Faits
stringlengths
572
181k
10
float64
0
1
11
float64
0
1
13
float64
0
1
14
float64
0
1
2
float64
0
1
3
float64
0
1
5
float64
0
1
6
float64
0
1
8
float64
0
1
p1-1
float64
0
1
Le 24 août 1972, le requérant introduisit devant la Cour des comptes un recours visant à obtenir l'annulation d’une décision du ministre de la Défense refusant de lui accorder une pension privilégiée ordinaire, au motif que son infirmité n'était pas due à l'exercice de ses fonctions. Le 6 octobre 1994, le requérant déposa au greffe une demande de fixation de la date de l’audience. Suite à la décentralisation en 1994 de la Cour des comptes, le 6 décembre 1994 le dossier fut transmis à la chambre régionale du Latium de la Cour des comptes. Un rapport d'expertise fut déposé au greffe le 17 janvier 1996. L'audience se tint le 28 février 1996. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 28 mai 1996, la chambre régionale du Latium de la Cour des comptes rejeta la demande du requérant au motif qu'il semblait peu vraisemblable qu'il ait pu contracter une telle infirmité pendant ses deux mois effectifs de service militaire. Le 29 juillet 1996, le requérant interjeta appel devant la chambre centrale de la Cour des comptes. Par un jugement du 8 janvier 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 23 mars 1998, la chambre centrale de la Cour des comptes rejeta l’appel du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Ressortissant belge né en 1948, M. Coëme est ancien membre de la Chambre des représentants et ancien ministre. M. Mazy, ressortissant belge né en 1955, est économiste. La requête no 32548/96 a été introduite à l'origine par M. Stalport, ressortissant belge né en 1950, qui exerçait alors les fonctions d'administrateur général de la Radio-Télévision belge. A la suite du décès de M. Stalport le 7 mai 1997, son épouse et ses filles ont exprimé leur intention de poursuivre la procédure par lettre du 4 juillet 1997. M. Hermanus est un ressortissant belge, né en 1944. Fonctionnaire public, il a été, de 1983 à 1986, échevin de la commune de Jette et, de 1989 à 1996, président de la Société de développement régional pour l'arrondissement de Bruxelles-capitale (SDRB). M. Javeau, ressortissant belge né en 1943, est psychologue. En 1984, M. Javeau, employé de l'association « I », en fut nommé directeur. L'objet social de cette association consistait dans la réalisation d'études de marché et de sondages d'opinion, ainsi que dans la création et le développement de logiciels informatiques. Les études de marché étaient notamment commandées et payées par des tiers issus tant du secteur privé que du secteur public (Etat, établissements publics, partis politiques, etc.). L'association réalisait également des études de marché et des sondages d'opinion de sa propre initiative. Le 22 août 1989, M. Javeau fut licencié pour faute grave, alors qu'il se trouvait aux Etats-Unis. Le 25 août 1989, un juge d'instruction au tribunal de première instance de Bruxelles fut chargé d'une instruction relative à certaines activités de l'association « I ». Le 26 août 1989, M. Javeau fut placé en détention préventive, à son retour des Etats-Unis. On le soupçonnait d'avoir, par des faux en écritures, surfacturé le prix de conventions de recherche conclues par l'association « I », notamment avec l'Etat belge, la Région wallonne et la communauté française. Il aurait profité personnellement et aurait permis à des tiers de profiter des suppléments de prix ainsi versés à l'association. Parmi les personnes qui auraient bénéficié de ces opérations, se trouvaient des personnalités politiques. En octobre 1989, V., l'administrateur délégué de l'association « I », fut également mis en détention préventive et fut remis en liberté en novembre 1989, comme M. Javeau. 15. Le 28 août 1989, M. Hermanus déposa une plainte contre X à propos « de rumeurs calomnieuses qui se [répandaient à son] sujet, en rapport avec le licenciement de M. C. Javeau ». Dans cette plainte, il donnait des explications circonstanciées à propos de deux études qu'il avait confiées à l'association « I », en sa qualité de secrétaire général du ministère de la Communauté française de Belgique. Ces études, dont l'une n'aurait pas été réalisée, furent confiées à l'association « I » sur la base de deux conventions datant respectivement des 16 et 27 novembre 1987 et dont les factures furent payées les 20 janvier et 29 février 1988 par la Communauté française. Dans le cadre des poursuites engagées notamment contre M. Javeau, le juge d'instruction désigna un expert judiciaire, aux fins de mettre à jour le mécanisme mis en place et de déterminer ses responsables ainsi que ses bénéficiaires. L'expert fut notamment chargé de décrire l'état de la comptabilité de l'association, d'étudier ses comptes annuels, de déterminer dans quelle mesure celle-ci aurait ou non une activité d'ordre commercial, d'individualiser les pièces à arguer de faux et de relever tous éléments de caractère frauduleux dans les limites des réquisitions de mise à l'instruction et d'éventuelles réquisitions complémentaires. L'expert déposa un rapport préliminaire en décembre 1989. A la suite de réquisitoires, des rapports d'expertises complémentaires furent demandés par le juge d'instruction. L'un de ceux-ci fut déposé en 1990. Le 28 août 1991, des perquisitions furent effectuées au domicile de M. Hermanus et à ses bureaux d'échevin à Jette. Le 10 juin 1992, le Comité supérieur de contrôle (un organisme indépendant chargé de rechercher les fraudes ou infractions commises à l'occasion du fonctionnement de services publics, d'effectuer des contrôles concernant les marchés publics et de procéder à des vérifications concernant les subventions publiques) entendit M. Hermanus. Un procès-verbal no 2337 fut établi à cette occasion. M. Hermanus fut encore entendu à plusieurs reprises par le comité en 1992 et 1993. Le 8 juin 1993, un enquêteur du Comité supérieur de contrôle interrogea M. Javeau à propos de certains contrats conclus par l'association « I » et notamment trois conventions de 1 200 000 francs belges (BEF), chacune signée par le ministre M. et concernant les entreprises bruxelloises : – à vocation d'exportation, – à vocation de sous-traitance, – qui reçoivent une aide de la Région bruxelloise (sous dossiers IN B/40, B/50 et B/60). Il lui fut notamment demandé si on n'avait pas « effectivement vidé les fonds de tiroir » avant que le ministre M. ne quitte la Région bruxelloise et si on n'avait pas scindé une pré-étude en trois conventions, de manière à éluder le contrôle de l'inspecteur des Finances. Selon le procès-verbal d'audition, M. Javeau y répondit en ces termes : « Oui, effectivement on a passé ces contrats à la fin du mandat du ministre M. à la région bruxelloise comme je viens de vous l'expliquer, mais en ce qui concerne la scission du marché en trois contrats, je pense que c'était simplement pour gagner du temps. En effet, il fallait installer le nouveau ministre-président et une autre procédure aurait entraîné des délais supplémentaires. Si on n'avait pas scindé le contrat il aurait effectivement fallu passer par l'avis de l'inspecteur des finances, et, en cas d'avis défavorable, aller jusqu'au conseil des ministres, pour une convention que M. avait la volonté de faire accepter à quel niveau de la procédure que cela soit. » Le rapport final des expertises comporte six tomes qui furent déposés entre décembre 1993 et mars 1994. Des rapports concernant les demandes d'expertises complémentaires furent encore déposés en janvier et février 1995. Le 2 février 1994, le juge d'instruction inculpa M. Hermanus d'abus de confiance, escroquerie, faux en écritures et usage de faux, ainsi que de corruption de fonctionnaire. L'instruction paraissant révéler des indices d'infraction à charge de personnalités protégées par des immunités ministérielles ou parlementaires à l'égard desquelles des actes de poursuite ou d'instruction ne pouvaient être accomplis que dans les conditions prévues par l'article 59 (membre de la Chambre des représentants ou du Sénat), 103 (ministres) ou 120 (membres des conseils des communautés et régions) de la Constitution, le magistrat instructeur communiqua, dans l'intervalle, son dossier au parquet de la cour d'appel de Bruxelles le 7 février 1994. Le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles considéra qu'effectivement des indices d'infraction semblaient pouvoir être mis à charge de onze personnalités politiques protégées par des immunités ministérielles ou parlementaires, dont M. Coëme et le ministre M. Le 16 mars 1994, M. Stalport fut entendu, en qualité d'ancien chef de cabinet du ministre M., par deux fonctionnaires du service d'enquête du Comité supérieur de contrôle, agissant en exécution de devoirs prescrits par le juge d'instruction chargé des poursuites engagées contre M. Javeau. Cette audition fut consacrée essentiellement aux relations entre M. Javeau et le cabinet du ministre M. et au fonctionnement du cabinet. Elle porta notamment sur trois conventions datées du 15 juin 1989 conclues entre la Région bruxelloise et l'association « I ». Le procès-verbal de cette audition relate cet aspect de l'audition en ces termes : « Q [Question] : Le 17/05/89, Javeau a fait parvenir au cabinet un projet de convention relatif à une pré-étude à réaliser auprès des PME bruxelloises pour un montant de 4 800 000 BEF HTVA. L'étude devait permettre d'établir la liste des entreprises : – à vocation à l'exportation – à vocation de sous-traitance – qui reçoivent une aide de la Région bruxelloise ; quelques jours plus tard, vous signaliez à Javeau que son projet de convention avait été transmis pour examen à l'administration (annexes 116 à 122 du même rapport). Aviez-vous des instructions pour agir dans ce sens ? Vous êtes-vous renseigné sur les possibilités d'appel à la concurrence pour la réalisation d'une telle banque de données ? R [Réponse] : Je n'avais aucune instruction en ce sens. Quant aux renseignements à prendre au niveau d'appel à la concurrence, j'ai laissé ce soin à l'administration, pour les raisons que j'ai déjà évoquées antérieurement. (...) Q : Quelle est la procédure à suivre en cas d'avis défavorable de l'Inspecteur des Finances concernant un projet ? R : Je sais aujourd'hui qu'il était possible de s'adresser au Conseil des Ministres régionaux pour arbitrage ; à l'époque, j'ignorais cette procédure et personne ne m'en a parlé. Il faut savoir que ma volonté était de faire avancer les dossiers et que l'avis de l'Inspection des Finances, en l'occurrence de L., avait un caractère fort réglementaire et peu tourné vers la rentabilité. En substance, j'étais agacé par la lourdeur et l'immobilisme de l'Inspection des Finances. Au sein de mon cabinet, il m'a été conseillé d'agir autrement, à savoir de scinder le contrat en trois, afin que les montants soient inférieurs au montant de 1 250 000 BEF seuil d'intervention obligatoire de l'Inspecteur des Finances. Je tiens à préciser que malgré cette façon d'opérer, j'ai à nouveau soumis le projet scindé à l'Inspecteur des Finances qui, cette fois, a rendu un avis favorable. Q : Nous vous soumettons trois conventions conclues le 15/06/89 entre la Région bruxelloise représentée par le ministre M. et l'association « I » représentée par Javeau (cfr annexes 100 à 111 du rapport d'expertise). Chacune de ces conventions a pour objet une pré-étude à réaliser auprès des PME bruxelloises en vue de déterminer celles qui seraient intéressées à figurer dans une banque de données telle que décrite dans le projet initial. Chacune des conventions concerne l'un des trois critères précédemment énoncé. Elles représentent un coût total pour la pré-étude de 3 600 000 BEF HTVA à comparer au projet initial qui représentait un coût de 4 800 000 BEF HTVA. Cette réduction ne résulte-t-elle pas de la nécessité de diviser le projet initial en 3, puisqu'il y avait 3 critères, tout en évitant que chacune des 3 conventions n'excède 1 250 000 BEF HTVA, seuil d'intervention de l'Inspecteur des Finances. R : Je tiens à répondre ici que j'ai sollicité à nouveau l'avis de l'Inspection des Finances malgré que l'on se trouvait dans chaque cas en dessous du seuil [de] 1 250 000 francs. Je tiens encore à faire remarquer que la scission en trois projets a amené une réduction significative, soit 25 % du coût du volume global. Q : Par ailleurs le fait que Javeau accepte d'effectuer le même travail pour 3 600 000 BEF ne démontre-t-il pas que la convention initiale acceptée par le cabinet et l'administration était surévaluée ? R : La réflexion concernant le prix initial n'est pas fausse mais l'accord à 3 600 000 BEF doit probablement résulter d'un accord tri- ou quadripartite entre le cabinet, l'Administration, l'Inspection des Finances et l'association « I ». C'est une supposition car je ne me souviens plus aujourd'hui des détails précis concernant ce dossier. (...) Q : Nous vous soumettons le bulletin d'engagement relatif à l'une des conventions conclues avec l'association « I » le 15 juin 89. Ce document porte la signature pour engagement de l'Inspecteur des Finances, M. L. en date du 30 juin 89. M. L. avait-il la possibilité de s'opposer à la mise en œuvre de ce contrat, son avis semblant n'avoir pas été sollicité avant la conclusion de la convention ? R : Je rappelle ici que je n'étais pas obligé de transmettre le dossier à L. compte tenu de son montant. Mais, comme je travaillais plus avec l'Administration qu'avec le Cabinet, celle-ci a transmis automatiquement, pour engagement, le bulletin ad hoc à l'Inspecteur des Finances. A mon avis, M. L. a bien dû recevoir la convention avant sa passation. Q : Nous vous signalons qu'à la réception de ces trois conventions, l'Administration n'a attribué qu'un seul numéro d'engagement pour l'une d'entre elles (cfr annexes 130 et 131 du même rapport). Nous vous présentons une série d'autres documents qui indiquent que l'Administration a cru erronément avoir affaire à un seul contrat, à tel point que lorsque l'association « I » lui a adressé 3 factures relatives au payement partiel de chacun des 3 contrats, P. a signalé à Javeau ce qu'il croyait être une erreur de l'association « I ». En effet, il a demandé 3 exemplaires originaux de ce qu'il croyait être une même facture, lesquels ne pouvaient porter 3 numéros différents (cfr annexes 130 à 136 du même rapport). L. n'a donc pu viser pour engagement qu'un seul bulletin relatif à une seule convention ? R : Oui, c'est un fait. Mais ce n'est pas de ma responsabilité. La totalité de la gestion des dossiers était du ressort de l'Administration. (...) Q : En ce qui concerne la signature pour engagement de l'Inspection des Finances pour des conventions d'un montant inférieur à son seuil d'intervention, était-il encore possible que l'Inspecteur rende un avis d'opportunité ? R : Il est vrai que sur le plan du droit administratif, son visa ne semble pas requis pour de tels engagements. Cependant, en ce qui me concerne, et compte tenu de mon manque d'expérience en matière de technique budgétaire, j'ai préféré, en toutes matières, recourir au visa de l'Inspecteur des Finances considérant qu'il s'agissait ainsi pour moi d'une garantie de légalité provenant du conseiller budgétaire du Ministre. Dès lors, si M. L. avait formellement refusé de signer le bulletin d'engagement, je ne serais pas passé outre. Vous me dites qu'il y a contradiction entre ce que je vous explique et la scission du projet initial refusé par M. L. Je vous réponds qu'on m'a conseillé d'agir ainsi et que j'ai veillé à ce que M. L. vise les trois nouvelles conventions. Lecture faite, persiste et signe avec nous. » Par une lettre de soixante-quinze pages datée du 30 juin 1994, le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles transmit au président de la Chambre des représentants « un dossier faisant apparaître, à [son] avis des indices d'infraction à charge de M. (...) Guy Coëme (...) ancien ministre ». Cette lettre précisait : « Il s'agit, notamment, de faits de faux en écritures et usage de faux, escroquerie, abus de confiance et corruption, à titre de coauteur, visés par les articles 66, 193, 196, 197, 213, 214, 246, 248, 491 et 496 du code pénal. Ces faits, pouvant d'ailleurs recevoir d'autres qualifications, (...) auraient été commis à des époques où (il exerçait) des fonctions ministérielles (...). Il en résulte que les dispositions de l'article 103 de la Constitution sont susceptibles de trouver application en l'espèce. » Après une synthèse de l'affaire, le dossier exposait les faits et les indices d'infraction imputés à M. Coëme, la période infractionnelle s'étendant du 30 mars 1981 au 8 décembre 1989. La lettre mettait en cause deux autres ministres ou anciens ministres, ainsi que huit autres parlementaires, le procureur général considérant cependant, en ce qui concerne six d'entre eux, que les faits étaient vraisemblablement prescrits. Le procureur général exposait également un problème général de prescription de l'action publique. En effet, l'article 25 de la loi-programme du 24 décembre 1993, entrée en vigueur le 31 décembre 1993, avait entraîné un allongement du délai de prescription de trois à cinq ans et, selon le texte de cette disposition, cette modification législative s'appliquait à « toutes les actions nées avant l'entrée en vigueur de la loi, et non encore prescrites à cette date ». Le procureur général estimait donc que : « Dans la présente affaire, tous les faits infractionnels commis avant le 1er janvier 1988 sont, pour le moins, prescrits. Pour les faits postérieurs à cette date commence à courir le premier délai de prescription de trois ans, expirant le 1er janvier 1991. Le premier acte interruptif de prescription se situe en août 1989 et, plus précisément, le 25 août 1989, date des réquisitions aux fins d'en informer adressées au juge d'instruction. » Le procureur général adressait cette dénonciation au président de la Chambre des représentants pour permettre à celle-ci « d'exercer les prérogatives qui lui sont dévolues par l'article 103 de la Constitution ». A toutes fins utiles, il sollicitait en outre la levée de l'immunité parlementaire des trois ministres mis en cause, dont M. Coëme et le ministre M. La Chambre des représentants, réunie le 1er juillet 1994 en séance plénière, constitua, selon la règle de la représentation proportionnelle, une commission spéciale. Celle-ci entendit séparément le juge d'instruction, l'expert judiciaire et M. Coëme, assisté de ses avocats. Par délibérations du 8 juillet 1994, la commission spéciale recommanda à la Chambre des représentants d'ordonner le renvoi de M. Coëme devant la Cour de cassation et de ne pas ordonner celui des deux autres ministres. En ce qui concerne le ministre M., elle s'exprima comme suit : « La commission spéciale, écartant tous autres moyens de droit invoqués, décide de recommander à la Chambre des Représentants de conclure – qu'il n'y a pas lieu de renvoyer [le ministre M.] devant la Cour de cassation dans le cadre des conventions IN B040, 050 et 060, et – que pour les autres faits, il n'y a pas lieu pour la Chambre des Représentants de se prononcer dans le cadre de l'article 103 de la Constitution. » La recommandation fut adoptée exactement dans les mêmes termes par la Chambre des représentants, lors de sa séance du 14 juillet 1994, par cent quarante voix contre trente-neuf, avec deux abstentions. A la suite de la décision de la Chambre des représentants, le procureur général près la Cour de cassation estima devoir, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, requérir le premier président de la Cour de cassation de désigner d'urgence un conseiller à la Cour, en qualité de magistrat instructeur, avec mission de compléter et de poursuivre l'instruction des faits, en étroite collaboration avec le juge d'instruction saisi. Par une ordonnance du 21 juillet 1994, le premier président, faisant droit à ces réquisitions, désigna le conseiller F. et le chargea de cette mission. Le 9 mai 1995, le conseiller F. communiqua les pièces de la procédure au procureur général près la Cour de cassation pour réquisitions. A la suite des élections tenues en avril 1995, M. Hermanus exerça, à partir du 6 juin 1995, les fonctions de conseiller au sein du Conseil de la région de Bruxelles-capitale. Le 26 juin 1995, le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles demanda par une lettre adressée au Conseil de la région de Bruxelles-capitale, « eu égard aux prescrits des articles 59, al. 3 et 120 de la Constitution », de lui « faire connaître si le Conseil [estimait] devoir requérir la suspension des poursuites entamées alors que M. Hermanus n'était pas encore revêtu des fonctions » de conseiller régional. Le 10 juillet 1995, le Conseil décida d'« autoriser » les poursuites contre M. Hermanus pour l'instruction de la cause devant une chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Bruxelles et de « réserver sa décision quant à toutes autres formes de poursuites jusqu'à plus ample informé, de manière à apprécier leur compatibilité avec l'exercice de son mandat par l'intéressé ». Le 25 septembre 1995, le procureur général près la Cour de cassation demanda au président du Conseil de la région de Bruxelles-capitale « de bien vouloir prier le Conseil de la région de Bruxelles-capitale de statuer dans le meilleur délai sur la présente demande d'autorisation de poursuites de M. Hermanus devant la Cour de cassation ». Sur avis de sa commission des poursuites, le Conseil décida, en sa séance du 18 octobre 1995, de donner l'autorisation demandée, estimant que « la connexité [était] constatée par l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles du 22 septembre 1995, intervenue après la décision du Conseil du 10 juillet 1995 ». Il estime également que « les questions de la connexité, de la proportionnalité des faits et des conséquences du renvoi devant la Cour de cassation et de la durée raisonnable de l'instruction de la cause, relèvent de l'appréciation du juge du fond et que la commission des poursuites n'a pas à se prononcer ». Entre-temps, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles avait en effet pris, par ordonnance non contradictoire du 22 septembre 1995, une décision de dessaisissement du juge d'instruction désigné. Outre M. Coëme, le ministère public près la Cour de cassation décida de poursuivre devant cette cour sept autres personnes, dont les quatre autres requérants. Il estimait que l'enquête révélait un système de financement illégal d'activités de certains hommes politiques. Il s'agissait de la conclusion, à charge d'autorités publiques, de contrats dont les prix étaient surévalués de manière à permettre au cocontractant de transférer à des tiers une partie du prix pour couvrir les frais de ces activités. Selon lui, les pratiques concernées consistaient à négocier et conclure des contrats pour des études ou sondages divers à réaliser notamment par l'association « I » au « profit » de ministères. Les budgets alloués, dans le cadre de ces contrats, étaient surévalués par rapport au coût réel des études et sondages réalisés et au bénéfice à en escompter. On veillait en outre à éviter la mise en concurrence prévue dans les marchés passés par l'administration qui aurait pu empêcher l'attribution de certains marchés à l'association « I », ainsi que les contrôles internes à l'administration, principalement celui de l'inspection des Finances, qui auraient pu révéler le caractère surévalué de certains prix. Pour ce faire, on veillait à ce que les seuils qui entraînent l'application des réglementations et circulaires en matière de marchés publics et de procédures de contrôle interne à l'administration ne soient pas atteints. Le ministère public reprochait aussi à certains prévenus (dont M. Javeau) le remboursement frauduleux de certaines notes de frais. Il estimait enfin que deux des requérants, MM. Stalport et Mazy, bien qu'ils n'aient pas profité de ces contrats, avaient participé à leur élaboration. Le 3 novembre 1995 à 11 heures, le procureur général près la Cour de cassation reçut les conseils de cinq des personnes mises en cause par l'enquête, dont MM. Coëme et Javeau, pour les aviser des mesures prises pour l'organisation du procès. Le procureur général remit aux participants à la réunion une copie de la citation qu'il se proposait de faire signifier à leurs clients. Il aurait proposé de tenir une audience début janvier 1996. A la suite des protestations des avocats, il aurait reculé l'ouverture des débats au 5 février 1996, en dépit des réserves formulées verbalement par les avocats quant au trop court délai qui leur était imparti pour préparer la défense de leurs clients respectifs. Il aurait aussi précisé que les débats devant la Cour de cassation suivraient la procédure correctionnelle ordinaire. M. Stalport ne fut pas invité à cette réunion. Il a expliqué qu'il n'avait, à l'époque, consulté aucun avocat, ne s'estimant pas mis en cause. Par exploits d'huissier signifiés entre le 8 et le 15 novembre 1995, les huit personnes mises en cause par le ministère public près la Cour de cassation furent citées à comparaître devant cette cour, en date du 5 février 1996, pour y répondre de diverses préventions commises dans le cadre de conclusions de marchés publics confiés à l'association « I », alors que M. Coëme était membre du gouvernement. Seul M. Coëme était concerné par l'article 103 de la Constitution, les autres inculpés étant invités à comparaître, sur le fondement des articles 226 et 227 du code d'instruction criminelle, en raison de la connexité entre les faits qui leur étaient reprochés et ceux imputés à M. Coëme. Par exploit d'huissier signifié le 10 novembre 1995, M. Stalport fut invité à comparaître devant la Cour de cassation sous les préventions de faux en écritures, corruption de fonctionnaire et escroquerie commises dans le cadre de conclusions de marchés publics auxquels il avait été associé en qualité de chef de cabinet du ministre M., lequel n'avait pas été renvoyé devant la Cour de cassation par la Chambre des représentants. Dans la citation, les faits qui lui étaient reprochés étaient précisés comme suit : « A. les premier (Coëme), deuxième (Javeau), troisième (V.), quatrième (Hermanus), cinquième (Stalport), sixième (H.) et septième (Mazy) étant fonctionnaire ou officier public ou coauteur d'un fonctionnaire ou officier public, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, en rédigeant des actes de son ministère, dénaturé leur substance ou leurs circonstances, soit en écrivant des conventions autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties, soit en constatant comme vrais des faits qui ne l'étaient pas, pour notamment : (...) 3) Les deuxième (Javeau) et cinquième (Stalport) le cinquième étant chef de cabinet du ministre de la Région bruxelloise, dans l'intention frauduleuse de permettre l'attribution d'un marché en contournant les règles et procédures relatives aux marchés publics et plus spécialement dans l'intention d'éluder le contrôle de l'Inspection des Finances, avoir substitué ou fait substituer à une convention ayant fait l'objet d'un avis défavorable de l'Inspection des Finances, trois conventions datées du 15 juin 1989 chacune d'un montant inférieur au seuil d'intervention de l'Inspection des Finances mais ayant ensemble le même objet que celle qui avait été rejetée, en l'espèce, notamment, une étude portant sur les petites et moyennes entreprises ; (contrats IN B 040, B 050 et B 060 – voir notamment : RE, T. IV, p. 13 à 19 et annexes 100 à 111 : C 5, f 2 p. 179 : C 12, f 5, p. 2 et 4). » Le 18 janvier 1996, les conseils de divers prévenus adressèrent à la Cour de cassation une demande de remise de l'affaire à une audience ultérieure, faisant valoir qu'il leur était impossible malgré tous leurs efforts d'assurer correctement la préparation de la défense de leurs clients. Dès l'ouverture de l'audience du 5 février 1996, le premier président de la Cour de cassation annonça que l'instruction se ferait conformément aux dispositions de l'article 190 du code d'instruction criminelle. L'audience fut consacrée à une demande de report des débats formulée par plusieurs prévenus afin de disposer du temps nécessaire pour assurer leur défense dans le respect de leurs droits. Ces personnes déposèrent des conclusions à cette fin. Par un arrêt interlocutoire du 6 février 1996, la Cour de cassation estima que ces prévenus avaient disposé du temps nécessaire à la préparation de leur défense aux plans tant pénal que civil. A l'audience du 6 février 1996, M. Coëme déposa des premières conclusions relatives à l'absence d'une loi d'exécution de l'article 103 de la Constitution, malgré la volonté expresse affichée par le Congrès national. Cette carence législative avait fait perdurer la disposition, conçue comme transitoire, adoptée par le Congrès national en vue de combler le vide juridique : l'article 134, alinéa 1er, de la Constitution devenu ultérieurement la disposition transitoire de l'article 103. Il releva d'abord que, si la modification constitutionnelle du 5 mai 1993 avait remplacé les mots « en caractérisant le délit et en déterminant la peine » contenus dans la disposition transitoire de l'article 103 de la Constitution par les mots « dans les cas visés par les lois pénales et par application des peines qu'elles prévoient », cette modification constitutionnelle ne pouvait avoir d'effet rétroactif pour les préventions mises à sa charge relatives à des faits se situant entre le 29 mars 1981 et le 30 novembre 1990, à peine de violer notamment l'article 7 § 1 de la Convention. Il ajouta que si la disposition transitoire donnait à la Cour de cassation un pouvoir discrétionnaire pour juger les ministres accusés par la Chambre des représentants en ce qui concerne leur responsabilité et les peines à infliger, la disposition ne conférait ni à la Cour de cassation ni à la Chambre des représentants un pouvoir analogue concernant le mode de procéder contre eux. En conséquence, la Cour de cassation avait fixé elle-même, d'autorité, les règles de procédure applicables, au mépris du principe de la légalité de la procédure du tribunal. Lors de l'audience du 6 février 1996, M. Coëme déposa des deuxièmes conclusions relatives à la procédure suivie par la commission spéciale de la Chambre des représentants et à la saisine de la Cour de cassation. A l'audience du 7 février 1996, M. Stalport déposa des conclusions selon lesquelles aucune disposition de droit belge ne permettait son renvoi direct devant la Cour de cassation. Dans de nouvelles conclusions, il exposait en outre qu'il n'existait aucune connexité entre l'infraction à sa charge et celle à charge de M. Coëme. Il ajoutait que, si la Cour de cassation devait estimer le contraire, elle devrait alors saisir la Cour d'arbitrage d'une question préjudicielle relative à la violation des principes d'égalité et de non-discrimination de dispositions légales déférant à la Cour de cassation un prévenu n'ayant pas la qualité de ministre. Il invitait donc la Cour à se déclarer incompétente pour le juger à défaut de connexité ou, subsidiairement, de poser à la Cour d'arbitrage la question préjudicielle suivante : « Les articles 226 et 227 du Code d'instruction criminelle en tant qu'ils ont pour effet de déférer à la Cour de cassation, statuant au fond, le jugement d'un prévenu qui n'a pas la qualité de ministre, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 12, 13 et 147 de la Constitution ? » A l'audience du 8 février 1996, M. Coëme déposa des troisièmes conclusions dans lesquelles il demandait à la Cour de cassation de surseoir à statuer sur le fondement des réquisitions du ministère public jusqu'à ce que la Cour d'arbitrage ait statué sur la question préjudicielle suivante : « L'allongement du délai de prescription de l'action publique résultant de l'article 21 de la loi du 17 avril 1978 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale, tel qu'il a été modifié par l'article 25 de la loi du 24 décembre 1993, en tant qu'il s'appliquerait à toutes les actions publiques nées avant son entrée en vigueur et non encore prescrites à cette date, et instaure des délais plus longs, crée-t-il une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, par rapport à la situation de ceux qui connaissent, en fonction de la date à laquelle les faits ont été commis, le délai de prescription du susdit article 21 ancien ? » Au début de l'audience du 12 février 1996, le premier président donna lecture de l'arrêt interlocutoire par lequel la Cour de cassation se déclarait régulièrement saisie et compétente et disait n'y avoir pas lieu à poser à la Cour d'arbitrage les questions préjudicielles proposées par les prévenus à propos de la connexité. La Cour de cassation motiva son arrêt en indiquant que : « la disposition transitoire de l'article 103 de la Constitution est (...) d'application aussi bien pour les faits postérieurs à la modification constitutionnelle du 5 mai 1993 que pour les faits antérieurs à celle-ci. » La Cour de cassation ajouta que le pouvoir discrétionnaire qui lui était reconnu était limité puisqu'elle était obligée de suivre certaines normes de procédure et elle ajouta ces attendus : « Attendu que, tenue de juger, la Cour doit se conformer quant au mode de procéder, aux dispositions d'application directe dans l'ordre juridique interne, contenues dans la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Constitution, aux règles du Code judiciaire, aux dispositions communes applicables à toutes les procédures pénales et aux principes généraux du droit ; Attendu qu'en donnant à la Cour le pouvoir de juger les ministres « dans les cas visés par les lois pénales », le Constituant s'est référé nécessairement, quant au mode de procédure, à celui qui est prévu par le législateur pour ces cas, à savoir au Code d'instruction criminelle, pour autant qu'il soit compatible avec les dispositions réglant la procédure devant la Cour de cassation siégeant chambres réunies. Attendu que, dans cette mesure, la Cour applique les formes prescrites par le Livre II, Titre premier, Chapitre II, du Code d'instruction criminelle intitulé « Des tribunaux correctionnels » ; Que, légales, accessibles et prévisibles, ces règles garantissent le plein exercice des droits de la défense et un procès équitable ; Qu'en appliquant des règles existantes, la Cour ne fait pas œuvre de législateur. » La Cour de cassation se prononça en ces termes sur la connexité et les questions préjudicielles qui s'y rapportaient : « De la connexité : Attendu que les dispositions des articles 226 et 227 du code d'instruction criminelle ne sont pas l'expression d'un principe général du droit, mais constituent une règle qui est commune et applicable à toute procédure pénale ; Attendu que la connexité ne doit pas nécessairement avoir été constatée au préalable par une juridiction d'instruction ; Que le juge du fond, saisi par un renvoi ou par une citation directe réguliers, apprécie lui-même l'existence de la connexité et, partant, l'étendue de sa saisine et de sa compétence quant aux infractions connexes ; Attendu que la connexité a pour effet que tous les coauteurs ou complices d'infractions connexes sont jugés ensemble par la même juridiction ; qu'il s'ensuit que lorsqu'il y a connexité entre des faits délictueux reprochés à un ministre et des faits mis à charge d'autres justiciables, la compétence attribuée par la Constitution à la Cour de cassation emporte l'attribution de toute la poursuite à cette juridiction qui est de l'ordre le plus élevé ; Attendu que l'article 147 de la Constitution délimite les pouvoirs de la Cour quand celle-ci statue sur les pourvois en cassation ; Que les pouvoirs de la Cour pour juger les ministres emportent, par l'effet de la connexité, ceux de juger d'autres justiciables dont elle est, en cette circonstance, à l'exclusion de tout autre, le juge que la loi leur assigne conformément à l'article 13 de la Constitution ; Attendu que les règles de la connexité, qui sont d'application générale, n'entraînent pas de distinction arbitraire dans le traitement des personnes poursuivies, au sens de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Attendu que, pour le surplus, la Cour aura à apprécier, lors de l'examen du fond, s'il existe un lien de connexité entre les infractions mentionnées dans la citation, qu'il convient à cet égard de lier l'incident au fond ; (...) De la discrimination et des questions préjudicielles : Attendu que les prévenus allèguent que dans la mesure où ils seraient attraits devant la Cour en vertu des règles de la connexité, cette situation créerait une discrimination prohibée par les articles 10 et 11 de la Constitution ; Qu'ils demandent que soient posées à la Cour d'arbitrage des questions préjudicielles tendant à ce qu'elle dise si les articles 226 et 227 du Code d'instruction criminelle, en tant qu'ils ont pour effet de déférer à la cour de cassation statuant au fond le jugement d'un prévenu qui n'a pas la qualité de ministre, violent les articles 10 et 11 de la Constitution ; que le prévenu Stalport formule la même question en se référant aux mêmes articles de la Constitution combinés avec les articles 12, 13 et 147 de celle-ci ; Qu'en outre, le prévenu Javeau demande que soit posée à la Cour d'arbitrage la question relative à un conflit entre les articles 10 et 11 de la Constitution et les articles 226, 227, 479 et 501, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, tandis que les prévenus V., Hermanus et Mazy demandent que soit posée la question relative au conflit entre les articles 10 et 11 précités et les articles 226, 227, 307, 501, alinéa 2, 526, 540 du Code d'instruction criminelle, et 30, 31, 566, 753, 856, 1053, 1084 et 1135 du Code judiciaire « en tant qu'ils consacreraient des principes généraux du droit qui permettraient à la Cour de cassation de connaître des poursuites » ; Attendu qu'à supposer que la privation de la possibilité de se défendre devant les juridictions d'instruction, et la privation d'un double degré de juridiction, ainsi que d'un recours en cassation constituent une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, ceux-ci seraient violés, non par les articles visés dans les conclusions, mais par l'article 103 de la Constitution, conférant compétence à la Cour de cassation pour juger les ministres dans les conditions que cette disposition constitutionnelle détermine ; Attendu que l'article 26 § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage dispose que cette Cour statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions relatives à la violation par une loi, un décret ou une règle visés à l'article 134 de la Constitution, des articles 10, 11 et 24 de celle-ci ; Attendu que les demandes des prévenus ne rentrent pas dans le champ d'application dudit article 26. » Après le prononcé de cet arrêt, un des conseils des prévenus, s'exprimant au nom de l'ensemble de la défense, fit remarquer que la Cour de cassation fixait elle-même les règles de procédure applicables et exprima ses plus nettes réserves en se référant à l'article 6 de la Convention. Il demanda également si elle envisageait de faire procéder, conformément à l'alinéa 2 de l'article 190 du code d'instruction criminelle, à la lecture par le greffier des 30 000 pages qui constituaient le dossier, en expliquant que si l'on faisait référence aux usages du tribunal correctionnel, il ne convenait pas d'en appliquer certains points et pas d'autres. La Cour de cassation ne donna pas suite à cette demande. Au cours de l'audience du 12 février 1996, le procureur général présenta ensuite un exposé de l'affaire, qui se poursuivit le 13 février 1996. Au début de son exposé, il s'exprima notamment en ces termes : « J'examinerai les faits mis à charge de M. Coëme ainsi que les faits et préventions mis à charge de M. Javeau et de V. mais, en ce qui concerne ces deux derniers prévenus, dans la mesure uniquement où ces faits et préventions sont étroitement liés à ceux qui sont reprochés à M. Coëme. M. le premier avocat général quant à lui vous entretiendra des autres faits et préventions mis à charge de M. Javeau et de V. ainsi que ceux reprochés à M. Hermanus. » Selon MM. Javeau et Stalport, le premier président de la Cour de cassation aurait, à un moment donné, interrompu l'exposé du premier avocat général en lui rappelant qu'il ne s'agissait pas, à ce stade des débats, d'un réquisitoire. Le 16 février 1996, la Cour de cassation commença l'interrogatoire des accusés et prévenus. Elle entendit également les parties quant à l'établissement d'un calendrier pour la poursuite de ses travaux et l'ordre du déroulement des débats. A cette occasion, le ministère public proposa d'entendre la défense avant le réquisitoire. Après délibérations, le premier président déclara que la Cour de cassation avait fixé « la poursuite des débats dans l'ordre ci-après : poursuite de l'interrogatoire des accusés et prévenus, plaidoirie de la partie civile, réquisitoire du ministère public, intervention de la défense, répliques éventuelles ». Le 20 février 1996, M. Stalport fut entendu, en même temps que M. Javeau, à propos des faits qui lui étaient reprochés. Le procès-verbal de l'audience du 20 février porte les mentions suivantes : « A l'audience publique du 20 février 1996 de la Cour de cassation, siégeant chambres réunies, en la salle de ses audiences solennelles, où étaient présents et siégeaient : Le premier président Stranard, le président D'Haenens, le président de section Marchal, les conseillers Ghislain, Rappe et Charlier, le président de section Baeté-Swinnen, les conseillers Willems, Lahousse, Jeanmart, Verheyden, Verougstraete, Forrier, Boes, D'Hont, Waûters, Dhaeyer, Bourgeois et Huybrechts ; le procureur général baron J. Velu, le premier avocat général du Jardin, le greffier en chef Vander Zwalmen, assisté du greffier Sluys et du greffier délégué Van Geem, (...) Le prévenu Stalport déclare : J'ai été entendu pour la première et dernière fois le 16 mars 1994, dans le cadre d'une procédure mettant en cause [le ministre] M. ; on m'a dit que j'étais entendu comme témoin, et que je ne devais pas être confronté ; à aucun moment, je n'ai eu l'occasion de faire valoir mes moyens. Je confirme les déclarations que j'ai faites à l'occasion de cette audition. (...) Question à Stalport : Est-il exact qu'à la réception de ce projet vous avez transmis sans autre formalité le projet à l'administration pour examen et qu'après avis favorable de celle-ci vous avez soumis le dossier à l'inspecteur des finances le 23 mai 1989 ? Réponse de Stalport : Oui, le projet faisait partie d'un ensemble soumis à l'administration qui portait sur une somme globale de 20 millions. C'est ce moment [montant] qui a causé l'avis défavorable, aussi en raison des divergences entre les avis de l'administration et l'inspection des finances. (...) Question à Stalport : Quel est, selon vous, le motif pour lequel ont été signées le 15 juin 1989, en dépit de l'avis négatif de l'inspection des finances, trois conventions qui font l'objet de la prévention et qui ont exactement, pour l'ensemble, le même objet, chacune étant toutefois limitée au montant de 1 200 000 francs ? Réponse de Stalport : Après le refus j'ai interrogé le ministre. Il m'a confirmé l'opportunité politique de poursuivre. J'ai cherché une solution moins chère. Quelques semaines plus tard mes collaborateurs m'ont présenté un nouveau projet. Question à Javeau : Cela ne démontre-t-il pas que le [prix] de départ de 4 800 000 frs était surévalué ? Réponse de Javeau : Non, Stalport a bien répondu, on a modifié le projet. Question à Stalport : La procédure en vigueur, n'imposait-elle pas au ministre en présence du refus de visa de l'inspecteur des finances de recourir à l'arbitrage du ministre du budget et dans l'hypothèse où celui-ci aurait également émis un avis négatif d'user de la possibilité de porter l'affaire devant le Conseil des ministres qui aurait tranché en dernier ressort ? Réponse de Stalport : M. était également ministre du budget. On a voulu se lancer dans un projet beaucoup plus limité, on a fait une pré-étude. J'estime que la solution du saucissonnage n'a pas été adoptée pour échapper au contrôle des finances. Si on avait suivi les procédures administratives, le projet n'aurait pas pu être initié. Ma fonction de chef de cabinet m'imposait de faire en sorte que les choses aillent vite. Si on n'a pas suivi la procédure classique, il y a toutefois eu un contrôle des finances. (...) Question à Stalport : Qui a décidé au niveau du cabinet de passer outre à l'avis négatif de l'inspecteur des finances et de scinder la convention de manière à ne pas être lié par l'avis en question ? Réponse de Stalport : La décision de poursuivre a été prise par le ministre, la solution ayant consisté à réduire la portée du projet initial. Quel que soit le montant engagé, l'inspection des finances avait un pouvoir de contrôle et d'avis. Même si la convention était limitée au point de vue financier, elle restait correcte au niveau de la transparence. (...) Question à Stalport : Vous avez déclaré en substance (p. 9540) que vous étiez agacé par la lourdeur et l'immobilisme de l'inspection des finances et qu'au sein de votre cabinet, il vous a été conseillé d'agir autrement à savoir de scinder le contrat en trois afin que les montants soient inférieurs au montant de 1 250 000 francs, seuil d'intervention obligatoire de l'inspecteur des finances et vous avez ajouté que malgré cette façon d'opérer vous aviez à nouveau soumis le projet scindé à l'inspecteur des finances qui cette fois a rendu un avis favorable et que la scission en trois du projet avait amené une réduction significative de 25 % du coût du volume global. Confirmez-vous cette appréciation de votre comportement ? Réponse de Stalport : Oui, car la procédure de l'inspection des finances durait un certain temps ; on voulait travailler vite et on est revenu à une autre procédure, ayant toutefois un visa de l'inspection des finances, plus rapide, mais qui maintenait le contrôle ; je disposais de peu de temps et il fallait trouver une solution en ayant recours à une procédure plus rapide, celle du visa sur le bulletin d'ordonnancement. Je savais qu'il fallait rendre compte au ministre : j'ai insisté pour que l'inspection des finances appose sa signature dans chaque dossier et cela a été fait même pour ceux où ce n'était pas obligatoire. Question à Stalport : Avez-vous eu connaissance de la note adressée à C. ministre de l'Exécutif de la Région de Bruxelles Capitale le 11 septembre 1989 par L., Inspecteur général des finances (p. 9270) et concluant au caractère tout à fait contestable de la poursuite de l'exécution des trois conventions et au blocage des paiements de toutes factures par la Région même en présence de factures régulièrement établies d'un point de vue formel ? Réponse de Stalport : J'ai eu connaissance a posteriori des reproches de L. Je ne sais pas si L. ne connaissait qu'une seule convention. Dans les reproches, je pense qu'il fait référence à trois conventions de 1,5 million. Il était donc au courant qu'il y avait trois conventions. Sur interpellation Javeau déclare : le saucissonnage répondait à des contingences réelles. S.I. du premier avocat général : L'administration a réceptionné trois conventions et n'a effectué qu'un seul engagement croyant qu'il s'agissait de trois exemplaires d'une seule convention. Stalport se souvient-il de cette équivoque qui s'est répétée pour les trois conventions ? Réponse de Stalport : On m'aurait signalé l'erreur mais je n'étais plus là depuis le 18 juin 1989. » Le 4 mars 1996, M. Stalport déposa de nouvelles conclusions selon lesquelles il n'existait aucune connexité entre les faits retenus à sa charge et ceux à charge de M. Coëme et qu'il y avait donc lieu de le renvoyer devant son juge naturel, le tribunal correctionnel. Au cours des débats, M. Hermanus demanda, pour sa part, à la Cour de cassation de poser une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage concernant la prescription de l'action publique. Il demandait qu'à défaut la Cour de cassation constatât la prescription de l'action publique à son égard. Il souleva en outre qu'il n'existait aucun lien de connexité entre les faits qui lui étaient reprochés et ceux reprochés à M. Coëme. Il fit aussi valoir un dépassement du « délai raisonnable » pour l'examen de sa cause. Sur le fond, il soutenait qu'il avait agi sans intention délictueuse. La Cour de cassation rendit son arrêt le 5 avril 1996. Elle décida d'abord qu'il existait un lien de connexité avec les faits reprochés à M. Coëme et ceux imputés aux autres prévenus en se prononçant comme suit : « Attendu qu'au sens des articles 226 et 227 du Code d'instruction criminelle, la connexité est le lien qui existe entre deux ou plusieurs infractions et dont la nature est telle qu'il commande, en vue d'une bonne administration de la justice et sous réserve du respect des droits de la défense, que les causes soient jugées ensemble et par le même juge, celui-ci pouvant ainsi apprécier la matérialité des faits sous tous leurs aspects, la régularité des preuves et la culpabilité de chacune des personnes poursuivies ; Attendu que l'accusé et les prévenus sont poursuivis simultanément pour des faits qui ont été révélés par la même instruction ; que ces faits font partie d'un système géré par Camille Javeau, plaçant l'association « I » à la conjonction des intérêts financiers de la recherche scientifique et des intérêts personnels de ses dirigeants et de tiers ; que de l'aveu de Camille Javeau, ce système consistait à rechercher la conclusion de conventions avec les pouvoirs publics portant sur des études à réaliser par l'association « I. » ou par l'institut [...], en accompagnant les contrats d'avantages destinés à des hommes politiques dont le pouvoir de décision, l'influence ou l'avenir présumé devaient assurer l'efficacité et la continuité dudit système ; Que tous les faits mis à charge de l'accusé et des prévenus s'inscrivent dans ce système en manière telle qu'il existe entre ces faits un lien justifiant l'application des articles 226 et 227 du Code d'instruction criminelle ; Attendu qu'à supposer que cette application ait pu entraîner, en l'espèce, tous les inconvénients et désavantages dont les prévenus se plaignent, elle n'a pas entravé le plein exercice de leur droit de contester la recevabilité des poursuites et le bien-fondé des préventions mises à leur charge, de faire valoir tous leurs moyens de défense et de présenter à la Cour toutes demandes qu'ils auraient estimées utiles au jugement de leur cause. » La Cour de cassation refusa en outre de poser à la Cour d'arbitrage une question préjudicielle concernant la prescription en exposant : « Attendu que Guy Coëme soutient en conclusions que l'allongement du délai de prescription « en tant qu'il s'appliquerait à toutes les actions publiques nées avant son entrée en vigueur et non encore prescrites à cette date, et instaure des délais plus longs, crée une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, par rapport à la situation de ceux qui connaissent, en fonction de la date à laquelle les faits ont été commis, le délai de prescription de l'article 21 ancien » ; Que Jean-Louis Mazy soutient que la loi établissant le nouveau délai de prescription s'applique à toute action née avant sa date d'entrée en vigueur et non encore prescrite à cette date, et que, partant, l'extinction de l'action publique par prescription dépend de la date des actes interruptifs ; qu'il en déduit qu'en l'espèce l'application des articles 25 et 26 de la loi-programme du 24 décembre 1993 crée une discrimination prohibée par les articles 10 et 11 de la Constitution ; Que Merry Hermanus soutient également que « seule la date des actes interruptifs de prescription dicte en ce qui le concerne l'application de la loi nouvelle ou le maintien de l'application de la loi ancienne » ; Attendu que l'accusé et les prévenus précités demandent, dans le dispositif de leurs conclusions, que la Cour pose à la cour d'arbitrage une question préjudicielle relative à un conflit existant, selon eux, entre les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 25 de la loi du 24 décembre 1993 allongeant les délais de prescription ; Qu'il appert de ces conclusions que l'inégalité de traitement dont ils se plaignent résulte, selon les intéressés eux-mêmes, uniquement de la date à laquelle des actes d'instruction ou de poursuite ont été accomplis et de l'effet de tels actes sur le cours de la prescription, mais non des dispositions de l'article 25 de la loi du 24 décembre 1993 ; Qu'ainsi ils critiquent non une distinction que créerait cette loi, mais les effets découlant nécessairement de toute application de la loi de procédure pénale dans le temps ; Attendu que les questions soulevées ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la cour d'arbitrage et qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de les poser ; » La Cour de cassation constata par ailleurs que l'action publique n'était pas prescrite à l'égard de MM. Coëme et Hermanus, en s'expliquant comme suit : « Attendu qu'une loi nouvelle a, en matière de procédure pénale, un effet immédiat de sorte qu'elle s'applique à toutes les actions publiques nées avant la date de son entrée en vigueur et non encore prescrites à cette date en vertu de la loi ancienne ; Que les délits non prescrits le 31 décembre 1993 le seront, sauf cause de suspension de la prescription, à l'expiration d'un délai de cinq ans à partir des faits, éventuellement prolongé d'un nouveau délai de cinq ans à partir d'un acte interruptif régulièrement accompli avant l'expiration du premier délai de cinq ans ; Attendu que la prescription de l'action publique, étant l'extinction par l'écoulement d'un certain temps du pouvoir de poursuivre un prévenu, dictée par l'intérêt de la société, les lois de prescription ne touchent pas au fond du droit ; que lorsqu'elles allongent le délai de prescription, elles n'ont pas pour effet d'aggraver la peine applicable au moment où l'infraction a été perpétrée ni de réprimer une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, n'était pas punissable ; que les articles 7 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et 15 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques ne leur sont pas applicables ; Attendu que c'est à la date du jugement qu'il y a lieu de se placer pour apprécier en définitive la prescription de l'action publique et que la nature de l'infraction se détermine non d'après la peine applicable, mais d'après la peine appliquée ; que dès l'origine la prescription de l'action publique relative à un fait constituant en principe un crime peut être influencée par la peine appliquée ; que dans l'hypothèse où la Cour, après avoir déclaré établis les faits de faux et d'usage de faux, admettrait des circonstances atténuantes, dénaturant ainsi ces crimes et leur imprimant le caractère de délit, le délai de prescription de ces infractions serait celui des délits, c'est-à-dire de cinq ans ; Attendu que, si plusieurs faits délictueux sont l'exécution successive d'une même résolution criminelle et ne constituent ainsi qu'un seul délit, celui-ci n'est entièrement consommé et la prescription de l'action publique ne commence à courir, à l'égard de l'ensemble des faits qu'à partir du dernier de ceux-ci, à condition, toutefois, que chaque fait délictueux antérieur ne soit pas séparé du fait délictueux ultérieur par un laps de temps plus long que le délai de prescription applicable, sauf interruption ou suspension de la prescription ; (...) Attendu que les faits reprochés à l'accusé et au prévenu se situent : – pour G. Coëme entre le 29 mars 1981 et le 1er décembre 1989, le dernier fait datant du 30 novembre 1989 ; (...) – pour M. Hermanus entre le 1er décembre 1987 et le 1er mars 1988, le dernier fait datant du 29 février 1988 ; (...) Attendu que ces faits, à les supposer établis, constituent l'exécution d'une même résolution délictueuse ; que, pour chacun des intéressés, la prescription de l'action publique ne commence à courir, à l'égard de l'ensemble des faits qui les concernent, qu'à partir du dernier de ceux-ci, qui en l'espèce n'est pas séparé des autres par un laps de temps plus long que le délai de prescription en vigueur ; Attendu que la loi du 24 décembre 1993 portant de trois à cinq ans le délai de prescription de l'action publique relatif aux délits et, par conséquent, aux crimes correctionnalisés, est applicable à l'accusé et aux prévenus, la prescription de trois ans n'étant pas atteinte lors de l'entrée en vigueur de ladite loi et ayant été valablement interrompue en ce qui concerne l'accusé et les prévenus, le 22 février 1991 par le procès-verbal no 480 (p. 14690) du Comité supérieur de contrôle, acte d'instruction accompli pendant l'ancien délai de trois ans ; (...) Qu'en conséquence, le délai originaire de prescription de cinq ans a pris cours : – à l'égard de G. Coëme le 30 novembre 1989 ; (...) – à l'égard de M. Hermanus le 29 février 1988 ; Attendu que ce délai a été valablement interrompu le 10 juin 1992 par le procès-verbal no 2337 du Comité supérieur de contrôle ; Qu'il s'ensuit que l'action publique n'est prescrite pour aucun des faits visés par la citation. » La Cour de cassation déclara établis la plupart des faits reprochés à M. Coëme et condamna ce requérant à une peine d'emprisonnement de deux ans, avec sursis à l'exécution pendant une période de cinq ans, et à une amende de 1 000 BEF, portée à 60 000 BEF. Elle lui interdit également d'exercer tous les droits énumérés à l'article 31 du code pénal pour un terme de cinq ans et le condamna solidairement avec un autre prévenu à payer à la partie civile, l'association « I », les sommes de 476 000 BEF, 31 970 BEF et 42 070 BEF. La Cour de cassation déclara établies les préventions retenues à charge de M. Mazy et le condamna à une peine d'emprisonnement de neuf mois, avec sursis à l'exécution pendant une période de trois ans, et à une amende de 500 BEF, portée à 30 000 BEF. La Cour de cassation condamna M. Stalport à une peine d'emprisonnement de six mois, avec sursis à l'exécution pendant une période d'un an, et à une amende de 26 BEF, portée à 1 560 BEF, après avoir déclaré établie la prévention retenue à sa charge en se fondant sur les constatations suivantes : « Attendu que le 30 mai 1989, l'inspection des Finances a émis un avis défavorable (p. 18684) sur un projet de convention par laquelle l'association « I » s'engageait à effectuer, pour la Région bruxelloise « une pré-étude auprès de toutes les entreprises bruxelloises », le coût global de l'étude s'élevant à 4 800 000 francs hors TVA (p. 18689 à 18694) ; Attendu que le 15 juin 1989 ont été signées par M. représentant la Région bruxelloise et Camille Javeau représentant l'association « I », trois conventions, chacune d'un coût forfaitaire de 1 200 000 francs (p. 18699 à 18710) ; Que par ces conventions, l'association « I » s'engageait à effectuer une « pré-étude » : a) « auprès des PME à vocation de sous-traitance » (1ère convention) b) « auprès de toutes les entreprises aidées par la Région bruxelloise » (2ème convention) c) « auprès des PME à vocation à l'exportation » (3ème convention) Que le 15 juin 1989, jour de la conclusion des conventions, celles-ci ont été transmises, sous la signature du ministre, à l'administration (p. 18681) ; que le 30 juin 1989, l'inspection des Finances a visé le bulletin d'engagement pour une des trois conventions sans émettre d'observation (p. 18680) ; Attendu qu'il ressort de la comparaison du projet de convention initiale et des trois conventions nouvelles que la circonstance que l'objet et le prix de la convention initiale ont été réduits dans les trois conventions nouvelles n'empêche qu'il s'agit toujours du même concept et but initial, c'est-à-dire du même marché ; Attendu qu'il ressort des déclarations de Jean-Louis Stalport (p. 9540) et de Camille Javeau (p. 2905) que le but de la scission était d'éluder l'avis obligatoire de l'inspecteur des Finances ; Que l'avis de l'inspecteur des Finances auquel Jean-Louis Stalport fait allusion est la signature pour visa requise pour l'engagement de la dépense, apposée le 30 juin 1989, postérieure à la passation du marché et ne révèle rien quant à la volonté de transparence alléguée par le prévenu (p. 1304) ; Attendu que ni la circonstance que, si le marché n'avait pas été scindé, sa passation aurait de toute façon été autorisée, ni celle que les trois conventions auraient été soumises à l'avis non obligatoire de l'inspecteur des Finances, ne sauraient justifier la scission artificielle du marché ; Attendu que l'intention frauduleuse que la prévention requiert ne doit exister que dans le chef de l'auteur de l'infraction ; Qu'à l'égard des coauteurs, il suffit qu'ils aient apporté à son exécution une aide nécessaire ou qu'ils l'aient directement provoquée, qu'ils aient eu une connaissance positive des éléments constituant le fait principal et qu'ils aient eu la volonté de s'associer de la façon prévue par la loi à la réalisation de l'infraction ; Que dans l'intention frauduleuse de satisfaire la sollicitation de Camille Javeau, agréée par le ministre M. Jean-Louis Stalport a apporté l'aide nécessaire à la réalisation du but poursuivi dans le temps imparti ; (...) » La Cour de cassation déclara ensuite établies les préventions retenues à charge de M. Hermanus et le condamna à une peine d'emprisonnement d'un an, avec sursis à l'exécution pendant une période de cinq ans, et à une amende de 500 BEF, portée à 30 000 BEF. Elle lui interdit également d'exercer tous les droits énumérés à l'article 31 du code pénal pour un terme de cinq ans. La Cour de cassation estima que M. Hermanus avait été jugé dans un délai raisonnable, en se fondant sur les considérations suivantes : « Attendu qu'il ressort du dossier : – que le 7 août 1989, le comité supérieur de contrôle a transmis le procès-verbal initial au procureur du Roi à Bruxelles (p. 1120 à 1094) ; – que le réquisitoire de mise à l'instruction à charge de Camille Javeau et de qui il appartiendra a été tracé le 25 août 1989 (p. 1085) ; – que de très nombreux procès-verbaux ont dû être dressés en raison des multiples auditions et devoirs rendus nécessaires par la nature des faits reprochés aux prévenus ; – que la nature des faits a exigé la désignation, le 20 octobre 1989, d'un expert judiciaire (p. 283) avec une mission impliquant le dépouillement et l'analyse de milliers de pièces et de données informatiques ; qu'à cet égard, il convient d'observer qu'il existait entre les écritures comptables de l'association « I » et de l'institut [...] une interpénétration compliquant la tâche de l'expert ; qu'après avoir déposé une note préliminaire le 26 décembre 1989 (p. 358 à 337), une analyse des comptes bancaires de Camille Javeau le 26 novembre 1990 (p. 373 à 367), une note de réponse aux observations de Camille Javeau le 6 décembre 1990 (p. 460 à 440), une note sur la convention Communauté française D/100 du 24 septembre 1991 (p. 664 à 659), l'expert a déposé successivement les différentes parties de son rapport les 29 décembre 1993, 7 janvier 1994, 21 janvier 1994, 4 février 1994, 3 mars 1994 et 22 mars 1994 (p. 18.256 à 18.157, 17.939 à 17.769, 19.406 à 19.156, 18.909 à 18.811, 17.285 à 17.228, 20.576 à 20.464) ; – que pendant le temps durant lequel l'expert remplissait sa mission et postérieurement, l'instruction s'est poursuivie sans désemparer, ainsi qu'il ressort des procès-verbaux et des inventaires ; – que les devoirs ainsi réalisés révèlent que l'enchevêtrement des faits exigeait la vérification des déclarations des nombreuses personnes concernées et la confrontation des éléments recueillis, avant que le ministère public soit en mesure de prendre ses réquisitions ; – que dès le 30 juin 1994, le dossier a été communiqué au président de la Chambre des Représentants par le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles du fait que paraissaient résulter du dossier des indices d'infractions notamment à charge de Guy Coëme, P. M. et W. C., commises alors qu'ils exerçaient des fonctions ministérielles et que le dernier était encore ministre à la date d'envoi du dossier (p. 26.645 à 26.572) ; Qu'en sa séance plénière du 14 juillet 1994, la Chambre des Représentants a mis Guy Coëme en accusation et l'a renvoyé devant la Cour de cassation ; Que dès le 21 juillet 1994, sur les réquisitions du procureur général, le premier président de la Cour a désigné le conseiller F. en qualité de magistrat instructeur en la présente cause avec mission de compléter et de poursuivre l'instruction des faits en étroite collaboration avec le juge d'instruction V.E. qui, en l'état, restait saisi des mêmes faits en tant qu'auraient existé des indices d'infractions à charge de personnes autres que Guy Coëme ; Que le 9 mai 1995, le conseiller instructeur a communiqué son dossier au procureur général près la Cour de cassation ; Qu'à la demande formulée le 15 juin 1995 par le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles, le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, en sa séance du 10 juillet 1995, a autorisé les poursuites contre le conseiller régional Merry Hermanus « par l'instruction de la cause devant une chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Bruxelles » ; que le juge d'instruction V. E. ayant été dessaisi par ordonnance du 22 septembre 1995 de la chambre du conseil, le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, en sa séance du 18 octobre 1995, a décidé, sur la demande du 25 septembre 1995 du procureur général près la Cour de cassation, d'autoriser les poursuites à charge de Merry Hermanus devant cette Cour ; Que le réquisitoire aux fins de citer à l'audience du 5 février 1996 a été signé le 8 novembre 1995 ; Attendu qu'en raison du lien de connexité pouvant exister entre les faits reprochés à l'accusé et aux prévenus, le sort de chacun ne pouvait, au regard du règlement de la procédure, être dissocié de celui des autres ; Attendu que la Cour ne constate aucune lenteur dans l'exercice des poursuites ; (...) » M. Javeau fut condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans, avec sursis à l'exécution pour la moitié de cette peine, et à une amende de 500 BEF, portée à 30 000 BEF. A la suite de sa condamnation, M. Stalport a dû démissionner des fonctions d'administrateur qu'il exerçait dans diverses sociétés anonymes de droit belge, en application de l'article 1er de l'arrêté royal du 24 octobre 1996. La décision d'interdiction d'exercer les droits énumérés à l'article 31 du code pénal privait, pour sa part, M. Hermanus de toutes ses fonctions, à savoir celles de conseiller régional, d'échevin, de secrétaire général du ministère de la Communauté française et de président de la SDRB. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT A. La Constitution Les dispositions pertinentes de la Constitution coordonnée du 17 février 1994 sont les suivantes : Article 12 « La liberté individuelle est garantie. Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit. (...) » Article 13 « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne. » Article 59 « Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, en matière répressive, être renvoyé ou cité directement devant une cour ou un tribunal, ni être arrêté, qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie. (...) La détention d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre ou sa poursuite devant une cour ou un tribunal est suspendue pendant la session si la Chambre dont il fait partie le requiert. » Article 120 « Tout membre d'un Conseil [régional ou communautaire], bénéficie des immunités prévues aux articles 58 et 59. » Article 147 « Il y a pour la Belgique une Cour de cassation. Cette Cour ne connaît pas du fond des affaires, sauf le jugement des ministres et des membres des Gouvernements de communauté et de région. » B. Les dispositions constitutionnelles applicables au moment des faits, mais depuis lors modifiées L'article 103, alinéa 1er, de la Constitution coordonnée du 17 février 1994 (ancien article 90 de la Constitution du 7 février 1831), disposait : « La Chambre des représentants a le droit d'accuser les ministres et de les traduire devant la Cour de cassation, qui seule a le droit de les juger, chambres réunies, sauf ce qui sera statué par la loi, quant à l'exercice de l'action civile par la partie lésée et aux crimes et délits que les ministres auraient commis hors l'exercice de leurs fonctions. » L'article 103, alinéa 2, de la Constitution coordonnée du 17 février 1994 (ancien article 134 de la Constitution du 7 février 1831) précisait quant à lui : « La loi détermine les cas de responsabilité, les peines à infliger aux ministres et le mode de procéder contre eux, soit sur l'accusation admise par la Chambre des Représentants, soit sur la poursuite des parties lésées. » La Constitution du 7 février 1831 comportait un article 139 qui prévoyait, notamment, qu'il était « nécessaire de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets suivants : (...) 