la procédure, de sorte que l'assistance du curateur n'était pas requise. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. F... aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. F... et l'association MSA Tutelles Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. O... F... à payer à Mme L... S... la somme de 58 826, 11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa date, D'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts et D'AVOIR débouté M. O... F... de ses demandes au titre de l'indemnité d'occupation, de la prise en charge des échéances d'emprunt pour l'immeuble de Camors, des charges réglées pour l'immeuble de Baden et des prêts à l'indivision ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame L... S... fonde sa demande sur l'enrichissement sans cause au visa de l'article 1371 du code civil dans sa version applicable au litige ; / L'action fondée sur l'enrichissement sans cause est recevable dès lors que celui qui l'intente allègue l'avantage qu'il aurait, par un sacrifice personnel ou par un fait personnel, procuré à autrui. / Il est établi que Monsieur O... F... a reçu en donation-partage un terrain dont la valeur estimée en 1997 était de 15 245 €, que les concubins ont souscrit 3 prêts représentant un coût total intérêts et capital de 165 000 € pour l'édification de la maison. / Les parties divergent sur la valeur actuelle de l'immeuble, Monsieur O... F... présentant une évaluation d'un montant de 300 000 €, dont 170 000 € pour la construction tandis que Madame L... S... soutient au vu d'évaluations d'origines différentes qu'elle s'établit entre 390 000 € et 400 000 €. / Il n'est pas contesté que Madame L... S... a participé au financement du remboursement de l'emprunt à l'aide de son salaire versé sur le compte joint, sur lequel était prélevé la mensualité d'emprunt s'élevant à 718, 06 €, jusqu'en juin 2014, date à laquelle elle s'est désolidarisée du compte joint. / Il résulte des pièces versées par les parties que le salaire de Madame L... S..., hôtesse de caisse, s'élevait à moins de 1 000 € (936, 50 € net) et que celui de Monsieur O... F... se situait aux alentours de 1 500 €, soit 1, 5 fois celui de sa compagne et non 1 100 € comme le soutient Madame L... S..., qui se base sur le salaire de décembre 2014 qui n'est pas représentatif de la situation de Monsieur O... F... sur la période considérée. / Madame L... S... soutient que les prestations familiales qu'elle percevait ont également servi au remboursement de l'emprunt, sans pour autant le démontrer, s'agissant de sommes destinées à l'entretien des enfants et qui de toute façon concernaient les deux parents en charge des enfants. / Cependant, au regard de ces éléments qui ne dénotent pas une disparité de salaire conséquente, il convient de considérer que Madame L... S... a participé pour 50 % au remboursement de l'emprunt contracté pour l'édification de la maison familiale sur le terrain appartenant en propre à Monsieur O... F..., soit 718, 06 € / 2 (359 €). / Il résulte de cette participation au remboursement de l'emprunt un enrichissement du patrimoine de Monsieur O... F... et un appauvrissement de Madame L... S.... / L'action au titre de l'enrichissement sans cause n'est admise qu'en cas d'absence de cause à l'enrichissement de l'un et à l'appauvrissement de l'autre ; / Le fait que Madame L... S... soit co-emprunteur ne constitue pas une cause de l'enrichissement du patrimoine de Monsieur O... F..., contrairement à ce qu'il indique. / La preuve d'une intention libérale de la part de Madame L... S... n'est pas non plus établie par Monsieur O... F.... / Lorsque la contribution matérielle ou financière d'un concubin excède sa contribution normale aux charges de la vie courante, la théorie de l'enrichissement sans cause peut trouver à s'appliquer. / La détermination du seuil de l'excès dans la participation aux charges de la vie commune est une question de fait qui ne peut qu'être laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. / Le premier juge a considéré que la participation de Madame L... S... au remboursement de la charge d'emprunt constituait la contrepartie de l'hébergement dont elle bénéficiait dans le cadre du concubinage. / Madame L... S... soutient que le premier juge devait tenir compte de la plus-value du bien de Monsieur O... F... qu'a permis le remboursement de l'emprunt auquel elle a participé. Néanmoins, cette notion n'intervient pas au niveau de l'appréciation de la cause de l'enrichissement mais de l'évaluation du montant de l'enrichissement, dans le cadre de la fixation du montant de l'indemnité. / Il est relevé que la totalité du salaire de Madame L... S..., soit 936, 50 €, était versé sur le compte joint et a servi aux dépenses de la famille, sans qu'il soit nécessaire de suivre Monsieur O... F... dans l'évaluation de la charge d'hébergement que Madame L... S... aurait dû assumer si elle n'avait pas résidé au domicile familial. L'avantage dont bénéficiait Madame L... S... au niveau du logement correspondait tout au plus à un demi-loyer et restait modique. Il en est déduit que sa participation de 359 € au remboursement de l'emprunt excédait une participation normale aux dépenses de la vie courante et ne pouvait être considérée comme une contrepartie des avantages dont elle bénéficiait pendant la période de concubinage. / En conséquence, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de Madame L... S... fondée sur l'enrichissement sans cause. / Le montant de l'indemnité. / L'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne tend à procurer à la personne appauvrie qu'une indemnité égale à la moins élevée des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement, l'autre de l'appauvrissement. / Pour apprécier l'enrichissement, le juge doit se placer au jour où l'action est intentée mais l'appauvrissement a pour mesure le montant nominal de la dépense exposée. / En l'espèce, Madame L... S... a versé au titre du remboursement d'emprunt la somme de 58 826, 11 € sur les 165 000 € représentant le coût total du prêt. / Compte tenu d'une valeur de la construction au jour où l'action est intentée de 170 000 €, l'enrichissement de Monsieur O... F... est supérieur au montant de l'appauvrissement de Madame L... S.... / L'indemnité due à Madame L... S... au titre de l'enrichissement sans cause s'établit à 58 826, 11 €, avec intérêt au taux légal à compter de la décision. / La capitalisation des intérêts sera ordonnée. / Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur O... F.... / Monsieur O... F... soutient que Madame L... S... est redevable d'une indemnité d'occupation pour avoir occupé la maison pendant 16 ans sans contrepartie ainsi que pour la période de juin 2014 à septembre 2014, pendant laquelle elle a occupé seule l'ex-domicile familial ; que par ailleurs, il a réglé seul l'intégralité des échéances de l'emprunt pour l'immeuble indivis situé à Baden depuis juillet 2014 jusqu'à la vente 18 mois plus tard, qu'il a réglé seul des charges courantes alors que Madame L... S... occupait encore l'ex-domicile familial. En outre, il entend disposer à l'encontre de l'indivision d'une créance de 13 358 € au titre de sommes prêtées par sa famille entre le 21 mars 2012 et le 21 janvier 2013 pour lesquelles il produit la photocopie des chèques. / Concernant l'indemnité d'occupation réclamée entre 1997 et juin 2014, elle est dénuée de fondement, Madame L... S... ayant participé normalement aux charges de la vie courante, dont son hébergement, durant la vie commune par le versement de son salaire sur le compte joint. / Pour le reste, Monsieur O... F... ne fait que reprendre devant la cour ses prétentions et moyens de première instance. En l''absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que par des motifs pertinents qu'elle approuve le premier juge a fait une exacte appréciation des faits et il convient en conséquence de confirmer la décision sur ces points » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 6) ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « dans la mesure où elle s'est désolidarisée du compte joint au mois de juin 2014 et où il résulte du courrier de la société Suravenir du 13 novembre 205 que n'ont été couvertes par l'assurance que les échéances entre le 6 octobre 2013 et le 10 juin 2014, les échéances ont forcément été assumées par M. O... F.... Cependant, le couple a trois enfants en commun et il résulte du jugement du juge aux affaires familiales de Vannes du 17 juin 2015 que leur résidence habituelle a été fixée au domicile de la mère. Aucune pension alimentaire n'a été fixée à la charge du père et, dans la mesure où les enfants résidaient avec la mère dans son immeuble lui appartenant en propre, il y a lieu de considérer que c'était une modalité de l'exécution de son devoir de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants communs et il sera débouté de sa demande à ce titre. / Il y a lieu d'examiner les demandes subsidiaires de M. O... F... dans la mesure où il n'est pas fait droit à sa demande de fixer sa créance à l'égard de Mme L... S... à hauteur de 5 069, 07 €. / Il sollicite de fixer la créance de Mme L... S... à son encontre à la somme de 58 826, 11 € et de fixer la sienne à hauteur de 85 053, 49 € au titre d'une indemnité d'occupation de 81 200 e pendant 16 ans et des sommes dues au titre des prêts pour Camors et des charges courantes. / [ ] il ne peut être fait droit à la demande de M. O... F... de voir Mme S... prendre en charge l'emprunt pour l'immeuble de Camors après la séparation du couple ainsi que les charges courantes de l'immeuble de Baden dans la mesure où il s'agit d'une modalité d'exécution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants communs. / Sur les prêts reçus à l'indivision. / M. O... F... demande de retenir une somme de 13 358 € a passif de l'indivision correspondant à des sommes prêtées par sa famille entre le 21 mars 2012 et le 21 janvier 2013. À l'appui de sa demande, il produit la photocopie des chèques dont il est le bénéficiaire. / Cependant, il est de jurisprudence constante que la simple remise de fonds n'est pas la preuve d'un prêt. En outre, il n'est pas démontré que ces sommes auraient servi à régler des dépenses communes et il sera débouté de sa demande » (cf., jugement entrepris, p. 5) ; ALORS QUE la personne en curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur ; que, dès lors, en condamnant M. O... F... à payer à Mme L... S... la somme de 58 826, 11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt, avec capitalisation des intérêts et en déboutant M. O... F... de ses demandes, quand, par un jugement, antérieur à son arrêt, en date du 31 juillet 2018, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Vannes avait placé M. O... F... sous curatelle renforcée, sans qu'il résulte des énonciations de son arrêt, ni d'aucune autre pièce de la procédure que M. O... F... ait été assisté de son curateur, l'association Msa tutelles, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 468 du code civil.
Ne méconnaît pas les dispositions de l'article 468, alinéa 3, du code civil l'arrêt qui statue sans que la personne en curatelle n'ait été assistée de son curateur, dès lors que le jugement d'ouverture de la mesure est intervenu en cours de délibéré devant la cour d'appel et que l'intéressé, qui disposait de sa pleine capacité juridique lors des derniers actes de la procédure et était représenté à l'audience par un avocat, ne soutient ni en avoir informé la juridiction ni avoir sollicité la réouverture des débats
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CIV. 1 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Cassation sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 368 F-P+B Pourvoi n° A 18-22.543 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020 M. Q... N..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° A 18-22.543 contre l'ordonnance rendue le 7 juillet 2018 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet du Loiret, domicilié préfecture du Loiret, 181 rue de Bourgogne, 45000 Orléans, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. N..., de Me Laurent Goldman, avocat du préfet du Loiret, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 7 juillet 2018), et les pièces de la procédure, le 3 juillet 2018, M. N..., de nationalité sri-lankaise, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté de placement en rétention administrative, en exécution d'une décision portant obligation de quitter le territoire national du 7 mai précédent. 2. Le 5 juillet 2018, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par l'étranger, d'une requête en contestation de la régularité de la décision et, le lendemain, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. M. N... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure, alors « que l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité ; qu'en énonçant que la nécessité du recours à l'interprétariat par téléphone résultait de ce que l'intéressé s'était présenté volontairement le 3 juillet 2018 à 14 h 30 dans le cadre de son obligation de pointage et que les gendarmes devaient donc l'entendre immédiatement sur sa volonté de quitter la France, puis compte tenu du refus opposé, sur son placement en rétention, le délégué du premier président a statué par des motifs impropres à caractériser la nécessité d'un interprétariat par téléphone et ainsi violé l'article L. 111-8 du CESEDA. » Réponse de la Cour 4. Vu l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : 5. Il résulte de ce texte que, lorsqu'il est prévu qu'une décision ou une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend par l'intermédiaire d'un interprète, cette assistance ne peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité. 6. Pour prolonger la mesure à l'égard de M. N..., l'ordonnance retient, par motifs propres et adoptés, que la procédure de notification de la décision de placement en rétention est régulière dès lors que la nécessité du recours à l'interprétariat par téléphone résultait, d'une part, de ce que l'interprète ne se tenait pas dans les locaux de la gendarmerie à la disposition de l'agent notificateur, d'autre part, de ce que l'intéressé s'était présenté volontairement pour satisfaire à son obligation de pointage et devait donc être entendu immédiatement sur sa volonté de quitter la France, puis, compte tenu du refus opposé, sur son placement en rétention. 7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication, le premier président a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 7 juillet 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. N... Il est fait grief à la décision attaquée D'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de M. N... dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ; AUX MOTIFS QUE «la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens d'irrégularité et de nullité soulevés devant lui et repris en cause d'appel, étant ajouté, sur le moyen relatif à l'atteinte au droit résultant de l'intervention d'un interprète par téléphone et qui ne serait pas inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Orléans, que si effectivement Mme W... L... ne figure pas sur cette liste, pour l'année 2018, il n'en demeure pas moins que, d'une part, l'intéressé ne rapporte pas la preuve que l'intervention téléphonique de cet interprète a porté atteinte à ses droits, et que, d'autre part, aucun éléments du dossier ne vient établir que l'interprète aurait mal traduit les dires des gendarmes et de l'intéressé, ainsi que les droits notifiés dans le cadre de son placement en rétention et ce, alors qu'il apparaît que l'étranger a été entendu librement et sans contrainte, le 3 juillet 2018, de 14.45 à 15 h 20 et s'est clairement exprimé sur sa volonté de ne pas quitter le territoire national, avant de se voir notifier ses droits, dans le cadre de son placement en rétention, à 16 heures, ce qui confirme que jusqu'alors, il était « libre de ses mouvements », le procès-verbal dressé à 15 h 20 précisant que « les services de la préfecture du Loiret allaient prendre à son encontre une mesure de rétention avec un placement au [...] » ; il en résulte que s'il n'est pas démontré que l'interprète qui est intervenu par téléphone figure sur l'une des listes prévues à l'article L. 111-9 du ceseda, il n'est toutefois pas contestable que Q... N... a signé les procès-verbaux d'audition et de placement en rétention administrative et n'a donc allégué aucun grief spécifique à l'encontre de cet interprétariat ; en outre, la nécessité du recours à l'interprétariat par téléphone résultait de ce que l'intéressé s'était présenté volntairement le 3 juillet 2018 à 14 h 30 dans le cadre de son obligation de pointage et que les gendarmes devaient donc l'entendre immédiatement sur sa volonté de quitter la France, puis compte tenu du refus opposé, sur son placement en rétention ; ce moyen sera donc rejeté ; il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance attaquée » ; ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE « il a été procédé à l'audition de l'intéressé et la notification de l'arrêté de placement avec les droits afférents, par le truchement d'un interprète en langue sri-lankaise dont l'identité et la qualité sont mentionnés en tête du procès-verbal : Mme L... W..., expert près la cour d'appel d'Orléans ; que cette diligence répond aux prévisions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la nécessité de recourir à l'interprétariat par téléphone n'étant pas, dans ce cadre juridique, subordonné à l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer, mais découlant de la seule circonstance que l'interprète ne se tenait pas dans les locaux de la gendarmerie à la disposition de l'agent notificateur ; que la qualité d'expert de l'interprète était par soi une garantie de la qualité de l'assistance qui a été apportée à l'intéressé lors de son audition et de la notification de la décision de placement en rétention et des droits afférents ; au surplus, l'intéressé ne rapporte pas la preuve qu'il a été causé, du fait de l'irrégularité qu'il invoque une atteinte à ses droits, au sens de l'article L. 552-13 du Ceseda » ; 1°) ALORS QUE l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité ; que celle-ci résulte de l'impossibilité pour un interprète de se déplacer ; qu'en considérant que la nécessité de recourir à l'interprétariat par téléphone n'était pas subordonnée à l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer, mais découlait de la seule circonstance que l'interprète ne se tenait pas dans les locaux de la gendarmerie à la disposition de l'agent notificateur, le délégué du premier président a violé l'article L. 111-8 du Ceseda ; 2°) ALORS QUE l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité ; qu'en énonçant que la nécessité du recours à l'interprétariat par téléphone résultait de ce que l'intéressé s'était présenté volontairement le 3 juillet 2018 à 14 h 30 dans le cadre de son obligation de pointage et que les gendarmes devaient donc l'entendre immédiatement sur sa volonté de quitter la France, puis compte tenu du refus opposé, sur son placement en rétention, le délégué du premier président a statué par des motifs impropres à caractériser la nécessité d'un interprétariat par téléphone et ainsi violé l'article L. 111-8 du Ceseda ; 3°) ALORS QUE l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication en cas de nécessité ; dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration ; que la méconnaissance de cette exigence porte nécessairement atteinte aux droits de l'étranger ; qu'aucun grief ne doit donc être prouvé ; que la cour d'appel a relevé qu'il n'était pas démontré que l'interprète qui est intervenu par téléphone figurait sur l'une des listes prévues à l'article L. 111-8 du ceseda ; qu'en énonçant, pour écarter toutefois le moyen tiré de ce que l'interprète ne figurait pas sur l'une des listes visées par la loi, que l'étranger n'avait allégué aucun grief spécifique à l'encontre de cet interprétariat et qu'il ne rapporterait pas la preuve qu'il a été causé, du fait de l'irrégularité qu'il invoque une atteinte à ses droits, le délégué du premier président a violé les articles L. 111-8 et L. 552-13 du Ceseda ; 4°) ALORS QUE, en tout état de cause, en énonçant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'interprète n'était pas inscrit sur les listes prévues par la loi, que l'étranger ne justifiait pas d'un grief, lors même qu'il faisait état d'un grief dans ses conclusions d'appel, le délégué du premier président a dénaturé ses conclusions et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication en cas de nécessité ; dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration ; qu'en énonçant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition que l'étranger ne justifiait pas d'un grief, sans rechercher, comme il y était invité, si ce grief ne résultait pas de son souhait, manifesté au cours de l'audition, de s'entretenir avec son avocat, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-8 et L.552-13 du Ceseda.
Il résulte de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'il est prévu qu'une décision ou une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend par l'intermédiaire d'un interprète, cette assistance ne peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité. Lorsque le juge est saisi d'un moyen sur ce fondement, il lui incombe de caractériser la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 juin 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 559 F-P+B+I sur le 1er moyen uniquement Pourvois n° 18-26.685 19-10.157 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020 I - 1°/ Mme M... I..., domiciliée [...] , 2°/ M. Z... I..., domicilié [...] , 3°/ le directeur régional des finances publiques - pôle de gestion des patrimoines privés, domicilié cité administrative, avenue Janvier, CS 84456, 35044 Rennes cedex, agissant en qualité de curateur à la succession vacante de Y... I..., ont formé le pourvoi n° 18-26.685 contre un arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme F... E..., épouse L..., 2°/ à M. B... L..., domiciliés [...] , 3°/ à la société Filia Maif, société anonyme, dont le siège est 200 avenue Salvador Allende, 79081 Niort cedex 9, défendeurs à la cassation. II - La société Filia Maif, société anonyme, a formé le pourvoi n° 19-10.157 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme F... E..., épouse L..., 2°/ à M. B... L..., 3°/ à M. Z... I..., 4°/ à Mme M... I..., 5°/ à la direction régionale des finances publiques - pôle gestion des patrimoines privés, prise en qualité de curateur à la succession vacante de Z... I..., divorcé K..., décédé, défendeurs à la cassation. Les demandeurs au pourvoi n° C 18-26.685 invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° G 19-10.157 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme M... I..., de M. Z... I... et du directeur régional des finances publiques - pôle de gestion des patrimoines privés, ès qualités, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. et de Mme L..., de Me Le Prado, avocat de la société Filia Maif, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, il y a lieu de joindre les pourvois n° C 18-26.685 et n° G 19-10.157. Désistement partiel 2. Il y a lieu de donner acte à la société Filia Maif du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme L.... Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2018), Y... I... a souscrit auprès de la société Filia Maif (l'assureur) un contrat d'assurance portant sur une parcelle de terrain constituée d'une ancienne carrière inexploitée. 4. Les 12 janvier 2013 et 14 février 2014, des éboulements successifs se sont produits sur cette parcelle, dont Y... I... était copropriétaire indivis avec ses enfants, Mme M... I... et M. Z... I..., depuis novembre 2000. 5. M. et Mme L..., propriétaires d'une parcelle voisine, située en contrebas, ont obtenu en référé la désignation d'un expert. 6. Y... I... étant décédé le 6 février 2015 et ses enfants, M. Z... I... et Mme M... I... (les consorts I...) ayant renoncé à sa succession , le directeur régional des finances publiques a été désigné en qualité de curateur à succession vacante. 7. L'expert a déposé son rapport, concluant qu'il se produirait d'autres éboulements venant empiéter sur la propriété de M. et Mme L... et préconisant d'importants travaux confortatifs. 8. M. et Mme L... ont assigné en référé les consorts I... aux fins, notamment, de les voir condamner à exécuter sous astreinte les travaux préconisés par l'expert. 9. Mme M... I... a appelé en garantie l'assureur et attrait dans la cause le directeur régional des finances publiques, ès qualités. 10. L'affaire a été renvoyée pour qu'il soit jugé au fond en application de l'article 811 du code de procédure civile. Examen des moyens Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° C 18-26.685 et sur le moyen unique du pourvoi n° G 19-10.157, ci-après annexés 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi n° C 18-26.685 12. Les consorts I... et le directeur régional des finances publiques, ès qualités, font grief à l'arrêt de les condamner in solidum , sous la garantie de la société Filia Maif, à payer aux époux L... la somme de 836,33 euros à titre de dommages-intérêts, de les condamner in solidum à faire réaliser des travaux de confortation tels que préconisés par l'expert et fixés par lui à la somme de 210 000 euros, de condamner la société Filia Maif à garantir le directeur régional des finances publiques ès qualités pour le coût des travaux de confortation à réaliser dans la limite du coût fixé par l'expert et à l'indemniser sur présentation des situations et factures de l'entreprise qui sera chargée de réaliser les confortements, de débouter Mme M... I... et M. Z... I... de leurs demandes de complément d'expertise, et de leurs demandes de garantie formées à l'encontre de la société Filia Maif et de condamner in solidum M. Z... I..., Mme M... I... ainsi que le directeur des finances publiques en qualité de curateur à la succession de M. Y... I... et la société Filia Maif, à payer aux époux L... la somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles de première instance et celle de 4 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les dépens de l'instance de référé et les honoraires de l'expert, alors que « la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation du délai d'un recours doit être, le cas échéant, relevée d'office par le juge dès lors que celui-ci a été mis à même de constater l'irrecevabilité ; que dans les motifs des conclusions dont ils avaient saisi la cour d'appel, Mme M... I... et le curateur à la succession vacante de Y... I... soutenaient que la déclaration d'appel était caduque en application de l'article 905-2 du code de procédure civile qui prévoit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel devant être relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe, que l'avis de fixation avait été diffusé par le greffe le 20 février 2018 et que les conclusions de l'appelant n'avaient été notifiées que le 21 mars 2018, soit plus d'un mois après (conclusions d'appel de Mme I... et du curateur à la succession de Y... I..., p. 7, § 2-4) ; qu'en retenant néanmoins, pour refuser de statuer sur cette fin de non-recevoir d'ordre public, qu'elle n'était invoquée que dans le corps des écritures de Mme I... et du curateur à la succession vacante de Y... I..., la cour d'appel a violé les articles 125 et 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour : 13. Les dispositions de l'article 125, alinéa 1, du code de procédure civile selon lesquelles les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ne sont pas applicables aux formalités prévues à peine de caducité. 14. Ayant constaté que la caducité de l'appel n'était invoquée par Mme M... I... et le curateur que dans le corps de leur écritures, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de relever d'office cette caducité, en a exactement déduit qu'en application de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, elle n'avait pas à statuer sur cette prétention. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen du pourvoi n° C 18-26.685, pris en sa première branche 16. Les consorts I... et le directeur régional des finances publiques, ès qualités, font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à faire réaliser des travaux de confortation tels que préconisés par l'expert et fixés par lui à la somme de 210 000 euros et de débouter M. Z... I... et Mme M... I... de leurs demandes tendant à être garantis à ce titre par la société Filia Maif, alors que « si elle ne se présume pas, l'assurance pour compte peut être implicite et résulter de la volonté non équivoque des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Y... I... avait fait assurer l'intégralité du terrain litigieux auprès de la société Filia Maif indépendamment de sa qualité de propriétaire indivis du terrain avec son épouse Q... K... ; qu'en retenant néanmoins, pour débouter Mme M... I... et M. Z... I..., devenu propriétaires indivis du terrain au décès de leur mère Q... K..., que le régime juridique de la propriété du bien n'était pas connu de la société Filia Maif dès la souscription du contrat ni ultérieurement, de sorte que la volonté des deux parties de souscrire une assurance pour le compte des deux autres propriétaires indivis de l'immeuble ne pouvait être établie, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a méconnu l'article L. 112-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour 17. Il résulte de l'article L. 112-1 du code des assurances que, si elle ne se présume, pas l'assurance pour compte peut être implicite et résulter de la volonté non équivoque des parties. 18. Ayant relevé que si la volonté du souscripteur pouvait être recherchée dans les liens familiaux avec les autres propriétaires indivis du bien assuré, il apparaissait cependant que le régime juridique de la propriété du bien n'était pas connu de l'assureur dès la souscription du contrat ni ultérieurement, la cour d'appel, tirant les conséquences légales de ses constatations, a pu en déduire que la volonté des deux parties de souscrire une assurance pour le compte des deux autres copropriétaires indivis de l'immeuble n'était pas établie. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : Donne acte à la société Filia Maif du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme L... REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi n° C 18-26.685 par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme M... I..., M. Z... I... et le directeur régional des finances publiques - pôle de gestion des patrimoines privés, ès qualités PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum M. Z... I..., Mme M... I... ainsi que le directeur des finances publiques ès qualités de curateur à la succession de M. Y... I..., sous la garantie de la société Filia Maif, à payer aux époux L... la somme de 836,33 euros à titre de dommages et intérêts, d'avoir condamné in solidum M. Z... I..., Mme M... I... ainsi que le directeur des finances publiques ès qualités de curateur à la succession de M. Y... I..., à faire réaliser des travaux de confortation tels que préconisés par l'expert et fixés par lui à la somme de 210 000 euros, d'avoir condamné la société Filia Maif à garantir le directeur régional des finances publiques ès qualités pour le coût des travaux de confortation à réaliser dans la limite du coût fixé par l'expert et à l'indemniser sur présentation des situations et factures de l'entreprise qui sera chargée de réaliser les confortements, d'avoir débouté Mme M... I... et M. Z... I... de leurs demandes de complément d'expertise, et de leurs demandes garantie formées à l'encontre de la société Filia Maif et d'avoir condamné in solidum M. Z... I..., Mme M... I... ainsi que le directeur des finances publiques ès qualités de curateur à la succession de M. Y... I... et la société Filia Maif, à payer aux époux L... la somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles de première instance et celle de 4 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les dépens de l'instance de référé et les honoraires de l'expert ; Aux motifs que sur la caducité invoquée par M... I... et le curateur dans les motifs de leurs écritures, la caducité de l'appel est invoquée par Mme M... I... et le curateur dans le corps de leurs écritures ; qu'en application des termes de l'article 954 alinéa du code de procédure civile, la cour ne statuera pas sur cette prétention ; Alors que la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation du délai d'un recours doit être, le cas échéant, relevée d'office par le juge dès lors que celui-ci a été mis à même de constater l'irrecevabilité ; que dans les motifs des conclusions dont ils avaient saisi la cour d'appel, Mme M... I... et le curateur à la succession vacante de Y... I... soutenaient que la déclaration d'appel était caduque en application de l'article 905-2 du code de procédure civile qui prévoit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel devant être relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe, que l'avis de fixation avait été diffusé par le greffe le 20 février 2018 et que les conclusions de l'appelant n'avaient été notifiées que le 21 mars 2018, soit plus d'un mois après (conclusions d'appel de Mme I... et du curateur à la succession de Y... I..., p. 7, § 2-4) ; qu'en retenant néanmoins, pour refuser de statuer sur cette fin de non-recevoir d'ordre public, qu'elle n'était invoquée que dans le corps des écritures de Mme I... et du curateur à la succession vacante de Y... I..., la cour d'appel a violé les articles 125 et 954 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum M. Z... I..., Mme M... I... ainsi que le directeur des finances publiques, ès qualités de curateur à la succession de Y... I..., à faire réaliser des travaux de confortation tels que préconisés par l'expert et fixés par lui à la somme de 210 000 euros, et d'avoir condamné la société Filia Maif à garantir le directeur régional des finances publiques ès qualités pour le coût des travaux de confortation à réaliser dans la limite du coût fixé par l'expert et à l'indemniser sur présentation des situations et factures de l'entreprise qui sera chargée de réaliser les confortements ; Aux motifs que sur la responsabilité des propriétaires de la parcelle [...] pour trouble anormal de voisinage, les époux L... indiquent agir sur ce fondement, rappelant que l'expert a constaté que l'éboulement s'était produit sur la propriété I..., qu'il a entraîné une partie du fonds L... situé au nord-ouest et qu'il n'existe aucun doute sur les délimitations des parcelles alors qu'un bornage a été fait par M. W... le 16 mars 1965 ; que l'examen d'une faute du propriétaire du fonds [...] n'est pas nécessaire ; que par ailleurs, ils contestent avoir eu un rôle causal dans la réalisation des éboulements, l'expert s'étant exprimé sur ce point en écartant tout impact des constructions et aménagements réalisées par les époux L... (présence d'arbres, pose de carrelage ou dalle, édification d'un mur de séparation), que l'absence d'entretien ne peut être non plus invoqué par M. Z... I..., que les contestations des consorts I... ne sont étayées par aucun document technique ; qu'ils rappellent que le terrain appartient indivisément aux consorts I..., que la condamnation des consorts I... et du directeur régional ès qualités s'impose ; qu'ils soulignent l'urgence à intervenir, l'expert ayant évoqué des signes avant-coureurs d'un futur glissement ; que l'astreinte s'impose ; que le coût des travaux déterminé par l'expert n'est pas sérieusement remis en cause par les devis que produisent les parties ; qu'ils font observer qu'ils demandent la réalisation de travaux et non une condamnation à payer des sommes d'argent ; que Mme M... I..., le curateur et M. Z... I... rappellent que rien ne permet de dire que les parcelles [...] et [...] ont été bornées, de sorte que les délimitations exactes des parcelles étant ignorées, on ne peut savoir si les effondrements concernent la parcelle [...] et où se trouve localisée l'origine du dommage ; qu'en outre, les époux L... ont installé un portail donnant sur la parcelle [...] ; que le rejet des demandes des époux L... s'impose ; que Mme M... I... et le curateur exposent que l'expert n'a pas tenu compte des éléments techniques qu'ils invoquaient, concernant les travaux entrepris par les époux L... susceptibles d'avoir contribué à la réalisation des désordres dont ils se plaignent ; que le montant des travaux de confortement fixé par l'expert à 210 000 euros TTC peut être contredit par les devis que Mme I... produit aux débats ; que M. Z... I... soutient que sa responsabilité ne peut être engagée du seul fait qu'il est propriétaire ; qu'il remarque que les époux L... ont entrepris, sans la moindre étude de sols et d'impact, des constructions, des travaux de dallage et de carrelage qui empêchent l'écoulement des eaux de pluie ; que l'expert n'a pas recherché toutes les causes possibles des éboulements, et que, subsidiairement, il y aurait lieu d'ordonner un complément d'expertise ; qu'il fait observer qu'il ne pourrait être condamné qu'à hauteur de ses droits (1/4 en toute propriété) ; mais que l'expert a constaté dans son rapport : « l'effondrement et le glissement d'une partie du terrain constituant la crête du talus initial... M. L... a procédé à la mise en place de tôles pour le maintien de son terrain suite au premier glissement de terrain. Après le deuxième glissement, il a procédé à l'étaiement et stabilisation des fondations de son mur de clôture... Une zone à gauche du talus... présente actuellement un caractère instable de par les fissures que nous avons pu constater sur les terrains » ; que l'expert a précisé les causes des éboulements qui « proviennent de plusieurs causes concomitantes : - l'altération du front de taille de l'ancienne carrière liée aux intempéries pluies, gel et dégel, les conséquences de l'exploitation initiale de carrière consécutives à l'attaque destructive du front de taille (marteau-piqueur, minage). Il se produit une déstructuration liée aux ondes de choc du parement sur une certaine épaisseur ; - la présence de couches formées de plaquettes argileuses déstructurées qui sous l'effet de l'action de l'eau se transforment en couches de glissement ; que ces phénomènes sont aggravés du fait du pendage presque vertical des lits de schiste ; - la végétation qui dans un premier temps favorise le maintien de la crête du front de taille. Les arbres notamment en grandissant développent un réseau racinaire qui pénètre les couches friables d'argile évoquées ci-dessus. En grossissant, ces racines écartent les lits de roche et favorisent le passage de l'eau qui va venir hydrater ces couches d'argile. Tous ces facteurs agissent ensemble dans le temps. Les glissements et les effondrements conduisent à la réalisation d'un talus naturel d'équilibre. Dans notre cas présent, ce talus naturel d'équilibre n'est pas totalement réalisé, à très moyen terme, il se produira d'autres éboulements qui viendront empiéter très largement sur la propriété de M. et Mme L... avec toutes les conséquences qui en découleront » ; que l'expert a précisé que les époux L... ont réalisé des travaux de stabilisation du mur de clôture, qu'il a décrit plusieurs solutions techniques pour la réalisation de travaux de confortation sur la parcelle [...] , étudié diverses propositions d'entreprises et retenu un coût de confortation de 210 000 euros ; que les époux L... produisent aux débats un plan du terrain vendu par M. C... N... à M. et Mme V... E... cadastré [...] et 215 dressé le 16 mars 1965 par M. W..., géomètre expert à Rennes ; que ce plan précise les limites des parcelles ; que les consorts I... ne rapportent pas le moindre document pour justifier l'inexactitude du plan quant à la limite séparative avec leur terrain et pour soutenir qu'un bornage, qu'ils n'ont jamais sollicité jusqu'à présent, s'avérerait nécessaire pour délimiter les parcelles ; qu'il apparaît que les éboulements se sont produits sur la parcelle [...] ; que l'expert a précisé que les apports d'eau par la canalisation débouchant coté I... sont « minimes et n'ont pas d'influence sur les désordres constatés » et que, sur la question qui lui a été posée, il a exclu que l'abri de jardin des époux L... soit en surcharge ; qu'il a précisé quelles étaient les causes des éboulements et exclu que certaines interventions des époux L... aient pu agir ; que les consorts I... qui contestent le rapport de l'expert qu'ils estiment incomplet doivent alors étayer techniquement leurs contestations afin le cas échéant de justifier un complément d'expertise, ce qu'ils ne font pas ; qu'il n' y a pas lieu de faire droit à leur demande ; que les éboulements qui ont eu lieu sur la seule parcelle [...] ont eu pour effet de fragiliser les clôtures de la parcelle des époux L... ; qu'il s'agit ici d'un trouble anormal de voisinage, lequel suffit pour engager la responsabilité des propriétaires de la parcelle [...] , sans qu'il y ait lieu de démontrer une faute quelconque de leur part ; qu'en conséquence, les coindivisaires M... I... et Z... I... doivent être condamnés à réparer le préjudice subi (travaux provisoires pour 834,33 euros) et à faire réaliser sur leur parcelle les travaux de confortation que préconise l'expert, ainsi que le demandent les époux L... ; que le curateur à la succession de Y... I... est défendeur à l'action faite par les époux L... contre la succession de Y... I... ; qu'il y a lieu de le condamner au paiement de la somme de 834,33 euros au titre des travaux provisoires et à réaliser des travaux de confortement tels que préconisés par l'expert ; que cet arrêt de condamnation constituera un titre opposable à la succession de Y... I..., représentée par son curateur ; que Y... I... était propriétaire indivis à hauteur de moitié et que ses enfants M... I... et Z... I... étaient propriétaires indivis à hauteur d'un quart chacun, que le trouble anormal de voisinage leur étant imputable à chacun entièrement, la condamnation contre M... I..., Z... I... et le curateur est prononcée solidairement, étant précisé cependant que le curateur est tenu de s'acquitter des dettes de la succession jusqu'à concurrence de l'actif successoral ; que c'est dans les rapports entre propriétaires indivis que la dette sera supportée à hauteur de leur parts respectives ; Alors que dans leurs conclusions d'appel, Mme M... I... et le curateur à la succession vacante de M. Y... I... soutenaient que les travaux préconisés par l'expert et évalués par ce dernier à la somme de 210 000 euros avaient été évalués à la somme de 47 650 euros HT par la société Sogetrap et à la somme de 60 474,12 euros TTC par la société Sotrav ; qu'en condamnant in solidum Mme M... I..., M. Z... I... et le curateur à la succession vacante de Y... I... à faire réaliser des travaux de confortation tels que préconisés par l'expert et fixés par lui à la somme de 210 000 euros en son rapport pages 14 et 15, sans rechercher si ces travaux ne pouvaient pas être effectués à moindre coût ainsi que l'établissaient les devis produits aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenue 1240 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum M. Z... I..., Mme M... I... ainsi que le directeur des finances publiques, ès qualités de curateur à la succession de Y... I..., à faire réaliser des travaux de confortation tels que préconisés par l'expert et fixés par lui à la somme de 210 000 euros et d'avoir débouté M. Z... I... et Mme M... I... de leurs demandes tendant à être garantis à ce titre par la société Filia Maif ; Aux motifs que sur les demandes contre la société Filia Maif [ ] de la part de M... I... et Z... I..., Mme M... I... et M. Z... I... précisent que les garanties « Dommage » et « Responsabilité civile » sont mobilisables ; que Mme M... I... expose agir pour faire appliquer les garanties souscrites par son père pour son propre compte et celui de ses deux enfants, qu'il existe dans le contrat une assurance pour compte implicite, que Y... I... a couvert l'ensemble du bien, pour lui et sa famille, que la demande de M... I... et Z... I... tend à faire « acter le bénéfice de la garantie "Dommages" aux biens concernant la parcelle assurée en totalité par la Filia Maif » ; que Mme M... I... et M. Z... I... soutiennent que leur action contre la Filia Maif n'est pas prescrite ; que Mme M... I... expose avoir fait délivrer à T... U... par acte du 13 novembre 2014 une assignation en référé expertise « au titre des garanties souscrites en agissant ce faisant dans l'intérêt de tous les bénéficiaires des garanties RAQVAM et... de tous les indivisaires débiteurs solidaires vis-à-vis des époux L... » ; que la prescription a été interrompue, lorsque la Maif a fait déplacer son propre expert, M. O..., pour la réunion contradictoire du 23 mars 2015 ; que la garantie Dommages doit être appliquée aux dommages matériels affectant les biens immobiliers de l'assuré sans aucune condition, que la parcelle [...] a subi un dommage, que le coût des travaux nécessaires pour stabiliser le terrain de la parcelle [...] doit être pris en charge par la Maif ; que la Filia Maif conteste toute garantie au profit de Mme M... I... et M. Z... I... et soutient que l'assurance est souscrite au bénéfice exclusif de M. I... ; que le bénéfice de l'assurance pour compte en qualité de coïndivisaire ne peut être invoqué, alors que le contrat souscrit prévoit le mécanisme de l'assurance pour compte et précise quels en sont les bénéficiaires et qu'en l'espèce, il n'existe pas de volonté non équivoque des parties au contrat d'assurance de souscrire une assurance au profit des autres indivisaires ; qu'il n'y a ni garantie dommage aux biens ni garantie responsabilité civile alors qu'ils sont tiers au contrat pour la garantie Dommage et qu'ayant renoncé à la succession de leur père, ils ne sont pas ayant-droit de Monsieur Y... I... pour faire jouer la garantie RC ; mais que le contrat RAQVAM précise dans le chapitre « Protection de vos biens » (assurance Dommage) et dans le chapitre « la défense de vos droits » (assurance RC) quels sont les bénéficiaires de la garantie dont il donne la liste, tout particulièrement les enfants de l'assuré s'ils sont à la charge de l'assuré, ce qui n'est ni soutenu ni justifié en l'espèce ; que cependant, rien n'interdit la conclusion implicite d'une assurance pour compte, laquelle résulterait d'une volonté non équivoque des deux parties au contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, le souscripteur a déclaré assurer le « terrain », sans pour autant préciser qu'il se trouvait en indivision ; que si la volonté du souscripteur peut être recherchée dans les liens familiaux avec les autres propriétaires indivis du bien assuré, il apparaît cependant que le régime juridique de la propriété du bien n'était pas connu de la Maif dès la souscription du contrat ni ultérieurement, de sorte que la volonté des deux parties de souscrire une assurance pour le compte des deux autres propriétaires indivis de l'immeuble ne peut être établie ; que par ailleurs, ayant renoncé à la succession de leur père, Mme M... I... et M. Z... I... ne peuvent revendiquer en qualité d'ayant-droits de leur père, l'application du contrat d'assurance auquel ils sont étrangers ; qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes contre la Filia Maif ; Alors 1°) que si elle ne se présume pas, l'assurance pour compte peut être implicite et résulter de la volonté non équivoque des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Y... I... avait fait assurer l'intégralité du terrain litigieux auprès de la société Filia Maif indépendamment de sa qualité de propriétaire indivis du terrain avec son épouse Q... K... ; qu'en retenant néanmoins, pour débouter Mme M... I... et M. Z... I..., devenu propriétaires indivis du terrain au décès de leur mère Q... K..., que le régime juridique de la propriété du bien n'était pas connu de la société Filia Maif dès la souscription du contrat ni ultérieurement, de sorte que la volonté des deux parties de souscrire une assurance pour le compte des deux autres propriétaires indivis de l'immeuble ne pouvait être établie, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a méconnu l'article L. 112-1 du code des assurances ; Alors 2°) que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, les conditions générales du contrat d'assurance conclu entre la société Filia Maif et M. Y... I... mentionnaient que « lorsque vous êtes copropriétaire ou indivisaire, les garanties sont limitées à votre quote-part dans les biens communs ou indivis. Toutefois, sont intégralement garantis les immeubles en copropriété, ou en indivision que vous nous avez déclarés en totalité », ce dont il résultait que l'assurance portait sur la totalité du bien déclaré en totalité par un de ses indivisaires ; qu'il n'était pas contesté que l'immeuble litigieux avait été déclaré en totalité par Y... I..., qui en était propriétaire indivis avec son épouse Q... K..., aux droits de laquelle venaient ses enfants Z... et M... I... ; qu'en retenant néanmoins que si la volonté du souscripteur pouvait être recherchée dans les liens familiaux avec les autres propriétaires indivis du bien assuré, le régime juridique de la propriété du bien n'était pas connu de la société Filia Maif dès la souscription du contrat ni ultérieurement, de sorte que la volonté des deux parties de souscrire une assurance pour le compte des deux autres propriétaires indivis de l'immeuble ne pouvait être établie, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé. Moyen produit au pourvoi n° G 19-10.157 par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Filia Maif Le moyen reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR condamné la société Filia Maif à garantir le directeur régional des Finances publiques ès-qualités pour le coût des travaux de confortation à réaliser dans la limite du coût fixé par l'expert et à l'indemniser sur présentation des situations et factures de l'entreprise qui sera chargée de réaliser les confortements, AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes contre la société Filia Maif ( ) du curateur : Considérant que le Directeur Régional des Finances Publiques ès-qualités précise exercer à l'encontre de l'assureur une action conservatoire et d'administration dans les termes de l'article 810-2 du Code civil ; que selon les conditions de la police RAQVAM, la parcelle [...] est assurée pour la totalité du terrain ; que la garantie "Dommages" garantit les glissements ou effondrement de terrain, que la garantie "Responsabilité Civile" concerne les dommages occasionnés à un tiers, lorsque l'assuré est mis en cause en sa qualité de propriétaire ou de gardien du bien assuré ; qu'il peut invoquer les deux garanties, Que le curateur s'estime fondé, en application de l'article 810 du Code civil, à solliciter la garantie de la Maif ; que son action n'est pas prescrite ; que selon les termes du contrat, le délai de prescription biennal ne peut courir que du jour où le tiers a exercé une action en justice contre l'assuré, que par ailleurs, selon les termes de l'article L 114-23 du Code des assurances, la prescription a été interrompue par la désignation de l'expert et par la désignation par la Filia Maif lors des opérations d'expertise de son propre expert et par l'assignation qui lui a été délivrée le 29 septembre 2014 par les époux L... ; qu'enfin, le curateur n'a pu agir avant sa désignation intervenue le 21 mars 2017, Considérant que T... U... conteste toute garantie à l'égard du curateur à la succession vacante de M. Y... I... : qu'elle rappelle que le curateur n'est pas un héritier, que la succession est redevable des créances inscrites ou déclarées, que les époux L..., les consorts I... n'ont rien déclaré ; que par ailleurs, rien ne permet de constater que la succession est créancière de la Filia Maif et qu'elle a des droits contre elle, d'autant plus que la prescription biennale peut être valablement invoquée, de sorte que Y... I... n'avait aucune créance à l'égard de la Filia Maif et d'autant plus encore que les dommages garantis concernent les biens assurés, soit en l'espèce la parcelle [...] , Mais considérant que si le curateur n'a pas la qualité d'héritier, il lui appartient, dans le cadre des pouvoirs de l'article 810-2 du Code civil d'exercer aux lieu et place du défunt les actions qu'il aurait pu avoir contre son assureur et qu'en l'espèce, M. Y... I... disposait à la fois d'une action contre son assureur qui devait garantir sa responsabilité civile pour les dommages causés aux tiers en sa qualité de propriétaire et également d'une action contre son assureur qui devait garantir les dommages causés à sa propriété ; que la discussion engagée par la Filia Maif sur le point de savoir en quoi la succession serait redevable envers les époux L... ou encore tirée de l'absence de la déclaration de leur créance par les époux L... trouve sa solution dans la procédure actuelle et est inopérante, Que par ailleurs, pour ce qui concerne la prescription de l'action du curateur opposée par la Filia Maif, il apparaît que l'action engagée en référé par les époux L... contre Y... I... selon acte du 21 juillet 2016 est la cause de la demande du curateur à la succession de Y... I..., désigné le 21 mars 2017, contre l'assureur ; que cette demande a été formée dans les conclusions déposées devant le premier juge dans le délai de deux ans de sorte que la Maif ne peut opposer le délai biennal de prescription à la demande de garantie du curateur au titre de la garantie RC et au titre de la garantie "Dommage" ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens invoqués pour interrompre la prescription tirés de l'action en garantie de l'assuré contre l'assureur alors que assignation de la Maif par les époux L... du 29 septembre 2014 n'émanait pas de l'assuré lui-même, ou encore de la présence de la Maif aux opérations d'expertise que rien ne permet d'analyser en une reconnaissance de sa part du principe de garantie, Qu'enfin, la Filia Maif ne peut soutenir que l'éboulement n'a aucune conséquence dommageable pour la parcelle [...] , de sorte que la garantie "Dommage" ne pourrait être invoquée ; qu'en effet, que l'éboulement a eu lieu sur la parcelle [...] , nonobstant son caractère de friche, qu'il a fait perdre au terrain une partie de sa consistance ; que contrairement à ce que soutient la Filia Maif, M. Y... I... a entendu assurer un terrain et la police ne précise pas qu'il s'agissait d'assurer les seuls dommages aux biens mobiliers ou immobiliers se trouvant sur la parcelle [...] " ; Considérant que la Maif garantira au titre de la garantie RC le curateur pour les condamnations prononcées contre lui au profit des époux L... soit le paiement de la somme de 834,33 Euros, et au titre de la garantie Dommage le coût de la réalisation des travaux de confortement sur la parcelle [...] fixé par l'expert à la somme de 210000 Euros » ; ALORS QUE l'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers lorsque le titre donne expressément à chacun d'eux le droit de demander le paiement du total de la créance, et que le paiement fait à l'un d'eux libère le débiteur, encore que le bénéfice de l'obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers ; que la cour d'appel, qui a condamné la société Filia Maif à garantir le Directeur régional des Finances publiques ès-qualités pour la totalité du coût des travaux de confortation à réaliser dans la limite du coût fixé par l'expert, au titre de la garantie « dommages », tout en constatant, pour débouter par Mme M... I... et M. Z... I... de leurs demandes de garantie contre la société Filia Maif, que la volonté des deux parties de souscrire une assurance pour le compte des deux autres propriétaires indivis de l'immeuble ne pouvait être établie, a violé l'article 1197 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Le greffier de chambre
Les dispositions de l'article 125, alinéa 1, du code de procédure civile selon lesquelles les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ne sont pas applicables aux formalités prévues à peine de caducité. Ayant constaté que la caducité de l'appel n'était invoquée par les intimés que dans le corps de leurs écritures, la cour d'appel qui n'était pas tenue de relever d'office cette caducité, en a exactement déduit qu'en application de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, elle n'avait pas à statuer sur cette prétention
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 juin 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 829 FS-P+B+R+I Pourvoi n° 19-23.219 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020 La société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° 19-23.219 contre l'arrêt rendu le 9 août 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. D... S..., domicilié chez Mme T... C..., [...] , 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Metz, domicilié en son parquet général, palais de justice, 3 rue Haute Pierre, 57000 Metz, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 9 août 2019), par un acte en date du 21 février 2000, dressé par un notaire à Creutzwald (Moselle), le Crédit foncier de France (la banque) a consenti deux prêts hypothécaires à M. et Mme S..., cette dernière étant décédée le 19 décembre 2001. 2. Le 2 novembre 2017, la banque a fait signifier à M. S... un commandement de payer à fin d'exécution forcée immobilière d'un bien appartenant à ce dernier, puis, le 20 décembre 2017, elle a requis la vente par voie d'exécution forcée de cet immeuble en recouvrement des sommes restant dues au titre des deux prêts hypothécaires. 3. Par une ordonnance du 20 juillet 2018, le tribunal d'instance de Metz a rejeté cette requête. 4. Sur le pourvoi immédiat formé par la banque, le tribunal d'instance de Metz a, le 11 septembre 2018, maintenu l'ordonnance déférée et ordonné la transmission du dossier à la cour d'appel de Metz. 5. Par un arrêt du 9 août 2019, la cour d'appel de Metz a déclaré le pourvoi immédiat recevable, confirmé l'ordonnance du tribunal d'instance de Metz du 20 juillet 2018 et rejeté les autres demandes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 6. La banque fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du 20 juillet 2018 par laquelle le tribunal d'instance de Metz a rejeté sa requête en exécution forcée immobilière à l'encontre de M. S... et de rejeter les autres demandes, alors : « 1°/ qu'en vertu de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, pris dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ; qu'en tant qu'il précise que ce caractère de titre exécutoire est reconnu à de tels actes notariés lorsqu'ils ont pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée « ou déterminable », l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 revêt le caractère d'une disposition interprétative, dont la finalité repose sur le motif impérieux d'intérêt général de restaurer la force exécutoire des actes notariés de prêt instrumentés par des notaires des trois départements précités que la jurisprudence leur reconnaissait traditionnellement (2e Civ., 18 octobre 1989, n° 88-16.401, Bull. II, n° 181) avant d'être mise à mal par un revirement de jurisprudence (1re Civ., 4 octobre 2017, n° 16-15.458 ; 2e Civ., 17 octobre 2017, n° 16-26.413 et 16-19.675) ; qu'en jugeant néanmoins qu'à défaut de disposition transitoire relative à l'article 108 de la loi du 23 mars 2019, la nouvelle rédaction de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution n'était entrée en vigueur qu'au lendemain de sa publication au Journal officiel et que le Crédit foncier de France ne pouvait s'en prévaloir dès lors que sa requête en exécution forcée avait été soumise au tribunal antérieurement à cette date, la cour d'appel a violé l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 par refus d'application ; 2°/ que, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité présentement soulevée par le Crédit foncier de France, le Conseil constitutionnel jugera que les dispositions de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans leur version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de cassation (1re Civ., 4 octobre 2017, n° 16-15.458 ; 2e Civ., 17 octobre 2017, n° 16-26.413 et 16-19.675 ; 2e Civ., 22 mars 2018, n° 17-10.635) méconnaissent les droits et libertés garanties par la Constitution ; que la décision du Conseil constitutionnel aura pour conséquence de priver de tout fondement juridique l'arrêt attaqué. » Réponse de la Cour 7. A défaut de disposition transitoire, l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 modifiant l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel intervenue le 24 mars 2019, soit le 25 mars 2019. 8. Cet article, procédant d'une loi relative aux procédures civiles d'exécution, dépourvue de caractère interprétatif, est d'application immédiate. Il n'est donc applicable qu'aux actes d'exécution forcée postérieurs à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. 9. Les actes d'exécution étant antérieurs au 25 mars 2019, la cour d'appel en a exactement déduit que le litige était soumis à l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019. 10. Enfin, par arrêt de ce jour, la deuxième chambre civile a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. 11. Le moyen, devenu inopérant en sa troisième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 12. La banque fait le même grief à l'arrêt alors « qu'en vertu de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, pris dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ; que répond à ces exigences l'acte passé en la forme notariée revêtu d'une clause de soumission à l'exécution forcée constatant l'octroi d'un prêt d'une somme déterminée remboursable selon un échéancier convenu et moyennant un taux effectif global déterminé ; qu'au stade de l'exécution forcée, il importe seulement de rechercher si la créance dont se prévaut le saisissant est liquide et exigible, conformément aux termes des dispositions de droit général des articles L. 111-2 et L. 111-6 du même code ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, selon acte notarié du 21 février 2000, le Crédit foncier de France avait accordé aux époux S... un prêt d'un montant de 476 192 francs, soit 72 595 euros, remboursable en 19 ans et 7 mois au maximum avec un taux effectif global d'intérêts de 6,62 % ainsi qu'une somme de 120 000 francs, soit 18 293,88 euros remboursable en 19 ans avec un taux effectif global d'intérêts de 1,64 %, de sorte qu'il était exact que ce contrat de prêt notarié portait bien l'indication de la somme empruntée, du taux des intérêts et du nombre de mensualités, reproduites dans un tableau d'amortissement ; qu'en refusant néanmoins de faire droit à la requête en exécution forcée immobilière, au motif inopérant que la créance pour laquelle la vente forcée des biens était poursuivie par le Crédit foncier de France ne se trouvait pas suffisamment déterminée dans l'acte notarié servant de fondement aux poursuites dès lors qu'il était nécessaire d'établir un décompte intégrant des éléments postérieurs tels que la déchéance du terme acquise, le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus et de l'indemnité forfaitaire calculée sur ce solde, cependant que la nécessité d'établir un tel décompte n'était pas de nature à retirer à l'acte de prêt en cause le caractère d'un acte notarié ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée, la cour d'appel a violé l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles L. 111-2 et L. 111-6 du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 : 13. Aux termes de ce texte, « dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements ou du ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate. » 14. Si, d'une part, la Cour de cassation a interprété ce texte en ce sens que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s'ils ont pour objet le paiement d'une somme déterminée et non pas seulement déterminable et si le débiteur consent à l'exécution forcée immédiate (notamment : 1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-11.077 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-14.671 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.675 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-26.413 ; 2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-10.635), cette jurisprudence, suivie par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé, a soulevé des controverses doctrinales et des divergences de jurisprudence entre les cours d'appel de Metz et de Colmar, qui justifient un nouvel examen. 15. D'autre part, en modifiant l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, la loi du 23 mars 2019, même si elle n'est pas applicable en l'espèce, a modifié le texte en vue de mettre le droit local en conformité avec les règles applicables sur le reste du territoire national. 16. Il convient, dès lors, de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général et de considérer que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, alors applicable, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi. 17. Pour rejeter la demande de vente par voie d'exécution immobilière forcée, l'arrêt retient que si le contrat de prêt notarié en cause porte indication de la somme empruntée, du taux nominal des intérêts, du nombre de mensualités, reproduits dans un tableau d'amortissement, la créance invoquée à l'appui de la mesure d'exécution forcée immobilière ne résulte pas de cet acte, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l'indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n'est pas encore fixé. 18. Il retient encore que le décompte déterminé de la créance de la banque ne figure que dans le commandement de payer délivré le 2 novembre 2017. 19. L'arrêt en déduit que la créance, pour laquelle la vente forcée des biens est poursuivie, ne se trouve pas suffisamment déterminée dans l'acte notarié servant de fondement aux poursuites. 20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le pourvoi immédiat recevable, l'arrêt rendu le 9 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ; Condamne M. S... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier de France Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance du 20 juillet 2018 par laquelle le tribunal d'instance de Metz avait rejeté la requête du Crédit Foncier de France en exécution forcée immobilière à l'encontre de M. D... S... et d'AVOIR rejeté toutes autres demandes ; AUX MOTIFS QUE « la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE reproche au premier juge d'avoir considéré que l'acte de prêt notarié du 21 février 2000 ne pouvait servir de titre exécutoire en ce qu'il ne visait pas une somme précisément déterminée mais seulement déterminable ; qu'elle se prévaut de l'article 108 de la loi de programmation n° 2019-222 du 23 mars 2019, lequel modifie la rédaction de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution en ce qu'elle inclut désormais la notion de déterminable après celle de déterminée pour qualifier une somme d'argent ou une quantité dans un acte notarié contenant consentement du débiteur à l'exécution forcée immédiate ; qu'en l'espèce, l'acte notarié du 21 février 2000 indique précisément la somme prêtée, le taux d'intérêt variable appliqué et le nombre de mensualités ; que les nouvelles dispositions légales emportent la validité du titre exécutoire qui est le soutien de ses demandes ; que la créance est déterminable et que son recouvrement peut être valablement poursuivi; qu'elle estime que l'infirmation de l'ordonnance entreprise s'impose ; Que l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié le 1° de l'article L.111-5 du code des procédures civiles d'exécution en incluant désormais la notion de déterminable après celle de déterminée pour qualifier une somme d'argent ou une quantité dans un acte notarié établi dans l'un de ces trois départements contenant consentement du débiteur à l'exécution forcée immédiate ; Qu'à défaut de disposition transitoire relative à l'article 108 de la loi du 23 mars 2019, la nouvelle rédaction de ce texte est entrée en vigueur le lendemain de sa publication au Journal Officiel intervenue le 24 mars 2019, conformément à l'article 1er du code civil, soit le 25 mars 2019 ; Que l'article 108 de la loi précitée procédant d'une loi relative aux procédures civiles d'exécution qui est d'application immédiate selon les principes de droit transitoire, est applicable à tous les actes d'exécution forcée postérieurs à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, à savoir le 25 mars 2019, peu important la date de l'acte notarié servant de fondement aux poursuites ; Qu'en l'espèce, la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE a saisi le tribunal de l'exécution forcée d'une requête en exécution forcée immobilière le 20 juillet 2018, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; Qu'en conséquence, la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE ne peut pas se prévaloir de l'article L.111-5 dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 23 mars 2019 ; qu'il convient de faire application de l'article L.111-5 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction antérieure à celle du 25 mars 2019 au présent litige ; Que selon l'article L.111-5 du code des procédures civiles d'exécution, dans sa version applicable au présent litige, en vertu des dispositions applicables dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constituent aussi des titres exécutoires : « 1° les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ( ) » ; Qu'ainsi constitue un titre exécutoire l'acte établi par un notaire portant sur une somme d'argent déterminée et contenant une clause de soumission à l'exécution forcée immédiate à laquelle le débiteur a consenti ; Qu'en application de l'article L.111-5 précité, l'acte notarié ne peut servir de titre exécutoire que s'il a pour objet le paiement d'une somme déterminée et non pas seulement déterminable (Cass. 2e civ., 22 mars 2018, n° 17-10.635) ; Que selon acte notarié du 21 février 2000, la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE a accordé à Monsieur D... G... S... et à son épouse Madame F... S... née M..., décédée le 19 décembre 2001, un prêt d'un montant de 476.192 francs, soit 72.595 euros, remboursable en 19 ans et 7 mois au maximum avec un taux effectif global d'intérêts de 6,62% ainsi qu'une somme de 120.000 francs, soit 18.293,88 euros remboursable en 19 ans avec un taux effectif global d'intérêts de 1,64% ; que Monsieur S... a accepté la succession de son épouse le 17 octobre 2016, alors que les deux enfants de la défunte ont renoncé à la succession ; Que si le contrat de prêt notarié en cause porte indication de la somme empruntée, du taux nominal des intérêts, du nombre de mensualités, reproduits dans un tableau d'amortissement, la créance invoquée à l'appui de la mesure d'exécution forcée immobilière ne résulte pas de cet acte, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l'indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n'est pas encore fixé ; que d'ailleurs le décompte déterminé de la créance de la banque ne figure que dans le commandement de payer délivré le 2 novembre 2017, de sorte que la créance pour laquelle la vente forcée des biens est poursuivie ne se trouve pas suffisamment déterminée dans l'acte notarié servant de fondement aux poursuites ; Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer la décision contestée ayant rejeté la vente par voie d'exécution forcée immobilière de l'immeuble objet de la présente procédure » ; 1. ALORS QU'EN vertu de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, pris dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ; qu'en tant qu'il précise que ce caractère de titre exécutoire est reconnu à de tels actes notariés lorsqu'ils ont pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée « ou déterminable », l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 revêt le caractère d'une disposition interprétative, dont la finalité repose sur le motif impérieux d'intérêt général de restaurer la force exécutoire des actes notariés de prêt instrumentés par des notaires des trois départements précités que la jurisprudence leur reconnaissait traditionnellement (Civ. 2ème, 18 octobre 1989, n° 88-16.401, Bull. II, n° 181) avant d'être mise à mal par un revirement de jurisprudence (Civ. 1ère, 4 octobre 2017, n° 16-15.458 ; Civ. 2ème, 17 octobre 2017, n° 16-26.413 et 16-19.675) ; qu'en jugeant néanmoins qu'à défaut de disposition transitoire relative à l'article 108 de la loi du 23 mars 2019, la nouvelle rédaction de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution n'était entrée en vigueur qu'au lendemain de sa publication au journal officiel et que le Crédit Foncier ne pouvait s'en prévaloir dès lors que sa requête en exécution forcée avait été soumise au tribunal antérieurement à cette date, la Cour d'appel a violé l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 par refus d'application. 2. ALORS, en toute hypothèse, QU'EN vertu de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, pris dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ; que répond à ces exigences l'acte passé en la forme notariée revêtu d'une clause de soumission à l'exécution forcée constatant l'octroi d'un prêt d'une somme déterminée remboursable selon un échéancier convenu et moyennant un taux effectif global déterminé ; qu'au stade de l'exécution forcée, il importe seulement de rechercher si la créance dont se prévaut le saisissant est liquide et exigible, conformément aux termes des dispositions de droit général des articles L. 111-2 et L. 111-6 du même code ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, selon acte notarié du 21 février 2000, le Crédit Foncier de France avait accordé aux époux S... un prêt d'un montant de 476.192 francs, soit 72.595 euros, remboursable en 19 ans et 7 mois au maximum avec un taux effectif global d'intérêts de 6,62% ainsi qu'une somme de 120.000 francs, soit 18.293,88 euros remboursable en 19 ans avec un taux effectif global d'intérêts de 1,64 %, de sorte qu'il était exact que ce contrat de prêt notarié portait bien l'indication de la somme empruntée, du taux des intérêts et du nombre de mensualités, reproduites dans un tableau d'amortissement ; qu'en refusant néanmoins de faire droit à la requête en exécution forcée immobilière, au motif inopérant que la créance pour laquelle la vente forcée des biens était poursuivie par le Crédit Foncier de France ne se trouvait pas suffisamment déterminée dans l'acte notarié servant de fondement aux poursuites dès lors qu'il était nécessaire d'établir un décompte intégrant des éléments postérieurs tels que la déchéance du terme acquise, le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus et de l'indemnité forfaitaire calculée sur ce solde, cependant que la nécessité d'établir un tel décompte n'était pas de nature à retirer à l'acte de prêt en cause le caractère d'un acte notarié ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée, la cour d'appel a violé l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles L. 111-2 et L. 111-6 du même code. 3. ALORS QUE, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité présentement soulevée par le Crédit Foncier de France, le Conseil constitutionnel jugera que les dispositions de l'article L. 111-5, 1e du code des procédures civiles d'exécution, dans leur version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de cassation (Civ. 1ère, 4 octobre 2017, n° 16-15.458 ; Civ. 2ème, 17 octobre 2017, n° 16-26.413 et 16-19.675 ; Civ. 2ème, 22 mars 2018, n° 17-10.635) méconnaissent les droits et libertés garanties par la Constitution ; que la décision du Conseil constitutionnel aura pour conséquence de priver de tout fondement juridique l'arrêt attaqué.
L'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dépourvu de caractère interprétatif, est applicable aux actes d'exécution forcée postérieurs à l'entrée en vigueur de ce texte, soit le 25 mars 2019
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CIV. 2 COUR DE CASSATION LM ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 25 juin 2020 NON-LIEU À RENVOI M. PIREYRE, président Arrêt n° 830 FS-P+B+R+I Pourvoi n° F 19-23.219 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020 Par mémoire spécial présenté le 3 février 2020, la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est 19 rue des Capucines, 75001 Paris, a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° F 19-23.219 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 août 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre civile), dans une instance l'opposant : 1°/ à M. Y... A..., domicilié chez Mme M... I..., [...] , 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Metz, domicilié en son parquet général, palais de justice, 3 rue Haute Pierre, 57000 Metz. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseiller, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 9 août 2019), par un acte en date du 21 février 2000, dressé par un notaire à Creutzwald (Moselle), le Crédit foncier de France (la banque) a consenti deux prêts hypothécaires à M. et Mme A..., cette dernière étant décédée le 19 décembre 2001. 2. Le 2 novembre 2017, la banque a fait signifier à M. A... un commandement de payer à fin d'exécution forcée immobilière d'un bien appartenant à ce dernier, puis, le 20 décembre 2017, elle a requis la vente par voie d'exécution forcée de cet immeuble en recouvrement des sommes restant dues au titre des deux prêts hypothécaires. 3. Par une ordonnance du 20 juillet 2018, le tribunal d'instance de Metz a rejeté cette requête. 4. Sur le pourvoi immédiat formé par la banque, le tribunal d'instance de Metz a, le 11 septembre 2018, maintenu l'ordonnance déférée et ordonné la transmission du dossier à la cour d'appel de Metz. 5. Par un arrêt du 9 août 2019, la cour d'appel de Metz a déclaré le pourvoi immédiat recevable, confirmé l'ordonnance du tribunal d'instance de Metz du 20 juillet 2018 et rejeté les autres demandes. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 6. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 août 2019 par la cour d'appel de Metz, la banque a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la déclaration de 1789, les dispositions de l'article L. 111-5, 1e, du code des procédures civiles d'exécution, dans leur version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, telles qu'interprétées par la Cour de cassation. » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 7. La disposition contestée, l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, issue de l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 ratifiée par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, a valeur législative. 8. La modification de cette disposition par la loi du 23 mars 2019 ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle n'ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant et ne saurait donc faire obstacle, par elle-même, à l'examen de la question. 9. La question posée, qui vise cette disposition, en tant qu'elle est interprétée par la Cour de cassation par une jurisprudence constante (notamment : 1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-11.077 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-14.671 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.675 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-26.413 ; 2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-10.635), est recevable. 10. La disposition contestée, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, est applicable au litige, lequel concerne les conditions dans lesquelles un acte dressé par un notaire établi en Moselle peut constituer un titre exécutoire. 11. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 12. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 13. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. 14. En effet, la Cour de cassation, procédant à un revirement de jurisprudence, à fin de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général, a, par arrêt de ce jour (2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-23.219), jugé que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, alors applicable, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi. 15. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme J..., conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'interprétation jurisprudentielle de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dès lors qu'il a été procédé, par un arrêt du même jour (2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-23.219, Bull. 2020, II, n° ??? (cassation partielle)), à un revirement de jurisprudence, à fin de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général, en jugeant que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, alors applicable, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi
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COMM. JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 258 F-P+B Pourvoi n° S 19-14.098 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020 1°/ La société Polair, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], 2°/ M. Y... H..., domicilié [...], ont formé le pourvoi n° S 19-14.098 contre les ordonnances n° RG : 18/001801 rendues les 10 septembre 2018 et 21 janvier 2019 par le président du tribunal de commerce de Nanterre, dans le litige les opposant à l'agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Polair et de M. H..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'agent judiciaire de l'Etat, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon la première des deux ordonnances attaquées (Nanterre, 10 septembre 2018 et 21 janvier 2019), rendues en dernier ressort, un juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés d'un tribunal de commerce a, sur le fondement de l'article L. 611-2, II, du code de commerce, enjoint à M. H..., président et unique associé de la société par actions simplifiée Polair, de procéder au dépôt des comptes annuels de cette société pour les exercices 2015, 2016 et 2017 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'encontre de M. H... et de la société Polair, tenus solidairement. M. H... n'ayant pas déféré à cette injonction, le même juge l'a, par la seconde ordonnance attaquée, condamné in solidum avec la société Polair à payer au Trésor public la somme de 3 000 euros en liquidation de l'astreinte. Examen du moyen unique Enoncé du moyen 2. M. H... et la société Polair font grief à l'ordonnance du 10 septembre 2018 d'enjoindre à M. H..., représentant légal de la société Polair, de procéder au dépôt des comptes annuels au titre des exercices clôturés en 2017, 2016 et 2015, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à l'ordonnance du 21 janvier 2019 de condamner in solidum la société Polair et M. H... à payer au Trésor public la somme de 3 000 euros en liquidation de l'astreinte alors « que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 611-2, II, du code de commerce, dont il résulte que le président du tribunal de commerce peut enjoindre sous astreinte à une société commerciale unipersonnelle propriétaire d'un seul bien de déposer ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, l'obligeant ainsi à dévoiler des informations à caractère personnel relatives à son associé unique, qui sera prononcée sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. H... et la société Polair, privera de fondement les ordonnances attaquées, qui devront ainsi être annulées. » Réponse de la Cour 3. La Cour de cassation ayant, par un arrêt n° 884 F-D du 17 octobre 2019, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 611-2, II, du code de commerce, le moyen est sans portée. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. M. H... et la société Polair font le même grief aux ordonnances précitées alors « que toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant ; que la divulgation de la situation patrimoniale d'une personne physique constitue une donnée à caractère personnel protégée ; que l'associé unique d'une société commerciale propriétaire d'un unique bien, soumise à l'obligation de déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce, voit ainsi des informations d'ordre patrimonial le concernant divulguées aux tiers sans y avoir consenti, de nature à causer une atteinte disproportionnée au droit à la protection de ses données à caractère personnel ; qu'en enjoignant à M. H..., représentant légal et associé unique de la société Polair, propriétaire d'un seul bien, de déposer les comptes annuels des exercices 2017, 2016 et 2015 au greffe du tribunal de commerce sans solliciter son accord préalable, le président du tribunal de commerce a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. H... à la protection de ses données personnelles d'ordre patrimonial, violant ainsi l'article 9 du code civil, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 16 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données du 27 avril 2016. » Réponse de la Cour 5. S'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oyc.Finlande, grande chambre, no. 931/13, 27 juin 2017) que les données portant sur le patrimoine d'une personne physique relèvent de sa vie privée, les comptes annuels d'une société par actions simplifiée unipersonnelle ne constituent, toutefois, qu'un des éléments nécessaires à la détermination de la valeur des actions que possède son associé unique, dont le patrimoine, distinct de celui de la société, n'est qu'indirectement et partiellement révélé. L'atteinte portée au droit à la protection des données à caractère personnel de cet associé pour la publication de ces comptes est donc proportionnée au but légitime de détection et de prévention des difficultés des entreprises, poursuivi par les dispositions de l'article L. 611-2, II, du code de commerce. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. H... et la société Polair aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. H... et la société Polair et les condamne à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Polair et M. H... IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance du 10 septembre 2018 d'avoir enjoint à M. H..., représentant légal de la société Polair, de procéder au dépôt des comptes annuels au titre des exercices clôturés en 2017, 2016 et 2015, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sous astreinte de 100 € par jour de retard, et à l'ordonnance du 21 janvier 2019 d'avoir condamné in solidum la société Polair et M. H... à payer au Trésor public la somme de 3 000 € en liquidation de l'astreinte ; AUX MOTIFS QUE la société Polair n'a pas déposé dans les délais légaux ses comptes annuels au titre des exercices clôturés en 2017, 2016 et 2015 ; que le dépôt des comptes est une obligation fondamentale apportant aux tiers et aux cocontractants des informations indispensables sur la santé financière et économique de leur partenaire, dont l'omission constitue un trouble économique manifeste à l'égard notamment de leurs partenaires commerciaux, qui, faute d'informations, peuvent subir un préjudice ; qu'aucune exception n'est donc prévue par la loi pour le non-respect de cette obligation en raison du secteur d'activité de l'entreprise, de sa situation financière ou de son caractère innovant ; que la situation de la société Polair n'ayant pas été régularisée dans les 30 jours après le délai fixé dans l'ordonnance du 10 septembre 2018, l'astreinte est liquidée au montant de 3 000 € ; 1°) ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 611-2, II, du code de commerce, dont il résulte que le président du tribunal de commerce peut enjoindre sous astreinte à une société commerciale unipersonnelle propriétaire d'un seul bien de déposer ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, l'obligeant ainsi à dévoiler des informations à caractère personnel relatives à son associé unique, qui sera prononcée sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. H... et la société Polair, privera de fondement les ordonnances attaquées, qui devront ainsi être annulées ; 2°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHÈSE, toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant ; que la divulgation de la situation patrimoniale d'une personne physique constitue une donnée à caractère personnel protégée ; que l'associé unique d'une société commerciale propriétaire d'un unique bien, soumise à l'obligation de déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce, voit ainsi des informations d'ordre patrimonial le concernant divulguées aux tiers sans y avoir consenti, de nature à causer une atteinte disproportionnée au droit à la protection de ses données à caractère personnel ; qu'en enjoignant à M. H..., représentant légal et associé unique de la société Polair, propriétaire d'un seul bien, de déposer les comptes annuels des exercices 2017, 2016 et 2015 au greffe du tribunal de commerce sans solliciter son accord préalable, le président du tribunal de commerce a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. H... à la protection de ses données personnelles d'ordre patrimonial, violant ainsi l'article 9 du code civil, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 16 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données du 27 avril 2016.