5° La responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir ». Cet article fut abrogé le 14 juin 1971. La loi du 12 juin 1998 portant modification de la Constitution a remplacé l'article 103 de la Constitution par une disposition nouvelle qui énonce que « les ministres sont jugés exclusivement par la cour d'appel », aussi bien « pour les infractions qu'ils auraient commises dans l'exercice de leurs fonctions » que « pour les infractions qu'ils auraient commises en dehors de l'exercice de leurs fonctions et pour lesquelles ils sont jugés pendant l'exercice de leurs fonctions » (article 103, alinéa 1er). Par ailleurs, le nouveau texte précise aussi que « la loi détermine le mode de procéder contre eux, tant lors des poursuites que lors du jugement » (article 103, alinéa 2). Il s'agit désormais de la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des ministres (ainsi que de la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des membres des gouvernements de communautés ou de régions). « La cour d'appel de Bruxelles est seule compétente pour juger un ministre pour des infractions qu'il aurait commises dans l'exercice de ses fonctions », tandis que « pour le jugement d'un ministre pendant l'exercice de ses fonctions, pour des infractions qu'il aurait commises en dehors de l'exercice de ses fonctions, les cours d'appel du lieu de l'infraction, celle de la résidence du prévenu ou celle du lieu où il a été trouvé, sont également compétentes » (article 1er). La loi règle le déroulement des poursuites et de l'instruction, la procédure devant la cour d'appel et les modalités du pourvoi en cassation. Le titre VI de la loi prévoit deux dispositions particulières parmi lesquelles l'article 29 qui dispose expressément : « Les coauteurs et les complices de l'infraction pour laquelle le ministre est poursuivi et les auteurs d'infractions connexes sont poursuivis et jugés en même temps que le ministre. » C. La disposition transitoire Dans l'attente d'une loi de procédure et pour éviter que la justice pénale ne soit paralysée à l'égard des ministres pendant le temps nécessaire à l'adoption de la loi, le Congrès national avait adopté, en 1831, une disposition transitoire afin de régler les compétences de la Chambre des représentants et de la Cour de cassation. Dans sa version originaire, l'ancien article 134 de la Constitution, qui est devenu ultérieurement la disposition transitoire de l'article 103, était formulé dans les termes suivants : « Jusqu'à ce qu'il y soit pourvu par la loi, la Chambre des Représentants aura un pouvoir discrétionnaire pour accuser un ministre, et la Cour de cassation pour le juger, en caractérisant le délit et en déterminant la peine. » Dans le tome II des Novelles de 1935 consacré aux « Lois politiques et administratives », il est exposé que cette disposition visait, d'une part, la responsabilité ordinaire des ministres et, d'autre part, une responsabilité particulière à leur fonction. On pouvait notamment y lire (nos 723 à 725, p. 236) : « Lorsqu'il s'agit de faits prévus par le Code pénal, les peines de ce code sont applicables. Lorsqu'au contraire, il s'agit de faits sur lesquels le Code pénal garde le silence, provisoirement et en attendant qu'il y soit pourvu par une loi, la Chambre des Représentants a un pouvoir discrétionnaire pour accuser les ministres et la Cour de cassation pour les juger en caractérisant le délit et en déterminant la peine. » Dans sa mercuriale du 1er septembre 1976 (Journal des Tribunaux, 1976, spécialement pp. 653-654, nos 4 et 5, ainsi que pp. 658-659, no 19), M. le procureur général Delange soulignait qu'en vertu de la disposition transitoire de l'article 103 (à l'époque 90) de la Constitution, la responsabilité pénale des ministres se trouvait engagée pour toutes les infractions prévues par la loi pénale, la Cour de cassation n'ayant aucun pouvoir discrétionnaire sur ce point (tout au plus pouvait-elle ajouter des incriminations et des peines mais aucunement retrancher quoi que ce soit à la responsabilité pénale ordinaire des ministres). Il y relevait également que « quant à la procédure devant la Cour de cassation, il semble bien qu'à défaut de loi, les règles du droit commun en matière criminelle devraient s'appliquer par analogie » (p. 669). Lors de la modification constitutionnelle du 5 mai 1993, la disposition transitoire de l'article 103 de la Constitution a été modifiée comme suit : « Jusqu'à ce qu'il y soit pourvu par la loi visée à l'alinéa 2, la Chambre des Représentants aura un pouvoir discrétionnaire pour accuser un ministre, et la Cour de cassation pour le juger dans les cas visés par les lois pénales et par application des peines qu'elles prévoient. » Le législateur n'étant cependant jamais intervenu autrement que par voie temporaire, cette disposition transitoire fut en vigueur jusqu'à la modification constitutionnelle de 1998 (paragraphe 68 ci-dessus). D. Les lois d'application de l'ancien article 103 de la Constitution Différentes lois d'application de l'ancien article 103 de la Constitution ont été adoptées. Il s'agissait de lois de circonstance et temporaires. La première de ces lois a été adoptée à la suite d'un duel qui opposa, en 1865, un membre de la Chambre des représentants et le ministre de la Guerre. L'un et l'autre avaient fait usage de leur arme. Comme ces faits étaient constitutifs d'une infraction pénale, le procureur général près la Cour de cassation entendait engager des poursuites. L'un des deux antagonistes étant ministre, il revenait à la Chambre des représentants de le mettre en accusation et une demande fut formulée en ce sens. Cependant la Chambre des représentants n'a accédé à cette demande que moyennant l'adoption préalable d'une loi. Dans le rapport fait au nom de la commission spéciale nommée par la Chambre pour examiner les questions de droit constitutionnel soulevées par ce duel, M. Delcour commenta notamment en ces termes le projet de loi déposé : « Notre commission, messieurs, a été également d'avis que la Cour de cassation est compétente pour statuer sur les faits de complicité ou les délits connexes qui pourraient être imputés à d'autres personnes qu'au ministre poursuivi. Elle s'est référée aux principes généraux du droit. En effet, il ne serait pas rationnel, dit M. Dalloz, que le tribunal d'exception qui, par le grand nombre de juges dont il est composé, par son rang dans la hiérarchie judiciaire, par la solennité de ses formes, présente aux accusés plus de garanties que les tribunaux ordinaires, ne fût pas compétent pour statuer sur les faits de complicité ou sur les délits connexes. C'est ce qui a lieu déjà dans le cas de l'article 479 du code d'instruction criminelle. Lorsque le magistrat inculpé a des complices dans lesquels ne se rencontre pas le même caractère public, ce n'est pas le magistrat qui les suit devant le tribunal correctionnel, ce sont les complices qui suivent le magistrat devant la juridiction supérieure. (...) Il est sans doute de l'intérêt général que le ministre coupable d'un crime ou délit soit livré aux tribunaux, car, comme je l'ai dit plus haut, personne ne peut prétendre à l'impunité en Belgique. Mais, à côté de cet intérêt général vient se placer un autre intérêt public non moins respectable, celui de la complète liberté du ministre pour l'administration de la chose publique à un moment donné. C'est la Chambre des Représentants qui est juge de ce dernier intérêt, devant lequel le premier paraît devoir céder dans certaines circonstances. Je suppose que le ministre de la Guerre ait commis un délit : la situation du pays est critique, lui seul peut pourvoir convenablement à sa défense. Ne faut-il pas, dans une situation aussi grave, que la Chambre des Représentants puisse faire céder l'intérêt de la justice devant cet autre intérêt public plus puissant encore, l'intérêt de la défense de l'Etat et du salut public ? (...) Quant à la Cour de cassation, elle observera les formes prescrites par le code d'instruction, selon le caractère de l'infraction qui lui sera déférée : s'agit-il d'un délit, elle se conformera aux dispositions existantes en matière de délits ; s'agit-il d'un crime, aux dispositions du code qui régissent les cours d'assises ; dans ce dernier cas, la cour jugeant sans intervention du jury, il est clair que les dispositions du code d'instruction criminelle relatives à cette partie de la procédure ne pourront recevoir d'application. » La loi intitulée « Loi relative aux délits commis par les ministres hors de l'exercice de leurs fonctions » fut adoptée le 19 juin 1865. Elle disposait notamment : Article premier « Les crimes et délits commis par un ministre hors de l'exercice de ses fonctions sont déférés à la Cour de cassation, chambres réunies. (...) » Article 7 « La Cour de cassation observe les formes prescrites par le code d'instruction criminelle. (...) » Article 9 « Les contraventions commises par les ministres sont jugées par les tribunaux et dans les formes ordinaires. » Article 10 « La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication et n'aura d'effet que pour le terme d'une année (...) » C'est conformément aux dispositions de cette loi que le ministre de la Guerre et le membre de la Chambre des représentants furent traduits devant la Cour de cassation, jugés et condamnés par celle-ci. Les parties pertinentes de l'arrêt du 12 juillet 1865 se lisent comme suit : « Considérant que l'indivisibilité de la procédure est une conséquence nécessaire de l'indivisibilité du délit et qu'elle emporte l'attribution de toute la poursuite au juge de l'ordre le plus élevé, compétent à l'égard de l'un des prévenus ; Considérant que ce principe d'ordre public, universellement admis en jurisprudence, avait été consacré par une loi publiée en Belgique, celle du 24 messidor an IV, réglant le mode de procéder contre les complices, soit d'un représentant du peuple, soit d'un membre du directoire exécutif, accusé par le pouvoir législatif et traduit devant la haute cour de justice ; que depuis il a été de nouveau confirmé législativement par l'application que le code d'instruction criminelle en a faite en son art. 501 ; Considérant que le lieutenant général baron C., ministre de la Guerre, devant, en exécution de la loi du 19 juin dernier, être jugé par la Cour de cassation, celle-ci se trouve, d'après ce qui est reconnu ci-dessus, légalement saisie de la poursuite dirigée simultanément contre le représentant D., coprévenu ; (...) Par ces motifs, déclare les deux prévenus coupables du délit de duel sans blessures et le premier prévenu coupable du délit de provocation de ce duel. » Le 3 avril 1995, le législateur fédéral a voté une deuxième loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution. Cette loi portait uniquement sur les actes d'instruction qui pouvaient être ordonnés par la Chambre des représentants et sa durée était limitée à neuf semaines. Dans son avis rendu le 23 mars 1995 sur le projet de loi qui devait aboutir à cette loi, la section de législation du Conseil d'Etat se prononça comme suit : « La loi proposée utilise de façon très partielle cette large habilitation qui doit pourtant conduire le législateur à déterminer tant les infractions que peuvent commettre les ministres que les sanctions qui peuvent leur être infligées ou encore la procédure qui peut être mise en œuvre à leur encontre, tant en amont qu'en aval de l'acte d'accusation proprement dit. Cette manière de légiférer est de nature à susciter des difficultés en raison de l'incertitude qu'elle peut, par exemple, laisser planer sur la suite qui serait donnée aux procédures engagées dans de telles conditions. » Le 17 décembre 1996, le législateur a adopté une troisième loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution et qui concernait les ministres fédéraux. Elle autorisait la Chambre des représentants à ordonner que des actes d'instruction soient accomplis à l'égard d'un ministre et elle en déterminait les conditions ainsi que les modalités d'exécution. La loi spéciale du 28 février 1997 concernait les ministres communautaires et régionaux. Ces deux lois resteront en vigueur jusqu'au 1er janvier 1998. E. Les questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage En vertu de l'article 26 § 1 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour d'arbitrage statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions relatives, d'une part, à la violation par une loi, un décret ou une règle visés à l'article 26 bis (134) de la Constitution, des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, d'autre part, à tout conflit entre décrets ou entre règles visés à l'article 26 bis (134) de la Constitution émanant de législateurs distincts et, enfin, à la violation par une loi, un décret ou une règle visés à l'article 26 bis de la Constitution, des articles 6, 6 bis et 17 de la Constitution. Les articles 6 et 6 bis de la Constitution, devenus les articles 10 et 11 en vertu de la modification du 17 février 1994, sont ceux qui reconnaissent le principe de l'égalité des Belges devant la loi ainsi que la jouissance sans discrimination des droits et libertés reconnus. En vertu de l'article 26 § 2 de la même loi, lorsqu'une question préjudicielle est soulevée devant une juridiction, celle-ci doit en principe demander à la Cour d'arbitrage de statuer sur cette question. Toutefois, la juridiction n'y est pas tenue lorsque l'action est irrecevable pour des motifs de procédure tirés de normes ne faisant pas elles-mêmes l'objet de la demande de question préjudicielle. De même, n'y est pas tenue non plus la juridiction dont la décision est susceptible, selon le cas, d'appel, d'opposition, de pourvoi en cassation ou encore de recours en annulation devant le Conseil d'Etat soit lorsque la Cour d'arbitrage a déjà statué sur une question ou un recours qui a le même objet, soit lorsqu'elle estime que la réponse à la question préjudicielle n'est pas indispensable pour rendre sa décision, soit encore si la loi, le décret ou la règle visés à l'article 26 bis (134) ne viole manifestement pas une règle ou un article de la Constitution visés à son paragraphe 1. Dans les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 1989, le ministre de la Justice a justifié le caractère obligatoire de la question préjudicielle par la nécessité d'éviter tout risque d'arbitraire dans les appréciations que les juridictions pourraient porter à cet égard. F. Le code d'instruction criminelle L'article 21, alinéa 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale prévoyait que : « L'action publique sera prescrite après dix ans, trois ans ou six mois à compter du jour où l'infraction a été commise, selon que cette infraction constitue un crime, un délit, ou une contravention. » L'article 25 de la loi-programme du 24 décembre 1993 a modifié cette disposition qui se lit actuellement comme suit : « L'action publique sera prescrite après dix ans, cinq ans ou six mois à compter du jour où l'infraction a été commise, selon que cette infraction constitue un crime, un délit, ou une contravention. » Dans les travaux préparatoires de la loi-programme, on peut lire, à propos de l'article 25 : « Le nouveau délai s'applique à un délai en cours, sans aucune rétroactivité. Tel est également l'avis du ministre. (...) 3ème cas : les faits ont été commis le 1er janvier 1992 et un acte interruptif est intervenu le 15 décembre 1993. Etant donné que l'article 22 n'a jamais été modifié, on peut se poser la question de savoir si les faits seront prescrits au 15 décembre 1996 ou au 15 décembre 1998. (...) Le rapporteur considère que le délai de trois ans qui a commencé le 15 décembre 1993 devient au 1er janvier 1994, cinq ans. La prescription intervient dès lors le 15 décembre 1998 au lieu du 15 décembre 1996. Le nouveau délai s'applique à un délai en cours sans aucune rétroactivité. Telle est également l'opinion du ministre. (Doc. Parl. Ch., S.O. 1993-1994, no 1211/8, p. 11). » La circulaire no 2/94 du 10 janvier 1994 du procureur général près la cour d'appel de Mons, portant sur ce point, comporte notamment ces mots : « Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un acte interruptif intervient avant que la prescription de l'action publique ne soit atteinte, le délai de prescription est prorogé de cinq ans à partir du dernier acte interruptif utile. » L'article 22 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale, qui n'a pas été modifié par la loi du 24 décembre 1993, est rédigé comme suit : « La prescription de l'action publique ne sera interrompue que par les actes d'instruction ou de poursuite faits dans le délai déterminé par l'article précédent. Ces actes font courir un nouveau délai d'égale durée, même à l'égard des personnes qui n'y sont pas impliquées. » L'article 190, alinéa 2, du code d'instruction criminelle dispose ce qui suit en ce qui concerne le déroulement de l'instruction d'audience devant le tribunal correctionnel : « Le Procureur du Roi, la partie civile ou son défenseur, exposeront l'affaire ; les procès-verbaux ou rapports, s'il en a été dressé, seront lus par le greffier ; les témoins pour et contre seront entendus, s'il y a lieu et les reproches proposés et jugés ; les pièces pouvant servir à conviction ou à décharge seront représentées aux témoins et aux parties ; le prévenu sera interrogé ; le prévenu et les personnes civilement responsables proposeront leur défense ; le procureur du Roi résumera l'affaire et donnera ses conclusions ; le prévenu et les personnes civilement responsables du délit pourront répliquer. » La connexité trouve son fondement dans les articles 226 et 227 du code d'instruction criminelle. L'article 226 dispose que la cour d'appel « statuera, par un seul et même arrêt, sur les délits connexes dont les pièces se trouveront en même temps produites devant elle ». Pour sa part, l'article 227 se lit ainsi : « Les délits sont connexes, soit lorsqu'ils ont été commis en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu'ils ont été commis par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les uns pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité. »
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Le 29 septembre 1988, le requérant se présenta à 14 heures, sur convocation, à la brigade de gendarmerie du Lorrain (Martinique), pour être entendu sur la plainte d'un entrepreneur, M. Vildeuil, ancien employeur du requérant, qui le soupçonnait d'avoir saboté ses deux bulldozers. A 14 h 30, le requérant fut placé en garde à vue. Le gendarme Bavarin chargé de l'enquête nota dans son procès-verbal que le requérant, en apprenant que sa femme avait dit aux gendarmes qu'il lui arrivait de se lever la nuit, s'était enfui en courant. Il fut rattrapé cinquante mètres plus loin et ramené à la brigade alors qu'il se débattait. Dans les locaux, il se débattit à nouveau en donnant des coups de pied. Il fut maîtrisé à l'aide du commandant de brigade Gaillard. A 17 heures, le requérant fut examiné par le docteur Thomas qui, après avoir procédé à un examen médical (prise de tension, examen cardiovasculaire et auscultation pulmonaire), ne constata rien d'anormal. Interrogé de nouveau de 19 heures à 23 heures, le requérant nia être l'auteur des faits. En revanche il ne contesta pas s'être enfui de la brigade en courant et avoir résisté aux gendarmes qui tentaient de l'appréhender. En effet, il ressort du procès-verbal d'audition, laquelle eut lieu à 22 heures, que le requérant déclara : « A 14 h 30, lorsque je suis venu dans vos bureaux, à la suite de votre demande, vous m'avez dit que vous me soupçonniez d'avoir saboté les bulls de Vildeuil (...). Vous m'avez dit que mon épouse vous avait dit qu'il m'arrivait de me lever la nuit, c'est à ce moment-là que je me suis enfui en courant. Vous avez pu m'attraper 50 mètres plus loin, je me suis débattu pour que vous me lâchiez mais je n'avais pas l'intention de partir. Lorsque vous m'avez conduit au bureau de la brigade, je me suis de nouveau débattu car je ne voulais pas aller en prison. C'est vrai je voulais partir et si j'étais parvenu à m'enfuir, je serais de nouveau revenu. J'ai en effet tapé des pieds lorsque vous me teniez dans les bureaux et si j'ai donné un coup de pied à l'un de vous, c'est involontairement. (...) Lorsque j'ai voulu m'enfuir, c'était pour rejoindre mon épouse pour la faire venir dans les bureaux pour qu'elle vous dise devant moi si je sortais la nuit. (...) » A 23 h 30, compte tenu des indices graves et concordants de nature à motiver son inculpation pour rébellion, le requérant fut placé en chambre de sûreté jusqu'au lendemain matin 30 septembre à 8 heures. Entendu à nouveau par l'officier de police judiciaire, il avoua alors être l'auteur des détériorations et signa, à 10 h 30, une déclaration en ce sens. De 10 h 30 à 11 h 30, le requérant bénéficia d'une période de repos. A 11 h 30, il fut interrogé encore une fois et confirma ses aveux antérieurs en déclarant au surplus qu'il regrettait d'avoir « bousculé » les gendarmes en tentant de s'enfuir. A 13 heures, le requérant, après avoir signé le procès-verbal de garde à vue et sa dernière déclaration qui, comme les précédentes, lui avait été lue à haute voix parce qu'il affirmait ne pas bien lire ni écrire le français, fut remis en liberté. A. La plainte pénale avec constitution de partie civile déposée par le requérant Le lendemain de sa garde à vue, c'est-à-dire le 1er octobre 1988, le requérant se fit examiner par le docteur Kéclard. Aux termes du certificat médical établi par ce médecin, il est dit que le requérant « (...) porte une forte contusion prédeltoïdienne droite avec limitation de la mobilité de l'épaule droite. [Que] par ailleurs il a des traces d'enserrement aux deux poignets avec douleur et limitation des mouvements. [Qu']il se plaint enfin de douleurs lombaires puis de trouble de la mobilité ; [que] les douleurs s'accompagnent d'une scoliose transitoire due à la rétraction musculaire. [Que] cet état nécessite un arrêt d'activités pendant huit jours et un traitement ». Il prescrivit un arrêt de travail de huit jours. Le 9 octobre 1988, le médecin prolongea l'arrêt de travail jusqu'au 20 octobre 1988. Le 18 novembre 1988, le requérant porta plainte auprès du procureur de la République de Fort-de-France contre les services de la gendarmerie du Lorrain pour coups et blessures volontaires sur sa personne en produisant le certificat du 1er octobre 1988. Aux termes de sa plainte, le requérant déclara : « Le jeudi 29 septembre [1988], (...) j'ai été reçu [à la gendarmerie] à 14 h 15 et avant même de m'asseoir, le gendarme (...) a commencé à me lire un papier sous forme de questions. Il m'a dit que j'ai mis du sable dans les tracteurs de M. Vildeuil, j'ai répondu que cela était faux (...). Il m'a alors dit qu'il irait chercher ma femme. J'ai dit non, car connaissant ma femme, je savais qu'elle aurait refusé de le suivre, par peur, et elle se serait inquiétée. Le gendarme m'a suivi, menaçant, et j'ai couru pour arriver à la voiture. Il m'a alors bousculé, m'a frappé de coups de poing sous prétexte que je serais parti et que je ne reviendrais pas, alors que je me suis présenté comme prévu. Je lui ai dit de me lâcher et nous sommes retournés au bureau. Il continuait à me tenir, de plus en plus fort en me bousculant et m'a jeté (par un judo) sur le pas de la porte d'entrée. Le gendarme a appelé deux de ses collègues qui sont arrivés tout de suite, ils étaient en short, buste nu. L'un s'est mis à cheval sur moi et m'a coincé le bras au dos, l'autre gendarme a mis un pied sur ma tête, et le troisième, après avoir remis le sac de menottes qu'il était allé prendre à celui qui se tenait sur mon dos, m'a tenu les pieds. Ils m'ont mis les menottes, passé la chaîne autour du cou et l'ont rattachée à l'autre bras. J'étais pratiquement étranglé par terre par cette chaîne. (...) Les gendarmes m'ont ensuite envoyé au cachot où je suis resté jusqu'au lendemain sans avoir mangé (...). Ils m'ont sorti le lendemain 30 septembre et m'ont menotté au pied d'une chaise. Le gendarme a réitéré son interrogatoire et m'a demandé (...) si j'avais mis du sable dans un tracteur. J'ai répondu non (...). Le gendarme m'a traité de menteur et de voleur (...). Je n'ai pas discuté et j'ai dit que j'[avais] des droits. Il s'est moqué de moi et m'a fait signer un papier, sans même me le lire, papier qu'il a rédigé. J'ai signé ce papier sans savoir ce dont il s'agissait, du fait non seulement de mes difficultés à lire mais également à cause de son ton menaçant et de ce que je venais de subir, et de mes douleurs de plus en plus vives à l'épaule (...) » Le 30 novembre 1988, compte tenu des termes de cette plainte, une enquête préliminaire fut ouverte par le parquet. Le 12 décembre 1988, une autre plainte fut déposée contre le requérant par M. Remir, toujours pour détérioration d'engins, et une enquête préliminaire fut ouverte. Le 23 février 1989, dans le cadre de cette enquête, le requérant fut placé en garde à vue de 8 h 30 au lendemain matin 8 heures. Il fut entendu par le gendarme Munier, de la brigade du Lorrain (voir le paragraphe 65 ci-dessous) et reconnut les faits. Entre 16 heures et 18 heures, le requérant fut interrogé sur les circonstances de sa garde à vue des 29 et 30 septembre 1988. Aux termes du procès-verbal de cette audition, le requérant déclara : « Le 29 septembre 1988, je me suis présenté à la gendarmerie du Lorrain, car j'étais convoqué. (...) J'ai voulu quitter la brigade pour retrouver mon épouse. Je l'ai fait assez vite (...) Le gendarme m'a rattrapé dans la rue à 50 mètres de la brigade (...). Il m'a tenu et je l'ai saisi au bras pour ne pas le suivre à la brigade. Il m'a tiré jusque dans la cour de la gendarmerie et vu qu'il m'a dit qu'il allait m'enfermer, j'ai voulu m'enfuir. Je me suis débattu parce qu'il me tenait. Deux autres gendarmes pas en tenue sont venus à la rescousse pour me faire entrer dans les bureaux. Ils sont venus car je gesticulais vivement (...). Ils m'ont alors maîtrisé à trois et m'ont mis les menottes et placé dans la geôle. Cinq ou dix minutes après, alors que j'étais calmé, ils m'ont retiré les menottes. (...) A un moment [l'un des gendarmes] m'a sorti, m'a attaché une main avec les menottes et a accroché l'autre menotte à une chaise. Entendu par lui, j'ai reconnu avoir saboté le bull de Vildeuil en mettant du sable dans son moteur. C'est vrai je confirme avoir commis ce méfait (...) Je n'ai pas écrit de lettre au procureur de la République. Compte tenu que j'avais mal à mon bras suite à la lutte avec les gendarmes je suis allé [consulter un médecin] (...) qui m'a dit d'aller voir un avocat. Je suis allé voir Maître Manville [qui a écrit une lettre] (...). Je savais lorsque j'ai signé cette lettre que c'était pour porter plainte contre les gendarmes mais je n'ai pas bien compris ce qui était écrit dans la lettre, j'en ai compris seulement une partie. Je maintiens que les gendarmes ont fait tout ce qui est marqué dans la lettre, mais ils l'ont fait car je me rebellais et me débattais car je ne voulais pas rester à la gendarmerie, je voulais retourner voir ma femme. Lorsque j'ai signé cette lettre j'en ai compris le sens. J'ai déposé plainte contre les gendarmes parce que j'étais chaud, j'étais énervé après eux et que j'aime être libre et non enfermé. Maintenant je regrette ce que j'ai fait parce que je sais que j'avais tort. » Le 27 février 1989, des gendarmes d'une autre compagnie, celle de La Trinité, furent chargés par le parquet de recueillir des renseignements au sujet de la plainte déposée par le requérant le 18 novembre 1988. Le 28 février 1989, les gendarmes de La Trinité entendirent le docteur Kéclard à son cabinet, entre 9 h 20 et 10 heures, en qualité de témoin. Lors de cette audition, celui-ci déclara : « (...) Le 1er octobre dans la matinée, j'ai effectivement examiné le nommé Caloc Adrien. Il présentait des douleurs cervicales et lombaires avec traces de contusions. Il m'a déclaré avoir été battu par la gendarmerie du Lorrain. Ce patient ne m'a pas précisé la date des faits, mais d'après mes constatations ceux-ci pouvaient remonter à la veille ou l'avant-veille. A sa demande je lui ai remis un certificat descriptif médical (...). Ce même jour, je lui ai prescrit une radiographie du rachis cervical, du rachis lombaire et de l'épaule droite. Le 3 octobre 1988, le malade m'a rapporté les clichés (...). Cet examen n'a révélé aucune lésion osseuse ou articulaire. J'ai revu Caloc le 12 octobre 1988 à sa demande et devant la persistance des douleurs de l'épaule droite, j'ai prescrit un complément de traitement médical. Le 29 octobre 1988, les douleurs n'ayant pas cédé aux traitements médicaux, je l'ai adressé au kinésithérapeute. Je précise que le 29 octobre 1988, M. Caloc se plaignant cette fois-ci de l'épaule gauche, j'ai prescrit une nouvelle radio de l'épaule gauche, le résultat n'a montré aucune lésion osseuse ou articulaire. J'ai demandé le traitement uniquement pour l'épaule gauche. Le traitement a été suivi par mon client, d'ailleurs le kinésithérapeute m'a fait part des résultats positifs du traitement. Je n'ai plus revu M. Caloc depuis le 29 octobre 1988. Le 1er octobre 1988, lorsque j'ai examiné M. Caloc, celui-ci ne m'avait pas parlé des souffrances de son épaule gauche. Il ne s'est plaint de celle-ci que le 29 octobre 1988, sans faire allusion aux motifs ayant occasionné sa douleur. Lorsque j'ai examiné l'épaule gauche de mon patient, je n'ai pas noté de diminution de la mobilité ni de déformation, mais devant sa plainte douloureuse, j'ai prescrit la radiographie et par la suite le traitement kinésithérapeutique complémentaire. » Le requérant fut également entendu par l'équipe de recherche de la compagnie de La Trinité et placé en garde à vue du 28 février 1989 à 15 h 30 jusqu'au 1er mars 1989 à 11 heures. Il ressort du procès-verbal d'audition que la garde à vue fut décidée sur instructions du procureur de la République pour les nécessités d'une enquête en présomption de dénonciation calomnieuse contre les gendarmes. Lors de son interrogatoire, le requérant déclara : « Suite à votre convocation, je me suis présenté spontanément à vos services. Je reconnais avoir pris connaissance de ma déclaration faite à la gendarmerie du Lorrain le 23 février 1989 [voir la deuxième procédure diligentée contre le requérant] (...). Je n'étais pas d'accord avec cette déposition (...) et comme je ne voulais pas contrarier les gendarmes, j'ai apposé ma signature à cette déposition mais il ne s'agit pas de ma vraie signature. Je tiens à m'expliquer sur les faits qui m'ont incité à déposer plainte auprès de Monsieur le procureur de la République contre les gendarmes du Lorrain. (...) Comme je ne voulais pas que les gendarmes aillent chez moi, j'ai pris la décision de quitter la brigade (...). Le gendarme (...) m'a rattrapé sur la route, m'a dit de retourner à la gendarmerie. J'ai suivi le gendarme après avoir opposé une certaine résistance. Une fois à l'intérieur de la cour de la gendarmerie, ce gendarme, pour me faire rentrer dans les bureaux, m'a fait tomber à terre. C'est à ce moment-là que deux autres gendarmes sont arrivés pour l'aider. Je précise que j'ai été frappé par les gendarmes sans raison. (...) Au cours de ma détention (...) j'ai effectivement reçu la visite d'un monsieur en civil. Cette personne m'a pris la tension et m'a demandé si tout allait bien. J'ai répondu que oui, mais je ne savais pas qu'il s'agissait d'un docteur. Je n'avais pas demandé à subir une visite médicale. Si j'avais su qu'il s'agissait d'un docteur, je lui aurais signalé que j'avais été battu par les gendarmes. (...) » Le lendemain, 1er mars 1989, il fut procédé à un nouvel interrogatoire du requérant, à la suite duquel fut établi un procès-verbal aux termes duquel on peut notamment lire : « Question : Avez-vous été victime des brutalités des gendarmes après la visite de celui qui vous a pris la tension ? Réponse : Toutes les brutalités que j'ai dénoncées ont été faites avant la visite de cet homme. Je n'ai pas été battu après par les gendarmes ni n'ai subi aucun autre sévice. Question : Les brutalités dont vous faites état ont-elles été commises pendant votre interpellation ou après ? Réponse : C'est pendant que les gendarmes me maîtrisaient que tous les coups m'ont été portés (...) » A la suite de cette garde à vue, le requérant fut entendu par le procureur de Fort-de-France auprès duquel il réitéra ses déclarations. Le 1er mars 1989 également, le docteur Thomas, qui avait examiné le requérant pendant la garde à vue, fut entendu par l'équipe de recherche de la compagnie de La Trinité. Au cours de cette audition le docteur déclara : « Il est exact que le 29 septembre 1988, dans l'après-midi (...), à la demande de la brigade de gendarmerie du Lorrain, j'ai examiné [le requérant] (...). D'après les dires des gendarmes, cette personne était très agressive. Je précise que j'ai agi sur réquisition de la gendarmerie. Je suis arrivé à la gendarmerie en tenue civile sans blouse, ma trousse de travail à la main. En arrivant les gendarmes m'ont salué en me disant bonjour docteur en me présentant la personne à examiner, en disant à celle-ci ma qualité de médecin. Cette personne ne pouvait pas ignorer ma qualité de médecin. Je ne me rappelle pas si la visite médicale a eu lieu en présence des gendarmes. Le patient m'a paru calme. Je l'ai interrogé il me semble en créole, en lui demandant s'il se plaignait de douleurs. Il m'a fait comme réponse qu'il n'avait rien à signaler. J'ai pratiqué un examen complet sur le patient : prise de tension, examen cardiovasculaire, auscultation pulmonaire, l'examen physique. Je n'ai remarqué aucun signe apparent : trace de coups, hématomes ou autre lors de l'examen. Je ne me rappelle pas si le patient m'a appelé docteur. Je suis formel, lors de l'examen, je n'ai remarqué aucune trace extérieure suspecte et le patient ne m'a rien signalé. (...) » Toujours le 1er mars 1989, la plainte du requérant fut classée sans suite, au motif que les éléments portés à la connaissance du parquet ne pouvaient en l'état justifier des poursuites pénales. Le 3 mars 1989, le requérant réitéra cette plainte devant le doyen des juges d'instruction, avec constitution de partie civile cette fois, pour coups et blessures volontaires. Il désigna nommément les gendarmes Bavarin, Munier et Marchal. Dans sa plainte le requérant affirma que : « Le 29 septembre 1988, j'ai été convoqué à la brigade de gendarmerie du Lorrain (...). N'ayant jamais saboté les bulldozers de Vildeuil, encore moins celui de Monsieur Remir [qui avait également déposé plainte contre le requérant pour sabotage le 12 décembre 1988] (...) j'ai nié les faits dans un premier temps. Mais à la suite de violences graves dont j'ai été la victime, et constatées médicalement par le docteur Kéclard, j'ai reconnu les faits alors qu'ils étaient contraires à la vérité. En effet, le premier gendarme qui m'a interrogé m'a indiqué, alors que je niais les faits, que mon épouse avait déjà reconnu que c'était moi qui étais l'auteur des sabotages commis sur le véhicule de (...) Vildeuil. J'ai donc indiqué au gendarme que j'étais prêt à aller demander des explications à mon épouse. C'est alors que le gendarme m'empêcha de partir et a commencé à me frapper. J'ai protesté contre cette violence illégitime et c'est alors que deux autres gendarmes, le commandant de l'unité et un autre, m'ont enchaîné comme je l'ai indiqué d'ailleurs, m'ont frappé et ensuite mis dans la chambre de sûreté. J'ai été sous la contrainte, et parce que je souffrais de l'épaule et des reins, obligé de reconnaître les faits (...) J'attire votre attention [sur le fait] que le docteur qui est venu sur réquisitions de la gendarmerie ne m'a jamais dit qu'il était médecin, il ne m'a pas examiné et m'a pris la tension avec un appareil. (...) » Compte tenu de la plainte du requérant à l'encontre des gendarmes et conformément à l'article 687 du code de procédure pénale, le procureur de la République de Fort-de-France présenta le 15 mars 1989 à la chambre criminelle de la Cour de cassation une requête en désignation de juridiction d'instruction ou de jugement. Le 14 avril 1989, l'avocat du requérant déposa devant la Cour de cassation un mémoire ampliatif. Par arrêt du 31 mai 1989, la Cour de cassation rejeta cette demande en considérant qu'il n'y avait pas lieu en l'état de désigner une juridiction puisqu'à défaut d'incapacité totale de travail personnel (ITT) supérieure à huit jours, les faits, à les supposer établis, étaient de nature contraventionnelle et non pas délictuelle. Le 15 juin 1989, le requérant se constitua alors à nouveau partie civile contre les gendarmes nommément désignés pour coups et blessures volontaires et le même jour consigna la somme de 5 000 francs français (FRF) fixée par le doyen des juges d'instruction. Le 13 septembre 1989, le ministère public requit l'ouverture d'une information contre les trois gendarmes visés dans la plainte du requérant ainsi qu'une expertise médicale afin d'évaluer la durée de l'incapacité totale de travail. Le 15 septembre 1989, le juge d'instruction désigna un médecin expert, le docteur Cayol, pour déterminer la durée de l'incapacité de travail du requérant. Dans son rapport en date du 29 septembre 1989, le médecin expert conclut : « Après avoir pris connaissance du certificat médical du docteur Kéclard et compte tenu des données tirées de l'interrogatoire et de l'examen pratiqué le 29 septembre [1988], nous pouvons retenir que [le requérant] a présenté le 1er octobre 1988 une contusion de l'épaule droite (après chute de sa hauteur) et des douleurs fonctionnelles des poignets et de la région lombaire, troubles qui ont entraîné : – une incapacité personnelle totale de trois jours ; – une incapacité temporaire totale de travail de dix-neuf jours. Actuellement, [le requérant] est au plan médical apte physiquement à poursuivre, sans changement, l'exercice de son activité habituelle. » Par réquisitions en date du 5 janvier 1990, le procureur demanda que soit déclarée irrecevable la constitution de partie civile du requérant, au motif que les faits dont se plaignait ce dernier, à les supposer établis, ne pouvaient être qualifiés que de contravention de coups et blessures volontaires et non de délit, et étaient donc insusceptibles de faire l'objet d'une constitution de partie civile en application de l'article 85 du code de procédure pénale. Ces réquisitions furent suivies par le juge d'instruction, qui rendit une ordonnance d'irrecevabilité le 10 janvier 1990. Sur appel du requérant, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Fort-de-France confirma l'ordonnance du juge d'instruction le 12 mars 1990. Le 13 mars 1990 le requérant se pourvut en cassation et déposa son mémoire ampliatif le 1er octobre 1990. Par arrêt du 22 janvier 1991, notifié au requérant le 12 mars 1991, la chambre criminelle de la Cour de cassation cassa l'arrêt de la chambre d'accusation de Fort-de-France et renvoya l'affaire devant celle de Basse-Terre (Guadeloupe) aux motifs suivants : « En statuant ainsi sans mieux s'expliquer alors que l'expertise médicale faisait ressortir en outre que les violences alléguées avaient entraîné pour le demandeur une incapacité à reprendre son travail de 19 jours et alors que celui-ci soutenait dans sa plainte avoir été enchaîné, les juges n'ont pas suffisamment justifié leur décision. En se bornant (...) à confirmer l'ordonnance entreprise qui déclarait irrecevable la constitution de partie civile du plaignant (...) la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du principe [de l'indépendance de l'action civile et de l'action publique]. » Le 2 avril 1991, le requérant déposa son mémoire devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Basse-Terre. Par arrêt en date du 16 mai 1991, la chambre d'accusation désigna le président de cette chambre aux fins de compléments d'information. Le 12 août 1991, le président de la chambre d'accusation ordonna un transport sur les lieux dont la date fut fixée au 2 septembre 1991. Le requérant fut entendu le même jour et déclara : « Au cours de la nuit que j'ai passée à la gendarmerie j'ai été attaché avec des menottes contre un mur et je suis resté ainsi debout toute la nuit contre un mur. On m'avait passé une menotte dans chaque main et j'étais de la sorte écartelé, plus exactement chaque menotte était attachée à une chaîne, c'est cette position inconfortable qui a provoqué en moi notamment un traumatisme de l'épaule gauche (...) » Par ordonnance en date du 2 octobre 1991, le président de la chambre d'accusation nomma un deuxième expert, le docteur Ensfelder, qui soumit le 27 décembre 1991 un rapport dans lequel il précisa : « L'intervention à la gendarmerie du Lorrain en date du 29 septembre 1988 a entraîné des douleurs lombaires et des poignets et une contusion de l'épaule droite sans lésion osseuse à la radiographie ayant nécessité un traitement médical complété par une rééducation fonctionnelle. Compte tenu de la nature de ces lésions et des soins dispensés, il est légitime de retenir comme incapacité totale de travail personnel les vingt jours délivrés par le médecin traitant. En effet, la profession de conducteur d'engin sollicite beaucoup les articulations des membres supérieurs, notamment celle de l'épaule et ne peut être exercée sans une intégrité de celle-ci. » Le rapport d'expertise fut notifié au requérant le 18 mars 1992. Le 24 juin 1992, le président de la chambre d'accusation adressa une commission rogatoire au président de la cour d'appel de Metz en vue de l'inculpation du gendarme Marchal, qui avait été entre temps muté en métropole. Le 27 juillet 1992, les gendarmes Munier et Bavarin furent entendus lors d'un interrogatoire de première comparution et inculpés pour coups et blessures sur la personne du requérant. Le gendarme Marchal fut inculpé le 25 août 1992. Le 20 octobre 1992, le président de la chambre d'accusation adressa une demande de renseignements au commandant du groupement de gendarmerie de la Martinique, qui lui répondit le 23 octobre. Le 10 novembre 1992, le président de la chambre d'accusation ordonna un transport sur les lieux. Le 7 décembre 1992, le requérant fut entendu par le magistrat instructeur. Il ressort du procès-verbal de cette audition ce qui suit : « Nous portons connaissance [au requérant] que d'après les éléments que nous avons recueillis après l'inculpation de M. Marchal (...) ce dernier n'était pas en Martinique au moment des faits c'est-à-dire les 29 et 30 septembre 1988. [Le requérant] : Je maintiens cependant ma plainte contre le gendarme Marchal (...) mais je ne connais pas les noms des gendarmes de race blanche qui m'ont porté des coups (...). Je connaissais le gendarme Bavarin qui est antillais. Je maintiens que les trois gendarmes m'ont battu ; C'est le gendarme Bavarin qui m'a jeté par terre, je suis tombé sur l'épaule gauche et il est monté sur moi pour m'immobiliser et il a appelé deux gendarmes en short (...) ; c'est après que le médecin m'a examiné, après la visite du médecin que j'ai été l'objet de brutalités : on m'a attaché une chaîne, on l'a passée à mon cou, plus exactement on a attaché la chaîne à mes bras et à mon cou et on m'a laissé dans un coin de la pièce, c'était dans les locaux de la gendarmerie ; je suis resté ainsi attaché toute la journée et toute la nuit sans manger ; je maintiens que j'ai été l'objet de brutalités avant et après la visite du médecin ; je répète que c'est sur l'épaule gauche que je suis tombé et j'ai eu mal à l'épaule gauche qui m'a nécessité 15 jours de massage ; c'est quand les gendarmes se sont appuyés sur moi (avant la visite du médecin) qu'ils m'ont occasionné des douleurs à l'épaule droite. Je maintiens bien que les violences ont été exercées sur moi avant et après la visite du médecin. » Le 25 janvier 1993, le président de la chambre d'accusation procéda à une confrontation entre le requérant et les gendarmes Munier et Bavarin. Dans le procès-verbal on peut lire : « Nous rappelons [au requérant] que d'après les déclarations de M. Munier (...), ce dernier n'était pas dans les locaux de la gendarmerie du Lorrain au moment des faits (...) [Le requérant] nous répond : Le gendarme (...) Munier que je reconnais (...) était bien présent à la gendarmerie (...) il était un des trois gendarmes qui m'ont frappé. Le gendarme Munier ici présent m'a donné des coups de pied sur les fesses. Nous faisons remarquer [au requérant] qu'il déclare pour la première fois qu'on lui a donné des coups sur les fesses. Il répond : Je maintiens que le gendarme Munier m'a bien donné des coups de pied sur les fesses. Nous posons la question [au requérant] de savoir qui lui a passé les menottes : C'est le gendarme Bavarin qui m'a menotté, qui m'a mis la chaîne autour du cou. Le gendarme Bavarin m'a donné des coups de poing un peu partout. Nous faisons remarquer [au requérant] que le docteur Kéclard qui l'a examiné peu après les faits ne parle pas de coups un peu partout. [Le requérant] nous répond : C'est sur l'épaule gauche que je suis tombé et au côté gauche de la tête que j'ai eu le plus de coups. M. Munier : Je maintiens les déclarations que j'ai faites lors de ma première comparution le 27 juillet 1992. Sur les déclarations que vient de faire [le requérant] je ne peux que vous dire que c'est faux, je n'étais pas là. (...) M. Bavarin : Je maintiens intégralement les déclarations lors de ma première audition le 27 juillet 1992. Je vous répète que je n'ai jamais frappé [le requérant]. [Le requérant] : Lorsque le gendarme Bavarin m'a dit que ma femme avait déclaré que j'avais mis du sable dans le moteur, je voulais aller chercher ma femme. Lorsque je partais pour aller chercher ma femme, M. Bavarin m'a tenu dans la rue, il m'a donné des coups de poing. Il m'a donné des coups de poing sur le flanc et un peu partout. Je n'ai pas dit au docteur Kéclard que j'avais reçu des coups sur le flanc, je lui ai parlé de mon épaule gauche que cela me faisait mal le plus et c'est ça que j'ai signalé au docteur. Nous posons la question [au requérant] à savoir pourquoi le docteur Kéclard a-t-il marqué sur son certificat médical l'épaule droite. [Le requérant] a répondu : J'ai été frappé à l'épaule gauche et j'ai ressenti à l'épaule droite (...) » Le 8 mars 1993, le président de la chambre d'accusation prit une ordonnance de transport sur les lieux. Le 26 mars 1993, le président de la chambre d'accusation, en présence des docteurs Cayol et Ensfelder, procéda à l'audition du docteur Thomas. Aux termes du procès-verbal correspondant : « Question (...) : Il apparaît selon le certificat médical du docteur Kéclard que le 1er octobre 1988, (...) [le requérant] présentait une forte contusion prédeltoïdienne droite avec limitation de la mobilité de l'épaule droite, des traces d'enserrement aux deux poignets avec douleurs et limitations des mouvements, enfin une douleur lombaire (...) due à la rétraction musculaire. Cet état, faute de doléance de l'intéressé, a-t-il pu passer inaperçu au témoin lorsqu'il a examiné [le requérant], dans les locaux de la gendarmerie du Lorrain dans l'après-midi du 29 septembre 1988 ? Réponse : J'ai interrogé [le requérant] et je l'ai examiné (inspection – auscultation – palpation – mobilisation). [Le requérant] ne m'a fait alors aucune doléance et je n'ai rien constaté d'anormal sur sa personne. Mais il est possible que se soit passé pour [le requérant] le phénomène classique que l'on découvre à l'occasion des accidents de la circulation, à savoir qu'un individu qui, après un accident et dans les heures qui suivent ne se plaint de rien, ressente la douleur deux ou trois jours après. Il n'est pas impossible que ce phénomène se soit passé pour [le requérant]. Nous demandons au docteur Cayol son avis, il nous déclare : Il est fréquent qu'en cas de contusions musculo-ligamentaires, les troubles qui en résultent apparaissent secondairement dans un délai variable en fonction de l'intensité de l'impact traumatique, délai qui peut être de l'ordre de deux ou trois jours, et la douleur qui est l'expression de phénomènes inflammatoires apparaît elle-même à l'issue du même délai. Docteur Ensfelder : Je suis tout à fait d'accord avec l'avis de mon confrère le docteur Cayol. (...) En matière de contusions musculo-ligamentaires, il n'y a pas d'impotence fonctionnelle immédiate contrairement à ce qui se passe pour une fracture ou une luxation (...) » Par réquisitoire supplétif en date du 25 mai 1993, le procureur général près la cour d'appel de Basse-Terre sollicita l'audition du gendarme Gaillard et le versement au dossier des pièces de la procédure de rébellion ouverte contre le requérant. Par arrêt du 17 juin 1993, la chambre d'accusation ordonna un supplément d'information. Après avoir recherché la nouvelle adresse du gendarme Gaillard, qui avait été muté en métropole en 1989, le président de la chambre d'accusation de Basse-Terre délivra le 13 septembre 1993 une commission rogatoire au président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai aux fins d'entendre le gendarme. Aux termes du procès-verbal établi à la suite de son audition en date du 21 octobre 1993, le gendarme Gaillard déclara : « A l'époque des faits, je commandais la brigade de gendarmerie départementale du Lorrain en Martinique et j'avais sous mes ordres [les gendarmes] Bavarin (...), Munier (...) et (...) Marchal. (...) Le matin même des faits, alors que j'étais de repos ce jour-là, le gendarme Bavarin s'est rendu au domicile [du requérant] où il a rencontré la femme de l'intéressé. (...) Au début de l'après-midi, j'ai entendu de ma fenêtre des cris. Je me suis avancé vers la fenêtre où j'ai vu un individu qui quittait la gendarmerie en courant et qui devait s'avérer être [le requérant]. Le gendarme Bavarin le poursuivait à quelques mètres. Je suis aussitôt descendu pour prêter main-forte au gendarme Bavarin. Je n'étais pas en tenue. Nous avons maîtrisé [le requérant] dans la rue (...). A mon arrivée, Bavarin avait déjà rattrapé [le requérant] et ils étaient tous deux en train de se battre car [le requérant] donnait des coups de tous les côtés. Nous avons dû le maîtriser virilement pour le ramener à la brigade. Comme nous n'avions pas de menottes, nous l'avons conduit en lui maintenant les bras dans le dos et il s'est plaint par la suite de douleurs à l'épaule. Une procédure de rébellion a été établie par la suite. Une fois dans les locaux de la brigade nous avons lâché notre prise et [le requérant] s'est à nouveau roulé au sol ce qui nous a obligés à le maîtriser à nouveau et nous lui avons passé les bracelets alors qu'il était encore au sol. Lors de ces faits, il n'y avait que le gendarme Bavarin et moi-même (...). [Le requérant] s'est ensuite calmé. J'ai personnellement demandé à Bavarin ce qui s'était passé et ce dernier m'a déclaré que [le requérant] s'était enfui lorsqu'il avait eu connaissance du but de la convocation. Je suis remonté à mon domicile concomitamment à l'arrivée des gendarmes Munier et Marchal. Bavarin qui dirigeait cette enquête a ensuite procédé à l'audition [du requérant] avec les gendarmes Marchal et Munier. Dans l'après-midi, je suis descendu dans le local de la brigade et j'ai pu m'assurer que tout se déroulait normalement et qu'aucune violence n'était portée sur la personne [du requérant] (...) Je puis certifier qu'aucune violence n'a été exercée sur sa personne. Les seules violences si on peut appeler cela des violences (...) ont été lors de l'interpellation et étaient nécessitées par l'état de surexcitation [du requérant] (...) » Le 2 décembre 1993, la chambre d'accusation ordonna la communication du dossier de la procédure au procureur général, à la suite de la réalisation du complément d'information. Cependant, le 14 décembre 1993, le parquet général prit des réquisitions aux fins de supplément d'information. Le 26 janvier 1994, le requérant déposa ses conclusions devant la chambre d'accusation. Par arrêt en date du 10 février 1994, la chambre d'accusation ordonna un complément d'information aux fins d'obtenir les dates de voyage en métropole du gendarme Marchal. Le 11 avril 1994, le président de la chambre d'accusation s'adressa à cet effet à la compagnie Air France, qui lui répondit négativement par lettre du 25 avril 1994. Le 9 mai 1994, les inculpés, le requérant, le témoin et leurs conseils furent convoqués à une confrontation générale pour le 12 septembre 1994. Le 12 septembre 1994, le président de la chambre d'accusation procéda à une nouvelle confrontation entre le requérant et les gendarmes Munier, Marchal et Bavarin au cours de laquelle fut également entendu le gendarme Gaillard en qualité de témoin. Il ressort du procès-verbal notamment les déclarations suivantes : « M. Gaillard : Lors de ma déposition du 21 octobre 1993, j'ai déclaré que lorsque je suis remonté à mon domicile étaient arrivés les gendarmes Munier et Marchal, six ans après les faits (...) il est très possible que je me sois trompé, ce que je sais seulement c'est que [Marchal] est parti six ou sept jours en métropole (...) [Le requérant] nous déclare : Le gendarme Marchal ici présent devant moi n'était pas là au Lorrain les deux jours des faits. (...). Au moment des faits [le requérant] confirme que M. Munier, M. Bavarin ainsi que M. Gaillard étaient présents (...) M. Bavarin : Je maintiens mes précédentes déclarations : je n'ai pas du tout frappé [le requérant] ni au cours de son interpellation ni après ; lorsque nous avons roulé au sol j'ai essayé autant que possible de ne pas lui faire mal. (...). J'affirme que par la suite dans les locaux de la gendarmerie je n'ai porté aucun coup, je ne l'ai pas enlacé avec une chaîne et je n'ai exercé sur lui aucun sévice (...) Etant donné que [le requérant] avait tenté de s'enfuir, moi-même ou un autre gendarme lui a passé les menottes lors des auditions, mais par la suite lorsque nous l'avons mis en chambre de sûreté nous lui avons retiré les menottes. Tant qu'il était dans le bureau et même pendant le repos nous lui avons maintenu les menottes car il risquait de s'enfuir. Je vous confirme que lorsqu'avec un collègue dont je ne me souviens plus du nom j'ai placé [le requérant] en sûreté, nous lui avons retiré les objets de sûreté (les menottes) ; je ne me souviens plus exactement si c'est mon collègue ou moi-même qui ont enlevé les objets de sûreté ; il était libre de tout lien ; d'ailleurs je procède toujours ainsi. J'ai appelé le médecin parce que j'ai pensé qu'en tombant [il] avait pu se faire mal. [Le requérant] : [Après que le médecin soit parti], je suis resté au cachot et Bavarin m'a suspendu par les bras. Question : A quoi vous a-t-il suspendu ? [Le requérant] : Il faisait noir je ne pouvais pas voir. Je suis resté suspendu jusqu'au lendemain [et] le matin il [m'a] relâché et il m'a amené devant son bureau afin d'avouer la vérité, il écrivait beaucoup de papiers et me faisait signer beaucoup de papiers, je suis resté à l'intérieur sans manger. Question [à M. Bavarin] : Oui ou non l'avez-vous attaché ? M. Bavarin : Je n'ai nullement attaché ou suspendu [le requérant] ; d'ailleurs les chambres de sûreté sont faites de telle manière que l'on ne puisse rien accrocher et ce pour préserver la sécurité des personnes placées en chambre de sûreté. [Le requérant] : Lorsque l'on m'a mis dans la chambre de sûreté ils étaient trois gendarmes, Bavarin, Munier et Gaillard, et je suis resté avec les menottes dans la chambre de sûreté. C'est Bavarin qui m'a attaché, Munier m'a donné des coups de pied et Gaillard était debout il ne m'a rien fait ; (...). Je suis arrivé à 14 h 30 et on m'a mis dans la chambre de sûreté un moment après. Ce n'est que le soir, à la nuit, que l'on m'a suspendu dans le cachot, c'est Bavarin qui m'a attaché et je suis resté toute la nuit attaché. M. Bavarin : A aucun moment je n'ai suspendu [le requérant] dans la chambre de sûreté de quelque manière que ce soit. [Le requérant] : Je ne sais pas comment on m'a attaché, je vous ai dit qu'il faisait noir. Au lever du jour il ne faisait pas tellement jour dans la chambre de sûreté. La chambre de sûreté n'a pas été allumée, je n'ai pas vu de lampe ni d'interrupteur, rien. J'ai été suspendu les bras écartés avec une chaîne, je ne peux pas vous dire la grandeur de la chaîne il y avait des menottes à chaque bout, je n'ai pas vu la grosseur des mailles de la chaîne. Question : Comment le gendarme Bavarin a-t-il pu vous attacher ? [Le requérant] : C'est lui qui sait comment ça se trouve à l'intérieur, moi je ne sais pas. (...) Bavarin a mis les menottes à mes deux bras c'est lui seulement qui sait comment il m'a attaché. Question [à M. Gaillard] : Comment sont faites les chambres de sûreté ? M. Gaillard : Il y avait deux chambres de sûreté dans la brigade à l'époque, elles étaient absolument conformes aux normes ; il n'existe aucun crochet ou barreau. Il y avait autant que je me souvienne des trous d'aération de 8 ou 10 mm légèrement plus gros qu'une cigarette. Les menottes que nous avons sont d'un modèle standard et elles ne permettent pas d'écarter les bras de la personne à qui on les pose. Je n'arrive pas à comprendre comment on a pu suspendre dans la chambre de sûreté un individu que l'on avait du mal à maîtriser. Je vous précise que quand Bavarin a emmené [le requérant] dans la chambre de sûreté le soir j'étais absent. La commande de l'électricité destinée à éclairer la chambre de sûreté est située à l'extérieur ; la lampe est noyée dans la masse protégée par un verre nevada. Question [à M. Bavarin] : Comment expliquez-vous les marques aux poignets [du requérant] constatées par le médecin ? M. Bavarin : Bien souvent lorsqu'on place des objets de sûreté il reste des marques sur les poignets. » Par arrêt du 15 décembre 1994, après dépôt des mémoires du requérant les 7 octobre et 23 novembre 1994, la chambre d'accusation, conformément aux réquisitions du procureur général en date du 25 octobre 1994, et après avoir rappelé dans son arrêt la version des faits présentée par le requérant et par les gendarmes, et les constatations médicales, conclut qu'il n'existait aucune charge sérieuse contre les gendarmes mis en cause. Elle considéra en effet que : « Le renvoi des trois mis en examen dépend des réponses données aux questions suivantes : Y a-t-il eu violences ? Caloc évoque d'abord une empoignade (29 septembre 1988 et 23 février 1989), plus tard des coups sans autre précision (j'ai été « frappé », « battu ») (28 février 1989), ensuite des coups (sans précision) mais également une sorte de « supplice de la chaîne » qui a duré toute la nuit (2 septembre 1991) et toute l'après-midi (7 février 1992), enfin, outre ce « supplice », des coups précis sur les fesses, sur le flanc, sur le côté gauche de la tête et un peu partout (25 janvier 1993). Les gendarmes Bavarin et Gaillard évoquent une empoignade, le second précisant que Caloc a été ramené à la brigade les 2 bras immobilisés derrière le dos. Ils nient absolument les coups et l'utilisation d'une chaîne. Les déclarations de Caloc, la reconnaissance par les 2 gendarmes de l'usage de la force, le certificat médical du docteur Kéclard établissent qu'il y a eu violences. De quelle nature ont été ces violences ? Il y a désaccord sur ce point entre Caloc et les gendarmes ; mais uniquement à partir du 28 février 1989. L'escalade observée dans les déclarations successives de Caloc quant à la sévérité des violences subies ne permet pas de se satisfaire de son témoignage, sauf à le corroborer avec le certificat et les déclarations du docteur Kéclard. L'unique lésion apparente relevée par ce médecin concerne une contusion à l'épaule droite. Elle peut révéler un coup mais être aussi la conséquence de la chute du sujet. Aucune trace de coups n'a été décelée aux endroits évoqués tardivement par Caloc. Ainsi la preuve n'est pas rapportée de ce que celui-ci ait été « frappé » ou « battu ». Les douleurs, la scoliose, les traces d'enserrement des poignets décelées par ailleurs peuvent en revanche être compatibles avec une chute, une empoignade et le « supplice de la chaîne ». A quel moment les violences ont-elles eu lieu ? Selon les gendarmes, en début d'après-midi, vers 14 h 15, lorsqu'ils ont dû recourir à la force pour maîtriser Caloc qui se rebellait après s'être enfui. Selon le plaignant, en début d'après-midi, alors qu'il résistait aux gendarmes, en tout cas avant la visite du docteur Thomas (déclarations de septembre 1988 à mars 1989), avant et après la visite du médecin y compris la nuit suivante (déclarations ultérieures). Quel prix attacher à la déclaration des gendarmes ? Leur version des faits est cohérente, constante dans le temps, crédible sur l'ensemble, leur désaccord sur 2 points particuliers n'affectant pas l'essentiel. Il reste l'hypothèse qu'ils aient gardé sous silence des faits postérieurs à l'action de maîtrise. Quel prix attacher aux déclarations de Caloc ? Celles-ci comportent dans le temps une contradiction fondamentale qui affaiblit naturellement leur crédibilité. Quand dit-il la vérité ? Selon la partie civile c'est à partir de mars 1989 car les déclarations antérieures à cette date ont été consignées par des gendarmes, notamment par deux d'entre eux mis en examen. Elles sont faussées par la peur du gendarme et le manque de compréhension li[é] à l'absence d'interprète. Ces obstacles ont disparu lorsqu'[il] a pu s'exprimer devant un magistrat avec l'assistance d'un interprète. Les dernières déclarations évoquant des violences exercées bien au-delà du début d'après-midi sont d'ailleurs corroborées par deux éléments : d'une part l'absence d'anomalies physiques lors de la visite du docteur Thomas, puis l'existence de lésions constatées lors de la consultation auprès du docteur Kéclard et, d'autre part, la négation des faits le 29 septembre puis l'aveu obtenu soudainement le lendemain. Entre la première et la deuxième visite, entre les dénégations et les aveux il se serait donc passé quelque chose. Or ce raisonnement n'est nullement conforme au dossier. Même si l'on fait abstraction du procès-verbal initial établi par le gendarme Bavarin, force est de constater que, dans ses déclarations du 23 février faites avec l'assistance de l'interprète, Caloc a repris exactement la même version des faits. Certes, réentendu 5 jours plus tard par des gendarmes appartenant cette fois à la compagnie de La Trinité, il a également renié ces déclarations en soutenant qu'il n'avait pas voulu « contrarier » les gendarmes mais, ce 28 février encore, il a repris la même version en précisant bien : « toutes les brutalités que j'ai dénoncées ont été faites avant la visite de cet homme (le docteur Thomas), c'est pendant que les gendarmes me maîtrisaient que tous les coups m'ont été portés ». Manifestement ce 3e procès-verbal signé par Caloc devant les gendarmes de La Trinité qui ne pouvaient être soupçonnés des brutalités dont il se plaignait, correspondait enfin pour lui à l'expression de la vérité et il ne saurait être gommé par ses déclarations ultérieures. S'il y avait eu violences au cours des interrogatoires et « supplice de la chaîne », il n'aurait pas manqué d'en faire état à cette occasion. Il y a lieu d'observer que cette affaire de chaîne passée autour du cou et attachée au mur de la cellule n'a pas été évoquée spontanément par Caloc. Celui-ci n'en fait état que le 2 septembre 1991 lors de sa première audition par le président de la chambre d'accusation de Basse-Terre alors qu'elle apparaît bien avant dans les écritures de son défenseur (mémoire déposé au greffe de la cour d'appel le 1er mars 1990 à la veille de l'audience de la chambre d'accusation de cette cour). Elle est d'ailleurs totalement incompatible avec l'aménagement réglementaire des chambres de sûreté et Caloc a été confondu sur ce point lors de la confrontation générale du 12 septembre 1994. – Le fait qu'il n'y ait pas eu doléances concernant des douleurs auprès du docteur Thomas et qu'il y en ait eu deux jours plus tard auprès du docteur Kéclard ne signifie pas nécessairement qu'il y ait eu des violences entre temps puisque, comme l'ont précisé les trois médecins entendus le 26 mars 1993, les douleurs peuvent n'apparaître que deux à trois jours après. – Pas davantage les aveux du 30 septembre ne sont nécessairement liés à des sévices infligés au cours de la nuit précédente. Caloc avait tout loisir de les rétracter rapidement par la suite. Or il ne l'a fait qu'à l'audience du 13 mars 1989 après les avoir confirmés entre temps à d'autres gendarmes et à un magistrat. Ainsi la preuve n'est nullement rapportée qu'Adrien Caloc ait subi des sévices après l'action initiale des gendarmes visant à le maîtriser et c'est à ce moment seulement qu'il a fait l'objet de violences dont les conséquences corporelles ont été constatées par le docteur Kéclard. Quels sont les auteurs des violences ? Certainement pas le gendarme Marchal pourtant formellement mis en cause par Caloc avant qu'il ne revienne sur ses accusations lors de l'ultime confrontation. Il est établi que ce gendarme était en métropole au moment des faits. Pas davantage le gendarme Munier qui était hors de la brigade au moment de l'action initiale et n'est rentré que plus tard pendant l'interrogatoire. Certainement les gendarmes Bavarin et Gaillard qui reconnaissent avoir employé la force. Mais la partie civile n'a pas porté plainte contre le second. Les violences commises tombent-elles sous le coup de la loi ? Dans sa première version Caloc a reconnu qu'il s'était « enfui » ou qu'il avait « quitté précipitamment » la brigade. Il a admis avoir « opposé une certaine résistance », en « gesticulant vivement » alors que les gendarmes cherchaient à le maîtriser. Dans sa seconde version il a tenté de renier cet épisode mais les observations faites plus haut sur la valeur respective des deux versions de Caloc sont également valables sur ce point. L'usage de la force pour maîtriser Caloc, alors qu'il résistait aux gendarmes qui l'interpellaient, était parfaitement légitime. Les violences commises à cette occasion n'ont pas excédé ce qui est admissible en la matière : au vu des constatations médicales, il y a eu empoignade, il y a eu chute, il n'y a pas eu coups ni utilisation d'arme. Les traces qui apparaissent aux poignets sont celles que laissent couramment les menottes. La réponse à cette 5e question est donc négative. Il apparaît en définitive après examen minutieux du dossier qu'il n'existe aucune charge sérieuse contre les gendarmes mis en cause ou toutes autres personnes. » A la suite du pourvoi en cassation du requérant en date du 19 décembre 1994 et du dépôt de son mémoire ampliatif le 20 juin 1995, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirma l'arrêt de la chambre d'accusation le 6 mars 1996, en estimant que : « la chambre d'accusation, en se référant aux résultats des expertises médicales et aux témoignages et déclarations recueillis au cours de l'enquête et de l'information, a exposé les motifs par lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir volontairement commis des violences à l'égard [du requérant] ». B. La procédure pénale diligentée contre le requérant Après la garde à vue du requérant du 29 au 30 septembre 1988, les délits de détérioration volontaire d'un objet appartenant à autrui et de rébellion furent retenus contre le requérant et la procédure sur la plainte de M. Vildeuil transmise au parquet. A la suite d'une autre plainte déposée contre le requérant le 12 décembre 1988 par un autre propriétaire d'engins, M. Remir, le requérant fut de nouveau placé en garde à vue par la gendarmerie du Lorrain en la personne du gendarme Munier le 23 février 1989, de 8 h 30 au lendemain matin 8 heures. Il reconnut les faits et fit des déclarations relatives à sa première garde à vue de septembre 1988 (paragraphe 20 ci-dessus). Le 24 février 1989, le requérant comparut devant le tribunal correctionnel de Fort-de-France selon la procédure de saisine directe mais demanda un délai pour préparer sa défense. Le requérant fut remis en liberté sous contrôle judiciaire lui imposant de pointer à la gendarmerie du Lorrain le 27 février et le l6 mars 1989. L'audience fut renvoyée au 13 mars 1989. Lors de cette audience, il y eut une altercation, relatée dans les notes d'audience, entre le procureur et les avocats de la défense, à l'occasion d'un refus du procureur d'écarter un témoin. Les avocats allèrent chercher le bâtonnier, qui demanda des excuses au procureur pour avoir déclaré qu'il ne se laisserait pas donner de leçons par des avocats qui ne connaissaient rien en procédure. Devant le refus du procureur, qui demanda à faire acter que les avocats lui avaient conseillé de relire son code de procédure pénale et l'avaient traité de voyou et d'incapable, tous les avocats présents quittèrent la salle après rejet de leur demande de renvoi et l'audience se poursuivit donc sans eux. Les gendarmes confirmèrent leurs dires alors que le requérant affirma avoir avoué parce qu'on l'avait frappé. Les médecins furent également entendus (le docteur Thomas avait également été entendu lors de l'enquête préliminaire le 1er mars 1989). Par jugement du tribunal correctionnel de Fort-de-France du 10 avril 1989, le requérant fut déclaré coupable de dégradation volontaire de biens et de rébellion à agents de la force publique et condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis. Le ministère public interjeta appel du jugement le 11 avril, la partie civile le 14 et le requérant le 17 avril 1989. Le 7 décembre 1989, la chambre des appels correctionnels sursit à statuer sur les faits de détérioration et de rébellion jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur la plainte pénale avec constitution de partie civile diligentée par le requérant pour violences pendant la garde à vue (voir supra). Par arrêts des 5 avril et 29 novembre 1990, cette même chambre sursit de nouveau à statuer pour les mêmes raisons. D'après les informations figurant au dossier, la procédure contre le requérant n'a pas été reprise par le ministère public depuis lors. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS L'article 687 du code de procédure pénale (abrogé depuis) dispose : « Lorsqu'un officier de police judiciaire est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit, qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, hors ou dans l'exercice de ses fonctions, (...), le procureur de la République saisi de l'affaire présente sans délai requête à la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui procède et statue comme en matière de règlement de juges et désigne la juridiction chargée de l'instruction ou du jugement de l'affaire. » Il ressort de la jurisprudence que la procédure définie par l'article 687 en vigueur à l'époque des faits litigieux doit être sans délai engagée par le ministère public, que les poursuites soient exercées par le parquet ou la partie civile, dès le moment où l'officier de police judiciaire est mis en cause et se trouve par suite susceptible d'être inculpé. A défaut, le juge d'instruction et, par voie de conséquence, la chambre d'accusation sont incompétents (Crim. 7 novembre 1973, Bulletin criminel no 405 ; 22 juin 1978, ibidem no 210 ; Ass. plén. 31 mai 1990, ibidem no 221). En outre, doit être considéré comme susceptible d'être inculpé au sens de l'article 687 l'officier de police judiciaire désigné dans une plainte comme étant l'auteur d'une infraction sans qu'il soit nécessaire de constater qu'il existe des charges justifiant cette inculpation. Enfin, la procédure définie par l'article 687 doit être engagée par le procureur de la République, que les poursuites soient exercées sur citation directe ou sur plainte avec constitution de partie civile (Crim. 15 janvier 1968, D. 1969, 509, note J.-M.R.).