S'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande, n° 931/13) que les données portant sur le patrimoine d'une personne physique relèvent de sa vie privée, les comptes annuels d'une société par actions simplifiée unipersonnelle ne constituent, toutefois, qu'un des éléments nécessaires à la détermination de la valeur des actions que possède son associé unique, dont le patrimoine, distinct de celui de la société, n'est qu'indirectement et partiellement révélé. L'atteinte portée au droit à la protection des données à caractère personnel de cet associé par la publication de ces comptes est donc proportionnée au but légitime de détection et de prévention des difficultés des entreprises, poursuivi par les dispositions de l'article L. 611-2, II, du code de commerce
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COMM. JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 259 F-P+B Pourvoi n° K 18-10.477 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020 1°/ M. F... E..., 2°/ Mme I... E..., domiciliés [...], ont formé le pourvoi n° K 18-10.477 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [...], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. et Mme E..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2017), après avoir été invités par l'administration fiscale à souscrire une déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2005 à 2010, par une lettre du 27 avril 2011 à laquelle ils ont répondu que leur patrimoine ne dépassait pas le seuil d'imposition, M. et Mme E... se sont vu notifier une proposition de rectification le 4 novembre 2011. Leurs observations en réponse, relatives, notamment, à l'insuffisance et au défaut de pertinence des termes de comparaison cités pour l'évaluation de leur appartement situé à Paris, ayant été rejetées, ils ont fait l'objet d'une taxation d'office suivant proposition de rectification du 1er août 2012. Après mise en recouvrement des impositions et rejet de leur réclamation, M. et Mme E... ont assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions et pénalités réclamées. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. M. et Mme E... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors « que si l'administration fiscale entend procéder à la taxation d'office des droits en matière d'ISF, elle doit établir préalablement, dans les formes et sous les garanties prévues par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, que le contribuable s'est indûment soustrait à ses obligations légales en matière d'ISF ; qu'à ce titre, en vertu de l'article L. 57 5ème alinéa du même livre, elle est tenue de répondre de façon suffisamment motivée aux observations que le contribuable a formulées en réponse à la proposition de rectification ; que la motivation en cause doit permettre d'éclairer pleinement le contribuable sur les motifs de droit et de fait qui conduisent le fisc à maintenir la rectification envisagée ; qu'en l'espèce, en réponse à la proposition de rectification, les époux E... ont justement fait valoir le nombre insuffisant de termes de comparaison, notamment pour l'année 2005 où les deux termes correspondent au même appartement revendu à huit mois d'intervalle, leur absence de pertinence au regard de l'année de construction et leur prix au m² éloigné des prix moyens dans le quartier Odéon selon l'indice des notaires-INSEE ; que, dans leur réponse à ces critiques argumentées et développées, les services fiscaux se sont bornés à affirmer, aussi péremptoirement que brièvement, qu' « à ce stade, l'administration n'est pas tenue de donner plusieurs termes de comparaison pour l'évaluation des immeubles » ; qu'en retenant qu'une telle réponse était conforme aux exigences de motivation tandis qu'elle ne mettait manifestement pas le contribuable en mesure de discuter comparativement des évaluations du service tant au stade de la réclamation préalable que devant le juge de l'impôt, la cour a violé les dispositions des articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 55, L. 57 et L. 66 du livre des procédures fiscales : 3. Il résulte des deux premiers de ces textes que, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation et que, lorsqu'elle rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. 4. Si, en application du troisième, sont taxées d'office aux droits d'enregistrement et aux taxes assimilées les personnes qui n'ont pas déposé une déclaration ou qui n'ont pas présenté un acte à la formalité de l'enregistrement dans le délai légal, l'administration est toutefois tenue, en matière d'ISF, lorsqu'elle envisage de procéder à la taxation d'office des droits en cas d'absence de déclaration par le redevable, d'établir préalablement que celui-ci dispose de biens taxables dont la valeur nette est supérieure au seuil d'imposition, par la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire comportant l'envoi d'une notification des bases d'imposition dans les formes et sous les garanties prévues par les articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales. 5. Pour dire la procédure régulière et rejeter les demandes de M. et Mme E..., l'arrêt retient que la réponse de l'administration fiscale aux observations des contribuables du 23 février 2012, selon laquelle elle n'était pas tenue de donner plusieurs termes de comparaison pour l'évaluation des immeubles, dès lors que la proposition préalable a pour but de démontrer que le patrimoine d'un contribuable dépasse le seuil d'imposition à l'ISF, est conforme au niveau d'exigence de motivation de la proposition de rectification visant à démontrer que les contribuables sont défaillants à leur obligation déclarative en matière d'ISF, telle qu'exigée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. 6. En statuant ainsi, alors que la réponse de l'administration aux observations par lesquelles le contribuable critique les termes de comparaison utilisés pour l'évaluation des biens taxables doit comporter les raisons qui justifient leur rejet, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et le condamne à payer à M. et Mme E... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné le rétablissement des impositions déchargées en première instance et débouté les époux E... de toutes leurs demandes ; AUX MOTIFS QUE « l'administration fiscale qui procède à la taxation d'office des droits en matière d'ISF doit établir préalablement, dans les formes et sous les garanties prévues par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales ; que le contribuable dispose de biens taxables dont la valeur nette est supérieure au seuil d'imposition fixé par l'article 885 A du code général des impôts ; qu'en vertu de l'article L. 57, alinéa 5 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable doivent être motivées, c'est à dire préciser les raisons de fait et de droit qui justifient le rejet des observations présentées ; que ce rejet soit total ou partiel ; que, si la procédure est contradictoire, il appartient à l'administration fiscale, en matière de taxation d'office, de démontrer que les époux E... sont imposables à l'ISF, c'est à dire qu'ils disposent de biens taxables dont la valeur nette est supérieure au seuil d'imposition fixé par l'article 885 A du code général des impôts ; que l'article 17 du livre des procédures fiscales, qui règle les modalités de rectification du prix ou de l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette valeur apparaît inférieure à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou les déclarations et en vertu duquel il appartient à l'administration fiscale de rapporter la preuve de l'insuffisance de prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou les déclarations par rapport à la valeur vénale réelle du bien concerné en ayant recours, sauf exceptions, à la méthode d'évaluation par comparaison avec des biens intrinsèquement similaires aux biens litigieux, est inapplicable en matière de taxation d'office, la charge de la preuve de la valeur découlant de l'article 17 ne visant pas les cas d'omission déclarative ; qu'il revient donc à l'administration fiscale d'établir l'existence des biens omis ou de la mutation non déclarée et d'établir l'imposition à partir de la valeur apparente du bien sans être tenue de recourir à la méthode de comparaison avec des biens intrinsèquement similaires à ceux en cause, sauf à réviser son évaluation eu égard aux observations du contribuable en réponse au redressement ; qu'il appartient au contribuable de rapporter la preuve que la valeur des biens retenue par l'administration fiscale est erronée ; qu'en réponse à la proposition de rectification, les époux E... ont fait valoir un nombre insuffisant de termes de comparaison, notamment pour l'année 2005, et leur absence de pertinence au regard de l'année de construction et leur prix au m² éloigné de celui du quartier Odéon selon l'indice des notaires Insee-Paris ; que la réponse de l'administration fiscale, selon laquelle, sur les termes de comparaison, elle n'était pas tenue de donner plusieurs termes de comparaison pour l'évaluation des immeubles la proposition préalable ayant pour but de démontrer que le patrimoine d'un contribuable dépasse le seuil d'imposition à l'ISF, est donc conforme au niveau d'exigence de motivation de la proposition de rectification visant à démontrer que les contribuables sont défaillants à leur obligation déclarative en matière d'ISF telle qu'exigée par l'article 57 du livre des procédures fiscales » ; ALORS QUE, si l'administration fiscale entend procéder à la taxation d'office des droits en matière d'ISF, elle doit établir préalablement, dans les formes et sous les garanties prévues par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, que le contribuable s'est indûment soustrait à ses obligations légales en matière d'ISF ; qu'a ce titre, en vertu de l'article L. 57 5ème alinéa du même livre, elle est tenue de répondre de façon suffisamment motivée aux observations que le contribuable a formulé en réponse à la proposition de rectification ; que la motivation en cause doit permettre d'éclairer pleinement le contribuable sur les motifs de droit et de fait qui conduisent le fisc à maintenir la rectification envisagée ; qu'en l'espèce, en réponse à la proposition de rectification, les époux E... ont justement fait valoir le nombre insuffisant de termes de comparaison, notamment pour l'année 2005 où les deux termes correspondent au même appartement revendu à huit mois d'intervalle, leur absence de pertinence au regard de l'année de construction et leur prix au m² éloigné des prix moyens dans le quartier Odéon selon l'indice des notaires-INSEE ; que, dans leur réponse à ces critiques argumentées et développées, les services fiscaux se sont bornés à affirmer, aussi péremptoirement que brièvement, qu' « à ce stade, l'administration n'est pas tenue de donner plusieurs termes de comparaison pour l'évaluation des immeubles » ; qu'en retenant qu'une telle réponse était conforme aux exigences de motivation tandis qu'elle ne mettait manifestement pas le contribuable en mesure de discuter comparativement des évaluations du service tant au stade de la réclamation préalable que devant le juge de l'impôt, la cour a violé les dispositions des articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief a l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné le rétablissement des impositions déchargées en première instance et débouté les époux E... de toutes leurs demandes ; AUX MOTIFS QU' « il résulte des articles L. 17, L. 55 et L. 56 du livre des procédures fiscales, que les règles d'évaluation en matière d'insuffisance de prix déclaré ne concernent pas les procédures d'omission de bien ou de taxation d'office ; que la détermination de la valeur vénale est fixée en retenant une valeur apparente ; qu'en pratique pour un bien immobilier, la valeur apparente sera donnée par la méthode comparative ; que le redevable doit apporter la preuve que l'estimation donnée par l'administration fiscale est exagérée et que la valeur réelle du bien est inférieure à la valeur apparente ; qu'en l'espèce, les termes de comparaison retenus par l'administration fiscale sont situés soit dans le même immeuble que celui des époux E..., soit dans des immeubles de la même rue ou dans des rues voisines qui présentent des caractéristiques d'environnement sinon comparables tout au moins répondant à des critères très recherchés, étant précisé que le bien des époux E... est situé face au jardin du Luxembourg ; qu'il se trouve dans un immeuble de haut standing de type haussmannien, disposant d'un ascenseur de maître et d'un ascenseur de service qui dessert les studios de service et les cuisines ; que les époux E... critiquent les termes de comparaison retenus par l'administration fiscale sans établir que la valeur réelle du bien est inférieure à la valeur apparente retenue par le service ; que la valeur retenue par l'administration fiscale sera dès lors retenue » ; ALORS QUE, si, en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve repose sur la tête du contribuable dans la procédure de taxation d'office, il n'en demeure pas moins que celui-ci peut apporter la preuve du caractère non pertinent des évaluations opérées par l'administration fiscale en se fondant sur des éléments d'analyse tirés de comparaison portant sur des immeubles comparables ; qu'il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier si les comparaisons effectuées par le contribuable ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence des évaluations du W... ; que les contribuables avaient, dans leurs dernières écritures d'appel (V. productions, pp.10-15) et en se fondant sur des ventes d'immeubles comparables au bien immobilier en cause, contesté les évaluations de l'administration fiscale ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement qu'ils critiquaient les termes de comparaison retenus par l'administration fiscale sans établir que la valeur réelle du bien concerné était inférieure à la valeur apparente retenue par le service sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si lesdites critiques n'étaient pas de nature à établir l'absence de bien fondé des évaluations administratives, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 193 du Livre des procédures fiscales.
Si, en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, sont taxées d'office aux droits d'enregistrement et aux taxes assimilées les personnes qui n'ont pas déposé une déclaration ou qui n'ont pas présenté un acte à la formalité de l'enregistrement dans le délai légal, l'administration est toutefois tenue, en matière d'impôt de solidatrité sur la fortune (ISF), lorsqu'elle envisage de procéder à la taxation d'office des droits en cas d'absence de déclaration par le redevable, d'établir préalablement que celui-ci dispose de biens taxables dont la valeur nette est supérieure au seuil d'imposition, par la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire comportant l'envoi d'une notification des bases d'imposition dans les formes et sous les garanties prévues par les articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales
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COMM. MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Cassation partielle Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 261 F-P+B Pourvoi n° W 18-10.464 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020 La société Feeder, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° W 18-10.464 contre l'arrêt n° RG : 15/20271 rendu le 3 octobre 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant au directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [...], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Feeder, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur général des douanes et droits indirects, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Feeder, spécialisée dans le commerce d'écrans informatiques, a importé des écrans à cristaux liquides pour les besoins de son activité ; qu‘à la suite d'un contrôle a posteriori, l'administration des douanes et droits indirects a contesté la position tarifaire sous laquelle ces écrans avaient été déclarés, en estimant que ceux-ci relevaient de la position 85.28, et lui a notifié en 2005, 2007 et 2009 quatre procès-verbaux d'infractions pour fausses déclarations d'espèces ; que par un arrêt du 19 février 2009, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie d'une question préjudicielle sur la position tarifaire 84.71, a dit que les moniteurs susceptibles de reproduire des signaux provenant non seulement d'une machine automatique de traitement de l'information, mais également d'autres sources, ne pouvaient être exclus de cette position (CJUE, 19 février 2009, Kamino International Logistics, C-376/07) ; que par une lettre du 21 octobre 2010, la société Feeder a demandé le remboursement des droits acquittés au bureau de Marignane au titre de la période de janvier 2006 à juillet 2010 ; qu'en l'absence de réponse du directeur régional des douanes, la société Feeder l'a assigné en restitution de ces droits ; que durant l'instance, l'administration des douanes lui a remboursé les droits acquittés depuis le 21 octobre 2007 ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Feeder fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite sa demande de restitution des droits acquittés avant le 21 octobre 2007 alors, selon le moyen : 1°/ que les dispositions de l'article 354 du code des douanes, interprétées à la lumière du principe d'égalité des armes, impliquent que la notification d'un procès-verbal de douane interrompt la prescription tant en faveur de l'administration que des contribuables ; qu'au cas présent, la cour d'appel a écarté cette portée symétrique et égalitaire de la notification au motif abstrait que l'asymétrie de portée du procès-verbal au regard de la prescription pourrait être justifiée « par la nécessité d'un bon exercice des fonctions publiques » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la « nécessité » visée n'est en rien justifiée, la cour d'appel, qui a consacré une rupture flagrante dans l'égalité des armes, a violé l'article 354 du code des douanes, ensemble le principe d'égalité des armes et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 2°/ que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes, qui visent sans distinction l'ensemble des droits et taxes « recouvrés par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects » (DGDDI), ont vocation à s'appliquer aussi bien aux droits et taxes perçus en application de textes nationaux qu'à ceux perçus en application de textes communautaires ; qu'au cas présent, pour écarter le moyen tiré de ce que l'action en répétition formée par la société Feeder pouvait s'inscrire dans le cadre de l'article 352 ter du code des douanes, la cour d'appel a retenu que ce texte ne viserait que la situation où le texte fondant la perception serait un texte national, cependant que « les droits en cause résultent de l'application de textes communautaires », qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas correctement perçu le champ d'application du texte visé, a violé l'article 352 ter du code des douanes, ensemble le principe communautaire d'équivalence ; 3°/ que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes ont vocation à s'appliquer non seulement dans le cas où l'invalidité d'un texte a été révélée par une décision juridictionnelle, mais aussi dans celui où l'illégalité de la pratique des autorités douanières nationales résulte de l'interprétation d'un texte communautaire donnée par une décision préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'au cas présent, pour écarter l'application de ce texte en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'elle était en présence d'une situation d'interprétation d'une norme douanière par la Cour de justice de l'Union européenne, cependant que le texte en cause s'appliquerait uniquement aux cas d'invalidation ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'eu égard à l'office du juge de l'Union européenne, les deux situations (interprétation et invalidation) devaient être considérées comme équivalentes, la cour d'appel a violé l'article 352 ter du code des douanes, ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 4°/ qu'à défaut d'être enfermée dans un délai de prescription et de reprise (ou de répétition) fixé par la loi, l'action en répétition de l'indu fondée sur une interprétation inédite d'une norme douanière consacrée par la Cour de justice de l'Union européenne obéit au droit commun ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré (à tort) que l'action en répétition de la société Feeder ne relevait pas du champ d'application de l'article 352 ter du code des douanes ; qu'il s'en déduisait qu'elle relevait du droit commun de la répétition de l'indu ; qu'en écartant cette déduction logique au motif qu'il conviendrait alors d'appliquer la prescription triennale propre à l'action en réclamation douanière, la cour d'appel, qui a confondu réclamation et répétition, pour faire jouer un effet de purge automatique à l'expiration du délai de trois ans suivant le paiement et exclure ainsi tout effet utile à l'inauguration d'une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne contraire à une pratique nationale, a violé les règles et principes relatifs à la répétition de l'indu, ensemble le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne et l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que les procès-verbaux d'infraction dressés par l'administration des douanes ont pour objet l'exercice par celle-ci de son droit de reprise, manifestant son intention de poursuivre le recouvrement des droits concernés, et ne sauraient avoir un effet interruptif de prescription pour le redevable, lequel, pour interrompre la prescription de son action en remboursement, doit accomplir un acte manifestant sa volonté d'obtenir ledit remboursement ; que de ces motifs, la cour d'appel a exactement déduit que la notification par l'administration des douanes des procès-verbaux qu'elle avait dressés n'interrompait pas la prescription de l'action en remboursement des droits précédemment acquités, sans pour autant dénier à la société Feeder le droit qu'elle avait d'invoquer des éléments manifestant sa volonté d'obtenir la restitution des droits de douane qu'elle estimait indus et d'interrompre ainsi le délai dans lequel elle devait agir pour demander cette restitution ; Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt énonce que l'action en restitution prévue à l'article 352 ter du code des douanes, dans sa rédaction alors en vigueur, a seulement pour objet les taxes recouvrées par les agents de la direction générale des douanes et droits indirects en application d'une législation nationale et qu'elle ne peut être utilement mise en œuvre dès lors que les droits de douane acquittés l'ont été en application de la nomenclature douanière résultant du règlement CEE n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 et dont la demande de remboursement relève de l'article 236 du code des douanes communautaire, dans sa rédaction alors en vigueur ; que de ces motifs, appliquant aux droits de douane résultant de la législation communautaire la procédure de remboursement prévue par le code des douanes communautaire et dont il résulte que l'exercice des droits conférés par cet ordre juridique n'était pas rendu impossible, ou excessivement difficile, par la législation nationale, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, a exactement déduit que la prescription opposée à la demande de la société Feeder était conforme au droit de l'Union ; Et attendu, en dernier lieu, que c'est sans confondre les délais accordés aux redevables pour présenter une réclamation et exercer l'action en répétition prévue par l'article 236 du code des douanes communautaire que la cour d'appel a retenu que ces dernières dispositions constituaient une loi spéciale dérogeant aux principe et délai de la répétition de l'indu prévus par le code civil et leur a ainsi fait produire leur plein effet ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche : Vu l'article 241 du code des douanes communautaire ; Attendu que par un arrêt du 18 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « lorsque des droits à l'importation [...] sont remboursés au motif qu'ils ont été perçus en violation du droit de l'Union, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, il existe une obligation des États membres, découlant du droit de l'Union, de payer aux justiciables ayant droit au remboursement des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date de paiement par ces justiciables des droits remboursés » (CJUE, 18 janvier 2017, Wortmann, C-365/15) ; Attendu que pour rejeter la demande de la société Feeder tendant à voir fixer le point de départ des intérêts de retard au taux légal sur les sommes qui lui ont été remboursées à la date à laquelle elle les avait indûment versées et juger qu'en application de l'article 1153 du code civil, l'administration des douanes était redevable des intérêts de droit sur les sommes dues à titre de restitution de l'indu à compter, non pas de la demande de remboursement, mais de la date de l'assignation valant sommation de payer, l'arrêt, après avoir d'abord rappelé, d'une part, que l'article 241 du code des douanes communautaire, dans sa rédaction applicable, énonce que le remboursement par les autorités douanières de montants de droits à l'importation ne donne pas lieu au paiement d'intérêt sauf dans le cas où les dispositions nationales le prévoient, d'autre part, qu'il n'existe pas de disposition de droit national prévoyant le versement d'intérêt, puis, relevé que l'administration des douanes établit avoir remboursé à la société Feeder, dans le délai de trois mois de la décision de restitution, les sommes qui lui étaient dues au titre des droits payés après le 21 octobre 2007, retient que, selon l'article 1378 du code civil, dans sa rédaction applicable, les intérêts de retard sur la somme restituée ne sont dus à compter du paiement indu que s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui l'a reçu, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la perception de droits résultant de l'application de la nomenclature de classification des produits dont l'interprétation et les règles de mise en œuvre ont donné lieu, postérieurement, à une question préjudicielle et à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, ne peut être constitutive de mauvaise foi de la part de l'administration ; Qu'en statuant ainsi, par application de l'article 241 du code des douanes communautaire, dans sa rédaction alors applicable, alors que les droits à l'importation perçus par l'administration douanière auprès de la société Feeder à la suite d'une erreur dans la classification douanière des marchandises l'avaient été en violation du droit de l'Union et devaient, en vertu de l'obligation des Etats membres de rembourser ces sommes, porter intérêts à compter de la date de leur paiement par cette société, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 241 du code des douanes communautaire, dans sa rédaction alors applicable, relatif au régime des intérêts de retard sur les droits à l'importation ou à l'exportation dont le remboursement a été ordonné, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'administration des douanes à verser à la société Feeder les intérêts au taux légal sur la somme de 979 491 euros du 27 mars 2013 au 5 novembre 2014 et sur celle de 80 045 euros du 27 mars 2013 au 20 novembre 2014, l'arrêt rendu le 3 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne le directeur général des douanes et droits indirects aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du directeur général des douanes et droits indirects et le condamne à payer à la société Feeder la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Feeder. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et d'avoir ainsi dit que la demande formée par la société Feeder est prescrite pour la période antérieure au 21 octobre 2007, et par conséquent, rejeté ladite demande ; Aux motifs propres que « sur la demande de restitution des droits réglés avant le 21 octobre 2007 : que le tribunal a, pour considérer que la demande présentée le 21 octobre 2010 visant au remboursement des droits de douane était prescrite pour ceux versés avant le 21 octobre 2007, retenu l'application de l'article 236, alinéa 2, du code des douanes communautaire qui dispose : "Le remboursement ou la remise des droits à l'importation ou des droits à l'exportation est accordée sur demande déposée auprès du bureau des douanes concerné avant l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur. Ce délai est prorogé si l'intéressé apporte la preuve qu'il a été empêché de déposer sa demande dans ledit délai par suite d'un cas fortuit ou de force majeure » ; que la société Feeder conteste l'application de ces dispositions et revendique celles de l'article 354 du code des douanes qui prévoit que le délai de reprise de l'administration s'exerce pendant un délai de trois ans à compter du fait générateur, mais que la prescription est interrompue par la notification d'un procès-verbal de douane ; qu'elle prétend ainsi que la prescription a été interrompue à son égard par les PV des 10 mai 2007, 14 juin 2007, 19 avril 2007 et 16 juillet 2009 dressés contre elle par l'administration des douanes qui soutenait que les écrans Eizo relevaient de la position 8528 taxés à 14% et non 8471 taxée à 0% ; mais que l'article 354 du code des douanes n'est pas applicable au litige dont la cour est saisie qui porte sur une demande de restitution émanant du contribuable et non sur l'exercice d'un droit de reprise de l'administration ; que le tribunal a justement considéré à cet égard que l'effet interruptif ne peut bénéficier qu'à la partie qui a manifesté son intention de poursuivre le recouvrement des droits et non à celle qui n'a accompli aucun acte manifestant son intention d'en solliciter le reversement ; que c'est vainement que la société Feeder prétend que limiter le bénéfice de l'effet interruptif des procès-verbaux à la seule administration porterait atteinte au principe d'égalité et d'équilibre des droits des parties, la Cour européenne des droits de l'homme admettant que l'application de privilèges de procédure au profit des États peut être justifiée par la nécessité d'un bon exercice des fonctions publiques ; que la société Feeder sollicite ensuite le bénéfice des dispositions de l'article 352 ter du code des douanes qui, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose : "Lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée à l'article 352 ne peut porter, sans préjudice des dispositions de l'article 352 bis, que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue" ; qu'elle invoque la survenance d'un arrêt de la CJCE du 19 février 2009 (arrêt P...) et prétend que son action en restitution des droits de douane indument versés est recevable pour tous ceux qu'elle a réglés dans le délai de trois années précédant cette décision, ce qui rend recevable sa demande de reversement des droits payés entre le 1er janvier 2006 et le 21 octobre 2007 ; mais que l'article 352 ter du code des douanes n'a vocation à s'appliquer que pour les droits et taxes qui sont perçus en application de textes nationaux, et que dès lors que les droits en cause résultent de l'application de textes communautaires, ce sont les dispositions de l'article 236 du CDC qui doit trouver application ; qu'au surplus, l'article 352 ter prévoit de manière expresse qu'il s'applique dans le cas de « défaut de validité d'un texte fondant la perception d'un droit » ; que, dans l'arrêt P..., la CJCE a dit pour droit que « des moniteurs tels que ceux en cause au principal ne sont pas exclus du classement dans la sous-position 8471 60 90, en tant qu'unités du type utilisé "principalement" dans un système automatique de traitement de l'information au sens de la note 5, B, sous a), du chapitre 84 de la nomenclature combinée [ ], du seul fait qu'ils sont susceptibles de reproduire des signaux provenant aussi bien d'une machine automatique de traitement de l'information que d'autres sources » et émet une règle d'interprétation et d'application du classement des moniteurs ; que cette décision n'invalide pas le texte qui constitue le support de la perception, de sorte que l'article 352 ter n'a, en tout état de cause, pas vocation à s'appliquer ; que l'intervention de l'arrêt P... du 19 février 2009 ne peut non plus constituer un cas de force majeure au sens des dispositions de l'article 236, alinéa 2, du code des douanes communautaire sus rappelées ; qu'il a en effet été jugé par la CJCE (arrêt CIVAD du 14 juin 2012) que « l'illégalité d'un règlement ne constitue pas un cas de force majeure au sens de cette disposition permettant de proroger le délai de trois ans durant lequel un importateur peut demander le remboursement des droits à l'importation acquittés en application de ce règlement » ; qu'il en est a fortiori de même pour une décision portant sur les règles d'interprétation et d'application d'un règlement communautaire qui n'est pas invalidé ; que c'est en vain que la société Feeder invoque à titre subsidiaire les dispositions applicables à la prescription de droit commun, à savoir un délai de cinq ans, tel que prévu par l'article 2224 du code civil ; que c'est également en vain qu'elle réclame l'application de la jurisprudence de la Cour de cassation admettant que la prescription de l'action en restitution fondée sur l'invalidation du texte servant de support au paiement ne court que du jour de cette décision qui a fait naître le droit à restitution ; qu'en effet, il doit être fait application du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux règles générales et le code des douanes a prévu un délai spécial de prescription limité à trois ans ; que par ailleurs, ainsi qu'il a été vu plus haut, l'arrêt P... n'a pas invalidé le texte servant de support au paiement des droits mais a énoncé des règles d'application de la nomenclature permettant le classement des produits ; que le jugement déféré, qui a considéré que l'action en restitution des droits indument versés était prescrite pour ceux payés avant le 21 octobre 2007, doit en conséquence être confirmé et la société Feeder déboutée de son appel sur ce point » (arrêt p. 6 et 7) ; Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « en application de l'article 236 du code des douanes communautaires, le remboursement ou la remise des droits à l'importation est accordée sur simple demande déposée auprès du bureau des douanes concerné avant l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur ; qu'en l'espèce, la demande de remboursement des droits afférents à l'importation des écrans LCD de marque Eizo a été adressée par la SAS Feeder à l'administration des douanes le 21 octobre 2010 ; que l'application de l'article 236 précité conduit donc à considérer que la demande de remboursement est prescrite pour les opérations antérieures au 21 octobre 2007 ; que la société Feeder invoque l'article 354 du code des douanes aux termes duquel le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant un délai de trois ans à compter du fait générateur, à l'exclusion des droits communiqués en application du 3 de l'article 221 du code des douanes communautaires ; que la prescription est interrompue par la notification d'un procès-verbal de douane ; que la requérante estime ainsi que les multiples procès-verbaux de notification d'infraction établis par l'administration des douanes en 2007 ont interrompu le délai triennal de prescription ; que cependant, un tel raisonnement ne peut être suivi dès lors que l'article 354 du code des douanes vise expressément le droit de reprise de l'administration et ne saurait être considéré comme un texte général sur le régime de prescription applicable en matière de douanes ; que, surtout, le procès-verbal établi par l'administration des douanes a un effet interruptif de prescription à son égard car il s'agit d'un acte manifestant son intention de poursuivre le recouvrement des droits concernés ; qu'il ne saurait avoir un tel effet au bénéfice du redevable lequel, pour interrompre la prescription menaçant le recouvrement de sa créance de remboursement, doit accomplir un acte manifestant sa propre volonté d'obtenir ledit remboursement ; que les procès-verbaux dressés par l'administration des douanes n'ont donc pas interrompu la prescription vis-à-vis de la société Feeder ; que la société Feeder se prévaut également de l'article 352 ter du code des douanes qui dispose que lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la prescription d'une taxe recouvrée par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée à l'article 352 ne peut porter, sans préjudice des dispositions de l'article 352 bis, que sur la période postérieure au 1er janvier de la 3ème année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue ; qu'une telle disposition, qui permet de reculer le point de départ de la prescription de l'action en répétition de l'indu, suppose qu'une telle décision juridictionnelle ait invalidé le texte sur le fondement duquel les droits étaient réclamés par l'administration des douanes ; qu'or, l'arrêt P... du 19 février 2009 de la CJCE dont se prévaut la société Feeder a interprété sur saisine préjudicielle la nomenclature combinée constituant l'annexe I du règlement CEE 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun mais il n'a invalidé aucune disposition ; que dès lors, ce texte n'est pas applicable à l'action intentée par la société Feeder ; qu'il y a donc lieu de constater que la demande de remboursement formée par la société Feeder est prescrite pour les opérations antérieures au 21 octobre 2007 » (jugement p. 4 et 5) ; 1° Alors que les dispositions de l'article 354 du code des douanes, interprétées à la lumière du principe d'égalité des armes, impliquent que la notification d'un procès-verbal de douane interrompt la prescription tant en faveur de l'administration que des contribuables ; qu'au cas présent, la cour d'appel a écarté cette portée symétrique et égalitaire de la notification au motif abstrait que l'asymétrie de portée du procès-verbal au regard de la prescription pourrait être justifiée « par la nécessité d'un bon exercice des fonctions publiques » (arrêt p. 6, avant-dernier al.) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la « nécessité » visée n'est en rien justifiée, la cour d'appel, qui a consacré une rupture flagrante dans l'égalité des armes, violé l'article 354 du code des douanes, ensemble le principe d'égalité des armes et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 2° Alors par ailleurs que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes, qui visent sans distinction l'ensemble des droits et taxes « recouvrés par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects » (DGDDI), ont vocation à s'appliquer aussi bien aux droits et taxes perçus en application de textes nationaux qu'à ceux perçus en application de textes communautaires ; qu'au cas présent, pour écarter le moyen tiré de ce que l'action en répétition formée par la société Feeder pouvait s'inscrire dans le cadre de l'article 352 ter du code des douanes, la cour d'appel a retenu que ce texte ne viserait que la situation où le texte fondant la perception serait un texte national, cependant que « les droits en cause résultent de l'application de textes communautaires » (arrêt p. 7, al. 3), qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas correctement perçu le champ d'application du texte visé, a violé l'article 352 ter du code des douanes, ensemble le principe communautaire d'équivalence ; 3°Alors que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes ont vocation à s'appliquer non seulement dans le cas où l'invalidité d'un texte a été révélée par une décision juridictionnelle, mais aussi dans celui où l'illégalité de la pratique des autorités douanières nationales résulte de l'interprétation d'un texte communautaire donnée par une décision préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'au cas présent, pour écarter l'application de ce texte en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'elle était en présence d'une situation d'interprétation d'une norme douanière par la CJUE, cependant que le texte en cause s'appliquerait uniquement aux cas d'invalidation ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'eu égard à l'office du juge de l'Union européenne, les deux situations (interprétation et invalidation) devaient être considérées comme équivalentes, la cour d'appel a violé l'article 352 ter du code des douanes, ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 4° Alors subsidiairement que, à défaut d'être enfermée dans un délai de prescription et de reprise (ou de répétition) fixé par la loi, l'action en répétition de l'indu fondée sur une interprétation inédite d'une norme douanière consacrée par la Cour de justice de l'Union européenne obéit au droit commun ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré (à tort) que l'action en répétition de la société Feeder ne relevait pas du champ d'application de l'article 352 ter du code des douanes ; qu'il s'en déduisait qu'elle relevait du droit commun de la répétition de l'indu ; qu'en écartant cette déduction logique au motif qu'il conviendrait alors d'appliquer la prescription triennale propre à l'action en réclamation douanière, la cour d'appel, qui a confondu réclamation et répétition, pour faire jouer un effet de purge automatique à l'expiration du délai de trois ans suivant le paiement et exclure ainsi tout effet utile à l'inauguration d'une jurisprudence de la CJUE contraire à une pratique nationale, a violé les règles et principes relatifs à la répétition de l'indu, ensemble le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne et l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir confirmé le jugement en toutes ses dispositions, d'avoir, y ajoutant, limité les intérêts de retard dus sur le remboursement des droits de douanes, en condamnant l'administration des douanes à verser à la société Feeder les intérêts au taux légal sur la somme de 979.491 euros du 27 mars au 5 novembre 2014 seulement et sur celle de 80.045 euros du 27 mars 2013 au 20 novembre 2014 seulement ; Aux motifs que « l'article 241 du CDC prévoit que « [l]e remboursement par les autorités douanières, de montants de droits à l'importation ou de droits à l'exportation ainsi que des intérêts de crédit ou de retard éventuellement perçus à l'occasion de leur paiement ne donne pas lieu au paiement d'intérêt par ces autorités. Toutefois, un intérêt est payé lorsque : - une décision donnant suite à une demande de remboursement n'est pas exécutée dans un délai de trois mois à partir de l'adoption de ladite décision, / - les dispositions nationales le prévoient. / Le montant de ces intérêts doit être calculé de telle façon qu'il soit équivalent à celui qui serait exigé au même effet sur le marché monétaire et financier national » ; que les deux parties conviennent que ce texte trouve application en l'espèce ; que la société Feeder évoque la jurisprudence de la CJUE (arrêt Littlewoods du 19 juillet 2001 et Irimie du 18 avril 2013) énonçant l'obligation faite aux États membres, lorsque des taxes ont été prélevées en violation des règles du droit de l'Union, de restituer les montants indument perçus avec des intérêts, ont été rendus en matière fiscale et sont fondés sur la motivation suivante : « En l'absence de législation de l'Union, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles de tels intérêts doivent être versés, notamment le taux et le mode de calcul de ces intérêts » ; que, dès lors qu'il existe des dispositions du code des douanes communautaire prévoyant les conditions et modalités de versement des intérêts, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée ; que l'administration des douanes justifie avoir réglé à la société Feeder la somme de 979.491 euros le 5 novembre 2014 et celle de 80.045 euros le 20 novembre 2014 en exécution de la décision du 1er octobre 2014 lui octroyant le remboursement des droits payés après le 21 octobre 2007 ; qu'elle a donc exécuté dans le délai de trois mois de la décision de restitution ; qu'il n'existe aucune disposition du code des douanes national prévoyant le versement des intérêts ; que c'est en vain que la société Feeder demande qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 208 du Livre des procédures fiscales qui prévoient le paiement des intérêts moratoires lorsque l'Etat est condamné un dégrèvement d'impôt et qui n'ont donc pas à trouver l'application en matière de douane ; qu'aux termes de l'article 1378 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, les intérêts sur la somme restituée ne sont dus à compter de son paiement indu que s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui l'a reçue ; que la mauvaise foi ne se présume pas et que la perception de droits résultant de l'application de la nomenclature de classification des produits dont l'interprétation et les règles de mise en oeuvre ont donné lieu, postérieurement, à une question préjudicielle et à une décision de la CJCE ne peut être constitutive de mauvaise foi de la part de l'administration ; que la demande en paiement d'intérêts au taux légal à compter de la date du paiement sera donc rejetée ; qu'en application de l'article 1153 du code civil, l'administration des douanes est redevable des intérêts de droit sur les sommes dues à titre de restitution de l'indu à compter, non pas de la demande de remboursement présentée par la société Feeder le 21 octobre 2010, mais de la date de l'assignation valent sommation de payer » (arrêt p. 8) ; 1° Alors que l'autonomie procédurale reconnue aux États membres, en vertu de laquelle, en l'absence de législation communautaire, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles de tels intérêts doivent être versés, notamment le taux et le mode de calcul de ces intérêts, est soumise au respect du principe d'effectivité, lequel impose que ces conditions ne soient pas aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; que, pour être conforme au principe d'effectivité, le calcul des intérêts afférents aux sommes perçues en violation du droit communautaire doit être effectué de sorte qu'il soit tenu compte de la période d'indisponibilité des sommes indûment payées, cette dernière allant de la date du paiement indu de la taxe en cause à la date de la restitution intégrale de celle-ci ; qu'en ne vérifiant pas si sa lecture du texte applicable consistant à refuser de faire porter intérêt aux droits de douane contraires au droit communautaire à partir de la date de leur versement, ne portait pas atteinte au principe d'effectivité, la cour d'appel a violé l'article 241 du code des douanes communautaires, ensemble le principe d'effectivité ; 2° Alors que, lorsque des droits à l'importation sont remboursés au motif qu'ils ont été perçus en violation du droit communautaire, il existe une obligation des États membres, découlant du droit communautaire, de payer aux justiciables ayant droit au remboursement des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date de paiement par ces justiciables des droits remboursés ; qu'en jugeant que ces intérêts courent, non pas à compter de la date de paiement de ces droits, mais à compter de la date de l'assignation valant sommation de payer, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 241 du code des douanes communautaires.
Les procès-verbaux d'infraction dressés par l'administration des douanes ont pour objet l'exercice par celle-ci de son droit de reprise, manifestant son intention de poursuivre le recouvrement des droits concernés, et ne sauraient avoir un effet interruptif de prescription pour le redevable, lequel, pour interrompre la prescription de son action en remboursement, doit accomplir un acte manifestant sa volonté d'obtenir ledit remboursement. Une cour d'appel en déduit exactement que la notification par l'administration des douanes des procès-verbaux qu'elle avait dressés n'interrompait pas la prescription de l'action en remboursement des droits précédemment acquittés, sans pour autant dénier au redevable le droit qu'il avait d'invoquer des éléments manifestant sa volonté d'obtenir la restitution des droits de douane qu'il estimait indus et d'interrompre ainsi le délai dans lequel il devait agir pour demander cette restitution
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COMM. MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 262 F-P+B Pourvoi n° Y 18-10.535 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020 La société Feeder, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Y 18-10.535 contre l'arrêt n° RG : 14/09098 rendu le 5 décembre 2017 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ au directeur général des douanes et droits indirects du Languedoc Roussillon, domicilié [...], 2°/ au receveur des douanes et droits indirects de Montpellier, domicilié [...], 3°/ au trésorier général des douanes et droits indirects, domicilié [...], défendeurs à la cassation. Le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et le trésorier général des douanes et droits indirects ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Feeder, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur général des douanes et droits indirects, du receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et du trésorier général des douanes et droits indirects, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Feeder que sur le pourvoi incident relevé par le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et le trésorier général des douanes et droits indirects ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 décembre 2017), que la société Feeder, spécialisée dans le commerce d'écrans informatiques, a importé des écrans à cristaux liquides pour les besoins de son activité ; qu‘à la suite de vérifications et d'un contrôle a posteriori, l'administration des douanes et droits indirects a contesté la position tarifaire sous laquelle ces écrans avaient été déclarés, en estimant que ceux-ci relevaient de la position 85.28 et lui a notifié divers procès-verbaux d'infractions pour fausses déclarations d'espèces ; que se conformant à l'interprétation de l'administration, la société Feeder a ensuite déclaré ses importations sous cette position tarifaire ; que par arrêt du 19 février 2009, la Cour de justice de l'Union européenne, saisie d'une question préjudicielle sur la position tarifaire 84.71, a dit que les moniteurs susceptibles de reproduire des signaux provenant non seulement d'une machine automatique de traitement de l'information, mais également d'autres sources ne pouvaient être exclus de cette position (CJUE, 19 février 2009, Kamino International Logistics, C 376/07) ; que par lettre du 21 octobre 2010, adressée à la recette principale des douanes de Nîmes, la société Feeder a demandé au directeur régional des douanes le remboursement des droits acquittés ; qu'après rejet de sa réclamation par celui-ci, la société Feeder l'a assigné en restitution de ces droits ; que durant l'instance, l'administration des douanes lui a remboursé les droits acquittés depuis le 21 octobre 2007 ; Sur le moyen unique du pourvoi principal : Attendu que la société Feeder fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite sa demande de restitution des droits acquittés avant le 21 octobre 2007 alors, selon le moyen : 1°/ que les dispositions de l'article 354 du code des douanes, interprétées à la lumière du principe d'égalité des armes, impliquent que la notification d'un procès-verbal de douane interrompt la prescription tant en faveur de l'administration que des contribuables ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 354 du code des douanes, ensemble le principe d'égalité des armes et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 2°/ que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes, qui visent sans distinction l'ensemble des droits et taxes « recouvrés par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects » (DGDDI), ont vocation à s'appliquer aussi bien aux droits et taxes perçus en application de textes nationaux qu'à ceux perçus en application de textes communautaires ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé et le principe communautaire d'équivalence ; 3°/ que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes ont vocation à s'appliquer non seulement dans le cas où l'invalidité d'un texte a été révélée par une décision juridictionnelle, mais aussi dans celui où l'illégalité de la pratique des autorités douanières nationales résulte de l'interprétation d'un texte communautaire donnée par une décision préjudicielle de la Cour de justice ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 4°/ que, si l'action en répétition de l'indu exercée par la société n'était pas enfermée dans le cadre de l'article 352 ter, elle suivait le régime du droit commun, tel que prévu par le code civil, sans obéir au régime des simples actions en réclamation douanières ; qu'en n'appliquant pas le droit commun à la situation de l'espèce, après avoir pourtant constaté que le droit spécial de la répétition de l'indu douanier ne s'appliquerait pas, la cour d'appel a violé les règles et principes relatifs à la répétition de l'indu, ensemble le principe communautaire d'effectivité et l'article 267 du TFUE ; Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce que l'action en restitution engagée par la société Feeder est soumise à l'article 236 du code des douanes communautaire ; qu'il retient ensuite que les procès-verbaux ne produisent d'effet que pour les seules déclarations douanières qu'ils relèvent, c'est-à-dire les seules déclarations douanières expressément visées et contrôlées, et que les procès-verbaux invoqués sont relatifs à d'autres opérations d'importation que celles concernées par la demande de restitution ; qu'il ajoute que les procès-verbaux qui sont ainsi établis ont pour objet l'exercice par l'administration de son droit de reprise et que le fait qu'il ne soient pas de nature à interrompre la prescription de l'action en restitution ne porte pas, en raison même de leur objet, atteinte au principe d'équilibre des droits des parties ; que de ces motifs, la cour d'appel a exactement déduit que la notification par l'administration des douanes des procès-verbaux qu'elle avait dressés n'interrompait pas la prescription de l'action en remboursement des droits de douane, sans pour autant dénier à la société Feeder le droit qu'elle avait d'invoquer des éléments manifestant sa volonté d'obtenir la restitution des droits de douane qu'elle estimait indus et d'interrompre ainsi le délai dans lequel elle devait agir pour demander cette restitution ; Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient que les droits de douane versés par la société Feeder l'ont été en raison de l'importation de matériels provenant d'un pays tiers à l'Union européenne et que l'action en restitution relève de l'application des dispositions de l'article 236 du code des douanes communautaire, alors en vigueur, et non de celles de l'article 352 ter du code des douanes, qui a seulement pour objet les taxes recouvrées par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects en application d'une législation nationale ; qu'il ajoute que les dispositions du code des douanes communautaire s'imposent du fait de la primauté du droit de l'Union ; que de ces seuls motifs, et abstraction faite du motif, surabondant, critiqué par la troisième branche, la cour d'appel a exactement déduit que la prescription opposée à la demande de la société Feeder était conforme au droit de l'Union ; Attendu, en dernier lieu, qu'ayant retenu que l'action en répétition de l'indu douanier exercée par la société Feeder était soumise aux dispositions de l'article 236 du code des douanes communautaire, la cour d'appel en a exactement déduit que ces dernières dispositions constituaient une loi spéciale dérogeant aux principe et délai de la répétition de l'indu prévus par le code civil et leur a ainsi fait produire leur plein effet ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le moyen unique du pourvoi incident : Attendu que le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes de Montpellier et le trésorier général des douanes font grief à l'arrêt de condamner l'administration des douanes à verser à la société Feeder des intérêts au taux légal pour les droits trop versés depuis le 21 octobre 2007 pour un montant de 21 632 euros à compter du jour de leur paiement alors, selon le moyen, 1°/ que l'administration des douanes ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues du jour de leur paiement que si elle est de mauvaise foi ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, sans rechercher si les services douaniers, qui n'ont eu connaissance de la position tarifaire devant être appliquée aux marchandises litigieuses, au plus tôt, qu'à la date de l'arrêt Kamino rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 19 février 2009, soit postérieurement au paiement des droits en cause, étaient de mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1378 du code civil ; 2°/ l'administration des douanes, lorsqu'elle est de bonne foi, ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues que du jour de la sommation de payer qui lui en a demandé le remboursement ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, tout en relevant que l'administration des douanes était tenue au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la demande en remboursement des droits de douane qu'elle a perçus par erreur en méconnaissance du droit communautaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'ancien article 1153 du code civil ; Mais attendu que par un arrêt du 18 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « lorsque des droits à l'importation [...] sont remboursés au motif qu'ils ont été perçus en violation du droit de l'Union, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, il existe une obligation des États membres, découlant du droit de l'Union, de payer aux justiciables ayant droit au remboursement des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date de paiement par ces justiciables des droits remboursés » (CJUE, 18 janvier 2017, O..., C-365/15) ; qu'en application de ce principe, l'administration des douanes qui, en violation du droit de l'Union, a perçu de la société Feeder des droits de douane correspondant à une position qui n'était pas celle qui aurait dû être appliquée, avait l'obligation de restituer à cette société les sommes versées assorties des intérêts ayant couru depuis la date de leur paiement ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ; que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à la solution de l'arrêt du 17 janvier 2017 (CJUE, 17 janvier 2017,O..., C-365/15), il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ; PAR CES MOTIFS, la Cour : Rejette les pourvois principal et incident ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Feeder, demanderesse au pourvoi principal. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la prescription était acquise pour les droits acquittés antérieurement au 21 octobre 2007 ; Aux motifs propres que « contrairement à ce que soutient l'appelante, un procès-verbal ne produit d'effet que relativement aux faits qu'il relève, c'est-à-dire en matière douanière par rapport aux déclarations douanières expressément visées et contrôlées ; que c'est pourquoi ces procès-verbaux qui n'ont pas été établis à l'occasion des déclarations d'importation dont s'agit, ne sont donc pas de nature à interrompre la prescription ; que la société Feeder invoque alors l'application de plusieurs dispositions du code des douanes et du code civil, que toutefois, le remboursement des droits que sollicite la société Feeder est afférente à l'importation de matériel provenant d'un pays hors de la Communauté européenne, pour une période comprise de 2006 à 2010 ; que s'appliquent donc les dispositions du CDC qui était alors en vigueur ; ( ) que le CDC ayant instauré un délai de prescription, du fait du principe de la suprématie du droit communautaire sur le droit interne, les dispositions du code des douanes relatives à la prescription, et celle du Code civil ne s'appliquent pas ; que la société Feeder invoque alors le principe d'équivalence de la protection juridictionnelle, de non discrimination juridictionnelle ou d'égalité de traitement, principe prétorien de la CJCE au motif que l'article 352 ter du code des douanes, s'il s'appliquait, permettrait de faire rétroagir le point de départ du délai de la prescription de la période répétible jusqu'au 1er janvier 2006 ; qu'en effet, la CJCE requiert que l'ensemble des règles de procédure nationales s'applique indifféremment au recours fondé sur la violation du droit de l'Union et aux recours similaires fondés sur la méconnaissance du droit interne ; que cependant en l'espèce, ce n'est pas le droit douanier français qui est mis en cause par la société Feeder comme étant moins protecteur, mais le droit communautaire lui-même ; qu'outre que le droit communautaire prime sur le droit interne national, et qu'il n'y a lieu à interprétation lorsque celui-ci est clair, l'article 352 ter du code des douanes ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ; qu'en effet, si l'article 352 du code des douanes alors applicable prévoit que le délai pour former une demande en restitution de droits et taxes est de trois ans, l'article 352 ter dispose dans sa version alors en vigueur : « Lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée à l'article 352 ne peut porter, sans préjudice des dispositions de l'article 352 bis, que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue » ; que la société Feeder explique que la période répétible remonterait au 1er janvier 2006 si ce texte s'appliquait ; que cependant, il a été rappelé ci-dessus les termes de l'arrêt Kamino, lequel est une décision interprétative suite à la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ; que, dès lors, cette décision n'invalide pas un quelconque texte législatif ; que, si l'administration des douanes française est tenue de tirer les conséquences de cet arrêt, le droit au remboursement de la société Feeder découle du droit communautaire lui-même et non de l'invalidation d'un texte ; que, dans le droit interne français, la prescription triennale serait identique à celle contenue dans le CDC ; que la société Feeder n'allègue pas, et a fortiori ne justifie pas, avoir été empêchée de déposer sa demande par suite d'un cas fortuit ou de force majeure ; qu'en conséquence, par application de l'article 236 du CDC, la prescription est acquise pour les droits acquittés antérieurement au 21 octobre 2007 ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point » (arrêt p. 8 à 10) ; Et aux motifs adoptés qu'en l'espèce, ce n'est pas le droit de reprise qui est en cause, mais le droit à remboursement ; qu'en outre, la perception des droits dont le remboursement est demandé n'a pas donné lieu à procès-verbal, leur paiement ayant été spontané, en exécution de renseignements tarifaires contraignants (RTC) précédemment notifiés par l'administration ; que l'effet interruptif des procès-verbaux ne pourrait être invoqué que si ces procès-verbaux concernaient les droits dont le remboursement est demandé ; que, de même, l'égalité des armes s'apprécie dans une instance donnée, et non, de façon générale, dans le cadre de relations non contentieuses continues entre une administration et un redevable ; que la prescription a donc couru pour les droits acquittés spontanément en conformité avec l'interprétation du tarif faite par l'administration française, sans être interrompue valablement par une demande formelle de remboursement, en dépit de la décision rendue par la juridiction européenne ; que s'il peut être précisé qu'une décision a le caractère juridictionnel dès lors qu'elle émane d'une juridiction, peu important que le contenu de l'acte de saisine qui a donné lieu à cette décision en fasse une décision tranchant le fond d'un litige ou une décision préjudicielle rendue à la demande d'une autre juridiction, il reste que l'arrêt Kamino n'a pas invalidé un texte, mais simplement interprété le tarif, de sorte que l'article 352 ter précité ne trouve pas à s'appliquer ; qu'en outre, les termes « droits » et « taxes » ne sont pas équivalents et interchangeables, les taxes étant définies en droit français comme des prélèvements assortis pour les personnes qui les acquittent d'une contrepartie, contrairement à l'impôt, même si la taxe sur la valeur ajoutée est en réalité un impôt, alors que les droits de douane, qui visent les seuls biens importés, sont désormais perçus aux frontières de l'Union européenne ; que les taxes visées par le Code des douanes sont celles perçues par cette administration ; que, dès lors, l'article 352 ter est également inapplicable à la présente espèce ; qu'il convient donc de s'en tenir au principe qui résulte de l'article 352 du code des douanes national ; que c'est donc bien un délai de prescription de trois ans à compter du 21 octobre 2010, soit jusqu'au 21 octobre 2007, qui doit s'appliquer » (jugement p. 4 et 5) ; 1° Alors que les dispositions de l'article 354 du code des douanes, interprétées à la lumière du principe d'égalité des armes, impliquent que la notification d'un procès-verbal de douane interrompt la prescription tant en faveur de l'administration que des contribuables ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 354 du code des douanes, ensemble le principe d'égalité des armes et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 2° Alors que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes, qui visent sans distinction l'ensemble des droits et taxes « recouvrés par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects » (DGDDI), ont vocation à s'appliquer aussi bien aux droits et taxes perçus en application de textes nationaux qu'à ceux perçus en application de textes communautaires ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé et le principe communautaire d'équivalence ; 3° Alors que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes ont vocation à s'appliquer non seulement dans le cas où l'invalidité d'un texte a été révélée par une décision juridictionnelle, mais aussi dans celui où l'illégalité de la pratique des autorités douanières nationales résulte de l'interprétation d'un texte communautaire donnée par une décision préjudicielle de la Cour de justice ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; 4° Alors enfin et en tout état de cause que, si l'action en répétition de l'indu exercée par la société n'était pas enfermée dans le cadre de l'article 352 ter, elle suivait le régime du droit commun, tel que prévu par le code civil, sans obéir au régime des simples actions en réclamation douanières ; qu'en n'appliquant pas le droit commun à la situation de l'espèce, après avoir pourtant constaté que le droit spécial de la répétition de l'indu douanier ne s'appliquerait pas, la cour d'appel a violé les règles et principes relatifs à la répétition de l'indu, ensemble le principe communautaire d'effectivité et l'article 267 du TFUE. Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et le trésorier général des douanes et droits indirects, demandeurs au pourvoi incident. Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR condamné l'administration des douanes à verser à la société Feeder des intérêts au taux légal pour les droits trop versés depuis le 21 octobre 2007 pour un montant de 21.632 euros à compter du jour de leur paiement ; AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne les intérêts moratoires, l'article 241 du code des douanes communautaire énonce : « le remboursement par les autorités douanières de montants de droits à l'importation ou de droits à l'exportation ainsi que des intérêts de crédit ou de retard éventuellement perçus à l'occasion de leur paiement, ne donne pas lieu au paiement d'intérêts par ces autorités. Toutefois, un intérêt est payé lorsque : - une décision donnant suite à une demande de remboursement n'est pas exécutée dans un délai de trois mois à partir de l'adoption de ladite décision, - les dispositions nationales le prévoient » ; qu'en premier lieu, certes, la décision de remboursement de l'administration des douanes de la somme de 21.632 euros à la société Feeder est en date du 30 avril 2014 et a été mise en paiement le 4 juillet 2014, soit dans le délai de 3 mois ; mais qu'en second lieu, si aucune disposition du code des douanes ne prévoit le paiement d'intérêts moratoires, la société Feeder sollicite l'application des dispositions de l'article 1378 du code civil qui dispose que, s'il y a eu une mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer tant le capital que les intérêts ou les fruits du jour du payement ; que la répétition de l'indu étant une institution commune au droit privé et au droit public interne, l'administration des douanes est tenue au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la demande en remboursement des droits de douane qu'elle a perçus par erreur en méconnaissance du droit communautaire ; que la condamnation à rembourser de l'administration des douanes sera donc assortie d'intérêts au taux légal à compter de leur paiement pour les droits trop versés depuis le 21 octobre 2007 ; 1°) ALORS QUE l'administration des douanes ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues du jour de leur paiement que si elle est de mauvaise foi ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, sans rechercher si les services douaniers, qui n'ont eu connaissance de la position tarifaire devant être appliquée aux marchandises litigieuses, au plus tôt, qu'à la date de l'arrêt Kamino rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 19 février 2009, soit postérieurement au paiement des droits en cause, étaient de mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1378 du code civil ; 2°) ALORS QUE l'administration des douanes, lorsqu'elle est de bonne foi, ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues que du jour de la sommation de payer qui lui en a demandé le remboursement ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, tout en relevant que l'administration des douanes était tenue au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la demande en remboursement des droits de douane qu'elle a perçus par erreur en méconnaissance du droit communautaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'ancien article 1153 du code civil.
Les dispositions de l'article 236 du code des douanes communautaire s'appliquent à l'action en restitution de droits versés en raison de l'importation de matériels provenant d'un pays tiers à l'Union européenne. Elles s'imposent du fait de la primauté du droit de l'Union et conduisent à écarter l'application des dispositions de l'article 352 ter du code des douanes, qui a seulement pour objet les taxes recouvrées par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects en application d'une législation nationale. Ayant retenu que l'action en répétition de l'indu douanier exercée par une société était soumise aux dispositions de l'article 236 du code des douanes communautaire, une cour d'appel en déduit exactement que ces dispositions constituent une loi spéciale dérogeant au principe et délai de la répétition de l'indu prévus par le code civil et leur fait ainsi produire leur plein effet
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 juin 2020 Cassation partielle M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 501 F-P+B sur premier moyen Pourvois n° S 18-23.869 T 18-23.870 U 18-23.871 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020 La société Orange, société anonyme, dont le siège est [...], a formé les pourvois n° S 18-23.869, T 18-23.870 et U 18-23.871 contre trois jugements rendus le 23 janvier 2018 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux (section commerce), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à M. O... T..., domicilié [...], 2°/ à Mme S... P..., domiciliée [...], 3°/ à Mme C... U..., domiciliée [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Orange, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. T..., après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 18-23.869, 18-23.870 et 18-23.871 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les jugements attaqués (Bordeaux, 23 janvier 2018), rendus en dernier ressort, M. T... et deux autres salariées, engagés en qualité d'agent d'accueil clientèle, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief aux jugements de le condamner à verser aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et d'ordonner sous astreinte la remise d'un bulletin de salaire rectifié alors « qu'il résulte de l'article 4.3.1 de la convention collective nationale des télécommunications qu' ''après 6 mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté, et en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'un accident, professionnel ou non, dûment constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la sécurité sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire national ou dans l'un des pays de la Communauté économique européenne'' ; que le salarié n'a vocation à être pris en charge par la sécurité sociale en cas d'interruption de travail qu'à la condition que cette interruption, quelle qu'en soit la durée, ait été déclarée à la CPAM par le biais d'un formulaire réglementaire signé par son médecin et dont un volet est destiné à l'employeur ; qu'en l'absence de remise de ce formulaire seul susceptible de permettre la prise en charge par la sécurité sociale, l'employeur n'est pas tenu de verser un complément d'indemnisation au salarié absent ; qu'au cas présent, il est constant que les salariés, qui avaient été absents, n'ont jamais remis à l'employeur le volet du formulaire d'interruption de travail signé par son médecin, de sorte que la société Orange n'était pas tenue de leur verser un complément d'indemnisation ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que les salariés étaient bien affiliés à la sécurité sociale, le conseil de prud'hommes a violé l'article 4.3.1 de la convention collective nationale des télécommunications, ensemble les articles L. 321-2 et R. 321-2 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. L'article 4.3.1 de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000 dispose qu'après 6 mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté, et en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'un accident, professionnel ou non, dûment constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la sécurité sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire national ou dans l'un des pays de la Communauté économique européenne. 5. Il en résulte que le bénéfice du dispositif conventionnel de complément d'indemnisation à la sécurité sociale n'implique pas la nécessité pour l'intéressé de percevoir une prestation de la caisse, mais simplement celle d'avoir la qualité d'assuré social. 6. C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu que l'absence de remise à l'employeur du formulaire prévu par l'article L. 321-2 du code de la sécurité sociale ne pouvait faire obstacle au maintien de la rémunération des salariés dans les conditions prévues par le texte conventionnel. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen : Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief aux jugements de le condamner à verser à chacun des salariés une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail alors « que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et qu'il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, la société Orange faisait valoir que le salarié ne justifiait d'aucun préjudice distinct de l'absence de versement du complément d'indemnisation ; qu'en condamnant néanmoins la société Orange à des dommages-intérêts au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail sans constater l'existence d'un quelconque préjudice en résultant pour le salarié, ni aucun préjudice distinct de la perte de rémunération pour laquelle il avait déjà condamné la société Orange à un rappel de salaire, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civile, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1153, alinéa 4, du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 9. Selon ce texte, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. 10. Pour condamner l'employeur à verser à chacun des salariés des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que le syndicat CGT Orange avait interpellé l'employeur à deux reprises, les 25 et 29 février 2016, à propos d'une violation des termes de l'article 4.3.1 de la convention collective des télécommunications, que le syndicat avait par la suite été conforté par l'avis de deux inspecteurs du travail, qu'en maintenant la retenue sur salaires du salarié sans motif valable, l'employeur avait mis fin aux échanges avec le syndicat CGT Orange, s'était privé du pouvoir de conciliation de l'Inspection du travail dans cette affaire et avait indûment retenu le salaire des salariés, que l'exécution déloyale du contrat de travail était, dès lors, constituée. 11. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice indépendant du simple retard dans le paiement des salaires causé par la mauvaise foi de l'employeur, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Orange à verser à M. T..., à Mme P... et à Mme U... la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, les jugements rendus le 23 janvier 2018, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Bordeaux ; Remet, sur ce point, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Libourne ; Condamne M. T..., Mme P... et Mme U... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Orange, demanderesse au pourvoi n° S 18-23.869 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Orange à verser à M. T... des sommes de 86,54 à titre de rappel de salaire et 8,65 € au titre des congés payés afférents et de 300 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et d'avoir ordonné sous astreinte la remise d'un bulletin de salaire rectifié ; AUX MOTIFS QUE : Sur le rappel de salaire : les articles 3-1 et 3-2 du Règlement Intérieur ORANGE précisent que "tout retard doit être justifié auprès du responsable hiérarchique, ou en cas d'absence de ce dernier auprès de son remplaçant ou du N+2. Les retards réitérés non justifiés peuvent entraîner une des sanctions prévues dans le présent règlement intérieur" et que "toute absence pour maladie ou accident doit être signalée auprès du responsable hiérarchique avant le début de la vacation non assurée et régularisée dans les 48 heures par l'envoi d'un certificat médical. La règle est la même pour les prolongations d'arrêt de travail" ; que également l'article 4-3-1 de la Convention Collective nationale des télécommunications stipule que "après six mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la Sécurité Sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la Sécurité Sociale ; qu'en l'espèce, le salarié s'est trouvé en arrêt pour maladie le 29 février 2016. Il a produit dans les 48 heures un certificat médical du docteur ESCALETTES-DAHRAN, ce que confirme l'employeur. Il confirme également avoir procédé à une retenue sur salaire pour absence de production par Monsieur T... du document CERFA relatif à l'arrêt de travail ; que le Conseil constate que la production d'un tel document CERFA n'est stipulée ni par le règlement intérieur (qui n'évoque que la production d'un certificat médical), ni par un accord interne ni une quelconque note de service. Les inspecteurs du travail, Messieurs D... et I... avaient d'ailleurs déjà dressé le même constat en mars 2016. La SA ORANGE avait alors nécessairement été tenue informée de cet avis. La SA ORANGE a persévéré dans sa position sans pouvoir asseoir cette dernière sur un texte légal, un accord ou les dispositions du Règlement intérieur ; que le Conseil dit que la production d'un document CERFA en cas de maladie de Monsieur T... ne revêtait aucun caractère obligatoire et ne pouvait donner lieu à sanction à l'encontre du salarié ; que la SA ORANGE évoque les termes de l'article 4-3-1 de la Convention Collective des Télécommunications et, notamment, la nécessaire prise en charge du salarié absent par la Sécurité Sociale. L'affiliation à la Sécurité Sociale a pourtant été nécessairement vérifiée et enregistrée à l'embauche du salarié. La SA ORANGE appose, par ailleurs, chaque mois, le numéro de Sécurité Sociale de Monsieur T... sur chacun de ses bulletins de salaire. Dit que l'argument ne peut donc être valablement retenu ; que condamne en conséquence la SA ORANGE au paiement d'un rappel de salaire de Monsieur T... à hauteur de la somme de 86,54 euros bruts et de 8,65 euros de congés payés afférents ; qu'ordonne la remise du bulletin de salaire rectifié sous astreinte de la somme de 30,00 euros par jour de retard à partir du 15ème jour à compter du prononcé du présent jugement, le Conseil se réservant la faculté de liquider l'astreinte le cas échéant » ; ALORS QU'il résulte de l'article 4-3-1 de la convention collective nationale des télécommunications qu' « après 6 mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté, et en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'un accident, professionnel ou non, dûment constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la sécurité sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire national ou dans l'un des pays de la Communauté économique européenne » ; que le salarié n'a vocation à être pris en charge par la sécurité sociale en cas d'interruption de travail qu'à la condition que cette interruption, quelle qu'en soit la durée, ait été déclarée à la CPAM par le biais d'un formulaire réglementaire signé par son médecin et dont un volet est destiné à l'employeur ; qu'en l'absence de remise de ce formulaire seul susceptible de permettre la prise en charge par la sécurité sociale, l'employeur n'est pas tenu de verser un complément d'indemnisation au salarié absent ; qu'au cas présent, il est constant que le salarié, qui avait été absent, n'a jamais remis à l'employeur le volet du formulaire d'interruption de travail signé par son médecin, de sorte que la société Orange n'était pas tenue de lui verser un complément d'indemnisation ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que M. T... était bien affilié à la sécurité sociale, le conseil de prud'hommes a violé l'article 4-3-1 de la convention collective nationale des télécommunications, ensemble les articles L. 321-2 et R. 321-2 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Orange à verser à M. T... une somme de 300 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; AUX MOTIFS QUE « sur l'exécution déloyale du contrat de travail : que l'article L. 1222-1 du Code du travail stipule que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi » ; qu'en l'espèce, le syndicat CGT ORANGE avait interpellé l'employeur à deux reprises, les 25 et 29 février 2016, à propos d'une violation des termes de l'article 4-3-1 de la Convention Collective des Télécommunications. Le syndicat a par la suite été conforté par l'avis de deux inspecteurs du travail ; qu'en maintenant la retenue sur salaires de Monsieur T... sans motif valable, l'employeur a mis fin aux échanges avec le syndicat CGT ORANGE, s'est privé également du pouvoir de conciliation de l'Inspection du travail dans cette affaire et a indûment retenu le salaire de Monsieur T... ; dit que l'exécution déloyale du contrat de travail est, dès lors, constituée ; que condamne en conséquence la SA ORANGE au paiement de la somme de 300,00 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en violation des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail » ; ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et qu'il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, la société Orange faisait valoir que le salarié ne justifiait d'aucun préjudice distinct de l'absence de versement du complément d'indemnisation ; qu'en condamnant néanmoins la société Orange à des dommages-intérêts au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail sans constater l'existence d'un quelconque préjudice en résultant pour le salarié, ni aucun préjudice distinct de la perte de rémunération pour laquelle il avait déjà condamné la société Orange à un rappel de de salaire, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civile, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Orange, demanderesse au pourvoi n° T 18-23.70 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Orange à verser à Mme P... des sommes de 486,44 à titre de rappel de salaire et 48,64 € au titre des congés payés afférents et de 300 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'avoir ordonné sous astreinte la remise d'un bulletin de salaire rectifié ; AUX MOTIFS QUE « Sur les rappels de salaire : Attendu que les articles 3-1 et 3-2 du Règlement Intérieur ORANGE précisent que "tout retard doit être justifié auprès du responsable hiérarchique, ou en cas d'absence de ce dernier auprès de son remplaçant ou du N+2. Les retards réitérés non justifiés peuvent entraîner une des sanctions prévues dans le présent règlement intérieur" et que "toute absence pour maladie ou accident doit être signalée auprès du responsable hiérarchique avant le début de la vacation non assurée et régularisée dans les 48 heures par l'envoi d'un certificat médical. La règle est la même pour les prolongations d'arrêt de travail". Attendu également que l'article 4-3-1 de la Convention Collective nationale des télécommunications stipule que "après six mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la Sécurité Sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la Sécurité Sociale". En l'espèce, la salariée s'est trouvée en arrêt pour maladie à hauteur de 6 jours entre mars et mai 2016. La SA ORANGE confirme avoir procédé à des retenues sur salaires pour absence injustifiée à défaut de production du document CERFA relatif à l'arrêt de travail. Le Conseil constate que la production d'un tel document CERFA n'est stipulée ni par le règlement intérieur (qui n'évoque que la production d'un certificat médical), ni par un accord interne ni une quelconque note de service. Les inspecteurs du travail, Messieurs D... et I... avaient d'ailleurs déjà dressé le même constat en mars 2016. La SA ORANGE avait alors nécessairement été tenue informée de cet avis. La SA ORANGE a persévéré dans sa position sans pouvoir asseoir cette dernière sur un texte légal, un accord ou les dispositions du Règlement intérieur. Le Conseil dit que la production d'un document CERFA en cas de maladie de Madame P... ne revêtait aucun caractère obligatoire et ne pouvait donner lieu à sanction à l'encontre de la salariée. La SA ORANGE évoque les termes de l'article 4-3-1 de la Convention Collective des Télécommunications et, notamment, la nécessaire prise en charge de la salariée absente par la Sécurité Sociale. L'affiliation à la Sécurité Sociale a pourtant été nécessairement vérifiée et enregistrée à l'embauche de la salariée. La SA ORANGE appose, par ailleurs, chaque mois, le numéro de Sécurité Sociale de Madame P... sur chacun de ses bulletins de salaire. Dit que l'argument ne peut donc être valablement retenu. Condamne en conséquence la SA ORANGE au paiement de rappels de salaire de Madame P... à hauteur de la somme de 486,44 euros brut et de 48,64 euros de congés payés afférents entre mars et mai 2016. Ordonne la remise de bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de la somme de 30,00 euros par jour de retard à partir du 15ème jour à compter du prononcé du présent jugement, le Conseil se réservant la faculté de liquider l'astreinte le cas échéant » ; ALORS QU'il résulte de l'article 4-3-1 de la convention collective nationale des télécommunications qu' « après 6 mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté, et en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'un accident, professionnel ou non, dûment constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la sécurité sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire national ou dans l'un des pays de la Communauté économique européenne » ; que le salarié n'a vocation à être pris en charge par la sécurité sociale en cas d'interruption de travail qu'à la condition que cette interruption, quelle qu'en soit la durée, ait été déclarée à la CPAM par le biais d'un formulaire réglementaire signé par son médecin et dont un volet est destiné à l'employeur ; qu'en l'absence de remise de ce formulaire seul susceptible de permettre la prise en charge par la sécurité sociale, l'employeur n'est pas tenu de verser un complément d'indemnisation au salarié absent ; qu'au cas présent, il est constant que la salariée, qui avait été absente à six reprises, n'a jamais remis à l'employeur le volet du formulaire d'interruption de travail signé par son médecin, de sorte que la société Orange n'était pas tenu de lui verser un complément d'indemnisation ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que Mme P... était bien affiliée à la sécurité sociale, le conseil de prud'hommes a violé l'article 4-3-1 de la convention collective nationale des télécommunications, ensemble les articles L. 321-2 et R. 321-2 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Orange à verser à Mme P... une somme de 300 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; AUX MOTIFS QUE « Sur l'exécution déloyale du contrat de travail : Attendu que l'article L. 1222-1 du Code du travail stipule que "le contrat de travail est exécuté de bonne foi". En l'espèce, le syndicat CGT ORANGE avait interpellé l'employeur à deux reprises, les 25 et 29 février 2016, à propos d'une violation des termes de l'article 4-3-1 de la Convention Collective des Télécommunications. Le syndicat a par la suite été conforté par l'avis de deux inspecteurs du travail. En maintenant la retenue sur salaires de Madame P... sans motif valable, l'employeur a mis fin aux échanges avec le syndicat CGT ORANGE, s'est privé également du pouvoir de conciliation de l'Inspection du travail dans cette affaire et a indûment retenu le salaire de Madame P.... Dit que l'exécution déloyale du contrat de travail est, dès lors, constituée. Condamne en conséquence la SA ORANGE au paiement de la somme de 300,00 euros brut au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en violation des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail » ; ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et qu'il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, la société Orange faisait valoir que la salariée ne justifiait d'aucun préjudice distinct de l'absence de versement du complément d'indemnisation ; qu'en condamnant néanmoins la société Orange à des dommages-intérêts au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail sans constater l'existence d'un quelconque préjudice en résultant pour la salariée, ni aucun préjudice distinct de la perte de rémunération pour laquelle il avait déjà condamné la société Orange à un rappel de salaire, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civile, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Orange, demanderesse au pourvoi n° U 18-23.871 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Orange à verser à Mme U... des sommes de 75,54 € à titre de rappel de salaire et 7,55 € au titre des congés payés afférents et de 300 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'avoir ordonné sous astreinte la remise d'un bulletin de salaire rectifié ; AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel de salaire : Attendu que les articles 3-1 et 3-2 du Règlement Intérieur ORANGE précisent que "tout retard doit être justifié auprès du responsable hiérarchique, ou en cas d'absence de ce dernier auprès de son remplaçant ou du N+2. Les retards réitérés non justifiés peuvent entraîner une des sanctions prévues dans le présent règlement intérieur" et que "toute absence pour maladie ou accident doit être signalée auprès du responsable hiérarchique avant le début de la vacation non assurée et régularisée dans les 48 heures par l'envoi d'un certificat médical. La règle est la même pour les prolongations d'arrêt de travail". Attendu également que l'article 4-3-1 de la Convention Collective nationale des télécommunications stipule que "après six mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la Sécurité Sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la Sécurité Sociale". En l'espèce, la salariée s'est trouvée en arrêt pour maladie le 08 avril 2016. Elle a produit un certificat médical du docteur X..., pour le compte de SOS MEDECINS. La SA ORANGE confirme avoir procédé à des retenues sur salaires pour absence injustifiée à défaut de production du document CERFA relatif à l'arrêt de travail. Le Conseil constate que la production d'un tel document CERFA n'est stipulée ni par le règlement intérieur (qui n'évoque que la production d'un certificat médical), ni par un accord interne ni une quelconque note de service. Les inspecteurs du travail, Messieurs D... et I... avaient d'ailleurs déjà dressé le même constat en mars 2016. La SA ORANGE avait alors nécessairement été tenue informée de cet avis. La SA ORANGE a persévéré dans sa position sans pouvoir asseoir cette dernière sur un texte légal, un accord ou les dispositions du Règlement intérieur. Le Conseil dit que la production d'un document CERFA en cas de maladie de Madame U... ne revêtait aucun caractère obligatoire et ne pouvait donner lieu à sanction à l'encontre de la salariée. La SA ORANGE évoque les termes de l'article 4-3-1 de la Convention Collective des Télécommunications et, notamment, la nécessaire prise en charge de la salariée absente par la Sécurité Sociale. L'affiliation à la Sécurité Sociale a pourtant été nécessairement vérifiée et enregistrée à l'embauche de la salariée. La SA ORANGE appose, par ailleurs, chaque mois, le numéro de Sécurité Sociale de Madame U... sur chacun de ses bulletins de salaire. Dit que l'argument ne peut donc être valablement retenu. Condamne en conséquence la SA ORANGE au paiement d'un rappel de salaire de Madame U... à hauteur de la somme de 75,54 euros brut et de 7,55 euros de congés payés afférents. Ordonne la remise de bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de la somme de 30,00 euros par jour de retard à partir du 15ème jour à compter du prononcé du présent jugement, le Conseil se réservant la faculté de liquider l'astreinte le cas échéant » ; ALORS QU'il résulte de l'article 4-3-1 de la convention collective nationale des télécommunications qu' « après 6 mois d'ancienneté, à la date du premier jour d'arrêt médicalement constaté, et en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'un accident, professionnel ou non, dûment constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficie des compléments d'indemnisation à la sécurité sociale ci-après, à condition d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité et d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire national ou dans l'un des pays de la Communauté économique européenne » ; que le salarié n'a vocation à être pris en charge par la sécurité sociale en cas d'interruption de travail qu'à la condition que cette interruption, quelle qu'en soit la durée, ait été déclarée à la CPAM par le biais d'un formulaire réglementaire signé par son médecin et dont un volet est destiné à l'employeur ; qu'en l'absence de remise de ce formulaire seul susceptible de permettre la prise en charge par la sécurité sociale, l'employeur n'est pas tenu de verser un complément d'indemnisation au salarié absent ; qu'au cas présent, il est constant que la salariée, qui avait été absente, n'a jamais remis à l'employeur le volet du formulaire d'interruption de travail signé par son médecin, de sorte que la société Orange n'était pas tenu de lui verser un complément d'indemnisation ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que Mme U... était bien affiliée à la sécurité sociale, le conseil de prud'hommes a violé l'article 4-3-1 de la convention collective nationale des télécommunications, ensemble les articles L. 321-2 et R. 321-2 du code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Orange à verser à Mme U... une somme de 300 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; AUX MOTIFS QUE « Sur l'exécution déloyale du contrat de travail : Attendu que l'article L. 1222-1 du Code du travail stipule que "le contrat de travail est exécuté de bonne foi". En l'espèce, le syndicat CGT ORANGE avait interpellé l'employeur à deux reprises, les 25 et 29 février 2016, à propos d'une violation des termes de l'article 4-3-1 de la Convention Collective des Télécommunications. Le syndicat a par la suite été conforté par l'avis de deux inspecteurs du travail. En maintenant la retenue sur salaires de Madame U... sans motif valable, l'employeur a mis fin aux échanges avec le syndicat CGT ORANGE, s'est privé également du pouvoir de conciliation de l'Inspection du travail dans cette affaire et a indûment retenu le salaire de Madame U... . Dit que l'exécution déloyale du contrat de travail est, dès lors, constituée. Condamne en conséquence la SA ORANGE au paiement de la somme de 300,00 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en violation des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail » ; ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et qu'il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, la société Orange faisait valoir que la salariée ne justifiait d'aucun préjudice distinct de l'absence de versement du complément d'indemnisation ; qu'en condamnant néanmoins la société Orange à des dommages-intérêts au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail sans constater l'existence d'un quelconque préjudice en résultant pour la salariée, ni aucun préjudice distinct de la perte de rémunération pour laquelle il avait déjà condamné la société Orange à un rappel de salaire, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civile, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Il résulte de l'article 4.3.1 de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000 que le bénéfice du dispositif conventionnel de complément d'indemnisation à la sécurité sociale n'implique pas la nécessité pour l'intéressé de percevoir une prestation de la caisse, mais simplement celle d'avoir la qualité d'assuré social. Doit être approuvé le conseil de prud'hommes qui retient que l'absence de remise à l'employeur du formulaire prévu par l'article L. 321-2 du code de la sécurité sociale ne peut faire obstacle au maintien de la rémunération des salariés dans les conditions prévues par le texte conventionnel
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N° F 19-85.733 FS-P+B+I N° 887 SM12 23 JUIN 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 JUIN 2020 REJET sur le pourvoi formé par la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie Française, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 6 juin 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. P... R... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires en demande et en défense ont été produits. Sur le rapport de M. Lavielle, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie Française, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. P... R..., M. Q... V..., la compagnie d'assurances Generali et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Samuel, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Méano, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 5 août 2012, à Punaauia (Polynésie française), M. P... R..., à l'occasion de la conduite d'un véhicule assuré auprès de la compagnie Generali, a occasionné des blessures à M. Q... V..., affilié à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (la CPS). M. V... a subi quelques jours d'hospitalisation. 3. Par jugement du 5 décembre 2014, le tribunal correctionnel a notamment déclaré M. R... coupable de blessures involontaires, l'a condamné pénalement, a admis la constitution de partie civile de M. V... et recevant la CPS en son intervention a renvoyé sur intérêts civils. 4. Par jugement rendu le 19 août 2015, le tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils a constaté le désistement présumé de partie civile de M. V..., et condamné M. R... au paiement à la CPS de la somme de 1 102 655 CFP en remboursement des prestations servies à la victime. 5. La compagnie Generali, intervenante volontaire, a relevé appel de ce jugement limité aux débours de la CPS. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles L. 174-3, L. 376-1 du code de la sécurité sociale, 591 et 593 du code de procédure pénale et de l'arrêté du 28 décembre 2011 rendant exécutoire la délibération n° 39-2011 CHPF du 15 décembre 2011 de l'établissement public dénommé Centre hospitalier de la Polynésie française fixant les nouveaux tarifs applicables pour l'année. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce « qu'il a condamné M. R... à payer à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie Française une somme limitée à 444 178 CFP au titre des prestations servies à M. V..., dont 209 117 CFP pour les frais d'hospitalisation, alors que l'arrêté n° 2284 CM du 28 décembre 2011 fixant les prix de journée d'hospitalisation pour les personnes autres que celles relevant du régime général des salariés (RGS), du RNS et du RSPF détermine, pour tous les ressortissants et tous les régimes de protection sociale, les tarifs applicables au titre des divers soins ; qu'en faisant application de l'outil PMSI revendiqué par la compagnie d'assurances Generali quand la Caisse de prévoyance justifiait de sa créance de 1 102 655 CFP au titre des frais d'hospitalisation au centre hospitalier de Polynésie Française par la juste application d'un tarif arrêté par voie réglementaire en fonction de la nature des soins dispensés, résultant de cet arrêté du 28 décembre 2011 rendant exécutoire la délibération n° 39-2011 CHPF du 15 décembre 2011 fixant les nouveaux tarifs applicables pour l'année, la cour d'appel a violé les dispositions de cet arrêté, ainsi que les articles, L. 174-3, L. 376-1 du code de la sécurité sociale, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour infirmer le jugement sur les sommes allouées à la CPS, et condamner M. R... à payer à ladite caisse la somme de 444 178 CFP au titre des prestations servies pour le compte de M. V..., dont 209 117 CFP pour les frais d'hospitalisation, l'arrêt attaqué, déclaré opposable à la compagnie Generali, énonce notamment, qu'en 2012, année de l'accident survenu à M. V..., relevant du régime général des salariés (RGS) à la CPS, la délibération n° 39-2011 du 15 décembre 2011 prise par le conseil d'administration du centre hospitalier de Polynésie française (CHPF) proposant les tarifs applicables pour l'exercice 2012, rendue exécutoire par l'arrêté n° 2284 CM du 28 décembre 2011, fixait dans son article 1er, « les prix de journée d'hospitalisation complète ... applicables aux personnes ne relevant pas du RGS, du RNS ou du RSP » en fonction du service concerné. 9. Les juges ajoutent qu'en application de l'article 3 de l'ordonnance n° 92-1146 du 12 octobre 1992 portant extension et adaptation dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna de certaines dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, les organismes gérant un régime obligatoire de sécurité sociale et plus particulièrement la CPS, ont le droit d'exercer un recours subrogatoire pour les prestations qu'elles ont versées à M. V..., victime, notamment au titre des frais d'hospitalisation. 10. Ils indiquent encore, que par jugement du 12 mars 2019, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 20 octobre 2017 relatif aux règles applicables aux montants des prestations au titre des différents régimes de protection sociale dans le cadre de l'exercice des recours contre tiers de la CPS qui prévoyait son application aux instances en cours et qu'il ne peut donc plus être utilement invoqué. 11. Ils précisent que la délibération du 15 décembre 2011 prise par le CHPF proposant les tarifs applicables pour l'exercice 2012 sur laquelle la CPS avait initialement fondé ses prétentions, est, comme l'indique son article 1er, inapplicable à M. V... qui relève du régime salarié de la CPS. 12. Ils en déduisent que la proposition de Generali de calculer les frais à l'aide de l'outil PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information) utilisé par le CHPF, outil fiable pour calculer des frais d'hospitalisation en fonction du nombre de jours et du service d'affectation et les seules autres pièces produites, conduisent à évaluer à la somme de 209 117 CFP les frais d'hospitalisation payés par la CPS pour le compte de M. V.... 13. En l'état de ces motifs, et dès lors qu'ayant constaté l'inapplicabilité de l'arrêté du 20 octobre 2017 annulé et de l'arrêté du 28 décembre 2011 aux personnes assurées au titre du régime général des salariés, il lui appartenait de déterminer souverainement le montant de la somme à allouer à la CPS au titre de son recours subrogatoire pour les prestations versées, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 14. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française devra payer à la société Generali au titre de l'article 618 -1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille vingt.