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Les requérants, M. Metin Dikme et sa mère, Mme Emine Dikme, sont nés respectivement en 1969 et en 1933. Le premier est actuellement détenu à la maison d'arrêt d'Istanbul. Quant à Mme Dikme, elle réside à Vienne. A. L'arrestation, la garde à vue et la détention provisoire de M. Dikme Telles qu'il les a exposées dans une lettre du 24 juin 1992, les circonstances dans lesquelles le requérant a été arrêté, mis en garde à vue et placé en détention provisoire peuvent se résumer comme suit. Le 10 février 1992, à 7 h 30 du matin, trois policiers interpellèrent, dans le quartier de Levent à Istanbul, le requérant et sa compagne, Y.O., tous deux en possession de faux papiers d'identité. Les intéressés furent aussitôt arrêtés et, après quelques heures d'attente au commissariat local, amenés à la section antiterroriste de la direction de la sûreté de Levent, à Istanbul (« la section »). Ils furent placés en garde à vue dans des locaux séparés ; dès son arrivée, le requérant se vit bander les yeux, puis un groupe de policiers qui se présentèrent comme appartenant à la brigade dite « anti-Dev-Sol » se mirent à lui donner des coups de poing et des coups de pied et le menacèrent de mort s'il refusait de dévoiler sa vraie identité. Ensuite, le requérant fut conduit dans une chambre au rez-de-chaussée où, après l'avoir dénudé, on lui attacha les mains dans le dos et le suspendit par les bras, manière « pendaison palestinienne ». Pendant des heures, les policiers le rouèrent de coups alors qu'il était dans cette position et lui infligèrent des électrochocs au moyen d'électrodes fixées à ses pieds et ses organes génitaux. Vers 19 heures, M. Dikme fut transporté dans une autre pièce ; on le fit coucher par terre, les mains toujours attachées dans le dos. Un prétendu membre des services secrets lui dit alors : « Tu appartiens à Devrimci Sol, et si tu ne nous donnes pas les renseignements dont nous avons besoin, c'est ton cadavre qui sortira d'ici ! », après quoi les policiers commencèrent à le tabasser, en frappant entre autres sur les parties génitales ; cela dura jusque vers 2 heures du matin, puis on le conduisit dans une cellule de 2 m2. Il dut y dormir nu, à même le sol. Le lendemain, vers 8 heures, il fut derechef amené au rez-de-chaussée, attaché et étendu par terre ; il reçut encore des coups et subit des électrocutions aux pieds, derrière les oreilles et sur la langue ; lorsque les tortionnaires allèrent déjeuner, le requérant s'était déjà évanoui deux fois. Une heure après, on lui infligea de nouveau la « pendaison palestinienne » pour lui administrer des décharges électriques, en même temps qu'on l'arrosait d'eau froide. Puis on l'abandonna couché sur le béton, nu et les yeux bandés. Le soir, reconduit à l'étage supérieur, le requérant vit d'abord l'agent des services secrets le tirer par les cheveux et lui cogner la tête à deux reprises contre le mur ; ensuite on le rhabilla et le transporta dans une forêt. Là, quelqu'un pointa un revolver sur sa tête, lui demandant de faire sa « dernière prière », avant de tirer à blanc. Après ce simulacre d'exécution, le requérant fut aussitôt reconduit à la section. Les yeux bandés, il y fut de nouveau dévêtu et placé dans une baignoire contenant de l'eau glacée. Le jour suivant les policiers continuèrent à exercer des sévices. A partir du cinquième jour de garde à vue, les mauvais traitements s'interrompirent. L'on continua cependant à interroger le requérant, dont les yeux étaient toujours bandés, en l'accablant d'injures. Pendant toute la durée de la garde à vue, le requérant ne put bénéficier d'une quelconque assistance d'un avocat ; chaque jour, il passait seize heures dans une cellule, sans avoir droit à aucune visite ni à aucun livre ou journal. La seule personne qu'il put voir une fois dans les locaux de la section, et ce sans pouvoir lui adresser la parole, fut sa compagne, Y.O. A cet égard, le requérant a produit devant la Cour une lettre de Y.O., comportant les passages suivants : « Moi-même et Metin Dikme avons été appréhendés le 10 février 1992. (...) Dès notre arrivée à la première section, ils nous ont bandé les yeux et ils ont séparé Metin de moi. Avant d'être conduite en cellule, j'ai vu qu'ils avaient commencé à le tabasser. Au cours des seize jours passés dans la section, je n'ai pu voir Metin que lorsqu'il allait aux interrogatoires ou en revenait et, quelquefois, lorsqu'on l'amenait aux toilettes. Chaque fois il avait les yeux bandés. Une fois seulement, j'ai pu apercevoir des bleus sur ses yeux. Cependant, lors de mes interrogatoires, ils me racontaient sans cesse, en l'injuriant, les tortures qu'ils avaient infligées à Metin (...) » Le 25 février 1992, la section demanda au procureur de la République près la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul (« le procureur » – « la cour de sûreté de l'Etat ») le renvoi du requérant et de Y.O. devant le bureau de Sultanahmet de l'institut de médecine légale. Le procureur accéda à cette demande, et, le 26 février 1992, seizième jour de leur détention, ceux-ci furent examinés par un médecin légiste, qui aurait dit au requérant : « T'es en pleine forme, t'as rien. » Etabli le même jour, le rapport médical indiquait qu'aucune trace de coup ou de contrainte physique n'avait été décelée sur le corps de Y.O. et que seules des « écorchures anciennes recouvertes d'une croûte [avaient] été constatées sur le coude gauche » du requérant. Toujours le 26 février 1992, le requérant et Y.O. furent entendus par le procureur puis traduits devant le juge assesseur de la cour de sûreté de l'Etat. Ils revinrent sur leurs déclarations à la police, affirmant ne les avoir signées que « sous la torture », et contestèrent les accusations portées contre eux. Y.O. déclara : « Je porte plainte contre les policiers qui m'ont torturée et qui (...) se dénommaient Brigade Dev-Sol. » Le juge assesseur ordonna la mise en détention provisoire des intéressés, concluant à l'existence « d'importants indices » concernant leur appartenance à Dev-Sol et leur implication dans des actes de violence perpétrés par cette organisation. En bas de l'ordonnance figure l'annotation suivante, signée par Metin Dikme : « Je ne veux informer personne de mon placement en détention. » A la suite de son transfert à la maison d'arrêt d'Istanbul, le requérant fut examiné par le médecin pénitentiaire, en l'absence d'un conseil. Dans son rapport, dit préliminaire, du 28 février 1992, le médecin constata l'existence d'une série de séquelles sur le corps du requérant. Par la suite, ces conclusions furent reprises et confirmées dans le rapport final du 4 mars 1992 établi par le bureau d'Eyüp de l'institut de médecine légale, dont un médecin avait derechef examiné le requérant : « Vu le rapport no 55 du 28 février 1992, signé par le médecin pénitentiaire et établi au nom de Metin Dikme (...) et à la suite de l'examen de celui-ci, constatons : Qu'[il a été décelé] une lésion croûteuse d'un diamètre de 0,5 cm sur la partie axillaire gauche, une érosion croûteuse de 7 x 7 cm sur le coude gauche, deux lésions circulaires parallèles, partiellement croûteuses et distantes de 4 cm, sur le poignet gauche, des érosions cutanées sur les phalanges proximales des doigts nos 1, 2 et 3 ainsi qu'une écorchure cutanée de 1,5 cm sur la face intérieure de la phalange distale du doigt no 3 de la main gauche, une lésion croûteuse sur le coude droit, deux lésions croûteuses de 0,5 cm sur la face extérieure de l'avant-bras droit, une lésion cutanée sur le poignet droit, des lésions croûteuses de 1 cm sur la phalange distale du doigt no 4, de 0,5 cm sur les phalanges proximales des doigts nos 3, 4 et 5, de 3 x 1 et de 3 x 2 cm sur la face intérieure patellaire, de 10 x 1 cm sur la partie crurale droite, de 0,5 x 0,5 cm sur la partie supérieure de la malléole interne droite, de 0,5 x 0,5 cm sur la malléole externe, une ecchymose croûteuse sur l'orteil no 5 et une lésion croûteuse de 0,5 x 0,5 cm sur l'orteil no 1 du pied droit, une érosion cutanée de 2 x 2 cm sur la région supérieure du pied droit, des lésions croûteuses de 2 x 2 cm sur la malléole interne et de 1 x 1 cm sur la malléole externe ; Qu'actuellement, il existe des séquelles d'écorchures en voie de guérison, partiellement croûteuses, partiellement cicatrisées, ainsi que des séquelles d'ecchymoses jaunâtres et brunâtres, en passe de recouvrer une couleur normale (aux grandeurs dont fait état le rapport préliminaire) sur les doigts et poignets des deux mains, les coudes, les bras, sur les chevilles et les parties supérieures des orteils des deux pieds, sur la partie crurale et la rotule droites. » En conclusion, le médecin légiste, déclarant que les séquelles susmentionnées ne mettaient pas en danger la vie du requérant, ordonna une convalescence de cinq jours. Le 11 juin 1992, date de la fête religieuse correspondant au dernier jour du ramadan, Mme Dikme voulut rendre visite au requérant ; cela lui fut refusé par les responsables de la maison d'arrêt. Le 18 juin 1992, le requérant signa un pouvoir en faveur d'un avocat, sans pour autant le rencontrer (paragraphe 28 ci-dessous). B. Les procédures pénales litigieuses L'action publique diligentée contre M. Dikme Par un acte d'accusation présenté le 7 septembre 1992, le procureur reprocha au requérant et à Y.O. d'avoir commis, entre 1990 et 1992, plusieurs attentats contre, entre autres, un membre du parquet, un général à la retraite et six policiers, ainsi que d'avoir trempé dans plusieurs actes de violence perpétrés pour le compte de l'organisation illégale armée Dev-Sol. Il requit l'application de l'article 146 § 1 du code pénal, donc la condamnation du requérant et de Y.O. à la peine capitale. Le 23 octobre 1992, les débats s'ouvrirent devant la cour de sûreté de l'Etat. Le requérant y présenta un mémoire dans lequel, contestant les charges pesant sur lui, il dénia catégoriquement le contenu des procès-verbaux de dépositions établis par la police lors de sa détention, soutenant qu'elles lui avaient été extorquées sous la torture. Aussi dénonça-t-il formellement les policiers responsables de sa garde à vue en s'appuyant sur le rapport médical du 4 mars 1992 (paragraphes 19 ci-dessus et 29 ci-dessous). Le requérant exposa notamment que, craignant que la police ne s'en prît à eux en raison du casier judiciaire de sa sœur tuée à Ankara lors d'un affrontement avec la police, lui-même et Y.O. avaient dû utiliser des faux papiers, et que, par ailleurs, ils s'étaient fait passer pour un couple marié dans le seul but de louer plus facilement un appartement. Il plaida donc non coupable et sollicita sa mise en liberté provisoire. Les 8 janvier et 8 octobre 1993, le procureur déposa deux autres réquisitoires et mit le requérant en accusation pour d'autres actes de violence, notamment des assassinats, attaques et vols à main armée, attentats à la bombe, coups et blessures, également commis entre 1990 et 1992. La cour de sûreté de l'Etat, après avoir tenu quarante-quatre audiences et entendu environ soixante-dix témoins, prononça son arrêt le 26 juin 1998. Elle y parvint à la conclusion que « au vu du dossier, la culpabilité de l'accusé se trouv[ait] établie » quant à une partie des faits reprochés, commis au nom de Dev-Sol dans le but de renverser le régime constitutionnel, et condamna M. Dikme à la peine capitale, eu égard à l'intensité, à la quantité et à la gravité de ses actes, ainsi qu'à la circonstance que, lors de son procès, il n'avait manifesté aucun remords. Tant le conseil du requérant que le procureur général près la Cour de cassation se pourvurent contre l'arrêt de la cour de sûreté de l'Etat, le 29 septembre et le 12 novembre 1998 respectivement. Dans son pourvoi, ledit conseil se borna à dénoncer le caractère « injuste et lourd » de la condamnation prononcée ; quant au procureur général, il estima que l'arrêt en question ne pouvait passer pour suffisamment motivé, faute d'avoir démontré, là où il l'aurait fallu, les éléments de preuve ayant fondé la condamnation et l'appréciation qui en avait été faite. Par un arrêt du 22 mars 1999, prononcé le 7 avril, la Cour de cassation infirma l'arrêt du 26 juin 1998, au motif qu'« il [était] contraire à l'article 141 de la Constitution, ainsi qu'aux articles 32 et 260 du code de procédure pénale, de rendre un jugement sans faire cas de la règle selon laquelle les jugements doivent être motivés de manière à permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et sans mentionner dans le dispositif, pour chacun des actes reprochés, les preuves avérées et l'appréciation portée à leur égard (...) ». En conséquence, la Cour de cassation renvoya l'affaire devant la cour de sûreté de l'Etat, où elle est actuellement pendante. La procédure entamée contre les policiers accusés de mauvais traitements Après avoir plaidé à l'audience du 23 octobre 1992 devant la cour de sûreté de l'Etat (paragraphe 23 ci-dessus), le requérant et Y.O. avaient déposé deux plaintes écrites séparées contre leurs tortionnaires présumés. Le 27 novembre, tenant compte de cette circonstance et vraisemblablement sur l'instruction d'une autorité ministérielle, le procureur décida de s'enquérir auprès des autorités concernées des points de savoir si le requérant avait eu accès à un avocat lors de sa garde à vue et/ou fait l'objet de mauvais traitements à la suite de son incarcération à la maison d'arrêt d'Istanbul. Dans une lettre du 30 novembre, le directeur de la section répondit qu'« aucun entretien avec un conseil n'a[vait] eu lieu étant donné que, pendant la durée de la garde à vue de Metin Dikme, nul avocat n'a[vait] formulé (...) une demande en ce sens ». De son côté, le 1er décembre, le directeur de la maison d'arrêt d'Istanbul précisa ceci : « Metin Dikme (...) n'a pas subi de mauvais traitements au cours de sa détention, et il n'existe d'ailleurs aucune plainte déposée par lui à ce sujet auprès de notre direction. Pendant sa détention dans notre maison d'arrêt, il ne court aucun risque de faire l'objet de mauvais traitements. La consultation de nos registres a en outre permis de constater qu'il ne s'était jamais entretenu avec un avocat. » Le 8 décembre 1992, le président de la cour de sûreté de l'Etat transmit au procureur, pour action, les plaintes qui avaient été déposées le 23 octobre 1992. Par une ordonnance du 10 décembre 1992, le procureur déclina sa compétence ratione materiae en faveur de la préfecture d'Istanbul, où il renvoya le dossier, en application de l'article 15 § 3 de la loi no 3713 sur la lutte contre le terrorisme (paragraphe 36 ci-dessous). Le 9 juillet 1993, le comité administratif du département d'Istanbul prononça un non-lieu quant à la plainte pénale du requérant et de Y.O. Cette décision fut notifiée au requérant le 6 août 1993. La Cour ne dispose d'aucune autre information sur cette procédure. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT A. Les modalités des gardes à vue A l'époque des faits, l'article 16 de la loi no 2845 sur la procédure devant les cours de sûreté de l'Etat prévoyait, quant aux infractions relevant de la compétence exclusive desdites juridictions, que toute personne arrêtée devait être traduite devant un juge au plus tard dans les quarante-huit heures ou, en cas de délit collectif commis en dehors de la région soumise à l'état d'urgence, dans les quinze jours, ce sans compter le temps nécessaire pour amener le détenu devant ledit juge. Avant de l'interroger, les membres de la police informent la personne arrêtée du délit qui lui est reproché et lui demandent si elle désire ou non répondre à ce sujet. En matière d'assistance par un avocat, l'article 144 du code de procédure pénale (« CPP »), dans sa version applicable en l'espèce, dispose qu'un accusé ne peut s'entretenir et correspondre avec un conseil qu'après sa mise en détention provisoire, étant entendu que le juge peut décider que certains éléments du dossier, considérés comme sensibles, ne seront pas portés à la connaissance de l'accusé, ce jusqu'à l'ouverture de l'action publique. Par ailleurs, le conseil de l'accusé ne peut avoir accès aux documents versés au dossier de l'affaire qu'après le dépôt de l'acte d'accusation par le parquet (article 143). B. La poursuite des actes de mauvais traitements Le code pénal turc érige en infraction le fait pour un agent public de soumettre un individu à la torture ou à des mauvais traitements (articles 243 pour la torture et 245 pour les mauvais traitements). Les obligations incombant aux autorités quant à la conduite d'une enquête préliminaire au sujet de faits et omissions susceptibles de constituer pareilles infractions que l'on porte à leur connaissance sont régies par les articles 151 à 153 CPP. Les infractions peuvent être dénoncées non seulement aux parquets ou aux forces de l'ordre mais également aux autorités administratives locales. Les plaintes peuvent être déposées par écrit ou oralement. Dans ce dernier cas, l'autorité est tenue d'en dresser procès-verbal (article 151). En vertu de l'article 235 du code pénal, tout agent public qui omet de dénoncer à la police ou au parquet une infraction dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions est passible d'une peine d'emprisonnement. Le procureur qui, de quelque manière que ce soit, est avisé d'une situation permettant de soupçonner qu'une infraction a été commise est obligé d'instruire les faits afin de décider s'il y a lieu ou non d'engager des poursuites (article 153 CPP). Si l'auteur présumé d'une infraction est un agent de la fonction publique et si l'infraction a été commise dans l'exercice de ses fonctions, l'enquête préliminaire obéit à la loi de 1914 sur les poursuites contre les fonctionnaires, qui limite la compétence ratione personae du ministère public quant à cette phase de la procédure. En pareil cas, l'enquête préliminaire et, par conséquent, la décision de poursuivre ou non sont du ressort du conseil administratif local compétent (celui du district ou du département, selon le statut du suspect). Une fois prise la décision de poursuivre, c'est au procureur qu'il incombe d'instruire l'affaire. Les décisions des conseils administratifs locaux sont susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat, dont la saisine est d'office en cas de classement sans suite. En ce qui concerne les accusations portées contre les agents et fonctionnaires des forces de l'ordre et des services de renseignements exerçant en matière de terrorisme, l'article 15 § 3 de la loi no 3713 – en vigueur à l'époque des faits – constituait une lex specialis et consacrait la même règle de compétence pour les enquêtes préliminaires mais seulement dans le cadre d'infractions à l'exception d'actes d'homicide. Ultérieurement, par un arrêt du 31 mars 1992 publié au Journal officiel le 27 janvier 1993, la Cour constitutionnelle a aboli cette disposition ; cette mesure a pris effet le 27 juillet 1993. Aux termes de l'article 102 du code pénal, combiné avec les articles 243 et 245 précités, pour ce qui est des actes de mauvais traitements et de tortures infligés par des membres de la fonction publique, il y a prescription des poursuites cinq ans après la commission de l'infraction. C. La valeur probante des éléments recueillis lors de l'instruction préliminaire Il ressort des principes jurisprudentiels du droit pénal turc que l'interrogatoire d'un suspect est un moyen de défense devant profiter à ce dernier, et non une mesure destinée à obtenir des preuves à charge. Si les déclarations qui en sont issues peuvent entrer en ligne de compte dans l'appréciation par le juge de la réalité factuelle concernant une affaire, elles doivent néanmoins être faites de plein gré, étant entendu que toute déclaration extorquée par le recours à des pressions ou à la force n'a aucune valeur probante. Aux termes de l'article 247 CPP, tel qu'interprété par la Cour de cassation, pour qu'un procès-verbal d'interrogatoire contenant des aveux faits à la police ou au parquet puisse constituer une preuve à charge, il est impératif que ceux-ci soient réitérés devant le juge. Sinon, la lecture lors de l'audience de pareils procès-verbaux à titre de preuve est prohibée, et, dès lors, on ne saurait y puiser un motif pour fonder une condamnation. Cela dit, même un aveu réitéré à l'audience ne saurait passer – à lui seul – pour un élément de preuve déterminant : il faut qu'il soit étayé par des éléments de preuve complémentaires.
0
0
0
0
0
1
1
0
0
0
Les requérants sont des ressortissants italiens, nés respectivement en 1925 et 1927. Le requérant est décédé le 15 avril 1998. La requérante réside à Bologne et a informé la Cour qu’elle est son unique héritière. Le 9 février 1979, Mme S., mère des requérants ainsi que de M. C.A., et ce dernier, déposèrent un recours devant la Cour des comptes visant à obtenir l’annulation d’une décision du ministère de la Défense refusant d’augmenter leur pension privilégiée de réversion. Le 15 mars 1980, le dossier fut transmis au ministère public pour instruction. Suite à la loi 19/1994 instituant des chambres régionales de la Cour des comptes, le 26 février 1994, le dossier fut transmis à la chambre régionale d’Emilie-Romagne de la Cour des comptes. Après le décès de Mme S. et de M. C.A., survenu respectivement en 1981 et 1986, le 22 décembre 1994 la requérante indiqua qu’elle souhaitait continuer la procédure devant cette juridiction en tant qu’héritière. Une demande similaire fut formulée par le requérant le 9 décembre 1997. L’audience fut fixée au 17 février 1999. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 28 avril 1999, la chambre régionale déclara son incompétence en la matière.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 6 juin 1970, le requérant introduisit devant la Cour des comptes un recours visant à obtenir l'annulation de la décision du ministère de la Défense refusant d'accorder au requérant une pension privilégiée ordinaire au motif que son infirmité n'était pas due à l'exercice de ses fonctions pendant son service militaire. Le 3 mars 1972, la Cour des comptes ordonna au ministère de verser au dossier certains documents, ce qui intervint le 12 mars 1972. Le ministère public déposa ses conclusions le 8 juillet 1992. Suite à la décentralisation en 1994 de la Cour des comptes, à une date non précisée le dossier fut transmis à la chambre régionale de Sicile de la Cour des comptes. L'audience se tint le 27 octobre 1995. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 14 mai 1996, la chambre régionale de Sicile de la Cour des comptes fit droit à la demande du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE En 1985, le requérant fut affecté par son employeur au poste de chauffeur d'autocar auprès d'une école de Rome accueillant des enfants handicapés ; il était chargé, le matin, de conduire les enfants de leur domicile à l'école, et de les ramener chez eux l'après-midi. Il était toujours accompagné d'une assistante sociale. Le 22 novembre 1985, la mère de R., une jeune fille handicapée mentale née en 1964, élève de l'école susmentionnée, sollicita l'aide d'une assistante sociale, C.T., parce qu'elle avait le sentiment que R. avait été violée ou sodomisée dans l'établissement scolaire par une personne prénommée « Massimo ». R. refusait de retourner à l'école depuis le 11 novembre 1985. Le 23 novembre 1985, la mère de R., accompagnée de C.T., emmena sa fille chez une gynécologue. Celle-ci n'examina pas l'intéressée mais, ayant appris par la mère ce qui était arrivé, recommanda de faire examiner la jeune fille par un médecin du département de médecine légale. Le 25 novembre, R. subit donc un examen médical ; toutefois, le médecin ne constata aucune trace récente ou ancienne de viol ou de sodomie. Le 22 novembre 1985, la mère invita également la directrice de l'école précitée à demander à un employé prénommé Massimo de fournir des explications, mais la directrice s'y refusa. Le même jour, la mère déposa une plainte pénale contre « une personne prénommée Massimo » ; elle indiqua à la police de Rome qu'une vingtaine de jours plus tôt, elle avait remarqué que sa fille semblait souffrir et se rendait très fréquemment aux toilettes ; R. s'était expliquée à ce sujet en lui disant : « c'était Massimo » (« è stato Massimo »). Quelques jours plus tard, la mère de R. avait appris par l'une de ses amies, C.D., qu'un jour R. lui avait confié qu'un certain Massimo l'avait sodomisée de force dans les sanitaires de l'école. La police interrogea R. en présence de sa mère ; la jeune fille déclara qu'environ un mois plus tôt, alors qu'elle se trouvait dans les sanitaires situés au deuxième étage de l'école, « Massimo » lui avait dit de s'allonger sur un petit lit et l'avait sodomisée. La police interrogea alors C.D., qui déclara qu'environ un mois plus tôt, alors qu'elle se trouvait dans l'appartement de la mère de R., elle avait remarqué que la jeune fille était très silencieuse ; après quelques hésitations, R. lui avait confié, en présence de sa sœur A. et d'une autre amie, M.P., que « Massimo » avait abusé d'elle sexuellement, qu'il lui avait fait mal et qu'il l'avait menacée. La police interrogea ensuite le directeur de l'entreprise chargée d'organiser le ramassage scolaire. Celui-ci indiqua que le car scolaire était conduit par le requérant. Le 14 décembre 1985, la police déposa une plainte pénale contre le requérant auprès du parquet de Rome. Une enquête préliminaire fut ouverte. Le 29 janvier 1986, le procureur décida de convoquer le 13 février 1986 R. et sa mère, ainsi que C.D. et C.T., en qualité de témoins. La mère de R. déclara qu'elle n'avait signalé le viol aux autorités qu'une quinzaine de jours après qu'il eut été commis parce que sa fille s'était confiée à l'une de ses amies et non à elle directement, et que son propre père était décédé au cours de cette période. Elle indiqua toutefois avoir remarqué que sa fille souffrait et lui avoir donné des antalgiques. Elle affirma que sa fille avait refusé de retourner à l'école après le viol et qu'elle-même ne l'y avait plus envoyée. Elle ajouta toutefois que pendant environ une semaine après le viol sa fille « une fois rentrée, ne parlait pas, refusait de manger, et allait immédiatement se coucher ». Elle déclara qu'elle n'avait pas revu « Massimo » depuis ce jour parce qu'il avait demandé à être remplacé par un autre chauffeur à partir du lendemain du viol. Elle ajouta avoir constaté par elle-même qu'il y avait un lit dans les sanitaires du deuxième étage de l'école. Le 17 février 1986, le requérant reçut la notification officielle (comunicazione giudiziaria) de l'allégation selon laquelle il avait commis « l'infraction visée à l'article 519 du code pénal, en ce qu'il avait contraint R., handicapée mentale, à avoir des rapports sexuels avec lui, à Rome, en novembre 1985 » (« del reato di cui all'articolo 519 c.p. per aver costretto R. malata di mente a congiungersi carnalmente con lui. In Roma, nel novembre 1985 »). Le 19 février 1986, le requérant désigna son avocat. Le 11 avril 1986, la directrice de l'école fut citée à comparaître en qualité de témoin devant le procureur le 29 avril 1986. Elle reconnut que la mère de la victime lui avait signalé le viol, mais prétendit qu'elle n'avait pas jugé son récit plausible, parce qu'il n'y avait pas de lit dans les sanitaires et que tous les enfants étaient accompagnés lorsqu'ils se rendaient aux toilettes ou dans les salles de thérapie du troisième étage (qui, elles, comportaient des lits). Elle ajouta que le requérant n'avait pas pour habitude d'entrer dans l'établissement et n'aurait eu aucune raison de se trouver au troisième étage ; en outre, il avait été affecté à un nouveau poste en janvier 1986. Le 30 septembre 1986, le requérant fut interrogé par le procureur de Latina en présence de son avocat. Il clama son innocence. Il souligna qu'au moins vingt personnes se trouvaient toujours dans l'autocar et qu'il avait toujours rencontré R. en présence de l'assistante sociale. Le 23 octobre 1986, le requérant fut renvoyé en jugement devant le tribunal de Rome ; il fut inculpé de « l'infraction visée à l'article 519 du code pénal, en ce qu'il avait contraint R., handicapée mentale, à avoir des rapports sexuels avec lui, à Rome, en novembre 1985 ». Le 25 septembre 1989, l'avocat du requérant demanda à consulter le dossier de l'accusation. A la demande du requérant, présentée le 25 novembre 1989, le tribunal de Rome fixa au 19 mai 1990 la date de la première audience dans l'affaire. Lors de cette audience, l'intéressé clama son innocence et répéta qu'il ne s'était jamais trouvé seul avec R. car il y avait toujours eu une vingtaine de personnes, y compris l'assistante sociale, dans l'autocar. Il expliqua que son travail de chauffeur se terminait lorsqu'il arrivait à l'école ; il y retournait ensuite à 16 heures pour chercher les enfants et les ramener à leur domicile. Il déclara avoir connaissance de la plainte portée contre lui et fit valoir qu'il n'entrait jamais dans l'établissement scolaire car il n'y était pas autorisé. Il ajouta qu'après avoir déposé les enfants à l'école le matin il accomplissait d'autres tâches – normalement des visites touristiques en autocar – pour le compte de son employeur. R. ne put être interrogée tout de suite, car elle semblait très agitée et déclara qu'elle ne se souvenait de rien ; toutefois, elle identifia le requérant comme étant le chauffeur de l'autocar. La mère de la jeune fille fut interrogée ; elle déclara ignorer la date exacte des événements et précisa qu'elle n'avait pas immédiatement signalé le viol parce que son père était décédé juste à cette période. Elle savait que le viol avait eu lieu au troisième étage, dans la salle de thérapie où il y avait des lits. A une question de l'avocat du requérant, elle répondit qu'à sa connaissance les enfants étaient accompagnés lorsqu'ils se rendaient dans les salles de thérapie au troisième étage. C.T., l'assistante sociale, fut également interrogée. Elle déclara que, dans l'après-midi du 22 novembre 1985, la mère de R. était venue la voir et lui avait dit qu'en rentrant de l'école sa fille était bouleversée et saignait. C.T. lui avait demandé de revenir le lendemain avec R. Le lendemain, elle avait emmené R. chez la gynécologue. Celle-ci n'avait pas examiné la jeune fille mais, ayant appris par la mère ce qui s'était passé, avait recommandé de faire examiner l'intéressée par un médecin du département de médecine légale. Le 25 novembre, C.T. avait donc accompagné R. chez un autre médecin qui avait examiné la jeune fille et délivré un certificat ; le médecin lui avait conseillé d'informer la police. C.T. précisa que R. appelait le violeur « Massimiliano » ou « le chauffeur de l'autocar de l'école ». Elle déclara que R. lui avait dit qu'elle avait quitté la salle de classe pour se rendre dans une autre salle et que dans le couloir elle avait été agrippée par « Massimiliano » qui l'avait poussée dans une pièce où il y avait un lit ou une table et qu'il avait tenté de la sodomiser. R. avait ressenti une vive douleur et avait appelé à l'aide, mais personne ne l'avait entendue. « Massimiliano » avait menacé de la tuer si elle disait quoi que ce soit au sujet de ce qui s'était passé. Puis C.D. fut interrogée ; elle répéta ce qu'elle avait déclaré à la police et précisa que R. lui avait dit que le viol avait été commis au troisième étage, le 21 novembre 1985, mais qu'elle n'avait pas indiqué l'heure. N.D., la directrice de l'école, fut entendue. Elle déclara que la salle de classe de R. se trouvait au premier étage. Elle précisa que les chauffeurs d'autocar n'entraient pas dans l'établissement scolaire étant donné que le règlement l'interdisait. Toutefois, le requérant était parfois venu dans son bureau pour téléphoner. Deux concierges surveillaient l'entrée des salles de classe. Elle ajouta que l'un des trois assistants accompagnait les enfants lorsqu'ils se rendaient dans les salles de thérapie situées au troisième étage. Elle indiqua également que le requérant avait travaillé pour l'école jusqu'en janvier 1986. Enfin, R. fut interrogée avec l'aide de l'assistante sociale. Elle affirma qu'elle était allée aux sanitaires pour se laver les mains et qu'en revenant vers la salle de classe, elle avait été attrapée par le requérant. Cela s'était passé à l'étage où se trouvait sa salle de classe, elle ne s'était pas rendue aux étages supérieurs. C'était arrivé le matin. R. ajouta qu'elle ne se souvenait pas si elle était retournée dans la salle de classe et ne se rappelait pas quel professeur était présent ce jour-là. Le tribunal ajourna l'examen de l'affaire au 12 juin 1990 afin d'entendre les deux concierges de l'école mentionnés par la directrice ainsi que la professeur présente le 21 novembre 1985. En outre, il ordonna que le registre scolaire de présences lui fût remis. A l'audience du 12 juin 1990, le tribunal entendit les concierges. E.F., chargée de la section des filles, déclara qu'elle restait dans les couloirs durant les cours, étant donné que les professeurs l'appelaient lorsqu'un enfant devait quitter la salle de classe pour une raison quelconque, par exemple pour se rendre aux toilettes. Elle indiqua qu'un assistant emmenait les enfants en salle de thérapie et les ramenait. Elle se rappela avoir parfois vu les chauffeurs d'autocar se rendre dans le bureau de la directrice, mais elle n'en avait jamais aperçu aucun errer dans les couloirs, dont l'accès était interdit au public par un écriteau. Les concierges se tenaient près d'une table devant le bureau de la directrice, à l'extrémité des couloirs où se trouvaient les salles de classe, ce qui leur permettait d'en surveiller l'accès. Elle ajouta qu'une entrée séparée menait au troisième étage depuis la clinique de l'école, mais que cet accès était fermé à clef et ouvert à la demande de l'administration ; elle exclut tout contact entre les chauffeurs d'autocar et l'administration scolaire. Elle n'avait jamais vu un chauffeur se rendre dans les étages supérieurs par les escaliers intérieurs situés devant la table des concierges. Enfin, elle déclara ne pas se souvenir avoir vu R. retourner dans la salle de classe en pleurant ou en paraissant bouleversée. V.C., l'autre concierge, déclara n'avoir jamais vu un chauffeur d'autocar errer dans les couloirs, ce qui était interdit ; les chauffeurs attendaient devant l'école jusqu'à 14 h 30, puis ramenaient les enfants chez eux. Il lui était arrivé d'appeler l'un d'entre eux pour la directrice lorsqu'il y avait un appel téléphonique de l'employeur. Le tribunal releva, d'après le registre de présences, que R. avait été absente à partir du 11 novembre 1985 ; le 14 mars 1986, elle avait quitté l'école. Interrogée par le tribunal, G.S., la professeur de R., déclara qu'elle se souvenait vaguement de la jeune fille ; on ne lui avait jamais dit officiellement pourquoi celle-ci ne fréquentait plus l'école, mais elle avait entendu des rumeurs. Elle n'avait jamais vu les chauffeurs d'autocar errer dans les couloirs. Lorsqu'un élève avait besoin de quitter la salle de classe pour se rendre aux toilettes, elle appelait la concierge qui accompagnait l'intéressé et le ramenait en classe. Des assistants accompagnaient les élèves handicapés lorsqu'ils se rendaient en thérapie. Par un jugement rendu le 12 juin 1990, le tribunal de Rome condamna le requérant pour viol à une peine de trois ans d'emprisonnement assortie d'une interdiction de travailler dans le service public pendant cinq ans. Le 14 juin 1990, le requérant déclara son intention d'interjeter appel. Le jugement fut déposé au greffe le 27 juin 1990. Dans son jugement, le tribunal souligna que bien que R. fût handicapée mentale et ne semblât pas être pleinement consciente de ses propres déclarations, celles-ci étaient suffisamment précises et détaillées pour être crédibles ; l'intéressée ne nourrissait pas de haine ou de rancune pour le requérant. Quant à l'absence de preuves médicales du viol, étant donné que l'examen médical avait été effectué au moins deux semaines après les événements, le tribunal considéra que les lésions avaient déjà guéri et qu'aucune trace ne subsistait. Il estima que les témoins à charge, en particulier C.D. et C.T., étaient totalement crédibles et n'éprouvaient aucun ressentiment contre l'accusé. Concernant la date du viol, il avait été commis, selon le tribunal, le jour où R. avait parlé à C.D., c'est-à-dire deux semaines avant le 25 novembre 1985 et juste avant le 11 novembre 1985, date à laquelle R. avait cessé de fréquenter l'école, probablement à cause du viol. Ayant constaté que le viol avait été commis, le tribunal jugea établi que le requérant en était l'auteur. R. l'avait identifié et il était courant d'appeler « Massimo » une personne prénommée Massimiliano. Le tribunal estima que le requérant avait eu la possibilité d'entrer dans l'école, malgré les dépositions contraires de la directrice et des concierges qui s'étaient contredits sur un certain nombre de points et n'étaient pas crédibles en ce qu'ils semblaient avoir un intérêt à protéger la réputation de l'école. On pouvait raisonnablement penser que l'employeur avait des contacts, par l'intermédiaire de ses chauffeurs, avec l'administration scolaire qui se trouvait au troisième étage. Il était plausible que l'intéressé eût effectivement perpétré le crime et il n'était pas utile de connaître le lieu exact du viol – à savoir l'étage précis où il avait été commis – à partir du moment où il avait été établi a) qu'il avait été commis à l'intérieur du bâtiment et b) que le requérant pouvait entrer dans le bâtiment. Quant à la déclaration de l'accusé selon laquelle il quittait l'école après y avoir déposé les élèves le matin et y revenait l'après-midi, un des concierges avait affirmé au contraire que les chauffeurs d'autocar restaient devant l'école. En outre, d'après le tribunal, s'il était vrai que les concierges ou les assistants accompagnaient certains élèves gravement handicapés lorsqu'ils quittaient l'école, on avait dû souvent laisser la jeune fille partir seule, étant donné qu'elle marchait et se déplaçait de manière autonome. Le 30 juillet 1990, le requérant déposa ses moyens auprès de la cour d'appel de Rome. Il prétendit que l'imprécision de l'accusation portée contre lui l'avait empêché de se défendre ; en effet, l'acte d'accusation ne contenait aucune indication précise du lieu et de la date du viol, et ces éléments n'étaient pas ressortis au cours du procès. Il argua par conséquent de la nullité de la procédure, pour méconnaissance de ses droits de défense. En outre, il souligna que les témoins avaient reconnu que R. était amoureuse de lui, ce qui, selon lui, pouvait justifier de la rancœur de la part de la jeune fille, parce qu'il ne répondait pas à cet amour. Il demanda également à la cour de procéder à l'audition d'un témoin à décharge, à savoir son employeur à l'époque du viol, afin d'obtenir de plus amples détails sur ses fonctions de chauffeur de car scolaire. Dans son arrêt du 30 avril 1991, déposé au greffe le 20 mai 1991, la cour d'appel confirma le jugement de première instance. Après avoir réexaminé les éléments de preuve recueillis au cours du procès en première instance, et ne jugeant pas utile d'entendre l'employeur du requérant, la cour conclut à la culpabilité de l'intéressé. Quant à l'imprécision alléguée de l'accusation, elle estima que l'impossibilité d'indiquer le lieu et la date exacts du viol ne frappait pas l'accusation elle-même de nullité puisque les éléments (novembre 1985 – à l'intérieur de l'école) contenus dans l'accusation étaient suffisants pour permettre une défense adéquate. La cour constata en particulier que l'affirmation favorable au requérant selon laquelle les enfants handicapés étaient toujours accompagnés lorsqu'ils se rendaient aux toilettes ou dans les salles de thérapie revêtait un caractère général et ne pouvait contrer la description précise des faits donnée par R. Quant à l'absence de lits dans les sanitaires, elle estima, vu la présence de lits aux autres étages, que l'on ne pouvait exclure que R., qui faisait confiance au requérant, l'avait suivi dans d'autres salles de l'école. En outre, à l'instar de la juridiction de jugement, la cour d'appel jugea inutile d'établir le lieu exact du viol dans les locaux scolaires. S'agissant de l'absence de rancune contre le requérant, elle n'estima pas pertinent le fait que R. fût probablement amoureuse de l'intéressé. A vrai dire, cette circonstance pouvait expliquer pourquoi R. avait suivi le requérant dans un endroit à l'écart. Concernant la date du viol, la cour jugea établi qu'il avait été commis vers le 11 novembre 1985, avant que R. ne cessât de fréquenter l'école. C.T., qui avait déclaré qu'il avait eu lieu le 25 novembre, avait probablement confondu la date du viol avec celle de l'examen médical. De l'avis de la cour, l'absence de trace de lésions était due au laps de temps qui s'était écoulé entre le viol et l'examen médical et ne suffisait pas à exclure qu'il y avait eu viol « étant donné que R. avait hurlé ». Le requérant fut informé du dépôt du texte de l'arrêt le 23 juin 1992. Le 13 juillet 1992, il se pourvut en cassation ; il répéta notamment que l'imprécision de l'accusation l'avait empêché de se défendre et prétendit que la cour d'appel n'avait donné aucun motif permettant de considérer que les éléments à charge étaient suffisants pour le condamner : au contraire, il s'agissait de preuves indirectes et fragiles qui n'étaient pas corroborées par d'autres éléments. Les juridictions inférieures avaient présumé de façon totalement injustifiée de la partialité des témoins qui avaient fait des déclarations lui étant favorables et, d'ailleurs, ces témoins avaient confirmé ses dires. La cour d'appel avait mis en doute le fait que tous les enfants fussent accompagnés lorsqu'ils se rendaient aux toilettes, mais rien n'indiquait que cette affirmation, que tous les témoins dont les déclarations étaient favorables au requérant et même R. avaient réitérée, ne fût pas conforme à la vérité. En outre, on ne pouvait juger inutile de préciser si le viol avait été commis, comme l'avaient déclaré la victime et les témoins, dans les sanitaires au deuxième étage ou au rez-de-chaussée où il n'y avait pas de lits, ou encore dans les salles de thérapie au troisième étage. Le requérant estima que les juridictions inférieures n'avaient pas soigneusement examiné les déclarations contradictoires de R. Quant à la date du viol, il fit valoir que les témoins avaient tous indiqué qu'il avait eu lieu le 21 novembre et non, comme l'avaient déclaré les juridictions inférieures, le 11 novembre 1985. En fait, si viol il y avait eu, il avait été commis le 21 novembre, date à laquelle R. avait déjà cessé de fréquenter l'école, et l'on ne pouvait considérer qu'il en était l'auteur. R. l'avait probablement accusé parce qu'elle était amoureuse de lui et avait été rejetée : les juridictions inférieures avaient injustement refusé de tenir compte de cet élément. Enfin, le requérant contesta le défaut de motivation du refus d'entendre un autre témoin à décharge. Par un arrêt du 17 juin 1993, déposé au greffe le 19 juillet 1993, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant au motif qu'il était manifestement mal fondé et qu'il avait été formé par un avocat non admis à plaider devant elle. Soulignant qu'il ne lui incombait pas de contrôler le bien-fondé des décisions des juridictions inférieures, elle déclara notamment que l'accusation portée contre le requérant n'était pas imprécise dans la mesure où elle contenait tous les détails nécessaires à la défense de l'intéressé. Elle estima que l'absence d'indication de la date et du lieu exacts du viol résultait du manque de précision initial de l'accusation (originaria imprecisione dell'accusa) dû au handicap mental de R. Toutefois, pour la Cour, ce défaut initial avait été réparé au cours du procès grâce aux confirmations apportées par les déclarations des trois principaux témoins à charge. Quant à la date du viol, il était logique de la situer immédiatement avant le refus de R. de retourner à l'école. C.T. avait commis une erreur légitime, alors que la mère de R. était crédible et il fallait accorder foi à ses déclarations. Concernant le refus d'entendre un témoin en appel, la Cour de cassation déclara que la juridiction d'appel avait implicitement motivé sa décision en déclarant que les témoignages déjà recueillis devant le tribunal de Rome étaient suffisants. Le requérant purgea sa peine à la prison de Latina. Le 25 mars 1994, il fut admis au bénéfice de la libération conditionnelle (affidamento in prova al servizio sociale) jusqu'au 26 octobre 1994. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L'article 304 § 1 de l'ancien code de procédure pénale énonçait : « Dès la première mesure d'instruction, le juge d'instruction est tenu d'adresser aux personnes pouvant avoir un intérêt une notification officielle [comunicazione giudiziaria] mentionnant les dispositions de la loi qui auraient été violées et la date de l'infraction en cause, ainsi que la possibilité de nommer un défenseur. » L'article 304 bis autorisait l'avocat de la défense à assister à l'interrogatoire de l'accusé par le procureur et par le juge, ainsi qu'aux expertises, perquisitions domiciliaires et présentations de suspects à témoins. L'article 304 quater disposait que les documents et actes afférents aux mesures où la présence de l'avocat de la défense était admise, ainsi que les procès-verbaux de saisies, perquisitions et fouilles corporelles, devaient être déposés au greffe le lendemain de la mise en œuvre de la mesure pertinente, et l'avocat de la défense était autorisé à les consulter et à en faire copie dans les cinq jours. En outre, l'avocat de la défense était en droit de recevoir copie du mandat d'arrêt ou du mandat d'amener. Les procès-verbaux des interrogatoires des témoins au cours de l'instruction ne devaient pas être déposés au greffe et n'étaient donc pas communiqués immédiatement à l'avocat de la défense. En vertu des articles 369 et suivants de l'ancien code de procédure pénale, à la clôture de l'instruction, le juge d'instruction déposait le dossier au greffe et en informait le procureur, qui pouvait réclamer un complément d'instruction. Lorsque le procureur estimait que l'instruction était suffisante, les actes et documents relatifs à l'affaire étaient déposés au greffe, et l'avocat de la défense était autorisé à examiner l'ensemble du dossier, à en faire copie et à présenter des demandes ou des observations dans un délai de cinq jours à compter de la date à laquelle il avait été informé du dépôt du dossier au greffe. Aux termes de l'article 374 de l'ancien code de procédure pénale, la décision de renvoi en jugement devait renfermer : – la description des faits matériels ; – la qualification juridique de ces faits ; – les circonstances aggravantes ; – les circonstances de nature à exiger l'application de mesures de sûreté.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Arrivé aux Pays-Bas le 31 mars 1988, le requérant y épousa une femme turque le 29 décembre de la même année. Le 14 février 1989, le chef de la police d'Utrecht lui accorda, à sa demande, un permis de séjour lui permettant de vivre avec son épouse et de travailler aux Pays-Bas. Ce permis de séjour était valable pour un an. Le 5 avril 1990, l'intéressé se vit délivrer un document attestant que, du fait de son mariage, il était autorisé à résider indéfiniment aux Pays-Bas. Le 27 août 1990, le requérant et sa femme eurent un fils, Kürsad. Les conjoints se séparèrent en novembre 1991, puis une procédure de divorce fut entamée. Dès lors que son droit de résider indéfiniment aux Pays-Bas était suspendu à la condition qu'il demeurât marié et cohabitât avec son épouse, le requérant le perdit ex jure au moment de la séparation. Le 24 janvier 1992, il sollicita et obtint un permis de séjour indépendant lui permettant de travailler aux Pays-Bas, conformément aux dispositions pertinentes de la circulaire sur les étrangers (Vreemdelingencirculaire ; paragraphes 40-42 ci-dessous). Ce permis était valable pour un an. Au cours de la période qui suivit immédiatement la séparation, le requérant ne fit aucune tentative pour voir Kürsad, mais par la suite il invita le tribunal d'arrondissement (Arrondissementsrechtbank) d'Utrecht à définir un régime concernant son droit de visite (omgangsregeling). Le tribunal d'arrondissement demanda au Conseil de la protection de l'enfance (Raad voor de Kinderbescherming) de mener des investigations, de manière à déterminer s'il était possible d'établir pareil régime. Dans son rapport du 18 janvier 1993, le Conseil de la protection de l'enfance déclara qu'après avoir refusé au départ de coopérer à l'établissement d'un régime des visites, la mère avait consenti, à titre provisoire, à ce que le requérant vît Kürsad plusieurs fois au domicile de ses grands-parents maternels, mais que M. Cılız n'avait pas pris contact avec le conseil. Celui-ci conclut que la situation du requérant ne s'était pas suffisamment clarifiée et qu'il serait donc inopportun de définir un régime des visites. Le 11 janvier 1993, le requérant sollicita du chef de la police d'Utrecht une prorogation de son permis de séjour afin de pouvoir travailler aux Pays-Bas. Le 3 février 1993, sa demande fut rejetée au motif qu'à l'époque il percevait des allocations de chômage. Se plaçant sur le terrain de l'article 8 de la Convention, le chef de la police d'Utrecht considéra notamment que, dès lors qu'il apparaissait que M. Cılız n'avait pas de contacts réguliers avec son fils, il n'y avait pas de vie familiale entre eux au sens de ladite clause. A cet égard, il estima ne pouvoir prendre en compte l'argument du requérant selon lequel ce n'était pas sa faute si des contacts réguliers ne pouvaient être mis en place, puisque seule devait entrer en ligne de compte la situation factuelle. Le chef de la police d'Utrecht considéra de surcroît qu'à supposer même établie une vie familiale entre M. Cılız et son fils, une atteinte au droit au respect de cette vie familiale se justifierait au regard du paragraphe 2 de l'article 8. Le 22 avril 1993, le requérant invita le secrétaire d'Etat à la Justice (Staatssecretaris voor Justitie) à revoir (herzien) la décision du chef de la police d'Utrecht. Il faisait valoir qu'il était sur le point d'obtenir un contrat d'emploi permanent. Il reconnaissait que pour l'heure les contacts avec Kürsad n'étaient toujours pas régularisés, mais que le tribunal d'arrondissement d'Utrecht devait examiner et accueillir sous peu une demande de fixation d'un régime des visites. Le mariage de M. Cılız fut officiellement dissous le 17 mars 1994. Le 15 juillet 1994, l'intéressé fut entendu par la Commission consultative des étrangers (Adviescommissie voor Vreemdelingenzaken). Il affirma que, depuis février 1993, il rendait visite à Kürsad de une à trois fois par semaine. La Commission consultative recommanda au secrétaire d'Etat à la Justice le rejet de la demande de révision du requérant. Tout en considérant qu'il y avait une vie familiale entre le requérant et son fils et que le refus d'accorder au premier un permis de séjour permanent aux Pays-Bas constituerait une atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale, la Commission consultative estima que cette ingérence était justifiée au regard de la nécessité de protéger le bien-être économique du pays. A cet égard, elle considéra que M. Cılız percevait des allocations de chômage. Elle jugea que s'il était possible que l'on mît fin au versement de ces allocations à la suite de l'obtention par l'intéressé d'un contrat d'employé intérimaire dans l'industrie textile, cette activité ne pouvait passer pour servir un intérêt national essentiel, dès l'instant qu'il apparaissait que, sur le marché néerlandais du travail, d'autres personnes prioritaires par rapport au requérant étaient disponibles pour effectuer ce genre de tâches. La Commission consultative prit également en compte le fait que M. Cılız n'avait vécu que dix-huit mois avec Kürsad, qu'il ne voyait ce dernier que de façon irrégulière et pendant peu de temps et qu'il ne contribuait qu'irrégulièrement aux frais afférents à son entretien et à son éducation. Le 6 octobre 1994, suivant l'avis de la Commission consultative, le secrétaire d'Etat à la Justice rejeta la demande de révision du requérant. M. Cılız attaqua la décision devant la chambre des étrangers (Vreemdelingenkamer) du tribunal d'arrondissement de La Haye siégeant à Amsterdam (nevenzittingsplaats Amsterdam) le 31 octobre 1994. Il soutenait notamment que, contrairement à ce que la Commission consultative avait estimé, sa relation avec Kürsad était intense. Le 25 novembre 1994, le tribunal d'arrondissement d'Utrecht tint une audience. Le 24 janvier 1995, il désigna l'ex-épouse du requérant comme tutrice (voogdes) et le requérant comme subrogé tuteur (toeziend voogd) de Kürsad. Il ordonna en outre à M. Cılız de verser à la mère, en guise de contribution aux frais d'entretien et d'éducation de Kürsad, toutes allocations familiales qu'il pourrait percevoir au titre du régime légal. Compte tenu des circonstances et de l'état des rapports entre les parties, le tribunal jugea toutefois qu'il ne serait pas approprié d'intégrer dans un régime des visites les divers contacts que le requérant entretenait à l'époque avec Kürsad. Il supposa, à cet égard, que les contacts entre le père et son fils se poursuivraient à l'avenir ; il ajouta qu'il incombait à la mère, qui élevait l'enfant, de veiller à leur préservation. Le requérant saisit la cour d'appel (Gerechtshof) d'Amsterdam d'un recours dirigé contre la décision par laquelle le tribunal d'arrondissement d'Utrecht avait refusé d'établir un régime des visites. Le 19 avril 1995, une audience eut lieu au cours de laquelle l'ex-épouse de l'intéressé affirma qu'elle n'était pas disposée à collaborer à la mise en place d'un régime des visites, au motif qu'il lui paraissait que M. Cılız ne souhaitait en passer par là que pour pouvoir obtenir un droit de séjourner aux Pays-Bas. Elle déclara en outre ne pas croire que le requérant fût capable de maintenir des contacts réguliers avec Kürsad, et soutint que des contacts irréguliers ne favoriseraient pas le bien-être de l'enfant. Le 10 mai 1995, le tribunal d'arrondissement de La Haye siégeant à Amsterdam tint une audience consacrée à l'examen du recours formé par le requérant contre le rejet de sa demande de révision de la décision de ne pas proroger son permis de séjour. Par une décision du 24 mai 1995, il rejeta le recours au motif que le refus d'accorder à M. Cılız un permis de séjour permanent aux Pays-Bas constituait une atteinte justifiée à sa vie familiale. Il tint compte à cet égard, notamment, de ce que le tribunal d'arrondissement d'Utrecht avait rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'établissement d'un régime des visites. Il jugea que les contacts entre le requérant et Kürsad étaient irréguliers et fugaces et que le premier ne contribuait pas de manière régulière aux frais afférents à l'entretien et à l'éducation du second. Il considéra en outre que le bien-être économique du pays devait également entrer en ligne de compte. Il releva que le requérant avait produit un contrat d'emploi dont il ressortait que sa période probatoire n'était pas encore terminée et que, de toute manière, il y avait, disponible sur le marché néerlandais de l'emploi, suffisamment de main-d'œuvre ayant priorité sur M. Cılız pour effectuer le type de travail pour lequel l'intéressé avait été recruté. Lorsque, le 26 juin 1995, cette décision fut notifiée au requérant, ladite période probatoire avait pris fin et l'intéressé était en possession d'un contrat d'emploi à durée indéterminée. En ce qui concerne la demande de M. Cılız tendant à l'établissement d'un régime des visites, la cour d'appel décida, par un jugement interlocutoire du 1er juin 1995, d'ajourner la procédure. Elle estima que pour l'heure il n'y avait pas suffisamment de raisons de priver l'intéressé du droit de voir son fils. Incapable de déterminer dans quelle mesure le requérant s'intéressait vraiment à Kürsad, la cour d'appel invita le Conseil de la protection de l'enfance à organiser un certain nombre de rencontres sous surveillance entre le père et son fils, afin de tester les motivations du premier. Le 19 septembre 1995, le requérant fut informé que la cour d'appel avait reporté la procédure au 3 décembre 1995, en raison de la surcharge du Conseil de la protection de l'enfance. Par une lettre du 16 octobre 1995, il demanda à ladite juridiction si un autre organisme ne pouvait pas être désigné pour organiser les rencontres-tests. Il disait souhaiter voir Kürsad et craindre qu'un nouveau délai ne fût préjudiciable, à lui comme à son fils. Le 31 octobre 1995, M. Cılız fut placé en détention en vue de son expulsion (vreemdelingenbewaring). Le 2 novembre 1995, invoquant des raisons impérieuses d'ordre humanitaire, il sollicita une nouvelle fois un permis de séjour qui lui permettrait de travailler aux Pays-Bas et de demeurer auprès de son fils. A cette occasion, il déclara au chef de la police que si en février 1995 il avait cessé de contribuer financièrement à l'entretien de son fils c'était parce que son ex-épouse ne lui permettait plus de voir Kürsad. La première rencontre-test entre le requérant et Kürsad eut lieu le 3 novembre 1995 sous les auspices et dans les locaux du Conseil de la protection de l'enfance. M. Cılız étant toujours en détention, il était accompagné de deux agents de police, qui observèrent le déroulement de la rencontre à partir d'une autre pièce. Le 7 novembre 1995, le représentant du requérant prit contact avec l'agent du Conseil de la protection de l'enfance qui avait assisté à ladite rencontre. D'après celui-ci, la rencontre s'était bien déroulée, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle avait eu lieu. Si le père et son fils avaient dû au départ se réaccoutumer à être ensemble, il était apparu clairement que Kürsad connaissait son père, qui constituait pour lui un personnage familier. Après la rencontre, Kürsad s'était spontanément dirigé vers la fenêtre afin de faire signe au requérant. L'agent du Conseil de la protection de l'enfance déclara estimer qu'une autre rencontre-test devait être organisée par le conseil, éventuellement en présence d'un psychologue, à la suite de quoi il y aurait lieu d'examiner la possibilité de définir un régime des visites sous surveillance. La demande d'obtention d'un permis de séjour formée par le requérant le 2 novembre 1995 fut rejetée par le secrétaire d'Etat à la Justice le 30 novembre 1995. Le secrétaire d'Etat estima qu'aucun fait nouveau pertinent n'avait été invoqué par l'intéressé. Sur la base des informations soumises par les policiers qui avaient observé le déroulement de la rencontre entre M. Cılız et Kürsad le 3 novembre 1995, il considéra de surcroît qu'il était apparu que la relation entre le père et son fils à l'époque n'était pas significative, mutuelle ou profonde et que l'on ne pouvait prévoir de manière réaliste qu'une relation plus étroite se développât. Le 6 novembre 1995, le requérant saisit le secrétaire d'Etat à la Justice d'une réclamation (bezwaar) dirigée contre le refus d'un permis de séjour. Il fit valoir notamment que la procédure concernant les contacts entre lui et son fils était toujours pendante devant la cour d'appel d'Amsterdam et que la rencontre-test qui avait été ordonnée par celle-ci le 1er juin 1995 n'avait eu lieu que le 3 novembre 1995. Compte tenu du fait qu'à l'époque il se trouvait détenu, on ne pouvait pas raisonnablement s'attendre à ce que la rencontre entre lui et Kürsad donnât une image authentique de la nature de la relation qui les unissait. M. Cılız sollicita également du président du tribunal d'arrondissement de La Haye siégeant à Amsterdam l'adoption d'une mesure provisoire. Le requérant fut expulsé vers la Turquie le 8 novembre 1995. Le 7 mars 1996, le président du tribunal d'arrondissement rejeta tant la réclamation formée par l'intéressé contre le refus d'octroi d'un permis de séjour que la demande d'adoption d'une mesure provisoire. La procédure de recours relative au droit de visite intentée devant la cour d'appel d'Amsterdam fut ajournée pour quelque temps et se poursuivit finalement en l'absence de M. Cılız, auquel les autorités n'avaient pas accordé un visa d'entrée qui lui eût permis de participer à de nouvelles rencontres-tests ou à l'audience devant la cour d'appel. Le 7 mai 1998, celle-ci confirma la décision par laquelle le tribunal d'arrondissement d'Utrecht avait refusé d'établir un régime des visites (paragraphe 21 ci-dessus). Se fondant sur le rapport du Conseil de la protection de l'enfance du 18 janvier 1993 (paragraphe 12 ci-dessus), sur le fait que Kürsad et son père ne s'étaient pas vus depuis novembre 1995 et qu'il ne s'était pas avéré possible d'organiser les rencontres-tests – hormis celle du 3 novembre 1995 – dans un délai raisonnable, sur l'incertitude marquant la question de savoir si le père viendrait aux Pays-Bas et y demeurerait temporairement, sur les doutes qui continuaient d'entourer le point de savoir si le requérant était capable de maintenir des contacts réguliers avec Kürsad et sur la tension qui persistait quant à l'instabilité de sa situation, elle considéra que l'établissement de pareil régime serait contraire aux intérêts supérieurs de l'enfant. M. Cılız forma contre cette décision un pourvoi, dont la Cour de cassation (Hoge Raad) le débouta le 16 avril 1999. Entre temps, le 5 janvier 1999, il était revenu aux Pays-Bas avec un visa valable pour trois mois. Le 25 janvier 1999, il présenta au tribunal d'arrondissement d'Utrecht une nouvelle demande tendant à l'établissement d'un régime des visites, arguant que les données avaient changé depuis la décision rendue par la cour d'appel le 7 mai 1998 (paragraphe 35 ci-dessus), dans la mesure où il séjournait à présent aux Pays-Bas et y avait un emploi. A la suite d'une audience organisée le 23 février 1999 et au cours de laquelle la mère de Kürsad déclara que son fils ne souhaitait pas voir le requérant, le tribunal d'arrondissement invita le Conseil de la protection de l'enfance à examiner si l'organisation de contacts entre Kürsad et son père pouvait servir les intérêts supérieurs de l'enfant. Le 15 décembre 1999, le tribunal d'arrondissement rejeta la demande et dénia à M. Cılız tout droit de visite. Il prit note de la conclusion formulée par le Conseil de la protection de l'enfance après qu'une nouvelle rencontre-test eut été organisée et selon laquelle l'intérêt de l'enfant militait contre l'octroi au requérant d'un droit de visite, Kürsad s'étant montré fermement opposé à l'idée et son père n'ayant pas été en mesure de vaincre cette opposition. Le requérant a formé contre cette décision un recours dont l'examen est toujours pendant. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Admission, séjour et expulsion En vertu de l'article 11 § 2 de la loi sur les étrangers (Vreemdelingenwet), un permis de séjour peut être accordé pour un motif particulier, tel que la réunification ou la formation d'une famille, moyennant des restrictions liées à cet objectif. Si les conditions initiales ne sont plus remplies, le permis de séjour peut être révoqué en vertu de l'article 12 d) de la loi sur les étrangers, et une prorogation peut être refusée pour des motifs d'intérêt public, conformément à l'article 11 § 5. Un étranger qui s'est vu accorder le droit de pénétrer sur le territoire mais ne réunit pas ou ne réunit plus les conditions d'admission a l'obligation de quitter le pays, en vertu de l'article 15 d) § 2. S'il ne le fait pas de son propre chef, il encourt l'expulsion (article 22). En raison de la forte densité démographique de leur pays, les autorités néerlandaises mènent une politique d'immigration restrictive. L'admission n'est accordée, sur la base d'obligations créées par des traités, que si la présence du demandeur sert un intérêt néerlandais essentiel ou s'il existe des raisons impérieuses d'ordre humanitaire. Cette politique est définie notamment dans la circulaire sur les étrangers de 1982 (Vreemdelingencirculaire ; ci-après : « la circulaire de 1982 »), qui regroupe une série de directives élaborées et publiées par le ministère de la Justice. A l'époque pertinente, les conditions régissant l'admission des étrangers en vue de la réunification ou de la formation d'une famille, ou aux fins d'un séjour illimité après séparation, étaient énumérées au chapitre B19 de la circulaire de 1982. En vertu de l'article 10 § 2 de la loi sur les étrangers, toute personne de nationalité étrangère mariée à une personne ayant la nationalité néerlandaise, le statut de réfugié ou un permis d'établissement (vestigingsvergunning) acquérait ex jure, après un an de résidence légale, un droit à demeurer indéfiniment sur le territoire néerlandais. Ce droit expirait ex jure dès que les époux cessaient de cohabiter. En vertu de l'article 4.3, alinéas a) et d), du chapitre B19 de la circulaire de 1982, un étranger dont le mariage durait depuis au moins trois ans au moment de sa rupture pouvait obtenir un permis de séjour d'un an à compter de la date de la rupture de fait du mariage, mais uniquement aux fins de « trouver du travail, salarié ou indépendant ». Pendant l'année en question, la dépendance par rapport aux prestations de sécurité sociale ou de chômage ne pouvait être retenue contre l'étranger. Les autorités avaient l'obligation, lorsqu'elles examinaient une demande tendant à l'obtention d'une nouvelle prorogation d'un permis de séjour, de déterminer si la personne concernée était salariée ou indépendante et continuerait de l'être pendant au moins une année, que ce revenu durable provînt ou non d'un travail dans un secteur où il y avait suffisamment de ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne ou d'étrangers résidant légalement aux Pays-Bas disponibles pour occuper l'ensemble des postes vacants. Faute de pouvoir se convaincre que tel était le cas, les autorités refusaient la prorogation du permis de séjour. Un emploi trouvé ultérieurement ne changeait pas la décision, à moins que le travail en question ne servît un intérêt néerlandais essentiel. Le respect de la vie familiale tel qu'il est consacré par l'article 8 de la Convention constitue l'une des obligations internationales pouvant conduire à accorder l'admission ou la prorogation d'un permis de séjour (paragraphe 40 ci-dessus). L'article 1.2 du chapitre B19 de la circulaire de 1982 prévoyait à cet égard que, lorsqu'un étranger ne remplissait pas les conditions pour obtenir un permis (ou la prorogation de son permis) de séjour sur la base des règles applicables, la question de savoir si le fait de lui refuser un permis (ou la prorogation de son permis) de séjour serait conforme à l'article 8 de la Convention devait toujours être examinée. De manière analogue, l'article 4.4 du chapitre B19 de la circulaire de 1982 précisait que pour décider s'il y avait lieu ou non d'accorder la prorogation d'un permis de séjour il fallait avoir égard à la vie familiale de l'individu au sens de l'article 8 de la Convention. B. L'accès aux enfants après divorce L'article 377a du livre 1 du code civil (Burgerlijk Wetboek) régit les contacts que peut entretenir avec son enfant le parent qui ne s'est pas vu accorder l'autorité parentale après le divorce, ainsi que les motifs pour lesquels le droit d'entretenir ces contacts peut être refusé. La partie pertinente en l'espèce de cette disposition est ainsi libellée : « 1. L'enfant et le parent qui ne s'est pas vu accorder l'autorité parentale ont le droit d'entretenir des contacts l'un avec l'autre. A la demande de l'un des deux parents, le tribunal réglemente, pour une période indéfinie ou autrement, l'exercice du droit de visite ou refuse ce droit pour une période indéfinie ou autrement. Le tribunal ne refuse le droit de visite que dans les cas suivants : a) s'il risque de porter gravement préjudice au développement psychologique ou physique de l'enfant ; b) si le parent est manifestement incapable ou doit manifestement être jugé incapable d'assumer son rôle à cet égard ; c) si, lors de son audition, l'enfant âgé de plus de douze ans a formulé des objections sérieuses à son encontre ; d) s'il risque de compromettre d'une autre manière les intérêts primordiaux de l'enfant. (...) » Si les parents sont en désaccord au sujet du régime des visites, les tribunaux invitent le Conseil de la protection de l'enfance à établir un rapport. Lorsque l'enfant n'a vu son père que de manière occasionnelle depuis la petite enfance et que les parents sont en litige au sujet de la question des contacts, le conseil peut organiser une série de rencontres dans ses locaux afin de déterminer comment l'enfant réagit en présence de son père et comment celui-ci traite son enfant. Ces observations sont ensuite utilisées pour statuer sur la demande d'établissement d'un régime des visites. PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION Le requérant a saisi la Commission le 6 novembre 1995. Il soutenait que le refus par les autorités de lui accorder une prorogation de son permis de séjour et l'expulsion dont il avait fait l'objet par la suite étaient contraires aux articles 3, 8 et 14 de la Convention. Le 27 juin 1996, la Commission a déclaré irrecevables les griefs tirés des articles 3 et 14, puis, le 22 octobre 1997, elle a retenu celui fondé sur l'article 8. Dans son rapport du 20 mai 1998 (ancien article 31 de la Convention) , elle formule l'avis unanime qu'il y a eu violation de l'article 8.
0
0
0
0
0
0
0
0
1
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Le 1er juin 1993, le requérant fut arrêté par la police. Le lendemain, le procureur régional (Prokurator Wojewódzki) de Łódź l'inculpa d'escroquerie et le plaça en détention provisoire pour les motifs précisés à l'article 217 § 1, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale de 1969. Le 25 juin 1993, le tribunal régional (Sąd Wojewódzki) de Łódź, statuant sur le recours du requérant, confirma l'ordonnance de mise en détention. Le 10 août 1993, le tribunal régional de Łódź, à la demande du procureur, prorogea la détention du requérant jusqu'au 31 décembre 1993. Le tribunal fonda sa décision sur les motifs invoqués à l'origine pour justifier la détention et sur le fait que l'enquête n'était pas terminée puisqu'il était nécessaire de recueillir d'autres preuves. Le 30 décembre 1993, le tribunal régional de Łódź, là encore à la demande du procureur régional de Łódź, prorogea la détention provisoire du requérant jusqu'au 31 janvier 1994, invoquant les mêmes motifs que ceux qu'il avait mentionnés dans sa décision du 10 août 1993. Le 7 janvier 1994, le requérant fit appel de la décision le maintenant en détention. Peu après, à une date non précisée, l'enquête fut close. Ultérieurement, le 11 janvier 1994, le procureur régional de Łódź déposa un acte d'accusation auprès du tribunal régional de Łódź. Le 21 janvier 1994, le tribunal régional de Łódź déféra à la cour d'appel (Sąd Apelacyjny) de Łódź l'appel interjeté le 7 janvier 1994 par le requérant. Le 1er février 1994, la cour estima que l'examen de cet appel « serait sans objet » et décida qu'il fallait considérer ce recours comme une demande de libération. Elle releva qu'une décision prorogeant la détention provisoire ne s'imposait qu'au stade de l'enquête. Par conséquent, après la clôture de l'enquête et le dépôt de l'acte d'accusation, le requérant pouvait simplement présenter à tout moment une demande de libération au tribunal compétent pour connaître de son affaire, conformément à l'article 214 du code de procédure pénale. En conséquence, l'appel fut renvoyé au tribunal régional de Łódź, ce dont le requérant fut informé le 18 février 1994. Toutefois, dans la procédure ultérieure, le tribunal régional de Łódź n'examina l'appel en question ni en tant que demande de libération en vertu de l'article 214 du code de procédure pénale ni sous une autre qualification. Entre-temps, le 1er février 1994, le requérant avait présenté une demande formelle au procureur de district (Prokurator Rejonowy) de Łódź. Il informa le procureur que l'ordonnance de mise en détention avait expiré le 31 janvier 1994, de sorte que son maintien en détention était depuis lors illégal et dénué de fondement. Par la suite, le 7 février 1994, le requérant présenta une demande de libération au tribunal régional de Łódź, faisant valoir en particulier qu'il devrait être remis en liberté en raison de son mauvais état de santé. Le 8 février 1994, le tribunal, siégeant à huis clos, ordonna aux autorités de l'hôpital carcéral de la maison d'arrêt de Łódź de lui soumettre un rapport médical sur l'état de santé du requérant. Il ajourna sine die l'examen de la demande. Il apparaît que le requérant se plaignit à plusieurs reprises aux autorités que sa détention fondée sur le dépôt de l'acte d'accusation était devenue illégale puisque, le 16 février 1994, en réponse à ses doléances, J.L., le président de la section pénale du tribunal régional de Łódź, lui adressa une lettre dont les passages pertinents étaient ainsi libellés : « Le tribunal régional de Łódź informe par la présente le prévenu que le procureur régional de Łódź, en déposant un acte d'accusation auprès du tribunal régional de Łódź, a mis le détenu à la disposition de cette juridiction. (...) Depuis lors le prévenu est à la disposition du tribunal régional de Łódź [et le restera] jusqu'à l'annulation de l'ordonnance de mise en détention (à la demande du [requérant] ou de son représentant, ou [à la demande de] l'administration de la maison d'arrêt de Łódź – par exemple en raison de la mauvaise santé de l'intéressé). En cas de rejet d'une demande de libération, la détention peut se poursuivre jusqu'au prononcé du jugement de première instance. En pareille hypothèse, après le prononcé du jugement, le tribunal prend une décision sur le maintien ou non en détention. Dès lors, l'affirmation du prévenu selon laquelle son [ordonnance] de placement en détention a expiré n'est pas justifiée (...) » Le 18 février 1994, les médecins de l'hôpital carcéral remirent le rapport demandé par le tribunal. Selon eux, le requérant pouvait suivre un traitement médical dans cet hôpital. Ils suggérèrent cependant qu'il soit examiné par un cardiologue, un psychiatre et un neurologue. Le 25 février 1994, le tribunal ajourna derechef l'examen de la demande de libération, estimant qu'il lui fallait obtenir des rapports des experts susmentionnés pour établir si le requérant devait être libéré pour des raisons de santé. Le 28 mars 1994, le requérant saisit le tribunal régional de Łódź d'une nouvelle demande de libération. Le 29 mars 1994, un expert en cardiologie présenta un rapport au tribunal. Le 1er avril 1994, celuici estima nécessaire de faire admettre le requérant à l'hôpital carcéral mais ajourna sa décision sur ses demandes de libération jusqu'à ce que les experts en psychiatrie et en neurologie eussent déposé leur rapport commun. Celuici fut prêt le 28 avril 1994 ; toutefois, le 6 mai 1994, à la demande du procureur régional de Łódź, le tribunal ajourna de nouveau l'examen des demandes et ordonna de recueillir certains éléments – non précisés – concernant l'état de santé du requérant. Le 24 mai 1994, le tribunal statua sur les demandes de libération datées des 7 février et 28 mars 1994. Il déclara qu'aucune circonstance ne justifiait de modifier la mesure préventive en question. La décision se fondait sur les articles 209 et 217 § 1, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale. Le 5 juillet 1994, la cour d'appel de Łódź, statuant sur l'appel du requérant, confirma cette décision. Dans l'intervalle, le requérant avait demandé au tribunal régional de Łódź à plusieurs reprises depuis le 16 février 1994 d'interpréter l'ordonnance de mise en détention du 30 décembre 1993, notamment quant au point de savoir si cette ordonnance demeurait exécutoire après son expiration. Il présenta ses demandes en vertu de l'article 14 du code d'exécution des peines pénales aux dates suivantes : les 16 et 25 février, 4 mars, 8 et 18 avril, 20 et 30 mai, et 25 octobre 1994. Selon lui, le fait que l'acte d'accusation avait été déposé au tribunal n'entraînait pas automatiquement son maintien en détention après le 31 janvier 1994. Il alléguait également qu'aucune disposition du code de procédure pénale ne prévoyait que le fait de déférer l'affaire au tribunal entraînait une prolongation de la détention. Il affirmait que l'ordonnance du 30 décembre 1993 n'était pas exécutoire puisqu'il avait interjeté appel. Le requérant concluait qu'il aurait dû être libéré immédiatement après le 31 janvier 1994 car sa détention à compter de cette date était dénuée de toute base légale. Le 21 décembre 1994, le tribunal régional de Łódź, siégeant à juge unique, rendit une décision sur l'ensemble des demandes susmentionnées. Il estima que la décision du 30 décembre 1993 de proroger la détention du requérant jusqu'au 31 janvier 1994 était exécutoire, malgré l'appel que l'intéressé avait interjeté contre celle-ci. Le juge réitéra en outre les arguments exposés dans la lettre adressée le 16 février 1994 au requérant. Le 29 décembre 1994, celui-ci fit appel, prétendant que le tribunal aurait dû être composé de trois juges conformément aux dispositions pertinentes du code de procédure pénale, et arguant de nouveau qu'aucune base légale ne justifiait de le maintenir en détention au-delà du 31 janvier 1994. Le 3 janvier 1995, le tribunal régional de Łódź, siégeant en formation collégiale de trois juges, annula la décision attaquée. Il considéra que la juridiction de première instance aurait dû être composée de trois juges, comme le soutenait le requérant. Toutefois, il estima également que l'article 14 du code d'exécution des peines pénales ne s'appliquait pas au requérant puisqu'il concernait uniquement les affaires soulevant des doutes quant à l'exécution de la sentence ou le calcul de la peine infligée, et non l'exécution d'ordonnances de mise en détention. Le 10 janvier 1995, le requérant forma un recours. Le 16 janvier 1995, le président de la section pénale du tribunal régional de Łódź rendit une ordonnance écartant l'appel au motif que celui-ci était irrecevable en droit. Le requérant forma un nouveau recours contre cette décision. Le 17 février 1995, le tribunal régional de Łódź confirma la décision du 16 janvier 1995, considérant que le requérant avait eu la possibilité d'attaquer la décision du 21 décembre 1994 mais que tout autre recours était irrecevable en droit puisque l'article 14 du code d'exécution des peines pénales ne s'appliquait pas à un détenu. Le 22 octobre 1996, le tribunal régional de Łódź annula l'ordonnance de mise en détention et libéra le requérant sous surveillance policière. La procédure pénale dirigée contre l'intéressé est toujours pendante devant le tribunal de première instance. II. Le DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A l'époque des faits, les dispositions internes régissant la détention provisoire figuraient dans le code de procédure pénale de 1969 ; celui-ci n'est plus en vigueur depuis qu'il a été abrogé et remplacé par le code de procédure pénale du 6 juin 1997 (actuellement appelé le « nouveau code de procédure pénale »). Le code de procédure pénale de 1969 classait la détention provisoire parmi les « mesures préventives » (ces mesures comprenaient notamment la détention provisoire, la libération conditionnelle et le placement sous surveillance policière). Jusqu'au 4 août 1996 (c'est-à-dire la date d'entrée en vigueur de la loi du 29 juin 1995 portant modification du code de procédure pénale et d'autres dispositions pénales), un procureur était habilité à ordonner toutes les mesures préventives pendant la durée de l'enquête. En outre, à cette époque, le droit interne ne précisait aucun délai légal concernant la durée de la détention provisoire pendant une procédure judiciaire ; toutefois, en vertu de l'article 210 § 1 du code de procédure pénale, un procureur était tenu de préciser dans sa décision la période pour laquelle il ordonnait la détention. Cet article (dans la version applicable à l'époque des faits) se lisait ainsi : « Les mesures préventives sont ordonnées par la juridiction de jugement ; avant le dépôt de l'acte d'accusation devant le tribunal compétent, ces mesures sont ordonnées par le procureur. » Les passages pertinents de l'article 222 du code de procédure pénale (tel qu'applicable à l'époque des faits) étaient ainsi libellés : « 1. Le procureur peut ordonner la mise en détention provisoire pour une période de trois mois au plus. Si, au vu des circonstances particulières de l'affaire, l'enquête ne peut être terminée dans le délai mentionné au paragraphe 1, la détention provisoire peut, si nécessaire, être prorogée par : 1) le tribunal compétent pour connaître de l'affaire, à la demande du procureur, pour un an au plus ; 2) la Cour suprême, à la demande du procureur général, pour la période nécessaire pour terminer l'enquête, qui doit être précisée. » Lorsqu'ils statuaient sur une demande présentée par un procureur en vertu de l'article 222 § 2 du code, les tribunaux étaient tenus de préciser la période exacte pour laquelle la détention devait être prolongée. S'ils refusaient de prolonger la détention ou si le procureur ne soumettait pas une autre demande de prolongation avant ou à l'expiration de la dernière ordonnance de mise en détention (que celle-ci eût été émise par lui-même ou par un tribunal), le détenu devait être libéré immédiatement. Aux termes de l'article 213 § 1 du code de procédure pénale : « Une mesure préventive (y compris la détention provisoire) est immédiatement annulée ou modifiée si sa base légale a cessé d'exister ou si de nouvelles circonstances sont apparues qui justifient d'annuler une mesure donnée ou d'y substituer une mesure plus sévère ou plus souple. » L'article 217 § 1, alinéas 2 et 4 (tel qu'applicable à l'époque des faits), disposait : « 1. La détention provisoire peut être ordonnée si : (...) il existe un risque raisonnable que le prévenu tente de suborner des témoins ou de faire obstruction à la bonne marche de la procédure par tout autre moyen illégal ; (...) le prévenu est inculpé d'une infraction qui constitue une grave menace pour la société. » A l'époque des faits, aucune disposition particulière ne régissait la détention provisoire une fois l'acte d'accusation déposé auprès du tribunal compétent. Depuis le 4 août 1996, date d'entrée en vigueur de la loi du 29 juin 1995 portant modification du code de procédure pénale et d'autres dispositions pénales, et en vertu de la législation pénale actuelle, les tribunaux sont tenus de respecter les délais légaux maximums pour lesquels la détention provisoire peut être ordonnée pendant toute la procédure. En particulier, à l'époque des faits, aucune disposition ne précisait que le dépôt d'un acte d'accusation prolongeait ou remplaçait automatiquement une ordonnance de mise en détention antérieure, ou que ce fait avait en luimême pour résultat que la détention qui avait été à l'origine prorogée par un tribunal pour une période déterminée au stade de l'enquête était maintenue soit pour une période illimitée soit jusqu'au prononcé d'un jugement de première instance. Il n'y avait pas non plus de jurisprudence sur ce point. Selon la pratique interne, une fois qu'un acte d'accusation avait été déposé auprès du tribunal compétent pour connaître de l'affaire, on supposait néanmoins que la détention se prolongeait jusqu'au procès sans qu'une autre décision judiciaire ne fût prise. Ce n'est que le 6 février 1997 que, dans un arrêt qui interprétait le code de procédure pénale, la Cour suprême, se référant au contexte historique de la législation pénale modifiée, fit allusion à la pratique consistant à maintenir le prévenu en détention en vertu de l'acte d'accusation. Toutefois, cet arrêt ne concerne pas la législation pénale telle qu'elle était en vigueur à l'époque des faits mais se rapporte au code tel qu'il avait été modifié à compter du 4 août 1996, dont l'article 222 (dans sa version modifiée) fixait des délais maximums pour la détention provisoire non seulement au stade de l'enquête mais pendant toute la période précédant le procès. Dans sa résolution (n° I KZP 35/96), la Cour suprême répondit – par l'affirmative – à la question de savoir si, après le dépôt d'un acte d'accusation auprès du tribunal compétent pour connaître de l'affaire, celui-ci était tenu de rendre une décision prolongeant la détention provisoire qui avait entre-temps dépassé la durée fixée (ou prolongée) au stade de l'enquête. Les passages pertinents de cette résolution se lisaient ainsi : « Selon les dispositions du code de procédure pénale qui s'appliquaient avant que la modification du 29 juin 1995 ne prît effet [le 4 août 1996], l'obligation de préciser la période de détention ordonnée par un procureur au stade de l'enquête a été stipulée à l'article 211 § 2. Toutefois, il ne ressortait pas explicitement de l'article 222 §§ 1 et 2, alinéa 1, du code qu'au stade de l'enquête, un procureur ou le tribunal compétent pour connaître de l'affaire devait chaque fois déterminer le terme de la détention. L'on considérait comme évident que lorsqu'ils prolongeaient la détention au stade de l'enquête, tant le procureur que le tribunal devaient déterminer le terme de la détention en vertu d'une décision donnée. Par conséquent, on présumait que l'obligation de préciser la période de détention naissait dès lors qu'une décision de la sorte était rendue avant l'expiration du délai légal maximum applicable à un stade donné de la procédure. La comparaison entre l'ancienne législation et la législation actuelle conduit [notre cour] à la conclusion que le législateur, lorsqu'il a modifié le code en juin 1995, a simplement étendu à la phase judiciaire [la portée des] règles applicables au maintien et à la prolongation de la détention provisoire – qui ne s'appliquaient auparavant qu'au stade de l'enquête. Avant les modifications, la législation se fondait sur le principe qu'un suspect ne pouvait être détenu indéfiniment tant que son affaire n'était pas traitée par un tribunal indépendant. A l'heure actuelle, on part du principe qu'un suspect (et un prévenu) ne doit pas être détenu indéfiniment tant qu'un jugement de première instance n'est pas rendu. En vertu de l'ancienne législation, il n'était pas nécessaire de préciser la période de détention après le dépôt d'un acte d'accusation auprès du tribunal, car à ce moment-là la procédure atteignait la phase dans laquelle il n'y avait plus de délai légal [pour cette mesure]. C'est pourquoi le tribunal concerné n'avait pas intérêt à [savoir] jusqu'à quand la détention avait été prolongée en vertu de la dernière décision [ ;] la détention pouvait se poursuivre parce « que la détention de durée limitée » s'était transformée en une « détention de durée illimitée ». Dès lors, il fallait seulement s'assurer de l'existence de motifs justifiant le maintien en détention en vertu de l'article 213 du code. » Dans sa résolution ultérieure (n° I KZP 23/97) du 2 septembre 1997, la Cour suprême confirma que : « Si l'affaire dans laquelle la détention provisoire a été ordonnée a été déférée à un tribunal en vertu d'un acte d'accusation et que la période de détention qui avait été précédemment fixée expire, le tribunal a le devoir d'examiner si la détention doit être maintenue et de rendre une décision appropriée à cet égard. » Renvoyant à la résolution du 6 février 1997, la Cour souligna également que : « (...) les modifications de la législation pénale sont inspirées par le principe qu'un suspect (accusé) ne doit en aucun cas être détenu pour une période indéterminée jusqu'au prononcé du jugement de première instance sur son affaire (...) Il convient de relever que du point de vue des garanties procédurales en faveur d'un accusé, ce qui compte n'est pas la durée de sa détention au stade de l'enquête et au stade de la procédure judiciaire, mais la durée totale de la détention et la question de savoir si la détention et sa durée sont soumises à un contrôle. Si un tel contrôle existe pendant la phase d'enquête (article 222 §§ 1 et 2) il n'y a aucune raison qu'il n'y en ait pas au stade de la procédure judiciaire (...) » Quant aux conditions de validité formelle d'un acte d'accusation, les articles 295 et 296 du code de procédure pénale de 1969 disposaient qu'un tel acte devait préciser le nom et le prénom de l'accusé, indiquer s'il avait été soumis à une mesure préventive, qualifier l'infraction dont il avait été inculpé, décrire de manière détaillée les faits de la cause et les raisons ayant conduit à porter les charges, indiquer la juridiction compétente pour connaître de l'affaire et les preuves sur lesquelles se fondaient les charges. Une fois l'acte d'accusation déposé auprès du tribunal, le président de celui-ci entreprenait de préparer le procès sur le fond. Aux termes de l'article 299 § 1, alinéa 6, du code de procédure pénale : « 1. Le président du tribunal, d'office ou à la demande d'une des parties, assigne l'affaire à une session du tribunal s'il estime que la solution à donner dépasse sa propre compétence, notamment : (...) 6) lorsqu'il faut rendre une ordonnance concernant une mesure préventive. » Toutefois, à l'époque des faits, selon la pratique interne pertinente quant au maintien en détention après l'expiration de la dernière ordonnance de mise en détention et après le dépôt auprès d'un tribunal d'un acte d'accusation, les juridictions n'appliquaient pas la procédure prévue par la disposition susmentionnée, puisque l'on présumait que la détention se poursuivait uniquement parce qu'un acte d'accusation avait été déposé ; il n'y avait donc pas lieu de rendre une décision séparée prorogeant la détention. A l'époque des faits, le code prévoyait trois voies de droit différentes permettant à un détenu de contester la légalité de sa détention : un recours devant un tribunal contre une ordonnance de mise en détention prise par un procureur ; une procédure par laquelle les tribunaux examinaient les demandes de prolongation de la détention soumises par un procureur ; et la procédure relative à la demande de libération présentée par un détenu. Quant à cette dernière solution, l'article 214 du code de procédure pénale (dans sa version applicable à l'époque des faits) énonçait : « Un accusé peut à tout moment demander l'annulation ou la modification d'une mesure préventive. Pareille demande est tranchée par le procureur ou, après le dépôt de l'acte d'accusation, par le tribunal compétent pour connaître de l'affaire, dans un délai qui ne dépasse pas trois jours. » Aucune disposition du code ne prévoyait de conséquence juridique en cas de dépassement du délai visé dans cet article. L'interprétation de décisions exécutoires dans le cadre d'une procédure pénale était régie à l'époque des faits par les dispositions du code d'exécution des peines pénales de 1969. L'article 14 de ce code était ainsi libellé : « 1. L'autorité chargée d'exécuter une décision, ainsi que toute personne concernée par cette décision, peut demander au tribunal qui a connu de l'affaire de statuer sur tout doute éventuel quant à l'exécution de cette décision ou au calcul de la peine infligée. Toute personne concernée par la décision interprétative visée au paragraphe 1 peut interjeter appel contre cette décision. » Selon l'article 205 du code d'exécution des peines pénales, les dispositions de ce code visant les « personnes condamnées » s'appliquaient par analogie aux « détenus ». Toutefois, à la lumière de la pratique interne et de la doctrine, on estimait qu'il était douteux que l'article 14 du code s'appliquât aux affaires dans lesquelles une personne en détention provisoire contestait la légalité de sa détention, puisque pareille contestation était normalement examinée dans le cadre de la procédure prescrite par le code de procédure pénale (paragraphes 3637 cidessus). La procédure relative à une demande en vertu de l'article 14 du code d'exécution des peines pénales avait pour finalité d'obtenir une interprétation d'une décision exécutoire qui n'avait pas été formulée avec la précision requise. Le tribunal appelé à interpréter la décision en question n'était pas compétent pour en modifier ou compléter le dispositif (voir la décision de la Cour suprême (n° VI KRN 14/76) du 2 mars 1976, OSNPG 1976/6/59). Cela étant, la personne concernée ne pouvait pas obtenir sa libération en présentant une demande en vertu de l'article 14 du code.