Il appartient à la cour d'appel qui constate l'annulation d'un arrêté du 20 octobre 2017 relatif aux règles applicables aux montant des prestations hospitalières dans le cadre de l'exercice des recours contre tiers de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (CPS) et l'inapplicabilité aux personnes assurées au titre du régime général des salariés d'un arrêté du 28 décembre 2011, invoqués au cas d'espèce, de déterminer souverainement le montant de la somme à allouer à la CPS au titre de son recours subrogatoire pour les prestations versées au regard des autres documents versés aux débats. Justifie sa décision la cour d'appel qui retient l'outil « Programme de médicalisation des systèmes d'information » ( PMSI), produit par l'une des parties, pour fixer ce montant
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N° S 19-84.961 FS-P+B+I N° 905 EB2 24 JUIN 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2020 REJET sur les pourvois formés par Mme W... DF... agissant en qualité de représentante légale de T... NF..., R... NF..., G... NF... et I... NO..., et la société Eureka, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 juin 2019, qui, statuant après cassation (Crim., 20 mars 2019, pourvoi n° 18-82.198, Bull. crim. 2019, n° 60), a prononcé sur une demande de restitution d'objet saisi. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme W... DF..., de la société Eureka, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, M. Salomon, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un jugement du tribunal correctionnel en date du 16 décembre 2013 ayant constaté l'extinction de l'action publique par suite du décès d'G... NO..., Mme W... DF... agissant en qualité de représentante légale de T... NF..., R... NF..., G... NF... et I... NO..., notamment, a saisi, le 13 janvier 2016, le procureur général d'une requête en restitution de la somme de 14 060 euros qui aurait appartenu à leur auteur, ainsi que d'un immeuble situé à Le Chesnay (78), appartenant à la société civile immobilière Eureka qui avait pour associés G... NO... et ses enfants. 3. Par courrier du 23 février 2017, le procureur général a rejeté la requête au motif qu'il avait été définitivement statué sur l'action publique à l'égard d'G... NO... par jugement du 16 décembre 2013 et que, ces biens n'ayant pas été réclamés dans le délai de six mois ayant suivi cette décision, ils étaient devenus propriété de l'Etat. 4. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 mars 2017, les requérants ont déféré cette décision à la chambre de l'instruction. 5. Par arrêt du 6 mars 2018, la chambre de l'instruction a déclaré le recours irrecevable au motif que le courrier du 23 février 2017 ne constituait pas une décision de non-restitution susceptible d'un recours devant la chambre de l'instruction. 6. Par arrêt susvisé du 20 mars 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable le recours contre la non-restitution de la somme de 14 060 euros, considérant que la chambre de l'instruction avait méconnu le principe selon lequel, en application de l'article 41-4 du code de procédure pénale, toute décision de non-restitution d'un objet placé sous main de justice, prise par le procureur de la République ou le procureur général dans les conditions prévues au premier alinéa de ce texte, peut être déférée à la chambre de l'instruction par la personne intéressée, que le refus ou l'irrecevabilité opposée à la demande soit fondé sur l'un des motifs mentionnés au deuxième alinéa ou sur la circonstance que l'objet réclamé est devenu la propriété de l'Etat par suite de l'expiration du délai de six mois fixé au troisième alinéa. 7. L'affaire a été renvoyée devant la même chambre de l'instruction, autrement composée. Examen des moyens Sur le premier moyen 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen est pris de la violation de l'article 41-4 du code de procédure pénale. 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande formulée par Mme W... DF..., ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs, tendant à ce que la somme de 14 060 euros leur soit restituée, alors : « 1°/ qu'en jugeant que les enfants mineurs de M. NO..., c'est-à-dire M. T... NF..., M. R... NF..., M. G... NF... et Mme I... NO..., qui n'avaient pas sollicité la restitution de la somme de 14 060 euros dans les six mois de la décision du 16 décembre 2013 constatant l'extinction de l'action publique à l'égard de leur père, en avaient nécessairement eu connaissance pour avoir déposé une première requête en restitution le 14 février 2014 (arrêt, p. 8 § 4 et s.), quand cette requête avait été présentée par d'autres héritiers de M. N... O..., la chambre de l'instruction, qui n'a pas caractérisé en quoi les intéressés avaient eu connaissance de la décision constatant l'extinction de l'action publique, a violé l'article 41-4 du code de procédure pénale ; 2°/ que, en toute hypothèse, en se bornant à énoncer que le jugement du 16 décembre 2013, par lequel le tribunal correctionnel de Versailles a constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre de M. NO..., avait été « porté à la connaissance » des héritiers de M. NO... (arrêt, p. 8 § 6), la chambre de l'instruction, qui n'a pas vérifié si le ministère public établissait que la décision avait bien été communiquée aux requérants ou à leur représentante, et à quelle date elle l'avait été, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 41-4 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 11. Pour rejeter la demande de restitution de la somme de 14 060 euros, l'arrêt relève, après avoir rappelé les dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale et la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2014-406 QPC du 9 juillet 2014, que la dernière juridiction saisie à avoir statué sur l'action publique, au sens des dispositions précitées, est le tribunal correctionnel qui, le 16 décembre 2013, statuant sur les poursuites pour blanchiment aggravé, a constaté l'extinction de l'action publique par suite du décès du prévenu. 12. Les juges ajoutent que les héritiers d'G... NO... ont saisi le tribunal correctionnel d'une première demande de restitution de scellés par une requête en date du 14 février 2014, à la suite du jugement rendu le 16 décembre 2013 par le tribunal correctionnel, que cette requête ne visait pas la présente demande de restitution de numéraires, et qu'un jugement contradictoire a été rendu à ce sujet le 1er avril 2015, suivi d'un arrêt du 2 décembre 2015 d'infirmation. 13. Ils concluent que ces éléments permettent de considérer que la décision du 16 décembre 2013 a bien été portée à la connaissance des héritiers requérants et que, dès lors, il convient de constater que plus de six mois se sont écoulés à la date de la requête en restitution adressée au procureur général le 13 janvier 2016, de sorte qu'il apparaît ainsi que, non réclamée dans les six mois ayant suivi le rendu du jugement du 16 décembre 2013, la somme de 14 060 euros est devenue propriété de l'Etat sous réserve des droits des tiers, en application des dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale. 14. C'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que le seul fait que la demanderesse ait eu connaissance du jugement du 16 décembre 2013, à la date du 14 février 2014, suffisait à faire courir le délai de six mois prévu par le dernier alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale. 15. En effet, la chambre de l'instruction ne peut rejeter, au motif de l'écoulement d'un délai de six mois, une demande de restitution présentée par une personne qui n'a pas été informée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale de la décision de classement sans suite ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence sans statuer sur la restitution des biens placés sous main de justice, mais dont le titre est connu, ou qui a réclamé cette qualité au cours de l'enquête ou de la procédure au plus tard dans un délai de six mois à compter de la décision, qu'après avoir constaté, d'une part, que la preuve de la notification de la décision, ainsi que de la date de celle-ci, est rapportée par le ministère public, d'autre part, qu'il s'est écoulé plus de six mois entre la date de la notification et celle de la demande de restitution. 16. Or, en l'espèce, le jugement du 16 décembre 2013 n'a pas été notifié à la demanderesse par le ministère public. 17. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure. 18. En effet, la demanderesse ayant présenté au nom de ses enfants mineurs une requête en restitution le 14 février 2014, elle ne saurait prétendre avoir été empêchée d'agir dans le délai de six mois du fait du défaut de notification du jugement du 16 décembre 2013. 19. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre juin deux mille vingt.
Pour rejeter, au motif de l'écoulement du délai de six mois, prévu par le dernier alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, une demande de restitution présentée par une personne qui n'a pas été informée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale de la décision de classement sans suite ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence sans statuer sur la restitution des biens placés sous main de justice, mais dont le titre est connu, ou qui a réclamé cette qualité au cours de l'enquête ou de la procédure au plus tard dans un délai de six mois à compter de la décision, la chambre de l'instruction doit avoir constaté, d'une part, que la preuve de la notification de la décision, ainsi que de la date de celle-ci, est rapportée par le ministère public, d'autre part, qu'il s'est écoulé plus de six mois entre la date de la notification et celle de la demande de restitution
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N° A 18-85.540 FS-P+B+I N° 906 SM12 24 JUIN 2020 REJET / CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2020 REJET des pourvois formés par M. V... Q... : - contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar en date du 8 novembre 2012, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a rejeté sa requête en annulation d'actes de procédure. - contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar en date du 5 février 2015, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a déclaré partiellement irrecevable sa requête en annulation d'actes de procédure et l'a rejetée pour le surplus. - contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar n°180 en date du 31 mars 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a confirmé l'ordonnance d'irrecevabilité de la demande d'octroi de témoin assisté. - contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar n°181 en date du 31 mars 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a déclaré irrecevable sa requête en annulation d'actes de la procédure. - contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 10 juillet 2018, qui, pour complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, l'a condamné à dix huit mois d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils . Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocats de M. V... Q..., les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocats de M. R... B..., Mme R... K..., M. P... VO..., Mme P... O..., M. S... L..., Mme N... A..., M. X... C..., Mme R... M..., M. Y... J..., Mme F... U..., M. F... T..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats de la SCI Cote Cour et la SCI Villa les Roses et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, MM. D'huy, Wyon, Pauthe,Turcey, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Courant 2008, une enquête préliminaire, puis une information judiciaire ont été ouvertes concernant les activités d'un ensemble de sociétés, gérées par M. W... I..., ayant pour activité principale la promotion immobilière. 2. Le juge d'instruction saisi a notamment ordonné une expertise comptable par ordonnance du 20 janvier 2011 et désigné pour y procéder M. E... D... et Mme H... G... qui ont déposé leur rapport le 5 avril 2012. 3. M. Q..., expert comptable auprès des sociétés du groupe Brun a été mis en cause notamment pour avoir émis des attestations faisant état d'apports en compte courant au profit de certaines de ces sociétés qui ne correspondaient pas à la réalité. Mis en examen, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête tendant à l'annulation de ce rapport. 4. A l'issue de l'information, M. Q... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux et condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende. 5. Les premiers juges ont reçu les constitutions de partie civile notamment des sociétés civiles immobilières Villa les Roses et Cote Cour, en liquidation judiciaire, et condamné M. Q... à réparer leur préjudice, qu'ils ont apprécié. 6. M. Q..., le procureur de la République et certaines parties civiles ont formé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deuxième moyen relatif à l'arrêt en date du 5 février 2015, troisième moyen relatif à l'arrêt n°180 du 31 mars 2016, quatrième moyen relatif à l'arrêt n°181 du 31 mars 2016 et les cinquième, sixième moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches, septième moyen pris en sa première branche et neuvième moyen, relatifs à l'arrêt en date du 10 juillet 2018 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen relatif à l'arrêt en date du 8 novembre 2012 Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 167, 591 et 593 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise déposé par M. D... et Mme G... le 5 avril 2012, alors : « 1°/ que le grief de partialité est établi lorsqu'il existe des raisons légitimes de craindre un défaut d'impartialité ou encore en considération d'appréhensions du requérant objectivement justifiées ; qu'en se bornant à juger que la mission de commissariat aux apports est distincte de la mission d'expertise comptable et n'apparaît pas incompatible avec celle-ci, que la société FIDUAL n'est pas partie à la présente procédure pénale et que l'expert D... n'a pas eu directement de contact avec M. Q... dans le cadre de la mission ordonnée par la présidente de la chambre commerciale, sans expliquer en quoi ces circonstances n'étaient pas de nature à faire naître des appréhensions objectivement justifiées, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ; 2°/ qu'en jugeant que l'éventuelle irrégularité dans les fonctions de commissaire aux comptes titulaire et de commissaire aux comptes suppléant de la SAS Grumbach Immobilier respectivement exercées par le cabinet G... et par Mme H... G... est sans influence sur l'appréciation de l'indépendance et de l'impartialité de celle-ci en qualité d'expert, sans expliquer en quoi ces circonstances n'étaient pas de nature à faire naître des appréhensions objectivement justifiées, la chambre de l'instruction n'a de plus fort pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 10. Pour écarter le grief de partialité invoqué par le requérant et dire n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise déposé par M. D... et Mme G..., l'arrêt attaqué énonce que la mission de commissariat aux apports, telle que celle qui a été confiée à M. D... par la présidente du tribunal de commerce dans le cadre de la cession à la société FIDUAL de titres de la Fiduciaire du Bas-Rhin détenus par les fondateurs de la FIDUAL, est distincte de la mission d'expertise comptable et n'apparaît pas incompatible avec celle-ci, d'autant que la société FIDUAL n'est pas partie à la présente procédure pénale et que dans le cadre de la mission ordonnée par la présidente de la chambre commerciale, l'expert D... n'a pas eu directement de contact avec M. Q..., qui n'est pas mentionné dans le rapport déposé auprès de ce magistrat. Il retient que l'éventuelle connaissance d'un conflit existant entre les anciens associés de la société FIDUAL et M. Q... n'est pas de nature à priver l'expert d'indépendance et d'impartialité à l'égard du mis en examen dans le cadre de l'exercice de la mission d'expertise confiée par le magistrat instructeur. 11. Les juges relèvent, s'agissant de Mme G..., que si la SAS Grumbach Immobilier a acquis un terrain auprès de la société Brun Habitat, ni cette société, ni ses dirigeants ne sont parties à la présente information judiciaire et qu'en sa qualité de commissaire aux comptes de cette société depuis 2002, Mme G..., qui au demeurant a précisé au magistrat instructeur que la seule mise en cause d'un prix d'achat par un liquidateur de la société Brun Habitat dont elle a eu connaissance était relative au terrain d'Haguenau pour lequel les expertises diligentées ont estimé la valeur du terrain à un montant proche de celui du prix d'achat effectif, n'avait pas à vérifier le prix d'une transaction immobilière réalisée par le représentant de cette société. 12. Ils retiennent que l'éventuelle irrégularité dans l'attribution des fonctions de commissaire aux comptes titulaire et de commissaire aux comptes suppléant de la société Grumbach Immobilier respectivement exercées par le Cabinet G... et par Mme H... G... est sans influence sur l'appréciation de l'indépendance et de l'impartialité de celle-ci en qualité d'expert. 13. Ils ajoutent que Mme G... a en outre déclaré au magistrat instructeur n'avoir jamais eu à connaître des sociétés Brun Habitat, Financière Brun, SCI Jules Valles et SCI AJB ou de l'un quelconque de ses membres avant la mission confiée par la chambre commerciale et que M. Q... ne produit aucun élément concret étayant l'allégation de liens étroits entretenus par l'expert avec l'un quelconque des membres des sociétés du groupe Brun. 14. Ils relèvent également que Mme G... a indiqué ne plus être missionnée comme expert-comptable sur aucun dossier pour le compte de MM. TC... et DO... depuis 1998, date à laquelle M. L... SL... est devenu leur expert-comptable et qu'enfin, elle a déclaré tenir la comptabilité de l'EURL, dont Mme R... JB..., l'ex-épouse de l'un des frères de M. W... I..., qui n'est pas partie à la procédure, est co-gérante, mais n'avoir jamais eu affaire à lui, ni à aucun des frères I.... 15. Ils retiennent enfin que le requérant ne peut se faire un grief de ce que l'expert Mme G... ait été désignée par le juge commissaire à la procédure collective concernant les sociétés du groupe Brun afin d'effectuer un audit des comptes, dès lors qu'il en avait connaissance dès la désignation des experts par le juge d'instruction, d'autant qu'il y est fait référence dans la mission d'expertise. 16. En l'état de ces énonciations, dont il ne résulte aucun lien entre les experts et les parties à la procédure, ni aucun conflit d'intérêt, de nature à priver le rapport des premiers du caractère d'avis technique soumis à la contradiction et à l'appréciation ultérieure des juges, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 17. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le septième moyen relatif à l'arrêt du 10 juillet 2018, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 18. Le moyen est pris de la violation des articles 132-20, alinéa 2 et 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale. 19. Le moyen, en sa seconde branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a « condamné M. Q... au paiement d'une amende de 100 000 euros, alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant le prévenu à une amende de 100 000 euros sans s'expliquer sur ses ressources et ses charges qu'elle devait prendre en considération la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, dans la rédaction desdits codes alors en vigueur : 20. En matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges. 21.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 22. Pour condamner M. Q... notamment à une peine de 100 000 euros d'amende, l'arrêt retient que son action a été essentielle dans le schéma frauduleux mis en place par M. I.... 23. Il relève qu'il a renouvelé ses agissements à plusieurs reprises, sur plusieurs mois d'intervalle et se trouvait en janvier 2007 dans le même état d'esprit. 24. Les juges ajoutent qu'il n'a aucun antécédent judiciaire, ni à l'époque des faits, ni depuis lors et que les éléments obtenus des membres encadrant son exercice professionnel sont bons et ne remettent pas en cause ses compétences et capacités. 25. La cour d'appel en conclut qu'il y a lieu de prononcer une peine d'emprisonnement de dix-huit mois intégralement assortie du sursis simple outre une peine d'amende de 100 000 euros, adaptée notamment à ses capacités financières. 26. En prononçant ainsi, sans préciser les ressources et les charges du prévenu qu'elle a prises en compte, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 27. La cassation est par conséquent encourue. Et sur le sixième moyen pris en sa troisième branche et le huitième moyen relatifs à l'arrêt du 10 juillet 2018 Enoncé des moyens 28. Le 6e moyen est pris de la violation des articles L. 622-20 du code de commerce, 1241 nouveau du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. 29. Le moyen, en sa troisième branche critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. Q... à payer aux parties civiles diverses sommes en réparation des préjudices subis, alors « que si le débiteur en liquidation judiciaire, dépourvu de tout pouvoir juridique sur son patrimoine, conserve le droit de se constituer partie civile, c'est dans le seul but de voir déclarer la culpabilité du prévenu, seul le liquidateur pouvant poursuivre le recouvrement des créances en réparation dont le débiteur serait titulaire ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense faisant valoir que les demandes de Maître FD... étaient irrecevables en application des dispositions de l'article L. 641-9 du Code de commerce. » 30. Le hutième moyen est pris de la violation des articles des articles L. 622-20 et L. 622-9 du code de commerce, 1241 nouveau du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. 31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. Q... à payer aux Sociétés Villa les Roses, Villa l'Eden et Cote Cour, prises en la personne de Maître FD... KJ..., mandataire judiciaire, diverses sommes en réparation de leur préjudice alors « que le mandataire ad hoc chargé d'assurer la défense des droits propres du débiteur est sans qualité pour exercer des actions rentrant dans le monopole du liquidateur judiciaire ; que seul le liquidateur judiciaire, qui reste en fonction tant qu'une clôture de la liquidation judiciaire et qu'une publication du jugement de clôture ne sont pas intervenues, peut agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers pour exercer des actions tendant à la protection de leur gage commun ; qu'ainsi, en l'absence de tout jugement de clôture de liquidation judiciaire et de publication du jugement, l'action civile des sociétés Villa les Roses, Villa l'Eden et Cote Cour représentées par Maître FD..., mandataire ad hoc était irrecevable ; qu'en condamnant le prévenu à leur payer diverses sommes en réparation de leur préjudice, la cour d'appel a méconnu le principe visé au moyen. » Réponse de la Cour 32. Les moyens sont réunis. Vu l'article L. 641-9, I, du code de commerce : 33. Il résulte de ce texte, dans sa version actuellement en vigueur, issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, que le débiteur ne peut se constituer partie civile que dans le but de déclencher ou de soutenir l'action publique, le liquidateur disposant seul de la faculté d'exercer l'action civile afin d'assurer la défense des intérêts patrimoniaux de ce dernier (Crim., 9 mars 2016, pourvoi n° 14-86.631, Bull. crim. 2016, n° 73 ; Crim., 30 janvier 2019, pourvoi n° 17-86.344). Ce principe s'applique lorsque sont en cause les seuls intérêts civils, mais également lorsque la constitution de partie civile est associée à l'action publique. 34. En effet, si la loi du 26 juillet 2005 a supprimé la mention figurant dans la version antérieure de l'article L. 641-9, I, du code de commerce, selon laquelle le débiteur en liquidation judiciaire était autorisé à se constituer partie civile s'il limitait son action à la poursuite de l'action publique sans solliciter de réparation civile, le maintien de la phrase permettant au débiteur de se constituer partie civile « dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime », interdit d'interpréter ce texte comme autorisant le débiteur à agir en réparation de son préjudice. 35. Il s'en déduit que ni le représentant statutaire de la personne morale mise en liquidation judiciaire, ni son mandataire, désigné en lieu et place des dirigeants sociaux, n'est recevable à solliciter la réparation du préjudice subi par le débiteur. 36. En l'espèce, pour recevoir les constitutions de parties civiles de Maître FD... en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Villa les Roses et Cote Cour, placées en liquidation judiciaire, et condamner M. Q... à réparer leur préjudice, l'arrêt attaqué énonce que leur préjudice, dont les premiers juges ont fait une juste appréciation, est en lien direct avec les faits reprochés au prévenu. 37. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 38. La cassation est par conséquent encourue également de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 39. Dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure, la cassation sera limitée aux peines prononcées à l'égard de M.Q... ainsi qu'aux dispositions l'ayant condamné à payer, in solidum avec M. W... I..., à la SCI Villa les Roses la somme de 525 512 euros et à la société Cote Cour la somme de 346 057 euros, en réparation de leur préjudice. 40. La Cour de cassation est en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre partiellement fin au litige en ce qui concerne l'irrecevabilité des demandes de réparations formées par les sociétés Villa les Roses et Cote Cour, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 41. Il n'y a donc pas lieu à renvoi de ce chef. 42. Pour les peines, l'affaire sera renvoyée devant une cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation prononcée, conformément à la loi, et, le cas échéant, aux dispositions des articles 485-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020. 43. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. Q... ainsi que les dispositions civiles de l'arrêt concernant M. B... R..., Mme K... R..., M. VO... P..., Mme O... P..., M. L... S..., Mme A... N..., M. C... X..., Mme M... X.... J... Y..., Mme U... F... et M. T... F... étant devenues définitives, par suite du rejet des premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens de cassation ainsi que du sixième moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches, seuls contestés par les défendeurs au pourvoi précités, il y a lieu de faire droit à leur demande. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur les pourvois formés par M. Q... contre les arrêts susvisés de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 8 novembre 2012, 5 février 2015 ainsi que des arrêts n° 180 et 181 de la dite chambre en date du 31 mars 2016 : Les REJETTE ; Sur le pourvoi formé par M. Q... contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 10 juillet 2018 : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 10 juillet 2018, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées contre M. Q... et l'ayant condamné à payer, in solidum avec M. W... I..., à la SCI Villa les Roses la somme de 525 512 euros et à la société Cote Cour la somme de 346 057 euros, en réparation de leur préjudice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; CONSTATE l'irrecevabilité des demandes de réparation formulées par les sociétés Villa les Roses et Cote Cour, partie civiles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé pour le surplus, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; FIXE à 4 000 euros la somme globale que M. Q... devra payer aux seules parties représentées par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat à la Cour au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre juin deux mille vingt.
Il résulte de l'article L. 641-9, I, du code de commerce, modifié par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, que le débiteur en liquidation judiciaire ne peut se constituer partie civile que dans le but de déclencher ou de soutenir l'action publique, le liquidateur disposant seul de la faculté d'exercer l'action civile afin d'assurer la défense des intérêts patrimoniaux de ce dernier. Ce principe s'applique lorsque sont en cause les seuls intérêts civils, mais également lorsque la constitution de partie civile est associée à l'action publique. Le mandataire ad hoc désigné pour représenter le débiteur en liquidation judiciaire est en conséquence irrecevable à agir en réparation du préjudice subi par ce dernier
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N° G 19-84.631 F-P+B+I N° 908 SM12 24 JUIN 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. H... S... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne, en date du 28 mai 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de travail dissimulé, fraude fiscale et blanchiment, a confirmé une ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention . Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. H... S..., et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. La situation de H... S..., postier à Saint-Laurent du Maroni et qui exerce également la profession de garagiste, a été signalée au procureur de la République de Cayenne qui a diligenté une enquête préliminaire au regard du train de vie de l'intéressé, propriétaire de plusieurs véhicules. 3. L'enquête patrimoniale a permis d'établir que le mis en cause, qui dirige également la société MJ World Service spécialisée dans le nettoyage, vit en concubinage avec Mme B... W..., avec laquelle il a eu quatre enfants, celle-ci déclarant vivre seule aux services fiscaux et sociaux. 4. M. S... n‘a déclaré, entre 2015 et 2017, que les revenus perçus de sa profession de facteur, soit environ 22 000 euros par an. Cependant, l'enquête a révélé que la société MJ World Service avait conclu des contrats avec plusieurs municipalités générant des revenus à hauteur de 243 000 euros sur les quatre dernières années que le mis en cause n'a jamais déclarés. 5. D'autres virements bancaires pouvant correspondre à des ventes ou réparations de véhicules figuraient également à l'actif du compte de cette société. 6. M. S... possède plusieurs véhicules légers, poids lourds ou motos, tandis que sa concubine, salariée d'une société moyennant une rémunération mensuelle de 1 200 euros, allocataire de la CAF à hauteur de 700 euros par mois, est propriétaire de deux véhicules, dont une Audi A 6. 7. Plusieurs véhicules ont fait l'objet d'une saisie dans le cadre de l'enquête, de même que, le 12 février 2019, le solde créditeur d'un compte bancaire dont est titulaire M. S... auprès de la Banque postale d'un montant de 8 050 euros. 8. Le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la république, a autorisé le maintien de cette saisie en valeur du produit de l'infraction par une ordonnance du 18 février 2019 dont le mis en cause a interjeté appel. Examen des moyens Sur le premier moyen pris en sa seconde branche 9. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. Le moyen est pris de la violation des articles 1er et 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, des 10ème et 11ème alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, des articles 34 de la Constitution, 3 et 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-154, 591 et 593 du code de procédure pénale. 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a autorisé le maintien de la saisie de la somme de 8 050 euros, réalisée par procès-verbal en date du 12 février 2019, inscrite au crédit du compte bancaire ouvert au nom de M. S... dans les livres de la Banque postale de Cayenne, alors : « 1°/ que les dispositions de l'article 706-154 du code de procédure pénale sont contraires aux articles 1er et 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ou à tout le moins entachées d'incompétence négative au regard de l'article 34 de la Constitution, en ce qu'elles prévoient que la saisie pénale « s'applique indifféremment à l'ensemble des sommes » inscrites au crédit du compte bancaire d'une personne physique, sans que soit laissée à sa disposition, dans la limite du solde créditeur du ou des comptes au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d'un montant égal au montant forfaitaire, pour un allocataire seul, du revenu de solidarité active ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et de constater, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale. » Réponse de la Cour 12. Par arrêt distinct du 29 janvier 2020, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre cette question au Conseil constitutionnel. Il en résulte que le grief est sans objet. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, préliminaire, 706-154 et 591 du code de procédure pénale. 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a autorisé le maintien de la saisie de la somme de 8 050 euros, réalisée par procès-verbal en date du 12 février 2019, inscrite au crédit du compte bancaire ouvert au nom de M. S... dans les livres de la Banque postale de Cayenne, alors : « 1°/ que constituent des pièces de la procédure se rapportant à la saisie, au sens du second alinéa de l'article 706-154 du code de procédure pénale, l'autorisation donnée par le procureur de la République à l'officier de police judiciaire de procéder à la saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire, le procès-verbal de saisie et la requête du ministère public tendant à ce qu'elle soit maintenue ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les seules pièces de la procédure mises à disposition de l'appelant ont été le réquisitoire du procureur général et la copie de l'avis d'audience (arrêt, p. 2, § 5 et 6), outre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui lui a été notifiée ; qu'en confirmant cette ordonnance, sans que ni l'autorisation initiale du ministère public, ni le procès-verbal de saisie établi par l'officier de police judiciaire, ni la requête par laquelle le procureur de la République avait saisi le juge des libertés et de la détention n'aient été mis à la disposition de l'appelant, quand ces pièces de la procédure devaient nécessairement l'être, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, préliminaire, 706-154 et 591 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en se bornant, pour établir le caractère confiscable des sommes saisies, à énoncer qu'« au soutien de ce maintien de la saisie, le juge a[vait] estimé que les éléments de la procédure laissaient penser que H... S... pourrait avoir dissimulé entièrement son activité économique et le produit de celle-ci, caractérisant ainsi les délits de travail dissimulé par dissimulation d'activité et blanchiment de fraude fiscale » (arrêt, p. 5, § 2), sans apprécier par elle-même l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission de ces infractions, la chambre de l'instruction, qui a méconnu l'étendue de ses propres pouvoirs, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention des droits de l'homme, préliminaire, 706-154, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen pris en sa première branche Vu les articles 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale : 15. Il résulte de ces textes que l'appelant d'une ordonnance de saisie spéciale du solde créditeur d'un compte bancaire peut prétendre, dans le cadre de son recours, à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste. 16. Selon les mentions de l'arrêt attaqué, le Procureur général a déposé au greffe le dossier de la procédure contenant son réquisitoire signé et la copie de l'avis d'audience envoyé au demandeur le 4 avril 2019 et adressé, par fax avec accusé de réception, à son avocat le même jour. 17. En l'état de ces énonciations qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'ont été mis à la disposition du demandeur et de son conseil, d'une part, le procès-verbal constatant les opérations de saisie initiale, d'autre part la requête du ministère public sollicitant le maintien de celle-ci, lesquels devaient nécessairement lui être communiqués, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 18. La cassation est encourue de ce chef. Et sur le moyen pris en sa seconde branche Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 19. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 20. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention maintenant la saisie du solde créditeur du compte bancaire dont le demandeur est titulaire, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que tant l'article 324-7 du code pénal concernant le blanchiment que l'article L. 8224-5 du code du travail relatif au délit de travail dissimulé prévoient la peine de confiscation, énonce que la saisie du produit direct ou indirect de l'infraction en nature comme en valeur, est possible dans ces cas. 21. Les juges ajoutent que, conformément à l'article 706-154 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, s'est prononcé par ordonnance motivée sur le maintien de la saisie dans le délai de 10 jours à compter de la saisie, de la somme de 8 050 euros, opérée par les officiers de police judiciaire le 12 février 2019. 22. Ils relèvent ensuite qu'au soutien du maintien de la saisie, le juge a estimé que les éléments de la procédure laissaient penser que M. S... pourrait avoir dissimulé entièrement son activité économique et le produit de celle-ci, caractérisant ainsi les délits de travail dissimulé par dissimulation d'activité et blanchiment de fraude fiscale. 23. Ils concluent que cette saisie n'apparaît nullement disproportionnée au regard du montant du produit des infractions et que c'est à bon droit que le juge des libertés et de la détention a maintenu la saisie. 24. En l'état de ces énonciations, alors qu'elle était tenue de s'assurer, par des motifs propres, de l'existence d'indices laissant présumer la commission des infractions sur la base desquelles la saisie du solde créditeur d'un compte bancaire a été ordonnée, à la date où elle se prononce sur le maintien de celle-ci, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision. 25. La cassation est à nouveau encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne, en date du 28 mai 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de Fort de France, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre juin deux mille vingt.
Constituent des pièces de la procédure se rapportant à la saisie, au sens du second alinéa des articles 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, le procès-verbal constatant les opérations de saisie initiale, la requête du ministère public sollicitant le maintien de celle-ci, l'ordonnance attaquée et la décision de saisie précisant les éléments sur lesquels se fonde cette mesure. Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s¿assurer que ces pièces ont été mises à la disposition de l'appelant auquel elles doivent être nécessairement communiquées en application des dispositions susvisées
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N° J 19-85.874 F-P+B+I N° 914 SM12 24 JUIN 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2020 REJET sur le pourvoi formé par la société S... et Cie contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 1er juillet 2019, qui, dans l'information suivie contre MM. F... M..., X... K..., T... S..., H... S..., I... V... , et Mme D... M..., des chefs d'escroquerie en bande organisée, tentative et complicité, blanchiment en bande organisée, et tromperie sur les qualités substantielles en bande organisée, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale du juge d'instruction. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société S... et Cie, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre de l'information judiciaire susvisée, la société S... et Cie, exploitant dans un hôtel particulier situé [...] , à Paris (75), la galerie d'art éponyme, spécialisée depuis 1875 dans le mobilier et les objets d'art du XVIIIe siècle, a été mise en cause pour avoir vendu à des collectionneurs plusieurs pièces qui n'étaient pas authentiques comme ayant été fabriquées au cours du dernier quart du XXe siècle. 3. M. T... S..., directeur général de la société, et M. H... S..., administrateur, notamment, ont été mis en examen. 4. Par ordonnance en date du 6 juillet 2017, le juge d'instruction a ordonné la saisie de l'hôtel particulier et de ses annexes, appartenant à la société S..., à titre d'instrument du délit de tromperie sur les qualités substantielles. 5. Le conseil de la société S... a interjeté appel de la décision. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de saisie pénale de l'hôtel particulier et de ses annexes sis [...] à Paris, alors : « 1°/ que d'une part, l'article L. 622-21 du code de commerce, qui pose le principe d'interdiction des voies d'exécution et des saisies conservatoires en procédure de sauvegarde, fait obstacle à ce qu'une saisie pénale spéciale portant sur un bien appartenant à une entreprise en difficulté soit ordonnée après le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société S... et Cie par un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 22 juillet 2016 ; que, par une ordonnance du 6 juillet 2017, un juge d'instruction a ordonné la saisie pénale de l'hôtel particulier qui lui appartenait ; qu'en confirmant cette mesure de saisie ordonnée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ; 2°/ que d'autre part, l'article 706-147 du code de procédure pénale, en vertu duquel les saisies spéciales sont applicables y compris lorsqu'elles sont ordonnées après la date de cessation des paiements, déroge uniquement aux dispositions de l'article L. 632-1 du code de commerce relatif à la procédure de redressement judiciaire et non aux règles applicables à la procédure de sauvegarde, laquelle n'implique pas un état de cessation des paiements ; que, dès lors, en se fondant sur les dispositions de ce texte pour écarter l'application de l'article L. 622-21 du code de commerce, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de l'article 706-147 du code de procédure pénale et violé l'article L. 622-21 du code de commerce ; 3°/ qu'en tout état de cause, l'article 706-147 du code de procédure pénale, dont il résulte qu'une saisie pénale spéciale peut être ordonnée après la date de cessation des paiements, a seulement pour objet de préserver la validité des saisies spéciales ordonnées au cours de la période suspecte, qui est définie rétroactivement par le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en revanche, et faute de le prévoir expressément, ce texte n'autorise pas la saisie pénale d'un bien appartenant à l'entreprise en difficulté postérieurement audit jugement, ce bien étant alors régi par les règles prévues par le code de commerce en matière de procédures collectives ; qu'en retenant, pour confirmer la saisie critiquée ordonnée après l'ouverture de la procédure de sauvegarde au bénéfice de la société exposante, que l'article 706-147 du code de procédure pénale « écarte expressément le jeu des nullités liées à la procédure de la faillite », la chambre de l'instruction a donc méconnu le sens et la portée de ce texte et violé les règles applicables à la procédure de sauvegarde, en particulier les dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce.» Réponse de la Cour 7. Pour confirmer la saisie, l'arrêt relève notamment qu'au regard de l'article 706-147 du code de procédure pénale qui écarte expressément le jeu des nullités liées à la procédure de faillite, il y a lieu de constater que l'ordonnance de saisie prise par le juge d'instruction postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, ne saurait être annulée pour violation de l'ordre public de la faillite. 8. Si c'est à tort que la chambre de l'instruction s'est fondée sur les dispositions de l'article 706-147 du code de procédure pénale qui ne sont pas applicables en l'espèce, l'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors que le prononcé d'une mesure de sauvegarde au bénéfice du propriétaire d'un immeuble n'interdit pas que soit ordonnée la saisie pénale de celui-ci. 9. En effet, aucune disposition légale non plus que réglementaire n'interdit au juge des libertés et de la détention, ni au juge d'instruction d'ordonner la saisie pénale d'un immeuble en application de l'article 706-150 du code de procédure pénale, dont le propriétaire bénéficie d'une procédure de sauvegarde, dès lors que cette mesure, que ces magistrats ont le pouvoir d'ordonner dans le cadre des procédures pénales afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation selon les conditions définies à l'article 131-21 du code pénal, est d'une nature propre et ne s'analyse pas en une procédure d'exécution au sens de l'article L. 622-21, II, du code de commerce (2e Civ., 5 décembre 2019, pourvoi n° 17-23.576 ; Crim., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-85.820). 10. Le moyen doit ainsi être écarté. Sur le second moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de saisie pénale de l'hôtel particulier sis [...] à Paris et de ses annexes, alors : « 1°/ que d'une part, en retenant, pour confirmer l'ordonnance déférée, que le bien immobilier saisi constituait l'instrument de la tromperie, sans expliquer en quoi l'exposition des objets d'art litigieux en ce lieu avait permis de tromper les acheteurs sur leur nature, leur espèce, leur origine, leurs qualités substantielles, leur composition ou leur teneur, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 706-150 du code de procédure pénale et 131-21, alinéa 2, du code pénal ; 2°/ que d'autre part, l'exposante soutenait dans son mémoire régulièrement déposé qu'à tout le moins, l'appartement situé sur la parcelle cadastrée [...] , qui servait de simple lieu de stockage pour les meubles et objets, ne pouvait être considéré comme l'instrument ayant permis la commission du délit de tromperie ; qu'en affirmant, pour retenir que l'immeuble saisi constituait l‘instrument de la tromperie et confirmer l'ordonnance entreprise, que l'hôtel particulier servait de mise en scène à la vente du mobilier et des objets d'art, sans répondre à ce chef péremptoire du mémoire qui excluait l'existence d'un lien causal entre ledit appartement et l'infraction, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 706-150 du code de procédure pénale et 131-21, alinéa 2, du code pénal. 3°/ qu'en outre, il résulte des dispositions de l'article 706-150 du code de procédure pénale que seuls sont susceptibles de faire l'objet d'une saisie pénale les immeubles dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal ; qu'il ressort du deuxième alinéa de ce texte qu'un bien ayant servi à la commission de l'infraction n'est susceptible d'être confisqué qu'autant qu'il appartient au condamné ou que celui-ci en a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que, dès lors, en s'abstenant de répondre à l'articulation essentielle du mémoire qui soutenait que les personnes mises en examen n'avaient pas la libre disposition de l'immeuble saisi sur ce fondement, qui appartient à la société exposante, tiers à la procédure, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 706-150 du code de procédure pénale et 131-21, alinéa 2, du code pénal. 4°/ qu'enfin, la proportionnalité de l'atteinte portée par une saisie pénale au droit de propriété doit être appréciée au regard de la gravité des faits et de la situation personnelle de l'intéressé ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter le moyen tiré du caractère disproportionné de la saisie critiquée, que la valeur du bien immobilier saisi était inférieure au montant provisoire évalué du préjudice, sans s'expliquer sur la gravité concrète des faits ni sur la situation personnelle de l'exposante, tiers saisi qui bénéficie actuellement d'une procédure de sauvegarde ouverte antérieurement à la décision de saisie pénale, et au cours de laquelle l'inaliénabilité dudit bien, qui constitue son entier patrimoine immobilier, a été prononcée le 5 octobre 2017 par le tribunal ce commerce de Paris, ce qui témoigne de son caractère indispensable à la continuation de l'entreprise, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 706-150 du Code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal. » Réponse de la Cour Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branche 12. Pour confirmer la saisie, l'arrêt relève, par motifs propres, que c'est par des motifs pertinents que le juge d'instruction a démontré que l'hôtel particulier servait de mise en scène à la vente du mobilier et des objets d'art, déterminant les clients à acheter des articles de grande valeur, et constituait dès lors l'instrument de la tromperie. 13. Les juges ajoutent, par motifs expressément adoptés, que l'hôtel particulier objet de la saisie se voulait un écrin qui compte autant que le bijou, un article du magasine Forbes, intitulé Billionaires'Ikea, en date du 10 août 2007, mentionnant que l'effet des dizaines de pièces parfaites disposées sur les cinq étages de la maison S... est à « tomber par terre », car la galerie n'occupe pas un nombre limité de pièces ou d'étages de l'hôtel particulier, mais s'étend sur tous les étages, jusqu'à l'intérieur des appartements des membres de la famille S..., cette singularité étant revendiquée comme correspondant à « l'esprit S... ». 14. Ils en concluent que l'hôtel particulier servait de mise en scène à la vente du mobilier et des objets d'art, déterminant les clients à acheter des articles de grande valeur, et constituait dès lors l'instrument de la tromperie. 15. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il résulte que l'immeuble saisi, dont les différentes composantes forment un tout indivisible, a permis la commission de l'infraction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 16. Ainsi les griefs ne sauraient être accueillis. Sur le second moyen, pris en sa troisième branche 17. Le grief est inopérant, dès lors que, d'une part, pour confirmer la saisie, la chambre de l'instruction a relevé, après avoir énoncé les indices justifiant cette appréciation, que la société S... et Cie, à qui appartient l'immeuble saisi, est susceptible d'être mise en examen pour tromperie sur la nature, l'origine, les qualités substantielles de meubles faussement présentés comme étant d'époque Louis XIV ou ayant été réalisés au 18e siècle, au préjudice des acquéreurs, d'autre part, que, lorsque la saisie est ordonnée au cours de l'information judiciaire, la mise en examen de la personne mise en cause ne constitue pas un préalable nécessaire à la saisie des biens lui appartenant (Crim., 7 décembre 2016, pourvoi n° 16-81.280 ; Crim., 4 mars 2020, pourvoi n° 19-81.371, P+B). 18. Le grief doit ainsi être rejeté. Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche 19. Pour écarter le moyen pris du caractère disproportionné de la saisie, l'arrêt, après avoir décrit l'activité de la société S... et Cie, relève l'importance de cette société sur le marché du mobilier et des objets d'art, qu'elle fait l'objet d'une procédure de sauvegarde et que le préjudice dénoncé en l'état du dossier s'élève à la somme totale de 27 030 971 euros alors que l'immeuble saisi a été évalué par France Domaine à 23 500 000 euros, de sorte que l'atteinte au droit de propriété portée par la saisie ne présente pas un caractère disproportionné au regard des circonstances de l'infraction et du montant provisoire évalué du préjudice et du caractère conservatoire de la saisie. 20. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a apprécié le caractère proportionné de l'atteinte portée par la saisie au droit au respect des biens de la société S... et Cie, au regard de sa situation personnelle et de la gravité concrète des faits, a justifié sa décision. 21. Ainsi le moyen ne saurait être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre juin deux mille vingt.
Le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde n'interdit pas que soit ordonnée la saisie pénale spéciale des biens appartenant au bénéficiaire de cette mesure. Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, pour confirmer l'ordonnance de saisie d'un immeuble appartenant à une société commerciale placée sous sauvegarde, relève que le prononcé de cette mesure n'interdit pas que soit ordonnée une telle saisie
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N° H 19-81.134 F-P+B+I N° 915 EB2 24 JUIN 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2020 REJET du pourvoi formé par M. G... V... contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 7 décembre 2018, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende et trois ans d‘interdiction de gérer et a prononcé sur les intérêts civils . Des mémoires en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. G... V..., les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Direction générale des finances publiques, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Après avis favorable de la commission des infractions fiscales, l'administration fiscale a déposé plainte à l'encontre de la société Expart et de M. V..., son gérant et associé unique, leur reprochant de s'être frauduleusement soustraits à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés. 3. A l'issue de l'enquête préliminaire, M. V... et la société Expart ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef de fraude fiscale. 4. Les juges du premier degré les ont reconnus coupables et les ont condamnés, le premier à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, 9 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer, la seconde à 10 000 euros d'amende. 5. Le prévenu, l'administration fiscale et le procureur de la République ont formé appel de cette décision. 6. Devant la cour d'appel, M. V... a notamment fait valoir qu'une majoration de 40% ayant été appliquée par l'administration fiscale sur les sommes dues au titre de la TVA et de l'impôt sur les sociétés, il convient de faire application du principe Ne bis in idem et de la réserve du conseil constitutionnel selon laquelle seules les fraudes les plus graves peuvent justifier un cumul des sanctions pénales et fiscales. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens et sur le deuxième moyen pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 1728, 1741 et 1750 du code général des impôts, 50 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, L. 227 du livre des procédures fiscales, 121-3 du code pénal, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 9. Le moyen, pris en ses première et deuxième branches critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. V... coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, omission de déclaration dans les délais prescrits, fraude fiscale, alors : « 1°/ que si la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 - aux termes de laquelle le principe de nécessité des délits et des peines impose que les dispositions de l'article 1741 ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt, cette gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention – ne s'applique qu'à une poursuite pénale exercée pour des faits de dissimulation volontaire d'une partie des sommes sujettes à l'impôt, et non d'omission volontaire de faire une déclaration dans les délais prescrits, la même réserve d'interprétation a été formulée, dans cette dernière hypothèse, par le Conseil constitutionnel, aux termes de sa décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018 ; que, dès lors, en relevant, pour écarter le moyen de défense de l'exposant, tiré de ce que le cumul des pénalités fiscales et pénales est contraire au principe non bis in idem, que la réserve d'interprétation susvisée ne vaut que pour les cas de dissimulation des sommes imposables et non pour le cas de non déclaration des sommes imposables dans les délais prescrits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; 2°/ qu'aux termes de sa décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a énoncé que si le principe de nécessité des délits et des peines ne saurait interdire au législateur de fixer des règles distinctes permettant l'engagement de procédures conduisant à l'application de plusieurs sanctions afin d'assurer une répression effective des infractions, ce principe impose néanmoins que les dispositions de l'article 1741 ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves d'omission déclarative frauduleuse, cette gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention ; qu'en cet état, lorsqu'elle est saisie de poursuites pénales du chef de fraude fiscale, pour des faits de non déclaration de sommes imposables dans les délais prescrits, tandis que le redevable légal de l'impôt fait par ailleurs l'objet de sanctions fiscales pour le même motif, et qu'en application de l'article 1745 du code général des impôts, le prévenu est solidairement tenu, avec le redevable légal, au paiement de l'impôt fraudé et des majorations afférentes, la juridiction répressive ne peut condamner pénalement l'intéressé de ce chef qu'en déterminant concrètement en quoi l'omission visée aux poursuites constitue un cas grave d'omission déclarative frauduleuse, au regard du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention ; que, dès lors, en relevant, pour écarter le moyen de défense de l'exposant tiré de l'application du principe non bis in idem, qu'à le supposer établi, le délit de fraude fiscale par omission de deux déclarations qui est reproché à M. V... constitue nécessairement un cas grave au sens de la réserve d'interprétation susvisée, sans indiquer concrètement en quoi cette gravité était caractérisée, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation générale et abstraite, a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés, et au regard de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. » Réponse de la Cour 10. Pour écarter le moyen tiré de ce que si elles aboutissaient, les poursuites engagées contre le prévenu, entraîneraient un cumul de sanctions fiscales et pénales en méconnaissance notamment de la réserve posée par le conseil constitutionnel aux termes de laquelle un tel cumul n'est possible que dans les cas de fraude les plus graves, l'arrêt attaqué énonce qu'il convient d'observer que les poursuites pénales dont est saisie la cour concernent M. V... personnellement tandis que les sanctions fiscales ont été prononcées à l'égard de la société Expart, ce étant rappelé que la condamnation solidaire de la société et de son dirigeant au paiement des droits fraudés et de leurs majorations ne revêt pas le caractère d'une sanction pénale. 11. Les juges ajoutent que la réserve d'interprétation opérée par le Conseil dans ses décisions du 24 juin 2016, ne vaut, dans le cadre des questions prioritaires de constitutionnalité dont il était saisi, que pour les cas de dissimulation des sommes imposables. 12. Ils relèvent enfin qu'il est permis de penser qu'à le supposer établi, le délit de fraude fiscale par omission de deux déclarations qui est reproché à M. V..., qui fait suite à de précédents manquements déclaratifs tant en qualité de dirigeant de la société Expart qu'à titre personnel, constitue un cas grave. 13. C'est à tort que les juges ont considéré que la réserve posée par le conseil constitutionnel tenant à la gravité des faits ne s'applique qu'aux cas de fraude fiscale par dissimulation des sommes sujettes à l'impôt. 14. En effet, dans sa décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le conseil constitutionnel a jugé, comme il l'avait fait en matière de fraude par dissimulation (décisions nos 2016-545 QPC et 2016-546 QPC du 24 juin 2016, n° 2016-556 QPC du 22 juillet 2016 ), que le principe de nécessité des délits et des peines impose que les dispositions de l'article 1741 ne s'appliquent, en complément de sanctions fiscales, qu'aux cas les plus graves d'omission déclarative frauduleuse. 15. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 16. En effet, d'une part la réserve constitutionnelle selon laquelle seuls les faits présentant une certaine gravité peuvent faire l'objet, en complément de sanctions fiscales, de sanctions pénales, ne s'applique que lorsque le prévenu justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale pour les mêmes faits. 17. D'autre part, la solidarité fiscale prévue à l'article 1745 du code général des impôts, qui constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public, ne constitue pas une peine au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 de sorte que le principe de nécessité des délits et des peines ne lui est pas applicable. 18. Il s'en déduit que la réserve sus-visée ne s'applique pas au prononcé de sanctions à l'encontre du prévenu, dirigeant de société, lorsque celle-ci est la redevable légale de l'impôt. 19. Ainsi, les griefs, inopérants, doivent être écartés. 20. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre juin deux mille vingt.
La réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel selon laquelle seuls les faits présentant une certaine gravité peuvent faire l'objet de sanctions pénales en complément de sanctions fiscales, ne s'applique que lorsque le prévenu justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale pour les mêmes faits. La solidarité fiscale prévue à l'article 1745 du code général des impôts, qui constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public, ne constitue pas une peine au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 de sorte que le principe de nécessité des délits et des peines ne lui est pas applicable. Il s'en déduit que la réserve susvisée ne s'applique pas au prononcé de sanctions à l'encontre du prévenu, dirigeant de société, lorsque celle-ci est le redevable légal de l'impôt. Dès lors, justifie sa décision, sans méconnaître la réserve susvisée, la cour d'appel qui condamne le gérant d'une société du chef de fraude fiscale pour omissions déclaratives en matière de TVA et d'impôt sur les sociétés à une amende, et prononce la mesure de solidarité fiscale avec la société qui a fait l'objet de pénalités fiscales
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N° Z 20-90.009 F-P+B+I N° 1435 24 JUIN 2020 EB2 IRRECEVABILITÉ M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 24 JUIN 2020 La cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-7, par arrêt en date du 5 mai 2020, reçu le 6 mai 2020 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie sur la demande de libération conditionnelle présentée par Mme T... O.... Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « L'article 730-2 du code de procédure pénale porte-t-il une atteinte excessive au principe d'égalité devant la loi et la justice tel qu'il résulte de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen visée par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en tant qu'il soumet l'octroi de la libération conditionnelle à une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation de personnes détenues ? » 2. Selon les articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être renvoyée au Conseil constitutionnel que lorsque la disposition contestée est applicable au litige ou constitue le fondement des poursuites. 3. Or, l'article 730-2 du code de procédure pénale, en tant qu'il subordonne l'octroi de la libération conditionnelle à une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité du condamné dans un service spécialisé, sous le régime de la détention, n'est pas applicable à la présente procédure. En effet : 4. Mme O... a été condamnée, par arrêt de la cour d'assises du Var, du 29 janvier 2010, à dix-huit ans de réclusion criminelle pour meurtre et vol. 5. Alors qu'elle exécutait cette peine, elle a été placée sous le régime de la suspension de peine pour motif médical grave, sur le fondement de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale. 6. Pour maintenir cette suspension de peine et rejeter la requête en libération conditionnelle présentée par Mme O..., le tribunal de l'application des peines de Draguignan énonce, par jugement du 19 septembre 2019, que cette dernière mesure ne peut être prononcée, selon l'article 730-2 du code de procédure pénale, compte tenu de la peine prononcée, qu'après une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de la personne condamnée, devant être conduite sous le régime de l'incarcération, impossible à réaliser compte tenu de l'état de santé de l'intéressée, lequel est incompatible avec la détention. 7. Mme O... a relevé appel de ce jugement, et le ministère public a formé appel incident. 8. Devant la juridiction du second degré, Mme O... a déposé, par mémoire spécial, la question prioritaire de constitutionnalité précitée, transmise à la Cour de cassation par arrêt prononcé, le 5 mai 2020, par la chambre de l'application des peines. 9. Cependant, les personnes condamnées qui bénéficient de la suspension de peine prévue par l'article 720-1-1 du code de procédure pénale peuvent être placées en libération conditionnelle dans les conditions fixées par l'article 729, dernier alinéa, du même code, sans que les dispositions de l'article 730-2 reçoivent application. 11. En conséquence, la question est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : DECLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
Les personnes condamnées qui bénéficient de la suspension de peine pour raisons de santé prévue par l'article 720-1-1 du code de procédure pénale peuvent être placées en libération conditionnelle dans les conditions prévues par l'article 729, dernier alinéa, du même code, sans que les dispositions de l'article 730-2 de ce code, prévoyant une évaluation de leur dangerosité sous le régime de l'incarcération, reçoivent application
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N° C 20-81.985 F-D N° 1362 CG10 16 JUIN 2020 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 JUIN 2020 REJET du pourvoi formé par Mme Q... N... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 14 avril 2020, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'assassinat, a constaté la prolongation de plein droit de sa détention provisoire. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Examen de la recevabilité du pourvoi 1. L'article 4 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 prévoit que, par dérogation à l'article 576 du code de procédure pénale, le pourvoi en cassation peut être formé par courriel à l'adresse électronique communiquée à cette fin par la juridiction de première instance ou d'appel. 2. Transmise par courriel, une déclaration de pourvoi ne peut être signée, sauf à être numérisée, ce que n'exige pas l'article précité. 3. Le pourvoi est dès lors recevable. Examen de la recevabilité du mémoire 4.Ni l'article 584, alinéa 3 du code de procédure pénale ni l'article 4 de l'ordonnance précitée du 25 mars 2020 n'autorisent la demanderesse à transmettre son mémoire par courriel. 5. En conséquence, le mémoire de la demanderesse est irrecevable et ne saisit pas la Cour des moyens qu'il pourrait contenir. 6. Il y a lieu, dès lors, de rejeter le pourvoi. 7.L'arrêt est régulier en la forme ; PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize juin deux mille vingt.
En vertu de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le pourvoi en cassation formé par courriel à l'adresse électronique communiquée à cette fin par la juridiction de première instance ou d'appel, est recevable. L'article 4 de l'ordonnance précitée n'exige pas que la déclaration de pourvoi transmise par courriel soit signée par le demandeur. En revanche, est irrecevable et ne saisit pas la Cour des moyens qu'il pourrait contenir le mémoire transmis par courriel, l'article 584, alinéa 3 du code de procédure pénale ni l'article 4 de l'ordonnance précitée du 25 mars 2020 n'autorisant une telle transmission
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CIV. 2 / ELECT IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 juin 2020 Irrecevabilité M. PIREYRE, président Arrêt n° 750 F-P+B+I Pourvoi n° 20-60.192 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JUIN 2020 Mme L... S... U..., épouse Y..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° 20-60.192 contre le jugement rendu le 11 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Bastia (contentieux des élections politiques), dans le litige la concernant. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Recevabilité du pourvoi examinée d'office Vu l'article R. 19-2 du code électoral : 1. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application de l'article R. 19-2 du code électoral. 2. Selon ce texte, le pourvoi est formé par une déclaration orale ou écrite que la partie ou tout mandataire muni d'un pouvoir spécial fait, remet ou adresse par pli recommandé soit au greffe du tribunal d'instance qui a rendu la décision attaquée, soit au greffe de la Cour de cassation. 3. Mme U... s'est pourvue en cassation contre un jugement du tribunal judiciaire de Bastia statuant en matière électorale, par courriel adressé au greffe de cette juridiction. 4. Ce pourvoi, formé en méconnaissance des prescriptions du texte susvisé, n'est pas recevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt.
Selon l'article R. 19-2 du code électoral, le pourvoi est formé par une déclaration orale ou écrite que la partie ou tout mandataire muni d'un pouvoir spécial fait, remet ou adresse par pli recommandé soit au greffe du tribunal judiciaire qui a rendu la décision attaquée, soit au greffe de la Cour de cassation. Est dès lors irrecevable, comme formé en méconnaissance de ces prescriptions, le pourvoi formé contre un jugement statuant en matière électorale, par l'envoi d'un courriel adressé au greffe
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COMM. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 juin 2020 Cassation M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 270 F-P+B Pourvoi n° E 18-11.737 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020 M. V... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 18-11.737 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2017 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. S... H... , domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Valparaiso, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. B..., de la SCP Richard, avocat de M. H... , ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 octobre 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 18 janvier 2017, pourvoi n° 14-24.314), la société Valparaiso a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 30 septembre 2009, qui a fixé la date de la cessation des paiements au 15 juillet 2009. La procédure a été convertie en liquidation le 20 janvier 2010. 2. Le liquidateur a assigné M. B..., directeur général délégué de la société, en paiement de l'insuffisance d'actif. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3. M. B... fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité pour la déclaration tardive de la cessation des paiements alors « que si l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est ainsi susceptible de constituer une faute de gestion, c'est à la condition qu'elle ait contribué à l'insuffisance d'actif ; que cette condition n'est remplie que si l'insuffisance d'actif s'est aggravée entre la date à laquelle la cessation des paiements aurait dû être déclarée (45e jour suivant sa survenance) et celle à laquelle elle l'a été ; que l'augmentation du passif constatée entre la cessation des paiements et la date à laquelle le dirigeant aurait dû la déclarer est sans incidence sur la responsabilité du dirigeant ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que le jugement d'ouverture avait fixé au 15 juillet 2009 la date de cessation des paiements de la société Valparaiso, de sorte que M. B... aurait dû la déclarer au plus tard le 29 août 2009 ; qu'en tenant compte de l'augmentation du passif pendant la période du 15 juillet au 21 juillet 2009, donc antérieure à la date à laquelle devait être déclaré l'état de cessation des paiements, pour dire que la déclaration effectuée tardivement, le 21 septembre 2009, avait contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l'article L. 640-4 du code de commerce dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 651-2 du code de commerce : 4. Le jugement qui condamne le dirigeant d'une personne morale à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de celle-ci doit préciser en quoi chaque faute retenue a contribué à l'insuffisance d'actif. 5. Pour retenir la responsabilité de M. B..., l'arrêt relève que la déclaration de cessation des paiements du 21 septembre 2009 était tardive au regard de la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture au 15 juillet précédent. Il retient ensuite que cette faute a contribué à accroître l'insuffisance d'actif résultant d'une augmentation considérable du passif pendant la période du 15 juillet au 21 juillet 2009. 6. En statuant ainsi, alors que la faute de M. B... n'ayant pu exister avant l'expiration du délai de quarante-cinq jours courant à compter du 15 juillet 2009 dont il disposait pour procéder à la déclaration de cessation des paiements, cette faute, fût-elle établie, ne pouvait avoir contribué à la naissance d'un passif constitué, selon ses constatations, au plus tard le 21 juillet 2009, le délai de déclaration n'étant pas encore expiré à ce moment, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 7. La condamnation au titre de l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation totale de l'arrêt de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne M. H... , en qualité de liquidateur de la société Valparaiso, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. B... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu la responsabilité de M. V... B... pour avoir poursuivi abusivement une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements et pour avoir perdu le droit au bail des locaux dans lesquels s'exerçait l'activité de la société, infirmé celui-ci en ce qu'il n'avait pas retenu sa responsabilité pour avoir déclaré tardivement la cessation des paiements de la société Valparaiso, constaté que M. V... B... avait déclaré la cessation des paiements de la société Valparaiso après l'expiration du délai légal pour y procéder et confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné M. V... B... à payer à maître S... H... ès qualités la somme de 150.000 € à titre de contribution à l'insuffisance d'actif ; aux motifs propres que «sur l'insuffisance d'actif, le passif définitivement admis dans la procédure collective s'élève à 6.235.750,61 € ; que compte tenu de l'actif réalisé, soit 2.316.338,64 € constitué du solde des comptes bancaires, du mouvement des créances clients et du prix de cession du fonds de commerce, l'insuffisance d'actif s'élève à 3.919.411,97 €, somme non contestée par M. B... qui fait cependant valoir qu'il faut la rapprocher du chiffre d'affaires de 16.552.098 € réalisé en 2008 ; que M. D... a versé une somme de 150.000 € en exécution des première décisions le condamnant ; que sur le retard dans la déclaration de cessation des paiements, le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report, en l'espèce le jugement d'ouverture qui l'a fixée au 15 juillet 2009 ; que la cessation des paiements n'ayant été déclarée que le 21 septembre 2009, le retard dans cette déclaration est suffisamment établi ; qu'elle est imputable à M. B... qui était directeur général délégué de la société Valparaiso et doit être à ce titre considéré comme un dirigeant de la société ; que les conséquences sur l'insuffisance d'actif de ce retard sont également patentes ; qu'en effet, il ressort des déclarations de créances versées aux débats que depuis la date de cessation des paiements, date à prendre en compte pour apprécier l'augmentation de l'insuffisance d'actif puisque le délai de 45 jours n'est que le délai maximum pour déclarer cette situation, le passif a été augmenté d'au moins 386.240,38 €, pendant la seule période du 15 juillet au 21 juillet 2009 : - soit 120.669 € représentant les cotisations AG2DR, - 77.717,13 € d'indemnités d'occupation du 15 juillet 2009 au 21 septembre 2009 (soit 2 mois et 6 jours d'indemnités d'occupation, laquelle s'élève à 105.146,70 € par trimestre), - 120,53 € de factures dures à la société Passion traiteur, - 4.813,54 € au titre des factures Amara, - 17.089,70 € au titre des factures De facto, - 68.728 € de cotisations URSSAF (août 2009), - 9.157,60 € au titre des factures Climafroid, - 3.962,70 € au titre des factures Stade de France, - 24.946,76 € de factures Dispa, - 59.495,42 € de factures les Jardins Albert ; que sur la perte du bail, en outre il apparaît qu'au jour du jugement d'ouverture le bail avait été résilié depuis une année et que l'expulsion de la société Valparaiso avait été ordonnée en mai 2009 en exécution d'un arrêt du 11 septembre 2008 ; qu'en effet, si la cour d'appel dans son arrêt du 11 septembre 2008, tout en indiquant dans les motifs de sa décision que la clause résolutoire avait produit ses effets de plein droit, n'a pas formellement constaté la résiliation du bail par l'effet de cette acquisition de clause résolutoire, le dispositif de cette même décision comporte une condamnation de la société Valparaiso au paiement d'une indemnité d'occupation qui suppose qu'il ait été mis fin au bail ; que l'ordonnance de référé du 11 mai 2009 n'ordonne d'ailleurs l'expulsion qu'en relevant « l'occupation actuelle sans droit ni titre de la société Valparaiso en suite de l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Versailles le 11 septembre 2008 » ; que le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif, l'arrêt du 11 septembre 2008 était donc passé, au jour du jugement d'ouverture, en force de chose jugée au sens de l'article 500 du code de procédure civile, de sorte que le bail était définitivement perdu depuis plus d'un an le 30 septembre 2009 ; que cette perte a causé un préjudice important à la société Valparaiso dont le fonds a perdu à cette occasion une grande partie de sa valeur qui est passée d'une évaluation à 950.000 € à une valeur de 203.000 € et M. B..., dirigeant, tout en poursuivant l'activité alors que la dette de loyer était supérieure à 560.000 €, n'a pas pris les mesures nécessaires à la conclusion d'un nouveau bail ou au maintien du bail en cours ; que sur la poursuite d'une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, la poursuite de l'activité déficitaire est en l'espèce manifeste ; que les résultats nets, tenant compte des charges supportées normalement par l'entreprise sont systématiquement déficitaires depuis 2006, celui-ci ayant atteint 786.076 € en 2008 et 1.045.534 € en 2009, rendant nécessaire une déclaration de cessation des paiements ; que cette faute de gestion, qui a une conséquence certaine sur l'aggravation du passif de la société, puisqu'elle a permis la création de nouvelles dettes sans pour autant créer de richesse au profit de l'entreprise, est donc suffisamment caractérisée ; qu'en outre les exercices déficitaires ont pesé sur les fonds propres de l'entreprise qui sont devenus négatifs ; que sur la sanction pécuniaire, sans contester avoir exercé des fonctions de direction, M. B... fait valoir que la direction effective de la société était en réalité confiée à M. D... et qu'il était chef pâtissier, qu'il ne détenait aucun pouvoir de signature et que ce n'est que dans le courant du 1er semestre 2009 qu'il a pu avoir connaissance de la situation de la société de sorte que l'éventuelle sanction doit tenir compte de ces circonstances ; que Me H... réplique que désigné dès 1996 en qualité de directeur général pour seconder le président, puis devenu directeur général délégué, il a activement participé à la vie sociale de l'entreprise, signé les procès-verbaux du conseil d'administration dont celui décidant la poursuite de l'activité nonobstant la perte de plus de la moitié des capitaux propres et qu'il disposait, outre d'un véhicule, d'une rémunération annuelle de 150.000 € ; que les trois fautes de gestion reprochées par le liquidateur doivent être retenues à l'encontre de M. V... B... en sa qualité de dirigeant de la société puisqu'il a été nommé directeur général délégué de la société, qu'il a accepté expressément ces fonctions lors du conseil d'administration du 29 août 2003 ; qu'il en était également administrateur et avait à ce titre la qualité de dirigeant de la société, ayant participé aux délibérations du conseil d'administration jusqu'en 2009 lorsqu'il a été décidé de ne pas procéder à la dissolution de la société malgré la perte de plus de la moitié du capital social ; qu'eu égard à la gravité et au nombre des fautes commises rapportées au montant de l'insuffisance d'actif qu'elles ont contribué à aggraver, à la rémunération des dirigeants, dont M. B..., qui a perçu 159.588 € de rémunération en 2008 et n'a pas réduit sa rémunération malgré les difficultés de la société, les premiers juges ont porté une juste appréciation en fixant à la somme de 150.000 € la condamnation en paiement de M. B..., le jugement étant confirmé sur ce point » ; et aux motifs adoptés que « sur la direction de la société, Me H... , ès qualités, expose que selon l'extrait K-bis de la société Valparaiso M. D... en était le président directeur général et M. B... directeur général délégué et administrateur ; que pouvant l'un et l'autre engager seul la société Valparaiso vis-à-vis des tiers, ils sont tous deux des dirigeants de droit ; que M. B... ne conteste pas qu'en sa qualité d'administrateur sa responsabilité puisse être recherchée en tant que dirigeant de droit, mais fait valoir qu'il avait un statut de salarié, exerçant l'activité de chef pâtissier et responsable du département pâtisserie, l'empêchant d'exercer de manière effective son mandat de directeur général délégué ; qu'il relève que le liquidateur n'a assigné en responsabilité ni M. G... D..., administrateur, ni Mme L... Y..., que l'organigramme de la société Valparaiso présentait comme directeur général délégué ; que selon l'extrait K-bis de la société Valparaiso M. D... en était le président directeur général et M. B..., administrateur et directeur général délégué ; que l'article L. 225-56 II al.2 du code de commerce dispose que « Les directeurs généraux délégués disposent, à l'égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général » ; qu'étant les seules personnes de la société habilitées à engager seuls la société vis-à-vis des tiers, M. D... et M. B... sont donc régulièrement attraits dans la présente instance en tant que dirigeants de droit ; que, sur la poursuite d'une activité déficitaire et la perte du droit au bail des locaux, compte tenu des transmissions universelles de patrimoine intervenues en 2008 au profit de la société Valparaiso il n'est pas possible de comparer les comptes de l'exercice 2008 avec ceux des exercices précédents ; qu'il ressort néanmoins des pièces versées aux débats que le résultat de l'ensemble intégré fiscalement au titre de l'exercice de 9 mois clos le 31 décembre 2007, soit Valparaiso et ses filiales Boa et Caracas, est une perte de 276 K€ ; que la perte d'exploitation a atteint 742,7 K€ en 2008 et a été portée à 1.001 K€ sur les 9 premiers mois de l'année 2009, soit 11 % du chiffres d'affaires de cette période, contre 4,5 % de celui de l'année 2009, les charges diminuant en moyenne mensuelle moins que le chiffre d'affaires mensuel, en baisse de 24 % entre 2008 et 2009 ; que compte tenu de la perte nette de l'exercice 2008 les capitaux propres de la société Valparaiso sont devenus négatifs (-69,9 K€), la structure financière étant particulièrement déséquilibrée, avec un fonds de roulement négatif de 2.191 K€, l'endettement totalisant 6.840 K€, à comparer à un actif circulant de 4.649 K€ ; qu'il est par ailleurs relevé que courant 2008 la société Valparaiso a cessé d'être détenue à 35 % par le groupe international Compass, société mère d'Eurest, un de ses principaux clients, la participation qu'elle détenait depuis 1995, soit plus de 12 ans, étant reprise à égalité par M. D... et M. B... ; que si les conditions de la sortie du capital de la société Valparaiso du partenaire historique de son développement, dont le rôle d'actionnaire est précisé dans les statuts versés aux débats, n'ont pas été communiquées, cette évolution ne pouvait être de nature à rassurer les autres partenaires de l'entreprise et préfigure la réduction des concours bancaires en 2009 et la cessation des paiements ; que si les constatations de l'administrateur judiciaire confirment que compte tenu de l'opposition des élus du personnel les dirigeants ne sont parvenus à mettre en oeuvre que très partiellement les économies et réductions d'effectif qu'ils envisageaient de réaliser, le tribunal constate que le montant des provisions inscrites au titre du personnel dans le bilan à fin 2008 est relativement faible (165,6 K€) ; que les dirigeants ont ainsi poursuivi au moins à compter de la fin de l'année 2008 l'activité déficitaire de la société Valparaiso alors qu'ils ne pouvaient pas ignorer que tout alourdissement des charges était de nature, en aggravant une situation financière déjà obérée, à avoir un impact négatif sur la recherche de solutions pour l'entreprise, ce qui caractérise une faute de gestion au visa de l'article L. 651-2 du code de commerce ; que les pièces versées aux débats montrent en outre que les dirigeants n'ont pris aucune mesure pour assurer la pérennité du fonds de commerce, conduisant à l'acquisition de la clause résolutoire du bail des locaux de production de la société Valparaiso suite à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 11 septembre 2008 ; que les dirigeants ne rapportent pas la preuve d'avoir ensuite pris des mesures pour que la société Valparaiso tire les conséquences de cette décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution, étant souligné qu'au cours de la période d'observation le coût du déménagement des activités a été estimé à environ 1.000 K€ ; que l'absence de mention de la perte du bail dans le rapport des commissaires aux comptes sur l'exercice 2008 tend à montrer que les dirigeants n'ont pas pris conscience de l'importance de cet arrêt sur la pérennité de la société Valparaiso ; qu'en ne réglant pas le litige que la société Valparaiso avait avec le bailleur depuis plusieurs années les dirigeants ont directement contribué à la perte du droit au bail et à l'augmentation corrélative de l'insuffisance d'actif, ce qui constitue une faute de gestion au visa de l'article L. 651-2 du code de commerce ; que, sur les sanctions patrimoniales, aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; qu'il a été établi que M. D... et M. B... ont commis des fautes de gestion en poursuivant l'activité déficitaire de la société Valparaiso et au travers de la perte du bail des locaux de la société à Colombes, qui ont contribué à une insuffisance d'actif de 3.919 K€ ; que les rémunérations et avantages en nature reçus par les dirigeants au titre de l'exercice 2008 ont été de 159,6 K€ pour M. B... et de 158 K€ pour M. D... ; que ces montants apparaissent du même ordre que ceux des années précédentes et ne pas avoir été réduits en 2009 dans le cadre d'une recherche d'économies ; que M. B... ne peut s'exonérer de sa responsabilité de dirigeant de droit au motif que sa participation à la gestion de la société ne pouvait qu'être que fictive, compte tenu de son emploi en tant que chef pâtissier et qu'il aurait laissé agir M. D... ; que le quantum de sa condamnation sera le même que pour M. D..., étant relevé qu'au titre de son emploi M. B... a reçu des AGS une indemnité de 69.240 € ; que dans ces conditions, le tribunal, usant de son pouvoir d'appréciation, condamnera M. D... et M. B... à payer, chacun à Me H... , ès qualités, la somme de 150.000 €, en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement, avec capitalisation des intérêts » ; alors 1°/ que dans ses dernières conclusions d'appel du 13 septembre 2017, M. B... faisait expressément valoir qu'il occupait au sein de la société Valparaiso un emploi de salarié en qualité de chef pâtissier et responsable du département pâtisserie, qu'ils s'étaient ainsi répartis les tâches en fonction de leurs domaines de compétence respectifs, pour M. D... la gestion et la direction financière de la société, pour M. B... la pâtisserie, que « la direction effective de la société Valparaiso était confiée à M. D..., fort d'une grande expérience en gestion d'entreprise, qui ne l'a jamais démenti » et qu'il ne détenait aucun pouvoir de signature concernant lesdits comptes bancaires, seuls M. D... et Mme C... ayant cette habilitation (cf. p. 3, al. 10, p. 4, al. 1, et p. 28) ; qu'en retenant que M. B... ne contestait pas avoir exercé des fonctions de direction, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; alors 2°/ que seuls les dirigeants de droit ou de fait qui ont commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif peuvent être condamnés à supporter, en tout ou en partie, le montant de cette insuffisance d'actif, ce qui suppose, par hypothèse, qu'ils aient effectivement exercé une direction effective de la société ; qu'en retenant que les trois fautes de gestion reprochées par le liquidateur devaient être retenues à l'encontre de M. V... B... en sa seule qualité de dirigeant de droit de la société sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé par l'exposant, si celui-ci avait exercé la direction effective de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; alors 3°/ qu' en tout état de cause, si l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est ainsi susceptible de constituer une faute de gestion, c'est à la condition qu'elle ait contribué à l'insuffisance d'actif ; que cette condition n'est remplie que si l'insuffisance d'actif s'est aggravée entre la date à laquelle la cessation des paiements aurait dû être déclarée (45ème jour suivant sa survenance) et celle à laquelle elle l'a été ; que l'augmentation du passif constatée entre la cessation des paiements et la date à laquelle le dirigeant aurait dû la déclarer est sans incidence sur la responsabilité du dirigeant ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que le jugement d'ouverture avait fixé au 15 juillet 2009 la date de cessation des paiements de la société Valparaiso, de sorte que M. B... aurait dû la déclarer au plus tard le 29 août 2009 ; qu'en tenant compte de l'augmentation du passif pendant la période du 15 juillet au 21 juillet 2009, donc antérieure à la date à laquelle devait être déclaré l'état de cessation des paiements, pour dire que la déclaration effectuée tardivement, le 21 septembre 2009, avait contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l'article L. 640-4 du code de commerce dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 ; alors 4°/ qu'en tout état de cause, si l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est susceptible de constituer une faute de gestion, le juge ne peut décider de faire à ce titre supporter, en tout ou partie, le montant de l'insuffisance d'actif sur les dirigeants de droit ou de fait que si cette abstention fautive a contribué à aggraver le montant du passif de la société ; que pour retenir une augmentation de passif d'au moins 386.640,38 € pendant la seule période du 15 juillet au 21 juillet 2009, la cour d'appel a tenu compte d'une créance du bailleur, la SCI Foncière Médicale, de 77.717,13 € au titre d'indemnités d'occupation du 15 juillet 2009 au 21 septembre 2009 sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé par l'exposant, s'il ne résultait pas du tableau établi par le bailleur, joint à sa déclaration de créance du 20 octobre 2009 au passif la procédure collective, versée aux débats en cause d'appel tant par l'exposant (pièce n° 10) que par le liquidateur (pièce n° 12), que le 3ème trimestre 2009 avait été facturé le 1er juillet 2009, soit antérieurement au 15 juillet 2009, date de cessation des paiements de la société Valparaiso fixée par le jugement d'ouverture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; alors 5°/ qu'en tout état de cause, si l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est susceptible de constituer une faute de gestion, encore faut-il, pour retenir la responsabilité du dirigeant à cet titre, que cette abstention ait contribué à aggraver le montant du passif de la société ; que pour retenir une augmentation de passif d'au moins 386.640,38 € pendant la seule période du 15 juillet au 21 juillet 2009, la cour d'appel a tenu compte d'une créance AG2R de 120.669 € sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé par l'exposant, si, s'agissant de cotisations de retraite complémentaire, le 3ème trimestre 2009 n'était pas exigible qu'au mois d'octobre 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; alors 6°/ qu'en tout état de cause, pour retenir que la responsabilité de M. V... B... était engagée du fait de la perte du droit au bail des locaux dans lesquels s'exerçait l'activité de la société, la cour d'appel a considéré que cette perte avait causé un préjudice important à la société Valparaiso dont le fonds avait perdu à cette occasion une grande partie de sa valeur qui était passée d'une évaluation à 950.000 € à une valeur de 203.000 € et que M. B..., tout en poursuivant l'activité nonobstant une dette de loyer supérieure à 560.000 €, n'avait pas pris les mesures nécessaires à la conclusion d'un nouveau bail ou au maintien du bail en cours ; qu'en se déterminant ainsi sans caractériser en quoi cette faute aurait contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; alors 7°/ qu'en tout état de cause, pour retenir que la responsabilité de M. V... B... était engagée pour avoir poursuivi abusivement une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, la cour d'appel a relevé que les résultats nets, tenant compte des charges supportées normalement par l'entreprise étaient systématiquement déficitaires depuis 2006, celui-ci ayant atteint 786.076 € en 2008 et 1.045.534 € en 2009, rendant nécessaire une déclaration de cessation des paiements ; qu'en statuant ainsi quand il résultait des bilans pour l'année 2007, versés aux débats en cause d'appel par l'exposant (pièce n° 19), que le résultat d'exploitation de la société Valparaiso était bénéficiaire, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil ; alors 8°/ qu'en tout état de cause, pour retenir que la responsabilité de M. V... B... était engagée pour avoir poursuivi abusivement une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, la cour d'appel a relevé que les résultats nets étaient systématiquement déficitaires depuis 2006, celui-ci ayant atteint 786.076 € en 2008 et 1.045.534 € en 2009, rendant nécessaire une déclaration de cessation des paiements ; qu'en statuant ainsi quand elle aurait dû prendre en compte, ainsi que l'exposant le faisait valoir, le résultat d'exploitation et non le résultat net, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; alors 9°/ qu'en tout état de cause, l'insuffisance d'actif susceptible d'être mise à la charge du dirigeant en cas de faute de gestion est celle qui apparaît à l'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Valparaiso a été ouverte par un jugement du 30 septembre 2009 ; que pour imputer à M. B... la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, la cour d'appel a pris en compte le résultat au 31 décembre 2009, sans préciser si, à la date d'ouverture collective, le résultat était ou non déficitaire ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser quelle était l'insuffisance d'actif à la date de l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008.