0
0
0
0
0
0
1
0
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Le 16 décembre 1988, tôt dans la matinée, le requérant fut arrêté à son domicile en vertu de l'article 12 de la loi de 1984 sur la prévention du terrorisme (« la loi de 1984 ») en liaison avec une tentative d'attentat à l'explosif contre l'armée. L'intéressé fut conduit au commissariat de police de Castlereagh. Il prétend qu'à son arrivée il demanda immédiatement à voir son solicitor. Cette possibilité fut ajournée en application de l'article 15 de la loi de 1987 sur l'état d'urgence en Irlande du Nord (Northern Ireland (Emergency Provisions) Act 1987 – « la loi de 1987 »). A 9 h 15, le requérant fut examiné par un médecin qui lui conseilla de communiquer ses éventuels griefs, le lendemain matin, au médecin chargé d'effectuer les visites. L'intéressé reçut la mise en garde prévue à l'article 3 de l'ordonnance de 1988 sur les preuves en matière pénale en Irlande du Nord (Criminal Evidence (Northern Ireland) Order 1988 – « l'ordonnance de 1988 »). Ne connaissant pas cette nouvelle loi, il demanda encore une fois à consulter un avocat et sa demande fut rejetée. Le même jour, le requérant fut interrogé à cinq reprises par deux équipes de deux inspecteurs. Ces interrogatoires eurent lieu respectivement entre 10 h 55 et 13 heures, 14 et 16 heures, 16 et 18 heures, 19 h 35 et 21 h 30, et 21 h 30 et minuit. Le 17 décembre 1988, à 8 h 21, le requérant se plaignit auprès du médecin qui l'avait examiné la veille des mauvais traitements qu'il aurait subis lors de ses deuxième et troisième interrogatoires du 16 décembre. Le médecin releva, dans ses notes, que le requérant avait prétendu avoir été maintes fois giflé et avoir reçu à plusieurs reprises des coups de poing sur l'arrière de la tête et dans l'estomac, lors des deux interrogatoires en question. Le médecin donna à l'intéressé deux comprimés (analgésique léger) et lui prescrivit quatre de ces comprimés par jour en cas de besoin. A la suite de cette plainte, un inspecteur de police se rendit dans la cellule du requérant à 9 h 15 et prit note de ses griefs. Les sixième, septième et huitième interrogatoires du requérant eurent lieu respectivement entre 9 h 30 et 13 heures, 14 heures et 16 h 20, et 19 h 30 et minuit. Au cours du sixième interrogatoire, le requérant sortit de son mutisme et répondit précisément à un certain nombre de questions, admettant sa participation à l'assemblage et à la pose de la bombe. Lors du septième interrogatoire, il signa une longue déposition qui décrivait de façon extrêmement détaillée son rôle dans l'entente délictueuse établie en vue de poser et déclencher la bombe. Le 18 décembre 1988 à 8 h 28 le requérant reçut la visite du même médecin qui lui demanda s'il souhaitait lui soumettre d'autres allégations de mauvais traitements, à quoi il répondit par la négative. Il fut ensuite interrogé entre 10 heures et 12 h 45 au sujet d'une autre question. A 13 heures, il fut autorisé à consulter son solicitor, qui prit des notes sur ses allégations de mauvais traitements et décida de ne pas communiquer ces griefs à la police. Le requérant fut ensuite interrogé pour la dernière fois entre 14 heures et 17 heures sur une tout autre affaire. Un autre médecin l'examina le soir même, à 20 h 20, et indiqua dans ses notes que l'intéressé n'avait formulé « aucune allégation de mauvais traitements depuis son dernier examen médical ». Ce médecin constata en outre l'absence de trace de blessure. Le 19 décembre 1988, le requérant fut conduit dans un autre commissariat de police où un nouveau médecin l'examina. Dans les notes de ce praticien sont consignées les allégations précises de brutalités et mauvais traitements qui auraient été infligés le 16 décembre 1988. Aucune preuve objective de blessure ne fut relevée. Le 19 décembre 1988, le requérant fut inculpé, avec d'autres, devant la Magistrates' Court de Belfast, d'entente délictueuse en vue de provoquer des explosions, de détention intentionnelle d'explosifs, de complot d'assassinat et d'appartenance à l'Armée républicaine irlandaise. Le 3 mars 1989, le requérant, par l'intermédiaire de son solicitor, adressa une déclaration écrite officielle au Service des plaintes et de la discipline (Complaints and Discipline Branch) de la Police royale de l'Ulster (Royal Ulster Constabulary), se plaignant d'avoir été maltraité par une équipe de deux inspecteurs lors de son séjour au commissariat de police de Castlereagh. Le 17 septembre 1990, le procès du requérant et de ses coaccusés s'ouvrit devant la Crown Court de Belfast, devant un juge unique siégeant sans jury. Le requérant plaida non coupable. Le réquisitoire était fondé sur les aveux faits par le requérant en cours d'interrogatoire et, en particulier, sur la déposition qu'il avait signée. Le 3 octobre 1990, alors que le parquet était sur le point de produire des preuves fondées sur les aveux et la déposition précités, le requérant demanda, au titre de l'article 8 de la loi de 1978 sur l'état d'urgence en Irlande du Nord (dans sa teneur modifiée), que fussent écartés ses aveux et sa déposition, invoquant les mauvais traitements dont il prétendait avoir fait l'objet. Une audience préparatoire (voir dire) fut ouverte et le requérant témoigna au sujet de son traitement, évoquant en particulier celui infligé par une équipe de deux inspecteurs lors de ses deuxième, quatrième et sixième interrogatoires au commissariat de police de Castlereagh. Furent également présentés les résultats d'une analyse documentaire électrostatique (« ADE ») qui, selon le requérant, mettaient en évidence des irrégularités flagrantes dans l'authentification des notes d'interrogatoire consignant ses réponses aux questions des inspecteurs. Tous les témoins concernés, y compris le requérant, les policiers qui auraient participé aux mauvais traitements et les médecins qui avaient vu le requérant, déposèrent. L'audience préparatoire s'acheva le 23 octobre 1990 lorsque le juge du fond rejeta la demande du requérant, admit comme preuve ses aveux et sa déposition et renvoya à une date ultérieure son arrêt détaillé sur ces points. Par la suite, le requérant ne déposa plus lors du procès. Cependant, le juge du fond le mit en garde, conformément à l'article 4 de l'ordonnance de 1988, contre les conclusions défavorables susceptibles d'être tirées de son refus de déposer. Le 21 décembre 1990, le juge du fond rendit son jugement. Il présenta en premier lieu les motifs détaillés sur lesquels s'appuyait sa décision faisant suite à l'audience préparatoire. Il releva que les seuls éléments de preuve à charge étaient les aveux et la déposition faits par le requérant lors de sa garde à vue au commissariat de police de Castlereagh et qu'il n'existait contre lui aucune preuve médicolégale. Cependant, il fut également souligné que les aveux et la déposition du requérant concordaient totalement avec les éléments de preuve présentés à l'encontre des autres personnes accusées (puis reconnues coupables) d'infractions découlant du même incident. Le juge récapitula les éléments soumis par le requérant à l'appui de ses allégations de mauvais traitements et par la suite, lors de l'examen de l'appel formé par le requérant, ce récapitulatif fut admis comme compte rendu fidèle de son témoignage à cet égard. Le juge commenta ensuite ces éléments. Il observa notamment que le requérant n'avait pas mentionné le nom des deux détectives dont il s'était plaint auprès du médecin le matin du 17 décembre 1988, ni tenté de les décrire ; qu'il n'avait pas signalé au médecin, ce matin-là, le traitement « à la cigarette » qui, selon les déclarations faites par l'intéressé lors de l'audience préparatoire, était celui qui l'effrayait le plus ; qu'il existait des incohérences entre les récits de mauvais traitements faits par le requérant au médecin ce même matin et sa déposition au procès ; qu'aucun des médecins qui l'avaient examiné n'avait constaté le moindre signe objectif des mauvais traitements allégués ; et que le matin du 18 décembre 1988, l'intéressé ne s'était plaint d'aucun mauvais traitement, en contradiction avec sa déclaration selon laquelle il avait subi, le 17 décembre 1988, le pire de tous les traitements. Bien que pendant un laps de temps, ce samedi matin, les écrans de contrôle (qui relayaient jusqu'à une salle de contrôle centrale les images filmées par les caméras des salles d'interrogatoire) n'eussent pas été surveillés par l'inspecteur de garde, le juge estima que ce constat ne coïncidait pas avec le témoignage du requérant quant à l'heure à laquelle il avait été maltraité ce jour-là, et considéra que l'on ne pouvait admettre que des mauvais traitements de la nature de ceux allégués par le requérant eussent pu se poursuivre sans être saisis par les caméras installées dans la pièce où ce dernier était interrogé. Pour ce qui était de la crédibilité de manière générale, le juge estima que le requérant avait à maintes reprises menti à la cour, tandis que, malgré un contre-interrogatoire rigoureux, les inspecteurs concernés n'avaient nullement été ébranlés dans leurs fermes dénégations des allégations du requérant. Quant aux éléments de preuve tirés de l'ADE, le juge conclut qu'ils n'étayaient pas la déclaration du requérant contestant l'authenticité des notes d'interrogatoire. En conséquence, le juge rejeta les allégations de mauvais traitements formulées par le requérant et ne constata aucun motif d'écarter les aveux ou la déposition faits par l'intéressé lors de sa garde à vue au commissariat de police de Castlereagh. Quant à la force probante de sa déposition, le juge estima que celle-ci était suffisamment détaillée pour établir les différentes charges contre le requérant et qu'il était totalement habilité à condamner ce dernier à ce titre. Le 11 janvier 1991, le requérant fut condamné à vingt ans d'emprisonnement. Le 8 février 1993, la Cour d'appel d'Irlande du Nord examina l'appel que le requérant avait formé contre le verdict de culpabilité et dans lequel il contestait les conclusions du juge du fond quant à ses allégations de mauvais traitements et aux éléments de preuve tirés de l'ADE. Elle observa que dans ce type d'affaire la question à laquelle il convient de répondre est celle de savoir si la cour est convaincue qu'il n'est pas raisonnablement envisageable que le prévenu ait été maltraité. Elle releva notamment que le juge du fond avait eu le grand avantage de voir le requérant déposer, qu'un prévenu peut, tout autant que les policiers impliqués, être incité à mentir, et que de nombreux faits peuvent être considérés au moins sous deux angles différents, mais qu'il faut les envisager de manière sensée et réaliste. Après avoir examiné le témoignage du requérant et les conclusions du juge du fond à cet égard, la Cour d'appel se dit convaincue que le requérant n'avait pas été maltraité et que sa condamnation n'était ni sujette à caution ni insatisfaisante. En conséquence, l'appel du requérant fut rejeté le 16 juin 1993. Le 17 décembre 1993, le requérant fut débouté de son recours contre sa peine. ii. LE DROIT INTERNE PERTINENT A. Dispositions régissant les conclusions susceptibles d'être tirées du silence d'un prévenu L'article 3 de l'ordonnance de 1988 sur les preuves en matière pénale en Irlande du Nord, en ses dispositions pertinentes, est ainsi libellé : « Conditions dans lesquelles des conclusions peuvent être tirées de l'omission par une personne accusée d'une infraction de mentionner certains faits lors de son interrogatoire, de son inculpation, etc. 1) Il sera fait application du paragraphe 2 dans tous les cas où, au cours d'une procédure diligentée à l'encontre d'une personne accusée d'une infraction, il est démontré que cette personne : a) a omis, au cours de la période précédant son inculpation, de mentionner lors de son interrogatoire par un policier tentant d'établir l'existence de l'infraction ou l'identité de son auteur, tout fait qui viendrait à l'appui de sa défense au cours de cette procédure ; ou b) a omis, lorsqu'elle a été inculpée d'une infraction ou officiellement avisée qu'elle risquait des poursuites pénales, de mentionner un fait de cette nature, qu'elle aurait dû en toute logique signaler au vu des conditions dans lesquelles elle a été ainsi interrogée, inculpée ou avisée. 2) Dans les cas d'application du présent paragraphe : (...) c) le tribunal (...) chargé de déterminer si l'accusé est coupable des faits qui lui sont reprochés [peut] i) tirer de cette omission les conclusions qui semblent légitimes ; ii) considérer sur la base de ces conclusions que cette omission vient corroborer, ou équivaut à corroborer, tout élément de preuve à charge en fonction duquel l'omission prend une signification. (...) » En ses dispositions pertinentes, l'article 4 de l'ordonnance de 1988, portant sur le moment auquel un accusé est invité à déposer lors du procès, est ainsi libellé : « 1) Il sera fait application des paragraphes 2 à 7 lors du procès de toute personne (à l'exception des mineurs) accusée d'une infraction, hormis les cas suivants : a) il ne s'agit pas de déterminer la culpabilité de l'accusé, ou b) il semble au tribunal qu'en raison de l'état physique ou mental de l'accusé, il n'est pas souhaitable de l'inviter à déposer ; cependant, le paragraphe 2 ne s'appliquera pas si l'accusé, son conseil ou son solicitor informe le tribunal, avant que les témoins à décharge ne soient invités à déposer, que l'accusé fera une déposition. 2) Avant que les témoins à décharge ne soient invités à déposer, le tribunal a) informera l'accusé qu'il l'invitera à déposer pour sa défense, et b) l'informera en des termes courants des effets du présent article dans le cas où i) il refuse de prêter serment quand il y est invité ; ii) il refuse sans motif sérieux de répondre aux questions après avoir prêté serment ; le tribunal invitera ensuite l'accusé à déposer. 3) Il sera fait application du paragraphe 4 si l'accusé a) refuse de prêter serment après avoir été invité par le tribunal à déposer en vertu du présent article, ou après que lui-même, son conseil ou son solicitor a informé le tribunal de son intention de déposer, ou b) refuse sans motif sérieux de répondre aux questions après avoir prêté serment. 4) Le tribunal ou le jury chargé de déterminer si l'accusé est coupable des faits qui lui sont reprochés, peut a) tirer de ce refus de déposer les conclusions qui semblent légitimes ; b) considérer sur la base de ces conclusions que ce refus vient corroborer, ou équivaut à corroborer, tout élément de preuve à charge en fonction duquel le refus de déposer prend une signification. » B. Dispositions relatives au droit de consulter un solicitor Les dispositions pertinentes qui, à l'époque du procès du requérant, régissaient le droit à une assistance juridique figuraient à l'article 15 de la loi de 1987 sur l'état d'urgence en Irlande du Nord, dont les passages pertinents étaient ainsi libellés : « 1) Toute personne détenue en vertu des dispositions sur le terrorisme et gardée à vue par la police doit avoir la possibilité, si elle le demande, de s'entretenir en privé avec un solicitor. 2) Cette personne doit être informée du droit que lui confère le paragraphe 1 ci-dessus, dès que possible à partir du moment où ce paragraphe lui est applicable. 3) La demande introduite en vertu du paragraphe 1 ci-dessus ainsi que l'heure de celle-ci sont consignées par écrit, sauf si la demande est formulée lorsque l'auteur est renvoyé en jugement et accusé d'une infraction pénale. 4) Dans ce cas, elle doit être autorisée à s'entretenir avec un solicitor dès qu'il est possible d'accéder à sa demande, sauf dans les cas d'ajournement prévus par le présent article. (...) 8) Un policier ne peut retarder la possibilité prévue au paragraphe 1 de bénéficier d'une assistance juridique que lorsqu'il s'estime fondé à croire que l'exercice dudit droit, au moment où l'individu désire en user : (...) d) entraverait l'enquête sur la commission, la préparation ou l'instigation d'actes terroristes ; ou e) compliquerait, en permettant d'alerter toute personne intéressée, i) la prévention d'un acte terroriste, ou ii) l'arrestation, la poursuite ou la condamnation de toute personne qui serait liée à la commission, la préparation ou l'instigation d'un acte terroriste (...) » Cet ajournement devait être autorisé par un policier ayant au moins le grade de commissaire principal (article 15 § 5 a)), et le motif devait en être communiqué au détenu (article 15 § 9 a)). Les tribunaux d'Irlande du Nord estiment que l'ordonnance de 1988 ne doit pas être interprétée en fonction de l'article 15 de la loi de 1987 puisqu'elle est entrée en vigueur après la loi de 1987 et qu'il n'était pas dans les intentions du Parlement d'interdire les conclusions prévues à l'article 3 de l'ordonnance de 1988 en raison de la négation du droit à une assistance juridique fondée sur l'article 15 de la loi de 1987. C. Autres éléments pertinents A la suite d'une visite dans des lieux de détention d'Irlande du Nord en juillet 1993, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (« CPT ») a publié un rapport dans lequel il formulait les conclusions suivantes concernant le centre de rétention de Castlereagh. « Le centre de rétention de Castlereagh était situé dans un ensemble hétéroclite de bâtiments préfabriqués, dans l'enceinte du commissariat de police de Castlereagh. D'une façon générale, le centre donnait l'impression d'avoir besoin de réparations. Le centre disposait de trente et une cellules, dont quatre étaient situées dans un quartier séparé pour les femmes détenues. Il comprenait en outre vingt et une salles d'interrogatoire, deux pièces pour les consultations avec les avocats, un cabinet médical et une unité consacrée aux lieux du crime (la « Suite Soco »). Chacune des cellules, d'une superficie de 6 m², était équipée d'un lit à sommier métallique (avec matelas et couvertures) et d'une chaise. La lumière artificielle était suffisante et il existait un système efficace de régulation de l'intensité lumineuse, commandé depuis l'extérieur de la cellule. Cependant, les cellules ne bénéficiaient pas de la lumière naturelle. De plus, le système de ventilation ne semblait pas très bien fonctionner et provoquait un niveau de bruit plutôt envahissant dans certaines cellules. Les cellules n'étaient pas équipées d'un système d'alerte ; cependant, des agents en uniforme étaient apparemment toujours de garde dans le quartier cellulaire lorsque des personnes y étaient détenues. Des installations sanitaires (toilettes et douches) étaient situées à proximité et se trouvaient dans un état de propreté satisfaisant au moment de la visite ; les détenus ne se sont pas plaints de l'accès à ces installations. Les salles d'interrogatoire se divisaient en une série de treize pièces adjacentes aux cellules et une autre série de huit pièces situées dans un bâtiment distinct. Chacune des salles de la première série mesurait 6 m² et était équipée d'une table, de trois chaises et de deux caméras fixées au mur (...) A l'instar des cellules, elles ne bénéficiaient pas de la lumière naturelle. Les huit autres salles étaient équipées de la même manière ; cependant, elles étaient sensiblement plus grandes et bénéficiaient de la lumière du jour. En observant de l'extérieur le bâtiment principal comportant cellules et salles d'interrogatoire, on pouvait voir que chaque fenêtre avait été recouverte de contre-plaqué sur toute sa surface, à l'exception d'un espace équipé d'une manche d'aspiration, permettant ainsi à l'air frais, mais pas à la lumière naturelle, d'entrer dans les pièces. Interrogé sur l'objet de ces revêtements de fenêtres, l'agent responsable a déclaré qu'ils avaient été installés pour des « raisons de sécurité ». Le CPT a déjà déclaré que les cellules de police doivent de préférence bénéficier de la lumière naturelle, à plus forte raison lorsque, comme à Castlereagh, il arrive que des personnes soient maintenues en détention pendant une période prolongée. De surcroît, l'absence d'éclairage naturel dans les cellules est d'autant plus regrettable que la majorité des salles d'interrogatoire de Castlereagh étaient également privées de la lumière du jour. Par ailleurs, compte tenu de l'absence d'aires d'exercice (voir paragraphe 44), une personne détenue à Castlereagh pouvait de fait être privée de lumière naturelle pendant plusieurs jours, voire plus (la seule exception étant le temps passé en consultation avec son avocat). Selon le CPT, pareille situation est inacceptable. Le Comité tient à ajouter qu'il serait possible, il en est convaincu, de trouver le moyen d'offrir aux détenus un accès à la lumière naturelle sans compromettre pour autant les impératifs légitimes de sécurité. Des policiers ont affirmé à la délégation que les personnes détenues à Castlereagh ne disposaient d'aucune aire d'exercice – ni à l'extérieur ni à l'intérieur. Il s'agit d'une nouvelle carence importante pour un établissement dans lequel les détentions peuvent durer jusqu'à sept jours. En résumé, du fait des conditions matérielles de détention qui y règnent, le centre de rétention de Castlereagh est un lieu inadapté aux détentions prolongées. Les principales carences tenaient à l'accès insuffisant des détenus à la lumière naturelle et à l'absence d'aire d'exercice, mais la médiocrité du système de ventilation, ainsi que l'étroitesse et la vétusté relative des équipements doivent aussi être signalées. Tous ces facteurs contribuaient à créer une atmosphère claustrophobe distinctement perceptible. Le CPT recommande l'amélioration sensible et rapide des conditions de détention en vigueur au centre de rétention de Castlereagh, dans le respect des observations précitées. Si cette amélioration s'avérait impossible, le centre de rétention devrait être transféré dans des locaux mieux équipés à des fins de détention. (...) 109. (...) Même en l'absence d'actes manifestes de mauvais traitements, il ne fait aucun doute qu'un séjour dans un centre de détention peut constituer – et c'est peut-être le but visé – une expérience des plus déplaisantes. Les conditions matérielles de détention sont mauvaises (en particulier à Castlereagh) et l'exercice, par des personnes détenues par la police, de certains droits fondamentaux est ou peut être soumis à des conditions très strictes (en particulier, les possibilités de contact avec le monde extérieur sont extrêmement limitées tout au long de la période de détention et différentes restrictions peuvent être appliquées au droit de consulter un avocat). Il convient d'ajouter à ce qui précède le caractère intensif et potentiellement prolongé du processus d'interrogation. Ces facteurs ont pour effet cumulatif d'exercer sur les personnes détenues dans les centres de détention une pression psychologique extrêmement forte. Le CPT tient à cet égard à déclarer que selon lui, le fait d'exercer sur un détenu une pression de nature à vaincre sa volonté s'analyse en un traitement inhumain. » Le 10 décembre 1999, il fut officiellement annoncé que le centre de rétention de Castlereagh serait fermé au plus tard à la fin du mois de décembre 1999.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 13 octobre 1993, la requérante assigna la municipalité de Rome devant le tribunal de la même ville afin d’obtenir réparation des dommages subis en raison des retards imputables à la municipalité dans la construction d’une école. La mise en état de l’affaire commença le 3 décembre 1993. Des quatre audiences prévues entre le 9 mars 1994 et le 3 février 1995, une fut reportée d’office et trois concernèrent le dépôt au greffe de documents. L'audience fixée le 28 avril 1995 fut renvoyée à la demande des parties. Le 10 novembre 1995, le juge fixa la date de présentation des conclusions au 13 mars 1996. Le jour venu, la requérante demanda un renvoi. Le 2 octobre 996, la requérante insista dans sa demande d’expertise, précédemment formulée lors de la première audience. Par une ordonnance du 16 octobre 1996, le juge de la mise en état fixa l’audience de présentation des conclusions, quant à des exceptions préjudicielles soulevées par la défenderesse, au 12 février 1997. A cette date, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 20 décembre 1999. A une date non précisée, suite à l’attribution de l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio), le président nomma un nouveau juge de la mise en état. Selon les informations fournies par la requérante le 30 juillet 1999, à cette date la procédure était encore pendante.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 9 mai 1986, la requérante assigna la commune de Salerne devant le tribunal de Salerne afin d’obtenir le constat que celle-ci n’avait pas libéré ses appartements et la réparation des dommages subis. La mise en état de l’affaire commença le 28 juin 1986. Le 9 juillet 1986, le juge nomma un expert. Celui-ci fut absent à l’audience du 25 septembre 1986 et prêta serment le 13 novembre 1986. Des treize audiences fixées entre le 12 mars 1987 et le 14 décembre 1990, deux concernèrent le rapport d’expertise et trois un complément d’expertise, une audience fut renvoyée à la demande de la requérante, une le fut à celle de la défenderesse, une le fut à celle des parties et six audiences furent ajournées d’office. Les parties présentèrent leurs conclusions le 5 avril 1991 et l’audience de plaidoiries se tint le 3 décembre 1991. Par un jugement du 26 février 1992, dont le texte fut déposé au greffe le 28 avril 1992, le tribunal fit en partie droit à la demande de la requérante. Le 3 juillet 1992, la requérante interjeta appel devant la cour d’appel de Salerne. L’instruction commença le 6 octobre 1992. Les parties présentèrent leurs conclusions le 17 novembre 1992 et l’audience de plaidoiries se tint le 8 juillet 1993. Par un arrêt du 20 juillet 1993, dont le texte fut déposé au greffe le 21 septembre 1993, la cour rejeta l’appel de la requérante. Le 5 mars 1994, la requérante se pourvut en cassation. L’audience se tint le 6 mars 1995. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 19 avril 1995, la Cour de cassation cassa l’arrêt de la cour d’appel de Salerne et renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Naples. Le 18 juillet 1995, la requérante reprit la procédure devant cette dernière juridiction. L’instruction commença à une date non précisée. Les parties présentèrent leurs conclusions le 7 mars 1996 et l’audience de plaidoiries fut fixée au 30 mai 1997. A la demande de la requérante, le président de la cour avança la date de cette audience au 20 décembre 1996. Le jour venu, l’audience fut renvoyée d’office au 10 octobre 1997. Par un arrêt du 16 octobre 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 28 octobre 1997, la cour fit droit à l’appel de la requérante. Le 13 février 1998, la mairie se pourvut en cassation, une audience eut lieu le 22 septembre 1998. Par un arrêt du 27 septembre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 22 décembre 1998, la Cour rejeta le pourvoi.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 23 novembre 1989, le requérant assigna son ancien employeur, l’Administration Autonome des Monopoles d’Etat, devant le tribunal de Naples afin d’obtenir le paiement d’une somme due pour l’utilisation pendant de nombreuses années, d’une pièce de l’habitation du requérant, mise à disposition par ce dernier. La mise en état de l’affaire commença le 21 mai 1991. Des six audiences prévues entre le 26 septembre 1991 et le 8 avril 1993, quatre concernèrent une expertise, une fut renvoyée d’office et une fut remise pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions ; ce qu’elles firent le 8 juillet 1993. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 12 octobre 1994. Par un jugement du 9 novembre 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 10 février 1995, le tribunal se déclara incompétent au motif que l’affaire avait trait au rapport de travail entre l’employeur et le requérant. Le 22 juin 1995, le requérant interjeta appel devant la cour d'appel de Naples. La première audience se tint le 26 octobre 1995. Les trois audiences qui eurent lieu entre le 25 janvier 1996 et le 27 juin 1996 furent remises pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions ; ce qu’elles firent le 7 novembre 1996. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente eut lieu le 9 janvier 1998. Par un arrêt du 16 janvier 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 6 février 1998, la cour d'appel confirma la compétence des juridictions administratives et rejeta l’appel.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 31 octobre 1990, la requérante déposa un recours devant le juge d'instance de Bénévent, faisant fonction de juge du travail, afin d'obtenir la reconnaissance de son droit à une pension ordinaire d'invalidité. Le 3 novembre 1990, le juge d'instance fixa la première audience au 26 novembre 1991. Cette audience fut renvoyée d’office au 18 février 1992. Le jour venu, le juge nomma un expert et fixa la mise en délibéré de l'affaire au 18 octobre 1993. Entre-temps, le rapport d’expertise avait été déposé au greffe du tribunal le 31 janvier 1993. L’audience du 18 octobre 1993 fut reportée d’office au 2 décembre 1994, puis à la demande des parties, à trois reprises, jusqu’au 13 mars 1995. Ce jour-là, le juge, insatisfait du premier rapport d’expertise, nomma un autre expert et ajourna l’affaire au 30 octobre 1995. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 4 décembre 1995, le juge rejeta la demande de la requérante. Le 8 juillet 1996, cette dernière interjeta appel devant le tribunal de Bénévent. Le 6 novembre 1996, le président chargea un juge rapporteur du dossier et fixa l'audience de plaidoiries au 17 juin 1997. Cette audience fut renvoyée d’office au 4 février 1998. Ce jour-là, le tribunal nomma un expert et ajourna l'affaire au 3 juin 1998. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 16 juin 1998, le tribunal fit droit à la demande de la requérante.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
En 1977, 1982 et 1984, la banque ETVA (banque dont l'unique actionnaire est l'Etat) consentit trois prêts à la société requérante et prit une hypothèque sur certains immeubles de Kosmopolis situés dans une région touristique de l'île de Crète. En raison du retard dans le paiement du remboursement des intérêts, l'ETVA dénonça les prêts et notifia à Kosmopolis une traite datée du 26 octobre 1984. Le 10 novembre 1987, Kosmopolis saisit le tribunal de grande instance d'Athènes afin d'obtenir l'annulation de la décision d'adjudication forcée établie par le notaire. L'audience fut fixée au 26 janvier 1988 mais le tribunal dut l'ajourner en raison de l'impossibilité pour la requérante à être présente. Une nouvelle date fut fixée par ledit tribunal, mais l'audience n'eut pas lieu en raison du fait que la requérante avait déposé le 22 avril 1988 des observations complémentaires. Par un jugement (n° 4841/1988) du 15 juillet 1988, le tribunal de grande instance accueillit l'action de la requérante. Le tribunal estima qu'à l'époque de l'inscription de la traite dans les livres de confiscation, les immeubles litigieux ne formaient pas un ensemble opérationnel unique comme le précisait la décision d'adjudication, et, par conséquent, celle-ci était incomplète et créait des doutes, de sorte qu'elle décourageait les enchérisseurs potentiels. Toutefois, l'ETVA, sans attendre la décision du tribunal de grande instance, procéda à la vente aux enchères des biens immeubles – déjà confisqués – et meubles de la requérante. Etant l'unique enchérisseur, elle acquit, pour la somme de 171 135 000 drachmes (GRD), les biens suivants : a) un lotissement de dix bungalows, un moulin, un bureau, deux piscines et un réservoir d'eau, sis sur un terrain de 45 000 m2, opérationnels et pouvant accueillir la clientèle tout au long de l'année ; b) un hôtel de quatre étages en construction, sis sur un terrain de 15 000 m2 avec piscine, aire des jeux pour enfants et réservoir de nettoyage biologique. La société requérante intenta alors, le 17 mars 1988, une action en annulation de la vente devant le tribunal de grande instance d'Athènes. L'audience, fixée au 26 avril 1988, dût être reportée car quatre jours avant celle-ci, la requérante avait déposé des observations complémentaires. L'audience eut lieu le 10 mai 1988 et le tribunal rejeta le recours par un jugement (n° 4391/1988) du 29 juillet 1988. Le 14 décembre 1989, Kosmopolis introduisit un appel contre ce jugement devant la cour d'appel d'Athènes. Elle sollicitait l'annulation de celuici ainsi que de l'avis de la mise aux enchères et le procès-verbal de l'adjudication. Entre-temps, le 10 septembre 1989, l'ETVA avait interjeté appel contre le jugement du tribunal de grande instance d'Athènes du 15 juillet 1988. Le 25 janvier 1990, la cour d'appel d'Athènes reporta l'audience au 3 mai 1990 afin que l'appel soit examiné simultanément avec celui introduit par la requérante le 14 décembre 1989. Le 3 mai 1990, en présence des deux parties, elle décida un nouvel ajournement de l'affaire au 18 août 1990, date à laquelle elle fut à nouveau reportée au 21 février 1991 en raison des élections municipales. A cette dernière date, elle fut encore reportée au 30 mai 1991, en raison de la non-comparution de la requérante, puis, suite à une grève des avocats du barreau d'Athènes, au 28 novembre 1991, date à laquelle l'audience fut annulée en raison du départ à la retraite de l'avocat de la requérante. Finalement, le 17 décembre 1991, à l'initiative de l'ETVA, la cour d'appel fixa la date de l'audience au 2 avril 1992. Le 3 juin 1992, la cour d'appel rendit son arrêt (n° 6044/1992), par lequel elle donnait gain de cause à l'ETVA et infirmait le jugement du tribunal de grande instance du 15 juillet 1988. Le 18 février 1993, Kosmopolis se pourvut en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel. Elle soutenait qu'en l'espèce la cour d'appel avait appliqué à tort l'article 1001A du code de procédure civile puisque celuici n'était pas en vigueur à l'époque où le litige avec l'ETVA avait débuté et qu'il n'avait de surcroît aucun effet rétroactif ; elle précisait que la vente aux enchères des biens saisis avait eu lieu en tant qu'entité, en méconnaissance de l'article 1001 du code de procédure civile et nonobstant le fait que le lotissement constituait un immeuble distinct de l'hôtel ; or, ce dernier ne fonctionnait pas encore et se situait à une distance de trois cents mètres du lotissement. Ladite vente devait donc être annulée. L'audience, initialement fixée au 10 décembre 1993, fut reportée au 12 janvier 1994, suite à une défaillance du juge rapporteur qui n'avait pas préparé son rapport, puis au 26 octobre 1994, date à laquelle elle fut ajournée en raison de la tenue des élections municipales. Reportée d'office le 6 décembre 1995, parce que le juge rapporteur n'avait pas préparé son rapport, l'audience eut finalement lieu le 6 mars 1996. La Cour de cassation rendit son arrêt (n° 990/1997) le 18 juin 1997 ; elle confirma celui de la cour d'appel. La requérante en reçut une copie le 25 septembre 1997.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 30 janvier 1982, la société C. assigna les requérants et douze autres personnes devant le tribunal de Civitavecchia afin d’obtenir le partage d’un immeuble. La mise en état de l’affaire commença le 7 juillet 1982. Le 7 janvier 1983, les requérants demandèrent la jonction de cette affaire à une autre, qu’ils avaient déposée à l’encontre de la demanderesse, concernant l’exécution d’un contrat de construction. Celle-ci s’y opposa, étant donné que l’objet de la deuxième affaire était différent de la présente. Après deux audiences, le 31 septembre 1983, le juge ordonna la jonction des affaires. Le 27 septembre 1984, le juge nomma un expert, qui prêta serment le 4 avril 1984. Le 3 octobre 1984, l’audience fut ajournée d’office au 1er février 1985 à cause de la mutation du juge de la mise en état. Les quatorze audiences qui suivirent, entre le 14 juin 1985 et le 4 juillet 1990, concernèrent le rapport d’expertise et deux compléments d’expertise. Les parties présentèrent leurs conclusions le 19 décembre 1990 et l’audience de plaidoiries se tint le 28 février 1992. Par un jugement non définitif du 25 mars 1992, dont le texte fut déposé au greffe le 23 avril 1992, le tribunal décida le partage de l’immeuble. Par une ordonnance du même jour, le tribunal ordonna la continuation de la procédure afin d’estimer la valeur de l’immeuble. Le 3 juin 1993, les requérants interjetèrent appel devant la cour d’appel de Rome afin que l’immeuble en litige leur fût attribué. L’instruction commença le 23 septembre 1993. Après une audience, le 27 janvier 1994 les parties présentèrent leurs conclusions. L’audience de plaidoiries eut lieu le 29 mars 1995. Par une ordonnance du 5 avril 1995, dont le texte fut déposé au greffe le 19 avril 1995, la cour rouvrit l’instruction pour un complément d’expertise. Deux audiences plus tard, le 8 février 1996 les parties présentèrent de nouveau leurs conclusions. L’audience de plaidoiries fixée au 18 décembre 1996 fut reportée d’office au 26 mars 1997. Par un arrêt du 9 avril 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 8 mai 1997, la cour fit droit à l’appel des requérants. Entre-temps la procédure en première instance avait continué et une audience avait été fixée au 7 octobre 1992. Six audiences plus tard, l’audience de présentation des conclusions fut prévue pour le 5 avril. Cette audience fut ajournée d’office au 31 mai 1995. Le jour venu, l’audience ne se tint pas car ce jour-là les avocats avaient fait grève. Le 28 mai 1995, l’audience fut reportée d’office au 3 avril 1996. Le 9 octobre 1996, l’audience fut renvoyée pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. Le 18 décembre 1996, l’audience fut renvoyée au 26 novembre 1997, afin de procéder à la séparation des deux affaires jointes. Cette audience fut renvoyée d’office au 17 décembre 1997. Les trois audiences fixées entre le 24 juin 1998 et le 31 mars 1999, concernèrent le dépôt de certains documents, que la cour d’appel de Rome n’avait pas encore envoyés. Les audiences fixées les 7 juillet et 27 octobre 1999 concernèrent la demande de disjonction des deux procédures, jointes précédemment. Les 22 décembre 1999 et 1er mars 2000, les audiences furent renvoyées à la demande de la partie demanderesse et de deux des quatorze défendeurs. Le 21 juin 2000, l’audience fut renvoyée au 14 mars 2001, en raison de l’absence de la partie demanderesse et de dix des quatorze défendeurs.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant était gérant de deux sociétés qui exploitaient deux restaurants à Fontainebleau. Ces sociétés firent l’objet de vérifications de comptabilité. Du 22 mars au 14 octobre 1982, le requérant fit l’objet d’une vérification approfondie de sa situation fiscale d’ensemble portant sur les années 1979 à 1981. A l’issue de ces vérifications, un avis de redressement lui fut notifié le 25 octobre 1982 avec taxations d’office sur des montants de 868 900 FRF (pour l’année 1979), 295 540 FRF (pour l’année 1980) et 969 470 FRF (pour l’année 1981). Un second avis en date du 24 janvier 1983, faisant suite à une demande de justification de la part de l’administration fiscale, porta le montant retenu pour l’année 1981 à 2 266 460 FRF. Des impositions supplémentaires furent mises en recouvrement le 30 septembre 1983 assorties d’une pénalité de mauvaise foi de 100 % : 931 736 FRF, dont majoration de 465 868 FRF pour l’année 1979 ; 239 098 FRF, dont majoration de 119 549 FRF pour 1980 et 1 142 872 FRF, dont majoration de 571 436 FRF pour l’année 1981. Le 13 mars 1986, le requérant adressa une réclamation administrative pour contester le bien-fondé des impositions supplémentaires mises à sa charge. Devant le silence de l’administration, il saisit le tribunal administratif de Versailles le 13 février 1987. Le 27 avril 1988, l’administration fiscale présenta un mémoire dans lequel elle fit valoir son accord pour prononcer une réduction d’impôt de 909 776 FRF au titre de l’année 1979. Les 12 août et 4 septembre 1992, le requérant présenta un mémoire en réplique puis un mémoire complémentaire. Le 22 mars 1995, le requérant présenta un mémoire auquel l’administration répondit le 27 août 1997. Dans ce dernier mémoire, celle-ci fit état de différents dégrèvements au titre des années 1980 et 1981 et substitua des intérêts de retard aux pénalités de mauvaise foi. Le 2 janvier 1998, le requérant adressa un courrier au greffe du tribunal demandant la fixation d’une audience. Par un jugement du 3 mars 1998, notifié le 18 mai, le tribunal fit partiellement droit à la requête du requérant en accordant la décharge de certaines impositions contestées et en réduisant la base de l’impôt au titre de l’année 1981 à la somme de 906 982 FRF.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 9 novembre 1990, les requérants assignèrent M. D. devant le tribunal de Catane afin d’obtenir la restitution de plusieurs immeubles et la réparation des dommages subis du fait de leur occupation par le défendeur. Lors de la première audience, qui se tint le 15 octobre 1991 suite à un renvoi d’office, les parties présentèrent leurs conclusions. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 7 janvier 1993. Par un jugement du 14 janvier 1993, dont le texte fut déposé au greffe le 5 avril 1993, le tribunal fit en partie droit à la demande des requérants. Le 19 octobre 1993, le défendeur interjeta appel devant la cour d’appel de Catane. La mise en état de l’affaire commença le 3 mars 1994. A cette date, les requérants demandèrent au juge de déclarer le jugement du tribunal provisoirement exécutoire et le juge réserva sa décision ; par une ordonnance hors audience du 10 mai 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 12 mai 1994, le juge rejeta cette demande et fixa la présentation des conclusions au 30 juin 1994. Cette audience fut toutefois reportée à deux reprises, dont une à la demande des parties et une car le greffe n’avait pas versé au dossier les documents concernant la procédure de première instance. Le 15 décembre 1994, les parties présentèrent leurs conclusions, tout en constatant que le greffe n’avait pas encore versé au dossier les documents demandés. Après un renvoi d’office, entre le 7 mars 1997 et le 22 juin 1998, quatre audiences de plaidoiries eurent lieu. Après chaque audience de plaidoiries, la cour ordonna au greffe de verser au dossier des documents concernant la procédure de première instance. La cinquième audience de plaidoiries eut lieu le 30 novembre 1998. Par une ordonnance du 3 décembre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 9 décembre 1998, la cour déclara l’interruption de la procédure, car devant le tribunal de Catane était pendant un procès visant à vérifier la validité d’un document important. Au 11 septembre 2001, la procédure n’avait pas encore été reprise.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 29 juin 1989, M. A.B., père des deux premiers requérants, et M. M.B., père des trois autres, assignèrent M. L., leur voisin, devant le tribunal de Milan afin d’obtenir la démolition d’une partie d’une construction et la réparation des dommages subis. La mise en état de l’affaire commença le 25 octobre 1989. Des neuf audiences fixées entre le 2 mars 1990 et 16 mars 1994, une fut reportée d’office et huit le furent à la demande des parties ou des demandeurs - dont cinq afin d’attendre le prononcé d’un jugement du tribunal administratif et, ensuite, d’un arrêt du Conseil d’Etat, ayant pour objet la démolition de la même partie de la construction du défendeur à la demande de la municipalité. Le 27 octobre 1994, les demandeurs versèrent au dossier le jugement et l’arrêt précités ainsi que d’autres documents et le juge reporta l’affaire au 23 février 1995 ; toutefois, cette audience fut renvoyée d’office au 10 mars 1995. A l’audience du 28 septembre 1995, suite au décès de M. M.B., les trois derniers requérants se constituèrent devant le juge ; le même jour fut nommé un expert qui prêta serment le 10 janvier 1996. Le 10 octobre 1996, le juge fixa la présentation des conclusions au 30 mai 1996 ; toutefois, cette audience ne se tint que le 18 mars 1998 suite à un renvoi d’office. A cette date, suite au décès de M. A.B., les deux premiers requérants se constituèrent dans la procédure et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 12 décembre 2000. Toutefois, à une date non précisée, l'affaire fut attribuée au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Une audience fut fixée au 27 septembre 2000.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 21 janvier 1993, la requérante et deux autres personnes assignèrent l’Unité Sanitaire Locale de Pordenone et le docteur C. devant le tribunal de Pordenone afin d’obtenir réparation des dommages subis par la requérante lors d’une opération chirurgicale. La mise en état de l’affaire commença le 12 mars 1993. A cette date, le juge ordonna la mise en cause de la compagnie d’assurances du docteur C. Des trois audiences fixées entre le 10 novembre 1993 et le 4 mai 1994, une fut reportée d’office, une à la demande de l’un des défendeurs et une concerna l’admission de moyens de preuve. Le 26 octobre 1994, le juge nomma un expert qui prêta serment le 1er mars 1995. Des cinq audiences fixées entre le 6 décembre 1995 et le 14 janvier 1998, trois concernèrent l’expertise - dont deux furent reportées car l’expert n’avait pas déposé au greffe son rapport -, une fut reportée d’office et une concerna l’audition de témoins. Des quatre audiences fixées entre le 15 avril 1998 et le 31 mars 1999, deux concernèrent le dépôt de documents et de mémoires et deux furent reportées afin de permettre aux parties d’essayer de parvenir à un règlement à l’amiable du différend. A cette dernière date, le juge reporta l’affaire au 1er décembre 1999. Entre-temps, le 9 novembre 1999, les parties étaient parvenues à un règlement à l’amiable de l’affaire.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 10 juillet 1989, le requérant demanda au tribunal de Bénévent la mise en faillite de la société à responsabilité limitée J. Par un jugement du 14 juin 1990, dont le texte fut déposé au greffe le 15 juin 1990, le tribunal déclara la faillite de la société et fixa l’audience au 20 mars 1991 pour l’établissement de l’état des créances. Le 11 mars 1991, le requérant déposa au tribunal une déclaration de créance privilégiée. Le 14 mars 1995, eut lieu la vérification des créances, et la créance du requérant fut admise en tant que créance chirographaire ; toutefois, le requérant affirme ne pas avoir été informé par le syndic de la vérification des créances et de n’avoir pas eu, par conséquent, la possibilité de s’opposer à la clôture de cette dernière dans le délai prévu. Par une ordonnance du 12 novembre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 17 novembre 1998, le tribunal déclara la clôture de la procédure.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 3 juillet 1982, la requérante assigna trois personnes devant le tribunal de Plaisance afin d’obtenir le partage d’un héritage. La mise en état de l’affaire commença le 7 octobre 1982. Des quatorze audiences fixées entre les 27 janvier 1983 et 17 octobre 1985, quatre concernèrent une expertise, quatre autres la constitution devant le juge des nouveaux avocats des défenderesses, une le dépôt de mémoires, une fut reportée d’office, une à la demande de la requérante et trois afin que les parties tentent de parvenir à un règlement à l’amiable du différend. Le 19 décembre 1985, un nouvel expert fut nommé, qui prêta serment le jour même. Les cinq audiences qui eurent lieu entre les 3 avril 1986 et 22 janvier 1987 concernèrent l’expertise - quatre d’entre elles furent reportées car l’expert n’avait pas déposé au greffe son rapport. Après deux audiences, le 21 mai 1987 le juge fixa la présentation des conclusions au 20 septembre 1987 ; toutefois, cette audience ne se tint que le 15 octobre 1987 suite à un renvoi à la demande des parties. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 9 juin 1988 ; toutefois, elle ne se tint que le 27 octobre 1988, suite à un renvoi d’office. Par une ordonnance hors audience du 9 novembre 1988, dont le texte fut déposé au greffe le 14 novembre 1988, le tribunal rouvrit l’instruction afin de discuter et approuver un projet de partage et renvoya les parties devant le juge à l’audience du 30 mars 1989. A cette date, un expert fut nommé, qui prêta serment le 13 juillet 1989. Des neuf audiences fixées entre le 22 février 1990 et le 20 janvier 1994, une fut reportée afin que les parties essayent de parvenir à un règlement à l’amiable du différend, trois furent renvoyées d’office, deux concernèrent l’expertise, une le dépôt de documents et deux l’admission d’autres moyens de preuve. A l’audience du 9 juin 1994, le juge réserva sa décision quant à plusieurs demandes des parties ; par une ordonnance hors audience du 9 juillet 1994, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le juge proposa un projet de partage et fixa l’audience au 3 octobre 1994. Des trois audiences fixées entre cette date et le 23 novembre 1995, deux concernèrent le dépôt de mémoires et une fut reportée car ce jour-là les avocats faisaient grève. Le 20 mars 1996, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 26 septembre 1996. A cette date, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 27 novembre 1997 ; toutefois, par une ordonnance hors audience du 3 octobre 1997, le juge déclara l’interruption du procès suite au décès de l’une des défenderesses. La requérante étant décédée le 19 novembre 1997, ses héritiers reprirent la procédure, le 14 janvier 1998. Par une ordonnance hors audience du jour suivant, le juge fixa la reprise de la mise en état au 28 mai 1998 ; toutefois, le 23 mars 1998, les parties parvinrent à un règlement à l’amiable du différend.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Karanar (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En avril 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en avril 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en octobre 1990 et décembre 1991. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En mai 1992, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 6 820 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois d'avril 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de mai 1992 atteint le chiffre «1206» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Karanar (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En avril 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en avril 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en octobre 1990 et décembre 1991. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En mai 1992, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 6 820 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois d'avril 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de mai 1992 atteint le chiffre «1206» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
Le 14 janvier 1983, M. R.M. assigna la municipalité de P. devant le tribunal d’Udine afin de faire constater qu’une portion de route permettant l’accès à la propriété du demandeur appartenait à la municipalité et que M.F. ne pouvait donc en barrer l’accès. La mise en état de l’affaire commença le 28 février 1983. L’audience du 27 juin 1983 fut renvoyée d’office au 2 avril 1984. Des quinze audiences fixées entre cette date et le 4 novembre 1991, une concerna l’intervention volontaire de M. F. dans la procédure, une fut renvoyée d’office, deux à la demande des parties, quatre eurent trait à une expertise et sept d’autres moyens de preuves, notamment l’audition de témoin et l’échange de mémoires. A l’audience du 4 novembre 1991, le conseil de M. R.M. informa le juge du décès de son client et le juge de la mise en état interrompit la procédure. Le 24 avril 1992, les requérantes se constituèrent dans la procédure en tant qu’héritières de M. R.M. et le juge de la mise en état fixa l’audience suivante au 5 octobre 1992. Des quatre audiences qui eurent lieu entre cette date et le 24 janvier 1994, deux furent remises à la demande des parties et deux concernèrent l’échange de mémoires. L’audience du 23 mai 1994 fut renvoyée d’office au 27 novembre 1995. Les parties obtinrent un report de l’audience car elles essayaient de parvenir à un règlement amiable de l’affaire. L’audience du 11 mars 1996 fut renvoyée d’office au 13 octobre 1997. Cette audience et les deux qui suivirent jusqu’au 12 novembre 1998 furent remises pour permettre aux parties de finaliser leur accord. Le 12 novembre 1998, le juge constata l’accord entre les parties et prononça l’extinction de la procédure.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 22 juin 1987, le requérant déposa un recours devant le juge d'instance de Bénévent, faisant fonction de juge du travail, afin d'obtenir la reconnaissance de son droit à une pension ordinaire d'invalidité. Le 20 juillet 1987, le juge d'instance fixa la première audience au 15 novembre 1988. Cette audience fut renvoyée d’office au 10 janvier 1989. Le jour venu, le juge nomma un expert et fixa la mise en délibéré de l'affaire au 13 novembre 1989. Après le dépôt au greffe du rapport d’expertise, le juge d'instance estima nécessaire de nommer un nouvel expert qui prêta serment le 7 février 1990 et l’affaire fut remise au 11 février 1991. A la demande des parties, le rapport d’expertise n’ayant pas été déposé au greffe, l’audience fut remise au 8 avril 1991. Cette audience fut reportée d’office au 21 octobre 1991. Dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, les audiences des 21 octobre 1991, 10 février 1992 et 4 mai 1992 furent renvoyées à la demande des parties. Cette dernière audience fut remise d’office au 8 juillet 1992. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 6 octobre 1992, le juge rejeta la demande du requérant. Le 26 mai 1993, ce dernier interjeta appel devant le tribunal de Bénévent. Le 8 juillet 1993, le président chargea un juge rapporteur du dossier et fixa l'audience de plaidoiries au 16 février 1994. Ce jour-là, un des juges étant absent, le tribunal remit l’affaire au 16 mars 1994. Cette audience fut renvoyée d’office au 18 janvier 1995, date à laquelle le requérant déposa des documents relatifs à une erreur matérielle dans l’acte d’appel et le tribunal ajourna l’affaire au 7 juin 1995. Cette audience fut renvoyée d’office, à quatre reprises, jusqu’au 14 janvier 1998. Le jour venu, le tribunal nomma un expert et ajourna l'affaire au 10 juin 1998. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 16 juin 1998, le tribunal rejeta l’appel du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 28 mars 1988, la requérante assigna M. B. S. devant le tribunal de L'Aquila afin d’obtenir la démolition de constructions ne respectant pas les distances légales et la réparation des dommages subis. La mise en état de l’affaire commença le 4 juillet 1988. Des cinq audiences qui eurent lieu entre le 9 octobre 1989 et le 7 octobre 1991, trois concernèrent l’audition du défendeur et une expertise, une fut reportée par le juge de la mise en état et la dernière le fut pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions ; ce qu’elles firent le 19 mars 1992. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fixée pour le 18 février 1994 fut renvoyée d’office au 2 mars 1994 puis, car le juge de la mise en état avait un empêchement, au 16 mars 1994. Par un jugement du 21 décembre 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 7 avril 1995, le tribunal fit droit à la première demande de la requérante. Le 13 septembre 1995, le défendeur interjeta appel devant la cour d'appel de L'Aquila. La première audience se tint le 20 février 1996. La présentation des conclusions eut lieu le 20 novembre 1996, et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 3 février 1998. Cette audience fut reportée au 20 octobre 1998 car les parties ne s’étaient pas présentées. Le 10 février 1998, l’avocat de la requérante demanda que la date de cette audience fut avancée dans la mesure où s’il n’avait pu être présent à l’audience c’était à cause d’un accident de la circulation et qu’il s’agissait d’une vielle affaire. Cette demande fut rejetée le jour même au motif que la date n’était pas si éloignée et que la surcharge du rôle du conseiller de la mise en état ne le permettait pas. Par un arrêt du 27 octobre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 9 décembre 1998, la cour rejeta l’appel.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 29 novembre 1985, le requérant et sa femme assignèrent le syndic de la copropriété V. devant le tribunal de Palerme afin d'obtenir réparation des dommages subis suite à une infiltration d'eaux dans leur appartement. La mise en état de l'affaire commença le 14 janvier 1986. Le 29 avril 1986 fut mis en cause M. A. Le 1er juillet 1986, le juge de la mise en état se réserva de décider quant à la nomination d'un expert. Les audiences du 2 décembre 1986 et du 28 mai 1987 furent reportées car l'ordonnance hors audience du juge n'avait pas été communiquée aux parties. Le 8 octobre 1987, l'audience fut renvoyée à la demande des parties au 21 janvier 1988, afin de leur permettre de tenter de parvenir à un règlement amiable. Après deux audiences consacrées au dépôt au greffe de documents et une autre reportée à la demande du requérant, le 16 février 1989 le juge nomma un expert. Celui-ci prêta serment le 1er juin 1989. Des cinq audiences fixées entre le 26 octobre 1989 et le 21 mai 1991, quatre furent reportées car le rapport d'expertise n'avait pas été déposé au greffe et une pour permettre aux parties d'examiner ledit rapport. Le 3 octobre 1991, le juge convoqua l'expert pour présenter des éclaircissements. Les trois audiences qui se suivirent entre le 14 décembre 1991 et le 23 avril 1992 concernèrent un complément d'expertise. Des sept audiences fixées entre le 1er octobre 1992 et le 7 juillet 1994, deux furent renvoyées à la demande du défendeurs, deux à celle du requérant, deux à la demande des parties et une à cause du décès de la femme du requérant. Le 9 février 1995, les parties présentèrent leurs conclusions et le juge de la mise en état ajourna l'affaire au 16 février 1995. A cette date, les parties déclarèrent insister quant aux conclusions déjà présentées. Une audience plus tard, le 7 juin 1996 eut lieu l'audience de plaidoiries. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 29 août 1996, le tribunal fit droit à la demande du requérant. D'après les informations fournies par le requérant, ce jugement devint définitif le 28 octobre 1997.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 24 octobre 1979, le requérant assigna M. M. ainsi que sa compagnie d’assurances devant le juge d’instance de Palmi (Reggio de Calabre), afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d'un accident de la circulation, qu’il évalua à 570 000 lire italienne (ITL). La mise en état de l’affaire commença le 4 juin 1980, date à laquelle le juge déclara défaillant M. M., admit des témoins et reporta l’affaire au 3 décembre 1980. Des vingt-deux audiences fixées entre cette date et le 28 octobre 1987, quatre furent renvoyées d’office, cinq le furent à la demande des parties ou en raison de leur absence et treize à la demande du requérant. Le 2 décembre 1987, le juge admit l’audition du défendeur et fixa à cette fin l’audience du 2 mars 1988. Toutefois, cette audience ne se tint pas, car elle fut reportée douze fois - dont cinq d’office, trois à demande du requérant et quatre à la demande des parties - jusqu’au 27 septembre 1995, date à laquelle le juge déclara l’interruption du procès suite à la liquidation des biens de la compagnie d’assurances défenderesse. Le 10 novembre 1995, le requérant reprit la procédure. Par une ordonnance hors audience du 13 janvier 1996, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le juge fixa la reprise de la mise en état au 8 mai 1996. A l’audience du 9 octobre 1996, le juge réserva sa décision quant à l’admission de témoins ; par une ordonnance hors audience du 26 octobre 1996, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le juge rejeta cette demande et fixa la présentation des conclusions au 5 février 1997. Toutefois, cette audience fut reportée deux fois d’office jusqu’au 27 mai 1998. Le 23 septembre 1998, l’affaire fut mise en délibéré. Par une ordonnance hors audience émise à une date non précisée, le juge rouvrit l’instruction afin d’ordonner la mise en cause d’une autre personne. Le 10 décembre 1998, l’affaire fut à nouveau mise en délibéré. Par un jugement du 22 décembre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le juge d’instance fit en partie droit à la demande du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Par un acte notifié le 31 juillet 1991, le requérant assigna M. C.C. devant le juge d'instance de L’Aquila afin de récupérer une somme d'argent d’environ 2 000 000 lires italiennes. La première audience se tint le 15 novembre 1991. Le 22 novembre 1991, le conseil du requérant demanda la désignation d'un expert. Ensuite l'audience fut reportée pour permettre au représentant défendeur de se constituer dans la procédure. Le conseil du requérant réitéra sa demande le 13 décembre 1991. Après les audiences des 24 janvier et 7 février 1992, le juge rejeta, par un jugement interlocutoire du 17 avril 1992, une exception d'incompétence soulevée auparavant par le défendeur. Le 18 novembre 1992, après trois audiences, dont deux renvoyées à la demande du défendeur, le juge désigna un expert et admit l’audition de témoins. Le 18 décembre 1992, l'expert prêta serment et le juge lui accorda un délai de 90 jours pour le dépôt au greffe de son rapport. Les audiences des 19 mars et 23 avril 1993 furent consacrées à l'audition de témoins. Les 18 juin et 22 octobre 1993, le juge renvoya l'affaire en attendant le dépôt du rapport d'expertise et chargea le greffe de solliciter ledit dépôt. Après deux audiences, les parties présentèrent leurs conclusions le 29 avril 1994. Le 28 mai 1994, le juge invita les parties à comparaître le 8 juillet 1994 afin d’obtenir des éclaircissements de la part de l'expert. Des cinq audiences qui eurent lieu entre le 28 octobre 1994 et le 9 juin 1995, les trois premières furent renvoyées car l'expert n'avait pas déposé au greffe son rapport et les deux autres en raison de la grève des avocats. Après deux autres audiences, celle du 22 mars 1996 fut renvoyée d'office. Le 15 novembre 1996 les parties présentèrent leurs conclusions. L'audience de plaidoiries eut lieu le 5 février 1997. Par un jugement du 5 décembre 1997, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le juge fit droit à la demande du requérant. Le texte de l’arrêt fut communiqué formellement au débiteur le 10 février 1998. L’exécution commença le 18 février 1999 et s’est terminée le 4 avril 2001.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Par un acte notifié le 25 février 1991, les requérants assignèrent M. G.I. et Mme C.I. devant le juge d'instance de Marsala pour les voir condamnés à ne plus garer leurs véhicules sur une partie de la copropriété. La première audience se tint le 10 avril 1991. Après avoir déclaré défaillant M. G.I. et Mme C.I., le juge renvoya l'affaire au 13 novembre 1991 date à laquelle ces derniers se constituèrent dans la procédure et les requérants demandèrent un renvoi de l’audience afin de déposer leurs mémoires en réponse. Le 22 janvier 1992, des témoins furent entendus et l’audience fut renvoyée au 25 mars 1992 à cause de l’absence des requérants. A cette date, le juge désigna un expert qui, absent aux deux audiences suivantes (17 juin et 15 juillet 1992), prêta serment le 22 juillet 1992. Les audiences des 16 décembre 1992 et 24 mars 1993 furent reportées respectivement dans l’attente du rapport d’expertise et pour permettre aux parties d’examiner ce document. Après une audience, le 2 juin 1993 le juge invita les parties à comparaître personnellement le 7 juillet 1993. A cette date, une tentative de règlement amiable ayant échoué, le juge décida de convoquer l'expert le 27 octobre 1993 afin d'obtenir des éclaircissements. Le 24 novembre 1993, le juge rejeta la demande d'admission d'un témoin formulée par les défendeurs. Le 28 septembre 1994, après cinq audiences, dont une renvoyée à la demande des requérants, une à la demande des défendeurs et une en raison de l'absence des parties, le juge déclara close la mise en état. Par un jugement du 29 octobre 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 1er décembre 1994, le juge fit droit à la demande des requérants. Par un acte notifié le 20 avril 1995, M. G.I. et Mme C.I. interjetèrent appel devant le tribunal de Trapani. La première audience eut lieu le 4 octobre 1995. L'audience du 22 novembre 1995 fut renvoyée à la demande des défendeurs nonobstant l'opposition des requérants. L'audience du 28 février 1996 fut reportée au 19 juin 1996 quand le juge de la mise en état fixa au 23 juin 1997 l'audience devant la chambre compétente du tribunal. Par un jugement du 18 mai 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 23 mai 1998, le tribunal rejeta l'appel.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Karanar (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En avril 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en avril 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en octobre 1990 et décembre 1991. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En mai 1992, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 6 820 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois d'avril 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de mai 1992 atteint le chiffre «1206» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
Par un acte notifié le 15 juin 1993, la requérante assigna M. G. A. devant le juge d'instance de Rome, faisant fonction de juge du travail, afin d'obtenir l’annulation de son licenciement et le paiement des rétributions dues. Les deux premières audiences, les 13 juillet et 17 novembre 1993, furent consacrées à une tentative de règlement amiable. Le 15 mars 1994, deux témoins et le défendeurs furent entendus par le juge qui demanda aux parties de déposer au greffe certaines pièces et renvoya l'affaire au 14 juin 1994. Le 19 juillet 1994, après un renvoi d'office, les pièces requises furent déposées et l’affaire fut reportée au 11 janvier 1995 afin de pouvoir entendre un autre témoin. Cette audience et celle du 4 avril 1995 furent renvoyées en raison d’une nouvelle tentative de règlement amiable. Les audiences des 13 décembre 1995 et 12 juin 1996 furent reportées car le témoin ne s'était pas présenté. Ladite audition eut lieu le 14 janvier 1997 quand le juge renvoya l'affaire au 17 juin 1997 puis au 24 février 1998 en raison de l'absence d'un autre témoin. A cette dernière date, le juge ordonna à la requérante de déposer un document puis fixa les débats au 11 mars 1998. Par un jugement de ce même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 8 mai 1998, le juge d'instance accueillit en partie la demande de la requérante.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Après avoir renoncé à son mandat, le 16 décembre 1982 le requérant demanda à l'un de ses clients, M. C., de lui régler ses honoraires. En l’absence de paiement, le 27 décembre 1982 le requérant demanda au barreau de Rome un avis sur le caractère congru des sommes demandées. Le barreau répondit de façon favorable le 30 décembre 1982. Par une lettre du 6 janvier 1983 adressée au barreau de Rome et au requérant, son client contesta le montant dû. Faute de paiement, le requérant entama une procédure d’injonction de payer devant les juridictions judiciaires. Le 1er juin 1983, M. C. se plaignit devant le barreau de Rome du comportement professionnel du requérant. Le 22 décembre 1983, le barreau décida d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant en raison des expressions inconvenantes utilisées au sujet de M. C. et du fait qu’il n’avait pas fourni les documents demandés lors de l’audience qui s'était tenue le 21 juillet 1983. Le 11 janvier 1984, le président du barreau communiqua ladite décision au requérant. Par un acte notifié le 21 décembre 1984, le requérant fut cité à comparaître devant le conseil de discipline du barreau de Rome à l’audience du 21 mars 1985. Cette audience ne se tint pas à cause d’un empêchement du requérant. Le 3 avril 1985, le barreau notifia au requérant la date de la convocation pour l’audience du 9 mai 1985. Le jour venu, le requérant versa au dossier une demande tendant à ce que huit des quinze membres présents s’abstiennent en raison du fait que ceux-ci avaient participé à une procédure antérieure dudit barreau dans laquelle ils s'étaient considérés offensés par les expressions inconvenantes du requérant. Les quinze membres s’abstinrent tous et transmirent le dossier au barreau de Pérouse. Par une décision du 13 juin 1985, les membres du barreau de Pérouse s’abstinrent car ils se considéraient offensés par des expressions inconvenantes que le requérant leur avait adressées auparavant et transmirent le dossier au barreau de Florence. Suite à une erreur, le dossier ne fut pas inscrit immédiatement au rôle car il avait été considéré comme faisant partie du dossier concernant une procédure disciplinaire antérieure ouverte à l’encontre du requérant. Par un acte notifié le 5 décembre 1990, ce dernier fut cité à comparaître à l’audience du 19 décembre 1990 devant le barreau de Florence. Le requérant demanda une remise d’audience qui fut rejetée. Par une décision du 19 décembre 1990, dont le texte fut déposé au greffe le 23 janvier 1991, le barreau le déclara responsable des faits qui lui étaient reprochés et lui infligea la sanction disciplinaire de la suspension de l’exercice de la profession pendant deux mois. Cette décision fut notifiée au requérant le 31 janvier 1991. Le 15 février 1991, le requérant interjeta appel devant le Conseil national des avocats, excipant, entre autres, de la prescription de l’action disciplinaire. Le 21 octobre 1991, le requérant fut informé que la date de l’audience avait été fixée au 28 novembre 1991. Par une décision du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 12 mai 1993 et notifié au requérant le 27 mai 1993, le Conseil national des avocats rejeta son appel. Le 19 juin 1993, le requérant se pourvut en cassation en présentant dix-neuf moyens de cassation. Il excipa, entre autres, de la prescription de l’action disciplinaire. Le 29 avril 1994, la Cour de cassation l’informa que l’audience aurait lieu le 23 juin 1994. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 6 mai 1995, les sections réunies de la Cour de cassation accueillirent en partie le pourvoi du requérant et renvoyèrent l’affaire au Conseil national des avocats. Le 26 février 1996, le requérant fut informé que la date de l’audience avait été fixée au 28 mars 1996. Le requérant présenta une demande de renvoi de la date de l’audience, qui fut rejetée. Par une décision du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 15 mai 1996, le Conseil National des avocats rejeta le recours du requérant. Le 21 juin 1996, le requérant se pourvut en cassation. Le 13 janvier 1997, la Cour de cassation l’informa que l’audience aurait lieu le 6 mars 1997. Entre-temps, en juillet 1996, le requérant avait demandé à la Cour de cassation de suspendre l’exécution de la décision du 28 mars 1996, mais le 19 septembre 1996 la haute juridiction avait rejeté ladite demande. Par un arrêt du 6 mars 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 25 septembre 1997, les sections réunies de la Cour de cassation accueillirent en partie le pourvoi du requérant et constatèrent la prescription de l’action disciplinaire, car plus de cinq ans s’étaient écoulés à partir du 3 avril 1985, date à laquelle le barreau de Rome avait notifié au requérant la convocation pour l’audience du 9 mai 1985. Selon les informations fournies par le requérant, la sanction disciplinaire n'a jamais été appliquée, car le barreau de Florence n’a pas demandé l’exécution de la décision.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
En 1978, l’entreprise Z. L. construisit des immeubles pour la société A. Z. Le 9 novembre 1984, la société A. Z. assigna l’entreprise Z. L. devant le tribunal de Bergame afin d’obtenir réparation des dommages subis suite à l’écroulement d’une partie du plafond d’un immeuble construit par la défenderesse. Le 26 avril 1988, la demanderesse avait été incorporée par la requérante. Toutefois, à aucun moment celle-ci ne s’est constituée dans la procédure. La mise en état de l'affaire commença le 13 décembre 1984, date à laquelle l'entreprise Z. L. demanda au juge de la mise en état de procéder à l'intégration du contradictoire avec la convocation de la société anonyme M. Les audiences qui se tinrent les 14 mars et 4 juillet 1985 furent consacrées à la constitution de ladite société et de la société d'assurances M., qui avait été entre-temps convoquée. Des treize audiences prévues entre le 19 septembre 1985 et le 3 octobre 1991, sept furent renvoyées pour l’admission, le dépôt et l’examen d’un rapport d’expertise, quatre furent relatives à l’admission ou à l’examen de preuves et deux furent renvoyées à la demande des parties. Le 29 octobre 1992, les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 10 novembre 1994. Le jour venu, le tribunal prononça l’interruption de la procédure à cause du décès d’un des avocats. Le 18 novembre 1994, la demanderesse reprit la procédure. Le 22 novembre 1994, le juge fixa la date de l’audience de plaidoiries au 7 novembre 1996. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 4 décembre 1996, le tribunal fit en partie droit à la demande de la société A. Z. Le 15 janvier 1998, la société anonyme M. interjeta appel du jugement de première instance devant la cour d’appel de Brescia. La requérante se constitua dans la procédure en avril 1998. Selon les informations fournies par la requérante le 19 avril 2000, à une date non précisée la cour d'appel adopta un arrêt et la requérante se pourvut en cassation.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
a) L’arrestation du requérant et les investigations préliminaires Le 30 juin 1991, le cadavre de M. F., âgé de dix-sept ans, fut retrouvé à Ponte dei Cani (Naples). Le même jour, le requérant, qui à cette occasion n’était assisté d’aucun avocat, fut interrogé par les carabiniers de Naples. Il ressort du procès-verbal de cet interrogatoire que le requérant aurait déclaré, en substance, avoir tué M. F. en collaboration avec son cousin, M. G., qui l’aurait ensuite aidé à cacher le cadavre. M. G. fut lui aussi interrogé par les carabiniers, également sans l’assistance d’un avocat. Il avoua avoir participé à la dissimulation du cadavre de M. F. Le 1er juillet 1991, le requérant et M. G. furent arrêtés. Le 3 juillet 1991, assistés d’un avocat, ils furent interrogés par le juge des investigations préliminaires de Naples. A cette occasion, M. G. nia toute participation aux faits en question, tandis que le requérant déclara avoir tué M. F. à la suite d’une lutte violente et pour légitime défense. Par ordonnances du 3 juillet 1991, le juge des investigations préliminaires de Naples plaça le requérant en détention provisoire et ordonna la libération immédiate de M. G. Au cours des investigations préliminaires, des experts nommés d’office firent une autopsie sur le cadavre de M. F. et une expertise visant à établir la nature des blessures retrouvées sur le corps du requérant. Trois experts nommés par la défense présentèrent en outre des expertises médico-légales et psychiatriques concluant que les circonstances particulières de l’affaire amenaient à considérer crédible la thèse de la légitime défense soutenue par le requérant. Le 11 septembre 1992, le parquet de Naples demanda que toute accusation portée contre M. G. fût classée sans suite. Le parquet observa que le requérant et M. G. auraient dû, lors de leurs interrogatoires devant les carabiniers, être assistés d’un avocat, ce qui n’avait pas été le cas. Par conséquent, toute déclaration faite aux carabiniers lors des interrogatoires en question ne pouvait pas être utilisée pour établir leur responsabilité pénale. Or, étant donné qu’aucun autre élément n’avait été recueilli à la charge de M. G. - qui, devant le juge des investigations préliminaires, avait plaidé son innocence -, le parquet n’était pas en mesure de demander son renvoi en jugement. Par ordonnance rendue à une date non précisée, le juge des investigations préliminaires de Naples classa toute accusation portée contre M. G. Cette décision fut ensuite confirmée par la Cour de cassation. Le 24 avril 1992, le juge de l’audience préliminaire de Naples renvoya le requérant en jugement devant la cour d’assises de la même ville pour homicide avec préméditation, dissimulation de cadavre, détention et port illégal d’arme. A une date non précisée, les parents de M. F. se constituèrent partie civile dans la procédure dirigée contre le requérant. b) Le procès de première instance Au cours des débats devant la cour d’assises de Naples, plusieurs témoins furent interrogés. La cour entendit en outre les experts du parquet, de la défense et de la partie civile. Par un arrêt du 11 janvier 1993, la cour d’assises condamna le requérant à la peine de vingt-deux ans et quinze jours d’emprisonnement et 100 000 lires d’amende. c) La procédure d’appel Respectivement les 17 et 23 février 1993, le parquet et le requérant interjetèrent appel. L’affaire fut assignée à la deuxième section de la cour d’assises d’appel de Naples. A une date non précisée, le requérant demanda que les interrogatoires de certains des témoins et experts examinés lors du procès de première instance fussent renouvelés et que de nouvelles expertises médico-légales et psychiatriques fussent accomplies. Ces dernières auraient dû déterminer la capacité de comprendre et vouloir du requérant au moment du meurtre et la nature des gouttes de sang retrouvées devant la maison de la victime. Le requérant demanda également la production de certains documents relatifs au curriculum scolaire de M. F., une descente sur les lieux et l’audition de M. C. Ce dernier aurait dû témoigner quant à la présence du requérant dans un restaurant de Naples quelques heures avant le meurtre. Par une ordonnance du 10 mai 1994, la deuxième section de la cour d’assises d’appel ordonna que certains documents déposés par le requérant - notamment une expertise médico-légale et les résultats de deux examens visant à démontrer que son cou avait été violemment comprimé - fussent versés au dossier de la cause. Elle rejeta le restant des demandes du requérant. Les audiences des 16 et 30 mai, 13 juin et 1er juillet 1994 furent reportées en raison d’une grève des avocats du barreau de Naples. Par une ordonnance du 25 octobre 1994, le président de la cour d’appel de Naples décida de rétablir la troisième section de ladite cour et assigna à cette dernière de nombreuses affaires pendantes devant le deux premières sections. L’affaire du requérant fut elle aussi transférée de la deuxième à la troisième section. L’audience, initialement fixée au 13 mars 1995, fut reportée en raison d’une grève des avocats du barreau de Naples le même jour. En conséquence de la surcharge du rôle de la cour d’assises d’appel et d’une nouvelle grève des avocats ayant duré plus de six mois, l’audience ne put avoir lieu que le 3 février 1997. Par un arrêt du 11 février 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 13 mars 1997, la cour d’assises d’appel réduisit la peine du requérant à dix-sept ans et neuf mois d’emprisonnement. d) Le pourvoi en cassation Le 15 avril 1997, le requérant se pourvut en cassation. Il invoqua, pour l’essentiel, la légitime défense et déplora le refus de lui octroyer une réduction de la peine pour provocation. L’audience devant la Cour de cassation eut lieu le 30 juin 1997. Par un arrêt du 30 juin 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 29 juillet 1997, la Cour de cassation déclara que les faits constitutifs de l’infraction de port abusif d’arme étaient prescrits et confirma la réduction de la peine infligée au requérant à dix-sept ans et neuf mois d’emprisonnement. La demande en révision ultérieurement présentée par le requérant fut rejetée en dernière instance le 30 octobre 1998.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 6 janvier 1981, le requérant et une autre personne assignèrent MM. D.R., F. et A.R. et les compagnies d’assurances R. et I. devant le tribunal de Messine afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d’un accident de la route qu’ils évaluaient à une somme non inférieure à 150 000 000 lires italiennes. La mise en état de l’affaire commença le 28 décembre 1981. Après une audience consacrée au dépôt au greffe de documents et une autre à la discussion de moyens de preuve, le 6 octobre 1983 le président du tribunal ordonna la jonction de la présente affaire à une autre concernant le même accident de la route. Le 1er décembre 1983, l’audience fut renvoyée à la demande du requérant au 24 février 1984. Des cinq audiences fixées entre le 25 mai 1984 et le 24 octobre 1985, trois concernèrent l’audition de témoins, une fut ajournée d’office et une autre à la demande des parties. Le 13 juin 1986, le juge déclara l’interruption de l’affaire suite au décès de l’avocat du requérant. Le 22 octobre 1986, le requérant reprit la procédure et une audience fut fixée au 5 mars 1987. Des sept audiences fixées entre le 25 juin 1987 et le 23 octobre 1989, deux furent consacrées au dépôt au greffe des documents, quatre concernèrent des discussions relatives à la demande du requérant d’entendre d’autres témoins et une fut ajournée d’office. Le 26 janvier 1990, le juge déclara défaillants trois des défendeurs et admit l’audition d’autres témoins. Ces derniers furent absents le 6 juillet 1990. Trois audiences plus tard, le 3 juillet 1992 les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries se tint le 19 janvier 1994. Par un jugement non définitif du 16 février 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 6 juin 1994, le tribunal fit en partie droit à la demande du requérant. Par une ordonnance du 16 février 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 18 juin 1994, le juge nomma un expert et renvoya au 11 novembre 1994, quant à l’évaluation des dommages. Le jour venu l’audience fut renvoyée d’office au 16 juin 1995. Entre-temps, le 7 octobre 1994, la compagnie d’assurances R. avait interjeté appel du jugement non définitif devant la cour d’appel de Messine. Le requérant et une autre personne avaient déposé un recours incident. L’instruction avait commencé le 13 janvier 1995. Les parties avaient présenté leurs conclusions le 10 mars 1995 et l’audience de plaidoiries avait eu lieu le 10 octobre 1996. Par un arrêt du 30 octobre 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 24 janvier 1997, la cour d’appel avait rejeté l’appel principal et celui incident. Le 20 juin 1997, les parties parvinrent à un règlement amiable de l’affaire.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 20 mai 1992, le requérant déposa un recours devant le juge d'instance de Bénévent, faisant fonction de juge du travail, afin d'obtenir la reconnaissance de son droit à une pension ordinaire d'invalidité. Le 22 juillet 1992, le juge d'instance fixa la première audience au 27 avril 1993. Cette audience fut renvoyée d’office à quatre reprises jusqu’au 16 janvier 1996. Le jour venu, le juge nomma un expert et fixa la mise en délibéré de l'affaire au 29 juin 1997. Ce jour-là, le juge d'instance ayant été muté, l’audience ne put avoir lieu. Après la nomination du nouveau juge chargé du dossier, une audience fut fixée au 21 janvier 1999. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 22 mai 1999, le juge rejeta la demande du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 9 mars 1988, le requérant notifia à Mme N. une injonction de lui payer 3 873 000 lires italiennes. Le 24 mars 1988, il notifia à Mme N. une demande de saisie immobilière qui fut enregistrée le 26 avril 1988 au Bureau des hypothèques. La procédure d’exécution fut inscrite au rôle du tribunal de Rome le 20 juin 1988. Cette procédure fut jointe à une autre procédure d’exécution engagée par la société V. à l’encontre de Mme N. La première audience fut fixée au 18 janvier 1990, date à laquelle le juge de l’exécution nomma un expert. Le 24 janvier 1991, l’affaire fut jointe à une troisième procédure d’exécution et une audience fut fixée au 10 octobre 1991 pour la vente aux enchères. Entre-temps, le 16 mai 1991, le requérant déposa, dans la même procédure, une autre demande pour 63 856 000 lires italiennes. Le 1er octobre 1992, l’audience ne se tint pas car ce jour-là les avocats faisaient grève et une nouvelle audience fut fixée au 7 octobre 1993. A cette date, étant donné qu’aucun acheteur ne s’était présenté pour la vente de l’immeuble, le juge fixa une autre audience au 24 février 1994 afin de réduire la mise à prix. Le 16 novembre 1995, le juge fixa une nouvelle date de vente le 11 décembre 1997. Étant donné qu’il n’y avait pas eu d’offres d’achat, l’audience fut renvoyée au 21 mai 1998 et après au 16 janvier 2000 pour la même raison. Le jour venu, une première vente eut lieu et le juge fixa l’audience suivante au 1er février 2001 pour permettre aux acheteurs potentiels de faire une surenchère.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 21 juillet 1989, le requérant assigna six personnes devant le tribunal de Teramo afin d’obtenir la résiliation d’un contrat pour inexécution, la restitution immédiate du terrain enjeu du litige et le versement de sommes dues. La mise en état de l’affaire commença le 24 octobre 1989. Des treize audiences qui se tinrent entre le 20 mars 1990 et le 16 avril 1996, quatre concernèrent l’audition des défendeurs, sept concernèrent un rapport d’expertise et son complément, une fut reportée car l’avocat des défendeurs avait renoncé à son mandat et une le fut d’office. L’audience du 21 janvier 1997 ne put avoir lieu car le juge de la mise en état avait été muté. La loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Les sezioni stralcio, composées d'un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été créés en vertu de l'article 90, alinéa 5, de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d'absorber l'arriéré d'affaires pendantes devant les juridictions civiles. Faute de juge, l’affaire fut renvoyée d’office jusqu’au 4 mai 1999, date à laquelle un nouvel expert fut nommé et le juge fixa la prestation de serment au 3 octobre 2000. Entre-temps, le 20 juillet 1999, les parties étaient parvenues à un règlement amiable.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 11 février 1993, le requérant déposa un recours à l’encontre de M. V. devant le tribunal des baux ruraux de Teramo afin de faire constater la cessation du contrat d’association, existant entre les deux parties, pour inexécution, obtenir la restitution d’un terrain et le versement d’une certaine somme. Le 17 février 1993, le président fixa la date de la première audience au 21 janvier 1994. La mise en état de l’affaire commença, après un renvoi d’office, le 17 juin 1994 par l’admission de témoins. Des huit audiences fixées entre le 18 novembre 1994 et le 23 juillet 1997, trois furent renvoyées d’office, une le fut à la demande requérant et les autres concernèrent l’audition de témoins et un rapport d’expertise. Le 18 mars 1998, le rapport d’expertise ayant été déposé au greffe la veille, le tribunal reporta l’affaire au 19 novembre 1998 pour permettre aux parties de l’examiner. Cette audience et celle du 24 juin 1999 furent reportées car une tentative de règlement amiable était en cours. Les parties ne s’étant pas présentées à l’audience du 10 novembre 1999, le juge de la mise en état ajourna l’affaire au 24 avril 2000. Entre-temps, le 20 juillet 1999, les parties étaient parvenues à un règlement amiable.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante, ressortissante turque, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Düzce (à Vezirköprü, Samsun). Elle était agricultrice. En mai 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains de la requérante pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées à la requérante à la date d'expropriation. La requérante, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda à la requérante des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. La requérante demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en mai et septembre 1989, septembre 1991 respectivement. La DSİ versa à la requérante ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées à la requérante, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés à la requérante par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En avril-mai 1990 et juin 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 2 521 LT, 2 590 LT et 10 860 LT respectivement. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois de mai 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de avril-mai 1990 atteint le chiffre «437» et celui du mois de juin 1993 le chiffre «2027»(période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
Le 29 août 1983, le requérant déposa un recours devant le juge d’instance de Casamassina (Bari), faisant fonction de juge du travail, à l’encontre de son ancien employeur, afin d’obtenir le salaire auquel il considérait avoir droit. Le 2 septembre 1983, le juge fixa la première audience au 9 novembre 1983. Des dix-sept audiences fixées entre le 14 décembre 1983 et le 10 février 1988, six concernèrent l’audition de témoins, huit furent reportées à cause de leur absence, une fut ajournée d’office, une à la demande des parties et une à celle du requérant. Le 16 avril 1988, l’audience fut consacrée au dépôt au greffe de documents et l’audience suivante fut fixée au 11 mai 1988. L’audience du 13 juillet 1998 fut renvoyée par le juge d’instance. Les onze audiences fixées entre le 26 octobre 1988 et le 12 avril 1991 furent reportées à la demande des parties. Des dix-sept audiences fixées entre le 31 mai 1991 et le 6 février 1996, quatre furent ajournées d’office, dix furent reportées par le juge d’instance, deux furent renvoyées à cause de l’absence du défendeur et une audience ne se tint pas, car ce jour-là les avocats faisaient grève. Après deux audiences relatives au dépôt au greffe de documents et une autre renvoyée d’office, le 26 mars 1997 eut lieu l’audience de mise en délibéré. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 29 avril 1997, le juge fit en partie droit à la demande du requérant. Le 28 avril 1998, le requérant interjeta appel devant le tribunal de Bari. La mise en état commença le 23 juin 1998. Les trois audiences fixées entre le 19 octobre 1999 et le 4 juillet 2000 concernèrent l’expertise. L’audience de plaidoiries fut fixée au 22 mars 2001.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 9 novembre 1993, le requérant assigna M. G., la société P. et la compagnie d’assurances G. devant le tribunal de Cassino afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d’un accident de la route au cours duquel 11 000 litres de carburant s’étaient déversés sur le terrain entourant l’habitation du requérant, obligeant ce dernier et sa famille à quitter cet endroit. La mise en état de l’affaire commença le 27 novembre 1993. Cette audience et celle du 28 avril 1994 concernèrent la jonction de la présente affaire avec une autre ayant trait au même accident. Des dix audiences fixées entre le 18 mai 1994 et le 26 juin 1998, une fut renvoyée d’office, une le fut car les avocats faisaient grève, quatre concernèrent des expertises, deux une tentative de règlement amiable et deux l’audition de témoins. Les parties présentèrent leurs conclusions le 26 octobre 1998 et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 12 mai 2000. La loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio), la date de l’audience était susceptible d’être modifiée. Les sezioni stralcio, composées d'un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été créés en vertu de l'article 90 de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d'absorber l'arriéré d'affaires pendantes devant les juridictions civiles. La date de cette audience fut avancée au 11 mars 1999 et l’audience de plaidoiries fut fixée au 16 décembre 1999. Par un jugement du 16 décembre 1999, dont le texte fut déposé au greffe le 7 mars 2000, le tribunal fit en partie droit à la demande du requérant. Le 31 juillet 2000, le requérant interjeta appel devant la cour d’appel de Rome. La première audience se tint le 4 décembre 2000. L’audience de présentation des conclusions du 2 avril 2001 fut renvoyée au 15 octobre 2001.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 6 juillet 1993, la société requérante demanda au tribunal de Latina d’enjoindre à M. M. de lui payer 7 000 000 lires italiennes au titre de prestations professionnelles. Le 13 juillet 1993, le président du tribunal fit droit à cette demande. L’injonction fut notifiée à M. M. le 26 juillet 1993. Le 1er octobre 1993, celui-ci fit opposition. La mise en état de l’affaire commença le 16 novembre 1993. A cette date, l’audience de présentation des conclusions fut fixée au 17 mai 1994 ; toutefois, elle ne se tint que le 23 juillet 1996, car elle fut reportée d’abord au 24 janvier 1995 afin de permettre à la requérante de déposer un document et fut ensuite renvoyée deux fois d’office. Le jour venu, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 8 février 2000. Toutefois, à une date non précisée, le président du tribunal attribua l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio) et fixa l’audience suivante au 6 juin 2000. Après deux renvois d’office, le 14 mars 2000 le juge fixa l’audience pour la mise en délibéré de l’affaire au 12 octobre 2000. Par un jugement dont le texte fut déposé au greffe le 27 avril 2001, le juge fit droit à la demande de la requérante.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 23 avril 1990, la requérante déposa un recours devant le tribunal de Latina afin d’obtenir une injonction de payer 26 613 000 lires italiennes en exécution d’un contrat de formation professionnelle, à l’encontre de la région du Latium. Par une ordonnance du 26 avril 1990, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le président du tribunal fit droit à cette demande. L’injonction fut notifiée à la partie adverse le 11 mai 1990. Le 31 mai 1990, celle-ci fit opposition devant le même tribunal. Elle déposa également une demande reconventionnelle en résolution du contrat et en restitution des sommes déjà versées. La mise en état de l’affaire commença le 30 octobre 1990, date à laquelle le juge rejeta la demande de la requérante tendant à l’exécution provisoire de l’injonction. Le 28 mai 1991 eut lieu une discussion concernant les moyens de preuve. Deux audiences plus tard, le 17 décembre 1992, l’audience fut consacrée au dépôt au greffe de documents et les parties demandèrent un renvoi pour tenter de parvenir à un règlement amiable. Le 24 juin 1993, l’audience fut reportée pour la même raison. Les parties présentèrent leurs conclusions le 3 février 1994 et l’audience de plaidoiries fut fixée au 14 mai 1996. A cette date, l’audience fut reportée d’office, à cause du grand nombre de dossiers au rôle, au 19 juillet 1999. Toutefois, le 1er décembre 1998, le président du tribunal attribua l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Le 2 mars 1999, le juge mit l’affaire en délibéré. Par un jugement du 18 mars 1999, dont le texte fut déposé au greffe le 29 mars 1999, le juge fit droit à la demande de la requérante.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 30 juillet 1992, la requérante assigna la société à responsabilité limitée S. ainsi que la compagnie nationale de l'électricité (ENEL) devant le tribunal de Rieti afin d’obtenir réparation des dommages subis lors de l’exécution de travaux et qu’elle évaluait en 5 500 000 lires italiennes. La mise en état de l’affaire commença le 11 novembre 1992. Cette audience et la suivante furent consacrées à la constitution des parties devant le juge. Des neuf audiences qui se tinrent entre le 17 février 1993 et le 24 octobre 1994, huit concernèrent l’audition de témoins et d’une partie et une fut reportée à la demande de la société S. Le 11 janvier 1995, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 29 mars 1995. Le jour venu, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 5 mars 1997. Toutefois, elle ne se tint pas, car elle fut d’abord reportée trois fois d’office et puis, par une ordonnance hors audience du 3 novembre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le président du tribunal attribua l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio) et fixa l’audience suivante au 10 novembre 1999. Le jour venu, le juge constata que la société S. avait entre-temps été mise en liquidation et reporta l’affaire au 23 février 2000. Le 3 juillet 2000, l’audience de présentation des conclusions fut renvoyée au 9 octobre 2000. Par un jugement du 15 janvier 2001, dont le texte fut déposé au greffe le 17 janvier 2001, le tribunal rejeta la demande de la requérante.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le requérant se plaint de la durée de deux procédures. Dans une première procédure, le 25 septembre 1985, M. S. assigna le requérant devant le tribunal de Naples afin d’obtenir son expulsion de l’appartement qu’il utilisait en vertu d’un contrat de location. Le requérant, pour sa part, déposa une action en réintégration de l’appartement et une demande en réparation des dommages subis. La mise en état de l’affaire commença le 12 novembre 1985. L’audience du 21 janvier 1986 fut renvoyée d’office au 3 juin 1986. Des cinq audiences fixées entre le 26 mars 1987 et le 23 février 1988, une fut consacrée au dépôt au greffe de documents, trois concernèrent la discussion des moyens de preuves et une fut ajournée à la demande des parties. Le 29 mars 1988, le juge de la mise en état ordonna l’audition de témoins. L’audience du 27 avril 1988 fut renvoyée d’office. Les quatre audiences qui suivirent jusqu’au 23 janvier 1990 concernèrent l’audition des témoins. Les deux audiences qui se tinrent les 29 mai et 20 novembre 1990 concernèrent la présentation des conclusions. Le 29 janvier 1991, le juge fixa l'audience de plaidoiries au 8 avril 1992. Cette audience fut reportée, d'abord, d'office et par la suite, à deux reprises à la demande de M. S. Le 6 avril 1994, l'affaire fut mise en délibéré. Par un jugement du 13 avril 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 7 juillet 1994, le tribunal constata que le requérant avait libéré l’appartement en litige le 4 mai 1988, rejeta la demande de M. S. et fit en partie droit à la demande de réparation des dommages du requérant. Le 9 janvier 1995, M. S. interjeta appel devant la cour d’appel de Naples. L’instruction commença le 14 février 1995. Après deux audiences, le 27 février 1996, les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries eut lieu le 3 avril 1997. Par un arrêt du 17 avril 1997, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, la cour rejeta l’appel de M. S. Le 11 juillet 1997, M. S. se pourvut en cassation. Par une ordonnance du 3 mars 1999, la Cour de cassation déclara le pourvoi irrecevable. Dans une deuxième procédure, le 19 mars 1991 le requérant et une autre personne assignèrent M. S. devant le tribunal de Naples, afin d’obtenir réparation des dommages subis suite au fait que M. S. avait pénétré illégalement dans leur appartement. La mise en état de l’affaire commença le 8 mai 1991. Après deux audiences, le 28 octobre 1993 les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 12 janvier 1996. Par un jugement du 19 janvier 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 10 février 1996, le tribunal fit droit à la demande du requérant et de l’autre demandeur. Le 11 septembre 1996, M. S. interjeta appel devant la cour d’appel de Naples. L’instruction commença le 20 décembre 1996. Les parties présentèrent leurs conclusions le 28 février 1997. L’audience de plaidoiries fut fixée au 4 mars 1998. Par un arrêt du 11 mars 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 29 mai 1998, la cour rejeta l’appel de M. S.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 24 janvier 1984, l'époux de la requérante assigna M. G.F. et Mme I.M.F. devant le tribunal de Vigevano (Pavie) afin d'obtenir la conclusion d'un contrat de vente. La première audience eut lieu le 20 mars 1984 puis l'affaire fut renvoyée au 3 octobre 1984. Cette audience fut reportée à deux reprises en raison d’un empêchement du juge de la mise en état et de l'absence des conseils des parties. Le 29 janvier 1985, le juge désigna un expert puis renvoya l'affaire au 22 mai 1985. L'empêchement et la mutation du juge furent à l'origine de cinq renvois d'audience. Le 1er avril 1987, la requérante poursuivit la procédure à la suite du décès de son mari. Les conseils des parties demandèrent ensuite trois reports dont deux en vue d'un règlement amiable du différend. Le 13 janvier 1988, le juge convoqua l'expert précédemment désigné au 20 avril 1988. Celui-ci ayant renoncé à son mandat, un autre expert dut être nommé ; il prêta serment le 5 juillet 1988 et obtint un délai de 90 jours pour le dépôt de son rapport. L'audience du 11 janvier 1989 fut renvoyée au 15 mars 1989 en raison de la mutation du juge. Les sept audiences suivantes furent reportées : deux fois en attendant le dépôt de l'expertise, trois fois en raison de l'empêchement ou de la mutation du juge, deux fois d'office. Le 26 janvier 1993, les parties demandèrent un report afin d'examiner le rapport d'expertise. L'audience du 24 mars 1993 fut renvoyée pour permettre aux défendeurs de nommer un autre avocat. Après deux renvois, dont un d'office, le 12 janvier 1995 le juge fixa au 4 mai 1995 l'audience de présentation des conclusions. Le jour venu, le magistrat convoqua les parties devant la chambre compétente du tribunal au 19 novembre 1996. Par un jugement du 28 janvier 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 28 février 1998, le tribunal fit droit à la demande de la requérante. Ce jugement devint définitif le 16 avril 1999.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 17 octobre 1988, le requérant assigna la mairie de C. devant le tribunal de Termini Imerese afin d’obtenir le paiement de 38 500 000 lires italiennes prestation résultant d’un contrat de prestations professionnelles. La mise en état de l’affaire commença le 1er décembre 1988. Le 2 février 1989, la défenderesse excipa de l’incompétence territoriale du tribunal. Les parties présentèrent leurs conclusions sur cette question le 18 mai 1989. A l’audience de plaidoiries du 13 février 1990, les parties furent absentes et l’audience fut renvoyée au 20 novembre 1990. A cette date, l’audience fut reportée au 7 janvier 1992 à la demande de la défenderesse. Par un jugement du 14 janvier 1992, dont le texte fut déposé au greffe le 4 février 1992, le tribunal constata son incompétence et indiqua le tribunal de Palerme en tant que juridiction compétente. Le 8 avril 1992, le requérant reprit la procédure devant le tribunal de Palerme. La première audience se tint le 18 mai 1992. Les quatre audiences qui se tinrent entre le 15 octobre 1992 et le 23 septembre 1993 furent ajournées car la défenderesse n’avait pas fourni des informations que le juge lui avait demandé. L’audience du 16 décembre 1993 fut reportée d’office au 7 février 1994. Après deux audiences, le 9 février 1995 les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 20 septembre 1996. Par une ordonnance du 27 septembre 1996, le tribunal rouvrit l’instruction et fixa une audience au 24 avril 1997 pour le dépôt au greffe de certains documents. Une audience plus tard, le 25 septembre 1997, les parties présentèrent leurs conclusions. L’audience de plaidoiries fut fixée au 23 avril 1999. Toutefois, à une date non précisée, l'affaire fut attribuée au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio) et l’audience fut fixée au 20 octobre 1999. Par un jugement du 18 mai 2000, dont le texte fut déposé au greffe le 28 juin 2000, le tribunal fit droit à la demande du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le requérant est né en 1923 et réside à Caltanissetta. Il est un magistrat à la retraite. A une date non précisée, de poursuites furent ouvertes contre le requérant pour calomnie aggravée et abus de fonctions publiques. Par une décision du 16 mars 1988, le tribunal de Messina se déclara incompétent ratione loci et ordonna la transmission du dossier au parquet de Rome. Par un jugement du 26 juillet 1988, le juge d’instruction de Rome classa l’accusation de calomnié portée contre le requérant, vu l’absence de faits délictueux (« perché il fatto non costituisce reato »), et ordonna la restitution au parquet des actes relatifs à l’accusation d’abus de fonctions publiques. Le 27 septembre 1988, le parquet transmit l’affaire au juge d’instance de Messina. A une date non précisée, ce dernier relaxa le requérant, au motif que les faits n’étaient pas établis (« perché il fatto non sussiste »). Le requérant interjeta appel contre le jugement du 26 juillet 1988 en vue d’obtenir une formule d’acquittement plus favorable. Le 17 juillet 1992, la cour d’appel de Rome, ayant constaté que le dossier relatif à l’affaire lui était parvenu incomplet, ordonna de recherches entre autres auprès du juge d’instance de Messina et du parquet de Rome. Le 22 décembre 1992, les pièces manquantes n’ayant pas été retrouvées, la cour d’appel demanda aux parties de produire les documents nécessaires à la reconstitution des faits de la cause. Certaines photocopies furent ajoutées au dossier. Le 18 mars 1994, la cour d’appel de Rome demanda à la Cour de cassation d’indiquer la juridiction compétente ratione loci à connaître de l’affaire. Par un arrêt du 1er juin 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 23 janvier 1995, la Cour de cassation déclara que la cour d’appel de Rome était compétente à connaître de l’affaire. Par un arrêt du 15 février 1995, dont le texte fut déposé au greffe le 20 février 1995, la cour d’appel de Rome relaxa le requérant, vu l’absence de faits délictueux. Cette décision acquit autorité de chose jugée au plus tôt le 23 février 1995.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le requérant, de nationalité turque et allemande (depuis 1995), né en 1918, est domicilié à Bonn. En 1982, les autorités allemandes lui accordèrent le statut de réfugié politique. Le 24 avril 1980, la société turque SCS, fondée par le requérant, passa un contrat de vente de 3 000 tonnes de concentré de tomates au prix de 800 USD la tonne avec l’entreprise publique irakienne SEC. Le même jour, la SEC ouvrit en faveur de la SCS un crédit documentaire irrévocable d’un montant de 2 400 000 USD auprès de la banque irakienne R. La banque turque C, sise à Istanbul, fut chargée d’effectuer les paiements à la SCS. Lors de la première livraison, la banque irakienne ne paya que 95% de la valeur de la marchandise. Une deuxième livraison (valeur: 112 000 USD), ne fit l’objet d’aucun règlement. La SCS arrêta alors ses livraisons et céda au requérant ses droits découlant du contrat conclu avec la SEC par la suite. En février 1987, le requérant assigna la banque irakienne devant le tribunal régional (Landgericht) de Düsseldorf. Il réclama le remboursement partiel du préjudice que lui avait causé l’inexécution du crédit documentaire. Par un jugement rendu par défaut le 2 février 1988, le tribunal régional condamna la banque irakienne à payer au requérant des dommages et intérêts d’un montant de 200 000 USD, de 30 millions livres turques et de 40 000 DEM avec intérêts. Pour affirmer sa compétence, le tribunal régional observa que la défenderesse était titulaire d’un compte auprès d’une banque sise à Düsseldorf. Quant au fond, le tribunal régional appliqua le droit turc, considérant qu’une banque sise à Istanbul avait assumé l’obligation d’effectuer les paiements. Sur l’opposition (Einspruch) de la banque, le tribunal régional, le 20 décembre 1988, annula son jugement du 2 février 1988 et déclara l’action en dommages et intérêts irrecevable. Le tribunal se déclara incompétent pour connaître du litige au motif que le requérant n’avait pas apporté la preuve de l’existence en Allemagne de biens appartenant à la banque irakienne. Le 5 octobre 1989, la cour d’appel (Oberlandesgericht) de Düsseldorf cassa le jugement du tribunal régional du 20 décembre 1988 et renvoya la cause à ce dernier. Elle estima que le litige relevait des juridictions allemandes. Le fait que la défenderesse possédait des créances sur la filiale d’une banque allemande sise à Düsseldorf suffisait comme lien de rattachement de l’instance au territoire allemand, à l’exclusion de toute autre exigence de lien de rattachement. Un pourvoi en cassation (Revision) formé par la banque irakienne contre cet arrêt fut retiré ultérieurement par celle-ci. Le 23 octobre 1989, le requérant demanda la correction du jugement du 5 octobre 1989 (Urteilsberichtigung). Le 28 novembre 1989, le tribunal régional rejeta la demande et fixa une audience publique au 20 février 1990. A l’issue de celle-ci, il fixa la date du prononcé public de son jugement au 27 mars 1990. Le 27 mars 1990, il ordonna un complément d’instruction comprenant notamment l’audition de plusieurs témoins résidant en Turquie et l’établissement des rapports d’experts en plus de ceux que le requérant avait déjà soumis au tribunal sur sa propre initiative. Les 22 et 23 novembre 1990 eut lieu l’audience publique durant laquelle le tribunal régional entendit ces témoins. Entre le 7 février et le 29 mai 1991, le tribunal régional s’adressa à l’ambassade et au consulat général d’Allemagne en Turquie afin que ceux-ci lui désignent un expert en droit turc. Le 2 décembre 1991, le tribunal régional, après avoir discuté avec les parties du procès les honoraires que l’expert proposé avait demandés, le désigna comme expert. Le 8 mai 1992, le tribunal fit traduire en allemand le rapport d’expert rédigé en turc et demanda aux parties de soumettre leurs observations. Le 18 mai 1993, le tribunal régional tint une audience publique. Le 22 juillet 1993, il fit partiellement droit à la demande du requérant en confirmant le jugement du 2 février 1988 rendu par défaut (voir ci-dessus paragraphe 11) et condamna la banque en outre au paiement d’une somme de 655 641,18 USD et d’une somme de 37 709 971 livres turques ainsi qu’au paiement des intérêts correspondant à ces montants. Il estima devoir appliquer les principes établis dans l’arrêt rendu par la cour d’appel le 5 octobre 1989 pour affirmer sa compétence internationale, en dépit d’un récent revirement de la jurisprudence de la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) en la matière. Le 11 août 1994, sur appel de la banque, la cour d’appel de Düsseldorf modifia le jugement du tribunal régional du 22 juillet 1993, en annulant le jugement rendu le 2 février 1988 par défaut et en rejetant la demande de dommages et intérêts présentée par le requérant dans son ensemble. Tenant compte de la jurisprudence modifiée de la Cour fédérale de justice en la matière, la cour d’appel considéra que les juridictions allemandes n’avaient pas de compétence internationale pour connaître du litige. Celle-ci avait été obtenue par des moyens frauduleux. Le requérant n’était pas impliqué dans les relations contractuelles entre la SCS et la SEC et il n’avait pas démontré la base légale sur laquelle se fondait la cession des droits découlant du contrat. Cette manière de procéder laissait supposer que la cession tendait uniquement à faire relever le litige de la compétence des tribunaux allemands. La cour d’appel estima, en outre, qu’à titre exceptionnel, elle n’était pas liée par son arrêt du 5 octobre 1989 au motif que la jurisprudence de la Cour fédérale de justice relative à la question de la compétence internationale des tribunaux allemands avait été modifiée par un arrêt du 2 juillet 1991 de celle-ci. Le requérant se pourvut en cassation contre cet arrêt. Le 17 janvier 1995, la Cour fédérale de justice débouta le requérant au motif que l’affaire ne soulevait aucune question d’intérêt général. Elle confirma que la cour d’appel n’était pas liée par son arrêt précédent. En outre, la cour d’appel avait estimé, sans erreur de droit, que le requérant avait obtenu la compétence des tribunaux allemands par des moyens frauduleux. Le 20 mars 1995, la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht), statuant en comité de trois juges, décida de ne pas retenir le recours constitutionnel du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le requérant est un ressortissant portugais né en 1953 et résidant à Lyon (France). Victime d’un accident de la circulation survenu le 24 août 1981, le requérant introduisit le 18 février 1987 devant le tribunal de Chaves une demande en dommages et intérêts contre le Fonds de garantie automobile (ci-après « le Fonds »). Par une ordonnance du 2 mars 1987, le juge invita le requérant à déposer une nouvelle demande en vue de suppléer les déficiences de la précédente ainsi qu’à produire une traduction portugaise de certains documents qu’il avait joints en langue étrangère. Le 16 mars 1987, le requérant déposa une nouvelle demande et sollicita un délai de trente jours afin de joindre la traduction en cause. Le 2 avril 1987, le requérant produisit la traduction en question. Le 21 avril 1987, le juge ordonna la citation à comparaître du Fonds. Celui-ci déposa ses conclusions en réponse le 19 mai 1987. Le 2 juin 1987, le requérant demanda l’intervention forcée du conducteur du véhicule ayant participé à l’accident. Celui-ci étant un ressortissant espagnol résidant en Espagne, le juge délivra une commission rogatoire internationale le 23 octobre 1987. Le 15 mars 1988, le ministère public fut chargé de traiter la commission rogatoire internationale. Le 8 mars 1989, le ministère portugais des Affaires étrangères informa le tribunal que la citation n’avait pas pu être effectuée en raison d’une erreur dans l’adresse de la personne en cause. Par une ordonnance du 13 mars 1989, le juge invita le requérant à se prononcer sur cette information. Le 25 octobre 1989, le requérant indiqua une nouvelle adresse. Une deuxième commission rogatoire internationale fut délivrée et transmise au ministère public le 20 novembre 1989. Le 30 décembre 1992, le ministère des Affaires étrangères informa le tribunal du décès de la personne en question, survenu le 28 janvier 1992. Par une ordonnance du 6 janvier 1993, le juge prononça la suspension de l’instance. Le 5 juin 1995, le requérant demanda l’habilitation de l’héritière de la personne en cause. Par un jugement du 13 octobre 1995, le tribunal reconnut à l’héritière en question qualité pour participer à la procédure. Le 16 mai 1997, le juge ordonna la citation à comparaître de cette défenderesse. Le 6 janvier 1998, le juge rendit une décision préparatoire (despacho saneador) spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. Le 13 février 1998, le requérant déposa sa liste de témoins. Il demanda également au tribunal d’effectuer une inspection des lieux de l’accident. Par une ordonnance du 17 février 1998, le juge fit droit à la demande d’inspection en cause. Il ordonna par ailleurs l’envoi d’une commission rogatoire au tribunal de Lisbonne aux fins d’audition d’un témoin. Le 24 avril 1998, le tribunal de Lisbonne envoya deux cassettes avec l’enregistrement de la déposition en cause. Le 28 mai 1998, le juge fixa l’audience au 15 octobre 1998. Ce jour-là, au cours de l’audience, le tribunal constata que les cassettes envoyées par le tribunal de Lisbonne ne contenaient aucun enregistrement. Le président reporta l’audience sine die et ordonna de délivrer une nouvelle commission rogatoire au tribunal de Lisbonne. Cette commission rogatoire fut retournée le 23 novembre 1998. Le 24 novembre 1998, le juge fixa l’audience au 15 janvier 1999, date à laquelle elle eut lieu. Le 18 février 1999, le tribunal rendit son jugement faisant partiellement droit au requérant. Celui-ci et le Fonds interjetèrent des appels contre ce jugement devant la cour d’appel (Tribunal da Relação) de Porto. La procédure est toujours pendante devant cette dernière juridiction.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 8 septembre 1985, M. G.D'E. et Mme A.C. assignèrent le requérant et trois membres de sa famille devant le tribunal de Naples afin d'obtenir l'annulation de la donation d'un terrain en faveur du requérant. Ils estimaient que cet acte camouflait une vente et empêchait l'exercice de leur droit de préemption. La première audience eut lieu le 12 novembre 1985. Le 27 mai 1986, le juge de la mise en état fixa l'audition des témoins indiqués par les demandeurs et le requérant aux audiences du 6 mars et 22 mai 1986 et rejeta la demande d'admission d'une preuve requise par le requérant. Le 29 octobre 1986, statuant sur la réclamation du requérant, le tribunal de Naples confirma le rejet de cette dernière demande. L'audience du 2 décembre 1986 fut reportée, à la demande des parties, au 23 avril 1987 puis, à nouveau remise, à leur demande, au 20 octobre 1987, en raison de la tentative de règlement amiable en cours. Entre temps, un règlement amiable avait été conclu, le 3 mars 1987. A l’audience du 20 octobre 1987, les parties déposèrent des notes complémentaires et le juge fixa une audience au 1er mars 1988. A cette date, le conseil des défendeurs contesta la validité du règlement amiable et s'opposa à l'audition des témoins. Le juge se réserva, sur l’admissibilité de la contestation soulevée, jusqu’au 5 avril 1988 et, à cette date, il fixa l’audition des témoins au 16 juin 1988. A compter de cette date, les quatre audiences fixées, jusqu’au 13 décembre 1988, furent relatives à l’audition des témoins. L’audience de présentation des conclusions fut fixée au 28 septembre 1989. Toutefois, les parties présentèrent leurs conclusions les 26 octobre et 9 novembre 1989. La mise en délibéré de l’affaire fut renvoyée devant la chambre compétente du tribunal au 24 octobre 1990 et, le 31 octobre 1990, cette juridiction renvoya les parties devant le juge de la mise en état, car le dossier de l'affaire ne contenait pas certaines pièces nécessaires à son examen. Le 4 avril 1991, après le dépôt des documents requis, le juge fixa au 12 février 1992 la mise en délibéré de l’affaire devant le tribunal. Par un jugement du 19 février 1992, dont le texte fut déposé au greffe le 21 mai 1992, le tribunal rejeta la demande de M. G.D'E. et Mme A.C. M. G.D'E. interjeta appel le 30 septembre 1992 devant la cour d'appel de Naples. La première audience eut lieu le 22 décembre 1992. Le 15 janvier 1993, le juge fixa au 19 février 1993 l'audience de présentation des conclusions. L'audience devant la chambre compétente de la cour d'appel se tint le 19 janvier 1994. Par une ordonnance du 26 janvier 1994, la cour exigea l'intégration du contradictoire par la citation de Mme A.C. Après l'audience du 1er avril 1994, la cour d 'appel examina l’affaire le 22 février 1995. Par un arrêt du 1er mars 1995, dont le texte fut déposé au greffe le 8 avril 1995, la cour d’appel rejeta la demande. Le 19 juillet 1995, M. G.D'E. se pourvut en cassation. Le 28 septembre 1995, le requérant introduisit un pourvoi incident. Le 28 septembre 1996, le requérant sollicita un examen plus rapide de la cause. Une audience fut fixée au 9 mai 1997. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 24 août 1997, la Cour de cassation, ayant joint les deux pourvois, rejeta le premier et considéra le second comme étant absorbé.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 8 mai 1991, les requérants assignèrent Mme T.B. devant le tribunal de Bergame afin de faire constater que la construction faite par la défenderesse n’était pas réglementaire, d’obtenir sa démolition et la réparation des dommages subis. La mise en état de l’affaire commença le 13 juin 1991. Le 26 mars 1992, le juge de la mise en état nomma un expert qui prêta serment le 22 octobre 1992. Le rapport d’expertise n’ayant pas été déposé au greffe, le juge ajourna l’audience du 10 juin 1993 au 7 avril 1994, date à laquelle les parties obtinrent une remise d’audience pour pouvoir examiner le rapport déposé le jour même. Le 14 juillet 1994, le juge de la mise en état ajourna l’affaire au 21 septembre 1995 pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 11 juin 1998. Le juge de la mise en état ayant été muté, cette audience ne put avoir lieu. La loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Les sezioni stralcio, composées d'un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été créés en vertu de l'article 90 de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d'absorber l'arriéré d'affaires pendantes devant les juridictions civiles. La première audience tendant à la conciliation des parties fut fixée au 24 juin 1999. A cette date, l’audience n’eut pas lieu en raison d’un empêchement du juge. Le 28 juin 1999, une audience se tint et le juge fixa l’affaire au 4 novembre 1999. Le jour venu, le requérant demanda la fixation d’une audience tendant à la conciliation des parties. A cet effet, le juge renvoya l’affaire d’abord au 25 janvier 2000 et ensuite au 23 mai 2000, date à laquelle, suite à l’absence de la défenderesse, le juge reporta l’affaire au 20 mars 2001. Le jour venu, les parties demandèrent la fixation de l'audience de présentation des conclusions et le juge fixa cette audience au 15 mai 2002.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 15 mars 1994, les requérantes assignèrent le syndic d’une copropriété voisine à leur immeuble et les copropriétaires devant le tribunal de Bergame afin d’obtenir l’annulation d’une délibération de la copropriété décidant notamment l’installation d’une barrière empêchant l’accès de camions, de faire constater que le fonds des requérantes n’était pas grevé d’une servitude d’évier et de condamner les défendeurs à retirer une canalisation et à réparer les dommages subis par les requérantes. La mise en état de l’affaire commença le 12 mai 1994. Les trois audiences qui eurent lieu entre le 9 février 1995 et le 11 avril 1996 concernèrent une expertise. L’audience du 17 avril 1997 fut reportée au 22 janvier 1998 à la demande des parties. A cette audience, le juge admit l’audition de témoins qui commença le 18 février 1998. Le jour venu, après avoir entendu trois témoins, le juge de la mise en état ajourna l’audition des autres témoins au 1er mars 2000. Le jour venu, l’audience fut renvoyée au 30 octobre 2000, date à laquelle l’audition des témoins eut lieu et l’affaire fut reportée au 27 avril 2001. Le jour venu, les parties demandèrent un renvoi afin d’arriver à un règlement amiable de l’affaire et le juge fixa l’audience au 12 octobre 2001.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 14 mars 1988, la requérante assigna M. G. devant le juge d'instance de Florence afin d’obtenir la résiliation d’un contrat de commodat d’un immeuble et la libération des lieux. La mise en état de l’affaire commença le 28 avril 1988. Des sept audiences qui eurent lieu entre le 7 juillet 1988 et le 5 juillet 1990, une fut remise à la demande des parties, une concerna l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur et cinq l’audition de témoins. La présentation des conclusions eut lieu le 20 décembre 1990. Le 13 juin 1991, jour prévu pour la mise en délibéré de l’affaire, l’affaire fut reportée au 24 octobre 1991 car le dossier était introuvable. Par une ordonnance du 18 novembre 1991, le juge d'instance estima nécessaire de rouvrir l’instruction afin d’entendre les parties. L’audience du 19 décembre 1991 fut ajournée au 19 février 1992 car la requérante n’avait pu être présente et l’affaire fut mise en délibéré le 19 mars 1992. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 18 mai 1992, le juge d'instance fit droit à la demande de la requérante. Le 25 novembre 1992, M. G. interjeta appel devant le tribunal de Florence. L’instruction commença le 18 mars 1993. Après une audience, les parties présentèrent leurs conclusions le 21 octobre 1993 et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 21 février 1995. Par une ordonnance du 13 décembre 1994, le président du tribunal constata que le juge rapporteur avait été chargé d’autres fonctions et reporta l’audience de plaidoiries au 7 novembre 1995. Le jour venu, le tribunal constata qu’il manquait le dossier de première instance et l’affaire fut ajournée au 20 février 1996. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 15 janvier 1997, le tribunal rejeta l’appel.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 13 février 1975, M. T. assigna le requérant, son voisin, devant le tribunal de Macerata afin d’établir les limites entre leurs terrains contigus et d’obtenir réparation des dommages subis du fait de l’occupation d’une parcelle de son terrain. La mise en état de l’affaire commença le 27 mars 1975. Des trente-deux audiences fixées entre le 22 mai 1975 et le 4 octobre 1980, sept furent reportées d’office, treize le furent à la demande des parties, ou du requérant ou bien en raison de l’absence de ce dernier, et deux le furent à la demande de M. T. ; neuf concernèrent l’audition de témoins et une le dépôt de documents. Le 11 novembre 1980, le requérant demanda la nomination d’un expert ; le juge fit droit à cette demande, mais se borna à fixer l’audience suivante au 2 décembre 1980 pour la nomination. Cette audience fut reportée au 10 février 1981 à la demande des parties. Le jour venu, un expert fut nommé, qui prêta serment le 10 mars 1981. Des dix-sept audiences fixées entre le 23 juin 1981 et le 25 octobre 1984, cinq concernèrent l’expertise - dont une fut renvoyée car l’expert n’avait pas déposé son rapport -, neuf furent reportées à la demande du requérant ou des parties, deux le furent à la demande de M. T. et une le fut d’office. Le 21 janvier 1985, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 30 avril 1985 ; toutefois, cette dernière fut reportée jusqu’au 20 mai 1986 à la demande des parties, afin d’essayer de parvenir à un règlement amiable du différend. Le jour venu, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 21 octobre 1986. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 16 mars 1988 ; toutefois, elle n’eut lieu que le 13 avril 1995, car elle fut reportée trois fois à la demande des parties, trois fois en raison de l’absence du requérant et une fois d’office. Par un jugement du 4 mai 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 14 mai 1996, le tribunal fit droit à la demande de M. T. Selon les informations fournies par le requérant, ce jugement ne fut pas notifié et devint définitif le 29 juin 1997.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 20 juillet 1979, les requérants assignèrent cinq personnes devant le tribunal de Cagliari afin d’obtenir le partage d’un héritage. La mise en état de l'affaire commença le 19 octobre 1979 avec la nomination d’un expert, qui prêta serment le 16 novembre 1979. Des six audiences fixées entre le 22 février 1980 et le 29 mai 1981, une fut reportée d’office et cinq le furent car l’expert n’avait pas déposé au greffe son rapport. Le 30 octobre 1981, le nouveau conseil de l’un des défendeurs se constitua devant le juge. Des quatre audiences fixées entre le 19 février 1982 et le 10 décembre 1982, trois concernèrent un complément d’expertise et une le projet de partage. Les quatre audiences fixées entre le 15 avril 1983 et le 10 octobre 1985 furent renvoyées d’office. Le 4 mars 1986, le nouveau conseil de l’un des défendeurs se constitua devant le juge. Le 3 juin 1986, les parties demandèrent l’adoption du projet de partage et le juge réserva sa décision ; par une ordonnance hors audience du 21 juillet 1986, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le juge reporta l’affaire au 16 septembre 1986 car les parties n’avait pas rendu au greffe le dossier. Le jour venu, le juge réserva sa décision quant à la demande de vente d’un immeuble détenu en copropriété par plusieurs parties et d’adoption du projet de partage ; par une ordonnance hors audience du 29 septembre 1986, dont le texte fut déposé au greffe le 4 octobre 1986, le juge fit droit à la première demande et fixa l’audience du 19 janvier 1987 pour l’adoption du projet de partage. A cette date, l’audience de présentation des conclusions fut fixée au 24 février 1987. Le jour venu, une autre personne intervint volontairement dans la procédure et l’affaire fut ajournée au 14 juillet 1987. Toutefois, à cette audience le juge nomma un nouvel expert, qui prêta serment le 29 janvier 1988. Après quatre audiences, qui furent renvoyées car l’expert n’avait pas déposé au greffe son rapport, le 27 novembre 1990 le juge révoqua son mandat et nomma un nouvel expert, qui prêta serment le jour même. Des quatorze audiences fixées entre le 26 mars 1991 et le 16 décembre 1996, douze concernèrent l’expertise et son complément, une concerna le dépôt de mémoires et une fut reportée à la demande de l’un des défendeurs sans opposition des requérants. Les audiences des 30 juin 1997 et 2 mars 1998 concernèrent respectivement le projet de partage et le dépôt de documents. L’audience fixée le 8 février 1999 fut renvoyée d’office, celle fixée le 14 mai 1999, eut trait au projet de partage. Les trois audiences fixées entre le 29 octobre 1999 et le 8 février 2000 concernèrent la demande d’un complément d’expertise. Les 27 juin 2000 et 26 mars 2001, les audiences furent renvoyées à la demande des parties. L’audience suivante fut fixée au 28 mai 2001.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 19 novembre 1988, les requérantes assignèrent MM. O. et F. devant le tribunal de Livourne afin d’obtenir réparation des dommages subis notamment en raison de l’achat d’un immeuble grevé d’une saisie immobilière que les défendeurs s’étaient engagé à supprimer. La première audience eut lieu le 26 janvier 1989. L’audience du 1er juin 1989 fut renvoyée d’office au 21 septembre 1989. Les sept audiences qui se tinrent entre cette date et le 3 décembre 1992 concernèrent l’admission de moyens de preuve dont l’audition d’un témoin et des défendeurs. La dernière audience fut remise au 17 juin 1993, afin de permettre l’examen du dernier témoignage. Le jour venu, à la demande des parties, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 7 avril 1994. Toutefois, cette audience fut remise, à la demande du conseil des requérantes, au 13 octobre 1994. A cette audience, les conseils présentèrent leurs conclusions et le juge fixa l’audience de plaidoiries au 11 mai 1999. Entre-temps, la loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Le 16 février 1999 eut lieu la tentative de règlement amiable puis les parties présentèrent leurs conclusions. Le 8 juin 1999, l’affaire fut mise en délibéré. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 3 novembre 1999, le tribunal condamna MM. O. et F. à verser aux requérants 15 000 000 lires italiennes plus les intérêts. Le 3 novembre 2000, M. F. interjeta appel devant la cour d'appel de Florence.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 15 octobre 1991, le requérant porta plainte pour escroquerie contre M. T. devant le procureur du tribunal de Bassano del Grappa. A l’audience du 22 mai 1992, le requérant se constitua partie civile dans la procédure pénale diligentée contre M. T. Cette audience fut ajournée à la demande des parties au 25 septembre 1992 pour permettre aux parties de tenter de parvenir à un accord et un témoin fut cité à comparaître pour cette date. Par un jugement du 16 octobre 1992, le tribunal condamna M. T. à dix-huit mois de prison, à verser une amende et à réparer les dommages subis par le requérant dont le montant devra être fixé par les juridictions civiles. Le 30 octobre 1992, le procureur de la cour d'appel de Venise interjeta appel. Les 24 octobre 1995, 19 juin 1996 et 30 janvier 1998, le requérant demanda des nouvelles quant à la fixation de la date de l’audience devant la cour d'appel. Le greffe de la cour d'appel lui répondit que la date de l’audience n’avait pas encore été fixée. Selon les observations fournies par le Gouvernement ce long intervalle est dû à la surcharge du rôle de la cour d’appel. Par un arrêt du 20 mars 1998, la cour d'appel constata qu’entre-temps il y avait eu prescription mais confirma le jugement quant aux demandes du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le requérant est un ressortissant espagnol, né en 1964 et résidant à Madrid. Il exerce la profession d’avocat auprès du barreau de Madrid. De 1990 à 1993, le requérant, en sa qualité d’avocat, prit en charge la défense juridique de M.M.K. et E.S., deux personnes accusées au pénal en compagnie d’autres coaccusés dans une procédure devant l’Audiencia Nacional. Par un arrêt du 16 novembre 1993, l’Audiencia Nacional condamna les deux accusés ainsi que d’autres coaccusés à des peines de prison et à des amendes pénales. Les clients du requérant n’ayant pas de moyens pour payer ses honoraires, celui-ci présenta le 17 janvier 1994 devant l’Audiencia Nacional un mémoire sollicitant la mise en œuvre de la procédure de vérification judiciaire de dépens et demandant que ses honoraires soient prélevés, conformément aux articles 111 § 4 du code pénal et 241 et 242 du code de procédure pénale, sur les fonds saisis dans le cadre de la procédure. Le 23 janvier 1995, le requérant adressa un mémoire à l’Audiencia Nacional en demandant que l’on procède au plus vite à la vérification judiciaire des dépens. Par deux décisions des 29 et 30 mai 1995, l’Audiencia Nacional fit droit à la demande du requérant et ordonna que ses honoraires lui soient payés au premier rang, moyennant prélèvement sur l’argent saisi à ses clients. Contre ces décisions, le ministère public présenta un recours, estimant que le recouvrement des amendes pénales avait préférence sur le paiement des honoraires d’avocat. Par une décision du 14 juillet 1995, l’Audiencia Nacional confirma ses premières décisions et rejeta le recours du ministère public. Par une lettre du 15 janvier 1996, le requérant se plaignit auprès de l’Audiencia Nacional du retard dans l’exécution de sa décision du 14 juillet 1995. Le 20 mars 1996, le requérant forma un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel en se plaignant de l’inexécution des jugements rendus et en alléguant la violation du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable garanti par l’article 24 de la Constitution. Par une décision du 7 novembre 1996, le Tribunal constitutionnel déclara recevable le recours d’amparo et demanda à l’Audiencia Nacional la remise des pièces du dossier. Il assigna également à la procédure les autres parties ayant participé au litige au fond devant l’Audiencia Nacional. Le 15 septembre 1997, le Tribunal constitutionnel invita le requérant ainsi que le ministère public à présenter leurs observations écrites. Le 3 octobre 1997, le requérant présenta ses observations. Le 15 octobre 1997, le ministère public présenta son avis dans lequel il concluait à la violation de l’article 24 de la Constitution. Le 12 décembre 1997, l’avoué S.G.B., assigné par le Tribunal, présenta ses observations concernant le paiement de ses honoraires. Par un arrêt du 22 mars 1999, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours d’amparo, notamment aux motifs suivants : « De l’examen de la procédure, il ressort que, premièrement, la durée alléguée porte concrètement sur le délai de six mois allant de la date de la dernière décision judiciaire confirmant l’accord de paiement des honoraires professionnels de l’avocat avec l’argent saisi aux accusés jusqu’à la plainte par le requérant devant l’organe judiciaire du retard. A cela, il convient d’ajouter un nouveau délai de deux mois depuis la plainte antérieure jusqu’à l’introduction du recours d’amparo. Ce faisant, la totalité du retard est de huit mois au moment où l’amparo nous est demandé. D’autre part, la complexité de la cause pénale ayant donné lieu aux décisions en question est manifeste. Cela est démontré par la remise des actes de la procédure par l’Audiencia Nacional, faisant référence concrète au volumineux dossier (20 volumes), à l’étendue de la chronologie des actes de procédure de chambre (composée de 9 dossiers) et même à l’étendue de la procédure d’exécution (4 dossiers). (...) l’application des critères de jurisprudence (...) nous amène à conclure que, au moment de l’introduction du recours d’amparo, aucune durée indue constitutionnellement significative ne s’était produite (...) » Après avoir reçu communication de la requête, le gouvernement défendeur a produit, en annexe à ses observations écrites, une décision de l’Audiencia Nacional du 31 mai 2000, rendue à la demande de l’agent du Gouvernement devant la Cour et relative au recours présenté par le requérant en exécution des décisions des 29 et 30 mai 1995. L’Audiencia Nacional y déclare : « Après réexamen des décisions auxquelles il est fait référence, il convient de souligner que dans ces décisions, il est convenu du paiement des honoraires présentés par l’avocat Francisco Javier Diaz Aparicio pour autant qu’il y ait de l’argent saisi à ses clients. Dans le cas présent, il était notoire qu’au moment de la détention des accusés M.M.K. et E.S., aucune somme d’argent ne fut saisie, comme il découle des alinéas L) et P) des faits prouvés du jugement, dûment notifié aux parties, de sorte qu’il n’a pas été possible d’exécuter les décisions auxquelles il est fait référence. Enfin, il convient de ne pas oublier que ce tribunal informa oralement l’avocat de l’impossibilité de régler les honoraires qu’il réclamait en l’absence d’argent saisi à ses clients. Pour ces motifs, les décisions étaient inexécutables (...) »
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Saraycık (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai et juin 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai et juin 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en décembre 1989 et septembre 1991. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire ; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En octobre 1990, janvier 1991 et janvier 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 2 775 LT, 3 041 LT et 8 814 LT respectivement. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois de mai-juin 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois d'octobre 1990 atteint le chiffre «523», au mois de janvier 1991 le chiffre «586» et celui du mois de janvier 1993 le chiffre «1672» (période prise en considération pour le versement de l'indemnité complémentaire – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant fut employé en qualité de cadre auprès de la société à responsabilité limitée F. du 8 mai 1989 au 6 juillet 1995, date à laquelle il démissionna car il n'avait plus obtenu sa rétribution depuis janvier 1995. Le 7 juin 1995, le tribunal de Bologne déclara que la société F. n’était pas en mesure de faire face à ses dettes. Par un décret du 23 juin 1995, le ministre de l’industrie plaça la société F. en « administration extraordinaire » (amministrazione straordinaria), l’autorisa à continuer son activité productive pour une durée de deux ans et nomma trois commissaires liquidateurs. Cette décision, publiée dans le Journal Officiel (Gazzetta Ufficiale) du 28 juin 1995, fut communiquée au requérant par courrier du 19 février 1996, qui précisait également qu’aucune action en exécution ne pouvait être entamée à l’encontre de la société F. et que tout paiement des crédits n’aurait pu avoir lieu que lors de la répartition de l’actif. Le requérant a indiqué que la valeur de sa créance s’élève à 209 255 134 lires (environ 720 000 FF), somme due à titre de salaires non payés, traitement de fin de rapport et congés dont il n’avait pas bénéficié. Par une lettre du 8 avril 1999, la société F. informa le requérant que, sous réserve de vérifications ultérieures, il ressortait du dossier que l’ensemble de ses créances s’élevait à 203 954 032 lires (environ 690 000 FF), dont 144 679 032 lires représentaient une créance privilégiée. A une date non précisée, le requérant reçut, de la part d’un fond de garantie (fondo di garanzia presso l’INPDAI), la somme de 76 589 900 lires (environ 260 000 FF), à laquelle il avait droit à titre de traitement de fin de rapport. Le requérant devrait donc encore recevoir 127 364 132 lires (environ 431 500 FF). Cependant, il ressort d’une note rédigée par les commissaires liquidateurs de la société F. que le montant global des dettes de celle-ci, qui a depuis longtemps cessé toute activité productive, s’élève à environ 1.104 milliards de lires (un milliard étant environ 3 387 000 FF). Pour faire face à ces dettes, la société en question dispose de la propriété de certains immeubles (qui sont cependant en partie hypothéqués et en partie font l’objet d’actions révocatoires). Les commissaires liquidateurs sont en train d’essayer de récupérer certaines créances non payées, dont la plus importante s’élève à 200 milliards de lires. Dans leur note, les commissaires liquidateurs déclarent ne pas être en mesure de prévoir s’il y aura des répartitions de l’actif en faveur du requérant, cette possibilité étant conditionnée par l’issue des procédures de récupération des créances et par les exigences du rétablissement d’une protection identique pour tous les créanciers (par condicio creditorum). Le requérant estime fort probable qu’aucun autre paiement ne sera fait en sa faveur. Selon les informations fournies par le Gouvernement le 26 février 2001, la procédure d’administration extraordinaire était, à cette date, encore pendante devant les commissaires liquidateurs. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT A l’époque des faits, la procédure d’administration extraordinaire était réglementée par la loi n° 95 du 3 avril 1979 (ci-après indiquée comme « loi Prodi ») ainsi que par les articles 195 et suivants du décret royal n° 267 du 16 mars 1942 (ci-après indiqué comme « loi de la faillite »). Elle s’appliquait principalement aux entreprises commerciales ayant un nombre d’employés non inférieur à trois cents et dont la masse des créances s’élevait à 35 000 000 000 lires (environ 120 690 000 FF) ou plus, dépassant cinq fois la valeur du capital social versé. L’application de l’administration extraordinaire excluait la possibilité de déclarer la faillite de l’entreprise, qui était autorisée à continuer son activité productive pour une durée déterminée, en tout cas non supérieure à cinq ans (article 2 §§ 1 et 2 de la loi Prodi). La procédure était précédée d’une phase préalable devant le tribunal civil, qui déclarait que l’entreprise n’était pas en mesure de faire face à ses dettes. L’administration extraordinaire proprement dite était ensuite prononcée par le ministre de l’industrie et dirigée par un ou trois commissaires liquidateurs (article 1 §§ 5 et 6 de la loi Prodi). Ces derniers étaient chargés de vérifier l’état des créances et d’arrêter un « programme de récupération » (piano di risanamento - article 2 §§ 4 et 5 de la loi Prodi) visant à sauvegarder la valeur technique, commerciale et productive de l’entreprise en difficulté ainsi que les postes de travail. Au cours de la procédure d’administration extraordinaire, aucun créancier ne pouvait introduire devant les juridictions judiciaires des demandes individuelles en exécution visant à attaquer directement le patrimoine de la société débitrice (articles 201 et 51 de la loi de la faillite). Toute créance, même privilégiée, devait être d’abord vérifiée selon la procédure arrêtée aux articles 207 et 209 de la loi de la faillite, qui, en leurs parties pertinentes, se lisent ainsi : « Dans un délai d’un mois à partir de sa nomination, le commissaire liquidateur communique à chaque créancier (...) le montant de la valeur de sa créance résultant des documents comptables de l’entreprise (...). Dans un délai de quinze jours à partir de la réception de la communication susmentionnée, les créanciers (...) peuvent adresser au commissaire d’observations ou de demandes. » « (...) Dans un délai de quatre-vingt-dix jours à partir du décret ordonnant l’administration extraordinaire, le commissaire rédige un état des créances acceptées et rejetées (...) et le dépose au greffe du tribunal (...). Suite au dépôt au greffe, l’état des créances dévient exécutoire. » Le(s) commissaire(s) se chargeai(en)t ensuite de la liquidation de l’actif (articles 210 et 211 de la loi de la faillite) et de la répartition aux créanciers des sommes obtenues (article 212 de la loi de la faillite). Aux termes de l’article 213 de la loi de la faillite, le bilan final de la liquidation et le plan de répartition aux créanciers étaient déposés au greffe du tribunal. Dans un délai de vingt jours à partir de la communication de ce dépôt, les créanciers avaient la faculté de contester le bilan et le plan de répartition devant le tribunal civil (paragraphe 2 de l’article 213 précité). La clôture de la procédure d’administration extraordinaire était prononcée, à la demande des commissaires ou d’office, par une autorité de contrôle (autorità di vigilanza - article 6 § 6 de la loi Prodi). La loi Prodi a été ensuite abrogée par un décret législatif n° 270 du 8 juillet 1999, entré en vigueur fin août 1999. Ce dernier a également introduit une nouvelle réglementation de la procédure d’administration extraordinaire, prévoyant notamment la possibilité pour tout créancier de contester devant les juridictions judiciaires les actes du commissaire liquidateur (article 17 du décret-loi n° 270 du 8 juillet 1999).