La faute tenant à la déclaration tardive de cessation des paiements ne pouvant exister avant l'expiration du délai de quarante-cinq jours pour déclarer, elle ne peut contribuer à accroître qu'une insuffisance d'actif née postérieurement à l'expiration de ce délai
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COMM. CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 juin 2020 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 277 F-P+B Pourvoi n° S 19-10.464 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020 1°/ M. Q... L..., 2°/ M. V... L..., tous deux domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° S 19-10.464 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre A), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme S... G..., épouse D..., domiciliée [...] , 2°/ à M. C... N..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de MM. V... et Q... L..., 3°/ à l'ordre des avocats du barreau d'Ajaccio, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de MM. L..., de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme G..., et après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 septembre 2018), MM. V... et Q... L..., assignés à cette fin par Mme G..., épouse D..., ont été mis en redressement judiciaire, M. N... étant désigné en qualité de mandataire judiciaire. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. MM. V... et Q... L... font grief à l'arrêt de constater leur état de cessation des paiements au 13 septembre 2018 et d'ouvrir leur redressement judiciaire, alors que : « 1°/ la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ; qu'une telle situation ne peut être régie que par les dispositions du livre VII du code de la consommation et est exclusive de l'application des dispositions du livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il ressortait du rapport de M. N... que "les débiteurs ont été condamnés sur la base d'un engagement personnel qu'ils avaient fait en qualité de caution de la dette de leur père" de sorte que la question du lien entre la dette des consorts L... et leur activité professionnelle antérieure à leur entrée en Selarl "se pose" et qu'il n'existait aucun autre passif ; qu'en décidant néanmoins que MM. V... et Q... L... étaient éligibles à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires à raison de l'impossibilité supposée de faire face à ce seul passif, de nature non professionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 631-1 du code de commerce par fausse application ; 2°/ subsidiairement, la demande d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est, à peine d'irrecevabilité qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande ; qu'en l'espèce, la demanderesse sollicitait la condamnation de MM. V... et Q... L... au paiement de sommes au titre de ses frais irrépétibles ; qu'en ouvrant leur redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les articles R. 631-2 et R. 640-1 du code de commerce ; 3°/ la cessation des paiements suppose une impossibilité du débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité dans laquelle se trouvaient MM. V... et Q... L... de faire face, chacun, à leur passif exigible avec leur actif disponible, dont elle ne précisait par la consistance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour 3. En premier lieu, il résulte, d'une part, des dispositions de l'article L. 711-3 du code de la consommation que le dispositif de traitement des situations de surendettement prévu par ce même code n'est pas applicable lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce et, d'autre part, de l'article L. 631-2 de ce dernier code, que la procédure de redressement judiciaire est applicable, notamment, à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant la nature de l'endettement invoqué. 4. L'arrêt constate que la société que MM. V... et Q... L... indiquent avoir constituée pour exercer leur activité professionnelle n'étant pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, il n'est pas établi que ces deux avocats ont effectivement cessé leur activité à titre individuel, ce dont il résulte qu'il est indifférent que la créance de Mme D... soit dépourvue de lien avec l'activité professionnelle de MM. L.... 5. Ainsi, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que MM. V... et Q... L... relèvent, chacun, d'une procédure collective instituée par le code de commerce. 6. En second lieu, si, aux termes des articles R. 631-2, alinéa 2, et R. 640-1, alinéa 2, du code de commerce la demande d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire formée par un créancier est, à peine d'irrecevabilité, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande subsidiaire d'ouverture d'une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire, ces textes n'interdisent toutefois pas au créancier poursuivant de présenter, en outre, une demande de remboursement de frais hors dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile. 7. En conséquence, la demande étant recevable, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen. 8. En troisième lieu, la cour d'appel, après avoir caractérisé l'ancienneté de la dette des consorts L..., constatée par un arrêt du 22 novembre 2005, et le fait que ceux-ci n'en contestent pas le caractère exigible, a énuméré les multiples et diverses voies d'exécution vainement exercées, tant sur des biens que sur des créances, par Mme D..., depuis 2007, pour recouvrer sa créance. Ayant ainsi fait ressortir l'impossibilité pour MM. V... et Q... L... de faire face à leur passif exigible avec leur actif disponible, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne MM. V... et Q... L... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour MM. Q... et V... L... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté l'état de cessation des paiements de V... L... et de Q... L..., fixé la date de la cessation des paiements de V... L... au 13 septembre 2018, fixé la date de cessation des paiements de Q... L... au 13 septembre 2018 et ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'endroit de V... L... et de Q... L... ; AUX MOTIFS QUE la Cour d'appel est saisie de l'ensemble de l'affaire par suite de l'effet dévolutif de l'appel interjeté du jugement du 24 octobre 2017 qui avait statué au fond de sorte qu'elle a l'obligation de vider le litige ; qu'en conséquence, la Cour de céans est fondée à statuer sur l'ensemble des points qui lui sont déférés ; qu'aux termes de l'article L.631-2 alinéa 1er du Code de commerce « La procédure de redressement judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé » ; que, de même, l'article L.640-2 du Code de commerce dispose que « La procédure de liquidation judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé » ; que s'agissant du moyen évoqué en première instance et tenant à la cessation de leur activité exercée en leur nom propre par V... et Q... L... avec reprise sous forme de SELARL, il y a lieu d'observer qu'une telle modification ne fait pas obstacle, en application des articles L.631-5 et L.640-3 du Code de commerce, au prononcé d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à leur égard à condition que « tout ou partie de leur passif provient de cette dernière (l'activité professionnelle cessée) » ; qu'en l'espèce, il n'est pas rapporté la preuve par les appelants de ce qu'ils aient effectivement cessé leur activité d'avocat à titre personnel, indépendamment de la création de la SELARL dont l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés d'Ajaccio n'était pas effectuée au 12 septembre 2017, selon attestation du greffe du tribunal de commerce d'Ajaccio, aucun document n'étant versé aux débats en cause d'appel par V... et Q... L... permettant de considérer cette formalité essentielle comme ayant été accomplie ; qu'il ressort du rapport de Me C... N... que « les débiteurs ont été condamnés sur la base d'un engagement personnel qu'ils avaient fait en qualité de caution de la dette de leur père » de sorte que la question du lien entre la dette des Consorts L... et leur activité professionnelle antérieure à leur entrée en SELARL se pose ; qu'il s'ensuit que si l'état de cessation des paiements est constaté à l'endroit de chacun des deux appelants, ils sont éligibles à une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; que dans leurs conclusions, les appelants font grief au jugement critiqué d'avoir prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au seul vu du passif exigible mais sans apprécier les actifs disponibles des deux avocats concernés ; qu'il se déduit de cette assertion que Q... et V... L... ne contestent ni l'existence d'un passif exigible, ni le montant de celui-ci ; qu'ainsi, aux termes du rapport de Me C... N..., èsqualités, en date du 12 décembre 2017, il apparaît que les Consorts L... sont redevables d'une somme actualisée au 10 octobre 2017, à 332 432,15 € en application d'un arrêt de la Cour d'appel de ce siège du 22 novembre 2005 (pièce n°1 de Me N...) ; que cet arrêt a donné lieu à un pourvoi en cassation qui a été radié le 26 juin 2006 de sorte que la décision du 12 décembre 2017 est définitive et constitue un titre exécutoire rendant la créance de S... G... épouse D... certaine et exigible ; que le commissaire-priseur désigné pour procéder à l'inventaire de l'actif de V... L... et de Q... L... a, le 17 novembre 2017, établi un procès-verbal de difficulté au motif qu'il n'était pas parvenu à entrer en contact avec les débiteurs ; que cependant, il est admis que la créance de S... G... épouse D... constitue la seule dette pesant sur les Consorts L... ; que par ailleurs, au vu du chiffre d'affaires retenu par le mandataire judiciaire dans son rapport, le résultat net de V... L... pour l'exercice professionnel 2016 est de 46 385 € tandis que celui de Q... L... est de 45 435 € ; que Me C... N... indique avoir été avisé qu'un protocole serait en cours d'élaboration concrétisant l'accord des parties pour mettre un terme au litige avec règlement d'une somme de 200 000 € pour solde de tout compte ; que toutefois, tant les Consorts L... dans leurs dernières écritures que S... G... épouse D... dans les siennes ne font état d'une telle solution transactionnelle ; qu'en conséquence, la mise en oeuvre des dispositions de l'article L.631-16 du Code de commerce, telle qu'envisagée par le mandataire judiciaire dans son rapport, ne peut prospérer à ce stade de la procédure ; que par ailleurs, si les tentatives infructueuses de recouvrement de la créance caractérisées par le commandement aux fins de saisie-vente du 27 février 2007, les procès-verbaux de saisie-attribution établis le 27 mars 2015, le 11 juin 2015 et le 21 septembre 2015 et les procès-verbaux de saisie-attribution et de saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières dressés les 31 mars 2015 et 16 avril 2016 à l'encontre de Q... L... et des 17 mars 2016 et du 17 avril 2016 à l'endroit de V... L... ainsi que l'absence de production en cause d'appel par les débiteurs de toute situation comptable concernant chacun d'entre eux et l'ancienneté même de la dette, militent pour l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, il n'est pas pour autant établi que le redressement judiciaire de V... L... et de Q... L... soit manifestement impossible à partir du moment où tous deux poursuivent leur activité d'avocat et que, comme précédemment indiqué, la créance de S... G... épouse D... est la seule dette dont les Consorts L... sont solidairement responsables ; qu'en conséquence, cet ensemble d'éléments doit conduire à constater que l'état de cessation des paiements existe au jour où la Cour statue et qu'il y a lieu d'ordonner l'ouverture de procédures de redressement judiciaire à l'égard de V... L... et de Q... L... ; 1°) ALORS QUE la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ; qu'une telle situation ne peut être régie que par les dispositions du Livre VII du Code de la consommation et est exclusive de l'application des dispositions du Livre VI du Code de commerce relatif aux difficultés des entreprises ; qu'en l'espèce, la Cour a relevé qu'il ressortait du rapport de Me C... N... que « les débiteurs ont été condamnés sur la base d'un engagement personnel qu'ils avaient fait en qualité de caution de la dette de leur père » de sorte que la question du lien entre la dette des Consorts L... et leur activité professionnelle antérieure à leur entrée en SELARL « se pose » et qu'il n'existait aucun autre passif ; qu'en décidant néanmoins que V... L... et Q... L... étaient éligibles à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires à raison de l'impossibilité supposée de faire face à ce seul passif, de nature non professionnelle, la Cour a violé l'article L. 631-1 du Code de commerce par fausse application ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE la demande d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est, à peine d'irrecevabilité qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande ; qu'en l'espèce, la demanderesse sollicitait la condamnation de V... L... et de Q... L... au paiement de sommes au titre de ses frais irrépétibles ; qu'en ouvrant le redressement judiciaire de V... L... et celui de Q... L..., la Cour a violé les articles R. 631-2 et R. 640-1 du Code de commerce ; 3°) ALORS, en tous cas, QUE la cessation des paiements suppose une impossibilité du débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité dans laquelle se trouvaient V... et Q... L... de faire face, chacun, à leur passif exigible avec leur actif disponible, dont elle ne précisait par la consistance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du Code de commerce.
Si, aux termes des articles R. 631-2, alinéa 2, et R. 640-1, alinéa 2, du code de commerce la demande d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire formée par un créancier est, à peine d'irrecevabilité, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande subsidiaire d'ouverture d'une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire, le créancier poursuivant peut néanmoins présenter, en outre, une demande de remboursement de frais hors dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile
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COMM. CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 juin 2020 Cassation partielle M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 282 F-P+B Pourvoi n° G 19-10.341 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020 M. Q... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 19-10.341 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. S... pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Nouvelle les 3 Epis Brive, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. N..., après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 13 novembre 2018), le 10 février 2014, un juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de librairie d'une société mise en liquidation judiciaire au profit de M. N... "ou de toute personne physique ou morale qui s'y substituerait, dont il resterait solidaire des engagements". L'entrée en jouissance dans les locaux, appartenant à une société tierce, a été fixée au 11 février 2014. Le même jour, a été créée la société Nouvelle les 3 Epis Brive (la société Nouvelle), dirigée par M. N..., ayant pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de distribution de tous produits culturels et de loisirs, le capital social étant de 4 000 euros. La société Nouvelle a été immatriculée le 10 avril 2014. 2. Le 1er avril 2014, le bailleur a délivré à M. N... un commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des loyers impayés de mars et avril 2014. Une ordonnance de référé du 10 juillet 2014, confirmée par un arrêt du 5 mars 2015, a constaté la résiliation du bail au 1er mai 2014, ordonné l'expulsion de M. N... et condamné celui-là, à titre provisionnel, au montant des loyers impayés du 11 février au 1er mai 2014 et à une indemnité d'occupation. 3. Par une ordonnance du 26 septembre 2014, sur la demande de M. N..., le président du tribunal de commerce a désigné un administrateur ad hoc pour le compte de la société Nouvelle, sur le fondement de l'article L. 611-3 du code de commerce. Par une déclaration déposée au greffe le 30 octobre 2014, la société Nouvelle, représentée par M. N..., a déclaré son état de cessation des paiements. Un jugement du 12 novembre 2014 a mis cette société en liquidation judiciaire, la société [...] étant désignée en qualité de liquidateur. Un jugement du 17 mai 2016 a reporté la date de cessation des paiements au 1er avril 2014. 4. Le liquidateur a assigné M. N... afin de le voir condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle et à une mesure d'interdiction de gérer. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le second moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. M. N... fait grief à l'arrêt de prononcer à son égard une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de dix ans, alors que « seul peut être sanctionné par une interdiction de gérer le dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; qu'en se bornant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, à relever qu'il n'avait déclaré l'état de cessation des paiements, caractérisé dès le 1er avril 2014 selon le tribunal de la procédure collective, que le 30 octobre 2014, sans établir la mauvaise foi de M. N... dans ce retard, et alors que ce dernier avait sollicité et obtenu du tribunal de commerce la désignation d'un administrateur ad hoc de la société afin de trouver une issue amiable avec les créanciers sociaux, la cour d'appel a violé l'article L. 653-8 du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 applicable en l'espèce. » Réponse de la Cour 7. L'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, applicable aux procédures collectives en cours, exige, pour l'application de la sanction de l'interdiction de gérer, que l'omission de la demande d'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements ait eu lieu sciemment. L'arrêt constate, d'abord, que le bailleur a délivré à M. N... un commandement de payer visant la clause résolutoire dès le 1er avril 2014, qu'entre les mois de février et octobre 2014, la dette de loyers de la société ouvelle a augmenté jusqu'à atteindre la somme de 26 428,57 euros, que cette dette a abouti au constat de la résiliation du bail et à l'expulsion par une ordonnance de référé du 10 juillet 2014. Il relève, ensuite, que bien que la date de cessation des paiements ait été reportée au 1er avril 2014, M. N... n'a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014 et que l'intéressé a rencontré le "même type de difficultés" pour l'exploitation de fonds de commerce à Bergerac et Bordeaux. L'arrêt retient, enfin, que M. N... ne peut invoquer la désignation d'un administrateur ad hoc par une ordonnance du 26 septembre 2014, dès lors que cette désignation avait pour but de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la société Nouvelle, et non de faire face à la cessation des paiements, la déclaration de celle-ci étant une obligation légale. Par ces constatations et appréciations, desquelles il ressort que M. N... ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la société Nouvelle, la cour d'appel, qui a caractérisé que ce dirigeant avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, a pu prononcer contre lui une interdiction de gérer. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 9. M. N... fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société, alors que « l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion ; qu'en retenant néanmoins, en l'espèce, que M. N... s'était rendu coupable d'une faute de gestion en créant une société sans apports de fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 651-2 du code de commerce : 10. Pour condamner M. N... à supporter l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle, l'arrêt retient que la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er avril 2014, seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que cette société ne disposait pas, dès l'origine, de la capacité financière suffisante pour faire face aux échéances de charges inéluctables, telles que les loyers et salaires, et que les apports extérieurs reçus par la société à compter du mois de mai 2014 et jusqu'en décembre 2014, manifestent l'absence de fonds propres et l'insuffisance de la trésorerie de cette société pour faire face aux charges courantes, et ce dès le début de l'exploitation. 11. En statuant ainsi, alors que l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas en soi une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il condamne M. N... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle les 3 épis Brive, l'arrêt rendu le 13 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ; Condamne la société [...], en qualité de liquidateur de la société Nouvelle les 3 épis Brive, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. N... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR a condamné M. N... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la Société Nouvelle Les 3 Epis d'un montant de 383 615,68 euros ; AUX MOTIFS PROPRES QUE seules les fautes ayant entraîné une insuffisance d'actif doivent être retenues ; qu'en premier lieu, force est de constater que dès le 1er avril 2014, M. N... a reçu un commandement de payer de son bailleur visant la clause résolutoire portant sur la somme de 26 438.57 € correspondant au loyer impayé du 11 février 2014, date de l'entrée en jouissance, au 30 avril 2014 ; que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne pouvait dès lors plus faire face au passif exigible avec son actif disponible, si bien que, par jugement rendu le 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Brive a dit et jugé que la date de cessation des paiements était reportée au 1er avril 2014 ; qu'or, M. N... n'a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014 ; qu'ainsi, en violation des dispositions de l'article L 631-4 du code de commerce, il n'a pas déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours qui suit cette cessation ; qu'il s'agit là d'une première faute de gestion de nature à augmenter le passif car M. N... s'est privé de la protection d'une procédure collective quand il en était encore temps ; qu'en effet, entre février 2014 et octobre 2014, les dettes de loyers, de salaires, de fournisseurs se sont démultipliées pour arriver au montant ci-dessus indiqué du passif de la liquidation judiciaire ; qu'ainsi, malgré la résolution du bail prononcée par ordonnance de référé du 20 juillet 2014 à la date du 1er mai 2014 et malgré un état de cessation des paiements intervenu dès le 1er avril 2014, la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis a continué fautivement son activité, creusant ainsi le déficit ; que M. N... ne peut pas valablement invoquer la désignation d'un administrateur ad hoc suivant ordonnance de Mme le président du tribunal de commerce du 26 septembre 2014 qui aurait pallier ce défaut de déclaration ; qu'en effet, cette désignation avait pour but, selon cette ordonnance, de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; qu'elle n'avait donc aucunement pour but de faire face à la cessation des paiements, alors que déclarer cette cessation est une obligation légale ; que la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er avril 2014, seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne disposait pas de la capacité financière suffisante, dès l'origine, pour faire face aux échéances de charges inéluctables (loyers, salaires...) ; qu'il convient de rappeler à cet égard que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis a été constituée suivant statust établis le 11 février 2014 avec un capital social de seulement 4 000 € ; que malgré les assertions de M. N... selon lesquelles les sociétés Alice Cap Ferret et Alice Arcachon pouvaient la renflouer, la Société Nouvelle Les 3 Epis ne disposait manifestement pas de la trésorerie suffisante pour faire face à ses charges ; que si par ailleurs M. N... dit que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne pouvait pas disposer d'un compte bancaire en raison de l'impossibilité de la faire immatriculer, il produit pourtant des relevés de comptes de cette dernière à la Caisse d'Epargne du 18 mars 2014 au 13 janvier 2015, la convention d'ouverture du compte datant du 14 mars 2014 ; qu'en outre, les versements de la SARL Alice Cap Ferret vers la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne sont intervenus qu'à compter du 11 mai 2014 (4 fois 10 000 €, 1500 €, 7000 € et 29 207,15 € le 31 décembre 2014) et ceux de la SARL Alice Arcachon (3 fois 5 000 € et une fois 7 000 €) ne sont intervenus qu'entre juillet 2014 et août 2014. A noter également un transfert de 6 000 € de la SARL Alice Cap Ferret vers la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis le 2 mai 2014 et des transferts de fonds provenant de cette société vers la SARL Alice Arcachon en février 2014 ; qu'en tout état de cause, les apports extérieurs manifestent l'absence de fonds propres et l'insuffisance de la trésorerie de la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis pour faire face aux charges courantes, ce dès le début de l'exploitation ; qu'enfin, si M. N... invoque pour sa défense la perte du contrat avec France Loisirs, il en eu connaissance dès le mois de février 2014 par le courrier de cette société en date du 19 février 2014 ; qu'à partir de ce moment là, il aurait pu procéder plus tôt à la déclaration de cessation des paiements ; qu'en tout état de cause, même si cette société avait maintenu ses relations contractuelles, il n'est pas établi que cela aurait empêché la cessation des paiements, le chiffre d'affaires généré par ce contrat n'étant que de 30 % (cf courrier de M. N... du 21 février 2014 adressé à France Loisirs) en l'absence de fonds propres de la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; qu'enfin, en ce qui concerne la gestion du personnel, bien que M. N... incrimine le comportement vindicatif de ce dernier à son égard, force est de constater que 9 salariés ont fait l'objet d'un licenciement jugé abusif par arrêt de la cour d'appel de Limoges du 15 mai 2017, si bien que sommes dues par la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis à l'égard de ces salariés s'élève à la somme de 146 479.27 € selon état des créances salariales à la date du 4 avril 2017 ; que la cour d'appel de Limoges dans ses arrêts du 15 mai 2017 a caractérisé les fautes de gestion de l'employeur à l'égard du personnel par un versement fractionné du salaire sans l'accord des salariés, l'absence de maintien du salaire pendant les arrêts de travail alors que l'employeur pouvait bénéficier de la subrogation, l'absence d'adhésion à un service de santé au travail inter-entreprises, le prélèvement indu de cotisations d'assurance vieillesse sur le salaire ; que le document remis aux délégués du personnel pour le 4 juillet 2014 qui, certes, analyse la situation de l'entreprise vise principalement au licenciement d'une dizaine de salariés pour cause économique ; qu'il ne permet donc pas de rapporter la preuve d'une gestion efficiente ; qu'ainsi, M. N... a commis des fautes dans la gestion du personnel qui ont eu également pour effet d'endetter la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; qu'ainsi, l'ensemble de ces fautes de gestion commises par M. N... ont manifestement contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; que sa responsabilité se trouve donc pleinement engagée et il doit être condamné à supporter l'intérgralité du passif retenu, soit la somme de 383 615,68 euros ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE pour sa défense, M. N... fait valoir les difficultés qu'il a rencontrées alors qu'elles démontrent au contraire une légèreté condamnable de M. N... dont la société au capital de 4 000 euros ne disposait pas de toute évidence de fonds propres pour asusrer le fonctionnement du fonds de commerce qu'elle a acquis pour 1 euros ; que M. N... ne peut pas se cacher derrière les difficultés d'ordre administratif inhérentes à toute reprise de fonds de commerce dans un cadre judiciaire pour obérer l'imprudence et la légèreté dont il a fait preuve en reprenant ce fonds de commerce ; qu'il ne peut pas non plus reporter la faute sur les co-contractants ; que le repreneur a eu connaissance de tous les contrats : contrats de travail qu'il a repris dans son offre contrairement au partenariat « France Loisirs » qui n'en faisait pas partie ; que la situation du fonds de commerce était conforme à ce qui a été acquis ; qu'ainsi aucun loyer n'a été payé depuis la prise de possession par le repreneur, alors que le droit au bail constitue pour cette activité un élément essentiel du fonds de commerce et que son montant est connu ; qu'enfin malgré les difficultés qu'il a rencontrées et qui se seont aggravées faute d'apport financier suffisanrt, M. N... a procédé à la déclarartion de cessation des paiements avec retard puisqu'il aurait dû y procéder dès le 2e trimestre 2014 ; que M. N... ne répond pas précisément aux accusations de gestion imprudente et négligente du mandataire judiciaire qui lui reproche des mouvements de fonds anormaux vers la société Alice Cap Feret et pour son propre compte, ce qui a appauvri la Société Nouvelle 3 Epis ; qu'elles viennent confirmer que M. N... a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, l'exploitation déficitiaire du fonds de commerce rachtée par la Sas Société Nouvelle Les 3 Epis qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; que dès lors il est démontré que M. N... a repris un fonds de commerce sans donner aucun moyen fnancier à la société qu'il a créée de poursuivre son activité ; qu'il ne pouvait ignorer les charges qui pesaient sur le repreneur et l'absence totale de trésorerie s'agissant de la reprise d'un fonds dans le cadre d'une liquidation judiciaire ; que malgré cette erreur initiale, il a poursuivi l'activité déficitaire malgré le commandement visant la clause résolutoire délivrée le 1/4/2014 par le bailleur, l'ordonnance de référé du 10/07/2014 qui a constaté la résiliation du bail et l'impossibilité de régler les salaires dès le mois de seprtembre 2014 ; qu'ainsi en créant une société sans apports de fonds propres suffisanrts pour assurer son fonctionnement dans des conditioosn normales et en poursuivant l'activité sans prendre aucune mesure pour remédier à cette insuffisance de fonds propres, M. N... a commis des fautes de gestion qui ont directement contribué à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la Sas Société Nouvelle Les 3 Epis qu'il est condamné à supporter en application de l'article L. 651-2 du code de commerce ; 1° ALORS QUE l'absence de déclaration de cessation des paiements n'est pas constitutive d'une faute de gestion lorsque le dirigeant a demandé et obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation; qu'en jugeant que constituait une faute de gestion le fait, pour M. N..., de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements et sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement ou liquidation judiciaire de la Société Nouvelle Les 3 Epis Brive, quand elle constatait que M. N... avait sollicité et obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article L. 651-2 du code de commerce ; 2° ALORS QUE l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion ; qu'en retenant néanmoins, en l'espèce, que M. N... s'était rendu coupable d'une faute de gestion en créant une société sans apports de fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ; 3° ALORS QUE la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas constitutive d'une faute de gestion dès lors qu'existent des perspectives de redressement ; qu'en se bornant à relever, pour reprocher à M. N... de ne pas avoir mis fin plus tôt à l'activité, que la Société Nouvelle Les 3 Epis Brive s'était retrouvée dès le départ confrontée à d'importantes difficultés notamment financières, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la poursuite, pendant un temps, de l'activité, nonobstant son caractère déficitaire, n'était pas justifiée par le fait que M. N... avait repris un fonds de commerce en liquidation judiciaire, dans une optique de maintien d'activité et d'emploi, conformément aux objectifs assignés aux procédures collectives, que son projet de reprise avait été validé par le tribunal qui considérait que la cession à M. N... constituait une possibilité de redressement du fonds, et qu'il ne pouvait donc immédiatement « jeter l'éponge », dans les semaines suivant l'arrêté du plan, sans avoir tenté de remédier aux problèmes, notamment par une conciliation avec les créanciers sociaux, une concertation avec les salariés, une réorganisation de l'entreprise, la recherche de nouveaux partenaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, à l'encontre de M. N..., pour une période de dix ans ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L 653–8 du code de commerce dispose que « Dans les cas prévus aux articles L 653–3 à L 653–6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci... » ; Dernier alinéa : « Elle [l'interdiction] peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L 653–1 qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs, demander l'ouverture d'une procédure de conciliation » ; que cette interdiction est donc applicable dans le cas d'une déclaration tardive, au-delà du délai de 45 jours, de la cessation des paiements ; qu'il est constant que M. N... a déclaré la cessation des paiements tardivement, en octobre 2014, au lieu du 1er avril 2014 ; qu'en conséquence, et au vu des fautes de gestion ci-dessus énoncées, et de ce que il a rencontré le même type de difficultés pour l'exploitation d'un fonds de commerce à Bergerac (Forum) et à Bordeaux (société de distribution du Grand Bordeaux), il convient de prononcer à son encontre une interdiction de gérer pendant dix ans ; que le jugement rendu par le tribunal de Commerce de Brive le 29 août 2017 sera donc confirmé sur ce point ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'attitude de M. N... qui a continué l'activité déficitaire malgré la fin du bail, le mécontentement des salariés payés tardivement puis plus du tout, sans procédet à la déclaration de cessation des paiements fixée au 1er avril 2014, justifie qu'il soit fait application à son encontre des dispositions de l'article L. 653-8 du code de commerce et le tribunal le condamne à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de dix ans ; 1° ALORS QUE la cassation à intervenir sur une quelconque des branches du premier moyen de cassation entrainera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pour une période de dix ans en s'appuyant sur les fautes de gestion imputées à M. N... dans le cadre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2° ALORS QU'en toute hypothèse, seul peut être sanctionné par une interdiction de gérer le dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; qu'en se bornant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, à relever qu'il n'avait déclaré l'état de cessation des paiements, caractérisé dès le 1er avril 2014 selon le tribunal de la procédure collective, que le 30 octobre 2014, sans établir la mauvaise foi de M. N... dans ce retard, et alors que ce dernier avait sollicité et obtenu du tribunal de commerce la désignation d'un administrateur ad hoc de la société afin de trouver une issue amiable avec les créanciers sociaux, la cour d'appel a violé l'article L. 653-8 du code de commerce dans sa version issue de la loi no2015-990 du 6 août 2015 applicable en l'espèce ; 3° ALORS QUE les fautes dans la gestion du personnel ne sont pas sanctionnées par une interdiction de gérer ; qu'en relevant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, qu'il avait commis des fautes dans la gestion du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 653-1, L. 653-4, L. 653-5 et L. 653-8 du code de commerce ; 4° ALORS QUE seul peut être sanctionné par une interdiction de gérer le dirigeant qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; qu'en se bornant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, à relever qu'il avait poursuivi abusivement l'exploitation déficitaire de la Société Nouvelle Les 3 Epis Brive sans nullement caractériser l'intérêt personnel que M. N... aurait tiré de la poursuite d'exploitation, la cour d'appel a violé l'article L. 653-4 4° du code de commerce.
L'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable aux procédures collectives en cours, exige, pour l'application de la sanction de l'interdiction de gérer, que l'omission de la demande d'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements ait eu lieu sciemment. Justifie sa décision de prononcer une interdiction de gérer contre l'ancien dirigeant d'une personne morale mise en liquidation judiciaire la cour d'appel dont les constatations et appréciations font ressortir que cet ancien dirigeant ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la société, caractérisant ainsi que l'intéressé avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal
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COMM. MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 juin 2020 Cassation M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 285 F-P+B Pourvoi n° X 18-22.747 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020 La Caisse nationale des barreaux français, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° X 18-22.747 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme G... D..., domiciliée [...], 2°/ à M. R... Q..., domicilié [...], pris en qualité de tuteur de Mme G... D..., 3°/ à M. A... C..., domicilié [...], pris en qualité de mandataire liquidateur de Mme G... D..., 4°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [...], 5°/ à l'ordre des avocats, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de la Caisse nationale des barreaux français, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Donne acte à la Caisse nationale des barreaux français du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. C..., en qualité de liquidateur de Mme D..., le procureur général près la cour d'appel de Paris et l'ordre des avocats. Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Vu les articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ; Attendu qu'un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme D..., avocate, a été mise en liquidation judiciaire le 20 avril 2017, M. C... étant désigné liquidateur ; que Mme D... a été mise sous tutelle le 12 octobre 2017, pour une durée de soixante mois, M. Q... étant désigné tuteur ; que celui-ci a contesté l'état de cessation des paiements retenu ; Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation ni de redressement judiciaires, l'arrêt retient que la débitrice est propriétaire d'un appartement dont la locataire a présenté une offre de rachat d'un montant correspondant aux estimations versées aux débats, acceptée par M. Q... en sa qualité de tuteur sous condition suspensive de l'approbation du mandataire judiciaire, qui a pris attache avec le tuteur pour être autorisé à vendre le bien et le notaire, et que la locataire a confirmé disposer de plus de la moitié du prix et avoir obtenu un emprunt pour le reste à condition que la vente se fasse rapidement en réitérant à l'audience son intention d'acquérir le bien ; Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne Mme D... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse nationale des barreaux français ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur empêché. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale des barreaux français. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire à l'encontre de Mme D... ; AUX PROPRES QU'« Au soutien de l'appel, M. Q... fait valoir que Mme D... n'est pas en cessation des paiements dans la mesure où elle dispose d'un actif disponible composé du solde d'un compte en banque à la Société Générale et d'un appartement en cours de vente, lui permettant de faire face à son passif exigible. La CNBF, créancier poursuivant, considère qu'au regard de l'ancienneté, de l'importance de sa créance (83.865,84 euros) et des diligences des huissiers de justice pour tenter de recouvrer les titres exécutoires, l'état de cessation des paiements est manifestement caractérisé. Depuis le jugement d'ouverture, la situation juridique de Mme D... a évolué en ce sens qu'il est constant que son état de santé est définitivement incompatible avec la reprise de son activité professionnelle et qu'un tuteur gère désormais ses biens sous le contrôle du juge des tutelles. Il résulte de l'état des créances établi par Maître C..., le 3 mai 2018, que le passif déclaré s'élève à 144.093,06 euros, et fait l'objet d'une proposition d'admission à titre définitif à hauteur de 80.820,59 euros, suite notamment au rejet, avec l'accord du créancier, de diverses créances déclarées par l'Urssaf. Mme D... est propriétaire d'un appartement de 27 M2 sis [...], actuellement loué à Mme J..., moyennant un loyer de 1.012 euros. Cet immeuble a fait l'objet d'estimations immobilières, d'une part par la société Quantus estimant le prix de vente à 295.000 euros net vendeur, et, d'autre part, par la société Fonda, estimant le prix de vente entre 320.000 et 325.000 euros net vendeur. Mme J..., locataire, a présenté une offre de rachat de cet appartement, en dernier lieu pour un montant de 320.000 euros, montant correspondant aux estimations versées au débat. Cette offre a été acceptée par Mme D..., prise en la personne de son tuteur, sous condition suspensive de l'approbation du mandataire judiciaire. Par lettre du 4 juin 2018, Mme J... confirme disposer de plus de la moitié du prix et avoir obtenu un emprunt pour le reste du prix, à condition que la vente se fasse rapidement. Elle s'est en outre présentée devant la cour à l'audience du 5 juin 2018 pour confirmer son intention d'acquérir au plus vite ce bien. M. Q... a pris attache avec le juge des tutelles en vue d'être autorisé à vendre cet appartement, des échanges ayant lieu également avec le notaire. Ainsi, la réalisation de cette vente va pouvoir intervenir à très bref délai, avec l'accord du juge des tutelles, permettant ainsi à la débitrice de disposer de liquidités excédant le passif exigible, étant précisé que s'ajoute à cet actif un solde d'environ 10.000 euros sur un compte bancaire spécialement ouvert dans les livres de la Société Générale pour encaisser les loyers réglés par Mme J.... Dans ce contexte, au jour où la cour, statue, la cessation des paiements n'apparaît pas caractérisée. En conséquence, le jugement déféré sera infirmé, la cour, statuant à nouveau, dira n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire » ; 1°) ALORS, d'une part, QUE la cessation des paiements est caractérisée lorsque le passif exigible est supérieur à l'actif disponible ; que l'actif disponible est constitué par les sommes dont le débiteur peut immédiatement disposer ; Qu'en l'espèce, pour dire que la cessation des paiements n'était pas caractérisée à l'égard de Mme D..., la cour d'appel a constaté que Mme D... est propriétaire d'un appartement à Paris loué à Mme J... et que celle-ci avait présenté une offre de rachat de cet appartement pour un montant de 320 000 € pour ensuite considérer que la réalisation de cette vente devrait permettre à la Mme D... de disposer de liquidités excédant le passif exigible, quand la valeur de cet immeuble ne pouvait être prise en compte dans l'actif disponible ; Qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité dans laquelle se trouvait Mme D... de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ; 2°) ALORS, d'autre part, QUE les motifs hypothétiques équivalent à un défaut de motif ; Qu'en l'espèce, pour dire que la cessation des paiements n'était pas caractérisée à l'égard de Mme D..., la cour d'appel a relevé que l'offre de rachat de l'appartement de Mme D... présentée par Mme J... avait été acceptée par Mme D..., prise en la personne de son tuteur, sous condition suspensive de l'approbation du mandataire judiciaire, et que, par lettre du 4 juin 2018, Mme J... avait déclaré disposer de plus de la moitié du prix et avoir obtenu un emprunt pour le reste du prix, à condition que la vente se fasse rapidement, pour finalement considérer que la réalisation de cette vente devrait pouvoir intervenir à très bref délai ; Qu'en statuant par ces motifs hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible
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COMM. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 juin 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 336 FS-P+B+R Pourvoi n° Q 19-13.153 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020 1°/ la société BPCE Lease Immo, société anonyme, dont le siège est [...], anciennement dénommée Natixis Lease immo et société Fructicomi, 2°/ la société BPIFrance financement, société anonyme, dont le siège est [...], 3°/ la société CM-CIC Lease, société anonyme, dont le siège est [...], ont formé le pourvoi n° Q 19-13.153 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant : 1°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], 2°/ à M. T... B..., domicilié [...], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société [...], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société BPCE Lease Immo, de la société BPIFrance financement et de la société CM-CIC Lease, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société [...], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 janvier 2019), la société Fructicomi, devenue Natixis Lease Immo puis BPCE Lease Immo, la société Oséo financement, devenue BPIFrance financement, et la société CM-CIC Lease, qui sont intervenues dans le cadre d'une indivision conventionnelle (les crédits-bailleurs), ont conclu avec la SCI A... un contrat de crédit-bail immobilier portant sur un ensemble immobilier, lequel a fait l'objet d'une sous-location au profit de la société [...] , société holding de la société A.... 2. En garantie de l'exécution du contrat, la société [...] a consenti aux crédits-bailleurs un nantissement sur les parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI, cette dernière consentant elle-même à la cession des sous-loyers reçus de la société [...]. 3. Par deux jugements du 7 octobre 2016, la société A... a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde et la société [...] a été mise en redressement judiciaire, M. B... et M. O... étant respectivement désignés mandataire judiciaire et administrateur dans les deux procédures. 4. Les crédits-bailleurs ont déclaré une créance au passif de la procédure de la société [...]. Cette créance a été contestée. Examen du moyen unique Enoncé du moyen 5. Les crédit-bailleurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'admission au passif du redressement judiciaire de la société [...] alors : « 1°/ que si le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d'autrui, il confère néanmoins à son bénéficiaire, en cas de vente du bien nanti, le droit de percevoir la quote-part du prix correspondant au montant garanti ; qu'à ce titre, le titulaire du nantissement dispose à l'égard du détenteur du bien nanti d'un droit de créance limité à la valeur de ce bien affecté en garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le nantissement n'imposait pas au tiers détenteur de régler les causes de la créance mais le dépossédait uniquement du bien donné en nantissement si ces causes n'étaient pas réglées au profit du créancier nanti, avant d'en déduire que « le créancier inscrit n'étant pas créancier du tiers détenteur, l'action dont il bénéficie à son encontre n'est pas une action en paiement mais le droit de mettre en oeuvre la voie d'exécution forcée sur le bien donné en gage » et que dès lors il ne pouvait déclarer aucune créance à ce titre au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre du tiers détenteur ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ; 2°/ que la cession de créance, même effectuée à titre de garantie, transférant au cessionnaire la propriété de la créance cédée, le cédant n'a plus qualité pour déclarer cette créance à la procédure collective ouverte contre le débiteur cédé, seul le cessionnaire disposant de cette faculté ; qu'en l'espèce, la SCI A... a consenti aux crédit-bailleurs la cession à titre de garantie de la créance de sous-location détenue contre la société [...] ; qu'il en résultait que les crédits-bailleurs étaient, par l'effet de cette cession, seuls titulaires de la créance correspondante, de sorte qu'ils étaient seuls fondés à déclarer cette créance au passif de la société [...] ; que, pour décider le contraire, la cour d'appel a considéré que le cessionnaire de créance n'avait pas qualité pour la déclarer au passif du tiers cédant et que la cession constituait un privilège entre les mains du prêteur lui ouvrant droit à percevoir les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de l'emprunteur si le tiers détenteur est en capacité de les honorer mais en aucun cas d'être reconnu créancier de ce tiers détenteur s'il ne les règle pas ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que les crédits bailleurs avait acquis la qualité de créancier par l'effet de la cession de créance de sous loyers, ce dont il résultait que, pour les sous-loyers dus avant l'ouverture de la procédure collective, ils avaient seuls qualités pour déclarer la créance correspondante au passif de la procédure collective ouverte contre la société [...] , la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 622-24 du code de commerce et l'article L. 311-24 du code monétaire et financier ». Réponse de la Cour 6. D'une part, une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur. 7. Les crédits-bailleurs n'étant pas créanciers de la société [...] , au titre du nantissement, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté leur demande d'admission. 8. D'autre part, la cession de créance à titre de garantie ne transfère au cessionnaire la propriété que de la créance cédée, soit en l'espèce la créance de sous-loyers, et non celle de la créance garantie, soit en l'espèce la créance de loyers. 9. La cour d'appel en a exactement retenu que, les crédits-bailleurs n'étant créanciers, au titre de la créance née du contrat de crédit-bail, que de la SCI A..., ils n'avaient pas à être admis au passif de la procédure collective de la société [...] à ce titre. 10. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés BPCE Lease Immo, BPIFrance financement et CM-CIC Lease aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BPCE Lease Immo et la condamne, avec les sociétés BPIFrance financement et CM-CIC Lease, à payer à la société [...] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour les sociétés BPCE Lease Immo, BPIFrance financement et CM-CIC Lease IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande des sociétés tendant à admettre au passif du redressement judiciaire de la société [...] une créance de 941.385,39 € dont 60.416,66 € TTC échus et 880.968,73 € à échoir. AUX MOTIFS QUE si les dispositions relatives à l'extinction de la créance en cas d'absence de déclaration d'une créance ont limité l'enjeu d'une déclaration de créance pour les créanciers titulaires d'une garantie réelle, par nature privilégiée, il n'en demeure pas moins que ces créanciers peuvent avoir un intérêt à procéder à une déclaration de créance opposable à la procédure collective puisqu'ils pourront participer à la distribution de dividendes si la réalisation de leur garantie ne permet pas d'éteindre leur créance ; qu'il incombe au créancier de déclarer l'intégralité de ses créances nées avant le jugement d'ouverture, y compris celles à échoir ; qu'une telle déclaration n'est possible que s'il existe un lien de créance personnelle entre le créancier qui demande l'admission de sa créance et la personne au passif de laquelle il sollicite l'inscription de sa créance ; que l'intégralité des décisions communiquées par les intimées pour démontrer que leurs créances doivent être admises au passif de [...] concerne des créances de cautionnement ; qu'il est en effet admis qu'un créancier doit toujours déclarer au passif d'une caution dès lors que le cautionnement a été conclu avant le jugement d'ouverture de la procédure collective (Cass com 19 janvier 1993 nº 90-22.126 ) ; que cette jurisprudence s'explique aisément par la création, par le cautionnement, d'un lien personnel de créance entre le créancier et la caution qui devient directement débitrice du prêteur en cas de défaillance de l'emprunteur principal ; que, dans son arrêt rendu le 2 décembre 2005, la chambre mixte de la Cour de cassation ( nº de pourvoi 03-18210) a retenu que le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d'autrui et se distingue ainsi d'un cautionnement, sûreté personnelle ; que le nantissement étant un gage, la jurisprudence susvisée lui est dès lors inapplicable puisque l'indivision conventionnelle n'est pas créancière de [...] mais de C..., [...] ayant uniquement apporté une garantie réelle au paiement de la dette d'un tiers ; que les règles applicables au gage, c'est-à-dire à une sûreté mobilière avec dépossession qui peut être fictive, conduisent à distinguer selon que la personne au passif de laquelle le créancier entend produire est son débiteur personnel ou un tiers détenteur obligé réel ; qu'en effet l'obligation réelle ne peut exister que parce qu'il y a d'abord une obligation personnelle, celle du débiteur principal envers le créancier nanti, le nantissement consenti n'étant en réalité qu'un droit de suite, attribut d'un droit de créance et qui disparaît avec cette dernière ; que le nantissement n'impose pas au tiers détenteur de régler les causes de la créance mais le dépossède uniquement du bien donné en nantissement si ces causes ne sont pas réglées au profit du créancier nanti ; que ce mécanisme impose à ce dernier, au regard du lien de créance personnelle qui l'unit au débiteur principal, de déclarer sa créance au passif de ce dernier pour pouvoir conserver son nantissement accessoire à cette créance, que le gage lui ait été consenti par le débiteur lui-même ou par un tiers détenteur ; qu'au contraire, le créancier inscrit n'étant pas créancier du tiers détenteur, l'action dont il bénéficie à son encontre n'est pas une action en paiement mais le droit de mettre en oeuvre la voie d'exécution forcée sur le bien donné en gage ; qu'il ne peut donc demander le paiement de l'intégralité de sa créance au tiers détenteur en engageant une action en justice contre lui comme il aurait pu le faire envers le débiteur ; qu'il peut d'ailleurs poursuivre la saisie contre le tiers détenteur sans avoir besoin de déclarer sa créance au passif d'une personne qui n'est pas son débiteur personnel mais un obligé réel à la dette ; qu'il n'est en effet pas écarté des répartitions et participe à la collocation sur le bien vendu grevé de la sûreté ; qu'ainsi, en l'espèce, si une liquidation judiciaire intervient, l'indivision conventionnelle opposera à la procédure son droit de suite lorsque le prix de vente des parts sociales sera distribué et elle l'emportera sur tous les créanciers de la procédure collective ; que si un plan de continuation est arrêté, elle pourra également réclamer l'attribution judiciaire des parts sociales nanties si C... ne l'a pas intégralement réglée de sa créance ; mais qu'elle ne viendra pas en concurrence avec les autres créanciers sur les autres sommes distribuées que ce soit par dividendes ou à la suite d'une liquidation, puisqu'une fois la vente forcée du bien nanti intervenue, elle aura épuisé tous ses droits et ne pourra demander au redressement ou à la liquidation du tiers détenteur paiement du reliquat restant dû par son débiteur principal après cette vente ; que, de même, la cession de loyers consentie par l'emprunteur au profit du prêteur en garantie du remboursement du prêt a été signifiée au locataire, de sorte que l'indivision conventionnelle a désormais, au titre de ces loyers, la qualité de créancier nanti lui conférant un droit de rétention ; que cette cession de créance constitue un privilège entre les mains du prêteur lui ouvrant droit à percevoir les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de l'emprunteur si le tiers détenteur est en capacité de les honorer mais en aucun cas d'être reconnu créancier de ce tiers détenteur s'il ne les règle pas ; qu'en cas de cession de créance, et même si cette cession intervient à titre de garantie, le cessionnaire a certes qualité pour déclarer la créance cédée au passif de la procédure collective du débiteur cédé ( Cass.com., 1er mars 2005, nº 03-15.862) mais qu'il n'a pas qualité pour la déclarer au passif du tiers cédant ; que pour ces motifs, le créancier nanti d'un bien incorporel n'a pas à produire sa créance et que cette dernière n'a pas à être admise au passif, ce qui conférerait au créancier un droit à la répartition de dividendes en cas de plan de continuation et un droit à la distribution de sommes en cas de liquidation alors que de tels droits sont étrangers à son seul droit de suite sur le bien nanti ; qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a admis au passif la créance de l'indivision conventionnelle à titre privilégié aux causes du nantissement de 198 parts sociales numérotées de 3 à 200 détenues par la S.A.R.L. [...] dans le capital de la SCI A... et aux effets de la cession à titre de garantie des loyers de sous location dus par la société [...] à la SCI A... pour la somme de 941.385,39 euros dont 60.416,66 euros TTC échus et 880.968,73 euros à échoir ; qu'en effet de telles sommes ne sont pas dues par [...] dont la garantie est limitée à la valeur des parts sociales nanties et aux loyers versés par le tiers détenteur ; que les intimées seront donc déboutées de leur demande tendant à obtenir l'admission de ces sommes au passif de [...] (arrêt, p. 8 à 10) ; 1°) ALORS QUE si le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d'autrui, il confère néanmoins à son bénéficiaire, en cas de vente du bien nanti, le droit de percevoir la quote-part du prix correspondant au montant garanti ; qu'à ce titre, le titulaire du nantissement dispose à l'égard du détenteur du bien nanti d'un droit de créance limité à la valeur de ce bien affecté en garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le nantissement n'imposait pas au tiers détenteur de régler les causes de la créance mais le dépossédait uniquement du bien donné en nantissement si ces causes n'étaient pas réglées au profit du créancier nanti, avant d'en déduire que « le créancier inscrit n'étant pas créancier du tiers détenteur, l'action dont il bénéficie à son encontre n'est pas une action en paiement mais le droit de mettre en oeuvre la voie d'exécution forcée sur le bien donné en gage » et que dès lors il ne pouvait déclarer aucune créance à ce titre au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre du tiers détenteur (arrêt, p. 6 § 5 et 6) ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ; 2°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHÈSE, la cession de créance, même effectuée à titre de garantie, transférant au cessionnaire la propriété de la créance cédée, le cédant n'a plus qualité pour déclarer cette créance à la procédure collective ouverte contre le débiteur cédé, seul le cessionnaire disposant de cette faculté ; qu'en l'espèce, la SCI A... a consenti aux crédit-bailleurs la cession à titre de garantie de la créance de sous-location détenue contre la société [...] ; qu'il en résultait que les crédits-bailleurs étaient, par l'effet de cette cession, seuls titulaires de la créance correspondante, de sorte qu'ils étaient seuls fondés à déclarer cette créance au passif de la société [...] ; que, pour décider le contraire, la cour d'appel a considéré que le cessionnaire de créance n'avait pas qualité pour la déclarer au passif du tiers cédant et que la cession constituait un privilège entre les mains du prêteur lui ouvrant droit à percevoir les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de l'emprunteur si le tiers détenteur est en capacité de les honorer mais en aucun cas d'être reconnu créancier de ce tiers détenteur s'il ne les règle pas (arrêt, p. 7 § 1 et 2) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que les crédits bailleurs avait acquis la qualité de créancier par l'effet de la cession de créance de sous loyers (arrêt, p. 6 dernier §), ce dont il résultait que, pour les sous-loyers dus avant l'ouverture de la procédure collective, ils avaient seuls qualités pour déclarer la créance correspondante au passif de la procédure collective ouverte contre la société [...] , la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 622-24 du code de commerce et l'article L. 311-24 du code monétaire et financier.
Une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur. En conséquence, un crédit-bailleur, qui bénéficie en garantie du paiement des loyers du nantissement de parts sociales détenues par une société tierce, n'étant pas le créancier de cette dernière au titre de ce nantissement, c'est à bon droit qu'une cour d'appel rejette la demande d'admission d'une créance à ce titre au passif de cette société
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COMM. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 juin 2020 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 337 FS-P+B Pourvoi n° F 18-25.262 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020 1°/ M. A... Q..., 2°/ Mme M... Q..., tous deux domiciliés [...] , 3°/ la société Café du Port, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , 4°/ la société Les Ports de Lune, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , ont formé le pourvoi n° F 18-25.262 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à M. N... F..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Le Port de la Lune, 2°/ à la société Ekip, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société [...] , prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Port de la Lune, 3°/ au procureur général près de la cour d'appel de Bordeaux, domicilié à la cour d'appel, place de la République, 33077 Bordeaux, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. et Mme Q... et des sociétés Café du Port et Les Ports de Lune, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Ekip, en qualité de liquidateur de la société Le Port de la Lune, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mme Graff-Daudret, Bélaval, Fontaine, Fevre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er octobre 2018), la société Le Port de la Lune a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 29 janvier 2014 qui a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au jour du jugement. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 26 mars 2014. A la demande du liquidateur, la date de cessation des paiements a été reportée au 15 septembre 2013 par un jugement du 9 septembre 2015, publié au BODACC le 29 septembre 2015. Par déclaration au greffe du 22 décembre 2016, les sociétés Les Ports de Lune, Le Café du Port ainsi que M. et Mme Q... ont formé tierce opposition au jugement du 9 septembre 2015. Examen du moyen unique Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. Les sociétés Les Ports de Lune et Le Café du Port ainsi que M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant déclaré irrecevable leur tierce opposition alors : « 1°/ que si le délai prévu par l'article R. 661-2 du code de commerce déroge au délai de droit commun et exclut l'application du droit commun à cet égard, l'application de l'article R. 661-2 du code de commerce doit, pour les règles qui ne sont pas contraires, être combinée avec les règles de droit commun relatives à la tierce opposition, notamment celles relatives à l'intérêt à agir ; qu'en énonçant que l'article R. 661-2 du code de commerce « est exclusif des règles de droit commun » de la tierce opposition, la cour d'appel a violé l'article R. 661-2 du code de commerce ensemble l'article 583 du code de procédure civile ; 2°/ que pour pouvoir former tierce-opposition, il faut y avoir intérêt ; qu'il en résulte que le délai pour former tierce-opposition au jugement reportant la date de cessation des paiements ne court à l'égard d'un tiers qu'à compter du moment auquel il a intérêt à agir ; qu'en refusant de reporter la date de cessation des paiement à la réception, par les consorts Q..., de leur assignation en comblement de l'insuffisance d'actif aux motifs que les appelants ne pourraient « sérieusement soutenir qu'ils pourraient fixer arbitrairement le point de départ du délai pour former tierce opposition à une date qui leur conviendrait » et qu'un tel report impliquerait « une recevabilité perpétuelle » de la tierce opposition, la cour d'appel a violé les articles R. 661-2 du code de commerce et 31 et 583 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. » Réponse de la Cour 4. Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les deux premiers, des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour le dernier, des articles L. 632-1 et L. 632-2 du même code , ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties. 5. L'arrêt retient exactement que les sociétés Les Ports de Lune, Le Café du Port ainsi que M. et Mme Q..., en leurs qualités d'anciens dirigeants et de créanciers de la société débitrice, avaient intérêt à former tierce opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société, dès sa publication au BODACC, le 29 septembre 2015, et que seule cette date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du code de commerce pour former tierce opposition, lequel était, dès lors, expiré lorsque la tierce opposition a été formée le 22 décembre 2016. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Les Ports de Lune, la société Le Café du Port, M. et Mme Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Les Ports de Lune, la société Le Café du Port, M. et Mme Q... et les condamne à payer à la société Ekip, en qualité de liquidateur de la société Le Port de la Lune, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Q... et les sociétés Café du Port et Les Ports de Lune Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par les époux Q..., la société Les Ports de Lune et la société Le Café du Port à l'encontre du jugement rendu le 9 septembre 2015 ; Aux motifs propres que « il est constant que le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux reportant au 15 septembre 2013 la date de cessation des paiements de la société Le Port de la Lune en liquidation judiciaire a été prononcé le 9 septembre 2015 ; qu'il est également constant que ce jugement ayant reporté la date de cessation des paiements de la société Le Port de la Lune a été publiée au BODACC le 29 septembre 2015 (pièce n° 54 des mandataires) ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 661-2 du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, que l'opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de liquidation judiciaire par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision ; que, toutefois, pour les décisions soumises, comme en l'espèce, aux formalités d'insertion dans un journal d'annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le délai ne court que du jour de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ; qu'en l'espèce, les appelants, qui ne contestent pas que ces dispositions sont applicables à leur tierce opposition, ne peuvent non plus contester que cette tierce opposition a été formée très postérieurement au délai de 10 jours qui a couru à compter de la publication le 29 septembre 2015 au BODACC du jugement de report de la date de cessation des paiements du 9 septembre 2015 ; qu'ils invoquent génériquement leur droit à un procès équitable et à pouvoir accéder à un juge, au visa de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; que, pour autant, le droit à un procès équitable et d'accès au juge prévu par l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'Homme se prête à des limitations conformes à l'intérêt général de bonne administration de la justice ; que le fait d'encadrer la possibilité de tierce opposition, comme toutes les autres voies de recours, dans un délai précis et fixé à l'avance, n'interdisait pas aux appelants qui en connaissaient par avance la durée, d'exercer ce recours et ainsi d'accéder au tribunal ; qu'ainsi, leur défaut allégué d'accès à un juge ne résulte en l'espèce que de leur propre carence, et la sanction d'irrecevabilité encourue ne fait apparaître aucune disproportion entre le but poursuivi et les moyens mis en oeuvre ; que les appelants proposent de fixer le point de départ du délai de tierce opposition à la date de leur assignation pour sanction le 13 décembre 2016 ; que ce moyen dénature complètement les dispositions claires de l'article R. 661-2 du code de commerce ci-dessus, et ne saurait être sérieusement soutenu ; que les appelants soutiennent surtout en réalité qu'ils n'auraient pas pu faire tierce opposition dans le délai parce ce qu'ils n'avaient alors pas intérêt à le faire ; qu'ils font valoir que le tribunal n'a pas répondu à leur argumentation tenant à ce qu'ils n'avaient pas la qualité de dirigeants de la société Le Port de la Lune, que la décision de report ne leur causait donc pas de grief lorsqu'elle a été rendue et lorsqu'elle a été publiée, et qu'ils n'étaient pas à ces dates recevables à former tierce opposition ; qu'ils ajoutent qu'ils n'étaient pas dirigeants lors de l'ouverture de la procédure, mais non plus au 15 septembre 2013 ; que s'ensuit une discussion sur les arguments du mandataire liquidateur qui soutient au contraire qu'ils avaient intérêt dès la décision de report ; qu'en effet, les mandataires intimés peuvent utilement opposer que la décision de report était immédiatement susceptible d'avoir une incidence sur les droits des époux Q... et des sociétés appelantes en tant que anciens dirigeants et/ou créanciers de la société en liquidation judiciaire ; qu'un dirigeant ou ancien dirigeant de la personne morale objet d'une procédure collective, tout comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible en tout état de cause d'avoir une incidence sur leurs droits, ont, dès cette date, un intérêt à former tierce opposition à cette décision ; qu'il doit être relevé que les appelants sont aussi des créanciers de la société « Le Port de la Lune », et il apparaît que M. Q..., qui proteste n'être qu'un ancien dirigeant ayant cessé ses fonctions antérieurement à la nouvelle date de cessation des paiements, était, après cette cessation, encore un créancier de la société au titre d'un compte courant ; qu'au-delà, les appelants ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils pourraient fixer arbitrairement le point de départ du délai pour former tierce opposition à une date qui leur conviendrait et qui serait différente de celle prévue par le texte ci- dessus ; qu'il est à observer que les appelants se sont gardés de former tierce opposition dans le délai prévu par les textes, ce qu'ils expliquent seulement par une crainte pourtant purement hypothétique d'être déclarés irrecevables pour défaut de qualité ; qu'ils se bornent à invoquer les dispositions générales de l'article 6 de la CEDH, alors que leur analyse revient non pas à mettre en oeuvre le droit à un procès équitable ou à l'accès au juge, mais en réalité à permettre à un tiers de décider souverainement et sans limites du moment où le délai lui serait ouvert, sur sa seule décision d'estimer qu'il aurait un intérêt à agir seulement à partir de la date qu'il choisit ; qu'or, la conséquence d'une telle recevabilité perpétuelle d'une tierce opposition ne peut se concevoir en matière de procédures collectives, ce qui justifie des règles spécifiques, non contraires, comme analysé Supra, à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; que l'article R. 661-2 du code de commerce ci-dessus, qui fixe les conditions d'exercice de la tierce opposition contre les décisions rendues en matière de redressement ou de liquidation judiciaires, est exclusif des règles de droit commun, que la tierce opposition soit principale ou incidente ; qu'il y a donc lieu de confirmer l'irrecevabilité prononcée par le tribunal de commerce » (arrêt attaqué, p. 6-8) ; Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « l'article R661-1 du code de commerce dispose : « Sauf dispositions contraires, l'opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L. 653-8 par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision. Toutefois, pour les décisions soumises aux formalités d'insertion dans un journal d'annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le délai ne court que du jour de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Pour les décisions soumises à la formalité d'insertion dans un journal d'annonces légales, le délai ne court que du jour de la publication de l'insertion » ; que le jugement de report de la date de cessation des paiements a été prononcé le 9 septembre 2015 et publié au BODACC le 29 septembre 2015 ; que ce jugement était susceptible d'avoir une incidence sur les droits des époux Q... qui avaient, dès cette date, un intérêt à former tierce opposition à ce jugement ; que les époux Q... n'ont formé tierce opposition de ce jugement que le 22 décembre 2016, soit très postérieurement au délai de 10 jours, courant à compter de la date de publication au BODACC ; que les époux Q... ont une interprétation erronée de l'article R661-2 du code de commerce en affirmant que le délai de 10 jours court à compter de la date d'assignation ; qu'en conséquence, le tribunal déclarera irrecevable la tierce opposition formée par les époux Q..., la société Les Ports de la Lune et la société Le Café du Port, à l'encontre du jugement rendu le 9 septembre 2015 » (jugement entrepris, p. 5) ; 1°) Alors que si le délai prévu par l'article R. 661-2 du code de commerce déroge au délai de droit commun et exclut l'application du droit commun à cet égard, l'application de l'article R. 661-2 du code de commerce doit, pour les règles qui ne sont pas contraires, être combinée avec les règles de droit commun relatives à la tierce opposition, notamment celles relatives à l'intérêt à agir ; qu'en énonçant que l'article R. 661-2 du code de commerce « est exclusif des règles de droit commun » de la tierce opposition, la cour d'appel a violé l'article R. 661-2 du code de commerce ensemble l'article 583 du code de procédure civile ; 2°) Alors que pour pouvoir former tierce-opposition, il faut y avoir intérêt ; qu'il en résulte que le délai pour former tierce-opposition au jugement reportant la date de cessation des paiements ne court à l'égard d'un tiers qu'à compter du moment auquel il a intérêt à agir ; qu'en refusant de reporter la date de cessation des paiement à la réception, par les consorts Q..., de leur assignation en comblement de l'insuffisance d'actif aux motifs que les appelants ne pourraient « sérieusement soutenir qu'ils pourraient fixer arbitrairement le point de départ du délai pour former tierce opposition à une date qui leur conviendrait » (arrêt attaqué, p. 8, § 1) et qu'un tel report impliquerait « une recevabilité perpétuelle » de la tierce opposition (ibid., p. 8, § 3), la cour d'appel a violé les articles R. 661-2 du code de commerce et 31 et 583 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 3°) Alors que tout jugement doit être motivé ; qu'au cas présent, la cour d'appel était tenue de motiver la question de la recevabilité de la tierce opposition à l'égard de chaque appelant ; qu'en énonçant de manière indéterminée que le jugement aurait été « susceptible d'avoir une incidence sur les droits des époux Q... et des sociétés appelantes en tant que anciens dirigeants et/ou créanciers de la société en liquidation judiciaire » (p. 7, § 8) sans indiquer lesquels devraient être considérés comme dirigeants et lesquels devaient être considérés comme créanciers, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) Alors que la SELARL O... C... et Me F... n'ont pas soutenu dans leurs conclusions que les consorts Q... auraient eu intérêt à agir en tierce opposition en leur qualité de créanciers ; qu'en relevant d'office, et sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, que « les appelants sont aussi des créanciers de la société « Le Port de la Lune » » (arrêt, p. 7, in fine) pour justifier leur prétendu intérêt à agir, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction ; 5°) Alors que tout jugement doit être motivé ; qu'en relevant d'office, pour justifier leur prétendu intérêt à agir, que « les appelants sont aussi des créanciers de la société « Le Port de la Lune » » (arrêt, p. 7, in fine) sans préciser sur quels éléments elle se basait pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a, par ailleurs, violé l'article 455 du code de procédure civile.
Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les deux premiers, des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour le dernier, des articles L. 632-1 et L. 632-2 du même code, ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties. En conséquence, une cour d'appel retient exactement que les anciens dirigeants et les créanciers d'une société en liquidation judiciaire avaient intérêt à former tierce opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société dès la date de sa publication au BODACC et que cette seule date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du code de commerce pour former tierce opposition
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COMM. JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 juin 2020 Cassation partielle M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 375 F-P+B Pourvoi n° W 18-23.620 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020 1°/ M. J... H..., 2°/ Mme O... U..., épouse H..., domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° W 18-23.620 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2018 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. V... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme H..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Q..., après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 septembre 2018), par un acte du 21 juin 2016, M. Q... a vendu à M. H... le navire [...], de type chalutier / coquillard au prix de 280 000 euros. M. Q... se prévalant de la caducité de la promesse de vente eu égard à l'expiration du délai de validité, M. et Mme H... l'ont assigné afin de voir constater que la vente était parfaite et ont demandé le paiement de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. M. et Mme H... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que le navire soit livré avec son permis de mise en exploitation, alors « que la mise en exploitation d'un navire est soumise à une autorisation préalable dite permis de mise en exploitation des navires de pêche professionnelle ; qu'une fois ce permis délivré, il ne peut en aucun cas donner lieu à une cession et demeure donc attaché au navire, dont il constitue l'accessoire ; qu'il s'ensuit que la vente d'un navire emporte nécessairement, par l'effet de la loi, transfert de propriété du permis de mise en exploitation qui lui est attaché ; qu'en considérant en l'espèce que seul le navire pouvait faire l'objet de la vente, à l'exclusion du permis de mise en exploitation, faute pour les acquéreurs de rapporter la preuve que les parties avaient entendu inclure ce permis dans le périmètre de la cession, alors que la vente du navire emportait nécessairement, par l'effet de la loi, transfert aux acquéreurs du permis de mise en exploitation qui lui est attaché, la cour d'appel a violé les articles L. 921-7 et R. 921-9 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour Vu l'article 1615 du code civil : 3. Aux termes de ce texte, l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel. 4. Pour rejeter la demande de M. et Mme H... tendant à ce que le navire soit livré avec son permis de mise en exploitation, l'arrêt retient qu'ils ne produisent pas l'annexe à laquelle renvoie la promesse pour déterminer les accessoires vendus avec le navire et que leur demande ne peut se fonder sur l'annexe produite par M. Q... qui n'est signée que de lui et qui se réfère en outre au délai de validité de deux mois dont ils contestent l'application. 5. En statuant ainsi, alors que le permis de mise en exploitation d'un navire de pêche professionnelle maritime, dont l'obtention a permis l'entrée en flotte de celui-ci et dont la présentation est requise pour la délivrance du rôle d'équipage, remplacé désormais par le permis d'armement, est un document indispensable à l'utilisation normale d'un tel navire, et en constitue l'accessoire, de sorte que manque à son obligation de délivrer la chose vendue le vendeur qui ne le remet pas à l'acquéreur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, qui est recevable Enoncé du moyen 6. M. et Mme H... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que le navire soit livré avec ses appareils et apparaux, alors « que constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué ; qu'il en est notamment ainsi d'une attestation qui, émanant de la partie qui conteste la teneur de la convention alléguée par le demandeur, rappelle le contenu de celle-ci ; que pour débouter M. et Mme H... de leur demande tendant à ce que le navire soit livré avec ses appareils, apparaux et permis d'exploitation, la cour d'appel a considéré que cette demande « ne peut se fonder sur l'annexe produite par M. Q... qui n'est signée que de lui et qui se réfère en outre au délai de validité de deux mois dont ils contestent précisément, à juste titre, l'application » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'attestation signée de la main de M. Q... constituait un commencement de preuve par écrit, sur lequel M. et Mme H... pouvaient parfaitement se fonder aux fins d'établir l'existence de la convention alléguée, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. M. Q... soulève l'irrecevabilité du moyen en ce qu'il serait nouveau et contraire à ce que M. et Mme H... ont soutenu devant la cour d'appel. 8. Toutefois, M. et Mme H... ayant soutenu que la règle posée par l'article 1341 du code civil interdit aux parties de prouver par témoins ou présomptions les obligations portant sur une somme supérieure à 1 500 euros, le moyen n'est pas contraire à leurs conclusions. Et né de la décision attaquée, le moyen est recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1341 et 1347 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 9. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il peut être prouvé contre et outre le contenu d'un acte lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, c'est-à-dire un écrit émané de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué. 10. Pour rejeter la demande de M. et Mme H... tendant à ce que le navire soit livré avec ses appareils et apparaux, l'arrêt retient qu'ils ne produisent pas l'annexe à laquelle renvoie la promesse pour déterminer les accessoires vendus avec le navire et que leur demande ne peut se fonder sur l'annexe produite par M. Q... qui n'est signée que de lui et qui se réfère en outre au délai de validité de deux mois dont ils contestent l'application. 11. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que l'annexe mentionnant les accessoires vendus avec le navire émanait de M. Q... auquel elle était opposée, sans rechercher, dès lors, si cet écrit rendait vraisemblable le fait allégué par M. et Mme H..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation Vu l'article 624 du code de procédure civile : 12. La cassation prononcée sur le premier moyen du chef du rejet de la demande tendant à la délivrance des accessoires entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition critiquée par le second qui, limitant à une certaine somme le montant du préjudice résultant de la perte de chance subie par M. et Mme H... au motif que seul le navire avait été vendu et qu'il convenait de procéder à des démarches en vue d'obtenir la licence et procéder à l'acquisition de matériel complémentaire, s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme H... de leur demande tendant à ce que le navire soit livré avec ses appareils, apparaux et permis de mise en exploitation et condamne M. Q... à payer à M. et Mme H... la somme de 44 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'exploitation du navire, l'arrêt rendu le 5 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne M. Q... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. et Mme H... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme H... PREMIER MOYEN DE CASSATION LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. et Mme H... de leur demande tendant à ce que le navire soit livré avec ses appareils, apparaux et permis d'exploitation, AUX MOTIFS QUE « Les époux H... demandent en outre à la cour de dire que le bateau devra être délivré avec ses appareils, apparaux et permis d'exploitation (P.M.E.), mais ils ne produisent pas l'annexe à laquelle renvoie le compromis pour les accessoires vendus avec le navire. Leur demande ne peut se fonder sur l'annexe produite par M. Q... qui n'est signée que de lui et qui se réfère en outre au délai de validité de deux mois dont ils contestent précisément, à juste titre, l'application. Dans ces conditions, comme cela ressort des motifs du jugement, seul le navire peut faire l'objet de la vente » ; ALORS D'UNE PART QUE la mise en exploitation d'un navire est soumise à une autorisation préalable dite permis de mise en exploitation des navires de pêche professionnelle ; qu'une fois ce permis délivré, il ne peut en aucun cas donner lieu à une cession et demeure donc attaché au navire, dont il constitue l'accessoire ; qu'il s'ensuit que la vente d'un navire emporte nécessairement, par l'effet de la loi, transfert de propriété du permis de mise en exploitation qui lui est attaché ; qu'en considérant en l'espèce que seul le navire pouvait faire l'objet de la vente, à l'exclusion du permis de mise en exploitation, faute pour les acquéreurs de rapporter la preuve que les parties avaient entendu inclure ce permis dans le périmètre de la cession, alors que la vente du navire emportait nécessairement, par l'effet de la loi, transfert aux acquéreurs du permis d'exploitation qui lui est attaché, la cour d'appel a violé les articles L.921-7 et R.921-9 du code rural et de la pêche maritime ; ALORS D'AUTRE PART et en tout état de cause QUE constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué ; qu'il en est notamment ainsi d'une attestation qui, émanant de la partie qui conteste la teneur de la convention alléguée par le demandeur, rappelle le contenu de celle-ci ; que pour débouter les époux H... de leur demande tendant à ce que le navire soit livré avec ses appareils, apparaux et permis d'exploitation, la cour d'appel a considéré que cette demande « ne peut se fonder sur l'annexe produite par M. Q... qui n'est signée que de lui et qui se réfère en outre au délai de validité de deux mois dont ils contestent précisément, à juste titre, l'application » (arrêt attaqué p.12) ; qu'en statuant ainsi, alors que l'attestation signée de la main de M. Q... constituait un commencement de preuve par écrit, sur lequel les époux H... pouvaient parfaitement se fonder aux fins d'établir l'existence de la convention alléguée, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. Q... à payer à M. et Mme H... la somme de 44.000 € à titre de dommages intérêts pour perte de chance d'exploitation du navire, AUX MOTIFS QU' « Les époux H... sollicitent quant à eux la somme de 264.000 € (88.000 x 3), correspondant à trois mois d'exploitation du navire qu'ils avaient mis en demeure de leur livrer. Toutefois, leur préjudice ne peut être apprécié qu'au regard de la perte de chance de l'exploiter. Contrairement à ce que soutient M. Q..., le contrat de travail liant M. H... à une société de remorquage a été expressément suspendu le 15 septembre 2016 en vue de lui permettre une telle exploitation du navire. Il n'en demeure pas moins que la mise en demeure a eu lieu à une date (9 septembre) à laquelle le prêt n'était pas encore débloqué puisque ce n'est que le 21 septembre que Mme H... a indiqué dans un sms que le prêt avait été obtenu. En outre, il n'est pas établi que l'exploitation aurait pu reprendre aussitôt après, alors que seul le navire était vendu et qu'il convenait de procéder aux démarches en vue d'obtenir la licence et procéder à l'acquisition du matériel complémentaire. Dans ces conditions, le préjudice doit être évalué à une perte de chance de seulement 20 % d'exploiter le navire au cours de la période revendiquée, ce qui correspond à la somme de 44.000 € à laquelle sera condamné M. Q... » ; ALORS QU' en vertu de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce que l'arrêt attaqué a considéré à tort que seul le navire était vendu, s'étendra nécessairement au chef de l'arrêt qui, pour limiter à 20 %, soit 44.000 €, la perte de chance subie par les époux H... d'exploiter le navire durant la période revendiquée, a considéré que « seul le navire était vendu et qu'il convenait de procéder à des démarches en vue d'obtenir la licence et procéder à l'acquisition de matériel complémentaire » (arrêt attaqué, p.13).
Le permis de mise en exploitation d'un navire de pêche professionnelle maritime, dont l'obtention a permis l'entrée en flotte de celui-ci et dont la présentation est requise pour la délivrance du rôle d'équipage, remplacé désormais par le permis d'armement, est un document indispensable à l'utilisation normale d'un tel navire, et en constitue l'accessoire, de sorte que manque à son obligation de délivrer le navire de pêche vendu le vendeur qui ne le remet pas à l'acquéreur
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 mars 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 374 FP-P+B+R+I Pourvoi n° S 19-13.316 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020 1°/ la société Uber France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...], 2°/ la société Uber BV, société de droit étranger, dont le siège est Meester Treublaan 7, 1097 DP, Amsterdam (Pays-Bas), ont formé le pourvoi n° S 19-13.316 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à M. I... F..., domicilié [...], défendeur à la cassation. Intervention volontaire : du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), dont le siège est [...] . Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Uber France et Uber BV, de la SCP Ortscheidt, avocat de M. F..., de Me Haas, avocat de la CGT-FO, les plaidoiries de Mes Célice, Ortscheidt et celles de Me Haas, et l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, M. Maron, Mme Aubert-Monpeyssen, MM. Rinuy, Pion, Ricour, Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, conseillers, Mme Depelley, M. David, Mme Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), M. F..., contractuellement lié avec la société de droit néerlandais Uber BV par la signature d'un formulaire d'enregistrement de partenariat, a exercé une activité de chauffeur à compter du 12 octobre 2016 en recourant à la plateforme numérique Uber, après avoir loué un véhicule auprès d'un partenaire de cette société, et s'être enregistré au répertoire Sirene en tant qu'indépendant, sous l'activité de transport de voyageurs par taxis. 2. La société Uber BV a désactivé définitivement son compte sur la plateforme à partir du mois d'avril 2017. 3. M. F... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber en contrat de travail, et formé des demandes de rappels de salaires et d'indemnités de rupture. Examen de la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière 4. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. 5. Le syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ne justifiant pas d'un tel intérêt dans ce litige, son intervention volontaire n'est pas recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Les sociétés Uber France et Uber BV font grief à l'arrêt de dire que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, alors : « 1°/ que le contrat de travail suppose qu'une personne physique s'engage à travailler pour le compte d'une autre personne, physique ou morale, moyennant rémunération et dans un rapport de subordination juridique ; que ne constitue donc pas un contrat de travail, le contrat conclu par un chauffeur VTC avec une plateforme numérique, portant sur la mise à disposition d'une application électronique de mise en relation avec des clients potentiels en échange du versement de frais de service, lorsque ce contrat n'emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour la plateforme numérique, ni de se tenir à sa disposition et ne comporte aucun engagement susceptible de le contraindre à utiliser l'application pour exercer son activité ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application ou non, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l'avance, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l'Application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l'algorithme, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n'a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application, de sorte que le chauffeur n'est tenu d'aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre à utiliser l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne sont assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui peut librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; que la société Uber BV en déduisait que la conclusion et l'exécution du contrat par M. F... n'emportaient strictement aucune obligation pour ce dernier de travailler pour le compte de la plateforme, de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion et l'exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur de travailler pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 2°/ qu'il résulte de l'article L. 8221-6 du code du travail que la présomption de non salariat pour l'exécution d'une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n'est écartée que lorsqu'il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'aucun lien de subordination juridique permanent ne saurait résulter du contrat conclu entre une plateforme numérique et un chauffeur VTC, lorsque le contrat n'emporte aucun pouvoir de la plateforme d'exiger du chauffeur qu'il accomplisse un travail pour elle ou même qu'il se tienne à sa disposition pendant une période donnée, aussi courte soit-elle, ni aucun engagement susceptible de contraindre le chauffeur à utiliser l'application développée par la plate-forme ; qu'au cas présent, il est constant que M. F..., qui était inscrit au répertoire des métiers en qualité de chauffeur, entrait dans le champ d'application de l'article L. 8221-6 du code du travail ; que la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans être aucunement tenu d'en informer à l'avance la plateforme, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion temporaire de l'application pour permettre le bon fonctionnement de l'algorithme (les demandes de courses étant proposées aux chauffeurs connectés un par un, par ordre de proximité avec le passager), le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment uniquement en cliquant sur l'application ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la conclusion du contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne donne lieu à aucune redevance, ni à aucun engagement financier, de la part du chauffeur à l'égard de la société Uber BV, qui serait de nature à contraindre le chauffeur d'utiliser l'application, et que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de prestation de service électronique et l'utilisation de l'application n'étaient assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui pouvait tout à fait librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; qu'en se bornant à énoncer que le fait de pouvoir choisir ses lieux et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée", sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces éléments, dont il résultait, non pas une simple liberté pour M. F... de choisir ses horaires de travail (telle qu'elle peut exister pour certains salariés), mais une liberté totale d'utiliser ou non l'application, de se connecter aux lieux et heures choisis discrétionnairement par lui, de ne pas accepter les courses proposées par le biais de l'application et d'organiser librement son activité sans l'application, n'excluaient pas l'existence d'un lien de subordination permanente avec la société Uber BV, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 3°/ que le juge ne peut se prononcer sur l'existence ou non d'un lien de subordination juridique qu'en tenant compte de l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'exercice de l'activité qui lui sont présentés par les parties ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir, sans être contredite, que le chauffeur n'était soumis à aucune obligation, ni à aucun contrôle, en termes de connexion et d'activité, que le contrat de partenariat portant sur l'utilisation de l'application ne comportait aucun engagement financier à la charge du chauffeur à son égard, ne comportait pas d'obligation d'exclusivité et rappelait même expressément que le chauffeur était libre de se connecter et d'utiliser des applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC autrement qu'en utilisant l'application Uber ; qu'en jugeant qu'il existait un faisceau d'indices suffisant pour caractériser l'existence d'un lien de subordination, sans prendre en compte ces éléments déterminants propres à établir que le chauffeur dispose dans l'exercice de son activité, y compris par l'intermédiaire de la plateforme Uber, d'une liberté incompatible avec l'existence d'un lien de subordination juridique permanente, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 4°/ que l'exécution d'un contrat de partenariat portant sur l'utilisation par un chauffeur VTC d'une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme de s'assurer du bon fonctionnement de l'application, du respect par le chauffeur de la réglementation applicable, de la sécurité des personnes et de la qualité de la prestation de transport ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat en cas de manquements graves et répétés du chauffeur aux obligations résultant du contrat de partenariat ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que l'exigence à l'égard du chauffeur de ne pas annuler trop fréquemment les courses proposées par l'application qu'il a acceptées n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre la libertédu chauffeur de choisir si, quand, et où il se connecte et de ne pas accepter les courses proposées, mais est nécessaire pour garantir la fiabilité du système en fluidifiant l'offre et la demande ; qu'elle exposait, par ailleurs, que les chauffeurs utilisant l'application Uber ne reçoivent aucun ordre, ni aucune directive personnalisée et que les règles fondamentales" résultant des documents contractuels constituent des exigences élémentaires de politesse et de savoir-vivre, de respect de la réglementation et de la sécurité des personnes, inhérentes à l'activité de chauffeur VTC ; que, dans ces conditions, la possibilité de rompre le contrat de partenariat en cas de méconnaissance de ces obligations n'est aucunement constitutive d'un pouvoir disciplinaire, mais relève de la faculté dont dispose tout contractant de rompre un partenariat commercial lorsque ses termes et ses conditions ne sont pas respectés par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que la société Uber BV disposait à l'égard des chauffeurs d'un pouvoir de sanction caractérisant un contrat de travail, qu'un taux d'annulation trop élevé ou le signalement par les passagers de comportements problématiques du chauffeur pouvaient entraîner la perte d'accès au compte, sans expliquer en quoi les exigences posées pour l'utilisation de l'application se distinguent de celles inhérentes à la nature même de l'activité de chauffeur VTC et à l'utilisation d'une plateforme numérique de mise en relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble les articles L. 3221-1 et suivants du code des transports et 1103 et 1226 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 5°/ que la seule existence d'une possibilité stipulée au contrat, pour la plateforme de désactiver ou de restreindre l'accès à l'application ne saurait en elle-même caractériser un contrôle de l'activité des chauffeurs en l'absence de tout élément de nature à établir qu'une telle prérogative serait utilisée pour contraindre les chauffeurs à se connecter et à accepter les courses qui leur sont proposées ; qu'en se bornant à affirmer que la stipulation, au point 2.4 du contrat, selon laquelle Uber se réserve le droit de désactiver l'application ou d'en restreindre l'utilisation aurait pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV", cependant, d'une part, que le contrat rappelait, par ailleurs, expressément au chauffeur qu'il était libre d'utiliser l'application quand il le souhaitait et d'accepter ou non les courses proposées et, d'autre part, qu'il n'était relevé aucun élément de nature à faire ressortir l'existence une quelconque désactivation ou restriction d'utilisation de l'application lorsqu'un chauffeur ne se connecte pas ou refuse des courses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 6°/ que l'article 2.4 du contrat de prestations de services stipule notamment que le client et ses chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et combien de temps utiliser, pour chacun d'eux, l'application chauffeur ou les services Uber" et que le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire de l'application chauffeur, de tenter d'accepter, de refuser ou d'ignorer une sollicitation de services de transport par l'intermédiaire des services Uber, ou d'annuler une demande de services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'application chauffeur, sous réserve des politiques d'annulation d'Uber alors en vigueur" ; qu'en tronquant l'article 2.4 du contrat pour dire que cette stipulation aurait pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV", sans prendre en compte les termes clairs et précis de cette stipulation relative à la liberté du chauffeur de se connecter et de ne pas accepter les courses proposées, la cour d'appel a dénaturé par omission cette stipulation contractuelle, en violation des articles 1103 et 1192 du code civil, dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 7°/ que le respect de la commande du client, qui a été acceptée par le chauffeur VTC, ne saurait constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination de ce dernier à l'égard de la plateforme numérique ayant mis en relation le chauffeur et le client ; qu'ainsi, le fait pour un chauffeur VTC, qui a accepté d'effectuer une prestation de service de transport exclusive commandée par un client, de respecter les termes de cette commande et ne pas pouvoir prendre en charge d'autres passagers tant que la prestation de transport est en cours ne peut constituer un indice de subordination à l'égard d'une plateforme numérique ; qu'en jugeant que l'interdiction faite au chauffeur pendant l'exécution d'une course réservée via l'application Uber de prendre en charge d'autres passagers vient réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant", la cour d'appel s'est fondée sur un motif erroné et a violé les articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 8°/ qu'il résulte de la charte de la communauté Uber que sont prohibés les actes qui menacent la sécurité des chauffeurs et des passagers" comme le fait d'entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord. Par exemple : le fait d'envoyer un SMS, d'appeler ou de rendre visite à l'une des personnes présentes dans la voiture après la fin de la course sans son accord" ; qu'il résulte de ce document contractuel produit aux débats que, d'une part, l'interdiction de contacter les clients après la course, qui répond à des impératifs de sécurité, ne s'applique pas lorsque le client a accepté d'être contacté par le chauffeur et que, d'autre part, il n'est nullement interdit au chauffeur de donner ses coordonnées aux clients pour leur permettre de réserver une course auprès de lui directement sans passer par l'intermédiaire de la plate-forme ; qu'en jugeant néanmoins qu'en interdisant au chauffeur de contacter les passagers et de conserver leurs informations personnelles après une course, la société Uber BV privait les chauffeurs de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l'application Uber", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des documents contractuels produits aux débats, en violation des articles 1103, 1189 et 1192 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 9°/ que la société Uber BV faisait valoir que les dispositions du code de la consommation interdisent à un chauffeur VTC de refuser d'accomplir une course sans motif légitime, de sorte que l'absence de connaissance précise de la destination, n'est pas de nature à remettre en cause l'indépendance du chauffeur ; qu'en énonçant que l'absence de connaissance du critère de destination par le chauffeur lorsqu'il doit répondre à une proposition par le biais de la plateforme Uber interdit au chauffeur de choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non", sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions légales relatives au refus de fourniture de services n'interdisent pas à un chauffeur professionnel de refuser une course pour des motifs de pure convenance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-11 et R. 121-13 du code de la consommation, ensemble l'article L. 8221-6 du code du travail ; 10°/ que le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d'une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l'égard de la plateforme dès lors que ce système n'a pas pour objet de contrôler l'activité des chauffeurs mais n'est utilisé que pour mettre ces derniers en contact avec le client le plus proche, assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation ; qu'en affirmant que le système de géolocalisation utilisé par la plateforme Uber suffit à établir l'existence d'un contrôle des chauffeurs, peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 11°/ que la détermination par une plateforme de mise en relation par voie électronique du prix des prestations de services fournies par son intermédiaire ne saurait caractériser un indice de l'existence d'un contrat de travail ; que le seul fait qu'une prestation de transport fasse l'objet d'un tarif horokilométrique et que le prix de la prestation puisse être réajusté, en cas de réclamation d'un passager, lorsque le trajet choisi par le chauffeur n'est pas approprié car abusivement long n'est pas constitutif d'un ordre ou d'une directive dans l'exécution du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1411-1 et L. 7341-1 du code du travail, ensemble les articles 1164 et 1165 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 12°/ que les éventuels engagements pris par un chauffeur indépendant à l'égard de tiers afin d'exercer son activité professionnelle ne sauraient constituer des indices d'un lien de subordination juridique entre ce chauffeur et une plateforme numérique ; qu'en relevant le fait que M. F... avait, dans l'attente de sa propre inscription au registre des VTC intervenue le 7 décembre 2016, exercé son activité sous la licence de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, ce qui le contraignait à générer un chiffre d'affaires en se connectant à la plateforme Uber, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique avec la société Uber BV, en violation des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1199 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 8221-6 du code du travail, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre. 8. Selon la jurisprudence constante de la Cour (Soc., 13 nov. 1996, n° 94-13187, Bull. V n° 386, Société générale), le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. 9. Selon cette même jurisprudence, peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution. 10. A cet égard, la cour d'appel a retenu que M. F... a été contraint pour pouvoir devenir "partenaire" de la société Uber BV et de son application éponyme de s'inscrire au Registre des Métiers et que, loin de décider librement de l'organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV, qui n'existe que grâce à cette plateforme, service de transport à travers l'utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d'exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société Uber BV. 11. La cour d'appel a retenu, à propos de la liberté de se connecter et du libre choix des horaires de travail, que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu'un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber BV. 12. Au sujet des tarifs, la cour d'appel a relevé que ceux-ci sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n'a pas le libre choix, puisque le contrat prévoit en son article 4.3 une possibilité d'ajustement par Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", M. F... produisant plusieurs corrections tarifaires qui lui ont été appliquées par la société Uber BV et qui traduisent le fait qu'elle lui donnait des directives et en contrôlait l'application. 13. S'agissant des conditions d'exercice de la prestation de transport, la cour d'appel a constaté que l'application Uber exerce un contrôle en matière d'acceptation des courses, puisque, sans être démenti, M. F... affirme que, au bout de trois refus de sollicitations, lui est adressé le message "Êtes-vous encore là ?", la charte invitant les chauffeurs qui ne souhaitent pas accepter de courses à se déconnecter "tout simplement", que cette invitation doit être mise en regard des stipulations du point 2.4 du contrat, selon lesquelles : "Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber", lesquelles ont pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non, ce d'autant que le point 2.2 du contrat stipule que le chauffeur "obtiendra la destination de l'utilisateur, soit en personne lors de la prise en charge, ou depuis l'Application Chauffeur si l'utilisateur choisit de saisir la destination par l'intermédiaire de l'Application mobile d'Uber", ce qui implique que le critère de destination, qui peut conditionner l'acceptation d'une course est parfois inconnu du chauffeur lorsqu'il doit répondre à une sollicitation de la plateforme Uber, ce que confirme le constat d'huissier de justice dressé le 13 mars 2017, ce même constat indiquant que le chauffeur dispose de seulement huit secondes pour accepter la course qui lui est proposée. 14. Sur le pouvoir de sanction, outre les déconnexions temporaires à partir de trois refus de courses dont la société Uber reconnaît l'existence, et les corrections tarifaires appliquées si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", la cour d'appel a retenu que la fixation par la société Uber BV d'un taux d'annulation de commandes, au demeurant variable dans "chaque ville" selon la charte de la communauté Uber, pouvant entraîner la perte d'accès au compte y participe, tout comme la perte définitive d'accès à l'application Uber en cas de signalements de "comportements problématiques" par les utilisateurs, auxquels M. F... a été exposé, peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission. 15. La cour d'appel, qui a ainsi déduit de l'ensemble des éléments précédemment exposés que le statut de travailleur indépendant de M. F... était fictif et que la société Uber BV lui avait adressé des directives, en avait contrôlé l'exécution et avait exercé un pouvoir de sanction, a, sans dénaturation des termes du contrat et sans encourir les griefs du moyen, inopérant en ses septième, neuvième et douzième branches, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT irrecevable l'intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ; REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Uber France et Uber BV aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Uber France et Uber BV à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Uber France et Uber BV Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail et d'avoir renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris ; AUX MOTIFS QUE « Sur la relation de travail entre et les sociétés Uber BV et Uber France : Il est constant que M. I... F... s'est engagé auprès de la société Uber BV, société de droit néerlandais, en qualité de chauffeur, par un "formulaire d'enregistrement de partenariat", dans lequel il déclare avoir reçu et lu les conditions générales d'Uber, dénommées "Conditions de partenariat", faisant partie intégrante de ce formulaire, avec lequel, elles forment le "Contrat". Il verse aux débats, au titre des documents contractuels, outre le formulaire d'enregistrement de partenariat : le contrat de prestation de services, dans sa version mise à jour au 1er février 2016, la charte de la communauté Uber, les règles fondamentales Uber. Il expose que, pour travailler pour le compte d'Uber, il a obtenu, le 12 septembre 2016 sa carte professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur et s'est également inscrit, le 28 septembre 2016, au registre Sirene, en tant qu'indépendant, en déclarant l'activité APE 4932Z "transport de voyageurs par taxis" ; Que, concernant le véhicule, il a souscrit un premier contrat de location à effet du 10 octobre 2016, puis un deuxième à compter du 28 novembre 2016 auprès d'un partenaire d'Uber, la société Voitures Noires, puis un troisième, le 18 janvier 2017 auprès d'un autre partenaire d'Uber, la société Flexi-Fleet ; Que s'agissant de la carte professionnelle VTC (Voiture de Tourisme avec Chauffeur), il a, dans un premier temps, conclu le 12 octobre 2016 avec la société Hinter France un contrat de location de carte moyennant le versement de redevances directement prélevées par Uber, avant d'obtenir sa propre carte, le 7 décembre 2016 ; Qu'il a installé sur son smartphone "l'Application Uber", définie au point 1.6 du contrat comme : "l'application mobile Uber qui permet aux prestataires de transport d'accéder aux services Uber afin de chercher, recevoir et exécuter des sollicitations de service de transport sur demande par des utilisateurs, susceptible d'être mise à jour ou modifiée par Uber à sa discrétion de temps à autre" ; Que le terme "Services Uber" désigne, selon le point 1.17 : "les services électroniques d'Uber exécutés par l'intermédiaire d'une plateforme de technologie électronique numérique intermédiaire sur demande, et les services associés qui permettent aux prestataires de transport de chercher, recevoir et exécuter des sollicitations sur demande de services de transport par les utilisateurs qui recherchent des services de transport. Ces services de transport incluent l'accès à l'Application Chauffeur et aux logiciels, sites internet et services de paiement associés d'Uber (...)" ; Poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, M. I... F... entend démontrer que chaque service de transport qu'il a effectué pour le compte de la société Uber BV et celui de la société Uber France qu'il met aussi dans la cause, le plaçait dans un lien de subordination à leur égard et que les 2.038 courses qu'il a ainsi réalisées entre le 12 octobre 2016 et le 7 avril 2017, constituent autant de contrats de travail à durée déterminée, qui doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée. La société Uber BV et la société Uber France s'opposent à cette prétention en considérant que M. I... F... échoue à renverser la présomption de non-salariat qui pèse sur lui, qu'elles ne sont pas des donneuses d'ordre et que les chauffeurs qui utilisent l'application Uber ne sont pas dans un lien de subordination juridique à leur égard. Le contrat de travail n'étant défini par aucun texte, il est communément admis qu'il est constitué par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par le pouvoir qu'a l'employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. La qualification de contrat de travail étant d'ordre public et donc indisponible, il ne peut y être dérogé par convention. Ainsi, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité, l'office du juge étant d'apprécier le faisceau d'indices qui lui est soumis pour dire si cette qualification peut être retenue. L'article L. 8221-6 du code du travail dispose, quant à lui, que : "I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1º Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; 2º Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; 3º Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. (...)", instituant ainsi une présomption simple de non-salariat, qui supporte la preuve contraire. Il doit encore être précisé que le fait que le travail soit effectué au sein d'un service organisé peut constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution. M. I... F..., dont il ne saurait être contesté, du fait de son immatriculation au répertoire Sirene, le 28 septembre 2016, qu'il entre dans la catégorie des personnes visées au I de l'article L. 8221-6 précité, énumère plusieurs éléments au soutien de sa demande de requalification de ses services de transport en contrat de travail. En premier lieu, il fait valoir qu'il n'était pas libre de se connecter à l'application Uber quand il le souhaitait, puisque, d'une part, il a, dans un premier temps, loué sa carte professionnelle à la société Hinter France, dont le montant était imputé sur le calcul des revenus réalisés avec l'Application Uber et alors que ce contrat stipulait que : "Pour la durée du présent contrat, Hinter fait bénéficier le partenaire de la faculté (non-exclusive, non transmissible et d'une durée limitée) d'exercer son activité en collaboration avec Hinter pour toute course concernant un Client réalisée par l'intermédiaire de l'application développée par Uber", ce qui excluait de recourir à l'usage de cette carte au profit d'applications concurrentes à celles d'Uber, que, de deuxième part, il a loué, à compter de février 2017, un véhicule à la société Flexi-Fleet, partenaire d'Uber, dont le loyer de 245 euros par semaine était également imputé sur le calcul des revenus réalisés avec l'Application Uber, ce qui le contraignait à se connecter à la plateforme pour, à tout le moins pouvoir régler hebdomadairement le montant de cette location et que, de troisième part, le point 2.4 du contrat, stipule notamment que : "(...) Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber", ce qui signifie que la connexion à la plateforme ne dépend pas du chauffeur mais d'Uber, qui peut, à tout moment et à sa discrétion, empêcher un chauffeur de se connecter. En deuxième lieu, M. I... F... soutient qu'il n'était pas libre de choisir ses horaires de travail, relevant le décalage existant entre heures de connexion et heures d'activité, au cours desquelles sont reçues les sollicitations de services de transport, qui ne dépendent pas de lui mais des applications logicielles d'Uber et ajoutant que c'est sa dernière course qui conditionne la fin de son horaire de travail, quelle qu'en soit la durée, quand bien même recevrait-il la sollicitation une minute avant l'heure de fin qu'il avait prévue pour arrêter son service. En troisième lieu, il met en avant son impossible liberté de refuser ou d'annuler un service de transport, car si le point 2.4 du contrat stipule que : "Le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire des services Chauffeur, de tenter d'accepter, de refuser ou d'annuler une demande de services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'application Chauffeur" et que : "Pour lever toute ambiguïté, le client comprend que le client conserve le droit intégral de fournir des services de transport à ses clients existants et d'utiliser d'autres services d'application logicielle indépendamment des services Uber", néanmoins : "Uber se réserve le droit, à tout moment et à la seule discrétion d'Uber, de désactiver ou autrement restreindre l'accès ou l'utilisation par un client ou un chauffeur de l'Application Chauffeur ou des services Uber en cas d'infraction au présent contrat (...) Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber". Se référant à la charte de la communauté Uber, M. I... F... affirme qu'Uber exerce un contrôle permanent sur le taux d'acceptation des services de transport par les chauffeurs, puisque sous la rubrique "Taux d'acception", est stipulé : "Un taux élevé d'acceptation est essentiel à la qualité et à la fiabilité du service. Cependant, le fait de ne pas accepter de course n'entraîne pas la désactivation de votre compte pour autant. / L'acceptation des commandes de course permet aux chauffeurs d'optimiser leurs revenus et au système de fonctionner de manière plus fluide. Nous savons que, parfois, un événement inattendu peut vous empêcher d'accepter toutes les commandes de course. Vous pouvez aussi avoir envie de faire une pause. Cependant, le fait de ne pas accepter les demandes entraîne des retards et affecte la fiabilité de notre service. Aussi, si vous ne souhaitez pas accepter de courses (par exemple pour faire une pause), déconnectez-vous, tout simplement." Il ajoute que lorsqu'un chauffeur n'accepte pas trois sollicitations, il reçoit automatiquement sur son smartphone le message suivant : "Êtes-vous encore là ' Vous ne semblez pas avoir accepté de commandes depuis un moment '", et que la rubrique "Taux d'annulation" de la charte de la communauté Uber stipule : " Une annulation par le chauffeur est le fait d'accepter une course puis de l'annuler. Les annulations rendent l'expérience du passager désagréable et ont aussi un impact négatif sur les autres chauffeurs. Nous comprenons que, parfois, un événement inattendu peut vous obliger à annuler une course précédemment acceptée. Cependant, un faible taux d'annulation est primordial pour la fiabilité du système et la satisfaction des passagers. / Comment mon taux d'annulation est-il calculé ' Votre taux d'annulation est base sur le nombre de courses que vous avez annulées par rapport au nombre de courses que vous avez acceptées. Par exemple, si vous avez accepté 100 courses, mais en avez annulé 4, votre taux d'annulation est de 4%. Les meilleurs chauffeurs ont généralement un taux d'annulation inférieur à 5%. / Ou'est ce qui peut faire perdre l'accès à mon compte Uber ' Chaque ville possède son propre taux d'annulation maximal, basé sur le taux d'annulation moyen des chauffeurs dans le secteur. Nous vous préviendrons à plusieurs reprises si votre taux d'annulation est bien plus élevé que le taux maximal ou si vous annulez des courses plus souvent que les autres chauffeurs de votre ville. Si votre taux d'annulation reste au-dessus de la limite maximale, vous risquez de perdre l'accès à votre compte." En quatrième lieu M. I... F... indique que le service de transport s'exécute sous l'autorité d'Uber, qui donne des ordres et des directives, lui-même s'engageant à être exclusivement au service d'Uber pendant une course réservée via son application puisque, au titre des "activités inacceptables", la charte de la communauté Uber stipule que : "Pour garantir la transparence et la sécurité de tous les utilisateurs, les activités effectuées en dehors de l'application Uber pendant une course réservée via l'application Uber (comme la prise en charge d'autres passagers en dehors du système Uber) sont interdites" ; Qu'il devait "suivre les instructions du GPS de l'application", comme l'y invite un courriel du 13 octobre 2016, mis aux débats, Uber lui recommandant, au point 2.2 du contrat, d'attendre "au moins 10 minutes qu'un utilisateur se présente au lieu convenu", Uber lui transmettant via l'application l'adresse de destination afin d'effectuer le service de transport, lui fixait un trajet et un temps de parcours pour chaque course, tout incident se produisant pendant une course devant être signalé via l'Application Uber (Rubrique : "Votre avis compte" de la charte de la communauté Uber), Uber donnant au surplus aux chauffeurs des consignes de comportement dans la charte de la communauté Uber et les règles fondamentales Uber, telles celles de : - Avoir une voiture aux normes et bien entretenue - Ne jamais aborder de sujets sensibles ou personnels (religion, politique, vie privée) - Ne jamais divulguer le contenu des conversations des passagers - En cas d'incident avec un utilisateur, contacter Uber après le trajet via le bouton dans l'application - En cas d'objet oublié par un passager dans votre voiture, contacter Uber via le bouton dans l'application - Ne pas accepter les pourboires et rappeler que tout est compris dans le prix du trajet payé via l'application - En cas de question sur le prix ou sur l'annulation contacter Uber via le bouton dans l'application - Ne jamais laisser une autre personne utiliser votre compte sur le réseau - Ne jamais utiliser un véhicule différent de celui sélectionné dans l'application - Ne jamais démarrer le trajet sans le passager dans la voiture le compte du chauffeur pouvant être désactivé en cas de comportement inapproprié de sa part. En cinquième lieu, l'appelant fait valoir que le service de transport s'exécute sous le contrôle d'Uber, d'une part, par le biais de la géolocalisation, le point 2.8 du contrat stipulant que : " (...) les informations de géolocalisation du chauffeur seront analysées et suivies par les services Uber lorsque le chauffeur est connecté et l'Application Uber est disponible pour recevoir des demandes de service de transport, ou lorsque le chauffeur fournit des services de transport (...)", d'autre part, par celui d'un système de notation par nombre d'étoiles de la part des utilisateurs. En sixième lieu, M. I... F... fait état d'un système de sanctions mis en place par Uber en cas de taux élevé de refus d'accepter une sollicitation de service de transport, la rubrique "Taux d'acceptation" de la charte de la communauté Uber stipulant que : L'acceptation des commandes de course permet aux chauffeurs d'optimiser leurs revenus et au système de fonctionner de manière plus fluide. Nous savons que, parfois, un événement inattendu peut vous empêcher d'accepter toutes les commandes de course. / Vous pouvez aussi avoir envie de faire une pause. Cependant, le fait de ne pas accepter les demandes entraîne des retards et affecte la fiabilité de notre système. Aussi, si vous ne souhaitez pas accepter de courses (par exemple pour faire une pause), déconnectez-vous, tout simplement. / Si vous refusez constamment les commandes de course, nous supposons que vous ne souhaitez plus en accepter du tout et vous serez déconnecté de l'application. Il vous suffira de vous reconnecter quand vous serez de nouveau prêt à accepter des courses avec l'application Uber" ; Ou bien en cas de taux élevé d'annulation d'une sollicitation de service de transport préalablement acceptée, la rubrique "Taux d'annulation" de la même charte stipulant que : "Une annulation par le chauffeur est le fait d'accepter une course puis de l'annuler. Les annulations rendent l'expérience du passager désagréable et ont aussi un impact négatif sur les autres chauffeurs. Nous comprenons que, parfois, un événement inattendu peut vous obliger à annuler une course précédemment acceptée. Cependant, un faible taux d'annulation est primordial pour la fiabilité du système et la satisfaction des passagers. / Comment mon taux d'annulation est il calculé 'Votre taux d'annulation est basé sur le nombre de courses que vous avez annulées par rapport au nombre de courses que vous avez acceptées. Par exemple, si vous avez accepté 100 courses, mais en avez annulé 4, votre taux d'annulation est de 4 %. Les meilleurs chauffeurs ont généralement un taux d'annulation inférieur à 5 %. / Qu'est ce qui peut faire perdre l'accès à mon compte Uber' Chaque ville possède son propre taux d'annulation maximal, basé sur le taux d'annulation moyen des chauffeurs dans le secteur. Nous vous préviendrons à plusieurs reprises si votre taux d'annulation est bien plus élevé que le taux maximal ou si vous annulez des courses plus souvent que les autres chauffeurs de votre ville. Si votre taux d'annulation reste au-dessus de la limite maximale, vous risquez de perdre l'accès à votre compte" ; Ou encore par un système de sanctions financières, tel que décrit au point 4.3 du contrat, qui stipule que : "Uber se réserve le droit d'ajuster le Tarif utilisateur pour un cas particulier de service de transport (par ex., si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace, si le chauffeur n'a pas dûment mis fin à un service de transport dans l'Application Chauffeur, en cas d'erreur technique dans les Services Uber, etc.)", M. I... F... justifiant avoir fait l'objet d'ajustements de tarifs pour plusieurs courses ; Ou enfin par la possible perte d'accès au compte, prévue par la charte de la communauté Uber, sous la rubrique "sécurité", qui stipule que : "Qu'est ce qui peut faire perdre l'accès à mon compte ' Si quelqu'un nous signale ce genre de comportement problématique [contact physique avec les passagers, emploi d'un langage, de gestes inappropriés ou grossiers, le fait d'entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord, enfreindre la loi lorsque vous utilisez l'application Uber, conduite dangereuse], nous vous contacterons afin de pouvoir effectuer une vérification. En fonction de la nature du problème, il se peut que votre compte soit suspendu pendant la durée des vérifications. Si le comportement signalé est grave, s'il s'agit d'un problème récurrent ou si vous refusez de coopérer, vous pouvez perdre définitivement l'accès à l'application Uber. Tout comportement impliquant de la violence, des actes à caractère sexuel, du harcèlement, de la discrimination ou une activité illégale lors de l'utilisation de l'application Uber peut entraîner la perte immédiate de l'accès à votre compte. Dans les cas d'enquêtes (policières ou autres), Uber coopérera avec les autorités afférentes conformément à notre politique en la matière", M. I... F... justifiant, à trois reprises avoir reçu des avertissements par courriels des 19 octobre, 28 décembre 2016 et 3 mars 2017, celui du 28 décembre 2016 étant ainsi libellé : "Nous remarquons que vos dernières notes sont très en dessous des standards de qualité qu'attentent les utilisateurs d'UBER (4,4 au lieu de 4,63). Comme vous le savez nous demandons à tous les conducteurs du réseau Uber d'avoir 4,50 de moyenne sachant que la moyenne du réseau est de 4,70. Nous vous prions de faire un effort important pour maintenir l'expérience que vous proposez au niveau des standards d'Uber", affirmant avoir été désactivé provisoirement le 11 novembre 2016 et justifiant l'avoir été définitivement le 7 avril 2017 M. I... F... estime, au travers de ces éléments, faire échec à la présomption de non-salariat de l'article L. 8221-6 I du code du travail, justifier d'un lien de subordination pour chaque prestation de transport effectuée pour le compte d'Uber et de pouvoir ainsi prétendre à leur requalification en contrat de travail à durée indéterminée entraînant la compétence du conseil de prud'hommes de Paris pour en juger. ***** La société Uber BV et la société Uber France -qui ne sollicite pas sa mise hors de cause, alors qu'elle expose que depuis le 1er juillet 2013 seule la société Uber BV contracte des partenariats avec les chauffeurs- soutiennent quant à elles qu'Uber est un intermédiaire de transport mettant en relation des professionnels indépendants fournissant une prestation de transport et des personnes souhaitant en bénéficier, utilisant son application et ses facilités de paiement. Elles affirment conclure des partenariats commerciaux avec des chauffeurs indépendants ou des sociétés de transports qui travaillent avec des chauffeurs, cette dernière catégorie représentant environ 70 % de ses partenaires, partenariats qui sont sans engagement financier, n'incluent aucune forme d'obligation de travail, ni aucune exclusivité. En faveur du caractère commercial de la relation, les sociétés Uber citent des extraits du point 2.4 du contrat, qui stipule que : "Le Client [le partenaire] reconnaît et convient que la fourniture par Uber au Client de l'Application Chauffeur et des Services Uber crée une relation légale et commerciale directe entre Uber et le Client. Uber ne contrôle ni ne dirige le Client ou ses chauffeurs, et ne sera pas réputé diriger ou contrôler le Client ou ses Chauffeurs, de manière générale ou plus précisément en ce qui concerne leur exécution du présent Contrat, notamment en lien avec l'exercice de l'activité du Client, la fourniture des Services de transport, les actions ou omissions des Chauffeurs ou le fonctionnement et l'entretien de quelconques Véhicules. Le Client et ses Chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et pendant combien de temps utiliser, pour chacun d'entre eux, l'Application Chauffeur ou les Services Uber. Le Client et ses Chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire de l'Application Chauffeur, d'accepter, de refuser ou d'ignorer une sollicitation de Services de transport par l'intermédiaire des Services Uber, ou d'annuler une demande de Services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'Application Chauffeur, sous réserve des politiques d'annulation d'Uber alors en vigueur. (...) Le Client reconnaît et accepte avoir entière discrétion pour exercer son activité de manière indépendante et diriger ses Chauffeurs à son appréciation, y compris la capacité de fournir des services de transport à ses clients existants et d'utiliser d'autres services d'application logicielle indépendamment des Services Uber." Elles considèrent ne pas avoir la qualité de donneur d'ordre et réfutent l'existence d'un lien de subordination avec les chauffeurs qui utilisent l'application Uber. Sur la qualité de donneur d'ordre les sociétés Uber font valoir, qu'agissant en celle d'intermédiaire, Uber n'est ni le client, ni le bénéficiaire de la prestation de transport, son modèle n'étant pas basé sur l'exploitation de services de transports mais sur l'intermédiation entre exploitants de services de transports et utilisateurs de ces services, telle qu'elle avait été énoncée dans l'article L. 3122-1 du code des transports, dans sa version en vigueur du 3 octobre 2014 au 31 décembre 2016, et telle qu'elle est reprise depuis cette date par l'article L. 3141-1 du même code ; que cette qualité d'intermédiaire a déjà été consacrée par des avis de l'Autorité de la Concurrence et plusieurs décisions de justice, relevant que la Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 20 décembre 2017, a dit que le service UberPop, développé en Espagne, était soumis à la réglementation des transports uniquement car il s'agissait dans ce cas de chauffeurs non professionnels ; que la loi nº 2016-1088 du 8 août 2016 a d'ailleurs introduit les articles L. 7341-1 et suivants du code du travail visant les travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique ; que les véritables donneurs d'ordre des travailleurs réalisant la prestation de transport sont les consommateurs finaux qui bénéficient de cette prestation, citant une partie de la doctrine en ce sens. S'agissant du lien de subordination les sociétés Uber soulignent que de nombreuses décisions de jurisprudence ont retenu l'indépendance des chauffeurs et leur liberté de travail, exclusives d'une relation salariée. Elles exposent qu'elles ne procèdent à aucun recrutement sélectif des chauffeurs, leur intérêt étant de conclure un maximum de contrats de partenariat ; qu'elles ne contrôlent ni la durée du travail, ni les horaires des chauffeurs qui sont libres de se connecter à leur guise, ouvrant le risque à des situations de pénurie de chauffeurs ; qu'elles n'imposent nullement aux chauffeurs utilisant l'application Uber d'accepter les courses qui leur sont proposées ; qu'elles ne contrôlent pas l'activité des chauffeurs utilisant l'application, qui peuvent en utiliser d'autres, développer leur clientèle propre ou avoir une autre activité, les contrats de partenariat ne contenant aucune clause d'exclusivité ou de non-concurrence ; que le système de prélèvement des frais de service sur chaque course ne rend pas les chauffeurs captifs de l'application Uber à l'inverse d'autres systèmes mettant en place des redevances forfaitaires indépendantes du chiffre d'affaires. En ce qui concerne la période au cours de laquelle M. I... F... a travaillé sous couvert de la société Hinter France, exploitant VTC ayant mis à sa disposition, de manière temporaire, sa licence, les sociétés Uber réfutent le fait qu'il n'ait pas pu travailler pour d'autres applications qu'Uber, car il lui suffisait alors de "retirer l'autocollant Hinter" de son véhicule. Elles formulent la même objection au sujet de la location ultérieure du véhicule via la société Flexi-Fleet, partenaire d'Uber, pour laquelle le libre choix d'un paiement par prélèvement sur le chiffre d'affaires généré par les courses effectuées via l'application Uber pouvait aussi être effectué directement sur les revenus générés à partir d'une application concurrente ou par la clientèle propre de M. I... F..., peu important qu'il ait, en fait, ou non travaillé pour des applications concurrentes à celle d'Uber. Elles soulignent la mauvaise foi de M. I... F... lorsque celui-ci met en avant la possibilité d'Uber de le déconnecter de l'application, ce qui concerne les rares cas de non-respect des obligations contractuelles et en rien le cadre d'une utilisation normale de cette application, ou bien lorsqu'il affirme qu'il n'était pas libre du choix de ses horaires qui sont entre les mains des seuls utilisateurs des prestations de transport dès lors que le chauffeur est connecté à l'application, ou bien encore lorsqu'il prétend ne pas être libre de refuser ou d'annuler une course, la déconnexion à partir de trois refus n'étant que temporaire et la sanction de trop d'annulations de courses n'étant destinée qu'à garantir la fiabilité du système et préserver la satisfaction des passagers. Les sociétés Uber contestent avoir imposé à M. I... F... des ordres et directives. Elles font valoir que l'interdiction faite aux chauffeurs de se livrer à toute autre activité pendant une course obtenue via l'application Uber relève de la sécurité et du bon sens le plus élémentaire, puisqu'un chauffeur ayant accepté une course doit s'y consacrer pleinement ; que le suivi d'un trajet via l'application Uber n'a rien d'obligatoire, chaque chauffeur pouvant librement choisir son système (tels Waze ou Google Maps) ; que les chauffeurs empruntent le trajet qu'ils souhaitent pour effectuer une course pourvu qu'il soit approprié ; que le fait d'attendre pendant dix minutes le passager est une simple recommandation ; que l'adresse de prise en charge et le lieu de destination ne sont pas imposés par l'application Uber mais par le passager, unique donneur d'ordre ; que les quelques règles fondamentales d'Uber et les conseils et recommandations inclus dans la charte de la communauté Uber ont pour objectif de garantir le professionnalisme des chauffeurs VTC et relèvent de la politesse, du savoir-vivre, du bon sens, de l'application des règles élémentaires de sécurité, et aussi une certaine qualité de service aux passagers et que ces règles ne peuvent être assimilées à des directives. Elles se défendent également d'exercer un contrôle et un pouvoir disciplinaire sur les chauffeurs. A cet égard, elles exposent que la collecte des données de transport, enregistrées pendant les courses n'est pas à visée de contrôle des chauffeurs, mais qu'elle a pour unique objectif d'assurer le bon déroulement du partenariat commercial et de permettre à Uber d'améliorer son service d'intermédiation en analysant les données agrégées ; que la collecte d'une notation de la part des passagers sert à s'assurer du respect par les partenaires du cahier des charges auquel ils doivent souscrire pour utiliser l'application et que cette notation est aussi à double sens puisque les chauffeurs sont amenés à noter les passagers ; qu'en l'absence de directives formulées par Uber, il ne saurait y avoir de contrôle de sa part ; que le pouvoir de déconnexion d'un chauffeur ne caractérise en rien un lien de subordination à son encontre mais la faculté donnée à un acteur économique de rompre un partenariat commercial si ses termes et conditions ne sont pas respectés par son cocontractant et qu'au cas d'espèce, si M. M. I... F... a été déconnecté de l'application Uber, c'est à raison de ses manquements graves et répétés, signalés à de multiples reprises par des passagers, dont les commentaires sont versés aux débats et que traduisait une notation insuffisante de leur part. De ces éléments, les sociétés Uber tirent comme conséquence que M. I... F... échoue à reverser la présomption de non-salariat qui lui est applicable du fait de son inscription au Répertoire des Métiers. ***** Selon l'article L. 111-7 du code de la consommation : " I.-Est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : 1º Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2º Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service. (...)". La société Uber BV revendique avoir mis en service une plateforme en ligne d'intermédiation de transport destinée à mettre en relation des professionnels indépendants fournissant une prestation de transport et des utilisateurs souhaitant en bénéficier. A cet égard elle rappelle les stipulations de l'article 2.4 du contrat, qui qualifient de légale et commerciale sa relation avec ses partenaires chauffeurs, qu'elle ne dirige ni ne contrôle. Mais la qualification contractuelle que les parties donnent à leur relation doit s'effacer devant les conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité que la convention prétend régir. Une condition essentielle de l'entreprise individuelle indépendante est le libre choix que son auteur fait de la créer ou de la reprendre, outre la maîtrise de l'organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs. En l'espèce, il ne saurait être utilement contesté que M. I... F... a été contraint pour pouvoir devenir "partenaire" de la société Uber BV et de son application éponyme de s'inscrire au Registre des Métiers et que loin de décider librement de l'organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV, qui n'existe que grâce à cette plateforme, service de transport à travers l'utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d'exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société Uber BV. C'est ainsi vainement que cette dernière affirme que seuls les utilisateurs sont les donneurs d'ordre des chauffeurs, lesquels n'ont aucun contact direct avec la clientèle de la plateforme lors de la conclusion du contrat de transport, puisque elle seule centralise toutes les demandes de prestations de transport et les attribue, en fonction des algorithmes de son système d'exploitation, à l'un ou l'autre des chauffeurs connectés. En ce qui concerne la constitution d'une clientèle propre, il doit être rappelé que la charte de la communauté Uber, sous la rubrique "Activités inacceptables" interdit aux chauffeurs, pendant l'exécution d'une course réservée via l'application Uber de prendre en charge d'autres passagers en dehors du système Uber, alors que les intimées indiquent que le groupe Uber a développé le service UberPool, "qui permet à plusieurs passagers de partager, sur la base de critères géographiques, tout ou partie d'une course effectuée par des chauffeurs professionnels disposant d'un véhicule dont la gamme est au moins équivalente à celle d'un UberX", ce qui vient, pendant l'exercice de la prestation de transport pour le compte d'Uber, réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant, ce d'autant que les règles fondamentales d'Uber ordonnent au chauffeur de "ne pas contacter les passagers à l'issue du trajet et de ne pas conserver leurs informations personnelles", au titre du respect des données, les privant ainsi de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l'application Uber. Au sujet des tarifs, il doit être relevé que ceux-ci sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n'a pas le libre choix, puisque le contrat prévoit en son article 4.3 une possibilité d'ajustement par Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", M. I... F... produisant plusieurs corrections tarifaires qui lui ont été appliquées par la société Uber BV et qui traduisent le fait qu'elle lui donnait des directives et en contrôlait l'application. En matière de directives, M. I... F... justifie bien avoir, d'une part, reçu par courriel du 13 octobre 2016, celle de suivre "les instructions du GPS de l'application" ce qui vient d'ailleurs au confort de la recherche par Uber du trajet "efficace", d'autre part, de ce que l'article 2.2 du contrat recommande d'attendre au moins 10 minutes que l'utilisateur se présente au lieu convenu, et encore de directives comportementales, notamment sur le contenu des conversations à s'abstenir d'avoir avec les passagers ou bien la non acceptation de pourboires de leur part, peu compatibles avec l'exercice indépendant d'une profession. S'agissant du contrôle de l'activité des chauffeurs, force est de constater que l'application Uber en exerce un en matière d'acceptation des courses, puisque, sans être démenti, M. I... F... affirme que, au bout de trois refus de sollicitations, lui est adressé le message "Êtes-vous encore là '", la charte invitant les chauffeurs qui ne souhaitent pas accepter de courses à se déconnecter "tout simplement". Mais cette invitation doit être mise en regard des stipulations du point 2.4 du contrat, selon lesquelles : "Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l'accès ou l'utilisation de l'Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber", lesquelles ont pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non, ce d'autant que le point 2.2 du contrat stipule que le chauffeur "obtiendra la destination de l'utilisateur, soit en personne lors de la prise en charge, ou depuis l'Application Chauffeur si l'utilisateur choisit de saisir la destination par l'intermédiaire de l'Application mobile d'Uber", ce qui implique que le critère de destination, qui peut conditionner l'acceptation d'une course est parfois inconnu du chauffeur lorsqu'il doit répondre à une sollicitation de la plateforme Uber, ce que confirme le constat d'huissier de justice dressé le 13 mars 2017 que les intimées versent aux débats (page 28), étant observé que ce même constat indique (page 24) que le chauffeur dispose de seulement huit secondes pour accepter la course qui lui est proposée. Il doit également être relevé que le contrôle des chauffeurs utilisant la plateforme Uber s'effectue via un système de géolocalisation, le point 2.8 du contrat stipulant que : "(...) les informations de géolocalisation du chauffeur seront analysées et suivies par les services Uber lorsque le chauffeur est connecté et l'Application Uber est disponible pour recevoir des demandes de service de transport, ou lorsque le chauffeur fournit des services de transport (...)", peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation. Sur le pouvoir de sanction, la fixation par la société Uber BV d'un taux d'annulation de commandes, au demeurant variable dans "chaque ville" selon la charte de la communauté Uber, pouvant entraîner la perte d'accès au compte y participe, tout comme la perte définitive d'accès à l'application Uber en cas de signalements de "comportements problématiques" par les utilisateurs, auxquels M. I... F... a été exposé, peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission. A propos de la liberté de se connecter et, partant, du libre choix des horaires de travail, il convient tout d'abord de souligner que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors qu'il est démontré que lorsqu'un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle l'exécution et exerce un pouvoir de sanction à son endroit. Encore faut-il ajouter que M. I... F... a, en l'espèce, dans un premier temps, exercé sa prestation de service sous la licence VTC de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, rétribuée sur le chiffre d'affaires réalisé à partir des courses obtenues via la plateforme Uber, sans possibilité contractuelle d'exercer cette activité en dehors de cette plateforme, les intimées lui opposant vainement qu'il aurait alors pu exercer en parallèle une activité indépendante, simplement en retirant l'autocollant Hinter de son véhicule, dès lors qu'il n'était pas encore titulaire de la carte professionnelle VTC. Pour régler cette licence, il était donc contraint de générer un chiffre d'affaires en se connectant à la plateforme Uber. Il sera en outre rappelé le pouvoir discrétionnaire "raisonnable" d'Uber au point 2.4 du contrat de désactiver ou de restreindre l'accès à l'application Chauffeur, qui limite d'autant la liberté de connexion des chauffeurs de se connecter à la plateforme. La cour en déduit qu'un faisceau suffisant d'indices se trouve réuni pour permettre à M. I... F... de caractériser le lien de subordination dans lequel il se trouvait lors de ses connexions à la plateforme Uber et d'ainsi renverser la présomption simple de non-salariat que font peser sur lui les dispositions de l'article L. 8221-6 I du code du travail. Infirmant le jugement entrepris, la cour dira que le contrat de partenariat signé par M. I... F... avec la société Uber BV s'analyse en un contrat de travail, pour lequel l'article L. 1411-1 du code du travail donne compétence au conseil de prud'hommes pour régler les différends qui peuvent s'élever à son occasion et devant lequel l'affaire sera renvoyée, par application de l'article 86 du code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu à examiner la demande d'évocation formée par M. I... F... à titre subsidiaire » ; 1. ALORS QUE le contrat de travail suppose qu'une personne physique s'engage à travailler pour le compte d'une autre personne, physique ou morale, moyennant rémunération et dans un rapport de subordination juridique ; que ne constitue donc pas un contrat de travail, le contrat conclu par un chauffeur VTC avec une plateforme numérique, portant sur la mise à disposition d'une application électronique de mise en relation avec des clients potentiels en échange du versement de frais de service, lorsque ce contrat n'emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour la plateforme numérique, ni de se tenir à sa disposition et ne comporte aucun engagement susceptible de le contraindre à utiliser l'application pour exercer son activité ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application ou non, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l'avance, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l'Application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l'algorithme, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n'a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application, de sorte que le chauffeur n'est tenu d'aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre à utiliser l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne sont assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui peut librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; que la société Uber BV en déduisait que la conclusion et l'exécution du contrat par M. F... n'emportaient strictement aucune obligation pour ce dernier de travailler pour le compte de la plateforme, de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins que le contrat ayant lié M. F... à la société Uber BV est un contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion et l'exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur de travailler pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 2. ALORS QU'il résulte de l'article L. 8221-6 du code du travail que la présomption de non salariat pour l'exécution d'une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n'est écartée que lorsqu'il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'aucun lien de subordination juridique permanent ne saurait résulter du contrat conclu entre une plateforme numérique et un chauffeur VTC, lorsque le contrat n'emporte aucun pouvoir de la plateforme d'exiger du chauffeur qu'il accomplisse un travail pour elle ou même qu'il se tienne à sa disposition pendant une période donnée, aussi courte soit-elle, ni aucun engagement susceptible de contraindre le chauffeur à utiliser l'application développée par la plateforme ; qu'au cas présent, il est constant que M. F..., qui était inscrit au répertoire des métiers en qualité de chauffeur, entrait dans le champ d'application de l'article L. 8221-6 du code du travail ; que la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l'application, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans être aucunement tenu d'en informer à l'avance la plateforme, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu'il choisit de se connecter à l'application, le chauffeur est libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l'application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion temporaire de l'application pour permettre le bon fonctionnement de l'algorithme (les demandes de courses étant proposées aux chauffeurs connectés un par un, par ordre de proximité avec le passager), le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment uniquement en cliquant sur l'application ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la conclusion du contrat de partenariat et l'utilisation de l'application ne donne lieu à aucune redevance, ni à aucun engagement financier, de la part du chauffeur à l'égard de la société Uber BV, qui serait de nature à contraindre le chauffeur d'utiliser l'application, et que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l'application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de prestation de service électronique et l'utilisation de l'application n'étaient assortis d'aucune obligation d'exclusivité pour le chauffeur qui pouvait tout à fait librement utiliser de manière simultanée d'autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d'autres moyens ; qu'en se bornant à énoncer que « le fait de pouvoir choisir ses lieux et heures de travail n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée », sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces éléments, dont il résultait, non pas une simple liberté pour M. F... de choisir ses horaires de travail (telle qu'elle peut exister pour certains salariés), mais une liberté totale d'utiliser ou non l'application, de se connecter aux lieux et heures choisis discrétionnairement par lui, de ne pas accepter les courses proposées par le biais de l'application et d'organiser librement son activité sans l'application, n'excluaient pas l'existence d'un lien de subordination permanente avec la société Uber BV, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 3. ALORS QUE le juge ne peut se prononcer sur l'existence ou non d'un lien de subordination juridique qu'en tenant compte de l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'exercice de l'activité qui lui sont présentés par les parties ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir, sans être contredite, que le chauffeur n'était soumis à aucune obligation, ni à aucun contrôle, en termes de connexion et d'activité, que le contrat de partenariat portant sur l'utilisation de l'application ne comportait aucun engagement financier à la charge du chauffeur à son égard, ne comportait pas d'obligation d'exclusivité et rappelait même expressément que le chauffeur était libre de se connecter et d'utiliser des applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC autrement qu'en utilisant l'application Uber ; qu'en jugeant qu'il existait un faisceau d'indices suffisant pour caractériser l'existence d'un lien de subordination, sans prendre en compte ces éléments déterminants propres à établir que le chauffeur dispose dans l'exercice de son activité, y compris par l'intermédiaire de la plate-forme Uber, d'une liberté incompatible avec l'existence d'un lien de subordination juridique permanente, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 4. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'exécution d'un contrat de partenariat portant sur l'utilisation par un chauffeur VTC d'une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme de s'assurer du bon fonctionnement de l'application, du respect par le chauffeur de la réglementation applicable, de la sécurité des personnes et de la qualité de la prestation de transport ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plate-forme numérique de rompre unilatéralement le contrat en cas de manquements graves et répétés du chauffeur aux obligations résultant du contrat de partenariat ; qu'au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que l'exigence à l'égard du chauffeur de ne pas annuler trop fréquemment les courses proposées par l'application qu'il a acceptées n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre la liberté du chauffeur de choisir si, quand, et où il se connecte et de ne pas accepter les courses proposées, mais est nécessaire pour garantir la fiabilité du système en fluidifiant l'offre et la demande ; qu'elle exposait, par ailleurs, que les chauffeurs utilisant l'application Uber ne reçoivent aucun ordre, ni aucune directive personnalisée et que les « règles fondamentales » résultant des documents contractuels constituent des exigences élémentaires de politesse et de savoir-vivre, de respect de la réglementation et de la sécurité des personnes, inhérentes à l'activité de chauffeur VTC ; que, dans ces conditions, la possibilité de rompre le contrat de partenariat en cas de méconnaissance de ces obligations n'est aucunement constitutive d'un pouvoir disciplinaire, mais relève de la faculté dont dispose tout contractant de rompre un partenariat commercial lorsque ses termes et ses conditions ne sont pas respectés par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que la société Uber BV disposait à l'égard des chauffeurs d'un pouvoir de sanction caractérisant un contrat de travail, qu'un taux d'annulation trop élevé ou le signalement par les passagers de comportements problématiques du chauffeur pouvaient entraîner la perte d'accès au compte, sans expliquer en quoi les exigences posées pour l'utilisation de l'application se distinguent de celles inhérentes à la nature même de l'activité de chauffeur VTC et à l'utilisation d'une plateforme numérique de mise en relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble les articles L. 3221-1 et suivants du code des transports et 1103 et 1226 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 5. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la seule existence d'une possibilité stipulée au contrat, pour la plateforme de désactiver ou de restreindre l'accès à l'application ne saurait en elle-même caractériser un contrôle de l'activité des chauffeurs en l'absence de tout élément de nature à établir qu'une telle prérogative serait utilisée pour contraindre les chauffeurs à se connecter et à accepter les courses qui leur sont proposées ; qu'en se bornant à affirmer que la stipulation, au point 2.4 du contrat, selon laquelle Uber se réserve le droit de désactiver l'application ou d'en restreindre l'utilisation aurait « pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV », cependant, d'une part, que le contrat rappelait, par ailleurs, expressément au chauffeur qu'il était libre d'utiliser l'application quand il le souhaitait et d'accepter ou non les courses proposées et, d'autre part, qu'il n'était relevé aucun élément de nature à faire ressortir l'existence une quelconque désactivation ou restriction d'utilisation de l'application lorsqu'un chauffeur ne se connecte pas ou refuse des courses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 6. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'article 2.4 du contrat de prestations de services stipule notamment que « le client et ses chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et combien de temps utiliser, pour chacun d'eux, l'application chauffeur ou les services Uber » et que « le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l'intermédiaire de l'application chauffeur, de tenter d'accepter, de refuser ou d'ignorer une sollicitation de services de transport par l'intermédiaire des services Uber, ou d'annuler une demande de services de transport acceptée par l'intermédiaire de l'application chauffeur, sous réserve des politiques d'annulation d'Uber alors en vigueur » ; qu'en tronquant l'article 2.4 du contrat pour dire que cette stipulation aurait « pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV », sans prendre en compte les termes clairs et précis de cette stipulation relative à la liberté du chauffeur de se connecter et de ne pas accepter les courses proposées, la cour d'appel a dénaturé par omission cette stipulation contractuelle, en violation des articles 1103 et 1192 du code civil, dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 7. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le respect de la commande du client, qui a été acceptée par le chauffeur VTC, ne saurait constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination de ce dernier à l'égard de la plateforme numérique ayant mis en relation le chauffeur et le client ; qu'ainsi, le fait pour un chauffeur VTC, qui a accepté d'effectuer une prestation de service de transport exclusive commandée par un client, de respecter les termes de cette commande et ne pas pouvoir prendre en charge d'autres passagers tant que la prestation de transport est en cours ne peut constituer un indice de subordination à l'égard d'une plateforme numérique ; qu'en jugeant que l'interdiction faite au chauffeur pendant l'exécution d'une course réservée via l'application Uber de prendre en charge d'autres passagers vient « réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant », la cour d'appel s'est fondée sur un motif erroné et a violé les articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 8. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'il résulte de la charte de la communauté Uber que sont prohibés « les actes qui menacent la sécurité des chauffeurs et des passagers » comme « le fait d'entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord. Par exemple : le fait d'envoyer un SMS, d'appeler ou de rendre visite à l'une des personnes présentes dans la voiture après la fin de la course sans son accord » ; qu'il résulte de ce document contractuel produit aux débats que, d'une part, l'interdiction de contacter les clients après la course, qui répond à des impératifs de sécurité, ne s'applique pas lorsque le client a accepté d'être contacté par le chauffeur et que, d'autre part, il n'est nullement interdit au chauffeur de donner ses coordonnées aux clients pour leur permettre de réserver une course auprès de lui directement sans passer par l'intermédiaire de la plateforme ; qu'en jugeant néanmoins qu'en interdisant au chauffeur de contacter les passagers et de conserver leurs informations personnelles après une course, la société Uber BV privait les chauffeurs « de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l'application Uber », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des documents contractuels produits aux débats, en violation des articles 1103, 1189 et 1192 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 9. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la société Uber BV faisait valoir que les dispositions du code de la consommation interdisent à un chauffeur VTC de refuser d'accomplir une course sans motif légitime, de sorte que l'absence de connaissance précise de la destination, n'est pas de nature à remettre en cause l'indépendance du chauffeur ; qu'en énonçant que l'absence de connaissance du critère de destination par le chauffeur lorsqu'il doit répondre à une proposition par le biais de la plate-forme Uber interdit au chauffeur « de choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions légales relatives au refus de fourniture de services n'interdisent pas à un chauffeur professionnel de refuser une course pour des motifs de pure convenance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-11 et R. 121-13 du code de la consommation, ensemble l'article L. 8221-6 du code du travail ; 10. ALORS QUE le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d'une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l'égard de la plateforme dès lors que ce système n'a pas pour objet de contrôler l'activité des chauffeurs mais n'est utilisé que pour mettre ces derniers en contact avec le client le plus proche, assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation ; qu'en affirmant que le système de géolocalisation utilisé par la plateforme Uber suffit à établir l'existence d'un contrôle des chauffeurs « peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ; 11. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la détermination par une plateforme de mise en relation par voie électronique du prix des prestations de services fournies par son intermédiaire ne saurait caractériser un indice de l'existence d'un contrat de travail ; que le seul fait qu'une prestation de transport fasse l'objet d'un tarif horokilométrique et que le prix de la prestation puisse être réajusté, en cas de réclamation d'un passager, lorsque le trajet choisi par le chauffeur n'est pas approprié car abusivement long n'est pas constitutif d'un ordre ou d'une directive dans l'exécution du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1411-1 et L. 7341-1 du code du travail, ensemble les articles 1164 et 1165 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 12. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les éventuels engagements pris par un chauffeur indépendant à l'égard de tiers afin d'exercer son activité professionnelle ne sauraient constituer des indices d'un lien de subordination juridique entre ce chauffeur et une plateforme numérique ; qu'en relevant le fait que M. F... avait, dans l'attente de sa propre inscription au registre des VTC intervenue le 7 décembre 2016, exercé son activité sous la licence de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, ce qui le contraignait à générer un chiffre d'affaires en se connectant à la plateforme Uber, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique avec la société Uber BV, en violation des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble l'article 1199 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution. Justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, pour qualifier de contrat de travail la relation entre un chauffeur VTC et la société utilisant une plate-forme numérique et une application afin de mettre en relation des clients et des chauffeurs exerçant sous le statut de travailleur indépendant, retient : 1°) que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n'existe que grâce à cette plate-forme, à travers l'utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d'exercice de sa prestation de transport, 2°) que le chauffeur se voit imposer un itinéraire particulier dont il n'a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne suit pas cet itinéraire, 3°) que la destination finale de la course n'est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non, 4°) que la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l'accès à son compte en cas de dépassement d'un taux d'annulation de commandes ou de signalements de "comportements problématiques", et déduit de l'ensemble de ces éléments l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements et que, dès lors, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif
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N° X 19-86.760 F-P+B+I N° 954 CG10 16 JUIN 2020 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 JUIN 2020 CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Bordeaux contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, en date du 10 octobre 2019, qui, dans l'information suivie notamment contre Mme G... T..., du chef de complicité de blanchiment, lui a octroyé le statut de témoin assisté et, après évocation, a dit n'y avoir lieu à suivre à son encontre. Par ordonnance en date du 10 décembre 2019, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense, Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme G... T..., et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 27 août 2018, Mme T... a été mise en examen du chef de complicité de blanchiment, par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit de trafic de stupéfiants. 3. Après que le juge d'instruction eut adressé aux parties et à leurs avocats, le 2 mai 2019, l'avis de fin d'information, l'avocat de Mme T... a présenté une demande d'octroi du statut de témoin assisté, le 9 mai 2019, et, par déclaration au greffe en date du 12 juin 2019, a saisi la chambre de l'instruction directement de cette demande, en l'absence de réponse du juge d'instruction. 4. Par ordonnances des 20 et 24 juin 2019, le juge d'instruction a respectivement déclaré irrecevable la demande d'octroi du statut de témoin assisté et ordonné le renvoi de Mme T... devant le tribunal correctionnel. 5. Appel de ces deux ordonnances a été interjeté par l'intéressée. Examen des moyens Sur les premier et second moyens Enoncé des moyens 6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 80-1-1, 175, 591 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré régulière la saisine directe de la chambre de l'instruction du 12 juin 2019, recevable la demande d'octroi du statut de témoin assisté en date du 9 mai 2019, y a fait droit, a annulé l'ordonnance de renvoi de Mme T... devant le tribunal correctionnel de Bordeaux et a dit n'y avoir lieu à suivre contre cette dernière, alors que le droit énoncé à l'article 80-1-1 du code de procédure pénale ne figure pas dans la liste des droits limitativement énumérés par l'article 175 du code de procédure pénale". 8. Le second moyen est pris de la violation des articles 80-1-1,81 dernier alinéa, 186, 802-1, 591 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré régulière la saisine directe de la chambre de l'instruction du 12 juin 2019, alors qu‘en l'absence de délai imposé par l'article 80-1-1 du code de procédure pénale au juge d'instruction pour répondre à une demande d'octroi du statut de témoin assisté, la chambre de l'instruction aurait dû faire application des dispositions de l'article 802-1 du code de procédure pénale, issu de la loi du 3 juin 2016, et considérer que la saisine directe intervenue moins de deux mois après la demande présentée par déclaration au greffe du 9 mai 2019 était irrecevable". Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. Vu les articles 80-1-1, 175 et 802-1 du code de procédure pénale : 11. La personne mise en examen ne dispose, après que lui a été délivré l'avis de fin d'information, que des droits limitativement énumérés par l'article 175 du code de procédure pénale, ce qui exclut la requête prévue à l'article 80-1-1 du même code. 12. Selon le troisième, lorsque, en application du code de procédure pénale, une juridiction est saisie d'une demande à laquelle il doit être répondu par une décision motivée susceptible de recours, en l'absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la demande effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, ce recours peut être exercé contre la décision implicite de rejet de la demande, hors le cas où la loi prévoit un recours spécifique en l'absence de réponse. 13. Pour déclarer régulière la saisine directe de la chambre de l'instruction, l'arrêt relève que Mme T... a fait l'objet d'un interrogatoire le 29 avril 2019 et a présenté une demande d'octroi du statut de témoin assisté, le 9 mai 2019, dans le délai qui lui était légalement imparti. 14. Les juges énoncent que le fait que le juge d'instruction ait cru devoir délivrer dès le 2 mai 2019 un avis de fin d'information, dans le cours du délai accordé à la personne mise en examen, alors qu'au surplus l'avocat de celle-ci avait fait acter dans l'interrogatoire, point de départ du délai de dix jours, qu'il entendait déposer une telle demande, ne saurait priver la personne mise en examen d'un droit qui lui est accordé sans restriction par la loi, une telle solution étant contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. 15. Ils en déduisent qu'une irrecevabilité fondée sur l'intervention de l'avis de fin d'information ne peut, en l'espèce, être opposée à la requérante. 16. Les juges ajoutent que l'absence de renvoi formel au dernier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale par l'article 80-1-1 du même code ne peut être interprétée comme excluant l'application de cet article, s'agissant du délai imparti au juge d'instruction pour statuer sur la demande et de la possibilité de saisir le président de la chambre de l'instruction en cas de silence du magistrat instructeur avant l'expiration dudit délai, de telles dispositions s'appliquant aux demandes voisines formulées par la personne mise en examen, comme celles prévues aux articles 82-1 et 82-3. 17. Les juges concluent que la demande formée sur le fondement de l'article 80-1-1 échappe aux prévisions de l'article 802-1, alinéa 1er qui a été institué pour pallier l'absence de dispositions légales prévoyant un recours contre une décision implicite de rejet d'une demande, dès lors que l'article 80-1-1 se réfère à l'article 81, sans y apporter de dérogation. 18. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent. 19. Les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme sont, en effet, étrangères à celles de l'article 80-1-1 du code de procédure pénale et de l'article 175 précité, dès lors que la personne mise en examen dispose du droit de présenter des observations au juge d'instruction au cours du délai prévu par l'article 175 du code de procédure pénale, ce magistrat ayant l'obligation de motiver son ordonnance de règlement au regard de celles-ci, en application de l'article 184 du même code, et de préciser les éléments à charge et à décharge la concernant. 20. Les juges ne pouvaient, de surcroît, écarter les dispositions de l'article 802-1 du code de procédure pénale, alors que l'article 80-1-1 du même code ne prévoit aucun recours spécifique en l'absence de réponse du juge d'instruction à la demande d'octroi du statut de témoin assisté. 21. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 22. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure de faire application de la règle de droit, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 23. En effet, le juge d'instruction ayant, par ordonnance du 20 juin 2019, constaté que la demande d'octroi du statut de témoin assisté était irrecevable, il y a lieu de déclarer régulière cette décision et de déclarer irrecevable la saisine directe de la chambre de l'instruction. 24. En outre, le juge d'instruction ayant ordonné, le 24 juin 2019, le renvoi de Mme T... devant le tribunal correctionnel, il convient de déclarer irrecevable l'appel formé contre cette décision. 25. Le non-lieu à suivre ordonné à l'égard de Mme T... par la chambre de l'instruction, par voie de conséquence de sa décision d'octroi du statut de témoin assisté, étant annulé, le tribunal correctionnel est saisi par l'ordonnance de renvoi susvisée. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 10 octobre 2019 DÉCLARE RÉGULIÈRE l'ordonnance du juge d'instruction en date du 20 juin 2019 ; Déclare IRRECEVABLE la saisine directe de la chambre de l'instruction faite par Mme T... le 12 juin 2019 ; Déclare IRRECEVABLE l'appel de Mme T... contre l'ordonnance du juge d'instruction en date du 24 juin 2019 la renvoyant devant le tribunal correctionnel ; CONSTATE que le tribunal correctionnel est saisi par ladite ordonnance ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize juin deux mille vingt.
Il résulte des dispositions de l'article 802-1 du code de procédure pénale que la personne mise en examen peut exercer un recours contre la décision implicite de rejet de sa demande d'octroi du statut de témoin assisté, en l'absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la demande effectuée selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81 du même code, dès lors que l'article 80-1-1 ne prévoit aucun recours spécifique en l'absence de réponse du juge d'instruction
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N° P 19-81.485 FS-P+B+I N° 985 SM12 17 JUIN 2020 CASSATION M. MOREAU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. I... L... contre l'arrêt de la cour d'assises de la Nouvelle-Calédonie, en date du 30 novembre 2018, qui, pour meurtre, vol, dégradation volontaire par incendie en récidive, et conduite sans permis, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, à l'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pendant quinze ans et a ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. I... L..., et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Moreau, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, Mme Drai, Mme Slove, M. Guéry, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, Mme Philippe, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre, La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A la suite de la découverte, le [...], près d'une plage, à Nouméa, du corps sans vie de S... J..., portant de graves blessures au visage, une information a été ouverte. M. I... L... a été mis en examen. Il a reconnu qu'il avait frappé à mort S... J..., expliquant que celui-ci l'avait agressé sexuellement, qu'il avait caché le corps de la victime, et s'était emparé de son véhicule, avant d'y mettre le feu le lendemain. 3. Par ordonnance du 26 juin 2017, le juge d'instruction de Nouméa a mis en accusation M. L... devant la cour d'assises de la Nouvelle-Calédonie, pour meurtre, vol, dégradations volontaires par incendie et conduite sans permis. 4. Par arrêt du 8 décembre 2017, la cour d'assises de la Nouvelle-Calédonie a déclaré l'accusé coupable des faits, objet de l'accusation, et l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, ainsi qu'à l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant quinze ans et ordonné la confiscation des scellés. Par arrêt du même jour, la cour d'assises a prononcé sur les intérêts civils. 5. M. L... a relevé appel, et le ministère public a formé appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique la cour d'assises d'avoir, par arrêt incident, dit qu'elle n'entendait pas procéder à l'audition de l'enquêteur W..., cité en qualité de témoin par la défense, et de l'avoir en conséquence autorisé à quitter immédiatement la salle des témoins, alors : « 1°/ que la cour d'assises ne peut refuser d'entendre un témoin acquis aux débats en l'absence d'obstacle légal à une telle audition ; qu'en se fondant, pour accueillir l'opposition formée par le ministère public à l'audition de M. W..., qui avait été cité et dénoncé par l'accusé, sur la circonstance que l'audition de ce témoin, à l'encontre duquel une plainte nominative avait été déposée entre les mains du doyen des juges d'instruction pour faux et usage de faux dans le cadre de ses fonctions d'officier de police judiciaire en particulier lors de l'établissement du procès-verbal de la deuxième audition de l'accusé en garde à vue, était de nature à porter atteinte à ses droits fondamentaux, quand l'audition de ce témoin dans le cadre de la présente procédure, où il n'est pas mis en cause, ne pouvait, de ce fait, être susceptible de porter atteinte à ses droits fondamentaux et, en particulier, à son droit de se taire et à celui ne pas s'auto-incriminer, la cour d'assises a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 329 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en se fondant encore, pour accueillir l'opposition formée par le ministère public à l'audition de M. W..., sur la circonstance que l'audition de ce témoin n'était pas nécessaire à la manifestation de la vérité, circonstance qui ne constituait pourtant pas un obstacle légal à son audition et qui, de surcroît, n'avait pas été invoquée par le ministère public à l'appui de son opposition, la cour d'assises a excédé ses pouvoirs et violé les articles 329, 330 et 337, alinéa 2, du code de procédure pénale ; 3°/ que tout accusé a le droit à interroger ou à faire interroger les témoins à charge et à décharge ; qu'en refusant d'entendre M. W..., la cour d'assises a privé l'accusé de son droit à interroger ou faire interroger ce témoin et violé ainsi l'article 6, § 3 d) de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 6, § 3 d) de la Convention européenne des droits de l'homme, 329, 330, 331 et 335 du code de procédure pénale : 7. Selon le premier de ces textes, tout accusé a droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. 8. Il résulte des textes susvisés du code de procédure pénale que tout témoin cité par le ministère public ou par les parties, dont le nom a été régulièrement signifié, est acquis aux débats devant la cour d'assises et doit déposer, après avoir prêté serment, sauf s'il se trouve dans un cas d'empêchement ou d'incapacité prévu par la loi, ou si toutes les parties ont renoncé à son audition. 9. Il résulte du procès-verbal des débats que la défense a fait citer comme témoin devant la cour d'assises M. W..., policier qui avait entendu l'accusé au cours de l'enquête. Le ministère public a présenté des réquisitions s'opposant à l'audition de ce témoin, au motif qu'il était visé nommément par une plainte avec constitution de partie civile, pour faux et usage de faux, déposée pour l'accusé devant le doyen des juges d'instruction de Nouméa, et que son audition porterait atteinte au secret de l'information et aux droits de la défense. La défense a déposé des conclusions pour s'opposer au refus de cette audition. 10. Par arrêt incident, la cour a dit n'y avoir lieu à procéder à l'audition de ce témoin, au motif que la plainte déposée contre lui vise en particulier les conditions dans lesquelles a été établi le procès-verbal de la deuxième audition de l'accusé au cours de sa garde à vue. Elle indique que le visionnage de cette audition, à l'audience de la cour d'assises, apportera un éclairage suffisant à la cour et au jury sur les propos tenus par l'accusé. Elle ajoute que l'audition de l'enquêteur, par la cour d'assises, hors la présence de son avocat, à laquelle il a droit en raison des faits de nature criminelle qui lui sont reprochés, serait de nature à porter atteinte à ses droits et n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité, même si le directeur d'enquête, muté en métropole, n'a pas été en mesure de comparaître devant la cour. 11. En prononçant ainsi, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés, pour les raisons suivantes : 12. D'une part, en l'absence de toute disposition légale dispensant ce témoin, acquis aux débats, de comparaître, la cour ne pouvait énoncer qu'elle n'entendait pas recevoir sa déposition, ce témoin pouvant refuser de répondre à toute question concernant les faits visés par une plainte avec constitution de partie civile déposée contre lui par l'accusé, cette procédure étant distincte de celle jugée par la cour d'assises. 13. D'autre part, il appartenait au président de la cour d'assises, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 309 du code de procédure pénale, d'écarter, d'office ou à la demande du ministère public ou des parties, toute question compromettant la dignité des débats, ou étrangère à leur objet. 14. Par ailleurs, tout accusé ayant le droit d'interroger ou de faire interroger des témoins, l'audition sollicitée ne pouvait être remplacée par le visionnage de l'audition de l'accusé au cours de sa garde à vue. 15. Enfin, la cour ne pouvait énoncer que l'audition demandée n'était pas nécessaire à la manifestation de la vérité, alors que cette nécessité ne pouvait être appréciée qu'au vu des questions qui seraient posées au témoin et de ses réponses, que la juridiction ne connaissait pas quand elle a écarté la nécessité de cette audition. 16. Il en résulte que la cassation est encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Nouvelle Calédonie, en date du 30 novembre 2018, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédé ; CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt civil prononcé par la cour d'assises à la même date ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Nouvelle Calédonie et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille vingt.