0
0
1
0
0
0
0
0
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Gökdogan (à Durağan, Sinop). Il était agriculteur. En octobre 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en octobre 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en octobre 1991. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En janvier 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 8 814 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indices de base pour le mois d'octobre 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de janvier 1993 atteint le chiffre «1672» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
Le 17 février 1989, la requérante assigna les sociétés à responsabilité limitée V. et S. devant le tribunal de Bergame afin d’obtenir la résolution d’un contrat d’entreprise et la réparation des dommages subis. La mise en état de l’affaire commença le 6 avril 1989. Le 19 octobre 1989, les défenderesses demandèrent une expertise. Le 18 janvier 1990, le juge ajourna l’affaire au 10 mai 1990. Cette audience fut reportée d’office au 4 avril 1991. Par une ordonnance du 7 juin 1991, le juge de la mise en état admit l’audition de témoins et nomma un expert, qui prêta serment le 18 juillet 1991. Le 23 janvier 1992, les parties demandèrent un renvoi afin d’examiner le rapport d’expertise entre-temps déposé au greffe. Des cinq audiences qui eurent lieu entre le 10 décembre 1992 et le 8 février 1996, trois concernèrent la fixation de la date de l’audition des témoins, une audience fut renvoyée en vue d’un éventuel règlement amiable et une fut ajournée en raison d’une grève des avocats. L’audition des témoins eut lieu le 12 novembre 1996 et le juge ajourna l’affaire au 11 mars 1998. Cette audience n’eut pas lieu. Le 15 avril 1999, suite à l’attribution de l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio), le président avait nommé un nouveau juge de la mise en état. Les sezioni stralcio, composées d’un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été crées en vertu de l’article 90 de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d’absorber l’arriéré d’affaires pendantes devant les juridictions civiles. A l’audience du 6 avril 2000, le juge reporta l’affaire au 15 mars 2001 pour l’audition de témoins.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante, ressortissante turque, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Karanar (à Vezirköprü, Samsun). Elle était agricultrice. En avril 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains de la requérante pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Une indemnité d'expropriation fixée par une commission d'experts de la DSİ fut versée à la requérante à la date d'expropriation. La requérante, en désaccord avec le montant payé par la DSİ, introduisit, toujours en avril 1987, une action en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude du montant fixé par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda à la requérante une indemnité complémentaire d'expropriation qui était assortie d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre le jugement du tribunal de grande instance ayant fixé le complément d'indemnité. La requérante demanda à la Cour de cassation d'approuver ce jugement et d'entériner le montant fixé par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma ledit jugement en décembre 1991. La DSİ versa à la requérante l'indemnité complémentaire majorée de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement dudit montant, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. L'indemnité d'expropriation payée à la requérante, la date de la saisine des juridictions internes, le montant de l'indemnité complémentaire accordé par la juridiction interne, la date de paiement, le montant de l'indemnité complémentaire versé à la requérante par l'Administration majoré de 30 % d'intérêts moratoires, la valeur réelle de l'indemnité complémentaire ainsi que le niveau d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le Code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En juin 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 10 860 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois d'avril 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de juin 1993 atteint le chiffre «2027» (période prise en considération pour le versement de l'indemnité complémentaire - paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Düzce (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en mai 1989, juin 1990, septembre et décembre1991 respectivement. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En avril 1990, janvier et novembre 1992, juin 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 2 521 LT, 5 486 LT, 8 241 LT et 10 860 LT respectivement. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois de mai 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois d'avril 1990 atteint le chiffre «424», au mois de janvier 1992 le chiffre «1046», au mois de novembre 1992 le chiffre «1546» et celui du mois de juin 1993 le chiffe «2027» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Citoyen néerlandais né en 1942, le requérant réside à Hilversum (Pays-Bas). Le requérant ainsi que vingt-cinq autres personnes furent poursuivis pour divers faits d’importation de stupéfiants, portant au total sur des quantités supérieures à quarante tonnes de cannabis. Le 6 février 1995, le tribunal correctionnel de Bruges, statuant par défaut à l’égard du requérant qui n’avait pas comparu malgré la citation qui lui avait été régulièrement signifiée, le condamna à une peine d’emprisonnement de sept ans et à une amende de 1 500 000 francs belges (BEF). Le tribunal ordonna en outre son arrestation immédiate, estimant qu’il était justifié de croire qu’il tente de se soustraire à l’exécution de sa peine. Le requérant fit opposition le 11 juillet 1995. Le 2 août 1995, le tribunal correctionnel de Bruges déclara l’opposition nulle et non avenue, conformément à l’article 188 du code d’instruction criminelle, au motif que l’opposant n’avait pas comparu à l’audience et n’était pas régulièrement représenté. A cette audience, le conseil du requérant, Me Cant, se présenta mais, en vertu de l’article 185 du code d’instruction criminelle, il ne fut pas admis à assurer la défense de son client. Le requérant fit appel le même jour. Bien que la citation à comparaître lui ait été régulièrement signifiée, le requérant ne comparut pas à l’audience d’appel du 19 mars 1996. Deux avocats, Mes Cant et Van Aerde, se présentèrent toutefois afin d’assurer sa défense et de le représenter. Ils furent entendus et déposèrent leurs conclusions ainsi que des conclusions additionnelles concernant leur demande de représentation. Le 19 mars 1996, la cour d’appel de Gand, statuant par un arrêt interlocutoire, estima que des personnes qui, comme le requérant, refusent délibérément de comparaître, sans en être empêchées par la maladie ou une détention à l’étranger, ne sont pas fondées à demander l’autorisation de se faire représenter par un avocat. Elle refusa donc la représentation du requérant. Le requérant fit opposition à l’arrêt interlocutoire. Par un arrêt du 30 avril 1996, la cour d’appel de Gand déclara l’opposition non recevable. Rappelant qu’il n’existait aucune possibilité de faire opposition contre une décision rendue contradictoirement, la cour releva que l’arrêt du 19 mars 1996 avait été rendu contradictoirement en présence des avocats du requérant, qui avaient été entendus sur la question de la représentation et en tenant compte des conclusions déposées par les avocats quant à cette question. La cour ajouta que cette décision avait été prise abstraction faite du fond de l’affaire. Par un arrêt du 11 juin 1996, la cour d’appel de Gand, statuant par défaut à l’égard du requérant, le déclara coupable des faits reprochés. Après avoir relevé qu’il faisait partie du groupe de personnes qui dirigeait et/ou finançait l’organisation criminelle, elle confirma la peine prononcée en première instance. La cour d’appel ordonna en outre l’arrestation immédiate du requérant. Ce dernier fit opposition à cet arrêt le 16 juillet 1996, par exploit d’huissier avec audience introductive fixée au 6 août 1996. Le requérant ne comparut pas à l’audience du 6 août 1996. Par un arrêt du même jour, la cour d’appel de Gand s’opposa à ce que son avocat assure sa défense en l’absence d’un document établissant que le requérant se trouvait dans l’impossibilité de comparaître. Par un arrêt du 4 octobre 1996, la cour d’appel déclara l’opposition nulle et non avenue du fait du non respect de l’article 188 § 2 du code d’instruction criminelle, qui pose le principe de la comparution en personne. Elle confirma son refus d’autoriser la représentation et décida, en conséquence, que les conclusions déposées par l’avocat quant au fond de l’affaire devaient être écartées des débats. La cour d’appel expliqua que cela ne portait aucunement atteinte à l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, dans la mesure où l’opposition avait précisément offert au requérant une seconde possibilité de présenter sa défense. Le requérant se pourvut en cassation contre les arrêts des 19 mars, 30 avril, 11 juin et 6 août 1996. Il fit valoir que le refus de la cour d’appel d’autoriser sa représentation violait l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention en l’empêchant de présenter sa défense. Il se référa en particulier aux arrêts Lala et Pelladoah c. Pays-Bas (arrêts du 22 septembre 1994, série A n° 297A et n° 297-B). Par un arrêt du 10 décembre 1996, la Cour de cassation déclara le pourvoi irrecevable, sans avoir pris en compte les mémoires déposés au nom du requérant mais après avoir constaté que ceux-ci ne portaient pas sur la question de la recevabilité du pourvoi. Elle se prononça en ces termes : « Attendu qu’en vertu des articles 421 du code d’instruction criminelle et 2 de la loi du 10 février 1866, le pourvoi en cassation formé par un prévenu contre l’arrêt le condamnant à une peine privative de liberté et ordonnant son arrestation immédiate n’est recevable que si celui qui se pourvoit se trouve effectivement détenu ; Qu’il n’apparaît pas que [le demandeur], dont l’arrestation immédiate a été ordonnée, [ait] satisfait à cette exigence et que [son] pourvoi [est] de ce fait irrecevable. » II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La législation Le code d’instruction criminelle Les dispositions pertinentes suivantes. Article 185 « 1. La partie civile et la partie civilement responsable comparaîtront en personne ou par un avocat. Le prévenu comparaîtra en personne. Il pourra cependant se faire représenter par un avocat dans les affaires relatives à des délits qui n’entraînent pas la peine d’emprisonnement à titre principal ou dans les débats qui ne portent que sur une exception, sur un incident étranger au fond ou sur les intérêts civils. Le tribunal pourra toujours autoriser la représentation du prévenu qui justifie de l’impossibilité de comparaître en personne. En tout état de cause, le tribunal pourra, sans que sa décision puisse être l’objet d’aucun recours, ordonner la comparution en personne. Le jugement ordonnant cette comparution sera signifié à la partie qu’il concerne à la requête du ministère public, avec citation à comparaître à la date fixée par le tribunal. Si elle ne comparaît pas, il sera statué par défaut. » Article 186 « Si le prévenu ne comparaît pas, il sera jugé par défaut. » Article 187 « Le condamné par défaut pourra faire opposition au jugement dans les quinze jours qui suivent celui de la signification. » Article 188 « L’opposition emportera de droit citation à la première audience après l’expiration d’un délai de quinze jours ou de trois jours si l’opposant est détenu. Elle sera non avenue si l’opposant n’y comparaît pas et le jugement qui interviendra ne pourra être attaqué par la partie qui l’aura formée, si ce n’est par appel ainsi qu’il sera dit ci-après. Le tribunal pourra, s’il y échet, accorder une provision, et cette disposition sera exécutoire nonobstant l’appel. » Article 208 « Les arrêts rendus par défaut sur l’appel pourront être attaqués par la voie de l’opposition dans la même forme et dans les mêmes délais que les jugements par défaut rendus par les tribunaux correctionnels. L’opposition emportera de droit citation à la première audience après l’expiration d’un délai de quinze jours ou de trois jours si l’opposant est détenu. Elle sera non avenue si l’opposant n’y comparaît pas et l’arrêt qui interviendra sur l’opposition ne pourra être attaqué par la partie qui l’aura formée si ce n’est devant la Cour de cassation. » Article 421 « Les condamnés, même en matière correctionnelle ou de police, à une peine emportant privation de la liberté, ne seront pas admis à se pourvoir en cassation, lorsqu’ils ne seront pas actuellement en état, ou lorsqu’ils n’auront pas été mis en liberté sous caution ». Article 2 de la loi du 10 février 1866 « L’article 421 du code d’instruction criminelle est abrogé, sauf pour les condamnés qui, lors du jugement ou de l’arrêt contre lequel le pourvoi est dirigé, sont en état de détention préventive ». La loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive Les dispositions pertinentes se lisent ainsi. Article 27 § 2 « La mise en liberté provisoire peut aussi être demandée par celui qui est privé de sa liberté en vertu d’un ordre d’arrestation immédiate décerné après condamnation, à la condition que l’appel, l’opposition ou le pourvoi en cassation ait été formé contre la décision de condamnation elle-même. Elle peut dans les mêmes conditions être demandée par celui qui est privé de sa liberté sur le fondement de la condamnation par défaut, contre laquelle opposition est formée dans le délai extraordinaire ». Article 33 § 2 « Lorsqu’ils condamnent le prévenu ou l’accusé à un emprisonnement principal d’un an ou à une peine plus grave, sans sursis, les cours et tribunaux peuvent ordonner son arrestation immédiate, sur réquisition du ministère public, s’il y a lieu de craindre que le prévenu ou l’accusé ne tente de se soustraire à l’exécution de la peine. Cette décision doit préciser les circonstances de la cause motivant séparément cette crainte ». B. L’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation Sur la représentation de l’inculpé Par un arrêt du 16 mars 1999 (arrêt Waanders, n° 98.0861.N), la Cour de cassation belge a opéré un revirement de jurisprudence en ce qui concerne le régime de la représentation contenu à l’article 185 § 2 du code d’instruction criminelle. Cette nouvelle jurisprudence s’inscrit dans le fil de l’arrêt de la Cour du 21 janvier 1999 (Van Geyseghem c. Belgique [GC], N° 26103/95, CEDH 1999-I). La Cour de cassation s’est prononcée dans les termes suivants : « Attendu qu’il ressort de la décision attaquée que le demandeur "fait savoir par l’intermédiaire de son conseil qu’il souhaite ou choisit de ne pas comparaître personnellement de crainte d’être arrêté" et que dès lors, le conseil du demandeur a demandé de pouvoir représenter son client. Attendu qu’après avoir constaté "que la crainte d’être arrêté invoquée par le demandeur n’entraîne pas l’impossibilité de comparaître personnellement", les juges d’appel disent pour droit "que (le demandeur) ne peut être représenté par son conseil lors de l’instruction ultérieure de la cause s’il n’est pas établi qu’il se trouve dans l’impossibilité de comparaître", et ensuite remet l’instruction de la cause au 18 mars 1998 ; qu’à cette dernière date, le demandeur n’a pas comparu et que la cause a été instruite en son absence et en l’absence de son conseil ; que l’arrêt rendu par défaut le 9 avril 1998, a déclaré l’opposition du demandeur non avenue ; Attendu que les juges d’appel ont été saisis suite à l’opposition formée par le demandeur; qu’en l’espèce, ils statuent sur l’action publique exercée à charge du demandeur, mais qu’en l’absence de ce dernier, ils n’examineront par le fond de la cause, conformément à l’article 188, alinéa 2, du code d’instruction criminelle ; Attendu qu’en refusant au demandeur, dans ces circonstances, le droit de se faire représenter par son conseil, les juges d’appel le privent de la possibilité de présenter sa défense par l’intermédiaire du conseil de son choix et dès lors, violent l’article 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Attendu que lesdites dispositions de la Convention ont un effet direct dans l’ordre juridique interne et priment la règle de droit interne moins favorable prévue par l’article 185 du code d’instruction criminelle ; Que le moyen est fondé ». Sur la recevabilité d’un pourvoi Suivant une jurisprudence jusqu’alors constante, la Cour de cassation, en vertu de l’article 421 du code d’instruction criminelle, lu conjointement avec l’article 2 de la loi du 10 février 1866, estimait que le pourvoi en cassation d’un prévenu contre l’arrêt le condamnant à une peine privative de liberté et ordonnant son arrestation immédiate, était irrecevable s’il n’apparaissait pas que le prévenu se trouvait réellement en détention au moment où il avait formé son pourvoi. Dans un arrêt du 9 mars 1999 (arrêt Hutton, n° 98.1018.N), prononcé en audience plénière, la Cour de cassation a réformé sa jurisprudence sur la base de deux arrêts rendus par la Cour le 29 juillet 1998 (arrêts Omar et Guérin c France, Recueil des arrêts et décisions, 1998-V). Elle s’est prononcée dans les termes suivants : « Attendu que l’arrêt attaqué condamne notamment le demandeur à une peine d’emprisonnement de quarante-quatre mois, et ordonne son arrestation immédiate ; qu’il n’apparaît pas que le demandeur se trouvait en détention au moment de former son pourvoi ; Attendu qu’en vertu des articles 421 du code d’instruction criminelle et 2 de la loi du 10 février 1866, le pourvoi en cassation formé par un prévenu contre la décision le condamnant à une peine privative de liberté et ordonnant son arrestation immédiate n’est recevable que si la personne qui se pourvoit se trouve effectivement en détention au moment de former ledit pourvoi ; Attendu que, toutefois, l’irrecevabilité du pourvoi fondée uniquement sur la circonstance que le demandeur ne s’est pas constitué prisonnier en exécution de la décision judiciaire faisant l’objet de ce pourvoi, contraint l’intéressé à s’infliger d’ores et déjà à lui-même la privation de liberté résultant de la décision attaquée, alors que cette décision ne peut être considérée comme définitive aussi longtemps qu’il n’a pas été statué sur le pourvoi et que le délai de recours ne s’est pas écoulé ; Qu’ainsi, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le demandeur se voit imposer une charge qui porte atteinte de façon disproportionnée à son droit d’accès au juge compétent ; Attendu que cette disposition conventionnelle a des effets directs dans l’ordre juridique interne et prime la norme de droit interne moins favorable établie par les dispositions légales susmentionnées ; Que le pourvoi est dès lors recevable ».
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 10 novembre 1993, le requérant assigna M. S. devant le juge d'instance de Sant’Elpidio a Mare afin d’obtenir réparation des dommages matériels subis lors d’un accident de la route. Lors de la première audience, le 18 novembre 1993, M. S. demandant pour sa part le versement de 30 millions de lires, le juge d'instance réserva sa décision. Par une ordonnance du 4 décembre 1993, le juge d'instance se déclara incompétent ratione valoris et invita les parties à reprendre la procédure dans les six mois devant le tribunal de Fermo. Le 3 juin 1994, le requérant reprit la procédure devant cette juridiction. Le 30 mai 1995, le président chargea un juge du dossier et fixa la date de la première audience 26 juillet 1995. Le jour venu, M. S. fut déclaré défaillant et l’affaire fut reportée au 3 avril 1996. Cette audience fut renvoyée d’office au 13 novembre 1996. En juillet 1999, faute de magistrat, aucune autre audience n’avait eu lieu. La loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Les sezioni stralcio, composées d'un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été créés en vertu de l'article 90, alinéa 5, de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d'absorber l'arriéré d'affaires pendantes devant les juridictions civiles. Le 18 novembre 1999, le juge ajourna l’affaire au 3 février 2000 pour l’admission de moyens de preuve. Cette audience n’eut pas lieu et une autre audience fut fixée au 24 février 2000. A cette date, le juge reporta l’audience au 25 mai 2000 en raison de l’absence des parties. Ce jour-là, le juge fixa l’audition de M. S. au 27 juillet 2000. A cette date, M. S. se constitua dans la procédure et son audition fut reportée au 21 décembre 2000.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 23 avril 1994, le requérant assigna M. A. devant le tribunal de L'Aquila afin d'obtenir le paiement de 9 470 220 lires italiennes, relatif à une livraison de fruits et légumes. La mise en état de l’affaire commença le 30 juin 1994. Le 29 décembre 1994, les parties présentèrent leurs conclusions. A cette date, le juge de la mise en état fixa l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente au 19 novembre 1997. Par un jugement du 26 novembre 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 6 décembre 1997, le tribunal fit en partie droit à la demande du requérant.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Gökdoğan (à Durağan, Sinop). Il était agriculteur. En octobre 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Une indemnité d'expropriation fixée par une commission d'experts de la DSİ fut versée au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec le montant payé par la DSİ, introduisit, toujours en octobre 1987, une action en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude du montant fixé par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant une indemnité complémentaire d'expropriation qui était assortie d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ Ladite Administration se pourvut en cassation contre le jugement du tribunal de grande instance ayant fixé le complément d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ce jugement et d'entériner le montant fixé par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma ledit jugement en octobre 1991. La DSİ versa au requérant l'indemnité complémentaire majorée de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement dudit montant, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. L'indemnité d'expropriation payée au requérant, la date de la saisine des juridictions internes, le montant de l'indemnité complémentaire accordé par la juridiction interne, la date de paiement, le montant de l'indemnité complémentaire versé au requérant par l'Administration majoré de 30 % d'intérêts moratoires, la valeur réelle de l'indemnité complémentaire ainsi que le niveau d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire ; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En janvier 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 8 814 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois d'octobre 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de janvier 1993 atteint le chiffre «1672» (période prise en considération pour le versement de l'indemnité complémentaire – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Karanar (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En avril 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en avril 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en octobre 1990, février et septembre 1991 respectivement. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En novembre 1992, décembre 1995 et avril 1996, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 8 241 LT, 59 501 LT et 74 235 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indices de base pour le mois d'avril 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de novembre 1992 atteint le chiffre «1546», au mois de décembre 1995 le chiffre «10962» et celui du mois d'avril 1996 le chiffre «13770» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
Le 26 novembre 1992, le requérant assigna la Croix Rouge italienne ainsi que sa compagnie d’assurances devant le tribunal de Bergame afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d'un accident de la circulation, qu’il évaluait à 13 999 244 lires italiennes. La mise en état de l’affaire commença le 4 février 1993. Des quatre audiences qui se tinrent entre le 2 décembre 1993 et le 20 juin 1996, une concerna le dépôt de documents et trois concernèrent une expertise. Le 12 mars 1998, le juge fixa l’audition de témoins à l’audience du 19 octobre 1999. Cependant, à une date non précisée, le président du tribunal attribua l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Le 19 octobre 1999, des témoins furent entendus et le juge fixa l’audience du 14 janvier 2000 pour l’audition du requérant. L’audience suivante fut fixée au 26 mai 2000. Toutefois, le 2 mai 2000, les parties parvinrent à un règlement à l’amiable du différend.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 3 mai 1988, le requérant assigna Mme M. devant le juge d'instance de Montesarchio (Bénévent) afin d’obtenir le paiement d’une somme, à savoir 1 648 000 lires italiennes, en exécution d’un contrat de fourniture de matériaux. La mise en état de l’affaire commença le 31 mai 1988. Des seize audiences prévues entre cette date et le 18 janvier 1994, quatre concernèrent l’audition du requérant ou de témoins, trois une expertise, quatre furent renvoyées d’office, deux pour permettre aux parties d’examiner des documents, une à la demande des parties, une le fut car l’avocat du requérant était absent et la dernière pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions, ce qu’elles firent le 7 mars 1995. Par un jugement du 16 mai 1996, dont le texte fut déposé au greffe le jour même, le juge d'instance fit droit aux prétentions du requérant. Selon les informations fournies par le requérant, ce jugement devint définitif le 30 juin 1997.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
Le 14 juin 1991, la requérante assigna le centre équestre C., le Comité olympique national italien et la Fédération italienne des sports équestres devant le tribunal de Rome afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d’un accident survenu pendant un cours d’équitation. La mise en état de l’affaire commença le 1er octobre 1991 avec la constitution dans la procédure du comité et de la fédération. Les cinq audiences qui eurent lieu entre le 11 mai 1992 et le 30 mai 1994 concernèrent des moyens de preuve tels que l’audition de témoins et du représentant du centre équestre et une expertise. Les parties présentèrent leurs conclusions le 18 octobre 1994, et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 2 octobre 1996. Par un jugement du 26 novembre 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 20 janvier 1997, le tribunal rejeta la demande de la requérante visant le Comité et la Fédération mais condamna le centre équestre à verser une certaine somme à la requérante. D’après les informations fournies par cette dernière, ce jugement devint définitif le 6 mars 1998.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante, ressortissante turque, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Saraycık (à Vezirköprü, Samsun). Elle était agricultrice. En mai et juin 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains de la requérante pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées à la requérante à la date d'expropriation. La requérante, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai et juin 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda à la requérante des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. La requérante demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en décembre 1989, septembre 1991 respectivement. La DSİ versa à la requérante ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées à la requérante, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés à la requérante par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En octobre et décembre 1990, janvier 1991, décembre 1992 et janvier 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 2 775 LT, 2 927 LT, 3 041 LT, 8 555 LT et 8 814 LT respectivement. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois de mai-juin 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois d'octobre 1990 atteint le chiffre «523», au mois de décembre 1990 le chiffre «559», au mois de janvier 1991 le chiffre «586», au mois de décembre 1992 le chiffre «1588» et celui du mois de janvier 1993 le chiffre «1672» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
Le 21 novembre 1993, le requérant, journaliste de profession, publia dans le quotidien italien Il Giornale, sous la rubrique « La gueule du lion », un article sur un magistrat, M. G. Caselli, à cette époque chef du parquet de Palerme. L'article se voulait un « portrait » de ce magistrat. Il était intitulé « Caselli, la houppe blanche de la justice » et sous-titré « Ecole religieuse, militantisme communiste comme l'ami Violante ... ». Dans l'article, le requérant, après avoir fait référence à la procédure ouverte par M. Caselli contre M. G. Andreotti, homme d'État italien très connu accusé du crime de complicité extérieure d'association mafieuse (appoggio esterno alla mafia) et entre-temps acquitté en première instance, s'exprimait de la manière suivante : « (...) A l'université, [Caselli] se rapprocha du PCI [Parti communiste italien], le parti qui exalte les frustrés. Quand il entra dans la magistrature, il prêta un triple serment d'obédience : à Dieu, à la loi et à la rue Botteghe Oscure [siège de l'ancien Parti communiste italien, puis du PDS, Parti démocratique de la gauche]. Et [Caselli] devint le juge qu'il est depuis trente ans : pieux, sévère et partisan. Mais on ne le comprendrait pas vraiment si l'on n'évoquait pas ici son alter ego, en la personne de Violante, son frère jumeau : turinois tous les deux ; même âge, cinquante-deux ans ; élevés l'un comme l'autre chez les frères ; même militantisme communiste ; tous deux magistrats ; un accord profond ; quand Violante, la tête, appelle, Caselli, le bras, répond. Luciano [Violante] a toujours eu une longueur d'avance sur Giancarlo [Caselli]. Au milieu des années 70, il inculpa pour tentative de coup d'État Edgardo Sogno, ancien résistant mais aussi anticommuniste. Ce fut un procès politique typique qui n'aboutit nulle part. Violante, au lieu de faire l'objet d'une enquête judiciaire, entama une véritable carrière. En 1979, il fut élu député dans les rangs du PCI. Et depuis lors, il est toujours le ministre fantôme de la justice de la rue Botteghe Oscure. (...) (...) [Caselli] est un juge en vue. Il est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. C'est lui qui obtint les aveux de Patrizio Peci, dont le repentir aura été un désastre pour les BR [Brigades rouges]. Pendant ce temps, le PCI a mis en branle sa stratégie de conquête des parquets de différentes villes. Cette lutte, dont le PDS a repris le flambeau, est toujours d'actualité. (...) La première idée, c'est que si les communistes ne parviennent pas à conquérir le pouvoir par les élections, ils peuvent le faire en forçant la serrure judiciaire. Le matériel ne manque pas. Les démocrates chrétiens et les socialistes sont de véritables voleurs et il sera aisé de les coincer. La seconde idée est plus géniale que la première : l'ouverture d'une information judiciaire suffit pour briser les carrières ; il n'est pas utile d'aller jusqu'au procès, il suffit de clouer quelqu'un au pilori. Et pour ce faire, il faut contrôler l'ensemble des parquets. Ainsi naît Tangentopoli. Les Craxi, les De Lorenzo et les autres sont immédiatement pris la main dans le sac et anéantis. Mais pour que le tableau soit complet, il manque Andreotti (...) C'est justement à ce moment-là que Giancarlo [Caselli] se prépare à quitter la pluie de Turin pour le soleil de Palerme. (...) Une fois à Palerme, son destin et celui d'Andreotti se croisent, alors que les deux hommes étaient restés éloignés pendant des années. Moins de deux mois plus tard, le sénateur à vie est subitement accusé d'appartenir à la mafia. Le dossier est un invraisemblable fourre-tout. (...) En avril, Caselli s'envole pour les États-Unis et y rencontre Buscetta. Il offre à ce repenti onze millions de lires par mois pour continuer à collaborer. [Buscetta] pourra encore lui servir au cours de l'instruction, même si l'issue n'a plus beaucoup d'importance. Le résultat visé est atteint. On peut déjà prédire la suite. D'ici six à huit mois, l'enquête sera classée. Mais Andreotti ne pourra pas refaire surface. C'est une chance. De Caselli, on dira en revanche que c'est un juge objectif. (...) » Le 10 mars 1994, sur une plainte de M. Caselli, le juge des investigations préliminaires renvoyait en jugement le requérant, ainsi que le directeur de Il Giornale, devant le tribunal de Monza. Le requérant était accusé de diffamation par voie de presse (diffamazione a mezzo stampa), aggravée par le fait qu'elle avait été commise à l'égard d'un fonctionnaire et à cause de ses fonctions. Au cours de la procédure de première instance, la défense demanda à interroger M. Caselli comme plaignant et partie civile. Elle demanda aussi que deux articles parus dans la presse et ayant pour objet les relations professionnelles entre Caselli et le « repenti » Buscetta soient versés au dossier. Le tribunal rejeta les deux demandes car, à son avis, l'interrogatoire de Caselli était superflu compte tenu de la teneur de l'article écrit par le requérant, et les documents en question n'auraient eu aucune influence sur la décision. Le 10 janvier 1996, le tribunal déclara les accusés coupables du délit de diffamation, aux termes des articles 595 par. 1 et 2, et 61 n° 10, du code pénal, ainsi que de l'article 13 de la loi n° 47 du 8 février 1948 sur la presse. Il condamna le requérant à une peine de 1 500 000 lires italiennes (ITL), au paiement de dommages-intérêts et des frais de procédure à hauteur de 60 000 000 ITL, ainsi qu'à la publication de l'arrêt dans le quotidien Il Giornale. Selon le tribunal, le caractère diffamatoire de l'article était évident dans la mesure où ce dernier niait que Caselli était fidèle aux devoirs de sa charge, en lui attribuant un manque d'impartialité, d'indépendance et d'objectivité qui l'aurait conduit à utiliser son activité judiciaire à des fins politiques. Le requérant n'aurait pu invoquer le « droit de chronique » (diritto di cronaca) et le « droit de critique » (diritto di critica) du moment qu'il n'avait pas présenté d'éléments pour corroborer des accusations aussi graves. Le requérant interjeta appel. En invoquant la liberté de la presse et en particulier le « droit de chronique » et de critique, il faisait valoir, entre autres, que la référence aux tendances politiques de Caselli correspondait à la réalité et que le tribunal aurait pu la vérifier en acceptant d'interroger le plaignant lui-même, que l'amitié entre Caselli et Violante était réelle, qu'il était en outre vrai que Caselli avait utilisé dans la procédure contre Andreotti l'aide du « repenti » Buscetta et qu'il lui avait versé des sommes d'argent en tant que représentant de l'État, tous les « repentis » étant payés par l'État italien. Le requérant se qualifiait en outre de journaliste d'opinion (opinionista) : il n'avait pas voulu présenter une biographie de Caselli mais exprimer ses opinions critiques, d'une manière figurée et efficace, sur la base de faits vrais et non contestés. Il insistait enfin pour que le plaignant, en même temps que des journalistes et des personnages du monde politique italien qui avaient, comme Caselli, milité dans les rangs du parti communiste, fussent interrogés. Le requérant demanda en particulier l'audition de MM. S. Vertone et G. Ferrara, tous deux camarades politiques du plaignant pendant les années soixante-dix à Turin, et le versement au dossier des articles de presse relatant des entretiens dans lesquels ceux-ci avaient confirmé le militantisme politique actif du plaignant. En particulier, dans un entretien paru dans le quotidien « Corriere della Sera » le 11 décembre 1994, dont des extraits étaient cités dans l'acte d'appel du requérant, M. Vertone avait déclaré, entre autres, que le plaignant était un homme courageux et d'une grande intégrité mais qu'il était toutefois influencé par ce modèle culturel et politique, que ses rapports avec l'ancien parti communiste étaient très étroits et que par la suite Caselli avait quasiment intégré la structure du parti. Pour sa part, dans un entretien publié par un autre quotidien, « La Stampa », le 9 décembre 1994, dont des extraits étaient également cités dans l'acte d'appel du requérant, M. Ferrara avait affirmé avoir participé à des dizaines de réunions politiques avec notamment Caselli et Violante pendant les années soixante-dix, auprès de la fédération de Turin de l'ancien parti communiste. Il avait ajouté qu'il estimait que si Caselli, personne intègre, avait fait un bon travail contre le terrorisme en tant que magistrat, il était cependant fortement politisé et devait donc éviter de parler comme un tribun. Par un arrêt du 28 octobre 1997, la cour d'appel de Milan débouta le requérant. Elle considéra que celui-ci avait attribué à Caselli des faits et des comportements d'une manière clairement diffamatoire. La cour d'appel se prononça séparément sur les différentes parties cruciales dont se composait l'article controversé. Elle examina en premier lieu la phrase relative au « serment d'obédience » (giuramento di obbedienza) : « Quand il entra dans la magistrature, il prêta un triple serment d'obédience : à Dieu, à la loi et à la rue Botteghe Oscure [siège de l'ancien Parti communiste italien, puis du PDS, Parti démocratique de la gauche]. Et [Caselli] devint le juge qu'il est depuis trente ans : pieux, sévère et partisan. » Selon la cour d'appel, cette phrase était diffamatoire car, tout en ayant une valeur symbolique, elle indiquait une dépendance à l'égard des directives d'un parti politique, ce qui est inconcevable pour ceux qui, au moment où ils sont admis à des fonctions judiciaires, doivent prêter serment d'obédience (non symbolique mais réel) à la loi et rien qu'à la loi. La cour d'appel examina en deuxième lieu la suite de l'article et notamment les allégations suivantes, selon lesquelles : Caselli, avec l'appui de Violante, lui aussi magistrat (les relations entre les deux étant décrites comme des relations entre “le bras et la tête”), aurait contribué au dessein de l'ancien parti communiste italien de conquérir les parquets de différentes villes italiennes afin d'anéantir les adversaires politiques ; Caselli aurait accusé Andreotti et utilisé le « repenti » Buscetta, tout en sachant qu'au bout d'un certain temps il allait devoir se désister pour manque de preuves, ce qui confirmait que son initiative ne visait qu'à briser la carrière politique d'Andreotti. Selon la cour d'appel, ces allégations étaient très graves et fortement diffamatoires en ce qu'elles n'étaient corroborées par aucun élément de preuve. Quant à l'audition contradictoire du plaignant et d'autres personnalités du monde politique italien et au versement au dossier de certains articles, la cour d'appel ne les considéra pas comme nécessaires : en effet, les observations du requérant à propos de l'orientation politique de Caselli, de l'amitié entre Caselli et Violante et de l'utilisation de Buscetta, « repenti » payé par l'État, dans la procédure contre Andreotti, n'avaient pas un caractère diffamatoire et n'avaient donc pas besoin d'être prouvées. Par un arrêt du 9 octobre 1998, déposé au greffe le 3 décembre 1998, la Cour de cassation confirma la décision de la cour d'appel. A son avis celle-ci était tout à fait correcte aussi bien sous l'angle de la procédure qu'au fond. Pour ce qui était du fond, le caractère offensif de l'article, offensif pour un homme autant que pour un magistrat, était hors de doute, le requérant ayant attribué à Caselli des faits impliquant un manque de personnalité, de dignité, d'autonomie de pensée, de cohérence et d'honnêteté morale.
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant a été arrêté en date du 27 octobre 1984. Il purge actuellement une peine d’emprisonnement à perpétuité qui concerne notamment les condamnations qui lui ont été infligées par la cour d’assises d’appel de Milan le 11 juillet 1989 et le 11 juin 1991 pour association de malfaiteurs, meurtres, enlèvement, violation de domicile, trafic de stupéfiants. L’ensemble des peines qui lui ont été infligées a fait l’objet d’une décision de cumul des peines par le procureur général près la cour d’appel de Milan en date du 5 décembre 1994. Le décret-loi n 306 du 8 juin 1992, converti en la loi n 356 du 1er août 1992, a introduit dans la loi sur l’administration pénitentiaire (loi n 354 de 1975) l’article 41 bis. Cette disposition prévoit un régime spécial pour les détenus ayant été condamnés pour des infractions graves, qui déroge aux conditions fixées par la loi sur l’administration pénitentiaire. Le 20 juillet 1992, le ministre de la Justice prit un arrêté imposant au requérant, jusqu’au 20 juillet 1993, le régime spécial de détention prévu par l’article 41 bis de la loi sur l’administration pénitentiaire. Le ministre considéra que pareille mesure s’imposait notamment pour des raisons d’ordre public et de sécurité compte tenu de la dangerosité du phénomène mafieux, de celle du requérant dans la mesure où celui-ci, selon des rapports de police, était présumé maintenir un lien permanent avec le milieu criminel d’origine et compte tenu du prosélytisme exercé par le requérant auprès d’autres détenus. A l’égard du requérant, la mesure en question entraînait en particulier l’interdiction de correspondre avec d’autres détenus et la censure sur toute la correspondance. Le régime spécial de détention fut prorogé de six mois en six mois jusqu’au 12 février 1997. L’interdiction de correspondre avec d’autres détenus ne fut plus ordonnée à partir du 1er août 1994. Quant à la censure de la correspondance du requérant, à partir du 30 janvier 1994, les arrêtés ministériels soumirent l’application de cette mesure à l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire compétente. Il ressort du dossier que, par un décret du 13 janvier 1995, le juge d’application des peines de Spoleto ordonna que toute la correspondance du requérant fût soumise au visa de censure, au sens de l’article 18 de la loi sur l’administration pénitentiaire. Après la fin de la période d’application de l’article 41 bis à l’égard du requérant, à savoir après le 12 février 1997, la censure de sa correspondance a été maintenue. En effet, le juge d’application des peines de Spoleto n’a pas révoqué sa décision du 13 janvier 1995. Les lettres ainsi que les observations que le requérant a adressées au Secrétariat de la Commission, pendant et après l’application de l’article 41 bis à l’égard de celui-ci, sont décachetées et ont un visa de censure de l’administration pénitentiaire. Il ressort du dossier que deux courriers envoyés au requérant par sa fille respectivement les 31 octobre 1995 et 12 juillet 1996 ont un visa de censure de la prison de Spoleto. Enfin, un visa de censure apparaît sur deux courriers, datés respectivement des 5 et 14 octobre 1999, que le requérant a échangés avec les avocates qui le représentent devant la Cour. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Le régime spécial de détention et son incidence sur le contrôle de la correspondance L’article 41 bis de la loi sur l’administration pénitentiaire (loi n° 354 du 26 juillet 1975), dans sa teneur modifiée par la loi n° 356 du 7 août 1992, attribue au ministre de la Justice le pouvoir de suspendre complètement ou partiellement l’application du régime pénitentiaire ordinaire, tel que prévu par la loi n° 354 de 1975, par arrêté motivé et contrôlable par l’autorité judiciaire, pour des raisons d’ordre et de sûreté publics, lorsque le régime ordinaire de détention serait en conflit avec ces dernières exigences. Le régime spécial découlant de l’article 41 bis peut être appliqué uniquement à l’égard des détenus poursuivis ou condamnés pour les délits visés à l’article 4 bis de la même loi, parmi lesquels figurent des délits liés aux activités de la mafia. Il est prévu que l’article 41 bis demeure en vigueur jusqu’au 31 décembre 2000. L’article 41 bis ne contient aucune liste des restrictions autorisées, celle-ci devant être établie par arrêté du ministre de la Justice. Au début de son application, cette disposition a été interprétée comme attribuant également, au ministre de la Justice, le pouvoir d’ordonner le contrôle de la correspondance du détenu. Toutefois, la Cour constitutionnelle italienne (voir les arrêts no 349 et 410 de 1993), se fondant sur l’article 15 de la Constitution - qui prévoit notamment que les restrictions à la correspondance peuvent avoir lieu uniquement sur décision motivée de l’autorité judiciaire - a précisé que le pouvoir de soumettre la correspondance d’un détenu à un visa de censure appartient exclusivement à l’autorité judiciaire. Par conséquent, l’article 41 bis ne peut être interprété comme incluant le pouvoir, pour le ministre de la Justice, de prendre des mesures à l’égard de la correspondance des détenus. De ce fait, il revient à l’autorité judiciaire d’ordonner le contrôle de la correspondance, mesure qui est prévue par l’article 18 de la loi sur l’administration pénitentiaire. B. Dispositions pertinentes en matière de contrôle de la correspondance Selon l’article 18 de la loi n° 354 du 26 juillet 1975, tel que modifié par l’article 2 de la loi n° 1 du 12 janvier 1977, l’autorité habilitée à décider de soumettre la correspondance des détenus à un visa de censure est le juge saisi de l’affaire (qu’il s’agisse de la juridiction d’instruction ou de la juridiction de jugement) jusqu’à la décision de première instance, et le juge d’application des peines pendant le déroulement ultérieur de la procédure. Cette disposition prévoit également que le magistrat compétent peut ordonner le contrôle de la correspondance d’un détenu par décision motivée, mais ne précise pas les cas dans lesquels une telle décision peut être prise. Le visa de censure en question consiste concrètement en l’interception et la lecture par l’autorité judiciaire qui l’a ordonnée, par le directeur de la prison ou par le personnel pénitentiaire désigné par ce dernier, de toute la correspondance du détenu qui fait l’objet d’une telle mesure, ainsi qu’en l’apposition d’un cachet sur les lettres, qui sert à prouver la réalité dudit contrôle (voir également l’article 36 du décret du président de la République n° 431 du 29 avril 1976, d’application de la loi n° 354 ci-dessus). Cette mesure de contrôle ne peut pas résulter en l’effacement de mots ou de phrases mais, après le contrôle, l’autorité judiciaire peut ordonner qu’une ou plusieurs lettres ne soient pas remises. Dans ce cas, le détenu doit en être aussitôt informé. Cette dernière mesure peut également être ordonnée provisoirement par le directeur de la prison, qui doit toutefois en informer l’autorité judiciaire. Enfin, quant aux recours disponibles contre la mesure incriminée, la Cour de cassation a indiqué dans plusieurs décisions que la mesure litigieuse constitue un acte de nature administrative. Elle a par ailleurs affirmé, dans une jurisprudence constante et bien établie, que la loi italienne ne prévoit pas de voies de recours à cet égard, la mesure en question ne pouvant pas non plus faire l’objet d’un pourvoi en cassation, car elle ne concerne pas la liberté personnelle du détenu (Cour de cassation : arrêts n° 3141 du 14 février 1990 et n° 4687 du 4 février 1992). L’article 35 de la loi sur l’administration pénitentiaire prévoit que les détenus peuvent adresser des demandes ou réclamations sous pli scellé aux autorités suivantes : - le directeur du pénitencier, les inspecteurs, le directeur général des établissements pénitentiaires et le ministre de la Justice ; - le juge d’application des peines ; - les autorités judiciaires et sanitaires qui inspectent le pénitencier ; - le président du conseil régional ; - le président de la République. Dans le souci de rendre la législation italienne conforme aux principes développés par la Cour dans les affaires Diana et Domenichini (arrêts Diana c. Italie du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1765-1779, et Domenichini c. Italie du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1789-1803), le 23 juillet 1999, le ministre de la Justice a présenté au Sénat un projet de loi visant la modification de la loi sur l’administration pénitentiaire sur deux points. En premier lieu, le projet de loi proposait une modification de l’article 35 de cette loi, dans le sens d’inclure la Cour parmi les autorités auxquelles les détenus peuvent adresser des plis scellés. En deuxième lieu, ce projet de loi prévoyait l’insertion d’un article (18 ter) disposant que toute correspondance des détenus, mise à part celle adressée aux autorités mentionnées à l’article 35, pouvait être soumise à un visa de censure, pour des périodes non supérieures à six mois, dans le but d’éviter la commission d’infractions ou de protéger la sûreté des établissements pénitenciers ou le secret des investigations judiciaires. Selon les informations dont la Cour dispose à ce jour, le projet de loi en cause n’a pas été approuvé par le Parlement italien. Par ailleurs, par un décret entré en vigueur le 6 septembre 2000, le Président de la République a adopté un nouveau règlement des établissements pénitenciers. A son article 38, ce décret prévoit notamment que la correspondance adressée par un détenu à des organisations internationales visant la protection des droits de l’homme ne peut être soumise à visa de censure.
0
0
0
0
0
0
0
0
1
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, ressortissants turcs, résidaient, à l’époque des faits, dans le village de Karanar (à Vezirköprü, Samsun). Ils sont agriculteurs. En avril 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains des requérants pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées aux requérants à la date d’expropriation. Les requérants, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisirent, toujours en avril 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Ledit tribunal leur accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa aux requérants ces indemnités complémentaires dans des délais de dix-neuf ou vingt et un mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Les montants des indemnités complémentaires, les dates des arrêts de la Cour de cassation, les montants payés aux requérants ainsi que les dates desdits paiements sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour les périodes où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation aux périodes de versement de ces dettes atteint les chiffres «239,4» et «259,2» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante, ressortissante turque, résidait, à l’époque des faits, dans le village de Gökdoğan (à Durağan, Sinop). Elle était agriculteur. En octobre 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains de la requérante pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées à la requérante à la date d’expropriation. La requérante, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en octobre 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Ledit tribunal lui accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa à l'intéressée ces indemnités complémentaires dans un délai de seize mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Le montant des indemnités complémentaires, la date des arrêts de la Cour de cassation, le montant payé à la requérante ainsi que la date dudit paiement sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de décision définitive ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour la période où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation à la période de versement de ces dettes atteint le chiffre «209,6» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Gökdogan (à Durağan, Sinop). Il était agriculteur. En octobre 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en octobre 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en septembre et octobre 1991. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En décembre 1992 et janvier 1993, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 8 555 LT. et 8 814 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indices de base pour le mois d'octobre 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de décembre 1992 atteint le chiffre «1588» et celui du mois de janvier 1993 le chiffre «1672» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Le requérant, né en 1950, était à l'époque des faits un ressortissant turc. Il acquit par la suite la nationalité allemande. Il est le père de G.N., née hors mariage le 29 juin 1988. Par un document du 15 juin 1988, il reconnut être le père de l'enfant à naître et, par un autre document du 15 août 1988, il reconnut l'enfant et s'engagea à verser des subsides pour elle. Le requérant avait rencontré la mère de l'enfant, Mme D., en 1985, et s'était installé dans l'appartement qu'elle occupait en décembre 1987. Ils y vécurent ensemble jusqu'en juillet 1989 au moins voire, comme le déclare le requérant, jusqu'en février 1990. Quoi qu'il en soit, le requérant continua à rendre visite à l'enfant et à sa mère jusqu'à cette dernière date et, de fin juillet à octobre 1990, il alla chercher régulièrement G.N. pour s'en occuper. A partir de novembre 1990, Mme D. interdit tout contact entre le requérant et l'enfant. Le 5 décembre 1990, le requérant demanda au tribunal de district de Wiesbaden de rendre une décision lui accordant un droit de visite à l'égard de sa fille tous les dimanches de 10 heures à 18 heures ainsi que le 26 décembre et le dimanche et le lundi de Pâques. Le 5 septembre 1991, le tribunal de district rejeta la demande du requérant. S'appuyant sur l'article 1711 du code civil (Bürgerliches Gesetzbuch), le tribunal releva que c'est la mère, dans l'exercice de son droit de garde, qui décide des relations de l'enfant avec les tiers et que le père ne peut se voir accorder un droit de visite que par une décision de justice, si cela est conforme à l'intérêt de l'enfant. Or d'après les constatations du tribunal, ces conditions n'étaient pas remplies dans le cas du requérant. Le tribunal nota qu'il avait entendu l'office de la jeunesse de Wiesbaden et les parties et interrogé plusieurs témoins lors d'une audience tenue en mars 1991. Il considéra que le souhait du requérant de voir sa fille découlait des liens sincères qu'il avait avec elle et d'une véritable affection, mais conclut néanmoins qu'il n'était pas favorable à l'enfant d'accorder un droit de visite au père étant donné que Mme D. éprouvait une forte aversion pour lui et s'opposait avec une telle fermeté à tout contact que l'enfant serait entraînée dans un climat d'antipathie et de tensions qui porterait sans doute gravement atteinte à son bien-être. Le tribunal ne discerna aucune circonstance particulière de nature à rendre malgré tout pareils contacts bénéfiques pour l'enfant. Les relations qui s'étaient créées entre le requérant et son enfant pendant la période de cohabitation ne pouvaient en aucun cas être suffisamment importantes pour prendre le risque que l'enfant fût irritée en raison des sentiments d'aversion éprouvés par la mère. Les témoins, des puéricultrices de la crèche fréquentée par l'enfant, avaient déclaré que, à la suite de la séparation et de l'interruption des contacts avec son père, le comportement de l'enfant n'avait montré aucune particularité, ou en tout cas aucune particularité notable ou durable, et que G.N. était une enfant équilibrée, heureuse et ouverte. Il n'était donc pas prouvé que, comme le requérant l'affirmait, il avait manqué à l'enfant et elle l'avait à maintes reprises réclamé après l'interruption des contacts entre eux. Le 12 mars 1992, le requérant interjeta appel devant le tribunal régional de Wiesbaden. Le 12 mai 1992, le tribunal régional ordonna une expertise psychologique sur la question de savoir s'il était dans l'intérêt de G.N. qu'elle entretînt des contacts avec le requérant. Le 8 juillet 1992, après une première conversation avec la psychologue, le requérant la récusa au motif qu'elle était de parti pris. Il demanda également qu'un autre expert fût désigné parce que la méthode scientifique adoptée ne reflétait pas les dernières avancées de la recherche. Le 9 septembre 1992, le tribunal régional rejeta la demande du requérant, déclarant qu'au vu des explications fournies par la psychologue le 8 août 1992, il n'existait aucune raison de douter de son impartialité ou de ses capacités. Le 17 décembre 1992, le requérant pria le tribunal régional de faire avancer la procédure ainsi que de délivrer à titre provisoire une ordonnance lui accordant un droit de visite à l'égard de G.N. pendant un après-midi par semaine et interdisant à la mère de s'opposer à ces rencontres. Le 23 décembre 1992, le tribunal régional rejeta la demande du requérant tendant à l'obtention d'un droit de visite provisoire. Le tribunal estima qu'il n'y avait pas d'urgence et que l'on pouvait exiger du requérant qu'il attendît l'issue de la procédure principale. De plus, l'ordonnance sollicitée aurait préjugé de la décision définitive. Les inconvénients qui résulteraient pour l'enfant de la délivrance d'une ordonnance provisoire suivie, le cas échéant, du rejet de la demande dans le cadre de la procédure principale étaient plus importants que ceux que causerait au requérant la prolongation de la situation existante. Dans son expertise du 25 février 1993, la psychologue indiqua qu'elle avait rendu visite à la famille du requérant en juin 1992 puis de nouveau entendu le requérant, la mère de l'enfant et celle-ci à plusieurs reprises entre novembre 1992 et février 1993. Elle conclut qu'il n'était pas favorable au bien-être de l'enfant d'accorder un droit de visite sans que les parents aient auparavant des échanges pour résoudre leur conflit. Par une lettre du 8 mars 1993, le tribunal régional, relevant que le tribunal de district avait omis d'entendre l'enfant, demanda à la psychologue si le fait d'interroger l'enfant en audience au sujet de ses relations avec son père serait pour elle éprouvant sur le plan psychologique. Dans sa réponse du 13 mars 1993, la psychologue indiqua qu'elle n'avait pas posé de questions directes à l'enfant à propos de son père. En effet, lui demander si elle souhaitait voir son père comportait un risque : dans le conflit opposant ses parents, l'enfant pourrait avoir l'impression que ses déclarations étaient décisives. Lors d'une audience tenue le 30 avril 1993, le requérant et la mère de l'enfant conclurent un accord ; le requérant déclarait renoncer à toute action en justice, s'abstenir de toute question quant à la situation personnelle de la mère et ne pas exercer le droit de garde obtenu en vertu du droit turc, et ce à condition qu'ils entreprennent une thérapie parentale. La procédure fut suspendue jusqu'à la fin de cette thérapie. Le 1er juin 1993, le requérant demanda une reprise de la procédure étant donné que la mère de l'enfant n'avait approuvé aucune des deux institutions de thérapie familiale qu'il avait proposées et n'avait pas non plus formulé elle-même de proposition, comme il avait suggéré qu'elle le fît. Le 25 août 1993, le tribunal régional de Wiesbaden rejeta le recours du requérant. Il considéra que des contacts personnels avec son enfant né hors mariage étaient censés permettre au père de s'assurer du développement et du bien-être de l'enfant et de maintenir les liens naturels les unissant. Tout en visant un but identique, les articles 1711 et 1634 du code civil prévoyaient des conditions différentes. Alors que, selon l'article 1634 du code civil, le parent n'exerçant pas le droit de garde pouvait entretenir des contacts personnels avec son enfant légitime, l'article 1711 n'accordait pas ce droit au père d'un enfant né hors mariage. Au contraire, la personne exerçant la garde, la mère en général, décidait si et dans quelle mesure le père pouvait voir son enfant. Le tribunal compétent ne pouvait accorder un droit de visite que si pareils contacts étaient dans l'intérêt de l'enfant. Cette situation plus fragile au regard de la loi découlait de la position sociale différente du père d'un enfant né hors mariage. Se fondant sur des arrêts de la Cour constitutionnelle fédérale de 1971 et 1981, le tribunal régional ne décela aucun motif de douter de la constitutionnalité de l'article 1711 du code civil. Le tribunal ajouta que si, pour des raisons de politique juridique, une réforme de la législation concernant les enfants nés hors mariage s'imposait d'urgence, il se trouvait tenu par la loi en vigueur. Le tribunal régional estima que pareils contacts ne pouvaient être ordonnés que s'ils étaient bénéfiques pour l'enfant. On pouvait supposer qu'en règle générale, de tels contacts étaient prescrits, puisque des relations régulières entre un père et son enfant offrent à celui-ci la possibilité de se développer normalement et facilitent la formation de sa personnalité. Appliquant ces principes au cas d'espèce, le tribunal jugea que le requérant demandait un droit de visite en raison de l'amour sincère qu'il portait à sa fille. Cependant, des intentions aussi responsables ne pouvaient conduire à accorder un droit de visite dont il faudrait imposer l'exécution. L'enfant souffrirait des tensions existant entre ses parents à l'occasion de chaque visite, ce qui perturberait son développement. Aucun élément particulier ne permettait de conclure que des contacts avec son père seraient malgré tout favorables à l'enfant. A cet égard, le tribunal considéra qu'il existait déjà des tensions entre les parents durant la période de cohabitation. De plus, la psychologue avait établi que l'enfant avait occulté ses souvenirs relatifs au requérant et évitait d'en parler pour se protéger. Elle ne souffrait pas de la situation. Le tribunal régional considéra en outre que l'expertise était fiable et n'appelait aucune critique. Le constat selon lequel les parents devaient entamer une thérapie afin de surmonter leurs conflits avant que l'enfant ne puisse avoir des contacts avec eux deux était indépendant de la question de savoir qui était responsable de cette situation. Le tribunal conclut enfin qu'il n'avait pas été exigé d'entendre l'enfant au sujet de ses relations avec son père étant donné que cela aurait été pour elle psychologiquement éprouvant. Le 21 septembre 1993, le requérant saisit la Cour constitutionnelle fédérale pour se plaindre de ce que le refus de lui accorder un droit de visite à l'égard de sa fille portait atteinte à ses droits parentaux et constituait une discrimination, et dénoncer la manière à son avis inéquitable dont avait été recueillie l'expertise. La première chambre de la Cour constitutionnelle fédérale accusa réception du recours le 29 septembre 1993. Par une lettre du 26 avril 1994, le requérant demanda à la Cour constitutionnelle quel était le stade d'avancement de la procédure et la pria instamment de rendre une décision rapidement. Le 16 mai 1994, la Cour constitutionnelle l'informa que, dans une affaire analogue enregistrée à une date antérieure, la décision était attendue pour le courant du premier semestre de 1995. Le 26 novembre 1995, le requérant adressa une lettre au président de la Cour constitutionnelle fédérale pour se plaindre de ce que l'examen de son recours eût été repoussé au premier semestre de 1996. Dans sa réponse du 15 février 1996, la juge chargée de l'affaire informa le requérant que, en raison de l'encombrement de son rôle, la Cour constitutionnelle fédérale n'avait pu rendre sa décision en 1995, mais pourrait probablement le faire en 1996. En effet, eu égard à l'importance du sujet traité, une telle décision devait être préparée avec soin. Le 1er décembre 1998, la Cour constitutionnelle fédérale, siégeant en un collège de trois juges, refusa d'examiner le recours constitutionnel formé par le requérant. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT A. Le droit de la famille actuellement en vigueur Les dispositions légales concernant les droits de garde et de visite sont contenues dans le code civil allemand. Elles ont été amendées à plusieurs reprises et nombre d'entre elles ont été abrogées avec l'adoption de la nouvelle législation en matière familiale (Reform zum Kindschaftrecht) du 16 décembre 1997 (Journal officiel, p. 2942), entrée en vigueur le 1er juillet 1998. L'article 1626 § 1 est ainsi libellé : « Le père et la mère ont le droit et le devoir d'exercer l'autorité parentale (elterliche Sorge) sur leur enfant mineur. L'autorité parentale comprend la garde (Personensorge) et l'administration des biens (Vermögenssorge) de l'enfant. » En vertu de l'article 1626 a § 1 du code civil, dans sa version amendée, les parents d'un enfant mineur né hors mariage exercent conjointement la garde de l'enfant s'ils font une déclaration à cet effet (déclaration sur la garde conjointe) ou s'ils se marient. Aux termes de l'article 1684, dans sa version amendée, un enfant a le droit de voir ses deux parents, qui ont chacun l'obligation d'avoir des contacts avec l'enfant et un droit de visite à son égard. De plus, les parents doivent s'abstenir de tout acte qui nuirait aux relations de l'enfant avec l'autre parent ou entraverait gravement son éducation. Les tribunaux de la famille peuvent fixer l'étendue du droit de visite ainsi que des modalités plus précises d'exercice de ce droit, également à l'égard de tiers. Ils peuvent aussi obliger les parties à remplir leurs obligations envers l'enfant. Ces tribunaux peuvent limiter ou suspendre ce droit si cela est nécessaire au bien-être de l'enfant. Ils ne peuvent décider de limiter ou suspendre ce droit pour une longue période ou définitivement que si le bien-être de l'enfant risque autrement d'en pâtir. Ils peuvent ordonner que le droit de visite soit exercé en présence d'un tiers, tels un employé de l'office de la jeunesse ou une association. B. Le droit de la famille en vigueur à l'époque des faits Avant l'entrée en vigueur de la nouvelle législation en matière familiale, la disposition pertinente du code civil relative aux droits de garde et de visite à l'égard d'un enfant légitime était libellée comme suit : Article 1634 « 1. Le parent qui n'exerce pas la garde a le droit d'entretenir des contacts personnels avec l'enfant. Le parent qui n'exerce pas le droit de garde, tout comme celui qui l'exerce, doit s'abstenir de tout acte de nature à porter préjudice aux relations de l'enfant avec autrui ou à entraver gravement l'éducation de l'enfant. Le tribunal de la famille peut fixer l'étendue de ce droit et poser des règles plus précises pour son exercice, également à l'égard de tiers ; en l'absence de décision, le parent n'ayant pas la garde peut exercer le droit prévu à l'article 1632 § 2 tout au long de la période de contact. Le tribunal de la famille peut limiter ou suspendre ce droit si cela se révèle nécessaire au bien-être de l'enfant. Un parent n'exerçant pas le droit de garde et ayant un intérêt légitime à obtenir des informations sur la situation de l'enfant peut les demander à la personne qui exerce le droit de garde, pour autant que cela soit compatible avec l'intérêt de l'enfant. Le tribunal des tutelles tranche tout différend relatif au droit à l'information. Les dispositions précédentes s'appliquent, mutatis mutandis, lorsque les deux parents exercent le droit de garde et ne sont pas séparés de manière seulement temporaire. » Les dispositions du code civil portant sur les droits de garde et de visite relativement aux enfants nés hors mariage étaient libellées comme suit : Article 1705 « La mère a la garde de son enfant mineur né hors mariage (...) » Article 1711 « 1. La personne exerçant le droit de garde fixe les modalités du droit de visite du père à l'égard de l'enfant. L'article 1634 § 1, seconde phrase, s'applique par analogie. S'il est dans l'intérêt de l'enfant d'entretenir des contacts personnels avec son père, le tribunal des tutelles peut décider que le père a droit à de tels contacts. L'article 1634 § 2 s'applique par analogie. Le tribunal des tutelles peut modifier sa décision à tout moment. Le droit de demander des informations sur la situation de l'enfant est énoncé à l'article 1634 § 3. Le cas échéant, l'office de la jeunesse sert de médiateur entre le père et la personne exerçant le droit de garde. » C. La loi sur la procédure gracieuse Les procédures engagées en vertu de l'ancien article 1711 § 2 du code civil, comme celles se rapportant à d'autres aspects du droit de la famille, sont régies par la loi sur la procédure gracieuse (Gesetz über die Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit). Conformément à l'article 12 de cette loi, le tribunal prend d'office les mesures d'enquête nécessaires pour établir les faits et recueillir les éléments de preuve qui semblent pertinents. Dans le cadre des procédures portant sur le droit de visite, l'office de la jeunesse compétent doit être entendu avant toute décision (article 49 § 1 k)). S'agissant de l'audition des parents dans les procédures relatives au droit de garde, l'article 50 a § 1 dispose que le tribunal doit entendre ceux-ci lorsque la procédure concerne la garde de l'enfant ou l'administration de ses biens. Pour ce qui est de la garde, le tribunal doit, en règle générale, entendre les parents en personne. Pour les affaires ayant trait à la prise en charge d'enfants par l'administration publique, les parents doivent dans tous les cas être entendus. D'après l'article 50 a § 2, un parent n'ayant pas le droit de garde doit être entendu, sauf lorsqu'il apparaît que son audition ne contribuerait pas à clarifier la situation.