Selon l'article 6, §3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. N'est pas dans un cas d'empêchement ou d'incapacité prévu par la loi, le témoin acquis aux débats, visé nommément par une plainte avec constitution de partie civile déposée par l'accusé pour faux, même si elle concerne les conditions dans lesquelles cet enquêteur a procédé à l'audition de l'accusé pendant sa garde à vue, dans la procédure qui a conduit à sa mise en accusation devant la cour d'assises. Ce témoin peut seulement refuser de répondre aux questions concernant les faits visés par la plainte déposée contre lui, et le président de la cour d'assises doit écarter toute question compromettant la dignité des débats ou étrangère à leur objet
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N° N 19-87.188 F-P+B+I N° 987 EB2 17 JUIN 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. F... J... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1ère section, en date du 29 octobre 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui pour arrestation, enlèvement, détention et séquestration en bande organisée, extorsion en bande organisée et association de malfaiteurs, a statué sur une requête en incident d'exécution. Par ordonnance en date du 9 décembre 2019, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. F... J..., et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. T... a porté plainte en janvier 2015, déclarant avoir été victime d'un enlèvement suivi d'une séquestration pendant plusieurs jours et d'une extorsion de fonds. M. J... a été mis en examen dans le cadre d'une information portant sur ces faits. 3. Saisie d'une requête en annulation d'actes de la procédure présentée par M. J..., la chambre de l'instruction de Paris a prononcé la nullité de certains des actes contestés, par arrêt du 7 février 2017. 4. Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017 (Crim., 18 octobre 2017, pourvoi n° 17.81-290), qui a renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée. 5. Celle-ci a statué par arrêt du 19 décembre 2017, prononçant l'annulation de plusieurs actes de l'information, ainsi que l'annulation partielle d'une pièce, constituant la cote D 931 du dossier d'information, avec cancellation d'une partie de son contenu. 6. Cet arrêt a été cassé sans renvoi par arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2018 (Crim., 9 mai 2018, pourvoi n° 18-80.066), qui a étendu la portée de la cancellation de la pièce cotée D 931 à une autre partie de son contenu. 7. M. J... a présenté une nouvelle requête en annulation, le 18 janvier 2018. Par arrêt du 15 juin 2018, la chambre de l'instruction a déclaré cette requête pour partie irrecevable, et l'a rejetée pour le surplus. Le pourvoi formé par M. J... contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2019 (Crim., 19 février 2019, pourvoi n° 18-84.462). 8. Par arrêt du 6 juillet 2018, la chambre de l'instruction de Paris a renvoyé M. J... devant la cour d'assises de Paris. 9. Le 30 avril 2019, M. J... a saisi la chambre de l'instruction de Paris, sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, d'une requête en incident d'exécution de son arrêt du 19 décembre 2017, soutenant qu'en dépit des décisions prononcées, les copies de la procédure remises aux parties en vue de l'audience de la cour d'assises comprenaient l'ensemble des actes annulés ou cancellés. Il a ajouté que ces copies reproduisaient également un tome de la procédure qui reprenait les pièces annulées et comprenait toutes les requêtes en annulation, les décisions rendues sur ces requêtes et les pièces s'y rapportant, parmi lesquelles des mémoires, réquisitions, avis et arrêts, soutenant qu'ils ne pouvaient figurer au dossier de la procédure mais devaient être conservés au greffe de la chambre de l'instruction. 10. Au vu de cette requête, la cour d'assises de Paris a renvoyé l'examen de l'affaire, par arrêt du 6 mai 2019, relevant que les copies communiquées aux parties et au président de la cour d'assises comprenaient des pièces annulées et cancellées. 11. Par arrêt du 28 juin 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a déclaré la requête en difficulté d'exécution recevable, et, avant dire droit sur le fond, demandé la communication de l'original du dossier et de l'ensemble des copies numérisées se trouvant au greffe de la cour d'assises et invité M. J... a communiquer à la chambre de l'instruction la copie numérisée de la procédure qui lui a été remise par le greffe de la cour d'assises. Elle a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 24 septembre 2019. 12. Après les débats tenus à cette date, la chambre de l'instruction a statué sur la requête en difficulté d'exécution par l'arrêt attaqué. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la requête en incident d'exécution de M. J... en ce qu'elle sollicitait le retrait effectif en original et en copie des requêtes, mémoires, réquisitions, avis, arrêts de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation citant, résumant ou se référant à des pièces annulées, alors « que l'effectivité de l'annulation de pièces de procédure suppose que les requêtes, mémoires, réquisitions, avis, arrêts citant, résumant ou se référant à des pièces annulées ne figurent à aucun endroit dans l'exemplaire du dossier de la procédure remis à la juridiction de jugement, aux avocats et aux parties ; qu'au cas d'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que le dossier de la procédure remis à la cour d'assises et aux parties comportait un tome XIV dans lequel figuraient des « pièces de la procédure (...) relative aux annulations » et des « dossiers de pourvois comportant des pièces qui seront annulées par l'arrêt du 19 décembre 2017 » ; qu'en affirmant, pour rejeter néanmoins la requête en incident d'exécution de M. J... en ce qu'elle sollicitait le retrait effectif en original et en copie de ces requêtes, mémoires, réquisitions, avis et arrêts, que ces pièces n'avaient pas été expressément cancellées par l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 19 décembre 2017 et par l'arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2018 et que les dispositions relatives à l'annulation des actes de l'information n'étaient pas applicables aux écritures des parties, quand il lui appartenait seulement de rechercher si l'équité du procès ne s'opposait en tout état de cause pas à la présence dans l'original du dossier et dans les copies remises aux parties de pièces annulées ou de pièces citant des pièces annulées, fussent-elles regroupées dans un tome particulier, la chambre de l'instruction a violé les articles 174 et 710 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 174 et 593 du code de procédure pénale : 14. Selon le premier de ces textes, les actes ou pièces annulés par la chambre de l'instruction sont retirés du dossier d'information et classés au greffe de la cour d'appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu'a été établie une copie certifiée conforme à l'original, qui est classée au greffe de la cour d'appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou des parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats. 15. Tout jugement ou arrêt doit être motivé, et l'insuffisance ou la contradiction dans les motifs équivaut à leur absence. 16. Pour rejeter la requête en incident d'exécution, la chambre de l'instruction relève que le dossier original de la procédure est conforme aux dispositifs des arrêts précités de la chambre de l'instruction du 19 décembre 2017 et de la Cour de cassation du 9 mai 2018, les pièces dont l'annulation a été ordonnée ayant été retirées en original et en copie du dossier et la pièce, objet d'une annulation partielle, ayant été cancellée dans les conditions prévues par ces arrêts. 17. La chambre de l'instruction ajoute que le tome 14 du dossier d'instruction contient les pièces des procédures en annulation, comprenant les requêtes en annulation, les mémoires, les réquisitoires, les avis et les arrêts rendus à la suite de ces requêtes, ainsi que les deux dossiers des pourvois en cassation formés à l'occasion de ces contentieux, le dossier du pourvoi qui a donné lieu au prononcé de l'arrêt du 18 octobre 2017 comprenant des copies des pièces annulées par l'arrêt du 19 décembre 2017. 18. En énonçant, d'une part, que les pièces annulées ont été retirées en original et en copie du dossier d'information, et, d'autre part, que l'original de ce dossier comprend des dossiers de pourvois en cassation où figurent les copies des pièces annulées, la chambre de l'instruction, s'est contredite. 19. De plus, en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le premier des textes susvisés qui exige que tous les exemplaires, en original et en copie, des pièces annulées soient retirés du dossier d'information. Cette obligation ne s'étend pas, toutefois, aux requêtes en annulation, et aux pièces des procédures ainsi qu'aux décisions auxquelles elles donnent lieu, même si celles-ci se réfèrent aux pièces dont l'annulation est demandée et les analysent, pour en apprécier la régularité. 20. Il en résulte que la cassation est encourue de ce chef. Et sur le second moyen 21. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la requête en incident d'exécution de M. J... en ce qu'elle sollicitait le retrait et la cancellation effectifs en original et en copie des pièces de la procédure annulées ou cancellées, alors « que l'effectivité de l'annulation de pièces de procédure suppose que les pièces annulées ou cancellées soient annulées ou cancellées dans l'original du dossier de la procédure comme dans l'ensemble des copies remises à la juridiction de jugement, aux avocats et aux parties ; que l'interdiction faite par l'article 174 du code de procédure pénale de ne tirer des actes annulés aucun renseignement contre les parties ne suffit pas à garantir le respect des décisions d'annulation et de cancellation, lesquelles supposent que la juridiction et les parties ne puissent pas même avoir connaissance des pièces annulées ou cancellées ; qu'en affirmant, pour rejeter la requête en incident d'exécution de M. J... en ce qu'elle sollicitait le retrait et la cancellation effectifs des pièces de la procédure annulées ou cancellées dans l'original et les copies du dossier, que l'interdiction posée par l'article 174 du code de procédure pénale suffisait à garantir le respect des décisions d'annulation et de cancellation, la chambre de l'instruction a derechef violé les articles 174 et 710 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 710, 174 et 279 du code de procédure pénale : 22. Il se déduit du premier de ces textes que les incidents contentieux relatifs à la mauvaise exécution ou à l'exécution incomplète d'un arrêt de la chambre de l'instruction sont portés devant cette juridiction. 23. En application du deuxième, les actes ou pièces annulés par décision de la chambre de l'instruction sont retirés du dossier de l'information et classés au greffe de la cour d'appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu'a été établie une copie certifiée conforme à l'original, qui est classée au greffe de la cour d'appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou des parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats. 24. Aux termes du troisième, en matière criminelle, il est délivré à chacun des accusés et parties civiles copies des pièces du dossier de la procédure. 25. Il résulte de la requête en difficulté d'exécution et de l'arrêt de la cour d'assises de Paris du 6 mai 2019 qu'en dépit des arrêts prononçant l'annulation de pièces de la procédure d'information, les copies du dossier d'information, tant numérisées qu'établies sur support papier, délivrées, en vue du procès devant la cour d'assises, aux parties, mais aussi au président de la cour d'assises, contiennent des pièces annulées, en partie ou en totalité. 26. Pour rejeter la requête en incident présentée devant elle, la chambre de l'instruction énonce que, si les copies délivrées contiennent des pièces annulées ou cancellées, les dispositions qui interdisent d'y faire référence suffisent à garantir que les décisions d'annulation seront respectées lors des débats devant la cour d'assises. 27. En prononçant ainsi, alors qu'il lui incombait, dès lors qu'elle était saisie d'une demande à cette fin, de s'assurer que les dispositions précitées des articles 174 et 279 du code de procédure pénale avaient été observées, et le cas échéant, de prendre les dispositions nécessaires à cette fin, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 28. Il en résulte que la cassation est encore encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 29 octobre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille vingt.
Selon l'article 174 du code de procédure pénale, les actes ou pièces annulés par la chambre de l'instruction doivent être retirés du dossier de l'information et classés au greffe de la cour d'appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu'a été établie une copie certifiée conforme à l'original, qui doit être classée au greffe de la cour d'appel. Il en résulte que tous les exemplaires, en original ou en copie, des pièces annulées ou cancellées sont retirés du dossier mais que cette obligation ne s'étend pas aux requêtes en annulation ainsi qu'aux décisions auxquelles elles ont donné lieu, même si celles-ci se réfèrent aux pièces dont l'annulation est demandée pour en apprécier la régularité
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N° R 20-80.065 F-P+B+I N° 989 EB2 17 JUIN 2020 CASSATION M. MOREAU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. C... X... contre l'arrêt n° 255 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 3 décembre 2019, qui dans l'information suivie contre lui des chefs de violences aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces. Par ordonnance en date du 6 février 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. C... X..., et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Moreau, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. C... X..., mineur né le [...] , a été placé en garde à vue le 11 février 2019 pour des faits de violences exercées sur M. Q... N..., éducateur au sein du foyer auquel le mineur avait été confié, ainsi que sur une jeune fille vivant également au foyer. 3. Les droits de la personne gardée à vue lui ont été notifiés et M. N..., éducateur au sein du foyer, a été informé de la garde à vue en tant que personne ou service auquel est confié le mineur. 4. Le 14 février 2019, le juge des enfants a placé le mineur sous le statut de témoin assisté. 5. Le 7 août 2019, l'avocat d'C... X... a saisi la chambre de l'instruction en nullité de la garde à vue subie par le mineur le 11 février 2019, ainsi que des actes et pièces trouvant leur support dans la garde à vue. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation du placement en garde à vue de M. X..., alors : « 1°/ que la violation de l'obligation prescrite à l'article 4, II, de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 d'informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur placé en garde à vue fait nécessairement grief à ce dernier dès lors qu'elle le prive d'une protection fondamentale à l'exercice de ses droits ; qu'en affirmant que l'information donnée à l'éducateur du mineur placé en garde à vue, victime présumée des faits pour lesquels la garde à vue a été décidée, n'aurait pas fait grief au mineur, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé, ensemble l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; 2°/ qu'en ne recherchant pas si le ou les responsables légaux devant être informés n'étaient pas en l'espèce le père ou la mère du mineur, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que si le représentant légal se prétend victime de faits reprochés au mineur, toute diligence doit être faite pour délivrer à un autre représentant l'information prévue à l'article 4, II, de l'ordonnance du 2 février 1945 qui a ainsi été violée. » Réponse de la Cour Vu l'article 4, II, de l'ordonnance du 2 février 1945 : 7. Selon ce texte, lorsqu'un mineur est placé en garde à vue, l'officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l'information a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur. 8. Pour écarter le moyen tiré de la nullité de la garde à vue du mineur en raison de l'irrégularité de l'information donnée à la personne ou au service auquel il est confié, l'arrêt attaqué énonce que le mineur a désigné son responsable en la personne de M. N..., éducateur au centre départemental de l'enfance puis a pris acte de l'avis donné à ce dernier. 9. Les juges ajoutent que M. N... a été avisé en qualité d'éducateur représentant le centre départemental de l'enfance. 10. Ils concluent que si M. N... a été entendu comme victime de faits pour lesquels le mineur a été placé en garde à vue, cette circonstance n'a pas, à ce stade de la procédure, porté atteinte aux intérêts de la personne concernée. 11. En statuant ainsi la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision. 12. D'une part, il n'appartient pas au mineur de désigner la personne responsable du foyer dans lequel il se trouve placé. 13. D'autre part, l'information de la garde à vue du mineur donnée à la personne désignée à la fois comme représentant légal du mineur et comme victime présumée de ses violences ne garantit pas la conduite d'une procédure respectueuse des intérêts contraires en présence. 14. Enfin, l'irrégularité de cette information fait nécessairement grief au mineur dès lors que la formalité prévue a pour finalité de permettre à la personne désignée d'assister le mineur dans ses choix de personne gardée à vue dans le seul intérêt de sa défense. 15. La cassation est donc encourue. Elle interviendra avec renvoi, pour que la chambre de l'instruction détermine l'étendue de l'annulation. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 3 décembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille vingt.
En application de l'article 4, II, de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, lorsqu'un mineur est placé en garde à vue, l'officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l'information a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur. Il n'appartient pas au mineur de désigner la personne responsable du foyer dans lequel il se trouve placé. L'information de la garde à vue du mineur donnée à la personne désignée à la fois comme représentant légal du mineur et comme victime de ses violences ne garantit pas la conduite d'une procédure respectueuse des intérêts contraires en présence. L'irrégularité de cette information fait nécessairement grief au mineur
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N° F 20-80.240 F-P+B+I N° 993 SM12 17 JUIN 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. F... I... S... contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, en date du 25 novembre 2019, qui a prononcé sur sa libération conditionnelle . Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement en date du 5 septembre 2019, le juge d'application des peines, saisi par M. I... S..., l'a admis au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 17 septembre 2019, sous diverses conditions. 3. Le procureur de la République a formé un recours suspensif contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement rendu en première instance par le juge de l'application des peines de Villefranche- sur-Saône sans entendre ni faire comparaître M. I... S... à l'audience d'appel, alors que son avocat n'était pas présent et soutient que la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité suite à sa transmission, conditionne le sort du présent moyen de cassation et qu'en cas de déclaration d'inconstitutionnalité, et en fonction de la date d'abrogation de la disposition attaquée, la décision attaquée sera cassée pour violation de la loi et défaut de base légale, en application des articles 591 et 593 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour 6. Le moyen est devenu sans objet dès lors que la Cour de cassation a dit, par arrêt du 25 mars 2020, n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Mais sur le moyen relevé d'office Vu les articles préliminaire et 712-3 du code de procédure pénale : 7. Selon le premier de ces textes, la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties. 8. Il résulte du second que lors de l'examen en appel des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7 du code de procédure pénale, la chambre de l'application des peines statue après débat contradictoire, le condamné, représenté par son avocat, n'étant pas entendu sauf si celle-ci en décide autrement. 9. Pour infirmer, sur les réquisitions orales du ministère public, le jugement ayant accordé à M. I... S... le bénéfice d'une libération conditionnelle, la chambre de l'application des peines, qui a constaté l'absence de son avocat et le dépôt d'un mémoire demandant la confirmation de la mesure de libération conditionnelle, retient, outre ses antécédents judiciaires, le fait qu'il possède un patrimoine important à Barcelone, la moitié de la propriété de sa mère après son décès survenu en 2015, d'autres biens indivis avec son frère en Andorre, et qu'il n'a mis en place aucun échéancier avec l'administration des douanes pour s'acquitter de l'amende douanière de 37 000 euros prononcée par le tribunal correctionnel de Digne-les-Bains le 11 juillet 2018. 10. Les juges concluent que, dans ces conditions, et même si M. I... S... justifie des efforts effectués depuis son incarcération, d'une possibilité d'emploi en Espagne, d'un logement et d'un entourage familial disposé à l'accueillir, la mesure de libération conditionnelle-expulsion n'apparaît pas opportune, étant relevé au surplus que rien n'établit que son état de santé ne serait pas compatible avec la détention. 11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés. 12. En effet, il lui appartenait, pour fonder sa décision sur des éléments de fait et des pièces qui n'avaient pas été contradictoirement discutés devant le premier juge, de recueillir les observations du condamné non représenté, en procédant à son audition, au besoin après réouverture des débats. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon susvisé, en date du 25 novembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille vingt.
Méconnaît les articles préliminaire et 712-3 du code de procédure pénale, la chambre de l'application des peines qui fonde sa décision sur des éléments de fait et des pièces qui n'ont pas été contradictoirement débattus devant le premier juge, en l'absence de l'avocat du condamné, sans recueillir les observations de ce dernier, au besoin après réouverture des débats
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N° H 19-84.791 F-P+B+I N° 994 SM12 17 JUIN 2020 CASSATION M. MOREAU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par M. V... X... contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2019, qui a prononcé la révocation totale d'un sursis avec mise à l'épreuve . Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. V... X..., et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Moreau, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Guéry, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre , La chambre criminelle de la Cour de cassation composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Un mandat d'arrêt a été décerné à l'encontre de M. V... X... par un juge d'instruction de Nanterre. Le procureur de la République près cette juridiction a émis par la suite un mandat d'arrêt européen. 3. Le 26 novembre 2018, M. X... a été remis à la France par les autorités judiciaires britanniques. Il a été placé sous mandat de dépôt par le juge des libertés et de la détention. 4. Le 5 décembre 2018, a été notifié à M. X... un jugement du juge de l'application des peines de Créteil du 17 septembre 2015, ordonnant la révocation totale d'un sursis avec mise à l'épreuve prononcé par jugement du 21 juin 2012 du tribunal correctionnel de Bobigny pour des faits commis du 6 au 21 juin 2010. 5. M. X... a interjeté appel de ce jugement. 6. Le 30 janvier 2019, M. X... a comparu devant un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre qui lui a demandé s'il renonçait à la règle de spécialité concernant, notamment, le jugement du juge de l'application des peines de Créteil du 17 septembre 2015. 7. M. X... n'a pas renoncé au principe de spécialité. Examen des moyens Sur le deuxième moyen 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exécution du mandat d'arrêt européen et d'avoir, en confirmation du jugement du juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Créteil en date du 17 septembre 2015, ordonné la révocation en totalité du sursis avec mise à l'épreuve de vingt-quatre mois prononcé par le tribunal correctionnel de Bobigny le 21 juin 2012 à l'encontre de M. V... X..., alors « que lorsque le ministère public qui a émis un mandat d'arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure, sauf dans l'un des cas prévus à l'article 695-18 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, M. X... a été remis aux autorités françaises le 26 novembre 2018 en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis à la suite d'un mandat d'arrêt décerné le 3 octobre 2018 ; que la cour d'appel a, en confirmation du jugement du 17 septembre 2015, révoqué en totalité le sursis avec mise l'épreuve de deux ans prononcé par un jugement définitif du tribunal correctionnel de Bobigny le 21 juin 2012 portant sur des faits datant de 2010 qui n'avaient pas été envisagés lors de la remise de M. X... aux autorités françaises, aux termes de laquelle celui-ci a été détenu, entre le 5 décembre 2018 et le 15 mai 2019, en vue de l'exécution d'une peine prononcée pour des faits antérieurs à la remise et qui n'avaient pas motivé cette mesure ; qu'en se bornant à se déclarer incompétente sur le contentieux relatif à l'exécution des mandats d'arrêt européens et à laisser au ministère public le soin de satisfaire aux dispositions relatives à la règle de la spécialité du mandat d'arrêt européen, cependant qu'il lui appartenait de tirer les conséquences de l'irrégularité de la détention de M. X..., qui a entraîné celle de la procédure aux termes de laquelle elle a statué, la cour d'appel a violé les articles 695-18, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 27, § 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002. » Réponse de la Cour Vu l'article 695-18 du code de procédure pénale : 10. Selon ce texte, et sauf dans les cas qu'il prévoit, lorsque le ministère public qui a émis le mandat d'arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure. 11. Pour révoquer le sursis avec mise à l'épreuve relatif à une peine prononcée pour des faits antérieurs à la remise de M. X..., la cour énonce qu'en application des dispositions de l'article 695-18 du code de procédure pénale, elle n'est pas compétente pour statuer sur le contentieux relatif à l'exécution des mandats d'arrêts européens et qu'il appartiendra au ministère public de décider de mettre ou de ne pas mettre à exécution la peine d'emprisonnement résultant de la révocation du sursis, assortie de l'exécution provisoire, au regard des dispositions applicables au mandat d'arrêt européen. 12. En se déterminant ainsi, alors que l'exception prise de la violation du principe de spécialité avait été soulevée devant elle et qu'il lui appartenait donc d'en apprécier le bien-fondé, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi. RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil . ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille vingt.
Doit être cassé l'arrêt d'une chambre de l'application des peines qui juge qu'elle n'est pas compétente pour apprécier le contentieux des mandats d'arrêt européen et renvoie au ministère public le soin de mettre ou non à exécution la décision qu'elle prononce, alors que l'exception prise de la violation du principe de spécialité de l'article 695-18 du code de procédure pénale avait été soulevé devant elle et qu'il lui appartenait d'en apprécier le bien fondé
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N° S 19-85.559 F-P+B+I N° 995 SM12 17 JUIN 2020 REJET M. MOREAU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 JUIN 2020 REJET sur le pourvoi formé par M. A... Y... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 3-5, en date du 5 juillet 2019, qui pour violences habituelles aggravées, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. A... Y..., les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de Mme B... R..., et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Moreau,conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Guéry, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. A... Y... a été poursuivi pour avoir à Combs-la-Ville, du 1er septembre 2013 au 29 mars 2016, volontairement commis des violences habituelles ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, en l'espèce 15 jours, sur Mme B... R..., alors qu'il était l'actuel ou l'ancien conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. 3. Par jugement en date du 27 mars 2017, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable et l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve. Il a prononcé sur les intérêts civils. 4. Le prévenu et le ministère public ont formé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le second moyen pris en ses première et deuxième branches 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. Y... à un emprisonnement délictuel de quatre ans, dit qu'il serait sursis partiellement pour une durée de deux ans à l'exécution de cette peine, fixé le délai d'épreuve à deux ans et dit que le sursis était assorti des obligations de se soumettre à des mesures d'examen, de contrôle, de traitement ou de soins médicaux même sous le régime de l'hospitalisation, en particulier des soins de nature psychologique, de réparer les dommages causés par l'infraction et de ne pas entrer en relation avec la victime de l'infraction, alors : « 3°/ qu'en se bornant à retenir, pour refuser d'aménager la peine d'emprisonnement ferme prononcée, que les éléments en sa possession « n['étaient] pas suffisamment précis, actualisés et vérifiés pour apprécier la possibilité de prononcer dès à présent [...] une mesure d'aménagement de peine » (arrêt, p. 16, § 7), la cour d'appel, qui n'a pas spécialement motivé sa décision de ne pas aménager la partie sans sursis de la peine d'emprisonnement prononcée et qui pouvait interroger le prévenu comparant sur ces points, a violé les articles 132-19 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour dire n'y avoir lieu à aménagement de la peine, l'arrêt relève que les éléments connus de la cour, concernant la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou son évolution, ne sont pas suffisamment précis, actualisés et vérifiés pour apprécier la possibilité de prononcer dès à présent, en sa faveur, une telle mesure. 8. En se déterminant ainsi, dès lors qu'il résulte de l'arrêt et des notes d'audience que le prévenu, qui comparaissait à l'audience, a été interrogé sur cette situation, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié, au vu des éléments recueillis, la possibilité de cet aménagement, au regard des exigences de l'article 132-19 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur, et conclu à l'impossibilité matérielle d'aménager la peine, a justifié sa décision. 9. Dès lors, le moyen doit être écarté. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. Y... devra payer à Mme R... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille vingt.
Dès lors qu'il résulte de l'arrêt et des notes d'audience que le prévenu, qui comparaissait à l'audience, a été interrogé sur sa situation personnelle, la cour d'appel, pour conclure à l'impossibilité matérielle d'un aménagement de la peine, a souverainement apprécié, au vu des éléments recueillis, l'impossibilité d'un tel aménagement de peine, au regard des exigences de l'article 132-19 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur
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N° X 20-81.911 F-P+B+I N° 1156 EB2 16 JUIN 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, 8e section, en date du 7 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre M. W... S... des chefs de vols en bande organisée et violences volontaires aggravées, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. S..., et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 15 mars 2020, M. S..., mis en examen des chefs de vols et tentatives de vols en bande organisée pour sept faits distincts, ainsi que pour violences volontaires sur une personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, a été placé en détention provisoire pour une durée d'un an. 3. Appel a été relevé de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation des articles 15 et 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020. 5. Il critique l'arrêt en ce qu'il a estimé non applicable à l'espèce l'ordonnance entrée en vigueur le 26 mars 2020 prévoyant la prolongation d'un mois du délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer, en raison de l'expiration antérieurement intervenue du délai d'appel de l'intéressé, alors que cette ordonnance était, en vertu de son article 15, applicable à toutes les détentions provisoires en cours ou débutant à sa date de publication. Réponse de la Cour Vu les articles 15 et 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 : 6. Il résulte de la combinaison des articles susvisés que les délais impartis à la chambre de l'instruction, par l'article 194 du code de procédure pénale, pour statuer sur l'appel d'une ordonnance en matière de détention provisoire, ont été prolongés d'un mois pour toutes les détentions provisoires en cours ou débutant à compter du 26 mars 2020, date de publication de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020. 7. Pour dire que le délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel formé par M. S... le 17 mars 2020 contre l'ordonnance le plaçant en détention provisoire, était expiré lors de l'examen de l'affaire le 7 avril 2020, l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction aurait dû statuer au plus tard le 2 avril 2020 et que la prolongation d'un mois prévue par l'article 18 de l'ordonnance du 25 mars 2020 était inapplicable dès lors que le délai d'appel dont disposait M. S... expirait le 25 mars 2020, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de ladite ordonnance. 8. En se déterminant ainsi, alors que la prolongation d'un mois prévue par l'article 18 de l'ordonnance sus-visée, entrée en vigueur le 26 mars 2020, s'appliquait à toutes les détentions en cours à cette date et donc à celle de M. S... ordonnée le 15 mars 2020, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 9. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 7 avril 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize juin deux mille vingt.
Dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles 15 et 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 que le délai imparti à la chambre de l'instruction par l'article 194 du code de procédure pénale pour statuer sur l'appel d'une ordonnance en matière de détention provisoire est prolongé d'un mois pour toutes les détentions provisoires en cours ou débutant à compter du 26 mars 2020, date de publication de l'ordonnance susvisée, la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire du 15 mars 2020 disposait, pour statuer, d'un délai d'un mois et 10 jours à compter de l'appel du 17 mars 2020 et se trouvait encore dans les délais lors de l'examen et du prononcé de l'arrêt le 07 avril 2020, peu important que le délai d'appel du détenu ait expiré antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance
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N° E 19-81.477 FS-D N° 523 EB2 16 JUIN 2020 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 JUIN 2020 CASSATION sur le pourvoi formé par la Société International Sport Fashion (la société ISF)contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 22 janvier 2019, qui, sur renvoi après cassation (Crim, 20 avril 2017, pourvoi n° 15-83.595), l'a condamnée à 2 000 euros d'amende douanière pour contravention au code des douanes . Des mémoires en demande, en défense, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société International Sport Fashion, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et droits indirects, et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, conseillers de la chambre, Mme de Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, Mme Caby, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre , la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. La société International Sport Fashion (la société ISF) a fait l'objet de contrôles entre 2007 et 2009 par des agents du service régional d'enquête des douanes qui ont conduit au déclenchement de poursuites à son encontre des chefs d'importation sans déclaration de marchandises réputées prohibées résultant de fraudes, et de fausses déclarations et manoeuvres destinées à éludeer ou minorer le montant des droits anti-dumping. 3. Par jugement du 29 septembre 2014, le tribunal correctionnel de a déclaré la société ISF coupable et l'a condamnée, solidairement avec d'autres, à une amende douanière de 452 339 euros. 4. Sur appel de cette société et appel incident du ministère public, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 15 mai 2015, a relaxé la prévenue. 5. Sur pourvoi de l'administration des douanes et droits indirects, la Cour de cassation a partiellement cassé cette décision, en ce qu'elle a relaxé les prévenus du chef de fausse déclaration d'espèces, et a renvoyé l'affaire devant la même cour, autrement composée (Crim, 20 avril 2017, pourvoi n° 15-83.595). Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 385, 512, 567, 609, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les principes du respect des droits de la défense et du droit à un recours effectif. 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit irrecevables les exceptions présentées ainsi que le moyen tiré de la prescription, alors « que l'objet de l'instance de renvoi est déterminé par l'effet dévolutif du pourvoi ; et que l'effet dévolutif du pourvoi de l'autorité de poursuite contre un arrêt de relaxe ne s'étend pas au dispositif de cet arrêt rejetant les exceptions de procédure et de prescription soulevées par la défense, celle-ci pouvant donc, en cas de cassation, les soulever à nouveau devant la cour de renvoi ; qu'en effet, la partie qui a obtenu gain de cause retrouve, en cas de cassation sur le pourvoi de son adversaire, le droit de proposer à nouveau devant la juridiction de renvoi les exceptions rejetées par la décision cassée ; qu'en l'espèce, la société ISF, qui était sans intérêt à se pourvoir contre l'arrêt qui la relaxait, pouvait soulever devant la cour de renvoi les exceptions de procédure et de prescription qu'avait rejetées la première cour, nonobstant le dispositif de l'arrêt de cassation déclarant « maintenir toute autre disposition » de l'arrêt de relaxe cassé partiellement, pareille formule ne pouvant viser ces exceptions qui n'étaient pas en débat devant la Cour de cassation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les dispositions susvisées. » Réponse de la Cour Vu l'article 609 du code de procédure pénale, ensemble l'article 567 du même code : 9. Si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir. 10. Lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue. 11. Pour déclarer irrecevables des exceptions de nullité et un moyen tiré de la prescription soulevés par la société ISF devant les premiers juges et la cour d'appel initialement saisie, l'arrêt énonce que ces exceptions ne sont pas recevables dans la mesure où la Cour de cassation, cassant et annulant l'arrêt du 14 avril 2015 seulement en ce qu'il a relaxé les prévenus du chef de fausse déclaration d'espèces, a précisé que toutes les autres dispositions de cet arrêt, qui avait notamment écarté les exceptions précitées, étaient expressément maintenues. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 13. En effet, les exceptions régulièrement soulevées et le moyen pris de la prescription, subsistaient nécessairement dans les débats devant la cour de renvoi dès lors que, d'une part, une partie des faits dont elle était saisie restaient en discussion, ce qui impliquait que l'action publique persistait, d'autre part, ces moyens n'avaient pu être examinés par la Cour de cassation, aucune des parties n'ayant qualité ou intérêt à les produire. 14. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 janvier 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize juin deux mille vingt.
Il résulte des articles 567 et 609 du code de procédure pénale que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir. Il s'ensuit que lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 10 juin 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 430 FS-P+B+R+I Pourvoi n° W 18-24.287 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2020 1°/ M. J... E..., 2°/ Mme A... I..., épouse E..., domiciliés [...], ont formé le pourvoi n° W 18-24.287 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civile D), dans le litige les opposant : 1°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc, dont le siège est [...], 2°/ à la société Banque populaire du Sud, dont le siège est [...], 3°/ au Fonds commun de titrisation Hugo créances IV, dont le siège est [...], représenté par la société de gestion GTI Asset Management, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. et Mme E..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Banque populaire du Sud, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 octobre 2018), suivant acte authentique du 17 octobre 2008, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti un prêt immobilier à M. et Mme E... (les emprunteurs). Après avoir prononcé la déchéance du terme du prêt et délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente, resté sans effet, la banque a assigné devant le juge de l'exécution les emprunteurs, qui ont sollicité l'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts et la substitution de l'intérêt au taux légal. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de fixer la créance de la banque à la somme de 281 382,45 euros, outre les intérêts au taux de 5,25 % sur la somme de 280 980,92 euros à compter du 5 février 2015 et jusqu'au 21 novembre 2017, et sur la somme de 275 353,65 euros à compter du 22 novembre 2017, alors : « 1°/ que la sanction d'un taux effectif global erroné peut être, soit la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, soit la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et la substitution à l'intérêt conventionnel de l'intérêt légal, selon que l'erreur affecte l'offre d'un prêt ou l'acte de prêt lui-même ; que l'action en annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel est ouverte aux personnes physiques ayant qualité de consommateur ; qu'en jugeant erronément, par motifs propres et adoptés, que cette action serait réservée aux sociétés et que les personnes physiques ne pourraient demander que la déchéance du droit aux intérêts, par exception aux dispositions générales de l'article 1907 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation (dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), par refus d'application, ainsi que les dispositions des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation (dans leur rédaction antérieure à cette ordonnance), par fausse application ; 2°/ que de même qu'en général le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit, le taux effectif global déterminé selon les critères de l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt relevant de ce code ; que l'erreur entachant le taux effectif global dans un contrat de prêt, équivalant à une absence de taux, ne satisfait pas à ces exigences ; que cette erreur est exclusivement sanctionnée par la substitution au taux d'intérêt contractuel du taux d'intérêt légal, ce que demandaient les emprunteurs en l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que le taux effectif global indiqué dans l'acte notarié de prêt du 17 octobre 2008 était incontestablement erroné ; qu'en jugeant dès lors que la seule sanction civile attachée à cette erreur était la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1907 du code civil, ensemble des articles L. 313-1 et L. 313-2 de code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; 3°/ qu'en toute hypothèse, pour sanctionner l'erreur affectant le taux effectif global en appliquant la déchéance du droit aux intérêts, la cour d'appel a retenu, avec le juge de l'exécution, qu'il convenait d'imputer la somme de 5 627,27 euros, non sur les intérêts, mais sur le capital restant dû à la banque par les emprunteurs ; que, par motifs adoptés, elle a ajouté que les emprunteurs avaient « acquitté des mensualités d'assurance deux fois plus élevées que celles prévues au contrat de prêt », avant de juger : « En conséquence, au regard du nombre de mensualités réglées avant la déchéance du terme du 3.12.2008 date de la première échéance du prêt au 4.08.2014 date de la dernière cotisation payée, tel qu'indiqué par la CRCAM et non critiqué par les époux E..., il convient d'arbitrer la déchéance du droit aux intérêts à la somme de 5 627,27 euros » ; que la cour d'appel a approuvé le juge de l'exécution d'avoir « appliqué une déchéance du droit aux intérêts à hauteur de la somme de 5 227,27 euros » et d'avoir « fixé ainsi la créance à hauteur de la somme de 281 382,45 euros, outre intérêts à taux de 5,25 % sur la somme de 280 980,92 euros à compter du 5 février 2015 et jusqu'au 21 novembre 2017 et sur la somme de 275 353,65 euros à compter du 22 novembre 2017 » ; qu'en se déterminant ainsi, pour opérer en réalité, non pas une déchéance du droit aux intérêts mais une simple déduction, sur la créance de la banque, d'une partie des cotisations d'assurance qui avaient été sous-évaluées pour la détermination du taux effectif global, à hauteur de 5 627,27 euros, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article L. 313-2, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le taux effectif global (TEG) doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt. 4. En l'absence de sanction prévue par la loi, exception faite de l'offre de prêt immobilier et du crédit à la consommation, il est jugé qu'en application des articles 1907 du code civil et L. 313-2, alinéa 1, précité, l'inexactitude de la mention du TEG dans l'écrit constatant tout contrat de prêt, comme l'omission de la mention de ce taux, qui privent l'emprunteur d'une information sur son coût, emportent l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi n° 80-12.903, Bull. 1981, I, n° 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi n° 13-16.555, Bull. 2014, I, n° 165). 5. Pour les contrats souscrits postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur. 6. Dans ces conditions, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, il apparaît justifié d'uniformiser le régime des sanctions et de juger qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge. 7. En premier lieu, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le TEG était erroné, faute d'inclusion du taux de cotisation mensuelle d'assurance réellement prélevé, et fait ressortir que l'erreur commise était supérieure à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la sanction de l'erreur affectant le TEG était la déchéance du droit aux intérêts de la banque dans la proportion fixée par le juge. 8. En second lieu, c'est par une appréciation souveraine que les juges du fond ont évalué le préjudice des emprunteurs et déterminé la proportion dans laquelle la déchéance du droit de la banque aux intérêts devait être fixée. 9. Le moyen, inopérant en sa première branche, qui critique un motif surabondant, n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme E... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E... Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu le 21 novembre 2017 par le juge de l'exécution de Carcassonne sur la créance de la CRCAM du Languedoc, en ce qu'il avait fixé la créance de la CRCAM du Languedoc à la somme de 281 382,45 euros, outre les intérêts au taux de 5,25 % sur la somme de 280 980,92 euros à compter du 5 février 2015 et jusqu'au 21 novembre 2017, et sur la somme de 275 353,65 euros à compter du 22 novembre 2017 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la contestation du TEG indiqué dans l'acte notarié de près du 17 octobre 2008, le premier juge a, par des motifs pertinents et adoptés, exactement retenu que le taux de cotisation d'assurance inclus dans le TEG est erroné, et ce en considération du montant de la cotisation mensuelle d'assurance qui a été réellement prélevée, que cette contestation n'est pas couverte par la prescription alors que, s'agissant de Mme E..., celle-ci n'a pas été destinataire d'un courrier du 8 octobre 2008 notifiant à M. E... un taux différent de celui mentionné par l'acte de prêt, et que, s'agissant de M. E..., celui-ci avait certes conscience de la différence de taux mais qu'il ne pouvait, du fait de l'absence de mention tant dans le courrier du 8 octobre 2008 que dans l'acte notarié du 17 octobre 2008 du montant mensuel de la cotisation, prendre conscience du caractère erroné du TEG au regard de la mensualité d'assurance prélevée sur son compte ; que le premier juge a ainsi, à juste titre, rejeté le moyen de prescription opposé par la banque, retenant que le point de départ de la prescription n'a débuté qu'à l'introduction de l'instance qui a amené les débiteurs à s'interroger sur les sommes dues par eux ; que le premier juge très exactement retenu que la sanction civile attachée à la contestation du TEG, dont le caractère erroné n'est pas contestable, est par l'application combinée des articles L.312-8 et L.312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, pour des emprunteurs personnes physiques bénéficiaires des dispositions du code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, ces dispositions, d'ordre public de protection, dérogeant aux dispositions générales posées par l'article 1907 du code civil ; que le premier juge a, par des motifs adoptés par la cour, appliqué une déchéance du droit aux intérêts à hauteur de la somme de 5 227,27 euros et a fixé ainsi la créance à hauteur de la somme de 281 382,45 euros, outre intérêts au taux de 5,25 % sur la somme de 280 980,92 euros à compter du 5 février 2015 et jusqu'au 21 novembre 2017 et sur la somme de 275 353,65 euros à compter du 22 novembre 2017, la clause pénale étant, en considération de son caractère manifestement excessif au regard de l'exécution du contrat pendant presque six années et du montant du taux d'intérêt s'appliquant sur les sommes dues, réduite à hauteur de la somme de 3000 € ; que le jugement entrepris sera par voie de conséquence confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les parties ne contestent pas le caractère erroné du TEG qui au regard du taux de l'assurance ; 0,616 % par an au lieu de 0,308 % aurait dû être de 6,113% au lieu de 5,805 % ; qu'il est de jurisprudence constante que la sanction résultant de la mention erronée d'un TEG n'est pas, pour des emprunteurs personnes physiques, profanes et à ce titre bénéficiaires des dispositions du code de la consommation, la nullité de la stipulation d'intérêt et la substitution du taux d'intérêt légal comme pour les sociétés mais est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge ; qu'en outre dans la mesure où la déchéance du droit aux intérêts est arbitrée par le juge elle constitue une sanction et revêt un caractère indemnitaire qui ne peut recevoir application qu'au jour où le juge statue et n'emporte pas d'effet rétroactif s'agissant de déterminer le montant de la créance due au moment de la déchéance du terme ; qu'en l'espèce il y a lieu de constater que M. et Mme E... ont acquitté des mensualités d'assurance deux fois plus élevées que celles prévues au contrat de prêt ; qu'en conséquence, au regard du nombre de mensualités réglées avant la déchéance du terme du 3.12.2008 date de la première échéance du prêt au 4.08.2014 date de la dernière cotisation payée, tel qu'indiqué par la CRCAM et non critiqué par les époux E..., il convient d'arbitrer la déchéance du droit aux intérêts à la somme de 5 627,27 euros ; que, sur la créance, au regard des éléments versés aux débats la créance due par les époux E... à la CRCAM s'élève à la somme de 281 382,45 euros se décomposant comme suit : mensualités impayées : 16 608,81 euros, intérêts de retard sur mensualités impayées 445,28 euros, capital restant dû : 264 372,11 euros, intérêts de retard entre la dernière échéance impayée et la déchéance du terme : 522,35 euros, intérêts de retard du 15.12.2014 au 4.02.2015 2061,17 euros, clause pénale : 3000 euros, à déduire 5 627,27 euros s'imputant sur le capital dû outre intérêts au taux de 5,25% sur la somme de 280 980,92 euros à compter du 5.02.2015 et jusqu'au 21.11.2017 et sur la somme de 275 353,65 euros à compter du 22.11.2017 ; 1° ALORS QUE la sanction d'un taux effectif global erroné peut être, soit la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, soit la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et la substitution à l'intérêt conventionnel de l'intérêt légal, selon que l'erreur affecte l'offre d'un prêt ou l'acte de prêt lui-même ; que l'action en annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel est ouverte aux personnes physiques ayant qualité de consommateur ; qu'en jugeant erronément, par motifs propres et adoptés, que cette action serait réservée aux sociétés et que les personnes physiques ne pourraient demander que la déchéance du droit aux intérêts, par exception aux dispositions générales de l'article 1907 du code civil, la cour a violé ce texte, ensemble les articles L. 313-1 et L. 313-2 de code de la consommation [dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016], par refus d'application, ainsi que les dispositions des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation [dans leur rédaction antérieure à cette ordonnance], par fausse application ; 2° ALORS QUE de même qu'en général le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit, le taux effectif global déterminé selon les critères de l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt relevant de ce code ; que l'erreur entachant le taux effectif global dans un contrat de prêt, équivalant à une absence de taux, ne satisfait pas à ces exigences ; que cette erreur est exclusivement sanctionnée par la substitution au taux d'intérêt contractuel du taux d'intérêt légal, ce que demandaient M. et Mme E... en l'espèce ; que la cour a constaté que le taux effectif global indiqué dans l'acte notarié de prêt du 17 octobre 2008 était incontestablement erroné ; qu'en jugeant dès lors que la seule sanction civile attachée à cette erreur était la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1907 du code civil, ensemble des articles L. 313-1 et L. 313-2 de code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; 3° ALORS, en toute hypothèse, QUE, pour sanctionner l'erreur affectant le taux effectif global en appliquant la déchéance du droit aux intérêts, la cour a retenu, avec le juge de l'exécution, qu'il convenait d'imputer la somme de 5 627,27 euros, non sur les intérêts, mais sur le capital restant dû à la CRCAM du Languedoc par M. et Mme E... ; que, par motifs adoptés, elle a ajouté que M. et Mme E... avaient « acquitté des mensualités d'assurance deux fois plus élevées que celles prévues au contrat de prêt » (jugement, p. 8, § 1), avant de juger : « En conséquence, au regard du nombre de mensualités réglées avant la déchéance du terme du 3.12.2008 date de la première échéance du prêt au 4.08.2014 date de la dernière cotisation payée, tel qu'indiqué par la CRCAM et non critiqué par les époux B..., il convient d'arbitrer la déchéance du droit aux intérêts à la somme de 5 627,27 euros » ; que la cour a approuvé le juge de l'exécution d'avoir « appliqué une déchéance du droit aux intérêts à hauteur de la somme de 5 227,27 euros » et d'avoir « fixé ainsi la créance à hauteur de la somme de 281 382,45 euros, outre intérêts à taux de 5,25 % sur la somme de 280 980,92 euros à compter du 5 février 2015 et jusqu'au 21 novembre 2017 et sur la somme de 275 353,65 euros à compter du 22 novembre 2017 » (arrêt, p. 7, § 5) ; qu'en se déterminant ainsi, pour opérer en réalité, non pas une déchéance du droit aux intérêts mais une simple déduction, sur la créance de la banque, d'une partie des cotisations d'assurance qui avaient été sous-évaluées pour la détermination du taux effectif global, à hauteur de 5 627,27 euros, la cour a violé les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016.
Ayant relevé que le taux effectif global était erroné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, faute d'inclusion du taux de cotisation mensuelle d'assurance réellement prélevé, et fait ressortir que l'erreur commise était supérieure à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation, une cour d'appel retient, à bon droit, que la sanction de l'erreur affectant le taux effectif global est la déchéance du droit aux intérêts de la banque dans la proportion fixée par le juge
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CIV. 1 FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juin 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 433 FS-P+B+I Pourvoi n° F 19-12.984 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2020 1°/ M. G... Y..., 2°/ Mme X... O..., épouse Y..., domiciliés [...] , ont formé le pourvoi n° F 19-12.984 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant à la société La Banque postale, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. et Mme Y..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société La Banque postale, et l'avis écrit de M. Lavigne et l'avis oral de M. Sudre, avocats généraux, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2018), suivant offre acceptée le 6 janvier 2010, la société Banque postale (la banque) a consenti à M. et Mme Y... (les emprunteurs) quatre prêts immobiliers. 2. Invoquant le caractère erroné des taux effectifs globaux mentionnés dans l'offre acceptée, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la stipulation d'intérêts, substitution de l'intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : « 1°/ qu'en matière d'emprunt immobilier, l'inexactitude de la mention du taux effectif global dans l'acte de prêt est sanctionnée par la nullité de la clause d'intérêt et par la substitution de l'intérêt au taux légal à compter de la date de conclusion du prêt ; qu'en disant non fondée les demandes des emprunteurs, se prévalant de l'inexactitude tant du TEG que des intérêts conventionnels dans l'acte de prêt et non dans l'offre, aux motifs que la seule action ouverte aurait été une action en déchéance du droit aux intérêts, la cour d'appel a violé les articles 1134 (ancien) et 1907 du code civil ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 et R-313-2 du code de la consommation dans sa version applicable à la cause et l'article L. 312-33 du même code par fausse application ; 2°/ qu'à considérer qu'aient été adoptés les motifs du jugement, ceux-ci seraient sanctionnés en ce qu'ils ne permettent pas de répondre aux nouveaux éléments apportés par les demandeurs permettant d'établir les écarts de TEG entre le taux appliqué et le taux réel, dont il s'inférait que l'erreur entraînait un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge. 5. Après avoir relevé que les erreurs invoquées susceptibles d'affecter les taux effectifs globaux figuraient dans l'offre de prêt immobilier acceptée le 6 janvier 2010, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue était la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur et que les demandes des emprunteurs en annulation de la stipulation d'intérêts, substitution de l'intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus devaient être rejetées. 6. Le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs qui n'ont pas été adoptés, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme Y... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y.... Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les exposants de leurs demandes ; AUX MOTIFS QUE « ( ) Les époux Y... produisent l'offre de prêt, soumise en tant qu'il s'agit d'un crédit immobilier à des particuliers aux dispositions des articles L312-1 et suivants anciens du code de la consommation, reçue le 29 décembre 2009 et acceptée le 6 janvier 2010 et recherchent, selon le dispositif de leurs conclusions, le prononcé de la nullité des stipulations conventionnelles d'intérêts sur le fondement des articles L313-1, L313-2 et R313-1 anciens du code de la consommation et 1907 alinéa 2 du code civil au motif de la non prise en compte dans le calcul du TEG du coût de l'assurance décès invalidité obligatoire. Or, ainsi que le fait valoir La Banque Postale, aux termes de l'article L312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, il est énoncé que "le prêteur (ou le bailleur) qui ne respecte pas l'une des obligations prévues" à l'article L312-8, lequel renvoie, concernant le TEG, aux prescriptions de l'article L313-1 du même code, en définissant le contenu parmi lequel les frais entraînés par une condition d'octroi du crédit, "pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge". Or, ce texte spécial déroge nécessairement, pour les prêts immobiliers régis par les articles L312-2 et suivants anciens du code de la consommation, aux dispositions générales posées par l'article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l'absence de prescription d'un taux d'intérêt et, par extension d'un TEG, dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence. Ainsi, l'emprunteur ne saurait, sauf à vider de toute substance les dispositions d'ordre public des articles L312-1 et suivants du code de la consommation, disposer d'une option entre nullité ou déchéance, notamment en distinguant l'offre de l'offre acceptée qui constitue le contrat alors même que la sanction de l'article L312-33 du code de la consommation vise le prêteur et non l'émetteur de l'offre, étant encore observé qu'il ne peut exister de contentieux civil en l'absence d'acceptation de l'offre, la transparence de celle-ci ayant, si tel n'a pas été le cas, permis au consommateur d'opérer un meilleur choix. Une telle option, privant le juge de la possibilité de prévoir une sanction proportionnée à la gravité de l'erreur ne participe pas à l'unique objectif recherché par le législateur, à savoir donner au TEG une fonction comparative. En conséquence, le jugement doit être confirmé, ( )» ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « L'article L313-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le taux effectif global, déterminé comme il est dit à l'article L313-1 du même code, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt relevant des dispositions de ce code relatives aux crédits immobiliers. Si l'annexe à l'article R313-1 ancien du code de la consommation n'a pour objet que de définir la méthode dite « d'équivalence » de calcul du taux effectif global visée par ce texte, et non la méthode dite « proportionnelle » seule applicable aux crédits immobiliers, la précision figurant au paragraphe d) de cette annexe, aux termes duquel le résultat du calcul de ce taux est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale, est d'application générale et impose à l'emprunteur, pour l'ensemble des contrats de prêt et quelle que soit la méthode de calcul du taux effectif global dont ils relèvent, de démontrer que l'erreur alléguée entraîne un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre ou le contrat. En l'espèce, M. et Mme Y... se prévalent d'un rapport d'analyse établi le 5 mai 2014 par la société Les expertiseurs du crédit, qui ne fait état d'aucun taux effectif global considéré comme exact. C'est donc à juste titre que la banque fait valoir que les demandeurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du fait que l'erreur de calcul alléguée, à la supposer démontrée, entraînerait un écart de taux d'au moins une décimale. Ils seront en conséquence déboutés de leurs demandes fondées sur la mention d'un taux effectif global erroné dans l'acte de prêt. » ; ALORS QUE 1°) en matière d'emprunt immobilier, l'inexactitude de la mention du taux effectif global dans l'acte de prêt est sanctionnée par la nullité de la clause d'intérêt et par la substitution de l'intérêt au taux légal à compter de la date de conclusion du prêt ; qu'en disant non fondée les demandes des exposants, se prévalant de l'inexactitude tant du TEG que des intérêts conventionnels dans l'acte de prêt et non dans l'offre, aux motifs que la seule action ouverte aurait été une action en déchéance du droit aux intérêts, la Cour d'appel a violé les articles 1134 (ancien) et 1907 du code civil ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 et R-313-2 du code de la consommation dans sa version applicable à la cause et l'article L. 312-33 du même Code par fausse application ; ALORS QUE 2°) à considérer qu'aient été adoptés les motifs du jugement, ceux-ci seraient sanctionnés en ce qu'ils ne permettent pas de répondre aux nouveaux éléments apportés par les exposants permettant d'établir les écarts de TEG entre le taux appliqué et le taux réel, dont il s'inférait que l'erreur entraînait un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge. Ayant relevé que les erreurs invoquées susceptibles d'affecter les taux effectifs globaux figuraient dans une offre acceptée de prêt immobilier, une cour d'appel en déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue est une déchéance totale ou partielle du droits du prêteur aux intérêts
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CIV. 1 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juin 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 434 FS-P+B+I Pourvoi n° V 19-16.401 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2020 1°/ M. F... C..., 2°/ Mme S... C..., domiciliés [...], ont formé le pourvoi n° V 19-16.401 contre l'arrêt rendu le 21 février 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant à la société HSBC France, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. et Mme C..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société HSBC France, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 21 février 2019), M. et Mme C... (les emprunteurs) ont, le 14 juillet 2010, accepté une offre de prêt immobilier émise par la société HSBC France (la banque). 2. Invoquant le caractère erroné du taux effectif global (TEG) mentionné dans l'offre acceptée, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la stipulation d'intérêts, substitution de l'intérêt légal et remboursement des intérêts indus. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « qu'en matière d'emprunt immobilier, l'inexactitude de la mention du taux effectif global dans l'acte de prêt, que celui-ci ait été formé par acte authentique ou par acte sous seing privé, est sanctionnée par l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal, à compter de la date de conclusion du prêt ; qu'en retenant que dès lors que l'erreur affectant le taux effectif global figurait dans l'offre de prêt qui n'avait pas été réitéré par acte authentique, l'emprunteur ne pouvait se prévaloir que de la déchéance, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts, et non de la nullité de la clause avec substitution de l'intérêt légal, la cour d'appel a violé les articles L. 312-33, L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, ensemble l'article 1907 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'inexactitude du TEG mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge. 5. Après avoir relevé que les erreurs invoquées susceptibles d'affecter le TEG figuraient dans l'offre de prêt immobilier acceptée le 14 juillet 2010, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue était la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur et que les demandes des emprunteurs en annulation de la stipulation d'intérêts, substitution de l'intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus devaient être rejetées. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme C... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. et Mme C.... Les époux C... font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux C... de toutes leurs demandes ; AUX MOTIFS QUE : « Sur la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ; L'article L. 312-8 du code de la consommation, en sa version applicable au moment de l'acceptation de l'offre de crédit immobilier, dispose que l'offre de prêt doit indiquer, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1, énoncer en donnant une évaluation de leur coût les stipulations, assurances et sûretés réelles ou personnelles qui conditionnent la conclusion du prêt, (...) et mentionner que l'emprunteur peut souscrire auprès de l'assureur de son choix une assurance. Selon l'article L. 313-1 de ce code, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directes ou indirectes, y compris ceux qui sont payés ou dus à un intermédiaire, intervenu de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. Ce texte ajoute que n'ont pas à être intégrées dans le taux effectif global les charges liées aux garanties dont sont éventuellement assortis les crédits lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. La seule sanction civile du non-respect par le prêteur des dispositions de l'article L. 312-8 est, en application de l'article L. 312-33, la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (Civ 1ère 25 février 2016 n° 14-29.838 et encore 1ère Civ, 22 septembre 2016 n° 15-21.524). Ainsi que le soutient à juste titre Hsbc, ce dernier texte édicte une règle spéciale, exclusive de l'article 1907 du Code civil qui sanctionne par la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel et la substitution du taux légal ou taux conventionnel, l'absence d'indication dans une offre de prêt du taux d'intérêt et, par extension, l'indication d'un taux effectif global dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence. Lorsque l'erreur affectant le taux effectif global figure dans une offre de prêt, l'emprunteur ne dispose donc d'aucune option et ne peut se prévaloir que de la déchéance du prêteur, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts. Au contraire, si l'erreur figure dans un acte notarié constatant un prêt immobilier, la substitution du taux légal au taux conventionnel est alors encourue (1ère Civ. 14 décembre 2016 n° 15-26.306). En l'espèce, il est constant que les erreurs invoquées et susceptibles d'affecter le TEG figurent dans une offre de prêt immobilier formulée par Hsbc France que les époux C... ont reçue le 2 juillet 2010 et acceptée le 14 juillet suivant. C'est de manière parfaitement artificielle que, pour tenter d'écarter la jurisprudence précitée, les époux C... distinguent l'offre en elle-même et le contrat résultant de son acceptation alors que, d'une part, la sanction de l'article L. 312-33 vise le prêteur et non l'émetteur de l'offre et que, d'autre part, la seule émission de l'offre par le prêteur ne crée d'autre droit au profit de son destinataire que celui de son maintien le temps nécessaire à son acceptation, si bien qu'à défaut de cette acceptation, il n'y aurait aucune place au présent litige. La demande des époux C..., en ce qu'elle tend exclusivement à l'annulation de la stipulation d'intérêt et à la substitution du taux légal au taux conventionnel, ne pourra donc qu'être rejetée. Sur les demandes accessoires Les époux C... succombant en toutes leurs prétentions, supporteront les dépens de première instance et d'appel. L'équité commande d'allouer à Hsbc France la somme de 1 500 euros en compensation de ses frais non compris dans les dépens. ». ALORS QUE en matière d'emprunt immobilier, l'inexactitude de la mention du taux effectif global dans l'acte de prêt, que celui-ci ait été formé par acte authentique ou par acte sous seing privé, est sanctionnée par l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal, à compter de la date de conclusion du prêt ; qu'en retenant que dès lors que l'erreur affectant le taux effectif global figurait dans l'offre de prêt qui n'avait pas été réitéré par acte authentique, l'emprunteur ne pouvait se prévaloir que de la déchéance, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts, et non de la nullité de la clause avec substitution de l'intérêt légal, la cour d'appel a violé les articles L. 312-33, L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, ensemble l'article 1907 du code civil.
Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge
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CIV. 1 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juin 2020 Cassation Mme BATUT, président Arrêt n° 462 FS-P+B+I Pourvoi n° X 19-24.108 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2020 Mme U... W..., épouse O..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° X 19-24.108 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Colmar (5e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. L... O..., domicilié [...] (Grèce), 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Colmar, domicilié en son parquet général, 9 avenue Poincaré, BP 549, 68027 Colmar cedex, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme W..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. O..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 octobre 2019), du mariage de Mme W..., de nationalité suisse, et de M. O..., de nationalité grecque, est né E... O... W..., le [...] à Palaio Faliro (Grèce). Le 24 novembre 2018, Mme W..., accompagnée de son mari, a rejoint la France avec l'enfant afin de se reposer chez ses parents. Soutenant qu'elle refusait de rentrer en Grèce avec E... à l'issue de son séjour, comme convenu initialement, M. O... l'a assignée, le 26 juin 2019, devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg pour voir ordonner le retour immédiat de l'enfant. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 2. Mme W... fait grief à l'arrêt de juger que le non-retour de l'enfant E... est illicite, d'ordonner son retour immédiat en Grèce et de la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais visés à l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, alors « qu'en se fondant exclusivement sur l'analyse de la situation du nourrisson et de ses parents en Grèce pour juger que « la résidence habituelle de M. O... et Mme W..., et subséquemment celle de E... » (arrêt p. 6 alinéa 4) était établie en Grèce, sans examen de l'intégration de l'enfant et de sa mère dans leur domicile en France, quand il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt CJUE, 8 juin 2017, aff. C-111/17, PPU, OL c/PQ) que lorsqu'un nourrisson est effectivement gardé par sa mère, dans un État membre différent de celui où réside habituellement le père, il convient de prendre en compte notamment, d'une part, la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour de celle-ci sur le territoire du premier État membre et, d'autre part, les origines géographiques et familiales de la mère ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par celle-ci et l'enfant dans le même État membre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ensemble les articles 2, 11), et 11, § 1, du règlement (CE) du Conseil n° 2201/ 2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. » Réponse de la Cour Vu les articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, 2, 11), et 11, § 1, du règlement (CE) n° 2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : 3. Au sens de ces textes, est illicite tout déplacement ou non-retour d'un enfant fait en violation d'un droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement ou son non-retour. 4. De la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 2 avril 2009, A, C-523/07, arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi, C-497/10 PPU, arrêt du 9 octobre 2014, C, C-376/14 PPU, arrêt du 8 juin 2017, OL, C-111/17 PPU, arrêt du 28 juin 2018, HR, C-512/17) résultent les éléments ci-après. 5. En premier lieu, la résidence habituelle de l'enfant, au sens du règlement n° 2201/2003, correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie et il appartient à la juridiction nationale de déterminer où se situe ce centre sur la base d'un faisceau d'éléments de fait concordants (arrêt précité du 28 juin 2018). 6. En deuxième lieu, la résidence habituelle doit être interprétée au regard des objectifs du règlement n° 2201/2003, notamment celui ressortant de son considérant 12, selon lequel les règles de compétence qu'il établit sont conçues en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant et, en particulier, du critère de proximité (arrêts précités du 2 avril 2009, points 34 et 35, du 22 décembre 2010, points 44 à 46, et du 8 juin 2017, point 40). 7. En troisième lieu, lorsque l'enfant est un nourrisson, son environnement est essentiellement familial, déterminé par la personne ou les personnes de référence avec lesquelles il vit, qui le gardent effectivement et prennent soin de lui, et il partage nécessairement l'environnement social et familial de cette personne ou de ces personnes. En conséquence, lorsque, comme dans la présente espèce, un nourrisson est effectivement gardé par sa mère, dans un État membre différent de celui où réside habituellement le père, il convient de prendre en compte notamment, d'une part, la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour de celle-ci sur le territoire du premier État membre, d'autre part, les origines géographiques et familiales de la mère ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par celle-ci et l'enfant dans le même État membre (arrêt précité du 8 juin 2017, point 45). 8. En quatrième lieu, lorsque dans les mêmes circonstances, un nourrisson est effectivement gardé par sa mère, l'intention initialement exprimée par les parents quant au retour de celle-ci accompagnée de l'enfant dans un autre Etat membre, qui était celui de leur résidence habituelle avant la naissance de l'enfant, ne saurait être à elle seule décisive pour déterminer la résidence habituelle de l'enfant, au sens du règlement n° 2201/2003, cette intention ne constituant qu'un indice de nature à compléter un faisceau d'autres éléments concordants. Cette intention initiale ne saurait être la considération prépondérante, en application d'une règle générale et abstraite selon laquelle la résidence habituelle d'un nourrisson serait nécessairement celle de ses parents (même arrêt, points 47 et 50). De même, le consentement ou l'absence de consentement du père, dans l'exercice de son droit de garde, à ce que l'enfant s'établisse en un lieu ne saurait être une considération décisive pour déterminer la résidence habituelle de cet enfant, au sens du règlement n° 2201/2003 (même arrêt, point 54). 9. En l'espèce, pour fixer la résidence habituelle de l'enfant en Grèce, l'arrêt retient que, s'agissant d'un nourrisson, il est nécessaire de prendre en considération la résidence du couple et l'intention commune des parents, et qu'en cas de séjours temporaires à l'étranger, un changement de résidence ne peut être pris en considération qu'en cas d'intention ferme, formulée par les deux parents, d'abandonner leur résidence habituelle afin d'en acquérir une nouvelle, peu important le lieu où l'enfant a passé le plus de temps depuis sa naissance. Il relève que M. O... et Mme W... se sont mariés le 30 juillet 2015 en Grèce où ils résident régulièrement depuis quatre ans et où M. O... exerce principalement son activité professionnelle, Mme W... ayant mis fin à son activité professionnelle pour s'installer en Grèce avec son époux. Il constate que E... est de nationalité grecque et est né en Grèce où il a vécu pendant quatre semaines, le logement ayant été aménagé pour sa naissance, qu'il dispose d'un passeport grec, d'une mutuelle et est enregistré auprès de l'assurance maladie grecque. Il relève encore que les deux parents ont indiqué une adresse commune en Grèce lors de l'établissement de l'acte de naissance de leur fils et que la résidence de la famille est enregistrée auprès de la mairie du Pirée. Il en déduit que la résidence habituelle de M. O... et Mme W... et, subséquemment, celle de E... est établie en Grèce et que, si le déplacement de l'enfant en France ne présente aucun caractère illicite, les deux parents étant venus ensemble, d'un commun accord, avec l'enfant sur le territoire national, Mme W... ne pouvait décider de modifier unilatéralement la résidence habituelle de l'enfant sans l'accord du père et s'opposer à son retour. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si, au regard du très jeune âge de l'enfant et de la circonstance qu'il était arrivé à l'âge d'un mois en France et y avait séjourné de manière ininterrompue depuis lors avec sa mère, son environnement social et familial et, par suite, le centre de sa vie, ne s'y trouvait pas, nonobstant l'intention initiale des parents quant au retour de la mère, accompagnée de l'enfant, en Grèce après son séjour en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen et le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne M. O... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme W... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que le non-retour de l'enfant E... H... O... W... né le [...] à Palaio Faliro (Grèce) était illicite, ordonné le retour immédiat de E... en Grèce et condamné Mme U... W... aux dépens et à payer à M. O... une somme de 5.000,00 euros au titre des frais visés à l'article 26 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 ; AUX MOTIFS QUE « Sur le caractère illicite du non-retour : En application de l'article 12 alinéa 1 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le juge de l'Etat où se trouve l'enfant a l'obligation d'ordonner son retour immédiat lorsque l'enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l'article 3 ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite Convention, le déplacement de l'enfant ou son non-retour est considéré comme illicite : a) lorsqu'il y a eu violation d'un droit de garde attribué par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement au moment du déplacement ou du non-retour , ou l'eut été si de tels événements n'étaient survenus ; que l'article 4 de la Convention susvisée dispose que la Convention s'applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite ; que dès lors, la résidence habituelle doit être interprétée en ce sens qu'elle correspond au lieu qui traduit une certaine intégration de l'enfant dans un environnement social et familial ; que doivent être pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire de l'Etat d'origine et du déménagement de la famille, la nationalité de l'enfant, le lieu et les conditions de sa scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par l'enfant dans ledit Etat ; que s'agissant d'un nourrisson, il est nécessaire de prendre en compte la résidence du couple et l'intention commune des parents : qu'en cas de séjours temporaires à l'étranger, un changement de résidence ne peut être pris en compte qu'en cas d'intention ferme, formulée par les deux parents, d'abandonner leur résidence habituelle afin d'en acquérir une nouvelle ; qu'il ne s'agit donc pas de déterminer le lieu où l'enfant a passé le plus de temps depuis sa naissance ; qu'en l'espèce, il est établi que M. O... et Mme W... se sont mariés le 30 juillet 2015 en Grèce où ils résident régulièrement depuis quatre ans et où M. O... exerce principalement son activité professionnelle, Mme W... ayant mis fin à son activité professionnelle pour s'installer en Grèce avec son époux ; que E... est de nationalité grecque et est né en Grèce où il a vécu pendant quatre semaines, le logement ayant été aménagé pour sa naissance ; que les deux parents ont indiqué une adresse commune en Grèce lors de l'établissement de l'acte de naissance de leur fils et la résidence de la famille est enregistrée auprès de la mairie du Pirée. E... dispose d'un passeport grec, d'une mutuelle et est enregistré auprès de l'assurance maladie grecque ; que E... était également suivi par un pédiatre grec et le fait qu'il soit désormais suivi par un pédiatre français, suite à la durée du séjour en France, est sans incidence ; que la résidence habituelle de M. O... et Mme W..., et subséquemment celle de E..., en Grèce est dès lors établie, pays qui correspond à l'Etat d'où l'enfant a été déplacé ; qu'en application de l'article 5 de la Convention de La Haye, le droit de garde comprend le droit portant sur les soins de la personne de l'enfant et en particulier, celui de décider de son lieu de résidence ; que M. O... et Mme W... exercent conjointement l'autorité parentale sur E..., tant en application du droit grec qu'en application du droit français, l'exercice de l'autorité parentale de M. O... sur son fils étant par ailleurs effectif puisque la famille vivait ensemble au domicile conjugal ; que s'il n'est pas discuté que le déplacement de E... en France ne présente aucun caractère illicite, les deux parents étant venus ensemble d'un commun accord avec l'enfant sur le territoire national, se pose le problème du non-retour en Grèce, Mme W... ne pouvant décider de modifier la résidence habituelle de E... à l'étranger sans l'accord de M. O... ; que M. O... souligne que le voyage en France avait pour unique but de permettre à son épouse de se reposer après la naissance de leur fils ; que Mme W... fait valoir quant à elle que le couple avait décidé de s'installer en France avec leur fils et que c'est uniquement M. O... qui a changé d'avis ; que cette affirmation est pourtant en contradiction avec les différents éléments du dossier ; qu'en effet, lors d'une déclaration de main courante du 28 mars 2019, Mme W..., qui évoque le côté menaçant de son époux, précise qu'elle a refusé de retourner en Grèce compte tenu de la pression exercée par son mari et qu'elle a peur d'y retourner ; qu'à aucun moment, Mme W... ne parle d'un déménagement familial en France ; que lors de son audition par la gendarmerie le 30 juin 2019, suite à la demande du tribunal de grande instance de Strasbourg pour enquête dans le cadre d'un possible enlèvement international d'enfant, Mme W... précisait que lors du déplacement en France, elle était venue pour se reposer et était dans l'optique de revenir en Grèce ; que même s'il ressort du procès-verbal d'audition que Mme W... était sous le coup de l'émotion, rien n'explique qu'elle ait parlé d'un séjour en France avec retour en Grèce à l'issue et non, comme elle l'invoque aujourd'hui, d'un déménagement définitif de la famille en France avec son époux ; que dans le cadre de sa requête en divorce en date du 2 mai 2019, Mme W... précise qu'elle est venue sur le territoire français avec son enfant le 24 novembre 2018 pour se ressourcer près de sa famille après de graves déconvenues en Grèce et une grave crise conjugale ; que l'attestation de la belle-mère de Mme W..., épouse de son père, démontre également que le séjour de Mme W... et son fils ne devait être que temporaire ; que l'attestation de Mme T... ne permet aucunement d'établir que M. O... avait accepté en janvier un déménagement, cette dernière ne faisant que retranscrire les propos tenus par Mme W..., étant souligné par ailleurs qu'elle évoque un accord de M. O... en janvier 2019 après discussion avec son épouse, alors que Mme W... affirme que l'arrivée du couple avec le bébé en France avait pour but ce déménagement ; que les témoignages d'amies de Mme W... indiquant que M. O... avait évoqué une installation en Suisse, ou en France selon les cas, n'établissent pas que ce projet était effectif fin d'année 2018 et que l'arrivée du couple, juste après la naissance de E..., ait eu un tel but alors que rien encore n'était organisé et qu'aucun domicile n'avait été trouvé ; que les pièces produites démontrent d'ailleurs que des recherches d'achat d'un bien immobilier en Suisse, principalement, et en France, accessoirement, existent depuis 2016 sans que le projet n'ait jamais connu de concrétisation ; que les témoignages produits par M. O..., quand bien même il s'agit de relations professionnelles dont aucun élément objectif ne permet de mettre en cause la véracité, établissent que le séjour en France de la famille était temporaire et uniquement pour les fêtes de fin d'année ; que s'agissant du certificat de domicile, force est de constater que, si Mme W... a bien envoyé par message une copie du certificat qu'elle avait obtenu la concernant, elle n'a jamais communiqué celui de son fils et rien ne démontre que M. O... était informé de cette démarche ; que cet élément ne justifie pas plus que la famille entendait s'installer définitivement en France alors que M. O... a toujours affirmé que cette démarche avait uniquement pour but d'acquérir un véhicule immatriculé en France pour des raisons administratives en Grèce, le rapatriement de ce véhicule en Grèce par M. O... en février 2019 n'étant pas contesté ; que l'ensemble de ces éléments démontrent que Mme W... ne peut légitimement soutenir que M. O... avait donné son accord pour un changement définitif de lieu de résidence en France ; que l'ordonnance doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a constaté le caractère illicite du non-retour en Grèce de l'enfant mineur, E... » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Aux termes de l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le déplacement de l'enfant ou son non retour est considéré comme illicite : a) lorsqu'il y a eu violation d'un droit de garde attribué par le droit de l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eut été si de tels événements n'étaient survenus. La résidence habituelle, doit être interprétée en ce sens que la résidence habituelle correspond au lieu qui traduit une certaine intégration de l'enfant dans un environnement social et familial. Doivent être pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire de l'État d'origine et du déménagement de la famille, la nationalité de l'enfant, le lieu et les conditions de sa scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par l'enfant dans ledit État. En l'espèce Monsieur L... O... expose que les époux se sont mariées le 30 juillet 2015 en Grèce, y résident régulièrement depuis 4 ans et qu'il subvient aux besoins de son épouse. Il soutient qu'après la naissance de l'enfant E... en Grèce, les époux se sont accordés pour passer les fêtes de fin d'année dans la famille de Madame U... W... en France à Muespach (68) avec un retour en Grèce quelques semaines plus tard. Il relève que son épouse a d'ailleurs confirmé cet accord dans le cadre de l'enquête de gendarmerie. Il explique qu'il a fait plusieurs aller-retours entre la France et la Grèce pour passer du temps avec l'enfant et son épouse dans la mesure où cette dernière tardait à rentrer avec E... en Grèce tout en gérant ses obligations professionnelles en Grèce. Il indique que ce n'est que le 15 mai 2019 que son épouse lui a indiqué qu'elle ne l'aimait plus, souhaitait divorcer et n'a plus donné de nouvelles. Il soutient que s'agissant d'un nourrisson, il ne s'agit pas, pour déterminer sa résidence habituelle, d'apprécier le lieu où il a le plus passé de temps depuis sa naissance, mais de se référer au lieu de résidence habituelle des parents ainsi que de l'intention commune de ceux-ci de s'établir avec l'enfant dans un autre pays. Il estime ainsi que E... avait incontestablement sa résidence en Grèce, lieu de la célébration du mariage, du domicile conjugal depuis 4 ans et de son exercice professionnel, Madame U... W... ayant quitté son emploi pour venir s'installer définitivement en Grèce. Il conteste fermement que le couple ait eu l'intention de venir s'installer avec l'enfant en France ou en Suisse, précisant que le souhait d'acquérir un bien immobilier en Suisse ne constituait qu'un investissement. Il précise que son épouse a été suivie en Grèce pendant sa grossesse et qu'une nurserie a été installée au domicile conjugal pour E..., que l'adresse du domicile conjugal figure sur l'acte de naissance de l'enfant, que E... dispose d'un passeport grec, et qu'il s'est d'ailleurs opposé à l'établissement d'un passeport suisse pour l'enfant lorsqu'il a constaté son non retour en Grèce. Il précise également que l'enfant était suivi par un pédiatre en Grèce, a une mutuelle santé et est enregistré auprès de l'assurance maladie grecque et que ses affaires personnelles sont demeurées au domicile conjugal. Il relève qu'aucun déménagement effectif des époux n'a eu lieu. Il indique produire de nombreuses attestations démontrant que les époux n'ont jamais eu l'intention de s'installer en France. Il soutient que le certificat de domicile établi par Madame U... W... à Muepach (68) n'avait pour but que de faire immatriculer un véhicule en France afin d'éviter des frais importants en Grèce et qu'il n'avait pas eu connaissance d'un certificat de domicile également établi pour E.... Il estime que Madame U... W... l'a mené en bateau pendant 6 mois avant de lui annoncer son intention de ne pas retourner en Grèce avec E.... Il soutient que même si Madame U... W... estime que E... est intégré en France, cette intégration est sans incidence dans la mesure où il a déposé une demande de retour moins de 6 mois après que E... ait été déplacé. Il indique par ailleurs que E... est né de son union avec Madame U... W... ce qui démontre que les deux parents exercent l'autorité parentale sur l'enfant ; qu'il produit les procès-verbaux de l'enquête de gendarmerie, la main-courante déposée par son épouse le 28 mars 2019, des photographies des époux et de E... ainsi que des effets personnels de Madame U... W... et de E... demeurées au domicile conjugal, un justificatif de l'inscription de E... à la sécurité sociale et mutuelle grecque, des photographies de véhicule et carte grise au nom des parents de Madame U... W..., un grand nombre d'attestations démontrant le bonheur du couple et l'attente de Monsieur L... O... du retour de son épouse et de son fils en Grèce ainsi que la fait que les époux aient eu la volonté de passer des vacances de Noël 2018 en France. Madame U... W... relève que E... n'aura passé en Grèce que 4 semaines sur les 9 mois de son existence. Or elle soutient que pour déterminer la résidence habituelle d'un nourrisson pas en âge scolaire, les circonstances entourant la personne de référence avec laquelle il vit et en ont la garde effective en prenant soin de lui au quotidien sont très importantes. Elle soutient que E... a son centre de vie en France à Muespach (68) et certainement pas en Grèce. Elle estime également que le fait qu'elle ait déposé une demande en divorce devant la juridiction de Mulhouse, compétente territorialement au lieu de résidence du parent chez lequel réside l'enfant, démontre que la résidence de E... est en France. Elle soutient de plus qu'il y a eu un accord commun pour que les époux viennent s'installer en France et que c'est Monsieur L... O... qui a unilatéralement rompu cet accord. Elle indique que Monsieur L... O... a été informé de sa demande de certificat de domicile sur la commune de Muepach (68) le 7 janvier 2019 et que ce dernier y a répondu avec des émojis de joie laissant ainsi transparaître son accord. Elle soutient également qu'il ressort des échanges de sms entre les époux que ces derniers cherchaient incontestablement à résider en Suisse et que Monsieur L... O... avait fait des démarches pour l'acquisition d'un bien immobilier en Suisse et acquis un véhicule en France afin de lui permettre de circuler en France avec l'enfant. Elle souligne que son époux est venu au moins à 4 reprises pour venir voir E... et qu'un témoin certifie qu'il avait accepté qu'elle s'installe en France avec l'enfant tout en faisant des allers-retours entre les deux pays pour poursuivre son activité professionnelle. Madame U... W... prétend également qu'elle a peur de son époux et qu'il existait déjà des tensions en Grèce dans le couple. Elle produit le certificat de domicile à Muepach (68) du 7 janvier 2019 et celui de E... du 20 décembre 2018, la convocation à l'audience de tentative de conciliation du 5 septembre 2019, devant la juridiction de Mulhouse et la requête aux fins de divorce, l'enquête de gendarmerie, des annonces immobilières de biens en Suisse, le bon de commande d'un véhicule en France, des photographies de E... en France, un certificat d'un médecin du 1 juillet 2019 ainsi que des attestations et un document d'ouverture de droits auprès de l'assurance maladie française non signé et non complété. Il est constant que E... est de nationalité grecque et est né en Grèce, pays dans lequel ses parents se sont mariés et ont leur résidence habituelle depuis 4 ans et où l'enfant a encore toutes ses affaires et est suivi par un médecin grec. Compte tenu du très jeune âge de E... sa résidence habituelle sera essentiellement déterminée par celle de ses parents et la volonté commune de ses derniers du lieu de sa fixation. Or il est relevé que les époux sont venus en France 4 semaines après la naissance de E... pour les fêtes de fin d'année afin de permettre à Madame U... W... de se reposer. Si Madame U... W... prétend que les époux avaient convenu de venir s'installer en France, il sera observé qu'elle a pourtant indiqué aux services de gendarmerie dans le cadre de l'enquête pour déplacement illicite d'enfant qu'elle était bien venue se reposer en France et était dans l'optique de repartir en Grèce. Elle produit également une attestation de sa mère qui confirme cette situation en précisant même que Madame U... W... a décidé de ne pas repartir en Grèce par craintes de son époux. Monsieur L... O... produit plusieurs témoignages démontrant que les époux sont partis en France pour les fêtes de fin d'année dont un d'une personne qui a accompagné le couple à l'aéroport au moment de leur départ. Il est ainsi démontré que si Monsieur L... O... a donné son consentement au déplacement de E... ce n'est que dans le cadre de vacances et non d'une installation en France. Peu importe que Madame U... W... ait ensuite sollicité un certificat de domicile en France ou déposé une demande de divorce devant la juridiction française territorialement compétente au lieu de résidence de l'enfant, il s'agit d'une situation choisie par l'épouse seule. Il convient également de souligner que Monsieur L... O... ne parle pas français et exerce une activité professionnelle en Grèce ce qui conforte ses déclarations aux termes desquelles il n'a jamais eu l'intention d'une installation de la famille en France. De même Madame U... W... a à plusieurs reprise indiqué qu'elle a peur de son époux qu'elle considère comme agressif et que des tensions existaient déjà en Grèce avant son départ, tensions exacerbées en raison d'un litige au sujet du choix du nom de l'enfant nonobstant le fait qu'elle ait déposé une demande en divorce en France, ce qui laisse supposer que Madame U... W... a pu profiter d'un séjour de vacances en France avec E... avec l'accord du père pour refuser ensuite le retour de E... en Grèce. Dans ces conditions il ne peut être soutenu comme le prétend Madame U... W... que Monsieur L... O... aurait violé unilatéralement l'accord des époux de venir s'installer en France.Il appartient à Madame U... W... de permettre le retour de E... en Grèce, pays de sa résidence et de saisir le cas échéant les juridictions grecques pour fixer les modalités relatives à E... en cas de séparation. Il résulte des éléments du dossier que la résidence habituelle de l'enfant se situe bien dans l'État d'où l'enfant a été déplacé. Il résulte de l'article 5 de la Convention que le droit de garde comprend le droit portant sur les soins de la personne de l'enfant et en particulier celui de décider de son lieu de résidence. Le droit applicable au droit de garde, produit aux débats, est le droit du pays de la résidence habituelle. Il résulte de ce droit que la filiation est établie entre Monsieur L... O... et l'enfant E... et que Monsieur L... O... jouit d'un droit de garde qui en droit français s'apparente à l'exercice de l'autorité parentale. Dès lors que Madame U... W... et Monsieur L... O... disposent de l'exercice conjoint du droit de garde sur l'enfant mineur, Madame U... W... ne pouvait décider de modifier la résidence habituelle de E... à l'étranger sans l'accord de l'autre parent personne titulaire du droit de garde. Il convient donc de constater le caractère illicite du non retour en Grèce de l'enfant mineur E... » ; ALORS, D'UNE PART, QU'est illicite tout déplacement d'un enfant fait en violation d'un droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt CJUE, 8 juin 2017, aff. C-111/17, PPU, OL c/ PQ) que lorsqu'un nourrisson est effectivement gardé par sa mère, dans un État membre différent de celui où réside habituellement le père, il convient de prendre en compte notamment, d'une part, la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour de celle-ci sur le territoire du premier État membre et, d'autre part, les origines géographiques et familiales de la mère ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par celle-ci et l'enfant dans le même État membre ; qu'en retenant, pour juger que la résidence habituelle de l'enfant E... devait être fixée en Grèce, que « s'agissant d'un nourrisson, il est nécessaire de prendre en compte la résidence du couple et l'intention commune des parents » (arrêt p. 6 alinéa premier) et en fondant sa décision exclusivement sur ces critères (arrêt p. 6 alinéas 2 à 4), la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ensemble les articles 2 11) et 11, paragraphe 1, du règlement (CE) du Conseil n° 2201/ 2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ; ALORS D'AUTRE PART QU'en se fondant exclusivement sur l'analyse de la situation du nourrisson et de ses parents en Grèce pour juger que « la résidence habituelle de M. O... et Mme W..., et subséquemment celle de E... » (arrêt p. 6 alinéa 4) était établie en Grèce, sans examen de l'intégration de l'enfant et de sa mère dans leur domicile en France, quand il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt CJUE, 8 juin 2017, aff. C-111/17, PPU, OL c/ PQ) que lorsqu'un nourrisson est effectivement gardé par sa mère, dans un État membre différent de celui où réside habituellement le père, il convient de prendre en compte notamment, d'une part, la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour de celle-ci sur le territoire du premier État membre et, d'autre part, les origines géographiques et familiales de la mère ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par celle-ci et l'enfant dans le même État membre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ensemble les articles 2 11) et 11, paragraphe 1, du règlement (CE) du Conseil n° 2201/ 2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que le non-retour de l'enfant E... H... O... W... né le [...] à Palaio Faliro (Grèce) était illicite, ordonné le retour immédiat de E... en Grèce et condamné Mme U... W... aux dépens et à payer à M. O... une somme de 5.000,00 euros au titre des frais visés à l'article 26 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 ; AUX MOTIFS QUE « Sur l'exception opposée au non-retour Aux termes de l'article 13 de la Convention de La Haye, nonobstant les dispositions de l'article 12, l'autorité judiciaire ou administrative de l'état requis n'est tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne, l'institution, ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit : a) que la personne, l'institution, ou l'organisme qui avait le soin de la personne de l'enfant n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour, b) qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; que la charge de la preuve de ces exceptions pèse sur celui qui les invoque. Le premier juge a relevé à juste titre que le moyen tiré de l'intégration de l'enfant dans son nouvel environnement invoqué par Mme W... est inopérant et doit être écarté ; qu'il a d'ores et déjà été démontré que Mme W... ne rapporte pas la preuve que M. O... avait donné son accord pour un non-retour de son fils en Grèce à l'issue du séjour en France et qu'une installation en France était envisagée fin 2018 lorsque les époux sont arrivés en France, alors que toutes les affaires du couple et de l'enfant sont encore au domicile conjugal ; que l'absence de billets de retour pour Mme W... et E... est insuffisante pour renverser ce constat alors que la date de ce retour n'était pas formellement décidée et que Mme W... a retardé ce départ avant d'exprimer son refus de retour en mai 2019 ; qu'il y a lieu de relever que le projet d'installation en France de la famille invoqué par Mme W... est par ailleurs en contradiction avec ses déclarations quant au comportement menaçant et violent de son époux lui faisant craindre un retour en Grèce et l'ayant conduite à choisir de ne pas rentrer. Il n'est pas plus établi que M. O... ait acquiescé de façon explicite à ce non-retour, les messages échangés entre M. O... et Mme W... démontrant au contraire que M. O... sollicitait son épouse entre janvier et mai pour qu'elle rentre en Grèce avec leur fils, ses déplacements en France étant uniquement contraints par sa volonté de retrouver son épouse et son fils ; que l'attestation de Mme T... ne permet aucunement d'établir que M. O... avait accepté en janvier un déménagement, cette dernière ne faisant que retranscrire les propos tenus par Mme W... ; que le fait que des démarches aient été entamées pour que E... bénéficie d'un passeport suisse n'établit pas un quelconque projet de déménagement en France, étant rappelé que ces démarches ont été suspendues par M. O... lorsqu'il a constaté que son épouse n'avait pas l'intention de revenir en Grèce ; que dès lors, il n'est aucunement prouvé par Mme W... que M. O... avait acquiescé à ce non-retour de E... ni qu'il y a acquiescé postérieurement à son arrivée en France, les démarches de ce dernier auprès des autorités centrales datant de moins de six mois après le déplacement de l'enfant ; que s'agissant du risque grave, il appartient à Mme W... d'établir, au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, le danger grave encouru par celui-ci en cas de retour immédiat ou la situation intolérable qu'un tel retour créerait à son égard ; que force est de constater que les griefs invoqués par Mme W..., à supposer qu'ils soient établis, relèvent de la juridiction du divorce et que les pièces produites aux débats ne démontrent pas un danger physique ou psychique pour E... conduisant à une situation intolérable ; que rien ne permet de mettre en doute les capacités éducatives de M. O..., le fait qu'il soit très pris par ses activités professionnelles ne pouvant conduire à exclure sa possibilité de prise en charge de son fils, étant souligné que ses revenus lui permettent d'envisager des modes de garde alternatif lors de ses obligations professionnelles et que sa famille est à proximité ; que l'ordonnance doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a ordonné le retour immédiat de l'enfant E... en Grèce » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il peut cependant être fait exception au retour dans les cas limitativement énumérés par l'article 13 de la Convention ; que sur ce fondement, Madame U... W... fait valoir que Monsieur L... O... souffre d'une double personnalité pouvant faire preuve de violences et de menaces envers elle ; qu'elle soutient que son époux la dénigre constamment pour la reléguer en tant que femme au foyer ; qu'elle prétend qu'en cas de retour de l'enfant en Grèce ce dernier subirait un retentissement psychologique grave ; qu'elle produit des attestations sur sa détresse imputée aux nombreuses disputes du couple. Monsieur L... O... conteste fermement tout fait de violences et se décrit au contraire comme un époux exemplaire ; qu'il produit des attestations le décrivant comme un homme désireux de satisfaire les moindres désirs de son épouse ; que des pièces produites aux débats, par Madame U... W... il ne résulte pas que qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute manière ne le place dans une situation intolérable ; que si des disputes ont pu éclater entre les époux et à supposer que Madame U... W... ait des reproches à formuler envers son époux, ces griefs relèveraient de la juridiction du divorce » ; ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant lorsqu'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable ; que l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'enfant peut constituer le risque grave de danger physique ou psychique pour celui-ci ; que les juges du fond doivent donc déterminer si l'enfant court le risque d'être séparé de celui de ses parents avec lequel il vit et si ce risque n'est pas disproportionné ; que dès lors, la cour d'appel devait rechercher si, comme il était soutenu, le retour de l'enfant E... ne lui faisait pas courir le risque d'être séparé de sa mère avec laquelle il vivait depuis sa naissance, celle-ci ne pouvant pas se réinstaller en Grèce en raison des menaces proférées par son mari à son encontre; qu'en omettant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention de La Haye et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE Mme W... faisait valoir que les menaces proférées par son mari à son encontre comme l'attitude de celui-ci envers elle rendaient impossible son retour en Grèce, de sorte que le renvoi de E... en Grèce auprès de son père induirait nécessairement une séparation d'avec sa mère, exposant cet enfant de neuf mois ayant toujours vécu auprès d'elle à un risque grave de danger psychique ou le conduisant à une situation intolérable ; qu'en déclarant que Mme W... ne démontrait pas le risque de danger physique ou psychique pour E... conduisant à une situation intolérable qu'induirait son renvoi en Grèce, aux motifs que « les griefs invoqués par Mme W..., à supposer qu'ils soient établis, relèvent de la juridiction du divorce » (arrêt p. 9 alinéa 1er), la cour d'appel a statué par des motifs inopérants à écarter le risque de séparation induit par ces griefs, privant sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention de La Haye et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à la résidence habituelle de l'enfant, au sens du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, que celle-ci correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie. Il en résulte également que, lorsque l'enfant est un nourrisson, son environnement est essentiellement familial, déterminé par la ou les personnes de référence avec lesquelles il vit, qui le gardent effectivement et prennent soin de lui. En conséquence, l'intention initialement exprimée par les parents quant au retour de l'enfant dans un autre Etat membre, qui était celui de leur résidence habituelle avant la naissance de l'enfant, ne saurait être à elle seule décisive pour déterminer sa résidence habituelle, cette intention ne constituant qu'un indice de nature à compléter un faisceau d'autres éléments concordants. Cette intention initiale ne saurait être la considération prépondérante, en application d'une règle générale et abstraite selon laquelle la résidence habituelle d'un nourrisson serait nécessairement celle de ses parents. De même, le consentement ou l'absence de consentement de l'un des parents, dans l'exercice de son droit de garde, à ce que l'enfant s'établisse en un lieu ne saurait être une considération décisive pour déterminer la résidence habituelle de cet enfant. Dès lors, prive sa décision de base légale au regard des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, 2, 11), et 11, § 1, du règlement (CE) n° 2201/2003 précité la cour d'appel qui, s'agissant d'un nourrisson, retient que la résidence habituelle des parents et, subséquemment, celle de l'enfant, est établie en Grèce, sans rechercher, comme il le lui incombait, si, au regard du très jeune âge de celui-ci et de la circonstance qu'il était arrivé à l'âge d'un mois en France et y avait séjourné ensuite de manière ininterrompue avec sa mère, son environnement social et familial et, par suite, le centre de sa vie, ne s'y trouvait pas, nonobstant l'intention initiale des parents quant au retour de la mère, accompagnée de l'enfant, en Grèce après son séjour en France
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Demande d'avis n°B 20-70.001 Juridiction : le tribunal judiciaire de Rennes MHR Avis du 10 juin 2020 n° 15004 P+B+R+I R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Première chambre civile Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile : Le 27 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a formulé une demande d'avis reçue le 10 février 2020, dans une instance concernant la société Banque populaire grand Ouest, M. et Mme A.... La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire grand Ouest, et les conclusions écrites de M. Lavigne, les conclusions orales de M. Sudre, avocats généraux, à la suite duquel le président a demandé à l'avocat s'il souhaitait présenter des observations complémentaires. Enoncé de la demande d'avis « I. Sur l'application immédiate ou rétroactive de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global : 1. Les dispositions de cette ordonnance, en ce qu'elles prévoient une sanction harmonisée de déchéance du droit aux intérêts dans une proportion fixée par le juge, notamment au regard du préjudice subi par l'emprunteur, sont-elles applicables aux contrats de prêt conclus avant son entrée en vigueur ? 2. En cas de réponse positive à la question 1, ces dispositions sont-elles applicables aux contrats de prêt faisant l'objet d'une instance en cours au jour de son entrée en vigueur ? II.Sur le champ d'application matériel de cette ordonnance : 3. La sanction harmonisée de déchéance du droit aux intérêts est-elle applicable à l'erreur du calcul des intérêts conventionnels, qui équivaudrait à une erreur du taux conventionnel, notamment quand les intérêts n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile ? 4. L'avenant prévu à l'article L. 313-39 du code de la consommation (antérieurement L. 312-14-1, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), est-il un « écrit constatant un contrat de prêt » au sens de l'article L. 314-5 du code de la consommation (ancien L. 313-2) et donc passible de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 341-48-1 résultant de l'ordonnance du 17 juillet 2019 ? 5. Si la réponse à la question 4 est négative, l'avenant doit-il être considéré comme une offre de prêt, si bien que l'erreur du taux effectif global ou du taux conventionnel serait passible de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 341-34, alinéa 2, résultant de l'ordonnance du 17 juillet 2019 ? 6. En cas de réponse négative aux questions 4 et 5, la nouvelle sanction harmonisée est-elle tout de même applicable aux erreurs relatives au taux effectif global et au taux conventionnel dans les avenants de renégociation prévus par les articles L. 312-14-1 ancien (L. 313-39 nouveau) du code de la consommation ? III. En cas de réponse négative aux questions 1 et 2 (c'est-à-dire dans le cas où les dispositions de l'ordonnance du 17 juillet 2019 ne s'appliqueraient pas aux contrats antérieurs ou aux instances en cours) : 7. L'erreur dans le calcul des intérêts conventionnels, qui équivaudrait à un taux conventionnel erroné, peut-elle être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation (L. 341-34 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016) renvoyant à l'article L. 312-8 ancien (L. 313-25 nouveau), si cette erreur trouve sa source dans l'offre de prêt, dans la mesure où ces textes, en exigeant la mention, dans l'offre de prêt, du taux effectif global (ou taux annuel effectif global selon la date du prêt), exigent, implicitement mais nécessairement, également la mention du taux conventionnel ? 8. Le surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, résultant du calcul des intérêts conventionnels sur une année autre que 365 jours, doit-il être démontré par l'emprunteur au niveau du taux effectif global, au niveau du taux conventionnel, voire au niveau des deux taux ? 9. Faut-il déduire du fait que l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation (L. 341-34 nouveau), qui prévoit la déchéance du droit aux intérêts, ne renvoie pas à l'article L. 312-14-1 ancien (L. 313-39 nouveau), que la sanction applicable en cas d'erreur relative au taux effectif global ou au taux conventionnel mentionnés dans l'avenant de renégociation, n'est pas la déchéance du droit aux intérêts ? IV. Quelles que soient les réponses aux questions précédentes : 10. L'avenant prévue à l'article L. 312-14-1 du code de la consommation (L. 313-39 nouveau), qui exige la mention du taux effectif global, doit-il, serait-ce par un document distinct, comporter la mention du taux de période et de la durée de la période, qui doivent, selon l'article R. 313-1 ancien, être expressément communiqués à l'emprunteur ? » Examen de la demande d'avis Sur les questions n° 1 et n° 2 relatives à l'application dans le temps de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 1. Il résulte de l'ordonnance du 17 juillet 2019, qui généralise la sanction jusqu'alors applicable en cas d'irrégularité affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crédit immobilier, qu'en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur. 2. Dès lors que cette ordonnance ne comprend pas de disposition dérogeant à l'article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, qu'elle n'obéit pas à des considérations d'ordre public impérieuses et qu'elle sanctionne un vice affectant le contrat au jour de sa conclusion, elle ne s'applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par la loi en vigueur au jour de leur conclusion. 3. Il doit donc être répondu négativement à la première question, ce qui rend sans objet la deuxième. 4. Cependant, même lorsque l'ordonnance du 17 juillet 2019 n'est pas applicable, l'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme l'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l'emprunteur (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, publié). Sur les questions n° 3 à n° 6 relatives au champ d'application matériel de l'ordonnance du 17 juillet 2019 5. L'ordonnance du 17 juillet 2019 étant inapplicable aux contrats de crédits litigieux, conclus avant son entrée en vigueur, les questions n° 3 à n° 6, qui concernent le champ d'application matériel de cette ordonnance, ne commandent pas l'issue du litige. Sur la question n° 7 relative à la sanction encourue en cas de mention, dans l'offre de crédit immobilier, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile 6. La question n'est pas nouvelle et ne présente plus de difficulté sérieuse, dès lors qu'il a été jugé que la mention, dans l'offre de prêt immobilier, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale (1re Civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875, publié). Sur la question n° 8 relative au taux concerné par l'erreur supérieure à la décimale résultant du calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année autre que l'année civile 7. La question ne présente pas de difficulté sérieuse, dès lors que la décimale est nécessairement celle prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, seul ce texte prévoyant une telle marge d'erreur. Il s'ensuit que le taux concerné par l'erreur supérieure à la décimale est le taux effectif global. Sur la question n° 9 relative à la sanction applicable en cas d'erreur affectant le taux conventionnel ou le taux effectif global mentionnés dans l'avenant au contrat de crédit immobilier 8. L'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt comme l'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, même lorsque le contrat a été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 juillet 2019 (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, publié). 9. La même sanction s'impose en cas d'erreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionné dans l'avenant au contrat de crédit immobilier, afin de permettre la prise en considération de la gravité du manquement commis par le prêteur et du préjudice subi par l'emprunteur. 10. Il s'ensuit qu'en cas d'erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l'avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par la juge. Sur la question n° 10 relative à la mention du taux de période et de la durée de la période dans l'avenant au contrat de crédit immobilier 11. La question n'est pas nouvelle et ne présente plus de difficulté sérieuse, dès lors qu'il a été jugé qu'en cas de renégociation d'un prêt immobilier, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-26.769, publié) . EN CONSÉQUENCE, la Cour : 1°/ Est d'avis que les dispositions de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur ; 2°/ Est d'avis qu'en cas d'erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnés dans l'avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par la juge ; 3°/ Dit n'y avoir lieu à avis pour le surplus ; Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 10 juin 2020, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 3 juin 2020 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes Canas, Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, Mme Randouin, greffier de chambre ; Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
Les dispositions de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur
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CIV. 2 / ELECT LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juin 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 700 F-P+B+I Pourvoi n° 20-60.143 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2020 M. X..., O... Q..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° 20-60.143 contre le jugement rendu le 10 mars 2020 par le tribunal judiciaire d'Ajaccio (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant à M. U... Y..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (Ajaccio, 10 mars 2020), M. X... Q..., électeur inscrit sur la liste électorale de la commune de Monacia-d'Aullène et membre de la commission de contrôle, a, par déclaration enregistrée le 28 février 2020, saisi le tribunal judiciaire d'Ajaccio aux fins de radiation de M. U... Y... de cette liste électorale. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. M. X... Q... fait grief au jugement de déclarer irrecevable son recours aux fins de radiation de M. U... Y... de la liste électorale alors « que son recours judiciaire était fondé sur les dispositions de l'article L. 20 du code électoral, modifié par la loi du 1er août 2016, applicable à l'espèce, et non sur celles de l'ancien article L. 25 du même code, et que le texte nouveau n'interdit pas au membre de la commission de contrôle d'effectuer ce recours dès lors qu'il est ouvert à tout électeur inscrit et qu'en outre, le principe "Nul ne peut être juge et partie" ne peut être transposé à l'espèce dès lors que la commission de contrôle, qui n'avait pas été saisie d'un recours administratif formé contre un refus d'inscription, s'est bornée à contrôler les inscriptions sur la liste électorale opérées par le maire ; qu'en se fondant sur la jurisprudence applicable à l'ancien article L. 25 du code électoral, relatif aux recours judiciaires ouverts contre les décisions de l'ancienne commission administrative, supprimée par la loi du 1er août 2016, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 20 modifié du code électoral, en sa rédaction applicable à l'espèce. » Réponse de la Cour 3. Nul ne pouvant être juge et partie, les membres de la commission de contrôle prévue par l'article L. 19 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, ne peuvent saisir, en application de l'article L. 20 dans sa rédaction issue de cette même ordonnance, le tribunal judiciaire de contestations relatives à la liste électorale sur laquelle cette commission exerce ses attributions. 4. Ayant relevé que M. X... Q... était membre de la commission de contrôle appelée à connaître de la liste électorale de la commune de Monacia-d'Aullène, le tribunal judiciaire en a exactement déduit qu'était irrecevable le recours judiciaire tendant à la radiation de M. U... Y... de cette liste. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt.
Nul ne pouvant être juge et partie, les membres de la commission de contrôle prévue par l'article L. 19 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, ne peuvent saisir, en application de l'article L. 20 dans sa rédaction issue de cette même ordonnance, le tribunal judiciaire de contestations relatives à la liste électorale sur laquelle cette commission exerce ses attributions
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 10 juin 2020 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 388 FS-P+B Pourvois n° H 18-26.229 G 18-26.230 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUIN 2020 Le groupement d'intérêt économique Pari mutuel hippodrome (GIE PMH), dont le siège est [...], a formé les pourvois n° H 18-26.229, G 18-26.230 contre deux arrêts rendus le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à M. C... L..., domicilié [...], 2°/ à M. D... R..., [...], 3°/ à l'association France Galop, société d'encouragement pour l'amélioration des races de chevaux de galop en France, dont le siège est [...], 3°/ à l'association Le Trot, société d'encouragement à l'élevage du cheval français, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat du GIE Pari mutuel hippodrome, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. L... et R..., et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, MM. Maron, Pietton, Mmes Richard, Le Lay, conseillers, Mmes Depelley, Duvallet, M. Le Corre, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 18-26.229 et 18-26.230 sont joints. Désistement partiel 2. Il est donné acte au groupement d'intérêt économique (GIE) Pari mutuel hippodrome du désistement de ses pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre l'association France Galop et l'association Le Trot. Faits et procédure 3. Selon les arrêts attaqués (Paris, 8 novembre 2018), le GIE Pari mutuel hippodrome a présenté un projet de transformation de son activité de mise en oeuvre des paris sur les hippodromes parisiens, de Chantilly et de Deauville, qui s'accompagnait d'un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant la cessation de son activité et la suppression de deux cent-neuf postes de travail. Un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu le 2 juin 2015 et validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 30 juin 2015. M. L... et M. R... dont le contrat de travail a été rompu dans le cadre de ce licenciement collectif, ont saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes en paiement de dommages-intérêts fondées sur la fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. 4. L'employeur a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. L'employeur fait grief aux arrêts de rejeter l'exception d'incompétence et de dire le conseil de prud'hommes matériellement compétent pour connaître du litige, alors « que l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-4 du code du travail, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure du licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4 du même code ; que ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif ; que la question de savoir si le PSE méconnaît les exigences d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail, qui concerne la régularité de la procédure du licenciement collectif, relève donc de la compétence du juge administratif ; qu'en décidant que la question de savoir si les contrats de travail des salariés du GIE PMH auraient dû être transférés au GIE PMU en application de l'article L. 1224-1 du code du travail relevait de la compétence du juge judiciaire, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 233-24-4, L. 1233-57-5, L. 1233-57-4 et L. 1224-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Il résulte des articles L. 1233-57-2, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, et L. 1235-7-1 du code du travail que, dans le cas d'un licenciement collectif pour lequel l'employeur est tenu d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée notamment de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3, de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, en particulier la vérification que le comité d'entreprise a été mis à même de formuler les avis mentionnés à l'article L. 1233-30 en toute connaissance de cause, et de la présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-63. Le contenu du plan et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi. 8. Le juge judiciaire demeure ainsi compétent pour connaître de l'action exercée par les salariés licenciés aux fins de voir constater une violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de nature à priver d'effet les licenciements économiques prononcés à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome, et de demander au repreneur la poursuite des contrats de travail illégalement rompus ou à l'auteur des licenciements illégaux la réparation du préjudice en résultant. 9. La cour d'appel, qui a constaté que le conseil de prud'hommes était saisi de demandes des salariés tendant à la condamnation de l'auteur des licenciements au paiement de dommages-intérêts en raison d'une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, en a exactement déduit que la juridiction prud'homale était compétente. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne le GIE Pari mutuel hippodrome aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le GIE Pari mutuel hippodrome et le condamne à payer à M. L... et M. R... la somme de 230 euros chacun ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen commun produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour le groupement d'intérêt économique (GIE) Pari Mmutuel hippodrome, demandeur aux pourvois n° H 18-26.229 et G 18-26.230 Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le GIE PMH au profit de la juridiction administrative et d'avoir dit le conseil de prud'hommes de Paris matériellement compétent pour connaitre du litige ; Aux motifs que sur l'exception d'incompétence matérielle, après avoir exposé que le salarié contestait l'existence des difficultés économiques justifiant le licenciement et faisait également valoir que celui-ci procédait en réalité d'une fraude à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent en retenant l'argumentation du GIE PMH, réitérée devant la cour ; que le GIE PMH, de même que les deux sociétés de courses, rappellent les alinéas 1 et 2 de l'article L. 1235-7-1 du code du travail, qui disposent : « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux » ; que sur le fondement de ce texte, ils font valoir : - d'une part que seul le tribunal administratif est compétent pour les contestations relatives à la régularité de la procédure de licenciement collectif et que la question de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail est une question qui touche à la régularité de la procédure de licenciement pour motif économique, - d'autre part que cette question a bien été étudiée par l'administration à la suite d'une demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH, demande qui est expressément visée dans la décision de validation du PSE ; qu'ils en concluent que le juge judiciaire ne peut statuer sur l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, ce qui reviendrait à remettre en cause la décision de validation du PSE prise par la DIRECCTE ; que cependant et ainsi que le soutient à juste titre le salarié, il appartient au juge judiciaire notamment d'apprécier le caractère éventuellement frauduleux de la rupture du contrat de travail et de vérifier l'existence d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement ainsi que le respect par l'employeur de ses obligations individuelle et conventionnelle de reclassement ; que dès lors qu'en l'espèce le salarié contestait également l'existence des difficultés économiques alléguées par l'employeur, le conseil de prud'hommes de Paris ne pouvait se déclarer matériellement incompétent ; que s'agissant de la question de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, elle ne touche pas à la régularité de la procédure de licenciement pour motif économique mais s'inscrit dans un débat de fond portant sur l'existence même du motif économique du licenciement dans la mesure où le transfert légal du contrat de travail évite précisément la suppression ou la transformation de l'emploi et n'emporte aucune modification de ses éléments essentiels ; qu'il doit être en outre rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 1233-57-2 du code du travail, l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; 4° La mise en oeuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ; qu'il en résulte que les dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail ne figurent pas parmi les règles et mesures dont l'autorité administrative doit s'assurer qu'elles ont été respectées par l'employeur ; que dès lors, l'action individuelle d'un salarié contestant le motif économique de son licenciement sur le fondement de la fraude de son employeur, spécialement lorsqu'il soutient que son contrat de travail aurait dû être transféré en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale ; qu'enfin, s'il est exact que la DIRECCTE a visé dans sa décision de validation du PSE la demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH qui contestait l'exclusion de l'article L. 1224-1, il ne ressort pas des termes de cette décision que l'administration ait statué sur ce point ; qu'il s'ensuit que le litige ainsi délimité ressortit à la compétence de la juridiction prud'homale, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de rejeter l'exception d'incompétence soulevée au profit de la juridiction administrative et de dire que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement compétent pour connaître de ce litige ; Alors 1°) que l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-4 du code du travail, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure du licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4 du même code ; que ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif ; que la question de savoir si le PSE méconnaît les exigences d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail, qui concerne la régularité de la procédure du licenciement collectif, relève donc de la compétence du juge administratif ; qu'en décidant que la question de savoir si les contrats de travail des salariés du GIE PMH auraient dû être transférés au GIE PMU en application de l'article L. 1224-1 du code du travail relevait de la compétence du juge judiciaire, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1233-24-4, L. 1233-57-5, L. 1233-57-4 et L. 1224-1 du code du travail ; Alors 2°) et en tout état de cause, que lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail a fait l'objet d'une demande d'injonction adressée à la Direccte, que cette demande n'a pas donné lieu à la délivrance d'une telle injonction par la Direccte qui, dans sa décision de validation du PSE, l'a expressément visée, il doit être considéré que la question de l'application du texte a été examinée par l'administration du travail et qu'elle ne peut plus faire l'objet d'un contentieux distinct de celui relatif à la validation du PSE ; qu'en l'espèce, le 21 avril 2015, le secrétaire du Comité d'entreprise du GIE PMH a sollicité auprès de la Direccte une injonction portant « sur des aspects du PSE qui paraissent non conformes à la loi et par voie de conséquence, irréguliers », indiquant que « l'exclusion de l'article L. 1224-1 paraît à tous égards injustifiée et donc contraire à la loi » et que « les guichetiers ont vocation à poursuivre dans le cadre des dispositions de l'article L. 1224-1 l'activité attachée à la prise des paris sur les hippodromes. La volonté du PMH d'échapper à l'application de l'article L. 1224-1 s'inscrit dans le processus élaboré pour soumettre les salariés qui se verront proposer un reclassement dans les fonctions de conseiller commercial à des choix discrétionnaires » ; que dans sa décision de validation du PSE du 3 juin 2015, la Direccte a visé cette demande sans y faire droit, de sorte qu'elle a bien examiné l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, qui ne pouvait faire l'objet d'un contentieux distinct de celui relatif à la validation de l'accord majoritaire ; qu'en retenant que si la Direccte avait visé dans sa décision de validation du PSE la demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH qui contestait l'exclusion de l'article L. 1224-1, il ne ressortait pas des termes de sa décision que l'administration ait statué sur ce point, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1233-24-4, L. 1233-57-5, L. 1233-57-4 et L. 1224-1 du code du travail ; Alors 3°) qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en décidant que la Direccte n'avait pas, dans sa décision de validation du PSE du 3 juin 2015, statué sur la question de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a dénaturé cette décision qui, ayant expressément visé la demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH qui contestait l'exclusion de l'article L. 1224-1, sans y faire droit, a sans la moindre ambiguïté examiné et écarté l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; Alors 4°) que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne touchait pas à la régularité de la procédure de licenciement pour motif économique mais s'inscrivait dans un débat de fond portant sur l'existence même du motif économique, que ce texte ne figurait pas parmi les règles contrôlées par l'autorité administrative et que l'action individuelle d'un salarié soutenant que son contrat de travail aurait dû être transféré en application de ce texte relevait de la compétence de la juridiction prud'homale, sans avoir analysé toutes les pièces invoquées par le GIE PMH, en particulier la décision de validation de l'accord sur le PSE par la DIRECCTE (pièce n° 3), le courrier du Comité d'entreprise du GIE PMH du 21 avril 2015 de demande d'injonction (pièce n° 21), le courrier du Comité d'entreprise du GIE PMH à la DIRECCTE Paris du 21 avril 2015 (pièce n° 22) et le courriel de M. N... I... à M. T..., M. K... et Mme F... de la DIRECCTE indiquant « Nous faisons suite à notre entrevue en vos locaux du 22 avril dernier et vous prions de trouver en fichier joint, l'analyse que vous avez sollicitée sur notre projet au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail » (pièce n° 39), dont il ressortait que la question de l'application de l'article L. 1224-1 avait, en l'espèce, été contrôlée par l'administration du travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Si, selon l'article L. 1235-7-1 du code du travail, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître de l'action exercée par les salariés licenciés aux fins de voir constater une violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail de nature à priver d'effet leurs licenciements
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CIV. 1 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 juin 2020 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 408 F-P+B Pourvoi n° D 19-25.540 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. S.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 novembre 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2020 M. X... S..., domicilié chez M. et Mme G... I..., [...], actuellement hospitalisé au [...], a formé le pourvoi n° D 19-25.540 contre l'ordonnance rendue le 11 octobre 2019 par le premier président de la cour d'appel de Besançon, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet du Doubs, domicilié La City, 3 avenue Louise Michel, 25044 Besançon cedex 3, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Besançon, domicilié en son parquet général, 1 rue Mégevand, 25000 Besançon, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Auroy, conseiller doyen, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. S..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat du préfet du Doubs, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Auroy, conseiller doyen rapporteur, M. Acquaviva, conseiller, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Besançon, 11 octobre 2019), et les pièces de la procédure, le 27 mars 2019, la chambre de l'instruction a déclaré M. S... pénalement irresponsable en raison du trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits et ordonné son hospitalisation complète sur le fondement de l'article 706-135 du code de procédure pénale. 2. Le 19 septembre 2019, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. S... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure, alors « que, si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de quinze jours prévu au 3° du I de l'article L. 3211-12-1, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ; que la loi se borne à exiger de l'autorité chargée de saisir le juge qu'elle sache compter un délai pour agir à temps, et ne lui impose nullement de recourir à un outil informatique ; qu'en tenant dès lors le dysfonctionnement, au demeurant contesté, d'un outil informatique pour une circonstance exceptionnelle justifiant une saisine tardive, le magistrat délégué par le premier président a violé le I, 3°, et le IV de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. » Réponse de la Cour 4. Il résulte du I de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le juge des libertés et de la détention est saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois à compter de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, et de son IV que, s'il est saisi après l'expiration de ce premier délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense. 5. Ayant constaté que la copie d'écran du fichier Hopsyweb relative au dossier de M. S... révélait que, pour une raison inexpliquée, alors que le début d'hospitalisation était indiqué au 27 mars 2019, la date limite mentionnée pour la saisine du juge des libertés et de la détention était celle, tardive, du 19 septembre 2019, le premier président a pu en déduire que la défaillance de l'outil informatique constituait une circonstance exceptionnelle à l'origine du retard de la saisine. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. S... Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de l'exposant AUX MOTIFS PROPRES QUE : Sur l'existence de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive du juge des libertés et de la détention II s'évince des pièces communiquées tant par le Préfet du Doubs que par le conseil de l'appelant que la gestion des dossiers d'hospitalisation sans consentement est opérée par l'Agence Régionale de Santé au moyen d'un logiciel informatique dénommé Hopsyweb mis à sa disposition à l'initiative du ministère de la Santé. La fiabilité de cet outil de gestion ne peut être remise en cause, faute de quoi l'ensemble des procédures relatives à cette matière aurait donné lieu à des difficultés notoires, s'agissant d'un contentieux sensible. Cependant au vu de la copie de la fiche informatique relative au dossier de M. X... S..., il apparaît que, pour une raison inexpliquée, alors que la date de début d'hospitalisation était correctement renseignée soit le 27 mars 2019, la date limite mentionnée pour la saisine du juge des libertés et de la détention était celle tardive du 19 septembre2019. Dès lors c'est avec raison que le premier juge a admis que la défaillance de l'outil informatique habituellement utilisé en la matière constituait pour l'autorité chargée de le saisir en vue d'un contrôle systématique d'une mesure d'hospitalisation, une circonstance exceptionnelle à l'origine de la saisine tardive constatée, étant observé que la production d'un constat d'huissier ne serait pas de nature à authentifier le contenu de la fiche informatique précitée obtenue après capture d'écran, Dès lors que, nonobstant la saisine tardive du juge, une audience a pu être normalement tenue avant l'expiration de la mesure d'hospitalisation, dans le respect des droits de la personne hospitalisée et de ses défenseurs, le juge des libertés et de la détention de Montbéliard était bien fondé à rejeter l'exception d'irrégularité de la procédure qui lui avait été soumise. L'ordonnance frappée d'appel sera confirmée sur ce point. ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE Le requérant justifie de circonstances exceptionnelles ayant motivé la saisine tardive et hors délai du juge des libertés et de la détention. Cette saisine tardive s'explique par le dysfonctionnement de l'outil de gestion « HOSPYWEB » » imposé par le ministère pour le suivi des dossiers qui indiquait une saisine au 19/09/19 et non au 12/09/19. Le Préfet a justifié de ce dysfonctionnement par la communication d'une capture d'écran de la fiche relative à M. S... Il s'agit là manifestement de circonstances exceptionnelles qui ont été prises en considération par le juge soussigné qui a audiencé, dans le respect des droits de la défenses, l'examen de la situation de M. S... à l'audience de ce jour. L'intégralité de la procédure a été communiquée en temps et en heure à son conseil. La procédure n'est par conséquent entachée d'aucune irrégularité. ALORS QUE si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de quinze jours prévu au 3° du I de l'article L.3211-12-1, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ; que la loi se borne à exiger de l'autorité chargée de saisir le juge qu'elle sache compter un délai pour agir à temps, et ne lui impose nullement de recourir à un outil informatique ; qu'en tenant dès lors le dysfonctionnement, au demeurant contesté, d'un outil informatique pour une circonstance exceptionnelle justifiant une saisine tardive le magistrat délégué par le premier président a violé le I 3° et le IV de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique.
Le premier président peut déduire de la circonstance dans laquelle est intervenue la défaillance d'un outil informatique qu'elle constitue une circonstance exceptionnelle à l'origine du retard de la saisine du juge des libertés et de la détention (JLD)
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CIV. 2 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 510 F-P+B+I Pourvoi n° B 19-12.727 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 M. D... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 19-12.727 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9 (anciennement 15e chambre A)), dans le litige l'opposant à la société Monte Paschi banque, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. B..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Monte Paschi banque, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre. la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 janvier 2019), une saisie-attribution a été pratiquée, le 3 février 2017, par la société Monte Paschi banque (la banque) entre les mains de la société Banque populaire rives de Paris, pour avoir paiement d'une créance détenue à l'encontre de M. B..., en vertu d'un jugement réputé contradictoire du 30 juin 2011, condamnant celui-ci à lui payer une certaine somme. Ce jugement avait été confirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt d'une cour d'appel du 15 mai 2014. 2. M. B... a contesté cette mesure d'exécution devant un juge de l'exécution qui, par jugement réputé contradictoire du 16 mai 2017, a déclaré le jugement du 30 juin 2011 non avenu et a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. B... fait grief à l'arrêt d'infirmer la décision du juge de l'exécution en date du 16 mai 2017 en ce qu'elle a déclaré non-avenu le jugement rendu le 30 juin 2011 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence et ordonné la mainlevée de la saisie-attribution diligentée par la banque contre lui selon procès-verbal de saisie du 3 février 2017, dénoncé le 9 février 2017, et, par suite, de le débouter de toutes ses prétentions et de dire n'y avoir lieu à invalider la saisie-attribution diligentée le 9 février 2017 entre les mains de la société Banque populaire rives de Paris, alors : « 1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en n'ayant pas examiné le moyen soulevé par M. B... dans ses écritures d'appel tiré de la nullité de la saisie pratiquée en ce qu'elle était fondée sur un jugement déféré à la cour d'appel et ayant fait l'objet d'un arrêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ subsidiairement, que ne constitue un titre exécutoire permettant l'exercice d'une saisie que la décision passée en force de chose jugée ou celle assortie de l'exécution provisoire tant qu'elle dispose de l'autorité de chose jugée ; qu'au cas présent, il est constant que la saisie-attribution a été pratiquée le 3 février 2017 sur le fondement du jugement de première instance du 30 juin 2011 muni de l'exécution provisoire après qu'un arrêt d'appel confirmatif a été rendu le 25 mai 2014 ; qu'en considérant que la saisie était valide car réalisée sur le fondement du jugement de première instance qui constituait un titre exécutoire et en déboutant M. B... de ses prétentions cependant que, faute pour la banque de l'avoir pratiquée sur ce fondement entre le prononcé du jugement et le prononcé de l'arrêt d'appel, celui-ci n'avait plus autorité de chose jugée et ne pouvait plus valablement fonder la saisie, la cour d'appel a violé les articles 480, 501 et 561 du code de procédure civile et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 5. L'arrêt qui confirme purement et simplement un jugement exécutoire ne prive pas celui-ci de son caractère de titre exécutoire. C'est, par conséquent, sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a relevé que le titre visé lors de la saisie-attribution restait le jugement du 30 juin 2011, a statué comme elle a fait, sans être tenue de répondre au moyen tiré de la nullité de la saisie, lequel était dépourvu d'incidence sur l'issue du litige. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen : 7. M. B... fait encore le même grief à l'arrêt alors : « 1°/ en tout état de cause, que la signification d'un jugement doit être faite à personne ou, à défaut, au domicile connu de l'intéressée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé que la signification par procès-verbal de remise à l'étude du jugement du 30 juin 2011 sur lequel se fonde l'acte de saisie-attribution était valide, l'huissier ayant, selon elle, justifié d'une impossibilité de signifier à personne ou à domicile ; qu'en statuant ainsi tout en relevant que M. B..., destinataire de l'acte, avait informé son créancier de sa nouvelle adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 janvier 2009, la cour d'appel a violé les articles 654 et 655 du code de procédure civile ; 2°/ en tout état de cause, que l'huissier en charge de signifier un acte doit privilégier la remise à personne, qu'elle se fasse effectivement au domicile du destinataire, à résidence ou encore sur le lieu de travail, au détriment d'un simple avis de passage et de retrait de la copie de l'acte à l'étude ; qu'au cas présent, la cour d'appel a jugé que la signification était valable après avoir relevé que l'huissier avait indiqué sur son procès-verbal, et au titre des diligences accomplies, avoir constaté le nom du destinataire sur une boîte aux lettres et obtenu une confirmation de l'adresse par un voisin ; qu'en se bornant à qualifier les diligences accomplies de « suffisantes » et à considérer comme valide la signification du jugement sans s'interroger, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si une signification sur le lieu de travail de M. B... était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de des articles 654, 655 et 689 du code de procédure civile ; 3°/ en tout état de cause, que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'au cas présent, pour infirmer la décision de première instance puis débouter M. B... de toutes ses prétentions, la cour d'appel a jugé que « la motivation qui précède prive de fondement la demande d'indemnisation présentée par M. B... qui en sera donc débouté ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a considéré que la dénonciation de la saisie-attribution était valide car réalisée sur le fondement d'un jugement valablement signifié entraîne nécessairement celle de l'arrêt en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation à hauteur de 10 000 euros au titre de dommages-intérêts en application de l'article 625 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Ayant relevé, d'une part, que l'acte de signification du jugement du 30 juin 2011 indiquait que l'huissier de justice avait vérifié que le lieu de signification constituait le domicile du destinataire par la constatation de la présence de son nom sur la boîte aux lettres et la confirmation d'un voisin, dont il a indiqué le nom, et, d'autre part, que le fait que M. B... ait fait connaître par lettre recommandée un changement d'adresse en janvier 2009 à la banque était insuffisant à justifier l'annulation de l'acte de 2011, sa situation ayant pu évoluer dans ce laps de temps, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. 9. Le rejet de l'ensemble des moyens examinés rend inopérante la dernière branche du moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. B... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. B... et le condamne à payer à la société Monte Paschi banque la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. B... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision du juge de l'exécution de Draguignan en date du 16 mai 2017 en ce qu'il a déclaré non-avenu le jugement rendu le 30 juin 2011 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence et ordonné la mainlevée de la saisie-attribution diligentée par la SA Monte Paschi Banque contre Monsieur D... B... selon procès-verbal de saisie du 3 février 2017 dénoncé le 9 février 2017 et, par suite, d'avoir débouté Monsieur B... de toutes ses prétentions et d'avoir dit n'y avoir lieu à invalider la saisie-attribution diligentée le 9 février 2017 entre les mains de la société Banque Populaire Rives de Paris ; Aux motifs propres que « sur la non mention de la date de signification du jugement valant titre, l'article 503 du code de procédure civile dispose que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés, qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire ; qu'il n'y a pas lieu d'ajouter au texte, qui n'exige pas que l'acte de saisie lui même mentionne la date de signification pour être valable, ce que le premier juge évoquait déjà en indiquant que du fait de sa non comparution, la banque, n'avait pu justifier de cette signification ; qu'ainsi l'acte de saisie du 3 février 2017, et sa dénonciation du 7 et 9 février 2017, ne peut être annulé au seul motif que la date de signification du jugement du 30 juin 2011 n'est pas inscrite ; qu'il revient effectivement au créancier saisissant, au stade de la contestation de justifier de l'opposabilité du titre et de son caractère exécutoire ; que la banque Monte Paschi communique aux débats l'acte de signification du jugement réalisé par Me W..., le 23 aout 2011 à monsieur F... B..., domicilié [...] ; que l'huissier de justice indique au titre de ses diligences, qu'il a vérifié la certitude du domicile, caractérisé par le nom du destinataire sur la boîte aux lettres, et une confirmation par un voisin, monsieur U... ; que ces indications circonstanciées sont suffisantes pour valider la signification et justifient qu'une remise à l'étude ait été faite avec envoi d'un courrier conformément à l'article 658 du code de procédure civile ; qu'aucune recherche complémentaire n'étant nécessaire en raison de la confirmation du domicile ; que le fait que monsieur B... ait fait connaître par lettre recommandée, un changement d'adresse en janvier 2009 à la banque, donc deux ans auparavant, est insuffisant à justifier l'annulation de l'acte de 2011, ci dessus, sa situation ayant pu évoluer dans ce laps de temps et ses voisins, en particulier monsieur U..., faire sa connaissance, alors qu'à l'origine sur place existaient des bureaux mais le nom du destinataire n'était pas mentionné sur la boîte aux lettres, ce qu'avait relaté l'huissier de justice dans 1'assignation délivrée en octobre 2009 ; que sur la qualification de l'arrêt du 25 mai 2009, Monsieur B... fait valoir à juste titre que cet arrêt ne peut se substituer a postériori au titre visé lors de la saisie attribution, qui reste le jugement en date du 30 juin 2011 prononcé par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur cet aspect du contentieux qui sera sans incidence sur la validité de la saisie ; que sur les autres demandes, la motivation qui précéde prive de fondement la demande d'indemnisation présentée par monsieur B... qui en sera donc débouté ; qu'il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de la société Monte Paschi Banque, l'abus procédural de monsieur B... n'étant pas démontré par les éléments du dossier ; qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société Monte Paschi Banque les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 3 000 € lui sera accordée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de monsieur B... qui succombe en ses contestations » (arrêt attaqué, pp. 5-6) ; Alors que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en n'ayant pas examiné le moyen soulevé par M. B... dans ses écritures d'appel tiré de la nullité de la saisie pratiquée en ce qu'elle était fondée sur un jugement déféré à la cour d'appel et ayant fait l'objet d'un arrêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Alors, subsidiairement, que ne constitue un titre exécutoire permettant l'exercice d'une saisie que la décision passée en force de chose jugée ou celle assortie de l'exécution provisoire tant qu'elle dispose de l'autorité de chose jugée ; qu'au cas présent, il est constant que la saisie-attribution a été pratiquée le 3 février 2017 sur le fondement du jugement de première instance du 30 juin 2011 muni de l'exécution provisoire après qu'un arrêt d'appel confirmatif a été rendu le 25 mai 2014 ; qu'en considérant que la saisie était valide car réalisée sur le fondement du jugement de première instance qui constituait un titre exécutoire et en déboutant M. B... de ses prétentions cependant que, faute pour la banque de l'avoir pratiquée sur ce fondement entre le prononcé du jugement et le prononcé de l'arrêt d'appel, celui-ci n'avait plus autorité de chose jugée et ne pouvait plus valablement fonder la saisie, la cour d'appel a violé les articles 480, 501 et 561 du code de procédure civile et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ; SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision du juge de l'exécution de Draguignan en date du 16 mai 2017 en ce qu'il a déclaré non-avenu le jugement rendu le 30 juin 2011 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence et ordonné la mainlevée de la saisie-attribution diligentée par la SA Monte Paschi Banque contre Monsieur D... B... selon procès-verbal de saisie du 3 février 2017 dénoncé le 9 février 2017 et, par suite, d'avoir débouté Monsieur B... de toutes ses prétentions et d'avoir dit n'y avoir lieu à invalider la saisie-attribution diligentée le 9 février 2017 entre les mains de la société Banque Populaire Rives de Paris ; Aux motifs propres que « sur la non mention de la date de signification du jugement valant titre, l'article 503 du code de procédure civile dispose que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés, qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire ; qu'il n'y a pas lieu d'ajouter au texte, qui n'exige pas que l'acte de saisie lui même mentionne la date de signification pour être valable, ce que le premier juge évoquait déjà en indiquant que du fait de sa non comparution, la banque, n'avait pu justifier de cette signification ; qu'ainsi l'acte de saisie du 3 février 2017, et sa dénonciation du 7 et 9 février 2017, ne peut être annulé au seul motif que la date de signification du jugement du 30 juin 2011 n'est pas inscrite ; qu'il revient effectivement au créancier saisissant, au stade de la contestation de justifier de l'opposabilité du titre et de son caractère exécutoire ; que la banque Monte Paschi communique aux débats l'acte de signification du jugement réalisé par Me W..., le 23 aout 2011 à monsieur F... B..., domicilié [...] ; que l'huissier de justice indique au titre de ses diligences, qu'il a vérifié la certitude du domicile, caractérisé par le nom du destinataire sur la boîte aux lettres, et une confirmation par un voisin, monsieur U... ; que ces indications circonstanciées sont suffisantes pour valider la signification et justifient qu'une remise à l'étude ait été faite avec envoi d'un courrier conformément à l'article 658 du code de procédure civile ; qu'aucune recherche complémentaire n'étant nécessaire en raison de la confirmation du domicile ; que le fait que monsieur B... ait fait connaître par lettre recommandée, un changement d'adresse en janvier 2009 à la banque, donc deux ans auparavant, est insuffisant à justifier l'annulation de l'acte de 2011, ci dessus, sa situation ayant pu évoluer dans ce laps de temps et ses voisins, en particulier monsieur U..., faire sa connaissance, alors qu'à l'origine sur place existaient des bureaux mais le nom du destinataire n'était pas mentionné sur la boîte aux lettres, ce qu'avait relaté l'huissier de justice dans 1'assignation délivrée en octobre 2009 ; que sur la qualification de l'arrêt du 25 mai 2009, Monsieur B... fait valoir à juste titre que cet arrêt ne peut se substituer a postériori au titre visé lors de la saisie attribution, qui reste le jugement en date du 30 juin 2011 prononcé par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur cet aspect du contentieux qui sera sans incidence sur la validité de la saisie ; que sur les autres demandes, la motivation qui précéde prive de fondement la demande d'indemnisation présentée par monsieur B... qui en sera donc débouté ; qu'il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de la société Monte Paschi Banque, l'abus procédural de monsieur B... n'étant pas démontré par les éléments du dossier ; qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société Monte Paschi Banque les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 3 000 € lui sera accordée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de monsieur B... qui succombe en ses contestations » (arrêt attaqué, pp. 5-6) ; 1°/ Alors, en tout état de cause, que la signification d'un jugement doit être faite à personne ou, à défaut, au domicile connu de l'intéressée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé que la signification par procès-verbal de remise à l'étude du jugement du 30 juin 2011 sur lequel se fonde l'acte de saisie-attribution était valide, l'huissier ayant, selon elle, justifié d'une impossibilité de signifier à personne ou à domicile ; qu'en statuant ainsi tout en relevant que M. B..., destinataire de l'acte, avait informé son créancier de sa nouvelle adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 janvier 2009, la cour d'appel a violé les articles 654 et 655 du code de procédure civile ; 2°/ Alors, en tout état de cause, que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; que pour écarter le moyen selon lequel l'huissier connaissait la véritable adresse de M. B... et ainsi juger que la signification faite à son ancien domicile était valide, la cour d'appel, qui a estimé que la communication, par l'intéressé, plus de deux avant l'acte de signification litigieux, de sa nouvelle adresse postale était insuffisante pour justifier l'annulation de l'acte de 2011, « sa situation ayant pu évoluer » (arrêt attaqué, p. 6, §2), a émis une simple hypothèse et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ Alors, en tout état de cause, que l'huissier en charge de signifier un acte doit privilégier la remise à personne, qu'elle se fasse effectivement au domicile du destinataire, à résidence ou encore sur le lieu de travail, au détriment d'un simple avis de passage et de retrait de la copie de l'acte à l'étude ; qu'au cas présent, la cour d'appel a jugé que la signification était valable après avoir relevé que l'huissier avait indiqué sur son procès-verbal, et au titre des diligences accomplies, avoir constaté le nom du destinataire sur une boîte aux lettres et obtenu une confirmation de l'adresse par un voisin ; qu'en se bornant à qualifier les diligences accomplies de « suffisantes » (arrêt attaqué, p. 6, §1) et à considérer comme valide la signification du jugement sans s'interroger, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si une signification sur le lieu de travail de M. B... était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de des articles 654, 655 et 689 du code de procédure civile ; 4°/ Alors, en tout état de cause, que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'au cas présent, pour infirmer la décision de première instance puis débouter M. B... de toutes ses prétentions, la cour d'appel a jugé que « la motivation qui précède prive de fondement la demande d'indemnisation présentée par monsieur B... qui en sera donc débouté (arrêt attaqué, p. 6, §4) ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a considéré que la dénonciation de la saisie-attribution était valide car réalisée sur le fondement d'un jugement valablement signifié entraîne nécessairement celle de l'arrêt en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation à hauteur de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts en application de l'article 625 du code de procédure civile.
L'arrêt qui confirme purement et simplement un jugement exécutoire ne prive pas celui-ci de son caractère de titre exécutoire, de sorte qu'une mesure d'exécution forcée peut être engagée sur le fondement de ce jugement
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Cassation partiellement sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 511 F-P+B+I Pourvoi n° U 19-12.260 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. I.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 4 décembre 2018. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 M. K... I..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-12.260 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant à la société Franfinance, société anonyme, dont le siège est contentieux national FAE, immeuble Edison, 59 avenue de Chatou, 92853 Rueil-Malmaison, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. I..., de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Franfinance, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Sur le moyen unique, qui est recevable : Vu les articles R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, 641 et 642 du code de procédure civile ; Attendu qu'il résulte de ces textes que lorsque le délai d'un mois pour former une contestation relative à une saisie-attribution expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Franfinance ayant fait pratiquer une saisie-attribution, dénoncée le 9 mars 2016 au débiteur, M. I..., celui-ci a contesté cette mesure devant un juge de l'exécution par un acte du 11 avril 2016, puis relevé appel du jugement le déclarant irrecevable comme hors délai ; Attendu que pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que M. W..., huissier de justice à Sartène, a daté son acte de « dénonce de saisie-attribution » de la façon suivante « l'an deux mille seize et le neuf mars », que le débiteur a bien été informé après la mention « très important » que les contestations devaient être soulevées à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration du délai d'un mois, à compter de la date figurant en tête du présent acte, laquelle était bien le 9 mars 2016, et que malgré la précision erronée apportée par l'huissier de justice instrumentaire de ce que le délai expirait le 11 avril 2016, le débiteur était averti et informé valablement que le délai devant être pris en compte débutait le 9 mars 2016 et non pas le 11 mars 2016 ; Qu'en statuant ainsi, alors que le 9 avril 2016 était un samedi de sorte que le délai se trouvait prorogé au lundi 11 avril 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de l'arrêt confirmant le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio du 2 mars 2017 en toutes ses dispositions ; Infirme ce jugement en toutes ses dispositions ; Déclare recevable la contestation formée par M. I... contre la saisie-attribution dénoncée le 9 mars 2016 ; Renvoie, pour le surplus, la cause et les parties devant la cour d'Aix-en-Provence ; Condamne la société Franfinance aux dépens exposés devant la Cour de cassation ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Me Thomas Haas la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. I... Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable la contestation de M. I... ; AUX MOTIFS QUE l'huissier de justice a daté son acte de dénonce de saisie attribution du 9 mars 2016 ; que le débiteur a été informé, après la mention « Très important », que les contestations devaient être soulevées à peine d'irrecevabilité avant l'expiration d'un délai d'un mois « à compter de la date figurant en tête du présent acte », laquelle était bien le 9 mars 2016 ; que malgré la précision erronée apportée par l'huissier instrumentaire de ce que le délai expirait le 11 avril 2016, le débiteur était averti et informé valablement que le délai devant être pris en compte débutait le 9 mars 2016 et non pas le 11 mars 2016 ; ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur ; que lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai ; que le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; qu'en l'espèce, la saisie ayant été dénoncée le 9 mars 2016, le délai de contestation expirait normalement le samedi 9 avril 2016 ; que, dès lors, en déclarant irrecevable la contestation formée le lundi 11 avril suivant, la cour d'appel a violé l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 641 et 642 du code de procédure civile.
Il résulte des articles R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, 641 et 642 du code de procédure civile que lorsque le délai d'un mois pour former une contestation relative à une saisie-attribution expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Encourt par conséquent la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare irrecevable une telle contestation formée un lundi, au motif que le délai expirait le samedi qui le précédait
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 512 F-P+B+I Pourvoi n° D 19-12.959 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 M. L... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-12.959 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, domicilié [...] , agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. O..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2018) et les productions, M. O... a relevé appel, le 13 décembre 2017, du jugement d'un tribunal de grande instance, rendu dans une instance l'opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (le directeur régional des finances publiques). 2. Par acte du 10 janvier 2010, M. O... a constitué un nouvel avocat en remplacement de celui qui avait formalisé la déclaration d'appel, avant que le directeur régional des finances publiques, par un acte du 16 janvier 2010, n'informe le greffe et le premier avocat constitué par M. O... de sa constitution d'un avocat en défense. 3. Par une ordonnance du 18 juin 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel caduc, faute de notification par l'appelant à l'avocat de l'intimé de ses conclusions dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile. 4. M. O... a déféré cette ordonnance à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. O... fait grief à l'arrêt de déclarer caduc l'appel interjeté par M. O... le 13 décembre 2017, alors « que la caducité de la déclaration d'appel faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'avocat de l'intimé dans un délai de trois mois suivant la déclaration d'appel n'est encourue qu'en cas de constitution par l'intimé d'un avocat, notifiée à l'avocat de l'appelant, régulièrement et préalablement à la remise par ce dernier de ses conclusions au greffe de la cour d'appel ; que lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, la notification entre avocats d'un acte de constitution doit faire l'objet d'un avis électronique de réception, indiquant la date de cette réception et valant visa par l'avocat destinataire de l'acte de constitution ; qu'en jugeant que la déclaration d'appel de M. O... était caduque, dès lors que ses conclusions déposées par le RPVA dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel n'avaient pas été notifiées à l'avocat de la partie intimée, régulièrement et préalablement constitué, sans constater que cette constitution avait été notifiée à l'avocat de M. O... préalablement à la remise par ce dernier de ses conclusions au greffe, et ce avec un avis électronique de réception en indiquant la date et adressé à l'avocat de l'appelant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 960 du code de procédure civile, ensemble les articles 908 et 911 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile : 6. L'appelant qui n'a pas reçu de notification de la constitution d'un avocat par l'intimé, dans les conditions prévues par le dernier de ces textes, satisfait à l'obligation de notification de ses conclusions à l'intimé, prévue par les deux premiers textes, en lui signifiant ses conclusions dans le délai d'un mois, courant à compter de l'expiration du délai de trois mois prévu pour la remise de ses conclusions au greffe. 7. Pour confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. O... a déposé au greffe des conclusions par RPVA, dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, puis a fait signifier ses conclusions à l'intimé par exploit d'huissier de justice dans le délai d'un mois à l'expiration du délai de trois mois, alors que l'intimé avait constitué un avocat antérieurement à la remise au greffe par l'appelant de ses conclusions. Il ajoute que, depuis la date à laquelle cet avocat avait été régulièrement constitué par l'intimé, le nom de cet avocat était nécessairement apparu dans la case « copie à : » et qu'il s'en déduit qu'un cas de force majeure n'est pas constitué dès lors que M. O... ne démontre pas que le nom de l'avocat de l'intimé n'était pas apparent et qu'il ne justifie pas d'une défaillance technique ou d'une cause étrangère ayant empêché la mise en copie des conclusions au conseil de l'administration fiscale. 8. En statuant ainsi, sans constater la notification par l'intimé de son acte de constitution à l'avocat alors constitué par l'appelant, préalablement à la signification par ce dernier de ses conclusions à l'intimé, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, après avis donné conformément à l'article 1015 du code de procédure civile. 10. La déclaration d'appel n'est pas caduque dès lors, d'une part, que n'est pas alléguée la notification de l'acte de constitution de l'intimé à l'avocat qui représentait alors l'appelant et, d'autre part, qu'il a été constaté que M. O... avait signifié ses conclusions au directeur régional des finances publiques dans le délai de quatre mois suivant sa déclaration d'appel. Par conséquent, il n'y a pas lieu à renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 juin 2018 ; DIT n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile ; DIT que l'instance se poursuivra devant la cour d'appel de Paris. Condamne le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et le condamne à payer à M. O... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. O... Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré caduc l'appel interjeté par M. O... le 13 décembre 2017 ; Aux motifs propres qu'« en application de l'article 908 du code de procédure civile M. O... disposait d'un délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure ; qu'en vertu des dispositions de l'article 911 du même code, la caducité est encourue faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé préalablement constitué ; qu'il convient de préciser que le greffe reste neutre dans cette communication ; qu'il appartient aux parties de notifier leurs écritures contradictoirement ; qu'en l'espèce, M. O... représenté par Me K... a déposé des conclusions le 19 février 2018 par RPVA, dans le délai des trois mois à compter de la déclaration d'appel mais qui n'ont pas été notifiées à la partie intimée, qui était régulièrement constituée ; qu'il est constant que Me D..., était constitué pour l'administration fiscale, depuis le 10 janvier 2018, ce qui implique que, depuis le 10 janvier 2018 , le nom de Me D... était nécessairement apparu dans la case « copie à : » ; qu'il s'en déduit que le cas de force majeure n'est pas constitué dès lors que M. O... ne démontre pas que le nom de Me D... n'était pas apparent ; qu'il ne justifie pas d'une défaillance technique ou d'une cause étrangère ayant empêché la mise en copie des conclusions au conseil de l'administration fiscale ; que dans ces conditions, il sera débouté de sa requête et l'ordonnance déférée sera confirmée ; que M. O..., partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu de supporter la charge des dépens de cette instance » (arrêt attaqué, p. 3) ; Et aux motifs adoptés du premier juge que « l'administration fiscale expose que M. O... disposait d'un délai expirant le 13 mars 2018 pour déposer ses conclusions, à peine de caducité de la déclaration d'appel et qu'elle a constitué avocat le 16 janvier 2018 ; qu'après interrogations auprès du greffe, il apparaît que M. O... aurait déposé au greffe des conclusions le 19 février 2018 soit après que l'administration fiscale ait constitué avocat ; que ces conclusions n'ont jamais été notifiées à son avocat, non conformément aux dispositions de l'article 911 du code de procédure civile ; que le délai de remise au greffe étant expiré depuis le 14 mars 2018, elle est bien fondée à solliciter que soit constatée la caducité de la déclaration d'appel ; que ceci étant exposé, il convient tout d'abord de constater que les écritures intitulées « conclusions en réponse aux conclusions d'incident de caducité » signifiées par M. O... le 5 mai 2018 ne sont pas des conclusions en réplique sur incident mais des conclusions au fond adressées à la cour ; que M. O... a relevé appel par déclaration d'appel du 13 décembre 2017 ; que M. O... a ensuite notifié ses conclusions d'appel au greffe de la cour le 19 février 2018, soit dans le délai de trois mois à compter de sa déclaration d'appel ainsi que le prévoit l'article 908 du code de procédure civile ; qu'il a fait signifier ses conclusions à l'intimée par exploit d'huissier du 2 mars 2018, soit dans le délai d'un mois à l'expiration du délai de trois mois, alors que l'intimée avait constitué avocat le 16 janvier 2018 ; qu'or, si l'appelant qui a signifié ses conclusions d'appel à l'encontre de l'intimé n'est pas tenu de les notifier à l'avocat de cette dernière constitué postérieurement à la signification, force est de constater qu'en l'espèce, l'intimée avait constitué avocat antérieurement à la notification au greffe par l'appelant de ses conclusions ; que les conclusions de l'appelante ne lui ont été signifiées par RPVA que le 2 mai 2018, soit postérieurement à l'expiration du délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile ; qu'il résulte de l'application combinée des articles 908 et 911 du code de procédure civile que l'appel sera déclaré caduc » (ordonnance déférée, p. 2) ; 1) Alors que la caducité de la déclaration d'appel faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'avocat de l'intimé dans un délai de trois mois suivant la déclaration d'appel n'est encourue qu'en cas de constitution par l'intimé d'un avocat, notifiée à l'avocat de l'appelant, régulièrement et préalablement à la remise par ce dernier de ses conclusions au greffe de la cour d'appel ; que lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, la notification entre avocats d'un acte de constitution doit faire l'objet d'un avis électronique de réception, indiquant la date de cette réception et valant visa par l'avocat destinataire de l'acte de constitution ; qu'en jugeant que la déclaration d'appel de M. O... était caduque, dès lors que ses conclusions déposées par le RPVA dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel n'avaient pas été notifiées à l'avocat de la partie intimée, régulièrement et préalablement constitué, sans constater que cette constitution avait été notifiée à l'avocat de M. O... préalablement à la remise par ce dernier de ses conclusions au greffe, et ce avec un avis électronique de réception en indiquant la date et adressé à l'avocat de l'appelant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 960 du code de procédure civile, ensemble les articles 908 et 911 du code de procédure civile. 2) Alors, en tout état de cause, que la caducité de la déclaration d'appel n'est pas encourue par l'appelant n'ayant pas notifié ses conclusions à l'avocat constitué par l'intimé préalablement à la remise au greffe de ses conclusions s'il est en mesure de justifier qu'un cas de force majeure a fait obstacle à cette notification ; que constitue un cas de force majeure le dysfonctionnement des services du greffe tenant à l'absence de communication à l'avocat de l'appelant de la constitution de l'avocat de l'intimé ; qu'en déclarant caduque la déclaration d'appel de M. O..., faute pour lui d'avoir notifié ses conclusions à l'avocat constitué par l'intimé dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, dès lors que le greffe restait neutre dans la notification des conclusions entre les parties, et que M. O... n'établissait pas l'existence d'un cas de force majeure, sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions d'appel de l'exposant, p. 3), si la force majeure ne résultait pas du fait que le greffe s'était abstenu de rendre l'avocat de M. O... destinataire de l'accusé de réception de la constitution d'avocat effectuée par l'intimée, de sorte que l'exposant n'avait jamais pu en avoir connaissance et ainsi notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimée dans le délai imparti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 908, 910-3 et 911 du code de procédure civile ; 3) Alors qu'en déclarant caduque la déclaration d'appel de M. O..., faute pour lui d'avoir notifié ses conclusions à l'avocat constitué par l'intimé dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, dès lors que le nom de l'avocat constitué par l'intimé était « nécessairement » apparu, depuis la date de la constitution, dans la case « copie à », sans nullement en justifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 908, 910-3 et 911 du code de procédure civile ; 4) Alors que le juge est tenu de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'il résulte des termes clairs et précis des messages d'accusé de réception envoyés par le greffe à l'avocat de M. O... les 10 janvier, 11 janvier, 16 janvier, 19 février et 8 mars 2018 (pièces d'appel n° 8 à 13), que le nom de Me Migaud, avocat constitué par l'intimé le 16 janvier 2018, n'était pas apparu dans la case « copie à : » ; qu'en retenant toutefois que depuis le 10 janvier 2018, le nom de Me Migaud était nécessairement apparu dans la case « copie à : », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents, en violation du principe susvisé ;
L'appelant qui n'a pas reçu de notification de la constitution d'un avocat par l'intimé, dans les conditions prévues par l'article 960 du code de procédure civile, satisfait à l'obligation de notification de ses conclusions à l'intimé, prévue par les articles 908 et 911 du même code, en lui signifiant ses conclusions dans le délai d'un mois, courant à compter de l'expiration du délai de trois mois prévu pour la remise de ses conclusions au greffe. Doit par conséquent être censuré l'arrêt d'une cour d'appel qui prononce la caducité de la déclaration d'appel, au motif que les conclusions de l'appelant ont été signifiées dans un délai de quatre mois plutôt que notifiées dans un délai de trois mois à l'avocat préalablement constitué par l'intimé, sans constater que cet intimé avait notifié son acte de constitution à l'avocat de l'appelant avant même la signification par ce dernier de ses conclusions à l'intimé
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CIV. 2 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 524 F-P+B+I Pourvoi n° T 18-18.534 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 M. L... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 18-18.534 contre l'ordonnance rendue le 15 mai 2018 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. B... F..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. P..., de Me Balat, avocat de M. F..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée du premier président d'une cour d'appel (Paris, 15 mai 2018), M. F... a confié la défense de ses intérêts dans diverses procédures à M. P..., avocat. 2. M. P... a été autorisé, par ordonnance d'un juge de l'exécution du 25 août 2014, à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble appartenant à M. F... en indivision avec sa compagne, pour un montant de 40 500 euros correspondant à la créance qu'il invoquait au titre de ses honoraires. 3. A la suite d'un désaccord sur le montant des honoraires dus, M. P... a saisi le bâtonnier de son ordre, qui, par décision du 6 février 2015, contre laquelle M. P... a formé un recours, a dit non prescrite l'action en fixation d'honoraires, a fixé à la somme de 28 500 euros HT le montant total des honoraires dus par M. F..., a constaté le règlement de la somme de 4 180,60 euros HT par celui-ci et de la somme de 710,70 euros HT par son assureur protection juridique, a dit en conséquence qu'il devrait verser à M. P... la somme de 23 608,70 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, outre la TVA au taux de 19,60 %, ainsi que les frais d'huissier de justice, en cas de signification de la décision et a débouté les parties de toutes autres demandes. 4. A la suite de la vente sur adjudication, le 19 mai 2016, du bien sur lequel l'inscription provisoire avait été prise, le syndicat des copropriétaires, créancier poursuivant, a établi un projet de distribution aux termes duquel la somme de 40 500 euros était attribuée à M. P... et ce projet, notifié aux avocats des parties, n'a pas été contesté dans le délai de quinze jours prévu à l'article R. 332-4 du code des procédures civiles d'exécution, de sorte qu'il a été homologué par le juge de l'exécution par ordonnance du 30 mars 2017. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. P... fait grief à l'ordonnance de limiter la condamnation de M. F... au titre des honoraires à lui régler à la somme de 15 904 euros HT, soit 19 871 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision du bâtonnier alors : 1°/ « que le débiteur saisi qui n'a pas contesté le projet de distribution dans le délai de quinze jours à compter de la réception de sa notification est réputé l'avoir accepté ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel a considéré que l'absence de contestation du projet de distribution ne valait pas reconnaissance de dette par M. F... de la somme mentionnée audit projet ; qu'en statuant ainsi, il a violé l'article R. 332-6 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ qu'en l'absence de contestation du projet de distribution dans le délai de quinze jours à compter de la réception de sa notification, l'ordonnance d'homologation dudit projet est revêtue de l'autorité de chose jugée quant au montant des créances qu'il contient et a force exécutoire ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel a considéré que l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance d'homologation du juge de l'exécution n'a pas pour effet d'attribuer définitivement à M. P... la somme de 40 500 euros ; qu'en statuant ainsi, alors que par l'ordonnance d'homologation, le juge de l'exécution a conféré force exécutoire au projet de distribution non contesté, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article R. 332-6 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 7. C'est d'abord dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le premier président de la cour d'appel a retenu que l'absence de contestation du projet de distribution ne valait pas reconnaissance de dette par M. F... de la somme mentionnée au projet alors que la créance était contestée dans le cadre de la procédure en fixation d'honoraires qu'avait initiée M. P... devant le bâtonnier au mois de juin 2014. 8. Dès lors que l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance d'homologation du juge de l'exécution a un caractère provisoire pour le créancier titulaire d'une hypothèque judiciaire provisoire, en application des articles R. 532-8 et R. 533-5 du code des procédures civiles d'exécution, c'est ensuite à bon droit que le premier président de la cour d'appel a retenu que l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance d'homologation du juge de l'exécution n'a pas eu pour effet d'attribuer définitivement à M. P... la somme de 40 500 euros, mais de bloquer celle-ci, qui ne pourra être versée à ce dernier que sous réserve qu'il ait obtenu un titre constatant l'existence et le montant de la créance revendiquée. 9. Le moyen est dès lors mal fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. P... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... et le condamne à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. P... Le premier moyen de cassation fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir limité la condamnation de M. F... au titre des honoraires à régler à Me P... à la somme de 15 904 € HT, soit 19 871€ TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision du bâtonnier ; Aux motifs que « M. P... soutient que M. F... s'est reconnu débiteur de la somme de 40 500 € à deux reprises : lors de la procédure de distribution du prix de son bien immobilier vendu sur adjudication et lors de la saisine de la commission de surendettement. M. P... a été autorisé, à titre conservatoire, par ordonnance du juge de l'exécution du 25 août 2014, à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble appartenant à M. F... en indivision avec Mme W..., pour un montant de 40 500 € correspondant à la créance qu'il invoquait au titre de ses honoraires. L'hypothèque provisoire ainsi autorisée a été inscrite le 9 septembre 2014. A la suite de la vente du bien sur adjudication le 19 mai 2016, le syndicat des copropriétaires, créancier poursuivant, a établi un projet de distribution en date du 20 décembre 2016, aux termes duquel la somme de 40 500 € était attribuée à M. P.... Ce projet, notifié aux avocats des parties et notamment à celui de M. F... le 21 décembre 2016, n'a pas été contesté dans le délai de quinze jours prévu à l'article R.332-4 du code des procédures civiles d'exécution de sorte qu'il a été homologué par le juge de l'exécution par ordonnance du 30 mars 2017. Contrairement à ce que soutient M. P..., l'absence de contestation du projet de distribution ne vaut pas reconnaissance de dette par M. F... de la somme mentionnée audit projet alors que cette créance n'était ainsi mentionnée qu'à titre provisoire, dans l'attente que le créancier obtienne un titre exécutoire, et que précisément ladite créance était contestée dans le cadre de la procédure en fixation d'honoraires qu'avait initiée M. P... devant le bâtonnier au mois de juin 2014. Pour les mêmes motifs, l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance d'homologation du juge de l'exécution n'a pas eu pour effet d'attribuer définitivement à M. P... la somme de 40 500 € mais de bloquer celle-ci qui ne pourra être versée à ce dernier que sous réserve qu'il ait obtenu un titre constatant l'existence et le montant de la créance revendiquée, laquelle faisait l'objet d'une contestation devant le bâtonnier puis devant la présente juridiction. M. P... produit un état des créances de M. F... en date du 26 janvier 2016, établi dans le cadre d'une procédure de surendettement, mentionnant la somme de 40 500 € correspondant à des honoraires impayés de M. P.... Cependant ce tableau, dont il est au demeurant ignoré dans quelles conditions il a été renseigné et qui ne comporte aucune signature, ne remplit pas les conditions de la reconnaissance de dette prévues par l'article 1376 du code civil et ne permet pas de retenir que M. F... a reconnu devoir cette somme, celuici expliquant qu'il a déclaré toutes les créances réclamées à son encontre sans pour autant s'en reconnaître débiteur, la reconnaissance alléguée étant contraire à l'attitude adoptée par M. F... qui conteste, depuis la saisine du bâtonnier par M. P... le 30 juin 2014, être débiteur envers ce dernier. Le moyen pris de la reconnaissance de dette pour voir fixer les honoraires de M. P... à la somme réclamée, sera par conséquent rejeté » (ord. p. 5) ; 1°) Alors que le débiteur saisi qui n'a pas contesté le projet de distribution dans le délai de quinze jours à compter de la réception de sa notification est réputé l'avoir accepté ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel a considéré que l'absence de contestation du projet de distribution ne valait pas reconnaissance de dette par M. F... de la somme mentionnée audit projet ; qu'en statuant ainsi, il a violé l'article R.332-6 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°) Alors qu'en l'absence de contestation du projet de distribution dans le délai de quinze jours à compter de la réception de sa notification, l'ordonnance d'homologation dudit projet est revêtue de l'autorité de chose jugée quant au montant des créances qu'il contient et a force exécutoire ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel a considéré que l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance d'homologation du juge de l'exécution n'a pas pour effet d'attribuer définitivement à M. P... la somme de 40 500 € : qu'en statuant ainsi, alors que par l'ordonnance d'homologation, le juge de l'exécution a conféré force exécutoire au projet de distribution non contesté, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article R 332-6 du code des procédures civiles d'exécution. Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir déclaré prescrite la demande formée par M. P... de paiement de la somme de 8 280 € au titre des honoraires afférents au dossier D... ; Aux motifs que « la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires, dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, est soumise à la prescription de l'article L 218-2 du code de la consommation (ancien article L 137-2) qui dispose que "l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans". La prescription de l'action de l'avocat pour le paiement de ses honoraires court à compter de la date à laquelle sa mission a pris fin. Cette mission prend fin à la date à laquelle une décision juridictionnelle mettant définitivement fin au litige a été rendue ou à la date à laquelle l'avocat a été dessaisi. M. P..., qui soutient qu'il était saisi d'une mission d'assistance générale pour un ensemble de dossier concernant M. F... qui était en compte avec son avocat pour les honoraires dus pour l'ensemble des dossiers traités et que la fin de mission n'est pas en lien avec un seul dossier, la mission devant s'apprécier en considération de l'ensemble des prestations fournies, ne produit pas de lettre de mission de nature à démontrer l'existence de la mission générale qu'il invoque. Il convient par conséquent d'apprécier la fin de la mission pour chacun des dossiers qui lui ont été confiés dès lors qu'il n'existe pas de lien entre ces différents dossiers. En vertu de l'article 2251 du code civil, "la renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription". Il a été retenu ci-dessus que tant à l'occasion de la procédure de distribution du prix de vente du bien sur adjudication que lors de la saisine de la commission de surendettement, M. F... n'a pas reconnu devoir la somme de 40 500 € réclamée par M. P.... Pour les mêmes motifs, l'attitude de M. F... à l'occasion de ces deux procédures n'emporte pas renonciation à se prévaloir des prescriptions qui seraient acquises alors que ce dernier contestait les sommes réclamées par M. P... devant le bâtonnier saisi le 30 juin 2014. ( ) S'agissant du dossier dit D..., M. F... a chargé M. P... de la défense de ses intérêts alors qu'il était poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir commis des violences à l'encontre de M. D..., faits qu'il contestait en soutenant avoir été lui-même victime de violences. Cette affaire n'entrant pas dans le cadre des activités professionnelles de M. F..., peu important le contexte des faits nés d'un différent opposant M. F... à l'un de ses anciens salariés, la prescription applicable est celle prévue à l'article L 218-2 précité. Ce dossier s'est terminé, après que la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du 24 janvier 2006, par arrêt du 21 février 2007, et condamné, par arrêt du 17 mars 2008 sur intérêts civils, M. D... à payer à M. F... la somme de 9 400 € au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux et une indemnité de procédure de 800 €, par décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions rendue le 2 octobre 2009 et notifiée le même jour, ladite décision homologuant l'accord intervenu entre M. F... et le fonds de garantie. Par courrier du 8 octobre 2009, M. P... a adressé à M. F... la décision de la CIVI lui précisant que les fonds devraient lui parvenir très rapidement. La prescription de l'action en paiement de la somme de 6 900 € HT (soit 8 280 € TTC) au titre des honoraires afférents à ce dossier a par conséquent commencé à courir à compter de la décision de la CIVI, de sorte que cette action était prescrite lorsque M. P... a saisi le bâtonnier au mois de juin 2014, près de cinq ans après la fin de sa mission, sans qu'il soit justifié d'un acte interruptif de prescription, les attestations établies par Mmes U... et X... qui déclaraient avoir prêté des fonds en 2012 et 2013 à M. F... aux fins qu'il règle les honoraires de son avocat ne valant nullement reconnaissance par l'intéressé des honoraires dus au titre du dossier l'ayant opposé à M. D.... La décision entreprise sera infirmée en ce sens » (ord. p 5, § 8 et suiv.) ; 1°) Alors que la cassation à intervenir, sur le premier moyen de cassation, du chef de dispositif ayant limité la condamnation de M. F... à payer la somme de 19 781 € TTC avec intérêts entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant déclaré prescrite la demande formée par M. P... au titre des honoraires afférents au dossier D..., ces chefs étant en lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°) Alors que le délai de prescription d'une demande en paiement d'honoraires d'un avocat court à compter de la date où le mandat de ce dernier prend fin, quelle qu'en soit son étendue, et pas nécessairement à la date d'une décision de justice ; qu'en l'espèce, M. F... n'a mis fin à la mission de Me P... que le 13 juin 2014, de sorte que l'action en paiement d'honoraires formée le 30 juin 2014 n'était pas prescrite ; que pour déclarer prescrite l'action en paiement des honoraires afférents au dossier D..., le premier président a fait courir le délai de prescription à compter d'une décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, violant ainsi les articles 411 et suivants du code de procédure civile ; 3°) Alors que la demande en paiement des honoraires est soumise à la prescription quinquennale lorsqu'une personne physique a eu recours aux services d'un avocat à l'occasion de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu'en l'espèce, le président de la cour d'appel a estimé que l'action en paiement des honoraires afférents au dossier D... était soumise à la prescription biennale dès lors que l'affaire n'entrait pas dans le cadre des activités professionnelles de M. F... ; que pourtant, le dossier concernait une agression commise sur M. F... par M. D..., salarié de la société dont M. F... était le gérant et sur son lieu de travail, de sorte que le premier président a violé l'article L 218-2 du code de la consommation par fausse application et l'article 2224 du code civil par défaut d'application. Le troisième moyen de cassation fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée fixé à la notification de la décision du bâtonnier le point de départ des intérêts au taux légal courant sur la condamnation de M. F... à payer à Me P... la somme de 19 871 € TTC ; Alors que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution sont dus du jour de la sommation de payer ou de tout autre acte équivalent, telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante ; qu'en l'espèce, le premier président a fait courir les intérêts moratoires sur les honoraires restant dus par M. F... à compter de la notification de la décision du bâtonnier, violant ainsi l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
L'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance d'homologation du juge de l'exécution d'un projet de distribution a un caractère provisoire pour le créancier titulaire d'une hypothèque judiciaire provisoire, en application des articles R. 532-8 et R. 533-5 du code des procédures civiles d'exécution
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 juin 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 530 F-P+B+I Pourvois n° W 18-22.930 A 18-23.670 Z 18-24.382 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020 I - La Société Garage Papeava, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Scilloux & Cie, société en nom collectif, a formé le pourvoi n° W 18-22.930 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme V... J... O..., veuve W..., domiciliée [...] , 2°/ à Mme S... J... W..., épouse G..., domiciliée [...] , 3°/ à M. L... W..., domicilié [...] , 4°/ à la société Leiana, société civile, dont le siège est [...] , 5°/ à la société Vehiarii, société civile immobilière, dont le siège est [...] , 6°/ à Mme N... C... F... , épouse B..., domiciliée [...] , 7°/ à la société Moana Rehi, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La société Vehiarii a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. II - Mme N... C... F... , épouse B..., a formé le pourvoi n° A 18-23.670 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme V... J... O..., épouse W..., 2°/ à Mme S... J... W..., épouse G..., 3°/ à M. L... W..., 4°/ à la société Leiana, 5°/ à la société Vehiarii, 6°/ à la société Garage Papeava, 7°/ à la société Moana Rehi, défendeurs à la cassation. III - La société Moana Rehi a formé le pourvoi n° Z 18-24.382 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme V... J... O..., veuve W..., 2°/ à Mme S... J... W..., épouse G..., 3°/ à M. L... W..., 4°/ à la société Leiana, 5°/ à la société Vehiarii, 6°/ à la société Garage Papeava, 7°/ à Mme N... C... F... , épouse B..., défendeurs à la cassation. La demanderesse au pourvoi principal n° W 18-22.930 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident n° W 18-22.930 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° A 18-23.670 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Z 18-24.382 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Garage Papeava, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme C... F... épouse B..., de la SCP Boulloche, avocat de la société Moana Rehi, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Vehiarii, de Me Bertrand, avocat de la société Leiana, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme O... veuve W..., Mme W... épouse G... et de M. W..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Joint les pourvois n° W 18-22.930, A 18-23.670 et Z 18-24.382 ; Constate le désistement de la société Moana Rehi de son pourvoi n° Z18-24.382 en ce qu'il est dirigé contre la société Leiana ; Met hors de cause, à sa demande, la société Moana Rehi du pourvoi incident n° W 18-22.930 formé par la société Vehiarii, qui ne formule aucun moyen contre elle ; Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que des poursuites de saisie immobilière ayant été engagées par plusieurs créanciers de M. et Mme Q... et V... W... sur le fondement d'actes notariés d'emprunts hypothécaires dressés par K... Y..., notaire, les biens saisis, constitués de plusieurs lots, ont été adjugés, par jugement du 24 mars 1993, à la société Leiana, qui a ultérieurement vendu les lots qui lui avaient été adjugés à la société Vehiarii, à la société Silloux et cie, devenue Garage Papeava, à Mme N... C... F... épouse B... et à la société Moana Rehi ; qu'un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001, statuant sur intérêts civils, a dit que les éléments constitutifs du délit de faux en écritures authentique et privée étaient réunis contre le notaire, a déclaré recevables les constitutions de partie civile, dont celle de M. et Mme W..., mais les a rejetées, en l'absence de preuve d'un préjudice découlant directement de l'infraction ; que le 13 octobre 2010, M. et Mme W... ont saisi le tribunal de première instance de Papeete d'une demande de nullité du jugement d'adjudication ; que Q... W... étant décédé au cours de la première instance, Mme V... W... ainsi que Mme S... W... épouse G... et M. H... , ses ayants droit, ont interjeté appel du jugement qui a accueilli la demande de M. et Mme W... mais les a déboutés de leur demande de restitution des biens saisis ; que la société Vehiarii, qui avait été déboutée d'une demande en paiement formée contre la société Leiana, sur le fondement de la garantie d'éviction, a également interjeté appel de ce jugement ; que par un arrêt avant dire droit, la cour d'appel a invité les parties à s'expliquer sur la prescription de l'action de M. et Mme W... ; Sur le premier moyen du pourvoi n° W 18-22.930, pris en sa première branche, et sur le premier moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa quatrième branche, annexés, qui sont similaires, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile : En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Sur le premier moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en ses deuxième et troisième branches : Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 17 avril 2013 en ce qu'il a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993, alors, selon le moyen : 1°/ que si la nullité du titre exécutoire sur lequel la saisie immobilière est fondée entraîne la nullité de toute la procédure de saisie subséquente, et par voie de conséquence, celle du jugement d'adjudication sur lequel cette procédure a débouché, la nullité de l'adjudication ne saurait être directement prononcée pour ce motif sans qu'il ait été préalablement statué sur la validité du titre exécutoire et de la procédure de saisie immobilière dont dépend cette adjudication, par une décision contradictoire à l'égard de toutes les parties à ce titre exécutoire et à cette procédure de saisie, et donc à l'égard des créanciers saisissants et non des seuls adjudicataires ; qu'en prononçant directement la nullité du jugement d'adjudication du 24 mars 1993 sans avoir préalablement statué, à l'égard notamment des créanciers saisissants qui devaient être impérativement appelés en la cause, sur la validité des titres exécutoires et de la procédure de saisie immobilière subséquente, la cour d'appel a violé les articles 2213 du code civil et 673 du code de procédure civile ancien, pris dans leur rédaction applicable en la cause ; 2°/ qu'en tout état de cause, l'autorité de la chose jugée s'attachant à une précédente décision ne peut être utilement invoquée qu'autant qu'il existe entre les procédures successives une identité de parties ; qu'en se bornant à justifier la nullité du titre exécutoire ayant servi de fondement aux poursuites de saisie immobilière dirigées à l'encontre des époux W... par une référence à un précédent arrêt de la cour d'appel de Papeete du 29 juillet 2010, prononcé dans une affaire ayant opposé des personnes totalement étrangères à la présente procédure (les époux R... et les consorts X...), ainsi que par l'autorité s'attachant à un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001, qui aurait définitivement reconnu que les actes de prêt hypothécaire reçus par K... Y..., notamment à l'égard des époux W..., constituaient des faux en écritures authentiques ne pouvant servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, quand les adjudicataires, et notamment Mme B..., n'étaient nullement parties à cette instance pénale, pas plus d'ailleurs que ne l'étaient les créanciers poursuivants, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'il résultait de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001 que les actes de prêts dressés devant le notaire constituaient des faux et décidé qu'ils ne pouvaient servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'autorité de la chose jugée par une décision rendue en 2010 concernant d'autres emprunteurs, a annulé le jugement d'adjudication ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le premier moyen du pourvoi n° W 18-22.930, pris en sa seconde branche, et le premier moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa première branche, qui sont similaires : Attendu que la société Garage Papeava et Mme B... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 17 avril 2013 en ce qu'il a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 et de déclarer recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993, alors, selon le moyen, que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; que si la Cour de cassation a pu parfois juger cette règle inapplicable aux ventes sur saisie immobilière (2e Civ., 8 octobre 1997, pourvoi n° 95-15.269, Bull. II, n° 245 ; 2e Civ., 3 octobre 2002, pourvoi n° 01-01.481, Bull. II, n° 206), le principe de sécurité juridique et le droit au respect des biens commandent aujourd'hui un retour à la solution antérieure, selon laquelle le délai de cinq ans est applicable à l'action en nullité d'un jugement d'adjudication sur saisie immobilière, qui ne constitue pas un véritable jugement mais l'équivalent d'un contrat judiciaire, pouvant comme tel faire l'objet d'une action en nullité selon les règles de droit commun applicables à la nullité des conventions (2e Civ., 20 octobre 1961, pourvoi n° 59-10.758, Bull. II, n° 682) ; qu'aussi bien, à la faveur du revirement de jurisprudence qu'il est demandé à la Cour de cassation de bien vouloir opérer, l'arrêt attaqué, qui estime la prescription quinquennale non applicable à l'action en nullité d'un jugement d'adjudication, sera censuré pour violation des articles 1304 du code civil, 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et 1er du premier Protocole additionnel à cette même Convention ; Mais attendu que la prescription quinquennale édictée par l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 réformant le droit des obligations, applicable en Polynésie française, ne concernant que les actions en nullité d'une convention et l'action en nullité du jugement d'adjudication ne tendant pas à l'annulation d'une convention, c'est à bon droit, et sans méconnaître le principe de sécurité juridique, ni porter atteinte au droit au respect des biens, que la cour d'appel a décidé qu'en l'absence d'application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 relative à la prescription et de l'ordonnance susmentionnée, la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, était applicable ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi n° W 18-22.930, sur le pourvoi n° Z 18-24.382, et sur le second moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa seconde branche, qui sont similaires, ainsi que sur le second moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa première branche : La société Garage Papeava, Mme B... et la société Moana Rehi font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993, alors, selon le moyen, que si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de la nullité a cessé ; qu'en l'espèce, les époux W... ont, d'une part, lors de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 2 février 2006, expressément demandé, tandis qu'ils connaissaient la cause de nullité du jugement d'adjudication, l'homologation de leur accord pour constater que l'ensemble des créanciers avait été rempli de leurs droits et pour solliciter la libération à leur profit des fonds subsistants, soit la somme de 8 625 135 FCP, d'autre part, conclu un nouvel accord avec la société Leiana aux termes duquel ils ont accepté le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; qu'il résultait de ces éléments que les époux W... avaient donné leur accord pour l'homologation d'un accord avec les créanciers qui validait tant les adjudications réalisées que les distributions de deniers ; qu'en se bornant à énoncer que les époux W... n'avaient pu ratifier des ventes nulles et de nullité absolue ou conclure un accord autonome, sans rechercher si les époux W... avaient, par les actes précités, maintenus leur volonté de voir exécuter le jugement d'adjudication du 24 mars 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016) ; Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que M. et Mme W..., en participant à la procédure de distribution, n'avaient fait qu'effectuer des actes de gestion de leurs intérêts, d'autre part, que la transaction qu'ils avaient conclue avec la société Leiana était antérieure à l'arrêt sur intérêts civils, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire, par une interprétation souveraine de la commune intention des parties, que les débiteurs saisis n'avaient pas conclu d'accord autonome de vente s'opposant à la restitution des biens adjugés résultant de l'annulation du jugement d'adjudication ; Et attendu que le rejet du premier moyen du pourvoi n° A 18-24.382 rend sans objet la première branche du second moyen de ce pourvoi ; Mais sur le moyen unique du pourvoi incident n° W 18-22.930, formé par la société Vehiarii : Vu les articles 1626 et 1630 du code civil ; Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la découverte d'un droit invoqué en justice par un tiers sur la chose vendue, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l'acheteur, constitue un trouble actuel obligeant, de ce seul fait, le vendeur à en garantir l'acquéreur, avant même qu'intervienne un jugement le constatant, et du second que l'acquéreur évincé peut solliciter des dommages-intérêts ; Attendu que, pour rejeter la demande en paiement formée par la société Vehiarii à l'encontre de la société Leiana, fondée sur la garantie d'éviction, l'arrêt retient que la société Vehiarii confond son estimation unilatérale du sérieux d'un risque d'être évincée par les consorts W... avec la réalisation effective de cette éviction, alors qu'elle s'est prémunie d'une telle éviction en transigeant avec ceux-ci et ne sollicite pas la restitution du prix de vente mais le remboursement de ce qu'elle a payé aux consorts W... en exécution d'une transaction, celui-ci ne rentrant pas dans les prévisions légales ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle déclarait recevable la demande des consorts W... de restitution de leur bien et qu'elle constatait que, pour se prémunir de toute éviction effective, la société avait conclu avec ceux-ci une transaction prévoyant le paiement par elle d'une somme de 100 000 000 F CFP, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE le désistement de la société Moana Rehi de son pourvoi n° Z 18-24.382, en ce qu'il est dirigé contre la société Leiana ; MET hors de cause la société Moana Rehi du pourvoi incident n° W 18-22.930, formé par la société Vehiarii ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société Vehiarii à l'encontre de la société Leiana tendant au remboursement de la somme de 100 000 000 F CFP qu'elle a versée aux consorts W..., l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ; Condamne la société Garage Papeava aux dépens du pourvoi principal n° W 18-22.930 ; Condamne Mme B... aux dépens du pourvoi n° A 18-23.670 ; Condamne la société Moana Rehi aux dépens du pourvoi n° Z 18-24.382 ; Condamne la société Leiana aux dépens du pourvoi incident n° W 18-22.930 ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Leiana à payer à la société Vehiarii la somme de 2 000 euros ; rejette toute autre demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal n° W 18-22.930 par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Garage Papeava, anciennement dénommée société Scilloux & Cie PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 17 avril 2013 en ce qu'il a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 et d'avoir déclaré recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE le procureur général n'a pas pris de conclusion après que la communication de l'affaire a été ordonnée par arrêt du 5 juin 2014 ; qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer de ce chef ; que la requête introductive d'instance formée le 13 octobre 2010 par les époux W... a pour objet l'annulation d'un jugement d'adjudication rendu le 24 mars 1993 par le tribunal civil de première instance de Papeete et la reconnaissance de ce qu'ils sont par conséquent restés propriétaires des immeubles formant les lots n° 1 et n° 2 adjugés à la société civile Leiana, n° 3 adjugé à la SNC Silloux Et Cie (garage Papeava), n° 4 adjugé à N... C... F... épouse B..., et n° 5 adjugé à la SCI Moana Rehi ; que la procédure ayant abouti au jugement d'adjudication du 24 mars 1993 a été engagée par exploit du 10 mars 1992 portant commandement de saisie immobilière, dans lequel les poursuivants ont déclaré agir respectivement comme porteurs des copies exécutoires de huit actes aux minutes de Me Y..., notaire à Papeete, en date des 3 octobre 1985, 3 avril 1986, 3 octobre 1986, 29 décembre 1986, 3 avril 1987, 31 juillet 1987, 2 octobre 1987 et 30 mars 1988, contenant chacun obligation hypothécaire par les époux W... O... au profit des porteurs des copies exécutoires desdits actes ; qu'il résulte de l'arrêt rendu le 14 novembre 2001 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, que K... Y... a été prévenu d'avoir, à Papeete depuis temps non prescrit du 10 mai 1985 au 19 juin 1991 : - effectué des opérations de banque à titre habituel - altéré frauduleusement la vérité de nature à causer un préjudice dans des écrits ayant pour objet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en établissant et en signant des prêts hypothécaires comprenant de fausses mentions relatives au prêteur, à la somme prêtée par celui-ci ou aux intérêts dus, notamment dans des prêts contractés par MM. R..., T..., A..., W..., M..., T..., D... en 1985, 1986, 1987 - fait usage desdits faux commis dans une écriture authentique, que statuant sur l'action civile exercée notamment par les époux W..., la cour d'appel de Versailles a retenu que les éléments constitutifs de ces délits étaient réunis ; que cette décision est devenue définitive ; que le jugement entrepris a ainsi retenu que les titres authentiques entachés de faux ne pouvaient pas servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière et qu'ils ne pouvaient être ni acceptés, ni confirmés, ni ratifiés ; que le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 a été annulé pour ce motif ; que le jugement dont appel a rappelé que par dire déposé le 4 septembre 1992 pour l'audience éventuelle du 9 septembre 1992, les époux W... avaient contesté la régularité des titres exécutoires en vertu desquels la saisie était opérée, au motif qu'ils étaient issus d'obligations notariées émanant de Me K... Y... qu'ils arguaient de faux, et avaient demandé un sursis à statuer ; que ce dire avait été rejeté par jugement du 9 septembre 1992 confirmé par arrêt du 28 janvier 1993 contre lequel les époux W... ont formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté le 21 juin 1995 ; que c'est sur le même fondement que les époux W... ont engagé la présente instance ; qu'ils font valoir qu'un jugement d'adjudication ne peut intervenir sur le fondement de faux en écritures authentiques ; que l'annulation de l'adjudication doit être prononcée et que les parties sont alors remises dans l'état antérieur, ce qui est l'objet de leur demande ; qu'en effet, un jugement d'adjudication, qui n'est pas susceptible d'appel (C.P.C.P.F., art. 915), constate seulement le contrat judiciaire que constitue une vente forcée ; que ce n'est que dans cette mesure qu'il peut faire l'objet d'une action en nullité ; que celle-ci n'est pas soumise à la prescription abrégée qui est applicable en matière de vente ordinaire ; comme déjà jugé par la cour dans un arrêt du 29 juillet 2010 (épx R... c. cts X...), il a été définitivement reconnu par l'arrêt précité du 14 novembre 2001 de la cour d'appel de Versailles que les actes de prêt dressés devant Me Y... en 1985, 1986, 1987, notamment à l'égard des époux W..., constituaient des faux en écritures authentiques qui ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière ; que c'est par conséquent à bon droit que le jugement dont appel a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; que la prescription acquisitive abrégée ne peut bénéficier aux adjudicataires, car le jugement d'adjudication est frappé d'une nullité de fond, l'absence de titre exécutoire valide au support de la saisie immobilière, qui l'empêche d'être un juste titre ; que ce vice a été invoqué dès la procédure de saisie immobilière, ainsi que l'existence d'une instance pénale ayant pour objet de le constater ; que les adjudicataires ne peuvent donc pas non plus se prévaloir d'une propriété apparente ; que l'annulation doit conduire à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement : les époux W..., qui sont censés n'avoir jamais été dépossédés de leur bien immobilier, doivent retrouver la propriété des lots adjugés à la SCI Leiana, à la SNC Silloux et Cie, à N... C... F... et à la SCI Moana Rehi, lesquels doivent se voir restituer le prix qu'ils ont payé ; que certes, les consorts W..., comme l'a constaté le jugement entrepris, ont paru avoir acquiescé à la vente forcée de leurs immeubles, notamment en obtenant de la cour d'appel de Papeete, par arrêts des 2 février et 8 juin 2006, l'homologation de leur accord avec 36 créanciers sur 37 pour la répartition amiable du produit de la vente des 14 lots (dont ceux qui font l'objet de la présente instance) adjugés sur saisie immobilière pour un produit total de 209 100 000 F CFP et en concluant le 5 juillet 1995 avec la SCI Leiana une transaction par laquelle ils acceptaient que le jugement d'adjudication du 23 mars 1993 produise ses effets à l'égard de celle-ci ; que les consorts W... font valoir à bon droit qu'il est erroné d'en déduire l'existence d'une ratification par eux, au demeurant impossible, de ventes nulles de nullité absolue et d'ordre public, ou même la conclusion avec les adjudicataires d'un accord autonome, qu'ils contestent au vu de leurs demandes réitérées de surseoir à statuer sur les saisies immobilières dans l'attente du jugement de l'action publique sur le faux ; qu'en effet, la procédure de saisie immobilière ne serait pas parvenue à son terme en 1993 s'il avait été sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale, qui n'est intervenue définitivement qu'en 2001 ; que comme cela n'a pas été le cas, les époux W... ont dû se conformer aux décisions de justice définitives qui ont validé la procédure de saisie immobilière en rejetant leurs dires ; que dans son arrêt du 21 juin 1995 rejetant le pourvoi formé par les époux W... contre un l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 28 janvier 1993, la Cour de cassation a retenu que les actes authentiques de prêt continuaient à faire foi en l'état tant qu'une décision pénale n'était pas intervenue à l'encontre du notaire instrumentaire. Il n'en résulte nullement que la reconnaissance ultérieure d'un faux ne remettrait pas en cause la validité des saisies ; qu'il s'ensuit que les consorts W... ne peuvent être privés de l'exercice de leur action en nullité du jugement d'adjudication qui est fondée sur un titre de poursuite reconnu faux, au motif d'actes de gestion de leurs intérêts qu'ils ont réalisés pendant la procédure d'ordre judiciaire, alors que celle-ci a été ouverte avant que ledit faux en matière authentique ait été définitivement constaté ; que le jugement dont appel sera par conséquent infirmé de ce chef ; que l'annulation des ventes des lots adjugés par le jugement du 24 mars 1993 conduit à opérer des restitutions ayant pour objet de remettre les parties dans l'état antérieur aux cessions ; que l'affaire n'est pas en état d'être jugée à cet égard ; qu'ainsi les consorts W... n'offrent aucune restitution alors que, même s'ils n'ont pas perçu les prix des adjudications, qui ont été distribués entre leurs créanciers, la valeur de ces prix s'est retrouvée dans leur patrimoine comme étant la contrepartie de l'extinction de leurs dettes, étant rappelé que, par l'effet de l'annulation, leur patrimoine est réputé n'avoir jamais été amputé des immeubles licités ; que la SCI Moana Rei, la SARL garage Papeava et N... C F... épouse B... n'ont pas conclu sur la question des restitutions ; que la SCI Leiana demande, à titre subsidiaire, la restitution par les consorts W... du prix qu'elle a payé pour les deux lots qui lui ont été adjugés (145 200 000 F CFP), et de tous les frais et coûts de l'adjudication, desquels il doit toutefois être justifié ; que les débats seront par conséquent rouverts de ce chef. ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la Cour de cassation juge que le titre authentique entaché de faux ne peut pas servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, de sorte que le jugement d'adjudication est nul ; que la nullité du jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ainsi encourue apparaît être une nullité absolue tenant à l'ordre public non de protection, mais de direction, de sorte qu'il ne peut y avoir d'acceptation, de confirmation ou de ratification dudit jugement d'adjudication de la part des consorts W..., étant rappelé que l'autorité de la chose jugée ne s'attache pas à un jugement d'adjudication qui n'est pas une décision juridictionnelle, mais une décision gracieuse constatant un contrat ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; 1°) ALORS QUE les juges doivent s'abstenir de dénaturer les éléments de la cause ; que la cour d'appel a retenu en l'espèce « qu'il a été définitivement reconnu par l'arrêt précité du 14 novembre 2001 de la cour d'appel de Versailles que les actes de prêt dressés devant Me Y... en 1985, 1986, 1987 notamment à l'égard des époux W... constituaient des faux en écriture authentique qui ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière » (arrêt, p. 9 § 6) ; qu'en énonçant que la cour d'appel avait reconnu que les actes de prêts dressés par Me Y... notamment à l'égard des époux W... constituaient des faux en écriture authentique qui ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière, tandis que l'arrêt du 14 novembre 2001 énonçait seulement que « les éléments constitutifs des délits de faux en écriture authentique sont réunis ; que M. Y... doit être déclaré, sur le principe, tenu à réparer l'entier préjudice découlant de ces agissements fautifs » (p.19 in fine), la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 14 novembre 2001 et violé l'article 1134 du code civil devenu l'article 1103 du code civil ; 2°) ALORS QUE, en tout état de cause, l'action en nullité d'un jugement d'adjudication doit être considérée comme se prescrivant par cinq ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, dans l'hypothèse où l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001 serait considéré comme reconnaissant que les actes de prêts dressés au nom des époux W... par Me Y... étaient constitutifs de faux en écriture authentique, les époux W..., devraient être considérés comme ayant su au plus tard à la lecture de cet arrêt que ces actes de prêts ne pouvaient servir de fondement à une saisie immobilière ; qu'en jugeant que la prescription abrégée de cinq ans ne s'appliquait pas à l'action en nullité du jugement d'adjudication, pour en déduire qu'était recevable l'action en nullité du jugement du 24 mars 1993, introduite les 4, 8 et 13 octobre 2010 (jugement p. 4 § 6), c'est à dire plus de 8 ans après l'arrêt du 14 novembre 2001, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au premier) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE le procureur général n'a pas pris de conclusion après que la communication de l'affaire a été ordonnée par arrêt du 5 juin 2014 ; qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer de ce chef ; que la requête introductive d'instance formée le 13 octobre 2010 par les époux W... a pour objet l'annulation d'un jugement d'adjudication rendu le 24 mars 1993 par le tribunal civil de première instance de Papeete et la reconnaissance de ce qu'ils sont par conséquent restés propriétaires des immeubles formant les lots n° 1 et n° 2 adjugés à la société civile Leiana, n° 3 adjugé à la SNC Silloux Et Cie (Garage Papeava), n° 4 adjugé à N... C... F... épouse B..., et n° 5 adjugé à la SCI Moana Rehi ; que la procédure ayant abouti au jugement d'adjudication du 24 mars 1993 a été engagée par exploit du 10 mars 1992 portant commandement de saisie immobilière, dans lequel les poursuivants ont déclaré agir respectivement comme porteurs des copies exécutoires de huit actes aux minutes de Me Y..., notaire à Papeete, en date des 3 octobre 1985, 3 avril 1986, 3 octobre 1986, 29 décembre 1986, 3 avril 1987, 31 juillet 1987, 2 octobre 1987 et 30 mars 1988, contenant chacun obligation hypothécaire par les époux W... O... au profit des porteurs des copies exécutoires desdits actes ; qu'il résulte de l'arrêt rendu le 14 novembre 2001 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, que K... Y... a été prévenu d'avoir, à Papeete depuis temps non prescrit du 10 mai 1985 au 19 juin 1991 : - effectué des opérations de banque à titre habituel - altéré frauduleusement la vérité de nature à causer un préjudice dans des écrits ayant pour objet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en établissant et en signant des prêts hypothécaires comprenant de fausses mentions relatives au prêteur, à la somme prêtée par celui-ci ou aux intérêts dus, notamment dans des prêts contractés par MM. R..., T..., A..., W..., M..., T..., D... en 1985, 1986, 1987 - fait usage desdits faux commis dans une écriture authentique, que statuant sur l'action civile exercée notamment par les époux W..., la cour d'appel de Versailles a retenu que les éléments constitutifs de ces délits étaient réunis ; que cette décision est devenue définitive ; que le jugement entrepris a ainsi retenu que les titres authentiques entachés de faux ne pouvaient pas servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière et qu'ils ne pouvaient être ni acceptés, ni confirmés, ni ratifiés ; que jugement d'adjudication du 24 mars 1993 a été annulé pour ce motif ; que le jugement dont appel a rappelé que par dire déposé le 4 septembre 1992 pour l'audience éventuelle du 9 septembre 1992, les époux W... avaient contesté la régularité des titres exécutoires en vertu desquels la saisie était opérée, au motif qu'ils étaient issus d'obligations notariées émanant de Me K... Y... qu'ils arguaient de faux, et avaient demandé un sursis à statuer ; que ce dire avait été rejeté par jugement du 9 septembre 1992 confirmé par arrêt du 28 janvier 1993 contre lequel les époux W... ont formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté le 21 juin 1995 ; que c'est sur le même fondement que les époux W... ont engagé la présente instance ; qu'ils font valoir qu'un jugement d'adjudication ne peut intervenir sur le fondement de faux en écritures authentiques ; que l'annulation de l'adjudication doit être prononcée et que les parties sont alors remises dans l'état antérieur, ce qui est l'objet de leur demande ; qu'en effet, un jugement d'adjudication, qui n'est pas susceptible d'appel (C.P.C.P.F., art. 915), constate seulement le contrat judiciaire que constitue une vente forcée ; que ce n'est que dans cette mesure qu'il peut faire l'objet d'une action en nullité ; que celle-ci n'est pas soumise à la prescription abrégée qui est applicable en matière de vente ordinaire ; comme déjà jugé par la cour dans un arrêt du 29 juillet 2010 (épx R... c. cts X...), il a été définitivement reconnu par l'arrêt précité du 14 novembre 2001 de la cour d'appel de Versailles que les actes de prêt dressés devant Me Y... en 1985, 1986, 1987, notamment à l'égard des époux W..., constituaient des faux en écritures authentiques qui ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière ; que c'est par conséquent à bon droit que le jugement dont appel a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; que la prescription acquisitive abrégée ne peut bénéficier aux adjudicataires, car le jugement d'adjudication est frappé d'une nullité de fond, l'absence de titre exécutoire valide au support de la saisie immobilière, qui l'empêche d'être un juste titre ; que ce vice a été invoqué dès la procédure de saisie immobilière, ainsi que l'existence d'une instance pénale ayant pour objet de le constater ; que les adjudicataires ne peuvent donc pas non plus se prévaloir d'une propriété apparente ; que l'annulation doit conduire à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement : les époux W..., qui sont censés n'avoir jamais été dépossédés de leur bien immobilier, doivent retrouver la propriété des lots adjugés à la SCI Leiana, à la SNC Silloux et Cie, à N... C... F... et à la SCI Moana Rehi, lesquels doivent se voir restituer le prix qu'ils ont payé ; que certes, les consorts W..., comme l'a constaté le jugement entrepris, ont paru avoir acquiescé à la vente forcée de leurs immeubles, notamment en obtenant de la cour d'appel de Papeete, par arrêts des 2 février et 8 juin 2006, l'homologation de leur accord avec 36 créanciers sur 37 pour la répartition amiable du produit de la vente des 14 lots (dont ceux qui font l'objet de la présente instance) adjugés sur saisie immobilière pour un produit total de 209 100 000 F CFP et en concluant le 5 juillet 1995 avec la SCI Leiana une transaction par laquelle ils acceptaient que le jugement d'adjudication du 23 mars 1993 produise ses effets à l'égard de celle-ci ; que les consorts W... font valoir à bon droit qu'il est erroné d'en déduire l'existence d'une ratification par eux, au demeurant impossible, de ventes nulles de nullité absolue et d'ordre public, ou même la conclusion avec les adjudicataires d'un accord autonome, qu'ils contestent au vu de leurs demandes réitérées de surseoir à statuer sur les saisies immobilières dans l'attente du jugement de l'action publique sur le faux ; qu'en effet, la procédure de saisie immobilière ne serait pas parvenue à son terme en 1993 s'il avait été sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale, qui n'est intervenue définitivement qu'en 2001 ; que comme cela n'a pas été le cas, les époux W... ont dû se conformer aux décisions de justice définitives qui ont validé la procédure de saisie immobilière en rejetant leurs dires ; que dans son arrêt du 21 juin 1995 rejetant le pourvoi formé par les époux W... contre un l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 28 janvier 1993, la Cour de cassation a retenu que les actes authentiques de prêt continuaient à faire foi en l'état tant qu'une décision pénale n'était pas intervenue à l'encontre du notaire instrumentaire. Il n'en résulte nullement que la reconnaissance ultérieure d'un faux ne remettrait pas en cause la validité des saisies ; qu'il s'ensuit que les consorts W... ne peuvent être privés de l'exercice de leur action en nullité du jugement d'adjudication qui est fondée sur un titre de poursuite reconnu faux, au motif d'actes de gestion de leurs intérêts qu'ils ont réalisés pendant la procédure d'ordre judiciaire, alors que celle-ci a été ouverte avant que ledit faux en matière authentique ait été définitivement constaté ; que le jugement dont appel sera par conséquent infirmé de ce chef ; que l'annulation des ventes des lots adjugés par le jugement du 24 mars 1993 conduit à opérer des restitutions ayant pour objet de remettre les parties dans l'état antérieur aux cessions ; que l'affaire n'est pas en état d'être jugée à cet égard ; qu'ainsi les consorts W... n'offrent aucune restitution alors que, même s'ils n'ont pas perçu les prix des adjudications, qui ont été distribués entre leurs créanciers, la valeur de ces prix s'est retrouvée dans leur patrimoine comme étant la contrepartie de l'extinction de leurs dettes, étant rappelé que, par l'effet de l'annulation, leur patrimoine est réputé n'avoir jamais été amputé des immeubles licités ; que la SCI Moana Rei, la SARL Garage Papeava et N... C F... épouse B... n'ont pas conclu sur la question des restitutions ; que la SCI Leiana demande, à titre subsidiaire, la restitution par les consorts W... du prix qu'elle a payé pour les deux lots qui lui ont été adjugés (145 200 000 F CFP), et de tous les frais et coûts de l'adjudication, desquels il doit toutefois être justifié ; que les débats seront par conséquent rouverts de ce chef ; ALORS QUE si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de la nullité a cessé ; qu'en l'espèce, les époux W... ont, d'une part, lors de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 2 février 2006, expressément demandé, tandis qu'ils connaissaient la cause de nullité du jugement d'adjudication, l'homologation de leur accord pour constater que l'ensemble des créanciers avait été rempli de leurs droits et pour solliciter la libération à leur profit des fonds subsistants, soit la somme de 8.625.135 FCP, d'autre part, conclu un nouvel accord avec la société Leiana aux termes duquel ils ont accepté le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; qu'il résultait de ces éléments que les époux W... avaient donné leur accord pour l'homologation d'un accord avec les créanciers qui validait tant les adjudications réalisées que les distributions des deniers ; qu'en se bornant à énoncer que les époux W... n'avaient pu ratifier des ventes nulles et de nullité absolue ou conclure un accord autonome, sans rechercher si les époux W... avaient, par les actes précités, maintenus leur volonté de voir exécuter le jugement d'adjudication du 24 mars 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1134 du code civil Moyen produit au pourvoi incident n° W 18-22.930 par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Vehiarii IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du 17 avril 2013 en ce qu'il avait débouté la SCI VEHIARII de sa demande à l'encontre de la SCI LEIANA tendant au remboursement de la somme de 100.000.000 F CFP qu'elle avait versée aux consorts W... ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, pour résister à la garantie d'éviction qu'invoque à son encontre la société VEHIARII, la SCI LEIANA conclut pertinemment qu'elle n'a pas été appelée à cette transaction alors que l'objet de celle-ci était la contestation du droit de propriété qu'elle a vendu à la SCI VEHIARII ; et la société VEHIARII n'est pas bien fondée à confondre son estimation unilatérale du sérieux d'un risque d'être évincée par les consorts W... avec la réalisation effective de cette éviction ; quoiqu'elle invoque la garantie légale due par le vendeur en cas d'éviction de l'acquéreur par un tiers, alors qu'elle s'est prémunie d'une telle éviction en transigeant avec les consorts W..., la SCI VEHIARII ne demande pas la restitution du prix de vente par la SCI LEIANA, comme prévu par les articles 1629 et suivants du code civil, mais le remboursement de ce qu'elle a payé aux consorts W... pour ne pas être évincée ; or, ce remboursement n'entre pas dans les précisions de la garantie légale, qui n'a lieu d'être qu'en cas d'éviction effective ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le droit de propriété de la SCI VEHIARII n'étant pas remis en cause dans le cadre d'une éviction, celle-ci n'est pas fondée à demander à la SCI LEIANA le remboursement de la somme de 100.000.000 FCP qu'elle a versée aux consorts W... ; qu'elle doit donc être déboutée de sa demande à ce titre ; 1) ALORS QUE la découverte d'un droit invoqué en justice par un tiers sur la chose vendue, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l'acheteur, constitue un trouble actuel obligeant de ce seul fait le vendeur à en garantir l'acquéreur, avant même qu'intervienne un jugement le constatant ; qu'en énonçant que la SCI VEHIARII n'était pas bien fondée à confondre son estimation unilatérale du sérieux d'un risque d'être évincée par les consorts W... avec la réalisation effective de cette éviction, quand l'assignation de la SCI VEHIARII par les consorts W..., en revendication de leur droit de propriété, et la transaction qui y a mis fin constituaient déjà un trouble de jouissance paisible de son bien pour la SCI VEHIARII, la cour d'appel, a violé ensembles les articles 1626 et suivant du code civil ; 2) ALORS QUE constitue un trouble de jouissance paisible, la découverte d'un droit d'un tiers sur la chose acquise, qu'en énonçant que la réalisation effective de l'éviction n'était pas acquise tout en annulant le jugement d'adjudication du 23 juin 1993 et en accédant à la demande de restitution de leur propriété des consorts W..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1626 et suivant du code civil ; 3) ALORS QUE lorsque l'acquéreur d'un immeuble subit une atteinte à sa possession paisible de la chose vendue, il peut demander la restitution des frais demandés par le demandeur originaire et le paiement des dommages et intérêts ainsi que des frais et loyaux coûts du contrat ; qu'en écartant la demande de la SCI VEHIARII parce qu'elle ne portait pas sur la restitution du prix de la vente par la SCI LEIANA, comme prévu par les articles 1629 et suivant du code civil, la cour d'appel a violé l'article 1630 du code civil Moyens produits au pourvoi n° A 18-23.670 par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme C... F... épouse B... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 17 avril 2013 en ce qu'il a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la requête introductive d'instance formée le 13 octobre 2010 par les époux W... a pour objet l'annulation d'un jugement d'adjudication rendu le 24 mars 1993 par le tribunal civil de première instance de Papeete et la reconnaissance de ce qu'ils sont par conséquent restés propriétaires des immeubles formant les lots n° 1 et n° 2 adjugés à la société civile Leiana, n° 3 adjugé à la SNC Silloux et Cie (Garage Papeava), n° 4 adjugé à N... C... F... épouse B..., et n° 5 adjugé à la SCI Moana Rehi ; que la procédure ayant abouti au jugement d'adjudication du 24 mars 1993 a été engagée par exploit du 10 mars 1992 portant commandement de saisie immobilière, dans lequel les poursuivants ont déclaré agir respectivement comme porteurs des copies exécutoires de huit actes aux minutes de Me Y..., notaire à Papeete, en date des 3 octobre 1985, 3 avril 1986, 29 décembre 1986, 3 avril 1987, 31 juillet 1987, 2 octobre 1987 et 30 mars 1988, contenant chacun obligation hypothécaire par les époux W... O... au profit des porteurs des copies exécutoires desdits actes ; qu'il résulte de l'arrêt rendu le 14 novembre 2001 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, que K... Y... a été prévenu d'avoir, à Papeete depuis temps non prescrit du 10 mai 1985 au 19 juin 1991, effectué des opérations de banque à titre habituel, altéré frauduleusement la vérité de nature à causer un préjudice dans des écrits ayant pour objet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en établissant et en signant des prêts hypothécaires comprenant de fausses mentions relatives au prêteur, à la somme prêtée par celui-ci ou aux intérêts dus, notamment dans des prêts contractés par MM. R..., T..., A..., W..., M..., T..., D... en 1985, 1986, 1987 et fait usage desdits faux commis dans une écriture authentique ; que statuant sur l'action civile exercée notamment par les époux W..., la cour d'appel de Versailles a retenu que les éléments constitutifs de ces délits étaient réunis ; que cette décision est devenue définitive ; que le jugement entrepris a ainsi retenu que les titres authentiques entachés de faux ne pouvaient pas servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière et qu'ils ne pouvaient être ni acceptés, ni confirmés, ni ratifiés ; que le jugement d'adjudication du 24 mars 1991 a été annulé pour ce motif ; que le jugement dont appel a rappelé que, par dire déposé le 4 septembre 1992 pour l'audience éventuelle du 9 septembre 1992, les époux W... avaient contesté la régularité des titres exécutoires en vertu desquels la saisie était opérée, au motif qu'ils étaient issus d'obligations notariées émanant de Me K... Y... qu'ils arguaient de faux, et avaient demandé un sursis à statuer et que ce dire avait été rejeté par un jugement du 9 septembre 1992, confirmé par arrêt du 28 janvier 1993, contre lequel les époux W... ont formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté le 21 juin 1995 ; que c'est sur le même fondement que les époux W... ont engagé la présente instance ; qu'ils font valoir qu'un jugement d'adjudication ne peut intervenir sur le fondement de faux en écritures authentiques ; que l'annulation de l'adjudication doit être prononcé ; que les parties sont alors remises dans l'état antérieur, ce qui est l'objet de leur demande ; qu'en effet, un jugement d'adjudication, qui n'est pas susceptible d'appel (C.P.C.P.F., art. 915), constate seulement le contrat judiciaire que constitue une vente forcée ; que ce n'est que dans cette mesure qu'il peut faire l'objet d'une action en nullité ; que celle-ci n'est pas soumise à la prescription abrégé qui est applicable en matière de vente ordinaire ; que comme déjà jugé par la cour dans un arrêt du 29 juillet 2010 (Epoux R... c/ cts X...), il a été définitivement reconnu par l'arrêt précité du 14 novembre 2001 de la cour d'appel de Versailles que les actes de prêt dressés devant Me Y... en 1985, 1986, 1987, notamment à l'égard des époux W..., constituaient des faux en écritures authentiques qui ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière ; que c'est par conséquent à bon droit que le jugement dont appel a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; que la prescription acquisitive abrégée ne peut bénéficier aux adjudicataires, car le jugement d'adjudication est frappé d'une nullité de fond, l'absence de titre exécutoire valide au support de la saisie immobilière, qui l'empêche d'être un juste titre ; que ce vice a été invoqué dès la procédure de saisie immobilière, ainsi que l'existence d'une instance pénale ayant pour objet de le constater ; que les adjudicataires ne peuvent donc pas non plus se prévaloir d'une propriété apparente ; que l'annulation doit conduire à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement ; que les époux W..., qui sont censés n'avoir jamais été dépossédés de leur bien immobilier, doivent retrouver la propriété des lots adjugés à la SCI Leiana, à la SNC Silloux et Cie, à N... C... F... et à la SCI Moana Rehi, lesquels doivent se voir restituer le prix qu'ils ont payé ; que si les consorts W..., comme l'a constaté le jugement entrepris, ont paru avoir acquiescé à la vente de leurs immeubles, en obtenant de la cour d'appel de Papeete, par arrêts des 2 février et 8 juin 2006, l'homologation de leur accord avec 36 créanciers sur 37 pour la répartition amiable du produit de la vente des 14 lots (dont ceux qui font l'objet de la présente instance) adjugés sur saisie immobilière pour un produit total de 209.100.000 FCFP et en concluant, le 5 juillet 1995 avec la SCI Leiana une transaction par laquelle ils acceptaient que le jugement d'adjudication du 23 mars 1993 produise ses effets à l'égard de celle-ci, ils font valoir à bon droit qu'il est erroné d'en déduire l'existence d'une ratification par eux, au demeurant impossible, de ventes nulles de nullité absolue et d'ordre public, ou même la conclusion avec les adjudicataires d'un accord autonome, qu'ils contestent au vu de leurs demandes réitérées de surseoir à statuer sur les saisies immobilières dans l'attente du jugement de l'action publique sur le faux ; qu'en effet, la procédure de saisie immobilière ne serait pas parvenue à son terme en 1993 s'il avait été sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale, qui n'est intervenue définitivement qu'en 2001 ; que comme cela n'a pas été le cas, les époux W... ont dû se conformer aux décisions de justice définitives qui ont validé la procédure de saisie immobilière en rejetant leurs dires ; qu'or, dans son arrêt du 21 juin 1995 rejetant le pourvoi formé par les époux W... contre un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 28 janvier 1993, la Cour de cassation a retenu que les actes authentiques de prêt continuaient à faire foi en l'état tant qu'une décision pénale n'était pas intervenue à l'encontre du notaire instrumentaire ; qu'il n'en résulte nullement que la reconnaissance ultérieure d'un faux ne remettrait pas en cause la validité des saisies ; qu'il s'ensuit que les consorts W... ne peuvent être privés de l'exercice de leur action en nullité du jugement d'adjudication qui est fondée sur un titre de poursuite reconnu faux, au motif d'actes de gestion de leurs intérêts qu'ils ont réalisés pendant la procédure d'ordre judiciaire, quand celle-ci a été ouverte avant que ledit faux en matière authentique ait été définitivement constaté ; que le jugement dont appel sera par conséquent infirmé de ce chef ; que l'annulation des ventes des lots adjugés par le jugement du 24 mars 1993 conduit à opérer des restitutions ayant pour objet de remettre les parties dans l'état antérieure aux cessions ; que toutefois l'affaire n'est pas en état d'être jugée à cet égard ; qu'ainsi, les consorts W... n'offrent aucune restitution cependant que, même s'ils n'ont pas perçu les prix des adjudications, qui ont été distribués entre leurs créanciers, la valeur de ces prix s'est retrouvée dans leur patrimoine comme étant la contrepartie de l'extinction de leurs dettes, étant rappelé que, par l'effet de l'annulation, leur patrimoine est réputé n'avoir jamais été amputé des immeubles licités ; que la SCI Moana Rehi, la SARL Garage Papeava et N... C F... épouse B... n'ont pas conclu sur la question des restitutions ; que la SCI Leiana demande, à titre subsidiaire, la restitution par les consorts W... du prix qu'elle a payé pour les deux lots qui lui ont été adjugés (145.200.000 FCFP), et de tous les frais et coûts de l'adjudication desquels il doit toutefois être justifié ; que les débats seront par conséquent rouverts de ce chef ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Cour de cassation juge que le titre authentique entaché de faux ne peut pas servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, de sorte que le jugement d'adjudication est nul ; que la nullité du jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ainsi encourue apparaît être une nullité absolue tenant à l'ordre public non de protection, mais de direction, de sorte qu'il ne peut y avoir d'acceptation, de confirmation ou de ratification dudit jugement d'adjudication de la part des consorts W..., étant rappelé que l'autorité de la chose jugée ne s'attache pas à un jugement d'adjudication qui n'est pas une décision juridictionnelle, mais une décision grâcieuse constatant un contrat ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; 1/ ALORS QUE, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; que si la Cour de cassation a pu parfois juger cette règle inapplicable aux ventes sur saisie immobilière (Civ. 2e, 8 octobre 1997, pourvoi n° 95-15.269, Bull. II, n° 245 ; Civ. 2e, 3 octobre 2002, pourvoi n° 01-01.481, Bull. II, n° 206), le principe de sécurité juridique et le droit au respect des biens commandent aujourd'hui un retour à la solution antérieure, selon laquelle le délai de cinq ans est applicable à l'action en nullité d'un jugement d'adjudication sur saisie immobilière, qui ne constitue pas un véritable jugement mais l'équivalent d'un contrat judiciaire, pouvant comme tel faire l'objet d'une action en nullité selon les règles de droit commun applicables à la nullité des conventions (Civ. 2e, 20 octobre 1961, pourvoi n° 59-10.758, Bull. II, n° 682) ; qu'aussi bien, à la faveur du revirement de jurisprudence qu'il est demandé à la Cour de cassation de bien vouloir opérer, l'arrêt attaqué, qui estime la prescription quinquennale non applicable à l'action en nullité d'un jugement d'adjudication (arrêt p. 9, § 4), sera censuré pour violation des articles 1304 du code civil, 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentale et 1er du Premier Protocole additionnel à cette même convention ; 2/ ALORS QUE, si la nullité du titre exécutoire sur lequel la saisie immobilière est fondée entraîne la nullité de toute la procédure de saisie subséquente, et par voie de conséquence, celle du jugement d'adjudication sur lequel cette procédure a débouché, la nullité de l'adjudication ne saurait être directement prononcée pour ce motif sans qu'il ait été préalablement statué sur la validité du titre exécutoire et de la procédure de saisie immobilière dont dépend cette adjudication, par une décision contradictoire à l'égard de toutes les parties à ce titre exécutoire et à cette procédure de saisie, et donc à l'égard des créanciers saisissants et non des seuls adjudicataires ; qu'en prononçant directement la nullité du jugement d'adjudication du 24 mars 1993 sans avoir préalablement statué, à l'égard notamment des créanciers saisissants qui devaient être impérativement appelés en la cause, sur la validité des titres exécutoires et de la procédure de saisie immobilière subséquente, la cour d'appel a violé les articles 2213 du code civil et 673 du code de procédure civile ancien, pris dans leur rédaction applicable en la cause ; 3/ ALORS QU' en tout état de cause, l'autorité de la chose jugée s'attachant à une précédente décision ne peut être utilement invoquée qu'autant qu'il existe entre les procédures successives une identité de parties ; qu'en se bornant à justifier la nullité du titre exécutoire ayant servi de fondement aux poursuites de saisie immobilière dirigées à l'encontre des époux W... par une référence à un précédent arrêt de la cour d'appel de Papeete du 29 juillet 2010, prononcé dans une affaire ayant opposé des personnes totalement étrangères à la présente procédure (les époux R... et les consorts X...), ainsi que par l'autorité s'attachant à un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001, qui aurait définitivement reconnu que les actes de prêt hypothécaire reçus par Me Y..., notamment à l'égard des époux W..., constituaient des faux en écritures authentiques ne pouvant servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, quand les adjudicataires, et notamment Mme B..., n'étaient nullement parties à cette instance pénale, pas plus d'ailleurs que ne l'étaient les créanciers poursuivants, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 4/ ALORS QU', enfin et subsidiairement, le juge ne peut statuer au prix d'une dénaturation des éléments de la cause ; que par son arrêt du 14 novembre 2001, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles s'était bornée à dire « que les éléments constitutifs des délits de faux en écritures authentiques (étaient) réunis » (cf. ledit arrêt p. 19, antépénultième alinéa et dispositif p. 22, 1er alinéa) ; qu'en considérant qu'il avait été également et définitivement jugé par ce même arrêt que les actes dressés par Me Y... « ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière », la cour d'appel a statué au prix d'une dénaturation par adjonction de cette précédente décision, en violation du principe sus-énoncé. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la requête introductive d'instance formée le 13 octobre 2010 par les époux W... a pour objet l'annulation d'un jugement d'adjudication rendu le 24 mars 1993 par le tribunal civil de première instance de Papeete et la reconnaissance de ce qu'ils sont par conséquent restés propriétaires des immeubles formant les lots n° 1 et n° 2 adjugés à la société civile Leiana, n° 3 adjugé à la SNC Silloux et Cie (Garage Papeava), n° 4 adjugé à N... C... F... épouse B..., et n° 5 adjugé à la SCI Moana Rehi ; que la procédure ayant abouti au jugement d'adjudication du 24 mars 1993 a été engagée par exploit du 10 mars 1992 portant commandement de saisie immobilière, dans lequel les poursuivants ont déclaré agir respectivement comme porteurs des copies exécutoires de huit actes aux minutes de Me Y..., notaire à Papeete, en date des 3 octobre 1985, 3 avril 1986, 29 décembre 1986, 3 avril 1987, 31 juillet 1987, 2 octobre 1987 et 30 mars 1988, contenant chacun obligation hypothécaire par les époux W... O... au profit des porteurs des copies exécutoires desdits actes ; qu'il résulte de l'arrêt rendu le 14 novembre 2001 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, que K... Y... a été prévenu d'avoir, à Papeete depuis temps non prescrit du 10 mai 1985 au 19 juin 1991, effectué des opérations de banque à titre habituel, altéré frauduleusement la vérité de nature à causer un préjudice dans des écrits ayant pour objet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en établissant et en signant des prêts hypothécaires comprenant de fausses mentions relatives au prêteur, à la somme prêtée par celui-ci ou aux intérêts dus, notamment dans des prêts contractés par MM. R..., T..., A..., W..., M..., T..., D... en 1985, 1986, 1987 et fait usage desdits faux commis dans une écriture authentique ; que statuant sur l'action civile exercée notamment par les époux W..., la cour d'appel de Versailles a retenu que les éléments constitutifs de ces délits étaient réunis ; que cette décision est devenue définitive ; que le jugement entrepris a ainsi retenu que les titres authentiques entachés de faux ne pouvaient pas servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière et qu'ils ne pouvaient être ni acceptés, ni confirmés, ni ratifiés ; que le jugement d'adjudication du 24 mars 1991 a été annulé pour ce motif ; que le jugement dont appel a rappelé que, par dire déposé le 4 septembre 1992 pour l'audience éventuelle du 9 septembre 1992, les époux W... avaient contesté la régularité des titres exécutoires en vertu desquels la saisie était opérée, au motif qu'ils étaient issus d'obligations notariées émanant de Me K... Y... qu'ils arguaient de faux, et avaient demandé un sursis à statuer et que ce dire avait été rejeté par un jugement du 9 septembre 1992, confirmé par arrêt du 28 janvier 1993, contre lequel les époux W... ont formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté le 21 juin 1995 ; que c'est sur le même fondement que les époux W... ont engagé la présente instance ; qu'ils font valoir qu'un jugement d'adjudication ne peut intervenir sur le fondement de faux en écritures authentiques ; que l'annulation de l'adjudication doit être prononcé ; que les parties sont alors remises dans l'état antérieur, ce qui est l'objet de leur demande ; qu'en effet, un jugement d'adjudication, qui n'est pas susceptible d'appel (C.P.C.P.F., art. 915), constate seulement le contrat judiciaire que constitue une vente forcée ; que ce n'est que dans cette mesure qu'il peut faire l'objet d'une action en nullité ; que celle-ci n'est pas soumise à la prescription abrégé qui est applicable en matière de vente ordinaire ; que comme déjà jugé par la cour dans un arrêt du 29 juillet 2010 (Epoux R... c/ cts X...), il a été définitivement reconnu par l'arrêt précité du 14 novembre 2001 de la cour d'appel de Versailles que les actes de prêt dressés devant Me Y... en 1985, 1986, 1987, notamment à l'égard des époux W..., constituaient des faux en écritures authentiques qui ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière ; que c'est par conséquent à bon droit que le jugement dont appel a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; que la prescription acquisitive abrégée ne peut bénéficier aux adjudicataires, car le jugement d'adjudication est frappé d'une nullité de fond, l'absence de titre exécutoire valide au support de la saisie immobilière, qui l'empêche d'être un juste titre ; que ce vice a été invoqué dès la procédure de saisie immobilière, ainsi que l'existence d'une instance pénale ayant pour objet de le constater ; que les adjudicataires ne peuvent donc pas non plus se prévaloir d'une propriété apparente ; que l'annulation doit conduire à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement ; que les époux W..., qui sont censés n'avoir jamais été dépossédés de leur bien immobilier, doivent retrouver la propriété des lots adjugés à la SCI Leiana, à la SNC Silloux et Cie, à N... C... F... et à la SCI Moana Rehi, lesquels doivent se voir restituer le prix qu'ils ont payé ; que si les consorts W..., comme l'a constaté le jugement entrepris, ont paru avoir acquiescé à la vente de leurs immeubles, en obtenant de la cour d'appel de Papeete, par arrêts des 2 février et 8 juin 2006, l'homologation de leur accord avec 36 créanciers sur 37 pour la répartition amiable du produit de la vente des 14 lots (dont ceux qui font l'objet de la présente instance) adjugés sur saisie immobilière pour un produit total de 209.100.000 FCFP et en concluant, le 5 juillet 1995 avec la SCI Leiana une transaction par laquelle ils acceptaient que le jugement d'adjudication du 23 mars 1993 produise ses effets à l'égard de celle-ci, ils font valoir à bon droit qu'il est erroné d'en déduire l'existence d'une ratification par eux, au demeurant impossible, de ventes nulles de nullité absolue et d'ordre public, ou même la conclusion avec les adjudicataires d'un accord autonome, qu'ils contestent au vu de leurs demandes réitérées de surseoir à statuer sur les saisies immobilières dans l'attente du jugement de l'action publique sur le faux ; qu'en effet, la procédure de saisie immobilière ne serait pas parvenue à son terme en 1993 s'il avait été sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale, qui n'est intervenue définitivement qu'en 2001 ; que comme cela n'a pas été le cas, les époux W... ont dû se conformer aux décisions de justice définitives qui ont validé la procédure de saisie immobilière en rejetant leurs dires ; qu'or, dans son arrêt du 21 juin 1995 rejetant le pourvoi formé par les époux W... contre un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 28 janvier 1993, la Cour de cassation a retenu que les actes authentiques de prêt continuaient à faire foi en l'état tant qu'une décision pénale n'était pas intervenue à l'encontre du notaire instrumentaire ; qu'il n'en résulte nullement que la reconnaissance ultérieure d'un faux ne remettrait pas en cause la validité des saisies ; qu'il s'ensuit que les consorts W... ne peuvent être privés de l'exercice de leur action en nullité du jugement d'adjudication qui est fondée sur un titre de poursuite reconnu faux, au motif d'actes de gestion de leurs intérêts qu'ils ont réalisés pendant la procédure d'ordre judiciaire, quand celle-ci a été ouverte avant que ledit faux en matière authentique ait été définitivement constaté ; que le jugement dont appel sera par conséquent infirmé de ce chef ; que l'annulation des ventes des lots adjugés par le jugement du 24 mars 1993 conduit à opérer des restitutions ayant pour objet de remettre les parties dans l'état antérieure aux cessions ; que toutefois l'affaire n'est pas en état d'être jugée à cet égard ; qu'ainsi, les consorts W... n'offrent aucune restitution cependant que, même s'ils n'ont pas perçu les prix des adjudications, qui ont été distribués entre leurs créanciers, la valeur de ces prix s'est retrouvée dans leur patrimoine comme étant la contrepartie de l'extinction de leurs dettes, étant rappelé que, par l'effet de l'annulation, leur patrimoine est réputé n'avoir jamais été amputé des immeubles licités ; que la SCI Moana Rehi, la SARL Garage Papeava et N... C F... épouse B... n'ont pas conclu sur la question des restitutions ; que la SCI Leiana demande, à titre subsidiaire, la restitution par les consorts W... du prix qu'elle a payé pour les deux lots qui lui ont été adjugés (145.200.000 FCFP), et de tous les frais et coûts de l'adjudication desquels il doit toutefois être justifié ; que les débats seront par conséquent rouverts de ce chef ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Cour de cassation juge que le titre authentique entaché de faux ne peut pas servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, de sorte que le jugement d'adjudication est nul ; que la nullité du jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ainsi encourue apparaît être une nullité absolue tenant à l'ordre public non de protection, mais de direction, de sorte qu'il ne peut y avoir d'acceptation, de confirmation ou de ratification dudit jugement d'adjudication de la part des consorts W..., étant rappelé que l'autorité de la chose jugée ne s'attache pas à un jugement d'adjudication qui n'est pas une décision juridictionnelle, mais une décision grâcieuse constatant un contrat ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; 1/ ALORS QUE la restitution des biens immobiliers postulant l'annulation préalable du jugement d'adjudication, la cassation à intervenir, sur la base du premier moyen de cassation, du chef ayant annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 entraînera l'annulation, par voie de conséquence, de la disposition ayant déclaré recevable la demande des consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers adjugés par ce même jugement, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QUE, subsidiairement, si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de la nullité a cessé ; qu'en l'espèce, les époux W... ont, d'une part, lors de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 2 février 2006, expressément demandé, tandis qu'ils connaissaient la cause de nullité du jugement d'adjudication, l'homologation de leur accord pour constater que l'ensemble des créanciers avait été rempli de leurs droits et pour solliciter la libération à leur profit des fonds subsistants, soit la somme de 8.625.135 FCP, d'autre part, conclu un nouvel accord avec la société Leiana aux termes duquel ils ont accepté le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; qu'il résultait de ces éléments que les époux W... avaient donné leur accord pour l'homologation d'un accord avec les créanciers qui validait tant les adjudications réalisées que les distributions de deniers ; qu'en se bornant à énoncer que les époux W... n'avaient pu ratifier des ventes nulles et de nullité absolue ou conclure un accord autonome, sans rechercher si les époux W... avaient, par les actes précités, maintenus leur volonté de voir exécuter le jugement d'adjudication du 24 mars 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016) Moyen produit au pourvoi n° Z 18-24.382 par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Moana Rehi Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisies et adjugés par le jugement du 24 mars 1993 et, en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur la nature et sur le montant des restitutions devant être réciproquement effectuées par les consorts W... et, notamment, la SCI Moana Rehi, ensuite de l'annulation des ventes forcées des immeubles adjugées par le jugement du 24 mars 1993 ; Aux motifs que « la prescription acquisitive abrégée ne peut bénéficier aux adjudicataires, car le jugement d'adjudication est frappé d'une nullité de fond, l'absence de titre exécutoire valide au support de la saisie immobilière, qui l'empêche d'être un juste titre. Ce vice a été invoqué dès la procédure de saisie immobilière, ainsi que l'existence d'une instance pénale ayant pour objet de le constater. Les adjudicataires ne peuvent donc pas non plus se prévaloir d'une propriété apparente. L'annulation doit conduire à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement : les époux W..., qui sont censés n'avoir jamais été dépossédés de leur bien immobilier, doivent retrouver la propriété des lots adjugés à la SCI Leiana, à la SNC Silloux et cie, à N... C... F... et à la SCI Moana Rehi, lesquels doivent se voir restituer le prix qu'ils ont payé. Certes, les consorts W..., comme l'a constaté le jugement entrepris, ont paru avoir acquiescé à la vente forcée de leurs immeubles notamment : - en obtenant de la cour d'appel de Papeete, par arrêts des 2 février et 8 juin 2006, l'homologation de leur accord avec 36 créanciers sur 37 pour la répartition amiable du produit de la vente des 14 lots (dont ceux qui font l'objet de la présente instance) adjugés sur saisie immobilière pour un produit total de 209 100 000 F CFP ; - en concluant le 5 juillet 1995 avec la SCI Leiana une transaction par laquelle ils acceptaient que le jugement d'adjudication du 23 mars 1993 produise ses effets à l'égard de celle-ci. Mais les consorts W... font valoir à bon droit qu'il est erroné d'en déduire l'existence d'une ratification par eux, au demeurant impossible, de ventes nulles de nullité absolue et d'ordre public, ou même la conclusion avec les adjudicataires d'un accord autonome, qu'ils co+ntestent au vu de leurs demandes réitérées de surseoir à statuer sur les saisies immobilières dans l'attente du jugement de l'action publique sur le faux. En effet, la procédure de saisie immobilière ne serait pas parvenue à son terme en 1993 s'il avait été sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale, qui n'est intervenue définitivement qu'en 2001. Comme cela n'a pas été le cas, les époux W... ont dû se conformer aux décisions de justice définitives qui ont validé la procédure de saisie immobilière en rejetant leurs dires. Or, dans son arrêt du 21 juin 1995 rejetant le pourvoi formé par les époux W... contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 28 janvier 1993, la Cour de cassation a retenu que les actes authentiques de prêt continuaient à faire foi en l'état tant qu'une décision pénale n'était pas intervenue à l'encontre du notaire instrumentaire. Il n'en résulte nullement que la reconnaissance ultérieure d'un faux ne remettrait pas en cause la validité des saisies. Il s'ensuit que les consorts W... ne peuvent être privés de l'exercice de leur action en nullité du jugement d'adjudication qui est fondée sur un titre de poursuite reconnu faux, au motif d'actes de gestion de leurs intérêts qu'ils ont réalisés pendant la procédure d'ordre judiciaire, alors que celle-ci a été ouverte avant que ledit faux en matière authentique ait été définitivement constaté. Le jugement dont appel sera par conséquent infirmé de ce chef » (arrêt p 9, § 7 et suiv.) ; Alors que si l'acte nul de nullité absolue ne peut être rétroactivement confirmé, les parties peuvent renouveler leur accord ou maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a disparu ; que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en l'espèce, par arrêt du 14 novembre 2001 devenu définitif, la cour d'appel de Versailles a, statuant sur l'action civile dirigée contre Me Y..., jugé que les éléments constitutifs des délits d'exercice illégal de la profession de banquier et de faux en écriture authentique étaient réunis à l'encontre de M. Y..., de sorte qu'à compter de cette date, il était avéré que les titres authentiques entachés de faux ne pouvaient servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière ; qu'ultérieurement, en 2006, les époux W... ont conclu un accord avec 36 créanciers sur 37 pour la répartition amiable du produit de la vente de 14 lots, dont celui adjugé à la SCI Moana Rehi ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI Moana Rehi a demandé la confirmation du jugement qui avait retenu que cet accord constituait une nouvelle manifestation de volonté de céder les biens saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993 ; qu'en déclarant recevable la demande des consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers adjugés sans rechercher si les consorts W... n'avaient pas, postérieurement à l'arrêt du 14 novembre 2001, maintenu leur volonté d'obtenir l'exécution du jugement d'adjudication et de céder les biens saisis, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
L'action en nullité d'un jugement d'adjudication prononcé à l'issue d'une procédure de saisie immobilière ne tendant pas à l'annulation d'une convention, c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient que l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 réformant le droit des obligations, encore en vigueur en Polynésie française, n'est pas applicable à cette action et que celle-ci est soumise à la prescription trentenaire prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 relative à la prescription encore applicable dans ce territoire. En jugeant ainsi, la cour d'appel ne porte atteinte ni au principe de sécurité juridique ni au droit au respect des biens résultant de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel à cette convention