0
0
0
1
0
0
0
0
1
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Düzce (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en décembre 1989 et septembre 1991. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En avril 1990, février et novembre 1992, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 2 521 LT, 5 867 LT et 8 241 LT respectivement. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois de mai 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois d'avril 1990 atteint le chiffre «424», au mois de février 1992 le chiffre «1099» et celui du mois novembre 1992 le chiffre «1546» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Citoyens turcs, les requérants résident à Samsun. En 1995, huit terrains sis à Samsun appartenant aux requérants firent l’objet d’une expropriation effectuée par la Direction générale des routes nationales (Karayolları Genel Müdürlüğü -ci-après « la Direction ») pour la construction de la route nationale de Samsun. Des indemnités d’expropriation fixées par la Direction furent versées aux requérants à la date d’expropriation. En désaccord sur les montants payés par la Direction, les requérants saisirent le tribunal de grande instance de Samsun de huit recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation. Par huit jugements rendus le 14 février 1996, le tribunal de grande instance de Samsun condamna la Direction à verser aux requérants des indemnités complémentaires d’expropriation à majorer d’un intérêt moratoire de 30 % l’an, à calculer soit à partir de la date d’expropriation, soit à partir de la date de cession des terrains à la Direction. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation le 24 juin 1996. La Direction versa aux requérants les compléments d’indemnités en question dans des délais variant de huit à quatorze mois après les arrêts de la Cour de cassation. Les initiales des requérants, les dates de saisine des tribunaux internes, les montants des indemnités complémentaires d’expropriation, les dates de départ du calcul de l’intérêt moratoire, les dates et les montants du paiement sont indiqués dans le tableau ci-dessous : II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution relatif aux expropriations dispose : « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an en vertu de la loi n° 3095. Ce taux a été réajusté par ordonnance du 8 août 1997, d’après laquelle, à partir du 1er janvier 1998, le taux légal a été fixé à 50 % l’an. Enfin, une dernière modification est intervenue le 15 décembre 1999 d’après laquelle le taux légal est indexé à partir du 1er janvier 2000 sur le taux de réescompte appliqué par la banque centrale dans les crédits de courte durée. A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Données économiques L’inflation en Turquie mesurée par l’indice des prix du détail était, en 1995-1997, de 84,96 % l’an en moyenne. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. En janvier et juillet 1997, le cours moyen du dollar américain était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 116 000 et 158 660 livres turques (TRL).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, né en 1959, est un homme d’affaires domicilié à Küsnacht, en Suisse. A. La procédure dans le canton de Soleure Le 8 mars 1993, le juge d’instruction (Untersuchungsrichter) du canton de Soleure déposa une plainte (Strafanzeige) contre X pour diverses infractions commises contre la société B., notamment pour faux en écritures et emploi abusif de fonds obtenus grâce à une augmentation du capital de la société. Le 10 mars 1993, une information pénale fut ouverte contre X. Le 20 avril 1993, le juge d’instruction entendit A.W., directeur adjoint de la société B. jusqu’au 31 décembre 1991. Le 26 avril 1993, le juge d’instruction décerna un mandat d’arrêt contre le requérant et un certain R.B., tous deux membres du conseil d’administration et directeurs de la société B., au motif qu’ils étaient soupçonnés de faux en écritures, d’obtention frauduleuse d’un faux document, de gestion malhonnête et de communication d’informations inexactes sur les sociétés commerciales (Urkundenfälschung, Erschleichen einer Falschbeurkundung, ungetreue Geschäftsführung und unwahre Angaben über Handelsgesellschaften). Le 12 mai 1993, le requérant fut arrêté et placé en détention préventive à Soleure. Le même jour, il fut traduit devant le juge d’instruction qui l’informa oralement des raisons de son arrestation et du fait qu’il n’était pas autorisé à prendre contact avec son avocat. Le juge d’instruction prit une ordonnance de détention, que le requérant signa, énumérant les motifs de la privation de liberté, tels qu’énoncés antérieurement dans le mandat d’arrêt. A cette même date, le juge d’instruction ordonna également la perquisition de la société B. et du domicile du requérant. Le mandat précisait que l’avocat de l’intéressé n’était pas autorisé à consulter le dossier ni à participer à l’administration de la preuve, et qu’il ne pouvait ni voir le requérant ni s’entretenir avec lui. Toujours le 12 mai 1993, le requérant saisit la cour d’appel (Obergericht) du canton de Soleure d’un recours écrit contestant son arrestation et sa détention et l’interdiction qui lui était faite de consulter son avocat. Il évoqua notamment les accusations concernant les affaires de la société B. à la fin de l’année 1991 et les divers reproches formulés en 1992. Il rappela qu’en 1992, il avait offert la coopération de la société B. aux autorités de poursuite, et que ces dernières avaient interrogé A.W. en 1992 et en 1993. Enfin, il soulignait que s’il l’avait souhaité, il aurait pu se livrer à des activités collusoires à partir de décembre 1991. Le 14 mai 1993, le requérant refusa de répondre aux questions. Le 15 mai 1993, le juge d’instruction modifia la partie de son mandat du 12 mai 1993 se rapportant à l’interdiction faite à l’avocat de rencontrer le requérant ou de lui parler, ce passage ayant été inséré à tort sous la pression des événements. Le 17 mai 1993, le requérant eut la visite de son avocat. Il fut également interrogé par la police, mais refusa de répondre, soutenant qu’il devait d’abord être dûment informé des accusations portées contre lui. Dans l’après-midi du 17 mai 1993, le juge d’instruction informa l’intéressé que les accusations portées contre lui concernaient l’augmentation du capital de la société B. en 1991, le bilan de 1991 et la gestion malhonnête de ladite société. Le 18 mai 1993, l’avocat du requérant saisit la cour d’appel cantonale d’un recours contre l’arrestation et la détention de l’intéressé. Il demanda la mise en liberté de ce dernier et la levée de l’ensemble des restrictions apportées aux droits de la défense. En outre, il prétendait ne disposer d’aucune information concrète sur les infractions reprochées à son client. Enfin, il alléguait que celui-ci n’avait pas été entendu par un « juge ou un autre magistrat » comme le requiert l’article 5 § 3 de la Convention. Les 18, 19 et 22 mai 1993, le requérant fut à nouveau interrogé. Le 22 mai 1993, il fut libéré. Au cours de la procédure devant la cour d’appel cantonale, le juge d’instruction présenta des observations écrites. Dans sa réponse datée du 8 juin 1993, le requérant souligna que des accusations très larges avaient été portées contre la société B. pendant un an et demi et que les autorités cantonales avaient fait peser des menaces de poursuites durant un an afin d’obtenir des documents. A partir du 16 septembre 1993, le requérant et son avocat furent autorisés à consulter le dossier. Le 4 octobre 1993, la cour d’appel cantonale raya du rôle les recours présentés par le requérant les 12 et 18 mai 1993, estimant qu’ils étaient devenus sans objet. Elle invoqua la jurisprudence du Tribunal fédéral (Bundesgericht) quant à l’exigence, en pareil cas, de qualification pour agir de l’appelant en vertu de l’article 88 de la loi fédérale d’organisation judiciaire (Organisationsgesetz). Elle constata que le requérant avait été libéré dans l’intervalle et qu’il n’avait donc plus d’intérêt pratique à l’examen de ses recours. B. La première procédure devant le Tribunal fédéral Le 8 novembre 1993, le requérant saisit le Tribunal fédéral d’un recours de droit public (staatsrechtliche Beschwerde). Il se plaignait de la radiation de son affaire par la cour d’appel cantonale, de sa détention préventive et des restrictions apportées à ses droits de défense, et prétendait que le rôle du juge d’instruction était contraire à l’article 5 § 3 de la Convention. Le 26 janvier 1994, le juge d’instruction soumit au Tribunal fédéral des observations sur le recours de droit public du requérant. Quant aux raisons de la détention, il déclara que l’on pouvait supposer, compte tenu des contacts antérieurs du requérant avec les autres personnes concernées, que celui-ci savait très probablement quelles étaient au juste les accusations portées contre lui. Le 2 septembre 1994, le Tribunal fédéral rejeta le recours de droit public. Dans son arrêt, qui fut notifié le 21 septembre, il rechercha, à la lumière de sa propre jurisprudence, si le requérant avait ou non qualité pour introduire pareil recours en vertu de l’article 88 de la loi fédérale d’organisation judiciaire. Il refusa de reconnaître à l’intéressé qualité pour agir, relevant notamment que la cour d’appel cantonale avait elle-même indiqué qu’elle serait en mesure de réexaminer ultérieurement si le juge d’instruction du canton de Soleure satisfaisait ou non aux exigences de l’article 5 de la Convention. C. La deuxième procédure devant le Tribunal fédéral Le 13 février 1995, s’appuyant sur l’article 42 de la loi fédérale d’organisation judiciaire, le requérant, R.B. et la société B. introduisirent devant le Tribunal fédéral une action civile contre le canton de Soleure, réclamant une indemnité pour détention illégale. Après avoir entendu plusieurs témoins, le Tribunal rendit son arrêt le 13 avril 1999. Le Tribunal fédéral estima notamment que la détention préventive de l’intéressé avait été légale, le juge d’instruction ayant à juste titre admis l’existence d’un risque de collusion et dûment conduit l’enquête. Il examina en outre le grief selon lequel le requérant, pendant sa détention, s’était vu refuser tout contact avec son avocat. Il conclut que le grief était fondé et que le canton de Soleure devait verser une indemnité à l’intéressé. Il aborda aussi le grief tiré de l’article 5 § 2 de la Convention selon lequel le requérant n’avait pas été dûment informé des raisons de son arrestation. Le Tribunal fédéral réitéra les divers points soulevés par l’intéressé dans son recours du 12 mai 1993, d’où il ressortait que le juge d’instruction l’avait informé oralement ce jour-là. Le Tribunal estima que le juge d’instruction avait dûment avisé le requérant des diverses accusations portées contre lui ainsi que de l’objet de l’enquête. Il conclut que l’intéressé avait disposé d’informations suffisantes pour introduire un recours contre sa détention préventive. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral répondit à l’allégation selon laquelle le juge d’instruction du canton de Soleure ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 5 § 3 de la Convention. Il constata que ce juge était en principe indépendant du procureur. Après avoir résumé sa propre jurisprudence et celle de la Cour en l’affaire Huber c. Suisse (arrêt du 23 octobre 1990, série A n° 188), le Tribunal conclut que le juge d’instruction était un magistrat indépendant et impartial habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires au sens de l’article 5 § 3 de la Convention, notamment pour les motifs suivants : « Dans le canton de Soleure, le juge d’instruction conduit l’instruction ou l’enquête préliminaire (...) Il clôture l’instruction par une décision finale et, conformément à l’article 97 § 2 du code de procédure pénale, renvoie « pour examen » au tribunal de district ou au président du tribunal de district les affaires relevant de leur compétence. Quant à la description des faits reprochés à un accusé et à leur appréciation du point de vue du droit pénal, la décision finale tient lieu d’acte d’inculpation dans les affaires déférées au tribunal de district et au président du tribunal de district (...) Dans les affaires relevant de la cour criminelle et de la cour d’appel cantonale, la décision finale invite le procureur à déposer l’acte d’accusation, ou la chambre d’accusation à clôturer l’instruction (...) Le juge d’instruction lui-même ne représente pas l’accusation dans la procédure judiciaire qui suit l’enquête préliminaire. Dans les affaires devant la cour criminelle ou la cour d’appel cantonale, les responsabilités en la matière incombent exclusivement au procureur. Dans les affaires du ressort du tribunal de district ou du président du tribunal de district, aucune autorité de poursuite n’est partie. Le juge d’instruction n’a aucune qualité pour agir dans la procédure (...) ; il est donc exclu que, dans sa décision finale, il requière une peine (...) Ce droit appartient exclusivement au procureur – même dans les affaires où la loi ne prévoit pas d’acte d’accusation et de représentation du ministère public (...) Il s’ensuit que la décision finale du juge d’instruction revêt simplement un caractère déclaratoire et qu’elle ne sert qu’à orienter le tribunal (...) » En conséquence, le Tribunal fédéral ordonna au canton de Soleure de verser au requérant 3 000 francs suisses (CHF) majorés de 5 % d’intérêt à compter du 12 mai 1993 au motif que l’intéressé n’avait pas pu prendre contact avec son avocat durant sa détention. L’action fut rejetée pour le surplus. Par ailleurs, les appelants furent condamnés à payer 7 490 CHF au titre des frais de procédure et à rembourser la somme de 15 000 CHF au canton de Soleure. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La loi fédérale d’organisation judiciaire L’article 42 de la loi fédérale d’organisation judiciaire énonce que le Tribunal fédéral connaît en instance unique des contestations en matière civile entre des particuliers et des cantons. Selon l’article 88 de la loi, ont qualité pour introduire un recours de droit public les particuliers « lésés par des arrêtés ou décisions qui les concernent personnellement ou qui sont d’une portée générale ». En matière de détention préventive, le Tribunal fédéral a interprété l’article 88 de la loi fédérale d’organisation judiciaire comme exigeant un intérêt actuel et pratique à l’annulation de la décision attaquée. Destinée à assurer que le Tribunal fédéral statue non pas sur des questions purement théoriques, mais sur des questions concrètes, cette exigence répond au principe de l’économie du procès. Une personne qui a été libérée de sa détention préventive n’a plus d’intérêt actuel et pratique à l’examen de son recours contre sa détention. Le Tribunal fédéral renonce exceptionnellement à l’exigence de l’intérêt actuel et pratique lorsque l’atteinte critiquée pourrait se reproduire en tout temps, lorsqu’un intérêt public suffisant justifie l’examen de la question et lorsque la question ne pourrait être examinée à temps dans un cas d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral (ATF), vol. 110 [1980] Ia, p. 140). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF, vol. 125 [1999] I, p. 394), une personne qui n’a pas l’intérêt pratique et actuel requis pour former un recours de droit public relatif à une violation de l’article 5 de la Convention peut néanmoins demander une indemnité en vertu de l’article 5 § 5 de la Convention et engager une action en réparation. Ledit arrêt mentionne la possibilité d’une procédure au niveau cantonal ainsi que la possibilité d’introduire une action en vertu de l’article 42 de la loi d’organisation judiciaire (paragraphe 33 ci-dessus). Le sommaire de l’arrêt indique qu’il s’agit d’une « précision de la jurisprudence ». B. La procédure pénale dans le canton de Soleure La loi d’organisation judiciaire de 1977 du canton de Soleure (Gesetz über die Gerichtsorganisation) prévoit en ses articles 4 et suivants que sont compétents en matière pénale notamment le tribunal de district (Amtsgericht), le président du tribunal de district, la cour d’appel cantonale (Obergericht) et la cour criminelle (Kriminalgericht). En vertu de l’article 15, le tribunal de district connaît des infractions ne relevant pas de la compétence des autres juridictions ou du président du tribunal de district. Aux termes de l’article 72, le procureur établit l’acte d’accusation dans les affaires déférées à la cour d’appel cantonale ou à la cour criminelle. Il fait de même devant le tribunal de district s’il en est ainsi convenu avec le président de cette juridiction ou sur demande de l’accusé. Conformément à l’article 50 du code de procédure pénale (Strafprozessordnung) du canton de Soleure, un détenu doit être libéré sur-le-champ lorsque sa détention ne se justifie plus. Selon les articles 83 et suivants, le juge d’instruction conduit l’instruction. L’article 97 § 2 énonce que, si dans une affaire relevant de la compétence du tribunal de district ou du président du tribunal de district, le juge d’instruction décide de renvoyer l’affaire au tribunal pour examen, sa décision finale doit contenir une description sommaire des faits, la qualification juridique de l’infraction et les dispositions pénales applicables. Quant aux relations entre le parquet (Staatsanwaltschaft) et le juge d’instruction, l’article 75 de la loi d’organisation judiciaire dispose que le procureur supervise l’office cantonal des juges d’instruction et peut adresser à cet office des directives sur la gestion des affaires (Geschäftsführung). Selon l’article 13 § 2 du code de procédure pénale, le procureur peut à tout moment demander au juge d’instruction d’administrer la preuve quant aux infractions poursuivies d’office. Aux termes de l’article 101 dudit code, dans les affaires à déférer à la cour d’appel cantonale ou à la cour criminelle, le procureur peut demander au juge d’instruction, après que celui-ci a rendu sa décision finale, de recueillir des preuves complémentaires.
0
0
0
0
0
0
1
0
0
0
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l'époque des faits, dans le village de Düzce (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai 1987, l'Administration nationale des eaux (« la DSİ»: Devlet Su İşleri), organisme d'Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d'Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd'hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d'expropriation fixées par une commission d'experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d'expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des actions en augmentation de l'indemnité d'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Au cours des procédures, le tribunal ordonna deux expertises sur les lieux afin d'apprécier l'exactitude des montants fixés par l'Administration expropriante. Ledit tribunal accorda au requérant des indemnités complémentaires d'expropriation qui étaient assorties d'intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l'an à calculer à partir de la date de cession des terrains à la DSİ. Ladite Administration se pourvut en cassation contre les jugements du tribunal de grande instance ayant fixé les compléments d'indemnité. Le requérant demanda à la Cour de cassation d'approuver ces jugements et d'entériner les montants fixés par le tribunal de grande instance. La Cour de cassation confirma lesdits jugements en décembre 1989 et juin 1990. Toutefois, l'Administration n'a payé les indemnités complémentaires qu'en mai 1990 et janvier 1992 (les allégations du requérant concernant les procédures nationales dont les indemnités complémentaires avaient été versées en janvier 1992, ont déjà été examinées dans le cadre de sa requête n° 19290/92). La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires majorées de 30 % d'intérêts moratoires simples calculés jusqu'au moment du paiement desdits montants, alors que l'inflation en Turquie à cette époque atteignait 67 % l'an. Les indemnités d'expropriation payées au requérant, les dates de la saisine des juridictions internes, les montants des indemnités complémentaires accordés par la juridiction interne, les dates des paiements, les montants des indemnités complémentaires versés au requérant par l'Administration majorés de 30 % d'intérêts moratoires, les valeurs réelles des indemnités complémentaires ainsi que les niveaux d'indemnisation sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de la saisine des juridictions internes ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L'article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d'indemnité d'expropriation, s'est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d'exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n'est pas en droit d'exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l'inflation était élevé, s'avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l'inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30%. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30%. Pour ce motif, dans l'affaire examinée, il n'est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l'intérêt composé de 30% par une voie détournée. Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques En mai 1990, le cours moyen du dollar américain (USD) était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 2 590 LT. Les effets de l'inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l'institut des statistiques de l'Etat. D'après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour le mois de mai 1987 (période où le titre de propriété des terrains expropriés fut transféré à l'administration - paragraphe 17 ci-dessus), l'indice de l'inflation au mois de mai 1990 atteint le chiffre «437» (période prise en considération pour le versement des indemnités complémentaires – paragraphe 17 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Citoyens turcs, les requérants résident à Samsun. Ils sont agriculteurs. En 1993 et 1995, la Direction générale des routes nationales (Karayolları Genel Müdürlüğü - ci-après « la Direction »), établissement public chargé, entre autres, de la conception de barrages, expropria deux terrains agricoles, autrefois cultivés, appartenant aux requérants et sis au village de Derecik. Des indemnités de 845 593 000 et 279 500 000 livres turques (TRL) fixées par la Direction furent respectivement versées aux requérants à la date d’expropriation. Les 17 et 23 octobre 1995, les requérants introduisirent auprès du tribunal de grande instance de Samsun (ci-après « le tribunal »), pour chaque terrain, une action en augmentation de l’indemnité d’expropriation. Ces actions furent enregistrées sous les nos 95/733 et 95/767. S’agissant du recours n° 95/733, le 15 juillet 1996, le tribunal rendit une décision enjoignant la Direction de verser une indemnité d’expropriation complémentaire de 7 025 447 000 TRL. Cette somme fut assortie d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an, à compter du 12 octobre 1995. Quant au recours n° 95/767, le 13 septembre 1996, le tribunal accorda aux requérants une indemnité d’expropriation complémentaire de 2 676 750 000 TRL, assortie d’intérêts moratoires simples au taux de 30 % l’an, à compter du 23 octobre 1995. La Cour de cassation confirma les jugements par arrêts des 21 novembre 1996 et 22 janvier 1997. Suite à l’introduction de la requête devant la Commission, les 31 octobre et 5 novembre 1997, les requérants perçurent les sommes de 11 475 400 000 TRL (recours n° 95/733) et 4 420 641 000 TRL (recours n° 95/767) à titre d’indemnité complémentaire majorées d’un intérêt au taux de 30 % l’an. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution relatif aux expropriations dispose : « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an en vertu de la loi n° 3095. Ce taux a été réajusté par ordonnance du 8 août 1997, d’après laquelle, à partir du 1er janvier 1998, le taux légal a été fixé à 50 % l’an. Enfin, une dernière modification est intervenue le 15 décembre 1999 d’après laquelle le taux légal est indexé à partir du 1er janvier 2000 sur le taux de réescompte appliqué par la banque centrale dans les crédits de courte durée. A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Données économiques En 1995-1997, l’inflation en Turquie, mesurée par l’indice des prix de détail, était de 84,96 % l’an en moyenne. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, l’indice de l’inflation au mois d’octobre 1995 (date de saisine des tribunaux internes) était de « 10 036,10 », les indices de l’inflation aux mois d’octobre et de novembre 1997 (dates de versement de l’indemnité complémentaire) atteignait le chiffre de « 34 412,70 » et de « 36 779,30 » respectivement. En octobre et novembre 1997, le cours moyen du dollar américain était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 182 980 TRL et de 193 420 TRL respectivement.
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l’époque des faits, dans le village de Düzce (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d’expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Ledit tribunal lui accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires dans un délai de vingt-deux à vingt-neuf mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Le montant de l'indemnité complémentaire, la date d'arrêt de la Cour de cassation, le montant payé au requérant ainsi que la date dudit paiement sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire ; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour les périodes où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation aux périodes de versement de ces dettes atteint les chiffres «269» et «307,4» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l’époque des faits, dans le village de Düzce (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac du barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d’expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Ledit tribunal lui accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa au requérant les indemnités complémentaires dans un délai de dix-neuf mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Le montant des indemnités complémentaires, la date des arrêts de la Cour de cassation, le montant payé au requérant ainsi que la date dudit paiement sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de décision définitive ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. A la même période, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour la période où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation à la période de versement de ces dettes atteint le chiffre «239,4» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l’époque des faits, dans le village de Gökdoğan (à Durağan, Sinop). Il était agriculteur. En octobre 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. Une indemnité d’expropriation fixée par une commission d’experts de la DSİ fut versée au requérant à la date d’expropriation. Le requérant, en désaccord avec le montant payé par la DSİ, introduisit, toujours en octobre 1987, un recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Ledit tribunal lui accorda une indemnité complémentaire d’expropriation qui était assortie d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ce jugement fut confirmé par la Cour de cassation. La DSİ versa à l'intéressé cette indemnité complémentaire dans un délai s’élevant à seize mois environ après la décision judiciaire définitive. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Le montant de l'indemnité complémentaire, la date d'arrêt de la Cour de cassation, le montant payé au requérant ainsi que la date dudit paiement sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour la période où la dette de l’Administration a été définitivement fixée par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation à la période de versement de cette dette atteint le chiffre «209,6» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérantes, de nationalité turque, résidaient, à l’époque des faits, dans le village de Çiğdemlik, à Baskil (Elazığ). Mmes İsmihan et Habibe Özel sont femmes au foyer. Mme Raziye Özel est agricultrice. En 1981, l’Administration nationale des eaux (Devlet Su İşleri- « la DSİ ») décida d’exproprier entre autres trois terrains agricoles, autrefois cultivés, appartenant aux requérantes et sis à Baskil pour la réalisation du barrage hydroélectrique de Karakaya. Des indemnités d’expropriation fixées par la DSİ en contrepartie des trois terrains furent bloquées à la banque jusqu’à l’issue de la procédure d’expropriation. En 1986, à la suite de la construction du barrage de Karakaya, les trois terrains en question furent inondés. Par la suite, des indemnités d’expropriation furent payées aux requérantes. Le 23 septembre 1992, les requérantes saisirent le tribunal de grande instance de Baskil de trois recours en augmentation des indemnités d’expropriation versées par la DSİ. Par trois jugements du 25 février 1993, le tribunal de grande instance de Baskil enjoignit la DSİ à verser à chaque requérante une indemnité complémentaire de 680 325 000 livres turques (TRL), assortie d’un intérêt moratoire de 30 % à calculer à partir du 17 octobre 1986, date à laquelle les terrains en question furent inondés. Par trois arrêts du 4 novembre 1993, la Cour de cassation confirma les jugements de première instance. Le 3 novembre 1995, les requérantes perçurent chacune la somme de 2 532 657 000 TRL, soit au total 7 597 971 000 TRL, à titre d’indemnité complémentaire d’expropriation majorée d’un taux de 30 % l’an. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose : « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an en vertu de la loi n° 3095. Ce taux a été réajusté par ordonnance du 8 août 1997, d’après laquelle, à partir du 1er janvier 1998, le taux légal a été fixé à 50 % l’an. Enfin, une dernière modification est intervenue le 15 décembre 1999 d’après laquelle le taux légal est indexé à partir du 1er janvier 2000 sur le taux de réescompte appliqué par la banque centrale dans les crédits de courte durée. C. Données économiques L’inflation en Turquie, mesurée par l’indice des prix du détail, était, en 1993-1995, de 90,87 % l’an en moyenne. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, l’indice de l’inflation au mois de février 1994 (trois mois après la date de l’arrêt de la Cour de cassation) est de « 3 007,50 », l’indice de l’inflation au mois de novembre 1995 (période de versement de l’indemnité complémentaire) atteint le chiffre de « 10 592 ». En novembre 1995, le cours moyen du dollar américain était, selon les taux de change appliqués par la Banque centrale de Turquie, de 54 462 TRL.
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, ressortissants turcs, résidaient, à l’époque des faits, dans le village de Saraycık (à Vezirköprü, Samsun). Ils sont agriculteurs. En mai 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains des requérants pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées aux requérants à la date d’expropriation. Les requérants, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisirent, toujours en mai 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Ledit tribunal leur accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa aux requérants ces indemnités complémentaires dans des délais s’élevant à dix-huit ou dix-neuf mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Les montants des indemnités complémentaires, les dates des arrêts de la Cour de cassation, les montants payés aux requérants ainsi que les dates desdits paiements sont indiqués dans le tableau ci-dessous (en prenant en considération de la totalité des montants pour les procédures nationales qui ont la même date de décision définitive ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour les périodes où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation aux périodes de versement de ces dettes atteint les chiffres «229,4» et «239,4» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, ressortissants turcs, résidaient, à l’époque des faits, dans le village de Gökdoğan (à Durağan, Sinop). Ils sont agriculteurs. En octobre 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains des requérants pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées aux requérants à la date d’expropriation. Les requérants, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisirent, toujours en octobre 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Ledit tribunal leur accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa aux requérants ces indemnités complémentaires dans un délai s’élevant à vingt mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Le montant des indemnités complémentaires, la date des arrêts de la Cour de cassation, le montant payé aux requérants ainsi que la date dudit paiement sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de décision définitive ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour la période où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation à la période de versement de ces dettes atteint le chiffre «249,3» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l’époque des faits, dans le village de Saraycık (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d’expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Ledit tribunal lui accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires dans un délai s’élevant à quinze et dix-neuf mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Les montants des indemnités complémentaires, les dates des arrêts de la Cour de cassation, les montants payés au requérant ainsi que les dates desdits paiements sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour les périodes où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation aux périodes de versement de ces dettes atteint les chiffres «199,7» et «239,4» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, ressortissants turcs, résidaient, à l’époque des faits, dans le village de Gökdoğan (à Durağan, Sinop). Ils sont agriculteurs. En octobre 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains des requérants pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées aux requérants à la date d’expropriation. Les requérants, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisirent, toujours en octobre 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Ledit tribunal leur accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa aux requérants ces indemnités complémentaires dans un délai s’élevant à seize mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Le montant des indemnités complémentaires, la date des arrêts de la Cour de cassation, le montant payé aux requérants ainsi que la date dudit paiement sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de décision définitive ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour la période où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation à la période de versement de cette dette atteint le chiffre «209,6» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante était propriétaire d'un appartement sis à Venise. En 1964, elle conclut un contrat de location avec S.G. Le bail fut renouvelé tacitement chaque année jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 392 du 27 juillet 1978 qui, en application de l'article 58, prorogea le bail jusqu'au 31 décembre 1983. Le 30 juin 1982, la requérante informa le locataire de sa volonté de ne pas renouveler le bail à son échéance, soit au 31 décembre 1983, et lui demanda de libérer l'appartement à cette date. Par un acte signifié le 19 novembre 1982, la requérante l’assigna à comparaître devant le juge d’instance de Venise. Par une ordonnance du 25 novembre 1982, qui devint exécutoire le même jour, ce dernier confirma formellement le congé du bail et décida que les lieux devaient être libérés au plus tard le 31 décembre 1984. Le 23 septembre 1987, la requérante signifia au locataire le commandement de libérer l’appartement. Le 10 novembre 1987, il lui signifia l’avis que l’expulsion serait exécutée le 7 décembre 1987 par voie d’huissier de justice. Cependant, à cette date l’huissier se heurta au refus du locataire de quitter l'appartement. L’huissier fixa sa prochaine visite au 18 décembre 1987, mais à cette date le locataire refusa à nouveau de quitter l'appartement. Alors que l’huissier avait fixé au 18 mars 1988 sa prochaine visite, une législation d'urgence entra en vigueur le 8 février 1988, instaurée pour faire face à l'exceptionnelle pénurie de logements dans certaines communes, dont Venise. Le 18 mars 1988, l’huissier déclara la suspension de l'exécution et restitua les actes de la procédure d'exécution à la requérante. Le 15 septembre 1989, la requérante signifia au locataire un nouveau commandement de libérer l’appartement. Le 9 octobre 1989, il lui signifia l’avis que l’expulsion serait exécutée le 29 novembre 1989 par voie d’huissier de justice. A cette date, l'huissier se heurta au refus du locataire de quitter l'appartement. Ce même jour, l’huissier demanda à la préfecture de Venise d'octroyer le concours de la force publique et fixa sa prochaine visite au 23 mars 1990. Par une décision du 21 mars 1990, la préfecture de Venise octroya le concours de la force publique, dont la requérante pourrait se prévaloir dans la période allant du 1er avril 1991 au 1er juin 1991. Le 23 mars 1990, l’huissier se heurta au refus du locataire de quitter l'appartement. Ce même jour, l’huissier fixa sa prochaine visite au 31 mai 1990. A cette dernière date, l’huissier se heurta au refus du locataire de quitter l'appartement et fixa sa prochaine visite au 1er avril 1991. Pour des raisons qui demeurent inexpliquées, l’huissier ne se rendit pas chez le locataire le 1er avril 1991. Le 2 avril 1991, l’huissier renvoya sa visite au 31 mai 1991 et en informa la force publique pour qu'elle coopère. Le 22 avril 1991 entra en vigueur une législation d'urgence dictée pour faire face à l'exceptionnelle pénurie de logements dans certaines communes, dont Venise, disposant la suspension des procédures d'exécution d'expulsion des locataires jusqu'en 1994. Le 31 mai 1991, l’huissier de justice déclara la suspension de la procédure d'exécution pour l'expulsion du locataire et restitua les documents de la procédure à la requérante. L’exécution des expulsions dans la commune de Venise fut ultérieurement suspendue jusqu’en 1997. Suite à l’entrée en vigueur de la loi n° 431 du 9 décembre 1998 sur la réglementation des contrats de bail et de la libération des immeubles à usage d’habitation, le juge d’instance de Venise fixa la date de l’expulsion au 27 octobre 1999. Le locataire demanda que la date de l’expulsion soit différée de dix-huit mois, aux termes de l’article 6 de la loi n° 431/98. Le 31 mars 2000, le locataire libéra l’appartement. II. LE DROIT INTERNE Le droit interne pertinent est décrit dans l’arrêt Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, CEDU 1999-V.
0
0
0
0
0
0
0
1
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, ressortissant turc, résidait, à l’époque des faits, dans le village de Saraycık (à Vezirköprü, Samsun). Il était agriculteur. En mai 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains du requérant pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées au requérant à la date d’expropriation. Le requérant, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisit, toujours en mai 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü. Ledit tribunal lui accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa au requérant ces indemnités complémentaires dans un délai s’élevant à dix-huit et vingt et un mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Les montants des indemnités complémentaires, les dates des arrêts de la Cour de cassation, les montants payés au requérant ainsi que les dates desdits paiements sont indiqués dans le tableau ci-dessous (le tableau indique la totalité des montants fixés à l'issue des diverses procédures nationales qui ont la même date de décision définitive ainsi que la même date du paiement effectif). II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour les périodes où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation aux périodes de versement de ces dettes atteint les chiffres «229,4» et «259,2» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, ressortissants turcs, résidaient, à l’époque des faits, dans le village de Gökdoğan (à Durağan, Sinop). Ils sont agriculteurs. En octobre 1987, l’Administration nationale des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction des barrages, procéda à l’expropriation des terrains des requérants pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. Des indemnités d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ furent versées aux requérants à la date d’expropriation. Les requérants, en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisirent, toujours en octobre 1987, des recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Durağan. Ledit tribunal leur accorda des indemnités complémentaires d’expropriation qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains à ladite Administration. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation. La DSİ versa aux requérants ces indemnités complémentaires dans des délais s’élevant à seize ou vingt mois environ après les décisions judiciaires définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque, s’élevait à 70 %. Les montants des indemnités complémentaires, les dates des arrêts de la Cour de cassation, les montants payés aux requérants ainsi que les dates desdits paiements sont indiqués dans le tableau ci-dessous. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A. La Constitution Dans sa partie pertinente, l’article 46 de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum prévu pour les dettes de l’Etat (...) » A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois, soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B. La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat était de 30 % l’an à l’époque des faits. C. Le code des obligations L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de rendre sa décision sur le fond. » D. La jurisprudence de la Cour de cassation Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation, s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600, K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif, dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt composé de 30 % par une voie détournée. » Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…) Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent] le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 % fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur, en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E. Données économiques Le taux d’inflation annuel en Turquie, à l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente, en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour les périodes où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation aux périodes de versement de ces dettes atteint les chiffres «209,6» et «249,3» (paragraphe 14 ci-dessus).
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La genèse de l’affaire Le 16 janvier 1993, H.S. se présenta dans une gendarmerie pour signaler qu’il venait de recevoir un colis piégé, expédié de Provins, contenant une bombe de fabrication artisanale. Ses soupçons se portèrent sur le requérant en raison de menaces formulées par ce dernier et d’un contentieux locatif opposant les deux hommes. A la suite de l’ouverture d’une instruction, une perquisition effectuée dans le garage du requérant permit de découvrir du matériel similaire aux éléments constitutifs du colis piégé. Mis en examen par le juge d’instruction pour tentative d’assassinat, fabrication ou détention sans autorisation ni motif légitime d’engins meurtriers ou incendiaires agissant par explosion, le requérant fut placé sous mandat de dépôt par ordonnance du 19 janvier 1993. Une expertise graphométrique, ordonnée le 18 mai 1993 par le juge d’instruction de Soissons saisi de l’affaire, désigna le requérant comme étant le rédacteur des mentions manuscrites figurant sur le colis piégé et la lettre anonyme l’accompagnant. Le requérant nia en être l’auteur. Une nouvelle perquisition fut effectuée dans le garage du requérant, en raison de faits similaires datant de juillet 1992, et concernant un colis piégé adressé à Me Bouteil, administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Meaux dans une procédure collective relative à la société portant le nom du requérant. Une seconde expertise graphométrique confirma la rédaction, par le requérant, des mentions manuscrites du colis. Ces autres faits faisaient l’objet d’une instruction contre X dans un autre ressort. Par ailleurs, les expertises permirent d’exclure la responsabilité de son fils. Par ordonnance du 26 octobre 1993, les deux procédures furent jointes. Le 16 novembre 1993, un réquisitoire supplétif fut pris par le ministère public et le requérant fut à nouveau mis en examen, pour ces nouveaux faits. L’instruction De janvier à août 1993, le juge d’instruction délivra trois commissions rogatoires en vue de l’examen médico-psychiatrique du requérant. Les rapports furent déposés les 19 avril, 5 juillet et 13 août 1993. Les 28 septembre, 16 novembre 1993 et 11 octobre 1994, le requérant fut interrogé. Le 2 novembre 1994, le requérant demanda une contre-expertise graphologique. Le juge d’instruction fit droit à cette demande par ordonnance du 15 novembre 1994. Les experts déposèrent leur rapport le 8 février 1995. Les 15 novembre 1994 et 24 janvier 1995, deux témoins furent entendus. Suite à une commission rogatoire en date du 13 mars 1995, un rapport d’expertise médical fut déposé le 3 avril 1995. Le 13 juillet 1995, le juge d’instruction rejeta une demande de contreexpertise graphologique formulée le 30 juin. Le requérant interjeta appel de cette décision et, par ordonnance du 7 août 1995, le président de la chambre d’accusation la rejeta. Par arrêt du 25 juillet 1995, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Amiens rejeta une requête aux fins d’annulation de l’intégralité de la procédure datée du 30 juin 1995, visant en particulier un acte d’instruction. Par ordonnance du 17 octobre 1995, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif qu’il n’avait pas été déposé dans les délais légaux. Le 24 octobre 1995, le requérant fut confronté à H.S, suite à ses demandes datées du mois de juin 1995 et ayant été d’abord rejetées par le juge d’instruction. Le 31 octobre 1995, le juge d’instruction ordonna une expertise psychiatrique complémentaire. L’expert déposa son rapport le 10 janvier 1996. Par ordonnance du 27 février 1996, le juge d’instruction déclara irrecevable une demande de contre-expertise psychiatrique déposée par le requérant. Le 4 mars 1996, fut rendue une ordonnance de soit communiqué. Par ordonnance du 25 mars 1996, le juge déclara irrecevables de nouvelles demandes d’actes complémentaires. Le 19 avril 1996, après avis aux parties de fin d’information du 9 février 1996, le juge d’instruction de Soissons ordonna la transmission du dossier de la procédure au procureur général de la cour d’appel d’Amiens. Le 14 mai 1996, le premier président de la cour d’appel d’Amiens rejeta une demande de récusation formulée par le requérant contre le juge d’instruction chargé de l’affaire, aux motifs que l’instruction était close depuis le 9 février 1996, relevant que le requérant aurait pu formuler sa demande avant cette date. Le requérant reprochait au juge d’avoir refusé, dans son ordonnance du 25 mars 1996, d’entendre les soixante-quatorze témoins à décharge dont il avait sollicité l’audition. Par arrêt du 31 mai 1996, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Amiens ordonna un supplément d’information afin que le requérant se voie notifier la qualification pénale retenue pour les faits commis en juillet 1992, à savoir la qualification de tentative d’assassinat et non seulement de tentative d’homicide volontaire, nouvelle qualification à laquelle s’était rangé le juge d’instruction dans son ordonnance de transmission des pièces. Le requérant forma un pourvoi le 7 juin 1996 contre cet arrêt. Le 12 septembre 1996, eut lieu l’exécution du supplément d’information ordonné le 31 mai 1996. Par arrêt du 18 octobre 1996, le président de la chambre criminelle rejeta la demande d’examen immédiat du pourvoi et ordonna la poursuite de la procédure. Le jugement Par arrêt du 18 octobre 1996, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Amiens mit le requérant en accusation et le renvoya devant la cour d’assises de l’Aisne. Le 4 novembre 1996, le requérant forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par arrêt du 13 février 1997, la cour de cassation rejeta le pourvoi. Par arrêt du 3 octobre 1997, la cour d’assises de l’Aisne condamna le requérant à douze ans de réclusion criminelle et à l’interdiction de ses droits civils, civiques et de famille pour une durée de dix ans. Les demandes de mise en liberté Les 18 février et 17 mai 1993, le requérant forma des demandes de mise en liberté qui furent rejetées successivement par le juge d’instruction (ordonnances des 24 février et 17 mai 1993) et la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Amiens (arrêts des 16 mars et 11 juin 1993) aux motifs suivants : « Attendu que l’information suit un cours régulier ; que la perquisition effectuée à son domicile a permis de révéler des éléments intéressant l’enquête ; que des mesures d’instruction sont encore en instance, notamment les expertises psychologiques [arrêt du mars 1993], [et] notamment une expertise en écritures [arrêt du 11 juin 1993]. Attendu qu’il s’agit de faits particulièrement graves qui ont profondément troublé l’ordre public et que [le requérant] a été condamné plusieurs fois à des peines d’emprisonnement ferme pour des délits d’atteinte aux personnes ; il y a donc lieu à éviter les contacts ou pressions sur la victime, et à prévenir le renouvellement d’agression ». Par un arrêt du 29 septembre 1993, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant contre l’arrêt du 11 juin 1993. Les 14 juin, 13 juillet, 13 août et 16 septembre 1993, le requérant présenta des demandes de mise en liberté, rejetées par le juge d’instruction (ordonnances du 18 juin au 23 septembre 1993 dont celle du 22 juillet faisant état de ce que « les expertises psychiatriques concluent à une personnalité de type paranoïaque, rigide, et peu susceptible d’évolution »), puis par la chambre d’accusation (arrêts des 6 juillet, 10 août, 7 septembre et 15 octobre 1993). Le requérant forma alors un pourvoi en cassation en date du 25 octobre 1993, lequel fut rejeté par arrêt du 25 janvier 1994. Ces juridictions motivèrent leur décision de la même manière que précédemment en y précisant que deux expertises médicales datées de juin et août 1993 concluaient à la compatibilité de la détention du requérant avec son état de santé. Le 25 octobre 1993, le requérant présenta une nouvelle demande de mise en liberté, rejetée par le juge d’instruction et la chambre d’accusation les 3 et 23 novembre 1993. La Cour de cassation rejeta le pourvoi par un arrêt du 21 février 1994. Entre le 1er décembre 1993 et le 6 février 1995, le requérant présenta cinq demandes de mise en liberté rejetées par ordonnances du juge d’instruction – dont celle du 3 décembre 1993 qui disposa notamment « qu’une mesure de remise en liberté sous contrôle judiciaire inclurait des risques évidents pour les victimes des envois piégés » – et par arrêts de la chambre d’accusation qui firent état de ce que « l’expertise en écriture apporte des éléments accablants » (14 janvier, 17 mai, 25 août, 28 octobre 1994 et 28 février 1995). Le 21 juin 1995, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant contre l’arrêt du 28 février 1995. Par ordonnance du 10 janvier 1995, le juge d’instruction prolongea la détention du requérant pour une durée d’un an. L’appel interjeté par celui-ci fut déclaré mal fondé par la chambre d’accusation dans un arrêt du 31 janvier 1995 dans les termes suivants : « (...) que l’enquête de personnalité révèle un tempérament violent marqué par des passages à l’acte ; que d’après les expertises mentales, il présente une personnalité psychorigide marquée par des tendances impulsives, tous éléments qui laissent craindre de nouvelles réactions de violences, de pressions ou de représailles sur les tiers ; qu’il ressort de la procédure que [le requérant] a des projets d’évasion ; que [le requérant] encourt la peine de réclusion criminelle à perpétuité pour tentative d’assassinat, qu’en conséquence la prolongation de sa détention pour une durée d’un an est justifiée. Le maintien en détention du [requérant] est nécessaire pour empêcher une pression sur les témoins ou victimes, prévenir le renouvellement de l’infraction, préserver l’ordre public du trouble profond et durable causé par l’infraction, et s’assurer de sa représentation. » Les 6 mars, 16 mai et 20 juin 1995, le requérant présenta des demandes de mise en liberté rejetées par ordonnances du juge d’instruction (13 mars, 18 mai et 23 juin 1995 ; la dernière conclut ainsi : « (...) que l’instruction est ainsi clôturée et qu’une ordonnance de soit-communiqué devrait prochainement intervenir (...) ») et par la chambre d’accusation (arrêts des 4 avril, 13 juin et 11 juillet 1995). La Cour de cassation rejeta le pourvoi contre l’arrêt du 13 juin en date du 4 octobre 1995 et déclara la déchéance pour celui formulé contre l’arrêt du 11 juillet en date du 7 novembre 1995. Les 6 mars et 16 mai 1995, le requérant présenta deux demandes de mise en liberté rejetées par arrêts de la chambre d’accusation des 13 mars et 13 juin 1995, puis par arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 1995. Le 11 juillet 1995, la chambre d’accusation confirma une ordonnance de rejet d’une demande de mise en liberté du 20 juin 1995. Le 17 juillet 1995, le requérant forma un pourvoi en cassation. Par arrêt du 7 novembre 1995, la Cour de cassation prononça la déchéance du pourvoi. Le 17 juillet 1995, le requérant présenta une nouvelle demande de mise en liberté, rejetée par arrêt de la chambre d’accusation du 16 août 1995 puis confirmée par un arrêt de la Cour de cassation en date du 6 décembre 1995. Les demandes de mise en liberté du requérant des 31 octobre et 24 novembre 1995 furent rejetées par arrêts de la chambre d’accusation des 21 novembre et 19 décembre 1995. Le 12 mars 1996, la Cour de cassation rendit un arrêt de déchéance. La demande de mise en liberté du 22 décembre 1995 fut rejetée par ordonnance du 29 décembre puis confirmée par la chambre d’accusation le 16 janvier 1996 qui, sur l’état mental du requérant, fit observer ce qui suit : « (...) que d’après les expertises mentales, il présente une personnalité psychorigide marquée par des tendances impulsives, tous éléments qui laissent craindre de nouvelles réactions de violence, de pressions ou de représailles sur les tiers ; que le juge d’instruction, après avoir estimé inutile cette mesure, vient cependant d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique, dont les résultats devraient permettre de porter une appréciation plus affinée sur la dangerosité ou non [du requérant] (...) ». Le 14 mai 1996, la Cour de cassation rendit un arrêt de déchéance. Par ordonnance du 10 janvier 1996, le juge d’instruction prolongea la détention du requérant. Par arrêt du 30 janvier 1996, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Amiens confirma ladite ordonnance. Le requérant forma un pourvoi en cassation. Par arrêt du 14 mai 1996, la Cour de cassation cassa l’arrêt du 30 janvier 1996, en raison d’une omission de réponse au mémoire du requérant sur le moyen tiré de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Elle renvoya l’affaire devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Douai. Les 6 février et 18 mars 1996, le requérant présenta des demandes de mise en liberté. Elles furent rejetées par ordonnances du juge d’instruction des 13 février et 25 mars 1996 aux motifs, notamment, que le dossier faisait apparaître un risque de pressions sur les témoins et les victimes, qu’il fallait garantir la représentation du requérant, éviter le renouvellement de l’infraction, et protéger l’ordre public. Ces rejets furent confirmés par arrêts de la chambre d’accusation des 5 mars (qui précisa que « l’information est sur le point de se terminer puisque les avis de l’article 175 du code de procédure pénale ont été envoyés le 9 février 1996 ») et 18 avril 1996 et par la Cour de cassation en date du 15 octobre 1996. Le 8 juillet 1996, le requérant présenta une demande de mise en liberté auprès de la chambre d’accusation qui la rejeta par arrêt du 23 juillet en précisant « qu’au regard du délai raisonnable, par la multiplication des voies de recours intentées, le requérant retarde l’avancement de l’affaire qui le concerne ». Le 29 juillet 1996, le requérant forma un pourvoi en cassation. Le 4 février 1997, la Cour de cassation rendit un arrêt de déchéance. Le 1er octobre 1996, la chambre d’accusation rejeta une demande de mise en liberté du requérant du 13 septembre dans les termes suivants : « (...) Sur la demande fondée sur l’article 5 § 3 de la Convention : Le dossier ouvert primitivement pour une tentative d’assassinat a été regroupé avec un second, dans lequel [le requérant ] était mis en examen pour tentative d’homicide. Ce dossier a connu des difficultés procédurales inhérentes à la localisation des deux crimes dans deux ressorts judiciaires différents, d’une part, et d’autre part [le requérant] a saisi une trentaine de fois la chambre d’accusation de diverses demandes, et a formé des recours nombreux contre les arrêts de la chambre d’accusation, ce qui tout en étant parfaitement son droit, a contribué à allonger si peu que ce soit même à chaque fois, mais nécessairement, les délais d’accomplissement des diligences. Ce dossier complexe a rendu obligatoires de multiples vérifications très précises, des expertises et contre-expertises (graphométriques, mentales) expliquant la durée objectivement longue de la procédure. [Le requérant] a formé un pourvoi contre un précédent arrêt du 23 juillet 1996 de la chambre d’accusation ordonnant sa mise en examen supplétive, au risque de paralyser le règlement définitif de la procédure. (...) Attendu que le délai raisonnable dans lequel une personne doit être jugée doit être apprécié selon chaque procédure et les difficultés présentées ; attendu que compte tenu des multiples investigations indispensables, la durée de la détention du requérant, bien que longue, ne peut être qualifiée de déraisonnable, et la demande de mise en liberté fondée sur le non respect d’un délai raisonnable ne saurait être accueillie ». Le requérant forma un pourvoi en cassation le 11 octobre 1996 mais se désista le 22 octobre. Les 10 octobre et 25 novembre 1996, le requérant présenta des demandes de mise en liberté, rejetées par arrêts de la chambre d’accusation des 29 octobre et 13 décembre 1996. Par arrêts du 13 février 1997, la Cour de cassation dit n’y avoir lieu à statuer sur les pourvois du requérant au motif qu’il était désormais détenu en vertu de l’ordonnance de prise de corps suite à son renvoi devant la cour d’assises. Par arrêt du 25 février 1997, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Douai, statuant sur renvoi, confirma l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire. Dans son arrêt, la chambre d’accusation rappela qu’elle était tenue de statuer dans les meilleurs délais, au regard notamment de l’article 5 § 4 de la Convention, disposition invoquée par le requérant : elle releva que l’arrêt de cassation du 14 mai 1996 avait été signifié aux parties fin septembre 1996 ; que le dossier avait été réclamé à la cour d’appel d’Amiens le 30 septembre 1996, avec des rappels les 5 décembre 1996 et 30 janvier 1997, pour ne parvenir finalement au greffe de la cour de Douai que le 3 février 1997. Elle estima que nonobstant ces contingences matérielles, la procédure avait été régulière, n’avait connu aucun temps mort et, enfin, avait laissé entier le droit pour le requérant de déposer de nouvelles demandes de mise en liberté au juge d’instruction. Concernant le maintien en détention, la cour, après avoir relevé que le requérant avait déjà été condamné pour des faits de violence, l’estima nécessaire pour préserver l’ordre public, éviter les pressions sur témoins et victimes et prévenir le renouvellement de l’infraction. Elle releva enfin que les explications du requérant avaient imposé le recours à de nombreuses vérifications matérielles, auditions, confrontations, expertises et contre-expertises. Le requérant forma un nouveau pourvoi en cassation. Par arrêt du 12 juin 1997, la cour de cassation dit n’y avoir lieu à statuer. Le 2 juin 1997, le requérant fit une demande de mise en liberté devant la cour d’assises. Par arrêt du 6 juin 1997, la cour d’assises rejeta cette demande en précisant que : « (...) le requérant ne peut se plaindre de ne pas avoir été jugé aux sessions de décembre 1996, mars 1997 et à l’actuelle session dans la mesure où il s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de renvoi ; que ce pourvoi a été rejeté en février 1997 ; que l’affaire ne pouvait donc, compte tenu des délais d’audiencement, être fixée à la présente session ; qu’en revanche, ce dossier sera évoqué à la session de septembre 1997, soit dans trois mois ; que compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés, de la peine encourue, des risques inhérents à la personnalité de l’accusé, déjà condamné pour violences, il convient de considérer que la détention effectuée, notamment depuis que l’arrêt de renvoi est devenu définitif, n’est pas déraisonnable au sens de la Convention européenne des Droits de l’Homme (...) »
0
0
0
0
0
0
1
1
0
0